REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES TOME SEPTIÈME REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES PARAISSANT LE 15 ET EE 30 DE CHAQUE MOIS Direcreur : Louis OLIVIER, Docreur És Screxces TOME SEPTIÈME 1896 AVEC NOMBREUSES FIGURES ORIGINALES DANS LE TEXTE PARIS CGOARRÉ et C: NAUD: Éditeurs 3, RUE RACINE. 3 1896 à (EURE 71: ANNÉE 15 JANVIER 1896 je Drm à REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES | PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 575,1 Û 616 De tout temps, l’hérédité en biologie, en physio- logie comme en pathclogie, a tenu une place considérable. Il s’agit là d’un facteur qui intéresse au plus haut degré le naturaliste; le médecin, de son côté, le tient pour très important. La découverte du monde des microbes, qui a imprimé des progrès à tant de branches de la science, à tant de problèmes, n’a pas été sans reten- tir sur cette question de l’hérédité. Au premier abord, la bactériologie, dans le domaine de la cli- nique, a paru restreindre la portée de l’action des ascendants sur les désordres ultérieurs : le mal a été proclamé l’œuvre du germe pathogène, de lui seul. On n'a pas Lardé à reconnailre que, si parfois il en était ainsi, souvent aussi les choses se passaient différemment; on a vu promptement que la prépa- ration du terrain, modifié par des causes secondes ou par des influences familiales, fréquemment entrait en ligne de compte. On s’est bien vile aperçu qu'en s'exerçant dans le sens de l’affaiblis- sement, cesinfluences familiales appelaient l’infec- tion, que cetteinfection, par voie de retour, appor- tait le trouble dans la descendance. — D'autre part, on a saisi le passage direct du virus des géné- raleurs aux rejetons. Pourvu de méthodes nouvelles, placé en face d'agents vivants précis, définis, le chercheur a bien- tôt pu aborder de nouveau ces études, en tenant comple avant tout des acquisitions positives, des 1 Les expériences principales rapportées en cet article ont été faites avec la collaboration de M. Gley. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896 L'HÉRÉDITÉ EN PATHOLOGIE faits nettementélablis, sans se préoccuper exclusi- vement des doctrines relatives aux gemmules, aux plastidules, au plasma germinatif, à la préformation, à la périgénèse, à l’épigénèse, à la polarigénèse, à la pangénèse, aux sélections, aux tendances ances- trales, aux conceptions de Darwin, de Heckel, de Hertwig, d'Herbert Spencer, de Weissmann, etc. Un des points de vue les plus simples, parmi les nombreuses données du problème, est celui qui a trait au passage direct du virus; pourtant la solu- tion n’est pas sans être encore discutée. Quand on prétend que le placenta retient les bac- téries, il est sous-entendu qu'il s’agit du placenta normal, absolument sain. Personne, en effet, lors- qu'on soutient que le rein est imperméable à l’al- bumine du sang ou que les filtres de porcelaine ne sont pas traversés par lesagents pathogènesfigurés, personne, en eflet, dans ces conditions, ne songe à un rein scléreux ou dégénéré, à un filtre perforé. Or, la plupart de ceux qui ont infirmé la loi de Brauell-Davaine se sont bornés à semer les tissus fœætaux, sans s'inquiéter de l'état anatomique de ce placenta. Quelques-uns, à l'exemple de Malvoz, de Lubarsch, de Johne, Ernst, Lehmann, etc., ont examiné cet organe; le plus souvent, pour ne pas dire constamment, ils ont, au cours de cesexamens, noté des altérations; pourtant ces examens eux- mêmes plus d’une fois sont demeurés incomplets 1 On lira avec le plus grand profit l'ouvrage magistral du Pr Delage : La Structure du Protoplasma et les Théories de l'Hérédilé. 1 9 D: A. CHARRIN — L'HÉRÉDITÉ EN PATHOLOGIE Dans les travaux de Straus, Chamberland, Perron- cito, Czokor, Schmorl, Bireh-Hirschfeld, Sanchez- Toledo, Frascani, Bein, Auché, Sabrazès, Cham- brelent, Neuhauss, etc. cerlains détails manquenl. A l'heure présente, il est permis encore de se demander si l’on peut rencontrer, dans un nombre de cas suflisant pour imposer la conviction, d'une part, le délivre intact d'une façon intégrale, d'autre part, des bactéries dans les viscères des nouveau- nés. D'un autre côté, on s’est peu préoccupé des causes propres à influencer, pour une même espèce microbienne et animale, ces sortes d’inoculations intra-ulérines ; on a signalé, dans ce délivre, quel- ques hémorrhagies, quelques lubercules, quelques désordres vasculaires; c’esttout, ou à peu près, du moins dans le domaine de l’expérimentation. En revanche, les études anatomo-pathologiques ont révélé des modifications notables de dégéné- rescence graisseuse, muqueuse, elc., dans les diverses couches du placenta, des anomalies dans son insertion, dans son développement, ete. — Il résulte de ces constatations que la barrière destinée à retenir les germes estsouventimparfaite, surtout chez les infectées, dans les cas où sa protection devient le plus nécessaire. Chez ces infectées, le virus altère une série de tissus, de viscères : le rein, le foie, la rate ; on ne voit pas de raisons propres à éloigner ces altérations des éléments placentaires. Cependant ces lésions peuvent faire défaut; les germes, néanmoins, parviennent à passer; on est donc conduit à se demander pourquoi, en dehors de ces modifications de structure, ici le passage se réalise, tandis que là il fait défaut, variations qui se déroulent parfois sans changer de bacille. Ces raisons, d’autres encore, nous ont amené à entreprendre des recherches, aulaboratoire du Pro- fesseur Bouchard, pour apporter quelques éclair- cissements dans ces questions. I il nous a paru que le rôle des toxines, pour plu- sieurs motifs, devaitétreélucidé enpareille matière. Ces toxines ! entrent en jeu dans la genèse de l'immense majorité des accidents infectieux; elles altèrent les Lissus; elles jouissent de propriétés vaso-motrices ; par conséquent, elles peuvent agir sur le mécanisme de ces passages; car l'importance de l’état anatomique du placenta, du degré de vi- tesse ou de pression du sang n’est plus à démon- trer. Ces principes sont, en outre,hémorrbagipares; or, les hémorrhagies, nousl’avons rappelé, ont élé observées dans des faits de l’ordre de ceux que 1 L'usage nous oblige, en quelque sorte, à user de ce terme de toxine, qui veut dire poison microbien, sécrétion bacté- rienne, sans d'ailleurs comporter aucune indication de for- wule, comme pourrait le faire croire la désinence ine. nous étudions. Enfin, introduites après les germes, ces substances exaltent ces germes, surtout au point de vue de leur quantité ; elles facilitent ainsi l'invasion du filtre maternel. Ajoutons que ces éléments existent, par défini- tion, dans la circulation des femmes infectées; les injecter, c'est se rapprocher de ce qui se passe en clinique. Nous avons, d'ailleurs, établi, avec Gley, la part qui leur revient dans les avortements, dans certaines transmissions héréditaires. Le 2 mai 1894, une première cobaye recoit, en injec- tion sous-cutanée, un demi-centimètre cube de mal- léine ; une seconde cobaye, un demi-centimètre cube de tuberculine ; une troisième, un centimètre cube detoxi- ne pyocyanique. Ces trois premiers sujets, ainsi qu'un quatrième, devant servir de témoin, sont ensuiteino- culés avec un centimètre cube d’une culture de bacille pyocyanogène. Les quatre animaux sont trouvés vivants le 3 mai. — Ils sont alors sacrifiés et leurs fœtus, recueillis très asepliquement, servent à ensemencer des tubes d’agar. Les cultures faites avec les embryons des animaux ayant recu des toxines sont déjà bien développées 24 ou 48 heures après ces ensemencements; la teinte caractéristique est manifeste. Le tube de gélose quia recu les tissus fætaux du sujet servant de témoin est resté stérile. Le 5 mai, quatre femelles de cobaye sont traitées comme celles de la précédente expérience. Le lendemain, deux animaux sont trouvés morts dans la cage. Le premier avait recu de la malléine, le secondde la tuberculine. Le sujet inoculé avec des toxi- nes pyocyaniques et le témoin vivent encore, mais ils sont très malades, — Ilssont sacrifiés. — Des ensemen- cements sont faits sur agar avec les fœtus de ces diffé- rents animaux. Seuls, les fœtusde l'animal simplement inoculé n'ont pas donné de culture. Quatre femelles de cobaye sont soumises au traite- ment mis en œuvre dans les deux premières séries. Le lendemain, 20 mai, tous les animaux sont mis à mort; leurs fœtus sont ensemencés dans des tubes de gélose, qui présentent bientôt de belles cultures, à l'exception cependant de celui du témoin, qui reste en- core stérile. Le 2 juin, les opérations faites sur les cobayes des séries précédentes sont répétées sur quatre nouveaux sujets. — Le 3 juin, le témoin seul est trouvé vivant, — Les ensemencements réalisés sur gélose donnent des résultats identiques à ceux qui ont été signalés dans les expériences que nous venons de rapporter. Les résultats, avec des nuances bien entendu, se sont toujours produits dans le même sens; une seule fois, dans l’ensemble de nos recherches, que nous ne pouvons donner ici avec tous les détails, un lémoin a fourni des fœtus contaminés. — Ces résullals, grâce surtout aux propriétés du bacille utilisé, el quoique d’autres germes venus de l'in- testin puissent passer, sont néanmoins de la der- nière évidence. Les faits parlent d'eux-mêmes : les loxines ont ici favorisé notablement le passage des bactéries au travers du placenta, sans qu'on soit en droit SE, à dltlt nid NOUS D pr JA st D' A. CHARRIN — L'HÉRÉDITÉ EN PATHOLOGIE ù 3 d'affirmer que toutes les toxines agissent de la sorte ; d'autre part,dans les conditions où nous nous sommes placés, malgré l’'énormité de la dose, ce placenta a souvent retenu les infinimentpetits, la où le poison additionnel faisait défaut. Il est vrai que la marche a été foudroyante, que les bacilles, chez les témoins, n’ont pas eu le temps de déterminer des lésions suffisantes, des modifications créés en parlie, chez les sujets à la fois infectés el intoxi- qués, par les toxiques additionnels. Les glandes, dont se rapproche le délivre à quel- ques égards, semblent constituer, le plus souvent, d'excellentes barrières; toutefois, si le mal se pro- longe, les sécrétions bactériennes lèsent ces bar- rières; la brèche se réalise, les agents figurés y pénètrent; la chose s’observe pour le rein, qui se laisse franchir par les parasites, quand les toxiques l'ont alléré. Telles sont les premières données enregistrées. Ajoutons que les tissus des fœtus, chez les ani- maux à la fois infectés et intoxiqués, fournissent des cultures infiniment plus abondantes et plus riches en matières pigmentaires que les organes des embryons des sujets simplement infectés. IT Ces recherches devaient nous conduire à étudier l'influence des autres poisons, à voir ce qui se passe lorsqu'on fail pénétrer dans l'organisme des substances qui, telles que lalcool, le plomb, le mercure, proviennent du monde extérieur, ou celles qui, dans certains cas, dérivent de la vie de nos cellules, comme l'acide lactique. En réalisant ces diverses intoxications, on se rapproche des conditions de la clinique; car, chez la femme, les professions, les excès, les vices de nutrilion, peuvent faire apparaitre dans l’écono- mie ces diflérents principes, de même que les affections microbiennes y déterminent la présence des toxines. Il suffit de rapporter quelques expériences pour que l’on puisse aisément juger de l’importance de ces empoisonnements dans la question éludiée : Le 13 juin, deux femelles de cobayes recoivent, en injection sous-cutanée, un demi-centimètre cube d’al- cool absolu; deux autres cobayes, un centimètre cube d’une solution aqueuse d’acide lactique à 30 p. 100, — Ces quatre premiers animaux, plus un cinquième servant de témoin, sont ensuite inocuiés avec un centimètre cube de culture en bouillon du bacille pyocyanique. Les deux premiers sujets sont seuls trouvés vivants, le 14 juin. — Ils sont sacrifiés; leurs fœtus, ainsi que ceux des animaux ayant succombé, sont employés à ensemencer des tubes de gélose, — Ces tubes donnent le lendemain des cultures, à l'exception cependant de celui du témoin et de celui d'un des sujets légèrement intoxiqués par l'alcool. Le 17 juin, l'expérience précédente est répétée avec cinq autres cobayes. — Le lendemain, tous les animaux sont trouvés vivants; ils sont mis à mort, — Des tubes d'agar sont ensemencés avec les tissus de leurs fœtus ; — seuls, les fœtus des cobayes soumises à l’action de l'acide lactique et de l’alcool ont fourni des végétalions abondantes. Le 26 juin, deux cobayes recoivent, sous la peau, un demi-centimètre cube d’une solution aqueuse de su- blimé corrosif à 4 p. 100, — Ces deux premiers ani- mauxet un troisième devant servir de témoin son£ ino- culés avec deux centimètres cubes d’une culture en bouillon de bacille pyocyanogène. — Le lendemain, ces animaux sont tués. — Les tubes de gélose ense- mencés avec les tissus de leurs fœtus sont restés sté- riles. Le 2 juillet, deux femelles de cobayes en gestation recoivent, en injection sous-culanée, un demi-cenli- mètre cube d’une solution aqueuse d’acétate neutre de plomb à 1/20: deux autres cobayes, un centimètre cube d’une solution aqueuse de chlorure mercurique. Ces animaux et un cinquième, le témoin, sont ensuite inoculés à l’aide d’une culture du bacille du pus bleu. Le 3 juillet, ces sujets sont vivants; ils sont sacrifiés. — Des tubes de gélose sont ensemencés avec les tissus de leurs embryons. — Les fœtus d’un des animaux ino- culés avec le sublimé, ceux d’une des femelles soumises à l'influence du plomb et ceux du témoin n'ont pas fourni de culture; les autres ont donné des pigments. Les conclusions se lirent d'elles-mêmes. — Il reste à déterminer les mécanismes qui permettent le passage des micro-organismes au travers du pla- centa des animaux intoxiqués. Ilest clair qu'au premier rang prennent place les allérations anatomiques, ces modifications qui, pour un véritable filtre, correspondraient à des fissures, à des perforations; ces causes nous sont déjà connues, aussi bien que celles qui découlent des fluctuations dans la rapidité, dans latension du courant. — Quand il s’agit d'une paroi glandulaire, on exige à tout prix des détériorations matérielles, saisissables, pour expliquer les changements observés dans les liquides transsudés. Or, qui pourtant ignore la genèse de ces albuminuries, de ces iclères, qui surviennent en dehors de toule né- phrile, de toute hépatile, sous l'influence seule des conditions physiques circulatoires, sous l'ac- tion de ces conditions qui modifient l’osmose, la dialyse, soil à vitro, soit dans l'économie. On a quelque droit d'invoquer de pareils fac- teurs, lorsqu'on sait que les poisons, que les toxines utilisées resserrent ou dilatent les capil- laires, précipitent ou ralentissent le mouvement sanguin, élèvent ou abaissent la pression. Il y a donc lieu de penser que ces propriétés rendent et plus aisé et plus fréquent le passage des germes de la mère au fœtus. — D'autres données entrent en jeu. J'ai établi, avec Duclert, que les injections de cultures stérilisées atténuaient l'afflux cellulaire, partant la phagocytose, que provoque, chez des rs sujets vaccinés, l’inoculation sous-cutanée d’un mi- crobe dont l'immunisation a diminué la virulence. On peut, dès lors, supposer que les ferments figurés, venus du dehors ou de l'intestin, chez les animaux intoxiqués, se mulliplient plus abon- damment, puisque cette intoxication a fait fléchir un des modes de défense, un des procédés mis en action pour restreindre la pullulation de ces fer- ments. Par suite, les tissus des femelles em- paisonnées contenant plus d’infiniment petits, les chances de contamination sont plus nombreuses, tant parce que les agents de celte contamination se sont mullipliés, que pour cet autre motif, à savoir que les variations dans la structure, dans la circulalion, à l'instant mises en cause,s'accentuent du jour où leurs générateurs se reproduisent plus promptement. Toutefois, ces considérations ne placent en lu- mière qu'une seule manière d'hérédité, la plus simple, la plus claire, l'hérédité directe, celle qui consiste dans la transmission de l'agent morbide lui-même; dans ce cas, c'est bien le mal, le virus, l'être créateur de ce mal, de ce virus, qui va de l’ascendant au descendant; le premier donne au second un de ses attributs, ou mieux, une de ses parties, un des éléments de son tout. III En revanche, les choses se comprennent moins rapidement, lorsque cette hérédilé est indirecte, lorsqu'elle porte sur le terrain, sur la modalité nutritive, sur la manière de vivre, de fonctionner, lorsqu'elle touche aux influences exercées, parfois en dehors de véritables transmissions, par les générateurs sur les engendrés. Depuis près de cinq ans, nous poursuivons à la campagne, Gley et moi, des séries d'expériences destinées à éclairer ces questions. Nous avons vacciné, ou légèrement intoxiqué, à l'aide des sécrétions du bacille pyocyanique, des couples de lapins, tantôt les mäles, tantôt les fe- melles, tantôt les deux; ces vaccinations, ces in- toxications atténuées une fois réalisées, on a réuni ces mäles et ces femelles à un moment, — vingt jours après au minimum, — où ces sécrétions élaient éliminées, suivant la notion établie par des recherches de Charrin et Rüffer, de Carl Fran- kel, etc. Du reste, ce qui prouve quele plus souvent les modifications enregistrées étaient dues à desin- fluences sur la vie des cellules, non à la présence d'un élément venu du dehors, c’est que la mère exceplionnellement " a été impressionnée d’une facon plus marquée que le rejeton. Les résultats obtenus se sont traduits par de la RER ee le Le is. LL tt Set 1 Si, en eflet, le bacille ou la toxine avaient été les agents D' A. CHARRIN — L'HÉRÉDITÉ EN PATHOLOGIE stérilité, dans un tiers nombreux de morti-natalité , d’avortements, de morts promples; 64 petits environ ont succombé dès les premiers jours, alors que, pour les ani- maux témoins, ces accidents ne se sont produits que à fois sur 97. Parmi les survivants, les uns se sont développés normalement; les autres, 11 surtout, ont offert une résistance augmentée, accroissement qui a manqué absolument chez 26 rejetons de lapins dépourvus de {oxiques. Quelques-uns, 5 en parti- culier, ont pesé, à 4et 6 mois, de 600 à 700 grammes, tandis que les nouveau-nés, provenant d’ascen- dants dans un élat physiologique, atteignaient sen- siblement le kilo. Dans la foule de ces nouveau-nés, pris comme termes de comparaison, on a enregistré de légères difformités, spécialement des oreilles incomplètes, atrophiées ; mais, ce que nous n’avons pas noté, en dehors des fils d’infectés, ce sont des torsions os- seuses, portant de préférence sur les fémurs ou le Libia, ce sont des arrêts de développement rédui- santun membre inférieur aux trois quarts, à la moitié de sa longueur, ce sont des suppressions de tout le squelette du pied, la jambe se terminant par une sorte de moignon, ce sont des perturba- tions variées (fig. 1 et 2), parfois groupées sur le même sujet, qui rappellent l'hémitérie de Geoffroy Saint-Hilaire, ou, dans d’autres conditions, à d’autres égards, les processus d’ectomélie, d'ampu- tation congénitale, processus que la nécropsie pourra éclairer. Or, que savons-nous, en pareille malière, de par l'observation? Nous savons que les femmes in- fectées, intoxiquées, que les femmes syphilitiques sont infécondes, qu’elles avortent, qu’elles donnent naissance à des enfants porteurs de lésions spéci- fiques, partant vaccinés, à des enfants qui ne vivent pas, à des enfants qui demeurent malingres, qui font des rachitiques, qui présentent des pieds- bots, des becs-de-lièvre, etc., ou encore à des en- fants heureusement bien conformés. Nous avons donc élé conduits à voir l’expéri- mentation reproduire les différents accidents con- nus en pathologie, en clinique. Toutefois, ces recherches, en satisfaisant la curiosité de l'esprit à des points de vue multiples, comportent d’inté- ressants enseignements. directs de ces processus, on les aurait rencontrés plutôt chez les femelles. — On concoit, d'autre part, à quelques égards, qu'il est plus aisé de donner un type particulier à des tissus naissants qu'à des viscères déjà en fonctions. — Toutefois, dans ces questions, surtout pour l’immunité, le père, parfois, influence le fils par l'intermédiaire de la mère; nous l’avons reconnu. 1 À la seconde génération, autrement dit, chez ceux des rejetons qui survivent, on observe les mêmes accidents. des cas, par des faits D' A. CHARRIN — L'HÉRÉDITÉ EN PATHOLOGIE Ellenese bornentpas ànous permettre d'observer sur l'animal ce qui se passe dans l'espèce humaine ; elles vont au delà. Tout d'abord, elles dégagent ces faits d'hérédité des mille circonstances, mani- festes ou latentes, propres à rendre ces résultats complexes. Chez une mère atteinte par le virus vénérien, ce virus a pu agir, et, au demeurant , agit souvent sur lades- cendance; toute- fois, la misère, les émotions, les pri- valions, les fali- gues, les toxiques, les médicaments, etc., une série de facteurs ont pu je- ter le trouble dans la genèse du phé- nomène, en appor- tant le contingent de leurs effets. Chez nos ani - maux,rien desem- blable; ïls sont installés dans d'excellentes con- ditions hygiéni - ques; leur santé, en apparence du moins, parait bon- ne; rien ne les distingue de leurs voisins , les té- moins, si ce n'est l'intervention, l'in- jection des toxi- nes; seule, celte cause a élé mise en jeu pour in- fluencer les reje- tons. Vouloir faire intervenir un au- tre élément, c’est formuler une hy- pothèse purement gratuite, c’est éle- ver une objection à laquelle n'échappe aucune expé- rience. Fig parents avaient reçu des inje IV Nos recherches ont permis de dissocier les parts respectives du mâle et de la femelle. Quand, par exemple, nous avons voulu étudier la transmission de l'immunité, nous avons, au préalable, vacciné tantôt les deux générateurs, tantôt l’un à l’exclu- Fig. 1 et 2. — Malformations obser sion de l’autre. Cette transmission de l’immunité est toujours chose rare; mais cette rareté aug- mente, si la mère uniquement a été rendue réfrac- taire ; elle devientinouie, lorsqu'on s’est adressé au père. On sait combien, à cet égard, les observations médicales pures laissent à désirer, à ce point que ce rôle du père soulève encore quelques discus- sions. La méthode ex- périmentale sim- plifie donc le pro- blème; elle isole le vrai facteur :elle le dégage des a- gents capables de fausser la solu - tion ; elle fixe, elle précise les don- nées; elle va au delà ; elle permet d'aborder les se- crets du mécanis- me des phénomè- nes enregistrés. Les substances toxiques, en circu- lant dans un orga- nisme, altèrent les tissus, les viscè- res, le rein, lefoie, les glandes, l’ap- pareil génital ; l'orchite n’est pas chose impossible là où a passé la sécrétion d’un mi- crobe, celle du ba- cille d'Eberth, cel- le du bacille pyo- cyanique, du mi- crocoque de la blennorrhagie, de l'agent dela vario- le, des oreillons, etc. Or, cette sé- crétion disparait, la bactérie succombe; mais, malheureusement, le trouble cellulaire qui a intéressé l’épithélium géné- rateur de spermatozoïdes ou d’ovules quelquefois persisle ; ces spermatozoïdes, ces ovules sont pour toujours ou pour longtemps des organites mala- des, malades anatomiquement ou fonctionnelle- ment, en {out cas malades, impropres à la procréa- tion. Dès lors apparait un des modes pathogéni- LEE vées chez de jeunes lapins dont les clions de toxine pyocyanique. 6 D' A. CHARRIN — L'HÉRÉDITÉ EN PATHOLOGIE TE ——_—_——— ———"—_—— ques, une des raisons d’être des stérilités obser- vées en clinique comme en expérimentalion. Toutefois, ces modifications cellulaires revètent toutes les intensités; la vitalité peut être suffisante pour que la fécondation ait lieu;ces degrés divers d’altération sont fonction de la quantité, de la qua- lité des toxines, ou de la résistance du terrain, dans ce cas, de la glande génitale. nn donc la réalisation de cette fécondation c'est-à-dire la fusion de deux éléments l’un et l’autre imprégnés par des poisons que la nature ou la recherche ont introduits. L'union de ces deux éléments anormaux ne saurait donner nais- sance à autre chose qu’à un être lui-même anomal. En se divisant, cet être va former de nouvelles cel- lules ; chacune d'elles, fragment de cet être, dérive d'une de ses molécules hypertrophiées, segmentées, d'un des atomes de son-protoplasma. Or, ce proto- plasma, par conséquent ce fragment, ces molé- cules, ces atomes, grâce à l'influence du principe toxique mis enjeu, n'ont jamais possédé l'énergie, l'activité nutrilive physiologique. Il en résulte que ces nouvelles cellules, que leur ensemble qui cons- tilue le nouveau-né, seront impuissantes à évoluer; elles succomberont ou se développeront d'une manière insufiisante. Il n'est même pas nécessaire que tous les élé- ments soient impressionnés ; élanten équilibre ins- lable, il suffit parfois, suivant la remarque denotre regretté ami Chabry, de toucher à l’un de ces élé- ments pour intéresser les voisins; enlevez; dans une pile de boulets, un de ceux que l’on a placés à la base, la pyramide aussitôt se désagrège. Chabry utilisait des agents mécaniques qui lui ré- vélaient cet équilibre physique. Nos poisons font soupÇçonner dans les atomes un autre équilibre, l'équilibre chimique; ils prouvent qu'un fait d'ori- ginespontanée a pourlant une cause réelle qui a agi sur les parents: ils établissent, d’un autre côté, la possibilité de voir des monstripares bien conformés. Si l'effet de la toxine a élé uniformément ré- parti, ce nouveau-né, dans toutes ses parties, croitra lentement : le nanisme sera réalisé. Si, au contraire, en raison de sa position, de la dis- Wibution du courant sanguin, tel ou tel bourgeon a reçu plus de matière nocive qu'un autre, on verra l’atrophie frapper ce bourgeon, ou encore un segment spécial, comme le membre postérieur : il y a, dans ces circonstances, hérédité partielle, attendu que la substance héréditaire ne s’est point distribuée d’une manière égale. Y Lorsque les générateurs rendus malades ont procréé des rejelons difformes, sans être eux- mêmes mal formés, on est en droit de voir, dans ce fait, une influence de ces générateurs sur ces reje Are. mais il n’y a pas hérédité proprement dite; il n'y a pas là transmission d'un attribut possédé. — Il n’en est pas de même pour l’im- munilé. Dans cette hypothèse on confère aux as- cendants une propriété qu’ils n’avaient pas; or, si cette propriété se rencontre chez les animaux issus de ce mâle réfractaire, accouplé à une femelle éga- lement vaccinée, on se lrouve en présence de la transmission d'un caractère acquis ; celte trans- mission, conslatée, infirme sur ce point la théorie de Weissmann. Mais il y a plus: quand on ana- lyse le mécanisme de l’accroissement de résistance aux virus, on voil que cet accroissement résulte de la mise en jeu de défenses, les unes statiques, hu- morales, passives, les autres dynamiques, cellu- laires, actives. Les premières consistent dans la présence, au sein des plasmas, soit de malières bactéricides, nuisibles à la parfaite évolution des germes vivants, soit de substances antiloxiques propres à atténuer l’activité des sécrétions de ces germes. Les secondes se traduisent par l'interven- Lion d'éléments anatomiques englobant, ingérant, détruisant les infiniment petits. Simême on veutsimplifier ces données, on voit que tout dérive de la cellule. Il est bien certain, en effet, que la composition des humeurs est à la merci des solides; ces humeurs ne vivent pas; parlant elles sont incapables d'ajouter, de sous- traire, de modifier quoi que ce soit. Les toxines vaccinantes, en séjournant dans l'économie, ont conduit les tissus à opérer leurs échanges dans un milieu nouveau, au contact de composés inconnus. Placés dans ces condilions, ces tissus ont acquis une modalité nutritive spé- ciale; à partir de ce moment, ils ont su fabriquer des corps protecteurs, nuisibles aux bactéries ou à leurs sécrélions; en outre, certains organites, en particulier, ont développé leurs attributs d'inges- tion, de digestion, de ferments figurés. Ne voit-on pas les sels de plomb amener, chez les peintres en bàliments, l'accumulation des acides, l'apparition de principes qui, auparavant, n’exislaient pas ou disparaissaient, ne se rencontraient que dans de minimes proportions? — Les conditions ambiantes, les influences extérieures : voilà les grands facteurs propres à changer l’évolution des espèces! Or, dans des cas assez rares, à la vérité, dans deux, il a été possible de constater, chez les nou- veau-nés, les réactions de l’état microbicide, dû- ment enregistré, d'autre part, chez les ascendants. Cet état microbicide dépend de la fabrication de composés spécifiques qui ne viennent pas de l'extérieur : ils ne peuvent dériver que de ces nouveau-nés eux-mêmes. Il en résulte que ces re- jetons possèdent le pouvoir de leur donner nais2 D° A. CHARRIN — L'HÉRÉDITÉ EN PATHOLOGIE 7 sance; comme, d'un autre côté, cet attribut était l'apanage des générateurs, il s'ensuit que les cel- lules de ces générateurs ont conféré cet attribut à celles des descendants; elles leur ont, de mème, conféré la propriété de sécréter la bile, la sa- live, etc. = Du reste, les molécules de l’ovule fécondé repré- sentent les différents éléments anatomiques du mâle et de la femelle ; après s'être pour ainsi dire condensés, ces éléments s'épanouissent à nouveau, se segmentent pour former l'être dont la vie com- mence, de sorte qu'en définitive les atomes de cel être sont, en partie au moins, ceux de ce mâle, de cette femelle : il y a continuité de ce protoplasmsa. S'il ya continuité de ce protoplasma, si ce sont les mêmes organites, il n'est plus extraordinaire de rencontrer les mêmes fonctions. Toutefois, parmi ces fonctions, il en est qui existent depuisles générations les plus reculées:il en est d’autres plus récemment constituées. Il n’y a pas lieu de se montrer surpris, quand on cons- tate que les tissus néoformés ont perdu le souve- nir de quelques-unes de ces toutes récentes acqui- sitions; l'inconstance de la transmission ne doit pas nous surprendre, pas plus au sujet de nos re- cherches que pour celles de Brown-Sequard sur l’hérédité, tandis que, si nous observions des pelils incapables de saliver, à bon droit nous manifeste- rions notre étonnement en présence de ce défaut de mémoire des gemmules, des plastidules. Ainsi l'expérimentation éclaire ces questions, soulève les voiles du mécanisme, de la pathogénie de ces phénomènes: cette filiation directe des cel- lules révèle les raisons de la transmission des ap- titudes bonnes ou mauvaises, soil au point de vue anatomique, soit au point de vue physiolo- gique. Cette expérimentation met en lumière d'autres données. Les toxines injectées à l'animal font augmenter l’urée et fléchir le poids; je l'ai prouvé avec Chevallier, avec Desgrez. D'un autre côté, une femme enceinte, frappée d'infection, de fièvre microbienne, émet également des urines riches en urée ; également, aussi, elle maigrit. D'autre part, si, durant les premiers jours, les premières semaines, on analyse le contenu vésical de jeunes enfants issus de mères atteintes, vers le 8° ou 9° mois, de tuberculose, de pleurésie pulride, de pneumonie, de suppuralions phlegmoneuses considérables, si on pèse ces enfants, on constate que, parfois, les déchets, les malières extractives de la sécrétion rénale dépassent la moyenne; on constate que leur croissance quolidienne se chiffre par 2, par 4, par 6, par 12 grammes, alors que celle de nourris- sons témoins qui, fils de parents sains, recoivent le même lait, oscille de 24 à 40, VI Quel est le lien commun entre tous ces sujets? Ce lien, c'est que, chez tous, à un instant donné, ont existé des toxines apportées iei par le cher- cheur, là par la maladie; ces toxines ont troubie la nutrition, ont activé la désassimilation ou en- travé l'assimilation. Ainsi modifiées dans leur vie, les cellules ont conservé le type morbide créé par l'agent perturbateur, même après la disparition de cet agent; elles ont effectué une croissance in- suflisante, aboutissant, comme dans quelques-unes de nos lentatives, à un vérilable nanisme ; elles ont édifié un être débile, un mauvais lerrain. Grâce à ces résullals obtenus avec l’aide de Gley, de Delépine, de Nobécourt, il a donc été possible de dégager quelques faits relatifs à ce mauvais terrain, de montrer que, si les parents contaminés donnent quelquefois le jour à des fils chétifs, c'est que les toxines réduisent l'apport, hätent la destruction, font que les aliments échap- pent en partie, au lieu d'être retenus, utilisés presque en lotalité; des notions positives tendent à se substituer à de pures aflirmalions. Du reste, toutnous montre la continuilé des di- vers désordres morbides; leur durée dépasse ordi- nairement celle de l'application du facteur étiolo- gique. Ne voit-onpas l’ecchymose suivre les phases successives de la résorption, quand tout trauma a pris fin ? Ne voit-on pas la sclérose du foie continuer | sa marche chez un alcoolique qui trop lard a re- noncé à ses erreurs hygiéniques? Les causes ou plu- tôtleurs interventionssontpassagères; enrevanche, les milieux changent; les impressions reçues par les tissus persistent. La pathologie cellulaire, la physiologie de la cellule : voilà la base des pro- cessus, des phénomènes observés; les moteurs de la première heure, microbes ou loxives, pour importants qu'ils soient, passent au second plan. Ce qu'il convient par-dessus tout de connaitre, ce sont les modificalions qu'ils provoquent dans la structure, dans le fonctionnement, dans les sécré- Lions, c'est-à-dire dans l'anatomie, dans la physio- logie, dans la chimie de la cellule, modifications les unes acquises, les autres transmises. L'hérédité, au milieu de tous les accidents mor- bides, joue donc un rôle considérable dans leur genèse, leur durée, leur reproduction; elle joue ce rôle en intervenant tantôt directement, (antôt indi- rectement ; elle crée des terrains, modifie les es- pèces, change les types.Aussi n'est-ce pas trop des efforls réunis de l'observation et de l’expérimen- tation pour arriver à lui arracher quelques-uns de ses secrets. D' A. Charrin, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, Assistant au Collège de France: 8 R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE 638 ÉTAT ACTUEL DE L’APICULTURE EN FRANCE Dans l’Apicullure rationnelle, il faut considérer l'abeille comme une machine destinée à fabriquer le miel et la cire en quantité maximum et le plus économiquement possible; l'abeille peut être com- parée sous ce point de vue à l’un quelconque des animaux de la ferme. Toutes les spéculations entreprises dans l’exploi- tation rurale doivent avoir pour but le bénéfice; celles dans lesquelles on ne se propose que la satis- faction d’une fantaisie ou un agréable délassement n'ont rien à faire avec les considérations écono- miques et scientifiques qui sont la base de cette étude, Le bénéfice sera précisément égal à la différence entre les sommes encaissées par suite de la vente des produits, etles frais de toute nature qu'il a fallu payer pour les obtenir. Les frais compren- nent l’achat ou la location du sol où le rucher est établi, l'acquisition des colonies, des habitations destinées à les recevoir et du matériel nécessaire à l'exploitation, enfin du temps employé. Il est évi- dent que l'avantage de l’apiculteur sera de réduire ces frais au minimum. Sur l'achat et la location du sol nous n’avons rien à dire à ce point de vue, la question étant subordonnée à la convenance de l'emplacement; j'insisterai, au cours de cet ar- ticle,sur les économies bien entendues qu'il estpos- sible de réaliser en ce qui concerne l'achat des colonies, des ruches et des instruments. Le temps est un facteur important, qui dépend surtout de la méthode employée, suivant que l’on se borne à laisser les abeilles en repos après les avoir placées dans les meilleures conditions possibles ou que l’on effectue sur elles des manipulations aussi di- verses que répétées. Les auteurs qui ont traité des choses apicoles sont loin d'avoir sur ce point les mêmes idées. Le problème zootechnique qui se pose à l'égard des entreprises apicoles consiste : 1°à maintenirles abeilles dans des conditions telles que ces insectes ne se trouvent jamais arrêtés dans leur développe- ment et dans leur travail; 2° à s'emparer de leurs produits, et3°à les préparer de manière que ceux-ci atteignent leur valeur la plus grande. Résoudre ce problème de facon à faire appa- raitre en fin de compte le bénéfice net maximum, tel doit être le but visé !. Trois facteurs influent sur la quantité et la qua- lité du miel produit : 1° L'emplacement du rucher; 2 La ruche choi- sie; 3° La méthode adoptée. I. — [L'EMPLACEMENT DU RUCHER. Avant toute chose, il importe d’élablir le rucher dans une contrée suffisamment pourvue de plantes mellifères ; beaucoup d’apiculteurs ont échoué, faute d'avoir envisagé avec assez de soin celle condition élémentaire. Il est, au surplus, très difli- cile de dire à priori si une région äonnera du miel ou n'en donnera pas, fût-elle même pourvue de plantes qui en fournissent habituellement dans. d’autres régions ; le sainfoin, par exemple, qui est extrèmement productif en miel dans les terrains calcaires, n’en donne que très peu dans les sols sablonneux et volcaniques ; de nombreuses plantes sont dans ce cas. Il n’est donc pas possible de con- clure du simple examen de la flore qu'un empla- cement délerminé sera, à ce point de vue, favo- rable à l'établissement d’un rucher; il faudra en- core tenir compte de la constitution du sol et du climat. Les contrées où la température est souvent élevéeetle degré hygrométrique de l'air voisin de 0° conviennent peu à l’apiculture : ainsi, en Algérie, à Blidah, les abeillesnesortent que le matin pendant l'été, et elles sont toutes rentrées dès huit heures. Tout ce que l’on peut dire, d’une manière géné- rale, c'est que les pays de calcaire tendre sont plus mellifères que les autres, pourvu qu'une chaleur et qu’une sécheresse excessives et prolongées ne dessèchent pas le nectar des fleurs. Si l'étude de la flore peut donner des indications précieuses, une longue pratique sera donc le seul guide certain; le débutant devra rechercher s’il existe des ruches dans le voisinage et si la récolte est habituellement bonne, ainsi que la qualité du miel. Lorsque ces renseiglements manqueront, il faudra procéder avec une sage prudence en n'in- stallant que peu de ruches pendant les deux ou trois premières années; au bout de ce temps l’ex- périence aura répondu d’une manière infiniment plus certaine que ne pourrait le faire l'examen bo- tanique le plus approfondi. | Il est très avantageux, pour suivreles variations dans le travail d?s abeilles, d'avoir une ruche cons- ‘ Les connaissances relatives à la biologie de l'abeille, à l’organisation des sociétés que forment ces Hyménoptères, se trouvent consignées dans de nombreux ouvrages; ce serait sortir du cadre tracé au présent travail que d'entre- prendre de les exposer de nouveau. Nous ne ferons que rappeler brièvement les points les plus importants, lorsque cela semblera indispensable pour l'intelligence parfaite du sujet. dE a rt All 1 à tot tt bte dat +. bite Dé 0. date fé ds dt LS Sd LS R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L’APICULTURE EN FRANCE 8 —————————"."——"—]—]——]—]—]——]—————————————————…—….….….…".…"….…"…"…"”"…"’…"…"’"…"…"…"…"…"…"’….….’….………… …—.……———— tamment sur bascule (fig. 1). Unesimple observation du fléau de cet instrument permet de voir si les buti- neuses récoltent ou non, de constater à quelle époque la miellée commence ou se termine, de sa- voir quelle est la consommalion hivernale et de choisir le moment le plus propice pour certaines opérations telles que l’essaimage artificiel. On choisira, pour y élablirle rucher, un endroil tranquille et à l'abri des grands venls, aussi om- bragé que possible. On a, dans les campagnes, la mauvaise habitude de placer les ruches en plein midi, dans l’en- droit le plus en- soleillé et le plus chaud qu'il soit possible de trou- ver; cette situa- tion a de multi- ples inconvé - nients : les mou- chessontlà beau- coup plus irasci- bles et attaquent quelquefois au moment de la grande miellée, lorsque le mi donne très fort et que la chaleur est lrès grande : sous l'influence d'une tempéra - ture excessive , la cire devient trop malléable , se travaille mal et parfois mème se ramollit au point de ne pou- voir soutenir le poids de miel qu'elle contient ; les rayons s'effon- drent, engluant toute la colonie et faisant périr les habilantes en grand nombre; les colonies, échauffées au début du printemps par les premiers rayons dusoleil, selivrent à un élevage prématuré du couvain, et, au moindre retour de froid, les abeilles, obligées de resserrer leur groupe, abandonnentles larves, qui périssent; la ruchée se dépeuple aussi par suite des sorties intempestives des abeilles en mauvaise saison. L'orientalion des habitations n'a que très peu d'importance lorsque celles-ci sont bien à l’ombre : l'expérience prouve cependant que les bonnes co- lonies à l'exposition du nord sont celles qui con- somment le moins pendant l'hivernage el rappor- tent le plus. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. Fig. L. — Ruche Layens à 30 cadres sur bascule au rucher de Durtol. On peut placer les ruches en plein air (fig. 2, 3 et9) ou dans des pavillons. Je considère l’établis- sement d’un pavillon comme une dépense inutile ; la récolte est, ilest vrai, à l'abri des maraudeurs ; mais, au point de vue du rendement, l’avantage est abso- lument nul. Dans ces sortes d’abris, on est con- duit, pour économiser de la place, à superposer les ruches en deux ou trois étages. Celles du bas se comportent bien, celles du premier étage réussis- sent moins, et celles de l’étage supérieur se con- duisent moins bien encore. Dans les régions ou l’apicultureestla plus florissante, toutes les colo- niessonten plein air. Des ruches ré- gulièrement dis- posées offrent un coup d'œil beau- coup plusjolique lorsqu'elles sont disséminées çà el là sans ordre. C’est cette der- nière disposition cependant qu'il conviendra de préférer , les trous de vols é- Lant tournés dans des directions différentes . ouvrières el sur- tout reines s'orientent beau- coup mieux au retour du vel nuptial, moins de ruches devien - nent orphelines par suite d’une jeune reine fou-- voyée dans une ruche étrangère. L'abbé Martin, président de la Société d'Apicullure de l'Est, a cons- taté que dans un rucher couvert, où les ruches sont très rapprochées el régulièrement disposées, il per- daittousles ans 20 pour 100 de reines. La disposition enlignes régulières n’est recommandable que lors- qu'on dispose d’uneétendue très considérable et que les ruches peuvent être éloignées de 2 ou 3 mètres sur les lignes avec un espacement de 3 à 4 mètres en- tre les lignes (fig. 2, 3 el 9). Les ruches devront être posées bien d’aplomb sur des supports solides, el leur horizontalité déterminée aussi bien que pos- sible à l’aide du niveau à bulle d'air. Cette horizon- talilé a une assezgrandeimportance au pointde vue de la régularité dans la construction des rayons. {* Les les 14 (a) ps] PU 2 2709 — ‘(aw0q-2p-ln1) 2071nq D MaUOH I 2P 1Y0NY — ‘€ “(soapeo (ge sua£vT sayona OO] ue FA ENT 21 jotèrS}) ND 9707) — ‘JOJUN(] D JJeUWOI, JU 2p MAY — ‘K 21H 12 R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L’APICULTURE EN FRANCE Le nombre de colonies que l’on peut réunir dans un seul rucher dépend des ressources mellifères dela région. La meilleure ma- nière de s’en rendre compte est de débuter avec un nom- bre restreint de ruches et d'augmenter petit à petit, en notant exactement les ren- dements d'année en année. Lorsque l’on constalera que la récolte reste stationnaire quoique lenombre desruches augmente, On pourra en con- clure que l’on a atteint ou mème dépassé le maximum. A litre d'indication, les api- culteurs expérimentés esli- ment que, dans un pays mé- diocrement mellifère, il ne faudra pas dépasser 50 à 60 colonies pour un territoire de 3 kilomètres à la ronde et que 100 est le nombre maximum pour une région bien mellifère. Si l’on veut mettre de l'ordre dans la conduite de l'exploitation, il sera indispensable de numé- roler les ruches et de tenir un registre où se- ront consignées toutes les opérations effectuées et les observations inté- ressantes que l’on pourra faire dans le cours de l’année. On devra noter, par exemple, lors de la visite au printemps: 4° le nombre des cadres de couvain que contient chaque colonie, pour connaître ainsi celles qui possè- dent les reines les plus fécondes; 2° l'état de la populalion, de manière à ne faire, à l’occasion, des essaims artificiels qu'avec les familles les plus aptes à en produire; lors de la mise en hi- vernage, on évaluera avec exaclilude les pro- visions en miel laissées à chacune, ce qui per- mettra de venir sans hésitalion au secours des plus nécessiteuses, si la miellée est particuliè- rement lardive et l’année mauvaise. Fig. 4. —- Ruche formée par un lronc d'arbre. PT RE Fig. 5. — Ruche vulgaire en planches. Fig. 6. — Ruche Landuaise. II. — Cnoix DE LA RuGuE. $ 1. — Coup d'œil sur l’évolution historique de la Ruche. Le premier, qui, bravant la piqûre des abeilles, s’empara d'une colonie et la transporta près de sa demeure, le fit probablement en emportant le tronc d'arbre même ou les mouches s'étaient logées, et les essaims qui en sortirent reçurent, sans doute, des domiciles semblables . Cette ruche primitive (fig. 4) se re - trouve encore en beau- coup d’endroits ; la diffi- culté de trouver des ar- bres excavés nalurelle- ment ou de les creuser, porta l’homme à fabri- quer des habilations de forme quelconque avec des matières diverses : argile, branches flexibles tressées, paille, etc., (fig. 5, 6 el 7), Tout le monde connait la ruche vulgaire en paille, en forme de dôme (fig. 8 et 10), dans laquelle les abeilles suspendent à demeure leurs rayons contre les parois (fig. 11 et 12). C’est là Le type des ruches à rayons fixes, dont les inconvénients sont nombreux :-elles ne permettent pas de se rendre compte de ce qui se passe dans l'intérieur et, par suite, de parer aux accidents et aux maladies qui peuvent se produire ; la récolle y estdifficileetcompliquée ; elles sont forcément trop pelites, parce que, si on leur donnait les dimen- sions que nous fixerons plus loin comme les plus convenables, leur poids deviendrait si considé- rable au moment de la récolte, que leur manipu- lation, qui doil se faire . — Ruche vulgaire en bois tressé. Fig. 8. — Ruche vulgaire en paille. _en bloc, serait pratiquement impossible. On a cherché à parer à ces défauts en plaçant au-dessus du corps de ruche, ouvert à sa partie supérieure, une culotte où chapiteau dans laquelle les abeilles déposaient le surplus de leurs provi- sions (fig. 43 et 14) ; pour effectuer la récolte, l’api- culteur se contentail d'enlever la calotte remplie de miel. Dans les années très favorables, la calotte étant insutlisante, on interposa entre elle et le corps de ruche des cylindres de paille de même diamètre en plus ou moins grand nombre ; on * obtint ainsi la ruche à hausses (fig. 15, 16 et 17); 4 | 3 DT 12 IDUN D 2109 — JORNT D MAUDIT ‘AU 2P AAYORA —* 14 R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L’APICULTURE EN FRANCE ou bien, comme dans la ruche à arcades, on aug- | les abeilles suspendent leurs rayons. Della Rocca mentait la capacité de l'habitalion en ajoutant | signale ce mode de procéder comme existant en- des arceaux à la core à son époque suite les uns des (1790) dans l’île autres (fig. 18). de Candie où ül L'idée vint un rendait de grands jour de rendre services au mo- mobiles les ray- ment de l'essai- ons eux-mêmes, mage : « Parce demanière à pou- moyen, dit cel voir les sorlir de auteur, dans le la ruche et les y temps des es- replacer, indé- Fig. 10. — Ruches vulgaires en paille. saims, avant que pendamment les ceux-ci commen- uns des autres. Les apiculteurs grecs de l’Archipel | cent à sortir, les propriélaires visitent les ruches des Cyclades semblent avoir été les premiers à se | une à une avec leurs rayons, et, lorsqu'ils trouvent des cellules royales déjà formées et garnies de nym- RER. | ee) Le E be A * Fig. 13. — Ruche à ca- lotte, des Vosges. rehelel.sr Fig. 11. — Ruche fixe renversée où les abeilles ont commence 1 i Fig. 14. — La même à construire. Fig. 1% k la calotte soulevée. servir de cetteamélioration. D'après Contardi (1768), RONDE se Vas il serait d’un ancien usage, dans ce pays, de munir © en paille. Fig. 16. — Ruche à trois Fig. 17. — Ruche vulgaire hausses en paille. recevant une hausse à section. Tan —— — — = — ——— | phes en dedans, ils distribuent les barres avec les Fig. 12. — Ruche fixe renversée pleine de rayons. rayons en plus d'une ruche, et, suivant que la sai- son annonce plus ou moins d'abondance de récolte les ruches d’osier, qu'on yemploie, depetites barres | en miel et en cire, ils forment d’une ruche plus ou un peu éloignées les unes des autres, auxquelles ! moins d’essaims. » C’est, en germe, l’idée non seu- R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE l 2e D _——————_—__ _—_—_—_—_—_—____——_]——————"—"—…”—”"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—_…—————— — — lement des cadres mobiles, mais encore de l’essai- mage artificiel. On conçoit facilement ce que ce dispositif pré- sentait de défectueux les rayons, n'étant pas entourés de montants sur les côtés, étaient col- lés par les abeilles le long des parois de la ruche ; leur décollement à l’aide d'un couteau était chose malaisée ; de Fig. 18. — Ruche à arcades. plus, lesrayons,une fois sortis, n'étant supportés qu'à la parlie supérieure, devaient se détacher et se rompre facilement. Huber, en 1792, inventa sa 7uche à feuillets, qui diffère notablement des ru- ches à cadres mobiles actuelles ; les rayons y sont, en effet, non suspendus, mais pla- cés les uns à côté des autres: le corps de ruche n'existe pas en réalilé, ou plutôt il est constitué par la cadre étant (propolisés » et collés contre les parois, la sortie des rayons devenait très difficile, sinon impossible. L’américain Langs - troth prit, en 1852, un brevet pour la ruche qui porte ‘son nom el dans laquelle « les rayons élaient attachés à des cadres mobiles et sus- pendus de manière à ne toucher ni le dessus, ni les côtés, ni le bas de la ruche. » Berlepsch, en 1853, fit connaitre en Allemagne sa ruche, dont les cadres jouissent des mêmes avantages de mo- bilité que dans celle de Langstroth. La ruche à cadres mobiles, telle qu’elle est employée aujour- d'hui, était trouvée. On a déterminé, par l'observation et la pratique, les espaces qui doivent exister entre les cadres, en- tre les côtés de ces à cadres et les parois de la ruche. Il est juxtaposilion des pa- rois latérales des ca- dres eux-mêmes ; Fig, 19. — Ruche à feuillets de Hubzr, fermée. ceux-ci sont donc extérieurs (fig. 19 et 20). En 1838, Dzierzon construisit une ruche dans laquelle les ra- yons élaient sus- pendus, tantôt à de simples tra- verses laillées en biseau en des- sous, tantôt à ces mêmes traverses pourvues de mon- lants. C'est, en somme, à bien peu de chose près, le système indispensable d’ob- server, lors de la construction, ces dis- tances au millimètre près; l’abeille ne tolère entre ses bàlisses que l’espace juste nécessaire à son passage; s’il yatrop deplace, elle intercale des construclions supplémentaires qui réunissent les rayons en- semble eten sup- priment la mo- bilité. Les cadres doi- vent être distants de38 millimètres de centre à cen- des anciens Grecs. En 1844, Debeauvoys , en Fig. 20. — Ruche à feuillels de Huber, ouverte. France, imagina tre; l’espace en- tre les traverses supérieures des un cadre complet, mais aussi large que l'intérieur ; cadres doit être de 12 à 13 millimètres; entre de la ruche et touchant, par conséquent, les pa- rois latérales de la caisse; il en résultait qu’ au bout de peu de temps, les montants verticaux du le fond de la ruche et la traverse inférieure, 15 millimètres; entre la paroi de la ruche et le mon- tant vertical, 7,5. 16 R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L’APICULTURE EN FRANCE Un cadre mobile (fig. 21) se compose de deux lattes verticales, une horizontale inférieure et une supérieure, appelée porle-rayon; cette dernière dé- borde un peu dé chaque côté, et le cadre, reposant, par ces prolongements, sur une feuillure de la paroi, est suspendu dans Ja ruche, entièrement libre de ous les cûlés. On cloue presque toujours sous le porte-rayon une traverse de renfoncement. $ 2. — Théorie de la Ruche. Il y a lieu de considérer dans une ruche : 4° La forme et la capacité de l’habitation ; 2° La forme, la dimension et la direction des cadres; 3° L’agen- cement et la construction de la ruche. 4. Forme de la Ruche. — La forme dé l'habitation est seulement subordonnée à l’économie et à la 1 ! 1 1 ' ‘ ! ' l ! ll RSS TE TT Fig. 21. — Cadre de la Ruche Layens. — © C, côtés du cadre coupés en bas en biseau B; D, traverse inférieure ; F, traverse supérieure; E, traverse de renforcement. commodité ;c'estpourquoil’on adopte généralement le parallélipipède rectangle qui permet l'emploi de cadres rectangulaires, les moins coûteux et les plus faciles à établir. Il existe des modèles à cadres circulaires, mais c'est une erreur de prétendre que les ruches cylindriques ou coniques sont préfé- rables aux autres au point de vue de la conser- vation de la chaleur; elles sont seulement équi- valentes, pourvu que la capacité et l'agencement soient les mêmes ; l’effet que pourrait avoir la forme intérieure est entièrement anihilé par la présence des rayons. La capacité exerce, au contraire, une influénce prépondérante; elle est déterminée par la néces- sité de n'entraver jamais ni le développement ni le travail de la colonie. Il convient de distinguer, dans une ruche, l’espace où la reine dépose sa ponte — c’est le nid à couvain, — et celui où les ouvrières déposent le surplus de leurs provisions ; ce dernier est le #4agasin à miel. Une ruche devra toujours être assez grande pour que la place réservée à l’une de ces destinations ne soit pas réduite par l'extension de l’autre. La reine commence, d'habitude, sa ponte dans l'endroit le plus aéré, c’est-à-dire en face du trou de vol; cette ponte, qui débute dans nos climats dès la fin de janvier, croît au fur et à mesure que la température s'élève, pour atteindre, dans la belle saison, une moyenne de 3.500 œufs en 24 heures. On sait que, pour parvenir à son complet dévelop- pement, l'œuf qui produira une ouvrière doit rester. 21 jours dans la cellule qui l’a reçu et passer, pendant ce temps, par les phases de larve et-de nymphe, avant de sortir à l’état d’insecte parfait. Par conséquent, pour recevoir, pendant 21 jours, les 3.500 œufs que la reine est capable de pondre toutes les 24 heures, il faudra 3.500 << 21, soit 73.500 cellules, jusqu’à ce que l’alvéole oc- cupée la première soit redevenue libre, pour rece- voir une nouvelle ponte. Ce n’est pas toutencore : il faut comprendre dans le nid à couvain une certaine place pour loger les provisions de miel et de pollen nécessaires à l’ali- mentation dela larve pendant la durée de son incu- bation. Or, Berlespch a établi, à la suite d’expé- riences précises, que 1.000 larves consomment 131 gr. 53 de miel et de pollen mélangé d'eau, soit, pour 73.500, une consommation totale de 9 kg.,667. Un décimètre carré de rayon, contenant, y com- pris les deux faces, 850 cellules d’ouvrières, peut loger 315 grammes de bouillie alimentaire; pour loger les 9 kg.,667, il faudra donc 30 d. m°,68 ou 26.000 cellules. Au total et en nombre rond, 100.000 cellules seront indispensables pour le seul nid à couvain. La capacité qu'il faudra donner au magasin à miel dépend des ressources mellifères de la contrée où la ruche est installée ; il est donc impossible de donner ici des chiffres tout a fait précis. Les grandes ruches, telles que nous les demandons, avec des reines fécondes, contiennent 100.000 ouvrières, parmi lesquelles 80.000 iront butiner aux champs, et 20.000 resteront occupées aux travaux inté- rieurs: on estime, d'autre part, que 1.000 abeilles, au moment de la grande miellée et dans une ré- gion un peu favorable, emmagasinent environ 30 grammes par jour, déduction faite de leur con- sommation quotidienne et de celle du couvain; si, parlant de là, nous admettons une durée de 15 jours de récolte, 80.000 abeïlles pourront rap- porter pendant ce temps 36 kilos; 10.000 cellules- opereules contiennent 4 kilos de miel; il faudra donc, pour loger cette récolte, 90.000 cellules. En résumé, une ruche, pourremplir, au point de vue de la capacité, les conditions indispensables, PRE Te R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE 1 doit renfermer environ 200.000 alvéoles. On peut exprimer autrement celle capacilé en sachant que 10.000 cellules équivalent à 4 litres et occupentles deux faces d’un rayon de 12 décimètres carrés; cela veut dire que la contenance de la ruche devra être de 80 litres, et que les rayons qu'elle est sus- ceptible de contenir présenteront une surface utile de 240 décimèlres carrés. r ge Gaz mg grandes essaiment rarement, la population n'y élant presque jamais à l’étroit. Cette suppression de l’essaimage naturel est un point capital pour l'obtention de fortes récoltes, la division de la famille se produisant toujours au moment précis el très court de la miellée, pendant lequel le nombre des butineuses doit être le plus considérable. Les petites ruches en paille, en usage dans les 6 ce > / 4”. sæ et, ee r2 \ f “ { A3 [ 1 N + t ESA Le \ RSR re: À Le Ne Pr sn Le — Fig. 22, — Disposition du miel el du couvain dans un cadre haut. — Ala partie supérieure, miel operculé; la grande plaque centrale représente du couvain d’ouvrières. L'observation confirme absolument ces chiffres. Tous les apiculteurs savent que les ruches d’où sortent les plus gros essaims sont celles qui four- nissent le plus de miel; or, M. de Layens a remar- qué que les ruches de 30 à 35 litres donnent des essaims de 2 à 3 k. 40 à 60 — _ = 3à4k. 80 à 150 — _— _ 5 à 6 k. Par suite, pour qu’un essaim naturel soit maximum, c’est-à-dire aussi bon que possible, la ruche qui le fournit doit avoir au moins 80 litres de capacité. Il convient de remarquer que des ruches aussi REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1896. — (Photographie communiquée par M. de Layens.) campagnes, ne cubent guère plus de 35 litres, souvent beaucoup moins; les faibles rendements qu'on en obtient n’ont donc rien de surprenant. 2. Forme, dimension el direction des Cadres. — Etant donné que la ruche doit être grande, il esl évident & priori que les cadres devront l’être éga- lement. En principe, leur dimension n’est limitée que par des nécessités de manipulation et de soli- dité. Les abeilles accumulent leurs provisions d'hiver à la partie supérieure du rayon (fig. 22); la hauteur de miel est suffisante lorsqu'elle atteinl 1** 18 R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE 6 à 7 centimètres, même dans les régions les plus froides des Alpes; d'autre part, on sait que le plus grand diamètre des cercles de ponte dela reine, dans une colonie en parfait Elle est très défectueuse, parce que, pour examiner le cadre le plus antérieur, il faut, au préalable, sortir tous les précédents, tandis que dans les ruches s'ouvrant par le haut, état, est de 30 à35 cen- on peul retirer un ray- timètres; il en résulte qu'un cadre de 40 cen- timètres de hauteur on quelconque sans déranger les autres; ce premier rayon, en sur 30 à 35 centimètres fermant l’entrée,anni- : de largeur réunit tou- tes les conditions né- cessaires à un bon hi- hile presque complè- tement l’action aérante du trou de vol. Pen- dant l'hivernage, les vernage el au plus ra- pide développement du couvain. Au Congrès d'Apiculture de 1891, le cadre de 42 d. m°. de surface a été adopté comme cadre national français; ce cadre est excellent, surtout dans sa forme haute (40><30 centimètres); non-seu- abeilles se massent toujours sur les pre- miers cadres, les plus rapprochés de l’ouver- ture ; lorsque les pro- visions y sont épuisées, elles meurent parfois de faim, faute d’avoir pu passer, à cause de la persistance du froid, lement ses dimensions sont très convenables au point de vue théo- rique,mais encore son emploi simplifie au maximum les calculs, puis- qu'il contient 10.000 cellules et 4 kilos de miel lorsqu'il est rempli. Au point de vue de la forme, le cadre peut être carré, plus haut que large ou plus large que haut. Le cadre haut est pré- Fig. 23. — Coupe de la Ruche Burki-Yeker (Bälisses chaudes). — R, corps de la ruche; H!, premiére hausse ; H2?, deuxième hausse. sur les cadres placés derrière et encore pleins de miel. Avec les bätisses froides, les insectes, se massant à la partie antérieure d'un plus grand nombre de cadres aérés de la même manière, trouvent, sans avoir be- soin de changer de rayon, toute la nourri- ture qui leur est néces- saire jusqu'à la fin des froids. férable parce qu’il se rap- proche le plus des con- structions que les abeilles 3. — Agencement et cons- truction de la Ruche. — établissent à l’état natu- rel, c'est-à-dire à l’air li- bre ou dans des cavités Au point de vue de leur - agencement, on peut distinguer les ruches hori- illimitées, et des indica- lions de l'expérience, Le trou de vol est l’ou- verture par laquelle les abeilles entrentetsortent; c’est par là aussi que se fait le renouvellement de l'atmosphère intérieure. Les cadres peuvent être placés parallèlement au trou du vol, —ils sont dits alors en bâlisses chaudes (fig. 23); ou perpendiculai- .rement à celle ouverture, en bôtisses froides (fig. 24). Fig. 24 AS (Balises hausses; A, A’, .A!, hausses ; F, paillasson; T, toiture; auvent abritant le trou de vol D; V, planche de vol. froides). La disposilion en bâlisses chaudes se trouve dans la ruche Burki-Yeker, par exemple (fig. 23). — Coupe de la Ruche Dadant à hausses et à cadres — CR, corps de ruche ; parois du corps de ruche et des contales, dont la ZLayens est le type le meilleur, etles ruches verticales, dont la Dadunt offre le modèle le plus convenable. Les premières se distinguent In __ er que Ie à LS miel est placé à côté du nid à couvain dans la même caisse, tandis que, dans les ruches vertica- les, ce nid à couvain oc- cupe tout entier un réci- pient inférieur ou corps de ruche auquel on su- perpose, au moment de la miellée, des hausses également à cadres mobiles et dont l'unique H;,H, O,trou d'aération; N, rôle doit être de servir de magasin à miel (fig. 24, 23 et 26). La théorie et la pratique établis- sent que les ruches horizontales sont préférables aux verticales; ces dernières sont forcément à cadres bas, c'est-à-dire plus larges que hauts, pour obliger les abeilles: à placer les provisions dans les hausses; leur hauteur maximum doit être d'environ 30 centimètres, égale au plus grand diamètre d’un cercle de ponte. Il y a, par suite, une solution de continuité entre le miel et le couvain, ce qui ne se rencontre jamais à l’état naturel: lorsque les mères sont d’une exces- sive fécondité, la ponte peut s’é- tendre jusque dans le magasin, et il m'est arrivé dans ces conditions de rendre mes Dadants orphelines (Le cadre a 27 cen- timètres de haut) en récollant la hausse avec la reine quis ylrou- vait. Avec les ca- dres bas, le miel d'hivernage est déposé sur les Fig. R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L’APICULTURE EN FRANCE 19 LI | 4 dl ï fe LU 25, — Ruche Dadant avec deux hausses sur 7 mètres de longueur, avec une épaisseur de 2% millimètres, esi recommandé parce qu'il n’y a presque point de perte de bois: ces lames s'em- boitent les unes dans les autres, par rainures el languettes , el l'assemblage ain- si obtenu a le grand avantage de ne jamais se déformer. Les ca- dres sont élablis avec des lattes de 8 millimètres d'épaisseur sur 25 millimètres de largeur. On as- sure la protection contre les varia- tions de tempé- rature en clouant des paillassons sulfatés sur les parois antérieure et postérieure; la toilure est en tôle galvaniséeetfixée côtés du groupe et non pas au-dessus, comme cela ; au corps de ruche par des charnières; elle se rabal se produit chez les colonies à l'état libre; il en résulte parfois que la famille meurt de faim quoi- que possédant encore des provisions en arrière, lorsque les grands froids se prolongent très longtemps sans interruption. La présence des haus- 4 ses a encore l'inconvénient de ren- ? dre la conduite et les visites plus difficiles et plus compliquées; ces ruches, malgré leur capacité, essai- ment assez souvent, les abeilles ai- mant parfois mieux se diviser que de monter dans le magasin. Je préfère de beaucoup la ruche Layens, aussi simple que possible à conduire, el qui salisfait complète- mentaux exigences biologiques des co- lonies. Le bois est la ma- tière à la fois la moins coûteuse et la plus durable pour la construc- lion des ruches. L'emploi de lames de parquet en sapin rouge du nord de 115 millimètres de largeur Fig. 26. — Ruche Dadant sans hausses. en avant pendant les visites el protège l'opérateur des abeilles qui entrent et qui sortent par le trou de vol. Les figures 27 à 32, sont sufli- santes pour faire connaitrelesdimen- sions el les détails de la construction. [IT. — LES MÉTHODES APICOLES, Nous ne nous ar- rèterons pas à en- visager et à discuter la manière de faire de la plupart des paysans de nos cam- pagnes, qui, vivant dansl'ignorance des mœurs de l'abeille, ne se préoccupent en rien du bien-être des colonies, et dont tout le savoir consiste à re- cueillir {ant bien que mal un essaim, à récolter le miel et la cire, par des procédés rudimentaires, 20 où l’étouffage des ruchées tient souvent la pre- mière place. Il n’y a là qu’absence complète de méthode et par suite rien à dire. $ 1. — Méthode ar- tificielle et Mé- thode naturelle. Parmi les prati- ciensquis’ingénient sans cesse à cher- cher les meilleures modes d’exploita- tion, deux camps opposés sont en pré- sence. Les uns, fai- sant bon marché du temps employé, se sontfaitslesardents défenseurs de mul- tiples et incessantes manipulations, né- cessaires,disent-ils, pour obtenir le pro- duit maximum nous pouvons qua- lifier leur méthode d'artificielle ou com- pliquée , par opposi- tion à l’autre, que nous appellerons simple ou natu- relle. Dans cette dernière, on se borne à placer les colonies dans des conditions qui se rapprochent le plus de celles où elles prospèrent le mieux dans l’état de nature et à les laisser ainsi jusqu'au mo- Fig. 27. — Ruche Layens construile en sapin rouge du Nord. C C C, corps de la ruche, en partie recouvert de paille et percé, en avant et à gauche, d'une entrée munie d'une porte L; à droite, en bas, est une autre entrée semblable qui peut remplacer la première ; T T, toit recou- vert de tôle galvanisée et relié au corps de la ruche par deux fortes char- nières en fer; P P, plateau faisant saillie en avant et portant une plan- chette a devant l’entrée. nouvelles. Il est infiniment ment de la récolte, qui coïncide avec celui de la mise en hivernage. LI I S R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE plus cette colonie prospère et donne de miel; 2° Une colonie est bonne, même si la population semble faible, lorsqu'elle possède une reine féconde, ce qui se reconnail à la présence d’un bon couvain disposé en cercles réguliers et concentriques; 3° Une colonie est défectueuse lors - qu'elle est orphe - line, ou possède une reine mauvaise pon- deuse en même temps qu'une po- pulation faible; 4° En général, une colonie forte, dont la reine de- vient défectueuse , la remplace sans que l’apiculteurs’'en aperçoive ; »° Toutes les co- lonies défectueuses doivent être suppri- mées. La méthode com- pliquée cherche à améliorer les familles mau- vaises, par les réunions, le nourrissement arti- ficiel au sirop de sucre, l'introduction de reines plus simple, plus rapide et, par suite, plus économique, de les faire Corps de la ruche; A, traverse supérieure du devant de la Fig. 29. — Ruche Layens. Fig. 28. — Coupe de la Ruche Layers à cadres hauts (Bätisses froides). — A À, parois du corps de ruche; G. trou de vol abrité par l’auvent F; H, planche de vol. La méthode simple est basée sur les principes suivants, vérifiés par l'expérience : 1° Moins on dérange une bonne colonie, large- ment pourvue de place pour le couvain et le miel, ruche; B, traverse supérieure du derrière de la ruche; S et I, traverses supérieure et inférieure de l'un des côtés de la ruche; »», rebord intérieur sur lequel on pose les intervalles des cadres. cadres; p, un des points de repère supérieur marquant les radicalement disparaitre, quitte à les remplacer ensuite par des essaims artificiels. R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE 21 En outre, dans la méthode compliquée, il est re- commandé de favoriser la ponte de la reine dès la fin de l'hiver, par des distributions de sirop de sucre, ce qui constitue le nourrissement stimulant; deremplacer les reines âgées de trois ans, parce que leur fécon- dité diminue à partir de cette époque; de n’ajouter de nouveaux cadres et de n’agrandir la Le remplacement artificiel et régulier des reines est une opération bien chanceuse. D'abord, les colonies acceptent souvent très difficilement les reines nouvelles qu'on veut leur donner, fréquem- ment elles les tuent; on risque aussi de placer une rem- reine médiocre par une plus mau- vaise. Les abeilles renouvellent spon- ruche qu'au fur et à mesure que la po- pulation s'accroit , en maintenant la lanément les pon- deuses défectueu - ses ; elles sont plus aptes que le meil- capacité dans les li- mites voulues à l’ai- de de planches, di- tes de partition, pla- cées sur les côtés: de n’hiverner les co- lonies qu'en les res- serrant entre des partitions sur un nombre de cadres aussi pelit que pos- sible, sous prétexte de les préserver du froid. Jene puis, sans sorlir deslimites qui me sont tra- cées, examiner en détail chacune de cespraliques ; je me bornerai à en signaler brièvement les prin- cipaux inconvénients. Le nourrissement stimulant, très séduisant en théorie, est en réalilé extrême- ment dangereux: outre que la manipulation inces- sante de matières sucrées dansie rucher excite les cadres. Fig. 31. — Ruche Layens. — Entrée des abeilles; L, porte en tôle galvanisée recourbée en dehors en O, et qui glisse sous la pièce de tôle fixée par deux pitons P P au-dessus de l'entrée qui est figurée en noir. abeilles au pillage, le sirop doit être réparti par petites doses journalières et sans interruplion jus- qu'au moment où la miellée est assez abondante pour le remplacer, un arrêt dans l'alimentation artificielle ayant pour suite infaillible la mort du couvain; une ponte exagérée ayant lieu horssaison, s’il survient des retours de froid, les ouvrières trop peu nombreuses ne suffisent pas à couvrir el à pro- téger le couvain qui périt. Fig. 30, — Ruche Layens. — Corps de la ruche couché sur l’une de ses faces. On voit au fond les crochets c c servant à maintenir l’écartement des cadres; # », rebord sur lequel reposent les porte-rayons des leur apiculteur à résoudre la ques - tion, au plus grand profit de la famille. La méthode sim- ple supprime tota- lement les planches de partition, des- tinées à n'agrandir la capacité du nid que proportionnel- lement à l’augmen- talion de la popula- tion et àréduire cet- te capacité au minimum pendant l'hivernage. Des expériences de M. G. Bonnier effectuées en 1890 prouvent qu’un ou plusieurs cadres garnis de rayons produisent le même effet que la partition au point de vue de la déperdition de la chaleur. Il n'y a donc Fig. 32. — Ruche Layens. — Figure montrant la position des lattes placées entre les cadres pour maintenir leur écartement. — /{l', traverses supérieures de deux cadres en place; L, latte figurée en hachures, placée de champ, entre les cadres. que des avantages, lorsqu'on se sert de ruches horizontales, à mettre d’un seul coup au printemps tous les cadres que la ruche peut contenir et à les laisser tous pendant l'hivernage. On évite de la sorte de déranger sans cesse les abeilles pendant leur travail, on économise le temps de l’apiculteur et la place dans le laboratoire. Vignole dit avec raison : « Toute opération, 22 R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE quélle qu’elle soil, cause toujours dans la ruche une perturbation qui ralentit momentanément son activité »; et Gravenhorst : « L’abeille veut avoir du repos; tout ce qui la trouble sans nécessité ne la ruche pour servir ainsi indéfiniment de magasin à miel. Pour fixer la cire gaufrée dans les cadres (fig: 34), on tend dans ceux-ci des fils de fer étamé très fins Machine Dunham. Machine Vandervort. Fig. 33. — Machines à fabriquer la cire qgaufrée. se fait qu'au détriment de son bien-être et de sa provision de miel. » La méthode simple est aujourd’hui la plus géné- ralement adoptée en France par les praticiens les plus éminents; elle a été recom- mandée dans la session de 1893 que l’on noie dans la feuille, en faisant fondre la cire autour d'eux à l’aide d’une molette (dite éperon Voiblet) chauffée ; les dents de cette molette sont échancrées de manière que le fil de fer s'y emboite à mesure que l’instru- ment roule sur lui. par la Fédération des Sociétés françaises d’Apiculture. Avant de décrire le mode de conduite d’un rucher pendant toute une année, il importe de dire un mot de l'emploi de la cire gaufrée. $ 2. — Emploi de la Cire gaufrée. On appelle ainsi des feuilles de cire plus ou moins épaisses (de 85 à 250 décimètres carrés au kilogramme), dans lesquelles des rudiments d’alvéoles d’ou- vrières ont élé mécaniquement creusés, par le passage de ces Fig. 34 — Cadre tendu de fils de fer et L'emploi de la cire gaufrée est très avantageux, parce qu'il as- sure la régularité de la cons- truction des rayons et la réduc- tion du nombre des cellules de mâles au minimum indispensa- ble ; cette cire permet surtout de fournir de suite des batisses pour emmagasiner le miel aux colo- nies qui en manquent et, en par- ticulier, aux essaims naturels. Il en résulte, pour les insectes, une économie de travail et, pour l’apiculteur , un supplément de récolte. On a conclu d'expériences fai- : à É prél à recevoir la cire gaufrée. — «b, fil re feuilles entre deux cylindres mé- 46 fer galvanisé de la grosseur d’un crin tes dans des conditions anor- talliques gravés en relief (fig. 33). de cheval. — «, petites pointes (semences males, que l'élaboration de la Lorsque les abeilles ont ces fon- bleues), en b le fil est tordu autour de la A traverse inférieure. — Les fils 1 et3sont cire coûlait beaucoup de miel. dations à leur disposition, elles *,f,Centimètres environ des montants pas et Milne-Edwards indi- en étirent la cire, allongent les parois des alvéoles jusqu'aux dimensions qu’elles doivent normalement atteindre. Le miel, emmagasiné dans cesrayons artificiels, en est retiré à l’aide d'appareils basés sur l’action de la force centrifuge, et le gâteau de cire absolu- ment intact est prêt à être replacé de nouveau dans verticaux; le fil 2 bien au milieu. quaient une consommation de 25 kilos de miel pour 1 kilo de cire; Vignole et Colin disent 3 kilos seulement. En réalité le poids de miel nécessaire pour fabriquer 1 kilo de cire est très va- riable suivant que les conditions de température, de miellée, d'abondance de pollen, sont plus ou moins favorables ; lorsque toutes ces conditions sont réu- à _omaift di ne OR ns né ri TE ae die D R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE 23 EEE —]——]—]— "A nies, — et il est impossible d’en déterminer le mo- ment précis, — l'abeille est, pour ainsi dire, obligée de sécréter de la cire par le jeu spontané des organes que la nature lui a départi pour cette fonction. Ce serait une faute de n’en pas profiter et de remplir la ruche uniquement avec des cires gaufrées ou des rayons entièrement bâtis. M. de Layens a montré, par des expériences précises, qu'au point de vue de la récolte totale, une ruche ayant des rayons à construire rapportail autant de miel qu'une autre ayanttoutesses bälisses, pour- vu , toutefois, que les rayons à construire fussent placés dès le débutde la saison el dans des condi- tions que nous examinerons plus loin. $ 3, — Examen du Couvain et préparation des Colonies. L'exercice d’une industrie où d’un métier quelconque de- mande tou - jours un préa- lable appren- tissage destiné à acquérir la pratique néces- saire; l’apicul- ture ne fait point exception à la règle, et le débutant courrait à un échec pres- que certain s'il essayait de suivre les indications que je vais maintenant donner, sans connaitre à fond la biologie des abeilles. Il devra, pen- dant la première année et sur les deux ou trois ruches, nombre auquel je lui conseille de se borner en commençant, pratiquer d'incessantes visites, les ouvrir souvent, regarder les cadres, examiner avec soin le couvain, observer les mœurs des insectes, elc.; la récolte sera sans doute très faible ou nulle, mais la somme de connaissances acquises suffisante pour réussir l’année suivante. Voici les opérations à effectuer depuis le début jusqu’à la fin d'août, en prenant pour exemple une ruche horizontale à 20 cadres. Il est très important de ne pas déranger les abeilles de trop bonne heure au printemps ; d’une manière générale, on ne doit pratiquer la pre- mière visite des ruches que lorsque les abeilles elles-mêmes ont fait connaitre qu’elles ont quitté le repos hivernal, par des sorties aclives pendant une dizaine de jours en rapportant des pelotes de pollen. Dans nos régions tempérées, cela se pro- duit géralement vers le 15 avril. Cette visite ne devant pas se renouveler sur les bonnes colonies avant l’automne, il est nécessaire de savoir se rendre compte en une seule fois si la ruche sera bonne ou mauvaise pen- dant toute l’an- née; on y par- vient par l’exa- men attentif du couvain. Les cas sui- vants peuvent se présenter : 1° Le couvain se montre en plaques com- pactes de forme circulaire ; dans ce cas la reine est bonne pondeuse et la colonie mar- chera normale- ment sans qu'il yaitlieu des'en occuper!fig. 22, Fig. 35. — Couvain éparpillé; reine mauvaise pondeuse. — En haul, miel operculé. p. 17). — (Photographie communiquée par M. de Layens). 2° Le couvain est éparpillé (fig. 35). La reine est mauvaise pondeuse; le plus souvent, les abeilles la remplaceront sans que l'apiculteur ait à intervenir; quelquefois la co- lonie devient orpheline. En tous les cas, une semblable ruche doit être visitée de nouveau trois semaines ou un mois après, pour voir Si les choses sont remises en état. Si la colonie est orpheline, ce qui se reconnait à l'absence com- plète de couvain à celte seconde visite, ou à la présence exclusive de couvain de mäles, on la traitera comme il est dit ci-dessus. 3° On ne trouve que du couvain de mâles; ce couvain est reconnaissable parce que les cellules qui le renferment sont plus grandes et les oper- cules qui le recouvrent bombées et de nuance plus claire que celles du couvain d’ouvrières. Une 19 En colonie présentant ce caractère ne vaut plus rien, il faut la supprimer : à l’aide d’une brosse à longs poils, dite brosse à abeilles, on fait tomber sur un plateau exposé au soleil les mouches qui ne cher- chent pas à s'envoler des rayons, elles iront se réfugier dans les ruches voisines; la ruche estenlevée etles rayons mis de côté pour servir ullé- rieurement. 4° Il existe à la fois un beau couvain d'ouvrières, Ce qui in- dique la présence d’une bonne reine et une très forte quantité de couvain mâle (fig. 37). Si ce dernier occupe presque exelusive- ment des rayons entiers, on enlèvera ceux-ci pour les fondre ; s’il n’est placé que sur une partie du rayon, on découpera cette partie avecun couteau en respectant avec soin le | couvain d’ou vrières et on replacera dans la ruche le rayon ainsi mutilé, après avoir inséré dans l’espace vide un mor- ceau à petites cellules ou une feuille gaufrée. 5 Il n’y a pas de cou- vain du tout. Cela peut pro- venir de deux causes : 4) La reine n’a pas encore com — mencé à pon- dre; on visi- era la ruche 15 jours a - près ; b) si, à cette visite, il ÿ a un bon couvain, tout va bien el nous retom bons dans le premier cas; si le cou- vain est toujours absent, cela veut dire que la colonie est orpheline. En présence de cette ruche orpheline, l’apiculteur peut opérer de deux ma- nières : Si la population est faible et possède peu de miel, il ‘aut la supprimer, comme il a été cliché, alvéoles d’ouvrières.) Das Fig. 36. — Fragment de rayon. — (A gauche du grandes ‘alvéoles de mäles; à droite, Fig. 37. — Couvain de mûles en haut et sur toute la partie droite. — En bas el à gauche, couvain d'ouvrières. — (Photographie communiquée par M. de Layens). R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE dit pour le cas numéro 3. Si la population est forte et bien pourvue de provisions, on y placera, en face du trou de vol, un cadre pris dans une ruche voisine et contenant du couvain de tout âge, (c'est-à-dire des œufs, des larves et des nymphes), avec lequel les ouvrières ferontune nouvelle reine. Les colonies reconnues dé- finitivement bonnes recevront alors d’un seul coup tous les cadres que les ruches peuvent contenir, en disposant ces cadres de la manière suivante. Il convient de faire remarquer que, dans la ruche de Layens dont je parle, il y a deux trous de vol situés de chaque côté; un seul doit rester ouvert : c’est le trou placé du côté où la colonie est logée. Si le trou de vol élait uni- que et au mi- lieu de la ru- che, le mode de disposition des cadres se- rait analogue, en observant que le rayon formant le mi- lieu du nid à couvain doit se trouver juste en face du mi- lieu du trou de vol. Tout à fait contre la paroi, on placera deux rayons bâtis en cellules d'ou - vrières, mais entièrement vides ; à la sui- Le et dans l’or- dre même qu'ils occu - paient tous les rayons de cou- vain, tous pos- sèdant un peu de miel au som- mel; puis un certain nombre de rayons entière ment vides comme les deux premiers, en quan- tité telle que le total soit de douze. Le treizième cadre et tous les impairs suivants seront complè- tement bâtis el renfermeront un peu de miel; ils allerneront avec les cadres pairs ne contenant At Er ed Li act tete hf ie SN € R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE 25 aucune construction, mais simplement amorcés par des bandes étroites de vieux rayons fixés par de la colle forte à la traverse supérieure. Il résulte du dispositif adopté que les abeilles auront la possibilité de fabriquer la cire quand elles voudront et dans les conditions qu'elles juge- ront les plus favorables: les rayons obtenus seront toujours réguliers parce que la construction sera guidée par les bâtisses placées de chaque côté; les butineuses seront attirées de suite dans celte partie de la ruche par le miel qui y sera laissé. Lareine ne man- quera jamais de place pour la ponte, ni les ouvrières pour emmagasiner le miel, gràce aux treize premiers rayons entièrement prêts et qui ne seront ja- mais remplis avant que la construction des autres soit terminée. Lorsqu'on sera certain de ne posséder que d’ex- cellentes colonies disposées de la sorte, à fait superflu d'ouvrir les ruches dans le cours de la saison. Un Fig. 38. — Alvéoles royales. L'absence de couvain pouvant indiquer une ruche orpheline ou une ruche en train de se refaire une reine, il faudra la visiter de nouveau 15 jours ou 3 semaines après. $ 4. — Récolte du miel et mise en Hivernage. La deuxième et dernière visite nor- male a pour but, à la fois, de procéder à la récolte et à la mise en hivernage. Le nectar récolté par les abeilles sur les fleurs n’est pas encore du miel; pour le devenir, il doit, au préalable, subir des modifications importantes. Mélangé d’abord au suc gastrique et à la salive, le saccharose qu'il contient se transforme presque entièrement en glucose ; il se charge, en même temps, d’une faible proportion d'acide formique, antisep- tique puissant auquel le miel doit sa conservation il sera tout et la plus grande partie, sans doute, de ses pro- priétés thérapeutiques. Le nectar contient, en outre, de 76 à 95 °/, d’eau, le miel 18 à 25 °/ seulement; l’éli- minationdecette coup d'œil jeté sur les trous de vol fera connai- tre de suite l’état de prospérité de la famille ; si, par une belle jour- née, cette ouver- ture donne pas- sage à de nom- breuses ouvriè- res très actives, — et ce sera le cas le plus géné- ral, — on peut èlre certain que la colonie est prospère; dans quelques rares familles le mou- vement se ralen- lira peut-être , les mouches ne se presseront plus à la porte, masse considé - rable d'eau a lieu, en partie, par les nom - breux canaux de l'appareil uri - naire, en partie par l’évapora - tion dans les cel- lules où le pro- duit est déposé. Lorsque la ma- tière sucrée est parvenue à l'état convenable, l’al- véole qui la ren- ferme est close par un couverele de cire plat ou o- percule; le miel operculé seul est susceptible d’u- ne conservation indéfinie , celui elles sembleront inactives et moins nombreu- | À. L. (Metrrent PER en | À ; —— ———— — |||||| qui ne l’est pas REZ ==]! contient trop Fig. 39. — Rayon d'une ruche d'abeilles carnioliennes portant des cellules mater- d'eau et fermen- nelles (d’après une photographie). te rapidement: ses; un fait in- solite se sera , sans doute, produit et une visite rapide sera néces- saire; on l'effectuera en tenant compte des prin- cipes posés plus haut et en particulier au n° 4. on ne doit ja- mais l'extraire dans cet état. Le mois de septembre est l’époque la plus favo- rable pour effectuer en même temps la récolte et la 26 R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE préparation des colonies pour l'hiver. Cependant, | mise en hivernage, 18 à 20 kilos de miel pour une si l’on est pressé, on peut procéder à cette opéra- tion dès la fin de la miellée, c’est-à-dire lorsque la ruche sur bascule (fig. 1) n’accuse plus aucune | augmentation de poids (fig. 40). Récolter une ruche, cela ne veut pas dire enlever tout le miel qui est dedans, mais seulement s'em- parer du surplus qui n’est pas nécessaire aux abeilles pour leur alimentation jusqu’à l'apparition des nouvelles fleurs. Or, la consommation d’une colonie pour son propre entretien pendant l'hiver (du 1° octobre au 1” mars) est peu considérable, et reste souvent inférieure à 3 ou 4 kilogrammes, même dans une forte ruche à cadres. C’est surtout à partir du mois de mars, époque à laquelle la forte ruche à cadres. Rien n’est plus simple que d'apprécier le poids des provisions lorsque l’on fait usage du cadre de 12 décimètres carrés; plein de miel, il en contient environ 4 kilogrammes. Il est facile, dès lors, en examinant les cadres un à un, d’estimer la quan- tité de miel contenue dans chacun d’eux, suivant qu'ils sont pleins entièrement, à moitié ou au quart seulement, d’en laisser le nombre qu'il faut et de retirer le surplus sans crainte d'erreur. La prospérité des colonies, à l'ouverture de la saison suivante, et, par suite, le résullat de la campagne tout entière, dépendra de la manière dont la famille aura traversé l'hiver. Fig. 40. — Récolle du miel dans un rucher de ruches vulgaires. reine commence à pondre assez abondamment, que cette consommation devient très grande ; il nous est facile de la calculer approximativement. Nous serons plutôt au-dessous de la vérité en disant qu'une bonne reine donne naissance, vers mars- avril, à une moyenne de 2.000 œufs par 24 heures; chaque larve exige pour sa transformation en in- secte parfait environ quatre fois son poids d'une bouillie nutritive formée de pollen, d'eau et de miel, pour à peu près un liers; si nous nous rap- pelons que 2.000 abeilles pèsent 200 grammes, nous voyons que l'élevage de ces 2.000 larves nécessi- tera par 2% heures au moins 250 grammes de miel, ou pour deux mois 15 kilos. Ce n'est, en effet, guêre avant le courant de mai que les abeilles trouvent sur les fleurs de quoi suflire à leurs besoins. C'est avec raison, par conséquent, que les bons apiculteurs recommandent de laisser, lors de la Trois conditions sont indispensables pour que l'hivernage ait lieu aussi parfaitement que pos- sible : il faut des provisions suffisantes, beaucoup d’air et le repos le plus absolu. Nous venons de voir comment on devait traiter ce qui est relatif à la nourriture. J'assure dans mes ruches une ventilation convenable en laissant les trous de vol largement ouverts, el en perçant au bas de la paroi de derrière, en son milieu, un trou de la dimension d’une pièce de deux franes, sur lequel je cloue un morceau de toile métallique galvanisée. Dès que les premiers froids se font sentir, les abeilles se massent en un groupe compact, toujours placé dans l'endroit le plus aéré de lhabitation, c’est-à-dire en face du trou de vol; la lempérature au centre du groupe se maintient entre 10et 12°C. Une secousse quelconque, provoquant une agi- tation, fait en quelques secondes monter la tem- PU > sf déteste RE té ns, sé nés Lo. mt Si ds he. D din en à 4 2 R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L’APICULTURE EN FRANCE 27 ———————————_—————_———_—_—_—_—_—— pérature entre 25 et 30°C; il en résulle immédia- tement la consommation d'une plus grande quantité de nourriture. Si, par suite de visites intempestives ou d'ébranlements violents, l'agi- tation devient telle que le groupe compact se rompe, les abellles isolées sont impuissantes à maintenir leur corps au degré voulu et ne tardent pas à périr. La récolte faite et la ruche disposée convena- blement, on recouvrira le dessus des cadres d’un paillasson ou d'une étoffe de laine sous la toiture, et l'on évitera avec le plus grand soin toutes les causes qui pourraient troubler la tranquillité de la famille. M. de Layens a hiverné dansces conditions, et sans accident, de nombreuses ruches dans les Alpes, à 1700 mètres d'altitude ; il existe également un rucher permanent très prospère, appartenant à M. S. Michaël, à plus de 2.000 mètres d'altitude sur la Bernina ; enfin, un apiculteur russe des plus distingués, M"° Olga Levaschof, signale que ses ruches en plein air résistent admirablement à des froids inférieurs à — 30°C, tandis que celles logées dans des pavillons fermés, où la température était maintenue entre 4 et 8°C se comportent beaucoup moins bien. Les rayons, une fois sortis de la ruche, il ne reste plus qu’à en extraire le miel. Chaque cadre, placé sur un chevalet, est désoperculé sur les deux faces, c’est-à-dire qu'à l’aide d’un couteau à deux mains, analogue à une plane de charpentier, on enlève les couvercles de cire qui ferment les al- véoles. Le rayon ainsi préparé est introduit dans le mélo-extracteur à force centrifuge. Cet appareil se compose essentiellement d’une cage à quatres faces tendues de toile métallique. Cette cage peut, parl'intermédiaire d’une manivelle et d’engrenages, être animée d'un rapide mouve- ment de rotation dans l’intérieur d’un cylindre de tôle étamée, muni à sa partie inférieure d’un robi- net. Après un certain nombre de tours, le miel s'écouleet est recueilli dans des récipients profonds où, par lerepos,on le laisse s’éclaircir et se débar- rasser des quelques impuretés qu'il contient en- core, débris de cire, grains de pollen, et qui, plus légères, montent à la surface. Le miel obtenu sous cette forme porte le nom de miel coulé; on peutégalement produire des sections c'est-à-dire, de petits rayons dont le poids varie habituellement de un demi à deux kilogrammes. On oblient des sections en intercalant dans un cadre ordinaire d’autres petits cadres à parois très minces, amorcés par une bande de cire gaufrée. Les sections, pour être marchandes, doivent être très belles, bien remplies et sans aucune cellule non operculée ; trop souvent elles ne remplissent pas ces conditions, et le déchet très considérable qui résulte du peu d’empressement que mettentles abeilles à y travailler rend leur production difli- cile, coûteuse et, en somme, peu recommandable. Sur le conseil de M. de Layens, j'ai essayé celte année de fabriquer des sections, en découpant à l'emporte-pièce, dans les plus beaux rayons, des morceaux rectangulaires d'environ 500 grammes ; ces morceaux, enveloppés dans du papier parche- miné, sont ensuite introduits dans des boîtes de fer-blane ; l'expérience toute récente m'a appris qu'ils peuvent voyager ainsi au loin et arriver en très bon état, malgré le peu de liquide qui s'écoule sur les bords. Il n’est pas possible d'indiquer à l’avance la quan- tité de miel que pourra fournir un rucher, elle dé- pendra surtout desressources mellifères de la région el aussi des soins que l’on saura donner. On à signalé des rendements de 200 kilogrammes par ruche; j'ai moi-même obtenu près de 100 kilo- grammes dans une ruche de mon rucher de Riom; mais ce sont des cas tout à fait exceptionnels sur lesquels on auraitbien tort de compter. Dans une année et dans un pays favorable, on peut estimer qu'une ruche horizontale à 20 cadres fournit en moyenne une récolte nette de 20 à 25 kilogrammes. IV. — STATISTIQUE APICOLE S 1. — Prix du Miel. Le prix auquel le miel est vendu dépend de ses qualités (couleur, goût), de la manière dont iles présenté et du lieu ou ilest vendu ; il obéit ainsi aux lois habituelles de l'offre et de la demande. Le marché de Paris, en particulier, est encombré, sur- tout parles miels du Gâtinais, et les prix sont tombés à un taux très bas. Les surfins extra-blancs valent 110 à 115 francs les 100 kilogrammes; ceux de Bretagne 72 à 75 francs en gare de Paris. Ge serait donc une faute de chercherun écoulement sur la Capitale; chaque apiculteur devra chercher des débouchés dans la région qu'il habite en pré- sentant le produit sous la forme la plus attrayante possible. $ 2. — Nombre des Ruches et Production du Miel. Voici, puisés à diverses sources, le nombre de ruches et la production en miel des différents pays où l’apiculture à quelque importance : Pays Ruches Tonnes de miel Allemagne rt 1.910.000 20.000 AUINChe.- ee 1.550.000 18.000 Belgique” -#tf 200.000 2.000 Danemark... 90.000 900 Espagne .:....... °.. 1.690.000 19.000 Etats-Unis... 2.800.000 30.000 FrARCGEN RE EC der 1.592.929 7.403 28 Pays Rucbhes Tonnes de miel (ÉTAT 30.000 1.400 Hollande......... 240.000 2,500 later cree (La statistique n'a jamais été faite) R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L’APICULTURE EN FRANCE Russie Rene 110.000 900 SUISSE PRE LE 207.384 non recensé En ce qui concerne les colonies françaises, nous ne possédons de chiffres que pour l'Algérie; les rte nues à à == - TE Dont — DOUBS =" === [6 20430000 = de 1020000 = de 5à10000 [__ ]moins de5000 MISE CDN TRI EERBSRER Fig. 41. — Distribulion des ruches dans les divers départements français (d'après les statistiques du Ministère de l'Agriculture.) Angleterre et Pays FRE derGalles rer 260.000 2.032 5 ‘1 Ecosse .. ... (La statistique n'a nl © CEA : jamais été faite) InandeECAELPRE 22.500 191 ! Je dois à l'obligeance de M. Bertrand, Directeur de la Revue inlernalionale d'Apicullure, les renseignements relatifs au Royaume-Uni, à l'Italie et à la Suisse. suivants sont donnés par la statistiques décennale de 1882 : : Nombre de ruches en activité : 19.707 produisant : 1.184.493 francs. 646.232 francs valant valant de miel, de cire, Le nombre de ruches ne cesse de diminuer en France; il a baissé, de 1862 à 1882, de 23 °/, envi- 1 | | titi R. HOMMELL — ÉTAT ACTUEL DE L’APICULTURE EN FRANCE 29 ron ; une diminution correspondante en est résultée dans la valeur de la production; celle du miel était de 18.064.166 francs en 1862; elle n’a plus été que de 13.748 002 francs en 1882. En 1893 le nombre de ruches en activité descend encore à 1.502.929 ANA GAL ENDEE 7 _. te = recoltant Miel. JO HE i500000. LES de 4500000. [RW == N ds 23300000 1777 de 1004200000 = de 50100000 de 10350000 [___] mois de10000 sivement sur les ruches à rayons fixes; les statisti- ques locales, publiées par diverses Sociétés d’Api- culture, indiquent, en effet, que le nombre des ruches à cadres mobiles ne cesse d'augmenter. Il serait extrêmement intéressant que les statistiques 7 . . Ft | 4 # SE + EZ LE PYRENEES 7 ne = = NE) DT: Fig. 42. — ponenee de la production du miel dans les divers départements français (d'après les statistiques du Ministère de l'Agriculture). contre 1.974.559 en 1882, et la valeur du miel vendu à 10.619.073 francs. Le chiffre cité pour 1893 correspond à 3 ruches environ par kilomètre carré;ilest, pourl'Allemagne, de 3, 78; dans le canton de Vaud (Suisse) on en trouve 8 pour la même surface. Il convient de remarquer que la diminution du nombre de ruches en France porte presque exclu- publiées par le Ministère de l'Agriculture fissent la distinction entre les ruches à rayons fixes et celles à cadres mobiles; ce serait un élément pour appré- cier les variations de notre Apiculture non seule- ment en quantité mais aussi en qualité. Les miels français que l’on considère comme les plus fins sont ceux dits de Narbonne, provenant des Labiées (thym, serpolet, etc.) qui poussent sur 30 R. HOMMELI, — ÉTAT ACTUEL DE L'APICULTURE EN FRANCE ————————_—_—_———————— les Corbières. On en produit très peu, infiniment moins assurément qu'on en vend. Les miels de cer- taines régions de la Savoie sont tout aussi délicieux, quoique moins connus. Les miels du Gâtinais et de la Beauce sontblanes, de goût fin et peu prononcé et récoltés sur le sain- foin. Leur principal débouché est Paris, qui en recoit, année moyenne, 5 à 6000 barils de 40 kilos. Les miels les plus foncés, rouges ou bruns, sont les moins chers: ils sont surtoul employés dans la fabrication du pain d'épice. Ils viennent surtout NL ANRT EN (A jai \ù j AI VAL LU en nf Fig. 13. de la Bretagne et des Landes et sont fournis par le sarrasin et la bruyère. L'Algérie et la Tunisie possèdent, outre la race commune ordinaire, une abeille plus petite que la nôtre d'environ 2 millimètres et entièrement noire ; elle montre dans son pays d'origine de très sérieuses qualités. L'Apiculture est en Tunisie à l’élat tout à fait rudimentaire et complètement entre les mains desindigènes, lesquels font usage d’une ruche cylin- drique de 0",80 de longueur, environ sur 0,20 de diamètre, en écorce de chène-liège ou en bois tressé (fig. 43). En Algérie, l'industrie apicole est en très bonne voie et le nombre de ruches à cadres mobiles déjà considérable; ce résaltat est dû, en grande partie, à l’action de la Société des Apiculteurs Algé- riens, qui publie un Bulletin plein d'intérêt; il est juste deciter les noms de M. le D" Reisser, président, et de M. Colas, vice-président et secrétaire général de la Société : c'est à leurs persévérants efforts que sont dus Les progrès réalisés. Notre colonie est très riche en plantes mellifères ; mais, sauf dans les régions boisées el ombragées, il est à craindre de voir les extrêmes chaleurs de l'été dessécher le nectar; à Blidah, par exemple, les abeilles ne sortent que le matin pendant l'été, elles sont toutes rentrées dès 8 heures du matin. Il est bien certain que la culture des abeilles ne sera jamais aussi fructueuse en Algérie et en Tu- nisie qu'en France. Nous ne savons presque rien sur l’Apiculture dans les autres colonies françaises, sinon qu’elle n'y est pour ainsi dire pas praliquée. La seule race d’abeilles qui existe à Madagascar età la Réunion est l’Ayis unicolor (Latr.). Elle ne diffère de lApis mellifica que par des caractères secondaires : elle est plus petile, moins foncée et moins robuste, l'abdomen est complètement noir. Ce qui prouve encore plus l’affinilé très grande qui existe entre les deux races, c'est le fait que des reines expédiées de France et d'Italie à M. de Vil- lèle, apiculteur à la Réunion, et arrivées en bonélal, ont été acceptées sans difficulté par des colonies orphelines d’'Apis wnivolor. La Réunion produit un miel vert célèbre et d’un prix élevé; on a remarqué qu'il se produisait à l’époque de la floraison de deux arbres désignés dans le pays sous le nom de : bois de tan et bois de fer. Madagascar donne aussi un miel verdâtre, par- fois nuisible quand il est butiné sur les no On peut signaler au Sénégal l’Aypis Adansoni (Latr.) assez semblable à l'abeille italienne, mais plus petile; elle est exploitée par les indigènes dans des ruches suspendues aux arbres et récoltées par l’étouffage de la colonie. En Nouvelle-Calédonie, la culture de l'abeille est rendue presque impossible à cause d'une plante fort répandue, le Helaleuca viridiflora, vulgairement appelée Miaouli et dont le goût très désagréable se communique au miel. Dans l'ile des Pins,’où cet arbre n'existe pas, les missionnaires obtiennent un miel abondant et exquis. R. Hommell, Professeur spécial d'Agriculture à Riom (Puy-de-Dôme), Secrétaire général} de”la Fédération des Sociétés françaises d'Apiculture, C.-A. LAISANT — LES MATHÉMATIQUES AU CONGRES DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE 31 510,6 LES MATHÉMATIQUES AU CONGRÈS DE L'ASSOCIATION FRANCAISE POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES A BORDEAUX Depuis la création de l'Association française, en 1872, les Sciences Mathématiques, dont s’oc- cupent les première et deuxième Sections, — en fait fusionnées en une seule, — ont certainement tenu un rang des plus honorables. Beaucoup de com- munications originales ont paru pour la première fois dans les comptes rendus de l’Associalion ; et l’on peut affirmer que l’enseignement, aussi bien que la science pure, a souvent profilé des obser- valions et des échanges d'idées qui s'étaient pro- duits dans les congrès. Cette tradition n’a pas été rompue en 1895. Le congrès annuel se tenait à Bordeaux, où avait déjà eu lieu la première session de 1872, et les Sections de Mathématiques élaient présidées par M. de Lagrandval, qui fut pendant de longues années professeur de Mathématiques spéciales au Lycée de cette ville, et participa aussi à l’enseigne- ment de la Faculté des Sciences. MM. Guimaraes (Portugal), Mackay (Grande-Bre- tagne), Torres (Espagne),qui se trouvaient présents au Congrès, furent nommés présidents d'honneur. Il ne conviendrait par ici de dresser une sorte de statistique des questions traitées ou des commu- nicalions faites, soit en personne parleurs auteurs, soit par correspondance. Nous croyons préférable d'attirer plus spécialement l’altention du lecteur sur quelques-unes d’entre elles, sans vouloir, en quoi que ce soit, diminuer le mérite des autres. Il y à, en effet, des sujets, en Mathématiques comme dans toutes les autres Sciences, qui, par leur nature même ou par leur degré élevé de généralité, peu- vent être compris, sinon complèlement étudiés, par des personnes possédant l'esprit scientifique, mais ne s’élant pas adonnées à l'étude exclusive et spéciale des Mathématiques. Pour d'autres questions au contraire, il faut celte préparation particulière ; et alors, l’'énuméralion d’une suite de titres de Mémoires ne fournit guère d'indica- tions utiles, et présente une obscurité profonde aux yeux de la grande majorité des lecteurs. Il nous sera cependant permis de donner, très rapidement et un peu au hasard, les noms de la plupart des auteurs de communications malhé- matiques du Congrès de Bordeaux ; beaucoup sont en possession déjà d'une grande noto- riété, soit dans la science, soit dans l’enseigne- ment, et témoignent d’une grande sollicitude pour l'Association française, par la fidélité avec laquelle ils participent aux travaux des congrès depuis de nombreuses années. Nous relevons ainsi, dans les divers ordres du jour, les noms de MM. Collignon, Gaston Tarry, Barbarin, Vigarié, Gravé (Saint- Pétersbourg), Miche] Laporte, commandant Coccoz, Lémeray, Hadamard, Delannoy, G. Oltramare (Ge- nève), Lez, Schoute (Grüningue), Casalonga, Em. Lemoine, Cailler (Genève), Fabre, Brunel, Maillel, Fontès, Pinatel, Guitel, et d’autres encore. Ï. — MACHINES A CALCULER Parmi les communications individuelles, la première que nous jugions utile de signaler, en la recommandant d'une manière tout à fait spéciale à l'attention des lecleurs de la Revue, est celle de M. Genaille, concernant un arithmomètre général de son invention. Tout le monde sait quels efforts ont été faits depuis des siècles pour essayer de substituer des procédés mécaniques de calcul à l'effort cérébral qu'exigent les opérations arith- métiques. Gagner du temps, éviter des erreurs, tels sont les deux résultats à atteindre ; mais la machine à calculer vraiment parfaile est encore à construire. Quelques-unes sont en usage, notam- ment dans de grands établissements financiers ou dans les compagnies d'assurances ; elles ont sur- tout le défaut de coûter fort cher, tout en rendant de précieux services,et l'usage dès lors n’a pu s’en généraliser. ; C'est à ce problème d’une réalisation pratique si difficile que s’est attaché M. Genaille depuis une vingtaine d'années. Il l’a fait avec une téna- cité d'autant plus mériloire que sa situation mo- deste aux Chemins de fer de l’État, en province d'abord, puis à Paris, ne lui laissait guère de loisirs pour les recherches dont nous parlons. Mais il était doué de ce qu'on pourrait appeler la passion des inventeurs. Son esprit prodigieuse- ment ingénieux, joint à une admirable persévé- rance, lui permit de mettre à exécution ses pre- mières inventions concernant les procédés de calcul ; c'était, à l'origine, un système de tracés graphiques, modification des plus heureuses des célèbres bâtons de Neper. M. Genaille trouva du reste un encouragement et une protection efficaces chez un savant de premier ordre, peut-être le plus instruit de son époque en matière d'Arilthmé- 32 C.-A. LAISANT — LES MATHÉMATIQUES AU CONGRÉS DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE tique : nous avons nommé Edouard Lucas, qui ne dédaigna pas de devenir le collaborateur de M. Genaille en plusieurs circonstances. Depuis la mort de Lucas, en 1891, M. Genaille n’a cessé de poursuivre ses travaux, s'attachant à perfection- ner sans cesse les procédés employés par lui, en vue de les doter d'un caractère aussi pratique que possible. En 1894, au Congrès de Caen, M. Genaille avait déjà présenté un calculateur graphique fort intéres- sant, car, pour effectuer une multiplication, il ne restait à faire qu'une addition des plus simples. Son nouvel appareil,toujours fondé sur les mêmes principes, fait disparaitre cette nécessité; el ce- pendant, l’auteur est assuré de pouvoir livrer commercialement son appareil à un prix qui ne surpassera pas 120 à 150 francs suivant la nature des matériaux employés. Un spécimen construit par lui a été présenté au Congrès de Bordeaux, et suffit à prouver, suivant son affirmation, qu'on peut obtenir le produit d’un nombre quelconque par un nombre de 10 chiffres sans avoir à exé- cuter la moindre opération arithmétique. Est-ce à dire que l'appareil soit la perfection même, qu'il n’y ait pas encore certaines améliorations à y in- troduire, en vue, par exemple, de simplifier les manœuvres à faire et de faciliter les lectures ? Il serait téméraire de l’affirmer ; et nous serions bien supris si M. Genaille lui-même ne s’attachail pas à rendre plus maniable encore sa machine à calcul. Mais, telle qu’elle est présentée, elle n’en offre pas moins d'immenses avantages, el on peut dire sans exagération que c’est à l’heure actuelle le dernier mot de ce qui a été fait dans cet ordre d'idées, au point de vue de la simplicité et de l’économie. On pourrait être tenté (ceux du moins qui ne le connaissent pas suflisamment) de taxer M. Genaille de présomption, en constatant le caractère un peu ambitieux en apparence du titre dont il a doté son appareil : Le Génial. L'explication est pourtant assez simple et curieuse en même temps. Cette qualification est d'Édouard Lucas, et non pas de l'inventeur. Grand admirateur des découvertes de M. Genaille, comme nous l'avons rappelé, et doué d’une rare facilité pour les rapprochements de consonnances, jeux de mots et anagrammes, il avait coutume de dire fréquemment : « Genaille a « un nom prédesliné; une légère permutation des « lettres de son nom donne : Le Génial, et c’est « bien le titre qui convient à l’appareil de calcul « qu'il nous prépare. » Quoi qu'il en soit, cetle seule communication suflirait pour qu'on püt dire que les Sections de Mathématiques ne se sont pas inutilement réunies au Congrès de Bordeaux, car un perfectionnement important apporlé dans les moyens de substituer une action purement mécanique à l'effort cérébral est un appoint des plus plus sérieux à la science, soit directement, soit par voie indirecte. Un autre travail, dont l’analogie avec le précé- dent frappera tous les esprits, si l'on considère, du moins, le but à atteindre, est celui de M. Torrès, in- génieur des Ponts et Chaussées en Espagne. Le problème, toutefois, est ici beaucoup plus savant et moins intéressant au point de vue du gros pu- blic. M. Torres s’est proposé de construire une ma- chine permettant de résoudre les équations. Il a même fait exécuter un modèle qui permet d’obte- nir, avec + d'erreur relative, la racine réelle des équations 2° — Aa + B— 0,2 + Az —B = 0. Cet appareil a été présenté par l’auteur à l'Acadé- mie des Sciences, dans la séance du 29 juillet 4895, puis au Congrès de Bordeaux. Naturellement, un pareil résultat ne saurait s’obtenir sans une cer- taine complication dans les organes; il faut dire toutefois que cette complication est plus apparente que réelle. Pour se rendre compte du fonctionne- ment d'une telle machine, ou même simplement des principes sur lesquels elle repose, il faudrait une description accompagnée de figures el de cal- culs incompatibles avec la nature de ce compte rendu rapide. Le peu que nous en avons dit per- met de juger de l'importance du problème, et les savants qui y porteraient intérêt pourront facile- ment étudier laremarquable solution de M. Torres, en se reporlant aux sources indiquées. II. — CARRÉS MAGIQUES Les carrés magiques ont fait l’objet de plusieurs communications intéressantes de MM. Tarry, Fon- tès et le Commandant Coccoz. Cet amusement ma- thématique est redevenu très en faveur depuis un certain temps, et on aurait tort de s’en plaindre. Fermat disait qu'il ne savait rien de plus beau en Arithmétique, et les plus grands géomètres ne dédaignèrent pas de s’en occuper. A quoi cela peut-il servir? — demanderont peut-être quelques esprits superficiels. — Qu'en savons-nous ? est-on en droit de leur répondre. — C’est le propre de la science pure de porter en elle-même son utilité; approcher de plus en plus de la vérité est son but incessant; les applica- tions, s’il doit y en avoir, viendront à leur heure. Du reste, dans le domaine arithmétique, s'il est permis d’attacher peu d'importance à l’ef- fort des chercheurs de carrés magiques qui ne font porter leurs travaux que sur des problèmes parti- culiers, avec une ingéniosilé parfois très grande, il n’en est plus de même pour les mathématiciens qui se donnent plutôt pour but de trouver des mé- thodes que des procédés particuliers. C'est, par exemple, ce qu'a montré M. Arnoux dans son si remarquable ouvrage : Les espaces arithmétiques hypermagiques, dont les idées fondamentales ont servi de point de départ à plusieurs des études actuellement poursuivies dans cet ordre d'i- dées. III. — APPLICATION DU SYSTÈME DÉCIMAL A LA MESURE DES ANGLES A côté des communications spéciales faites au Congrès de Bordeaux dans les Sections de Mathé- matiques, il y a lieu de signaler un vœu que l'as- semblée générale de l'Association a fait sien et qui concerne la mesure des angles ou des arcs, c'est- à-dire la division de la circonférence. On sait qu'habituellement on se sert, pour cette mesure, de la 360° partie de la circonférence, appelée degré, que le degré se divise en 60 mi- nutes, et la minute en 60 secondes. Ce qu'on a peut-être un peu plus oublié, c’est que les fondateurs du système métrique avaient proposé de diviser la circonférence en 400 parties égales appelées grades, c’est-à-dire l'angle droit en 100 parties égales, et d'évaluer en- suite un angle ou un arc en grades ou en fractions décimales du grade poussées jusqu’à l'approxima- tion que l’on désire atteindre. Or, plusieurs Services importants — comme celui du Cadastre, et le Service géographique de l'Ar- mée — ont adoplé cette division, plus simple, plus conforme à l’ensemble du système métrique. Des tables logarithmiques ont été calculées et publiées sur cette base ; et, si l'usage de cette division centésimale de l’angle droit ne s’est pas généralisé, cela tient surtout, — à notre avis, — à l'immensité du travail qu'’aurait exigé la re- fonte des documents astronomiques établis d’après les divisions anciennes. En (ous cas, et sans vouloir aucunement suppri- mer d’une façon complète ces anciennes divisions, surtout en Astronomie, il est fort à désirer que, dans l’enseignement, on ne passe pas les nouvelles sous silence. Les élèves de nos diverses écoles ne sont pas appelés à devenir lous astronomes, et ceux qui auraient à s'occuper plus lard du cadastre ou de questions géographiques, se trouveraient bien d'avoir recu quelques notions sur une division plus rationnelle, el qui, dans les calculs, donne moins facilement naissance à certaines erreurs. Cepen- dant ils restent, en général, à ce sujet, dans une ignorance totale. Aussi, serait-il fort à souhaiter que le vœu de l’Association, tendant à l’enseigne- ment des deux moyens de mesure, fût pris en sé- rieuse considération par les personnes qui ont en France la charge de l’Instruction publique. IV . — APPLICATION DES MATHÉMATIQUES A LA MÉCANIQUE Deux questions d'intérêt général figuraient à l'ordre du jour des Sections de Mathématiques depuis le Congrès de Caen. La première est ainsi conçue : « De l'utilité qu'il y aurait à essayer de mettre plus « complètement les Mathématiques pures au service des « sciences d'application, notamment en ce qui concerne «la Mécanique. » Ce sujet a été maintenu à l’ordre du jour pour les futurs Congrès, avec prière à tous ceux qui en auraient connaissance de vouloir bien signaler les livres, ouvrages ou travaux publiés dans le sens indiqué. Il est profondément regrettable, en effet, que des personnes ayant reçu primitivement une instruc- tion mathémalique sérieuse, mais mises par leurs obligations professionnelles dans l’impossibilité de suivre les progrès récents accomplis, se trouvent, pour ainsi dire, réduites à pratiquer une sorte de routine dans les applications qu’elles ont quotidien- nement à faire. C’est un des résultats fächeux de la division extrème du travail à laquelle conduisent les progrès mêmes de la science et de l’industrie. En dépit de cette spécialisation, ou plutôt à cause de cette spécialisation, il est utile de rapprocher le plus qu'on le pourra, la science pure de ses appli- cations, et de ne pas laisser creuser un abime pro- fond entre le monde des savants et celui des ingé- nieurs. INTERNATIONAUX ET BIBLIOTHÈQUES DE MATHÉMATIQUES V. — ConcRës La seconde question à l'ordre du jour — égale- ment depuis le Congrès de Caen — est ainsi for- mulée : « Etude des moyens qui seraient de nature à assurer «un échange de vues plus facile et plus suivi entre les mathématiciens des diverses nations, et qui pourraient «contribuer ainsi aux progrès des sciences mathému- «liques et au perfectionnement des méthodes. » Cette question en soulève une foule d’autres, qui avaient, pour la plupart, été rapidement exa- minées au Congrès de Caen. On l’a reprise à Bor- deaux sous deux aspects principaux qui semblent aujourd'hui des plus intéressants, à des Litres fort divers : Congrés mathémathiques internationaux ; Créa- tion d’une Bibliothèque mathématique des travailleurs. L'idée de laréunion de Congrès mathématiques in- ternationaux est venue spontanément à l'esprit de certains correspondants de l'/ntermédiaire des Mathe- maliciens, et ce journal lui a simplement servi de véhicule. Elle s’est peu à peu répandue, et quel- 34 C.-A. LAISANT — LES MATHÉMATIQUES AU CONGRÈS DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE ques savants des plus illustres s’y sont attachés avec une véritable passion. Nous pouvons, sans en altribuer le monopole à personne, citer toul particulièrement, parmi les adhérents, ies noms de MM. George Cantor, Lampe,en Allemagne ; Vas- silief, en Russie; Hermite, Poincaré, en France ; Neuberg, en Belgique ; et bien d’autres encore. Des votes formels ont été émis en faveur de cette organisation par l'Association française (Congrès de Caen); par la Deutsche Malhematiker Vereini- gung (Vienne, 1894); par la Société Mathématique américaine des Etats-Unis (1894) ; par la Société Mathématique de France et la Société Philomathi- que de Paris (1895). Les Sections de Mathématiques, au Congrès de Bordeaux, ont persisté dans la même voie. Il est en effet extraordinaire que des Congrès interna- lionaux de Médecine, de Bibliographie, d'Hygiène, de Géographie, ete., ete., soient périodiquement tenus au grand profit de la science, et que les Mathématiques jusqu'ici soient restées en dehors de ce mouvement général. Il est vrai de dire que les progrès s’accomplissent surtoul par les travaux individuels des savants ; mais n’en est-il pas de même ailleurs? Du reste, les Congrès projetés n'auraient pas pour objet de réunir des communi- calions individuelles, qui trouveraient ailleurs leur place. Ils auraient pour but essentiel de se faire présenter un tableau général des progrès accomplis, dans les divers pays et dans les divér- ses branches des Mathématiques, au cours de l'intervalle de quelques années séparant un con- grès du précédent. Indirectement, ils rendraient, en outre, un grand service en permettant à des savants, travaillant dans des directions analogues, de se rencontrer et de se connaitre. M. Vassilief, qui s’est fait l’'apôtre de l'idée dont nous parlons, avec une patiente énergie, réunira l’année prochaine à Kazan un assez grand nombre de mathématiciens de diverses nations. Là il proposera le programme suivant : réunion en 1897, dans une ville de Suisse ou de Belgique (à désigner) d’un Congrès constituant, dont le but unique sera de régler les conditions de fonclion- nement des futurs congrès internalionaux ; fixa- tion, dès maintenant convenue en principe, du premier Congrès mathématique international, à Paris en 1900. C’est à ce programme d'ensemble que les Sec- tions de Mathématiques du Congrès de Bordeaux ont donné leur plus entière adhésion, et on ne peut que les en féliciter. L’idée de la création d’une bibliothèque mathé- matique destinée à fournir des moyens de travail aux personnes isolées, vivant en dehors des grands centres scientifiques, s’est fait jour pour la pre- mière fois au Congrès de Caen (1874). Elle a été présentée par M. Lémeray, appuyée par les Sec- tions de Mathématiques, et vivement patronnée ensuite par le journal l’/ntermédiaire des Mathémati- ciens. Au bout de quelques mois, M. le D'Hulmann, qui avait pris l'affaire à cœur, fondait la Bibliothe- que mathématique des travailleurs, dont le siège est à Paris (Auteuil), 4, rue de la Cure. C’est de l’état d'avancement de cette œuvre qu’on s’est entretenu au Congrès de Bordeaux, et les plus vives félicita- lions ont été votées au D' Hulmann pour son initiative. Depuis lors, la Bibliothèque mathématique des travailleurs a publié son premier calalogue, por- tant la date de juillet 1895 et qui compte plus de 600 numéros. Le fonctionnement très simple de l'institution est le suivant : Des abonnements an- nuels ou semestriels,à 24 francs ou 12 francs, don- nant à chaque abonné le droit de recevoir 2 vo- lumes qui peuvent être conservés pendant 14 jours pleins et constamment renouvelés. Tout volume ou tout recueil existant dans le commerce et de- mandé par un abonné est immédiatement acquis par la Bibliothèque, laquelle s'enrichit, en outre, des dons qui lui sont faits à litre gracieux. Le catalogue signalé plus haut comprend déjà un grand nombre d'ouvrages ou de mémoires d'une extrême rareté. Quelques-uns seraient même in- trouvables en librairie. Il y a là le noyau d'une collection scientifique merveilleuse et le germe de la plus utile des institutions, au point de vue ma- thématique. Il nous suffit de l'exposé qui précède pour montrer que l'ensemble des travaux du Congrès de Bordeaux, dans le domaine un peu restreint dont nous nous occupons ici, est de nalure à sa- tisfaire tous ceux qui s'intéressent à la Science el à ses progrès. C.-A. Laïisant. Docteur ès sciences, Répétiteur d'Analyse à l'École Polytechnique. x ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 35 PR ————— ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES L'ASSAINISSEMENT DE PARIS. L'ÉPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAR L'IRRIGATION. Tout à l'Egout; Rien à la Seine. C’est ainsi qu’on aré- sumé depuis quelques années le programme d’assai- nissement que Paris est en train d'exécuter. Les lois du 4 avril 1889 et du 10 juillet 1894, l'inauguration en juillet 1895 de la presque totalité des travaux prévus par la première de ces lois ont marqué les principales étapes vers un but qui sera définitivement atteint dans un petit nombre d'années. La loi de 1894 fixe, en effet, de la valeur moyenne sans parler des crues exception nelles dues aux orages. Les eaux pouvaient aller, soit en Seine, soit dans la presqu'ile de Gennevilliers, Les premiers essais d'épuration des eaux par le sol ont élé faits dans cette presqu'ile en 1869; interrom- pus par la guerre, ils se sont développés de plus en plus, et, actuellement, la superficie irriguée est de N À © Frepillon | s Echelle 355 Vaurecl, ° Bessancour't | CCE 20,000 Menucourt : Taverny " . n 9 — " & Hvecquemont Boisemont 7 sine de Pierrelaye à S'ÉL ext \ Le Plessis Bouchard }} ==. Herblas | Je Hontigny Ærmont Es ; \Frette Franconville ne | NC HS NS ‘ © f ENS sunnois Aubergenville | : N EXA L _— FSC < 25 s Rs faisons Laffi PS4 ENTEUL 7 =: 4 Sartrouville Ÿ Da, REANS NS Ç A : x Z TT = Fate Ÿ YZ Usine de Rte De £ V4 REZ is De y Bexons® > Legende S SY LOC cam © No = \co/ Il rappelle qu'autrefois Bredt a proposé une formule analogue pour l'acide benzoylorthobenzoïque : OH C Géo C6H1Z NO \co” et que plus récemment MM. Haller et Guyot, dans une communication à l’Académie des Sciences, ont repris l'hypothèse de Bredt en l’appuyant sur de nou- veaux faits, — M. Guyot décrit ensuite : l’acide dito- lylphénylméthaneorthocarbonique : H 7 C5H4CHS C‘Hi7 CSH4CH: N co’H les anthranol et oxanthranol correspondants : - Oo 6HiCHS C6HACHS De. HiCH À 2 CH: | >CSH CHE et CSH4 CSHiCHS Ft Sco/ OH tous composés bien cristallisés, obtenus avec la dito- lylphtalide par les réactions bien connues indiquées par Baeyer. A. HALLer. SOCIETE ROYALE DE LONDRES SCIENCES PHYSIQUES -J, Norman Lockyer, F, IR, S., — Sur le nouveau gaz extrait de l’uraninite (3° note). — Dans ma première note !, j'ai donné les longueurs d'onde des lignes qui ont été observées, à la fois à la pression atmosphérique et à basse pression, dans le spectre du ou des gaz obtenus par la méthode qui consiste à chauffer dans le vide l’uraninite ou brüg- gerite. Depuis lors, lesdiverses photographiesobtenues ont été mesurées, en particulier les longueurs d'onde des lignes situées dans le spectre de structure de l’hy- drogène au delà de la région décrite par Hasselberg. J'ai, en outre, observé le spectre d’autres minéraux voisins de luraninite dans le but de déterminer si l’un d’eux donnait des lignes indiquant la présence du gaz de l’uraninite ou d’autres gaz. Je donne maintenant le tableau des lignes mesurées dans les spectres de 18 minéraux entre >} 3889 et 4580 R, région pour la- quelle, avec les plaques employées, l’action photogra- phique était la plus intense (voir Tableau D). Dans ce tableau, on remarquera que les lignes sui- vautes : 1 4479, 4196, 4156 et 4152,5, indiquées dans 1 Voyez Revue générale des Sciences du 30 Octobre 1895, e ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 47 ma première note, ont été exclues, car j'ai reconnu qu’elles appartenaient au spectre de l'hydrogène, La ligne 4368 a été également omise, car elle coïn- cide probablement avec une ligne de l'oxygène, Le tableau, à côté des longueurs d'onde des lignes des minéraux étudiés, renferme les lignes observées et Tableau I LONGUEURS D'ONDE ONE DR SSECTRRS AIN ES LLIGNES A es ve Eu DU DU . MES CE _[sercrre|speorre| ?! DE DIVERS MINÉRAUX | hp La Se Eee VOISINS CHROMO-|L'ÉCLIPSE| , DÉSLUR ENTRE spHÈRE | pg 1893 |? ORION REMARQUES Le É £ Æ E el = = & £ O4 A SUé ET HS 2 S € ca D à SE 2E = ] Ê= Le) = E9 <= © = © se SE à & A E4 ra F4 [e2| -À <« = se ET 3 3 5 3 3 | —— — 3888.35 | 3888.73) 3889.1 Ë U 3946.5 3945.2 | 3946 J 3981.5 3982 4025.9 41026.5 | 4026.5 U 4141.53 4144.53 4154 414% 4176.35 4178.8 | 4171.8 | 4178 4181.3 4337.3 4338 4338 4346.3 > 3346 4389.3 4388.95 4390 4389 4397 .3 4398 .5 1398.7 L3452.3 4154 U 4#70.3 44TA.2 | 4471.85 | 4471.8 | 4514,3 4514 4514.5 | 4521.3 1522 45229 | #519.3 * Larges lignes de l'hydrogène s'étendant sur ce point. U. Lignes fréquentes dans le spectre de la Broggerite. mesurées par Young dans la chromosphère solaire, celles photographiées pendant l’éclipse de 1893 par M. Fowler avec un instrument de 6 pouces, et celles photographiées avec le même instrument à Kensington de quelques étoiles du groupe III de ma classification de la constellation d’Orion. Ce tableau fait avancer la question des relations des nouveaux gaz avec les phé- nomènes solaires et stellaires beaucoup plus que je ne me serais d’abord aventuré à le supposer. IL semble que nous sommes en présence de la vera causa, non de deux ou trois, mais de beaucoup de lignes jusqu'alors classées comme inconnues par ceux qui étudient la chimie solaire et stellaire. Si cette idée se confirme, les nouveaux gaz vont prendre une importance consi- dérable dans ja Chimie céleste, quoiqu'ils aient peut- être peu de valeur pratique sur notre globe. On peut remarquer les différences qui existent entre les obser- vations de l’éclipse et celles de la chromosphère, Les premières ont été faites alors que les basses couches de l'atmosphère solaire étaient à l’état tranquille et donnaient un spectre pur produit à une température constante; pour l'observation de la chromosphère, les couches étaient dans un état de perturbation et produi- saient des protubérances dont les lignes troublaieut le spectre. Les observations de l’éclipse ont donc une valeurplus grande; mais si, d’un autre côté, on les compare avec le spectre de certaines étoiles, on cons- tate que ce dernier offre le meilleur criterium pour toutes les observations. 18 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM Séance du 1* Décembre 1895. 10 Scrences paysiQues. — M. H.-A. Lorentz s'occupe du théorème de M. Poynting sur l’énergie du champ électromagnétique et deux propositions générales de l'Optique. Il applique les équations fondamentales de la théorie de Maxwell à un système quelconque de corps, conducteurs ou diélectriques, isotropes ou ani- sotropes, entourés de tous côtés par l’éther et soumis à des forces électromotrices. Si, pour un certain état de mouvement À, on désigne par @ le courant élec- trique, par € la force électrique, par & laforce magné- tique, par 3 l'induction magnétique et qu’on distingue par des accents les quantités correspondantes pour un second état A’, on arrive à l'équation : Sr Oy Oz Ex CEy Cz NC PRES JS (69) dr + ar SJ (ES) ar = J do .… (1) Dans cette formule, où (5 y) et (6 &) représentent les {Du é sommes DE Fa et 5 (CxSL) pour u — zx, y,z, il est question de l’espace + situé à l’intérieur d’une surface fermée quelconque S; les indices æ, y, z ser- vent à indiquer les composantes des vecteurs et à: k, v représentent les cosinus directeurs de la normale extérieure de la surface. On revient à l'équation de M. Poynting (Phil. Trans. London, vol, CLXXV, p. 343) en prenant pour À et A'un même état de mouvement. Si, au contraire, A et A’ sont différents, on peut éla- blir une seconde relation en changeant entre elles les quantités qui se rapportent à A et A’; cette nouvelle équation étant soustraite de l'équation (I), on obtient une formule trouvée par M. Volterra (Acta mathematica, tome XVI, p. 189) sous une forme légèrement diflé- rente et appliquée par l’auteur dans cette étude-ci à la propagation de la lumière. Il appelle « source élé- mentaire lumineuse » un espace infiniment petit w dans lequel agit une force électromotrice de direction cons- tante et dont la grandeur peut être représentée par D] p cos = (t + q), q ayant la même valeur dans toute l'étendue de w; « direction et phase » d’une source celle de la force électromotrice; « intensité » d’une source la valeur de l'intégrale fpdr étendue à l’es- pace w; «couple de sources » un système de deux sources infiniment voisines l’une de l’autre, de di- rections et d’intensités égales, mais de phases oppo- sées. Cela posé, il démontre les deux propositions suivantes : 4° Une source de la direction A placée dans un point P, produit dans un autre point P° du système un courant électrique dont la composante suivant la direction quelconque k' est égale à la com- posante suivant la direction k du courant que produi- rait en P une source placée en P' et ayant la direc- tion À et la même intensité et phase que la première source. > Les vibrations qui sont produites à l’inté- rieur d’une surface fermée par des sources extérieures quelconques, peuvent être considérées comme prove- nant d’une distribution déterminée de sources et de couples de sources sur la surface elle-même. Le pre- mier théorème est au fond la même chose qu'une loi de réciprocité bien connue qui a été énoncée, entre autres, par Von Helmholtz dans son Optique physiolo- gique ; le second théorème est une extension du « prin- cipe de Huygens ». — M. Lorentz présente : 1° un mémoire de M. L.-H. Siertsema : Sur l'impossibilité d'existence de matières diamagnétiques d’après M. P. Duhem et sur quelques propriétés de minimum dans le champ magnétique; 2 un mémoire de M. C.-H. Wind : Elude de la théorie des magnéto-optiques, en rapport avec l'effet de M. Hall. Sont nommés rap- porteurs MM. Lorentz et Van der Waals. — M. H. Ka- merlingh Onnes communique les mesures de M. P- Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 Zeeman : Sur l'absorption des vibrations électriques dans différents électrolytes. Ce travail fait suite à celui publié le mois précédent (Rev. gén. des Sc., tome VI, p. 4068). Les résultats obtenus sont : 1° En traversant une couche d’uné solution de sulfate de cuivre de 5,7 centimètre dépaisseur et d’une conductibilité de 3340. 10719 (6 — 189,1) par rapport au mercure, l'intensité des vibrations électriques diminue jusqu'à la troisième partie de l’énergie incidente. Ce résultat est indépendant d’une hypothèse, nécessaire dans le travail antérieur. 2° Des solutions aqueuses d’une conductibilité égale absorbent au même degré les vibrations d'une même période. 2. SCIENCES NATURELLES. — M, Th. W. Engelmann s'occupe d’abord de l'influence de la contraction sur la conductibilité physiologique du muscle ventricu- laire et l'explication des phénomènes d’aliorhytmie. Ordinairement, à chaque systole la contraction des deux ventricules se fait simultanément et partout avec la même intensité. Sous des circonstances anor- males (obstacle du courant sanguin, lésion méca- nique locale du cœur, influence des poisons, etc.) les contractions deviennent indépendantes l’une de l’autre. Alors le pouls accuse les phénomènes d’al- lorythmie ou d’arythmie, dont les médecins savent dis- tinguer les formes différentes de « pulsus alternans intermittens, myurus, bigeminus », etc. Quant au point de vue théorique, les anomalies, où des parties, fonctionnant ensemble d'ordinaire, montrent des bat- tements particuliers, sont d’un intérêt extrême, Ces phénomènes d’incongruence, étudiés récemment par M. Ph. Knoll, n'ont pas encore trouvé une explication suffisante. Ils semblent former un argument impor- - tant contre la théorie de l’auteur, qui veut que la systole normale du cœur se base sur la propagation de l’excitation de cellule musculaire en cellule mus- culaire, En effet, la masse des deux ventricules for- mant un entier cohérent dont les cellules consti- tuantes sont partout en rapport organique l’une avec l’autre, il ne semble pas exister une raison pour que l'onde de contraction ne se propageàt pas de ventri- cule en ventricule tout aussi bien que de cellule en cellule, Dans sa précédente communication (Rev. gén. des Sc., tome VI, p. 868), l’auteur a déjà indiqué un moment, ignoré jusqu'ici, qui fait entrevoir comment les phénomènes d’hémisystole et d’allorythmie peu- vent être expliqués. A présent, il propose un nouveau facteur qui même doit mener à ces phénomènes, l’in- fluence de la contraction sur la conductibilité de la substance musculaire de la paroi du cœur. A l’aide d'expériences très ingénieuses sur le cœur de la gre- nouille, l'auteur démontre que la contraction elle-même nuit temporairement à la faculté de conduction du tissu musculaire de la paroi du cœur, comme l'ont prouvé des recherches antérieures par rapport aux muscles unis de l’uretère, des intestins, etc. Aussi la contraction affaiblit temporairement la contractilité. — Ensuite M. Engelmann indique un moyen très simple pour éviter l’excitation extrapolaire des muscles et des nerfs qui présente des difficultés extrêmes dans la localisation, nécessaire dans plu- sieurs expériences physiologiques, avec des courants de haute tension. Le moyen en question est de dimi- nuer autant que possible la densité extrapolaire du courant en donnant au courant une section transver- sale considérable. À cette fin, l’auteur place des mor- ceaux de ouate imbibés d’une solution physiologique de NaCl à côté des électrodes. —M. W. Koster Gz. : Sur une méthode pour déterminer le centre de rota- tion de l'œil. Appareil, formules qui déterminent la distance du centre : 1° au sommet de la cornée et 29 à la visière. Résultat : il n’y a pas de centre fixe et variable ; dans le même plan à différents angles de rotation correspondant des centres différents. — M. W. van Bemmelen : Die Linien gleicher Säkular-Varia- tion der Declination (Les courbes à variations sécu- laire égale de déclination). P.-H. ScHouTes. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER aa aaeaULULULUZUZEUZLUZUS dé. cé os cn te | ST, V2 TES LES 1 ANNÉE do mm 30 JANVIER 1896 mt REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 537,53 | _ 770 ) La nouvelle de la grande découverte que vient de faire le Professeur Rüntgen a passé directement de son laboratoire dans le public, où elle s’est pro- pagée avec la rapidité de l'éclair avant même que les journaux scientifiques aient eu le temps d’en parler. Il n’est bruit, en ce mo- ment, que des «rayons catho- diques », des « rayons de Rüntgen », et de cette mer- veille qu’on peut aujourd’hui photographier du dehors l’in- térieur du corps humain. Déjà la Chirurgie, s'emparant de la nouvelle méthode, s'apprête à l'appliquer au diagnostic des lésions osseuses, et s'attend à la faire bientôt servir à l’ex- ploration de tous les organes. Les physiciens y voient, les uns la promesse, les autres la menace d'une révolution. Les éludes suivantes, — dues à MM. H. Poincaré, W.-C. Rüntgen, A. Schuster, J. Bottomley et J. Per- rin, — exposent d’une façon complète la décou- verte de M. Rüntgen, les travaux qu'elle à déjà provoqués et les idées qu'elle suscite. Ces articles supposent la connaissance d’un certain nombre de faits antérieurement acquis à la science, et déjà décrits dans cette Revue !. Si quelque lecteur ne les 1 Voyez : W. Crookes : Les décharges électriques dans les REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896 Fig. 1. Schéma de l'expérience de M. Rüntgen. — AB, tube de Crookes.— Une batterie de piles actionne une bobine de Ruhmkorff, dont les pôles sont reliés aux électrodes C et E qui pénètrent dans le tube. La décharge jaillit du pôle négatif D, oucathode, pôle positif H. —R, planche de bois; S, main humaine; T, plaque photographique. LA PHOTOGRAPHIE DE L’INVISIBLE a pas, en ce moment, présents à l'esprit, il nous se sans doute, gré de les résumer brièvement . Pour bien montrer en quoi consiste l’inven- liôn du savant physicien de Würtzbourg, il est, en effet, nécessaire, d'en rap- RST peler les sources, qui sont, il croyons-nous, dans l’œuvre expérimentale de W. Crookes et les conceptions philoso - phiques de Maxwell. ni AVAVIVS. Prenons, avec Crookes, un tube de verre (fig. 1) scellé aux deux bouts À et B, après que le vide partiel a été faitet présentant la disposition que voici : La paroi de l’extrémité À est traversée par un fil de cuivre G que termine, à l’inté- rieur du tube, lepôle D. La pa- roi de l'extrémité opposée B livre, de même, passage à un fil de cuivre E, qui a pour pôle H. Relions les fils G et E aux pôles K et L d’une bobine d’induction, et choisissons, à cet effet, une bobine de Ruhmkorff susceptible de donner des il juil File dans la diréc tion du gaz raréfiés et la constitution de la matière. Revue générale des Sciences du 30 mars et du 15 avril 1891 ; tome II, pages 161 à 170 et 216 à 226. L. Poincaré : Les rayons cathodiques et l'hypothèse de la matière radiante. Revue générale des Sciences du 15 oc tobre 1894, tome V, pages 701 à 705. > 50 LA PHOTOGRAPHIE DE L’INVISIBLE étincelles longues d'environ 8 à 10 centimètres. Cette bobine peut être, comme on sait, actionnée par toutes sortes de générateurs électriques. Four- nissons-lui, au moyen d’un gros fil, le courant continu d'une batterie de piles ou d’accumulateurs, courant que nous ferons d’assez grand débit et de pression relativement faible; la bobine l’inter- rompra à de très courts intervalles, et il en résul- tera, dans son circuit de fil fin, une série de varia- tions très rapides d'état électrique, qui constituent son courant induit. Ce courant, qui est alternatif, différera aussi du courant inducteur en ce que la quantité d'électricité y sera beaucoup moindre, et la pression électrique incomparablement supé- rieure. Quand deux fils métalliques, fixés aux pôles K et Ldela bobine, viendront à se rapprocher, une étin- celle jaillira entre eux. Ces faits sont de- puislongtemps connus.On sait aussi que, siles fils D et H sont reliés aux pô- les de la bo- bine, l'étincelle se produira en- tre DetH, d’au- tant plus lon- gue , d'autant plus brillante que le milieu où elle éclatera sera plus raréfié. C'est là ce qui se passe, du moins grosso modo, dans les expériences classiques de l'œuf électrique et des tubes de Greissler. On s’en est tenu à cette constatation jusqu'au jour où M. Crookes, réussissant à obtenir la raré- faction des gaz à un degré qui confond l’imagina- tion, constata, dans ses tubes, un phénomène absolument inattendu : un grand espace obscur tout autour du pôle D, la fluorescence du verre de la région B, et, dans l’espace intermédiaire, des cercles brillants, formant stratification lumineuse. Ces phénomènes, que représente la figure 2, dispa- raissent dès que la raréfaction du gaz est un peu abaissée ; ils ne se produisent pas dans le vide abso- lu. Il est donc nécessaire, pour qu’ils aient lieu, que le tube renferme un tout petit nombre de molé- cules de gaz. Les expériences de M. Crookes à ce sujet l’ont conduit à voir dans le milieu physique constitué par ces rares molécules un état nouveau de la matière, l'élat radiant, différent de l’état gazeux ordinaire. Dans les gaz, même sous les faibles pressions obtenues avant lui, le nombre des molécules en mouvement dans tous les sens très Fig. 2. — Tube de Crookes montrant l'espace sombre qui entoure le pôle négatif, et la stratification lumineuse de loute une région du tube. est si élevé qu'elles ne peuvent parcourir le réei- pient d'une paroi à l’autre sans s’entre-choquerune multitude de fois; leurs collisions modifient, à chaque instant, leurs directions et maintiennent l'égalité de pression dans toute la masse du gaz. Au contraire, dans le tube de Crookes, renfermant la matière radiante, le libre parcours des molécules serait la loi. Ces molécules, rayonnant dans tous les sens, se déplaceraient d’une paroi à l’autre sans se heurter assez souvent pour rétablir, en chaque point, la même pression. Et, lorsque la décharge électrique vient à se produire, du pôle négatif D ou cathode (fig. 1) vers le pôle positif H, cette décharge orienterait les molécules dans sa direction, les projetant comme des balles sur le fond du tube (région B) opposé à la cathode D. Précipitées avec des vitesses prodigieuses, sui- vant le trajet des rayons é- manés de la cathode, elles bombarde - raient le verre B, et c’est à la consommation de leur force vive que cor- respondrait la fluorescence, alors manifeste de la paroi B. Dans l'espace obscur qui entoure la cathode D prennent donc naissance des rayons d’un oydre très particulier, dirigés vers l'extrémité opposée du tube, et dont la paroi de verre arrête la pro- pagation. On met leur existence en évidence en plaçant sur leur trajet des substances qu’ils ren- dent fluorescentes. Ce sont ces rayons que, pour rappeler leur origine, on qualifie de ea/hodiques. Ms présentent des propriétés singulières : ils sont déviéspar l’aimant (fig. 3, page 51); toul se passe alors comme si les molécules qu'ils projettent étaient électrisées; pour montrer la dévialion que le champ magnétique leur imprime, M. Crookes plaçait, dans ses tubes, desmoulinets qui restaient au repos ou se metlaient à tourner, suivant que l’aimant éloignait d'eux ou amenait sur leurs pa- lettes, avec les rayons cathodiques, les molécules. Jusqu'à ces dernières années, ne pouvant étudier ces rayons en dehors des tubes de Crookes, on était tenté de croire qu'ils se propagent unique- ment dans le milieu radiant. Or, cette hypothèse est tombée, depuis deux ans, devant une expé- rience sensationnelle de M. Lénard. Ce savant, élève de Hertz, montra alors que, si l’on ferme la paroi B (fig. 1) au moyen d’une lame d’aluminium LA PHOTOGRAPHIE DE L'INVISIBLE extrêmement mince, mais cependant impérméable aux gaz, les rayons cathodiques la lraversent. M. Lénard reçut ces rayons dans le vide et dans l'atmosphère à la pression normale, et conslala qu'ils s’ypropagentcomme dans le tube de Crookes. Si donc les conditions de raréfaction réalisées dans ce tube sont nécessaires pour permettre aux rayons cathodiques de prendre naissance, il faut admettre que le milieu où ils se propagent, n'é- tant ni la matière radiante, nila matière ordi- naire, n'est autre que l’éther des physiciens. Dès lors se posèrent une multitude de questions d'un haut intérêt pour la philosophie naturelle. Que sont ces rayons cathodiques, qui appartien- nent au monde de la lumière, mais semblent pour- tant échapper à plusieurs de ses lois? Quels sont leurs rapports avec les phéno- mênes connus de l’Electricité etde l'Optique? Une lame de verre les inter- cepte; ils ne peuventêtre ni réfléchis, ni ré- fractés! Les gaz les plus dilués les diffusent, agissant sur eux à la facon d’un milieu trouble, d’un milieu non homogène !. C'est là une lumière singulière, sur laquelle de- vait se porter la curiosité des philosophes. Mais, ce qui devait aussi attirer sur elle l’atten- tion, c'était la nouvelle orientation que venait d’im- primer à la Physique une éclatante découverte : la démonstration expérimentale des idées de Max- well. L’illustre mathématicien anglais, rapprochant les équations de l’Electricité et de l’Optique, avait conçu l'hypothèse que Lumière et Électricité pou- vaient être deux faces, deux modalités différentes d'un même phénomène fondamental : il avait cal- culé que, pour qu’il en fût ainsi, il fallait que la vitesse de propagation de l'irduclion magnétique se confondit avec la vitesse de propagalion de la lu- mière. Celle-ci élait connue depuis Rœmer {xvur° siècle), tandis quela première n'avait jamais pu ètre convenablement mesurée. Un physicien de génie, le regretté Hertz, guidé par le grand rêve mathématique de Maxwell, eut, en 1889, la 1 Sur toutes ces questions, voyez l'article, déjà cité, de M. Lucien Poincaré, Fig. 3. — Tube de Crookes dans lequel le faisceau cathodique, qui se propageail reclilignement de À à B, est dévié par l’électro-aimant C. o1 gloire de déterminer cette constante !. En même temps, il montrait, par des expériences cruciales, que l'électricité se réfléchit et se réfracte comme la lumière, n'en différant que par la longueur, plus grande, de son onde. Alors surgit, en quelque sorte, un monde nouveau, embrassant les do- maines, autrefois séparés, de l’Electricilé, de la Chaleur et de l'Optique : la vibration se traduit sous forme électrique, calorifique, lumineuse, sui- vant l'étendue de l’onde qui la propage. Et tous les physiciens, surtout en Allemagne et en Angleterre, Hertz et Lodge en tête, cherchèrent à produire avec l'électricité ce qu'on avait jusqu'à présent obtenu en Optique, à faire, au moyen d’un nouvel ordre de vibrations, la photographie de l'invisible. Telle a été la double origine des expériences, — relatéesetcom- mentées ci-a- près ; qui conduit M. Rôntgen à découvrir un nouveau genre ont de rayons. E- mis par la ré- sion B (fig. 1 du tube de Crookes ?, très différents des rayons Catho- diques, insen- sibles à l’action de l’aimant, passant au travers d'une porte de bois, comme la lumière du Soleil au travers d'une vitre, très actifs sur les seis d’argent, ces extraordinaires ‘ayons réveillent, depuis quelques jours, l’ardeur des physiciens. Au moment où se concentre sur eux l'attention de tous, nous avons cru répondre à la curiosité des lecteurs en demandant aux savants qui les étudient, au plus illustre représentant de la Physique mathématique, à l’auteur même de la découverte, aux éminents expérimentateurs qui s'efforcent de la perfectionner, une série d’artieles formant l'exposé complet de nos connaissances sur le sujet. (NorTE DE LA DIRECTION). 1 À ce sujet, voyez notamment dans la Revue, les articles de MM. Brillouin, Guillaume, Blondlot, etc... 2 On verra plus loin la discussion relative à rayons de Rüntgen, origine qu'on est, en général, porté à chercher dans ie verre rendu fluorescent cathodiques. À cette occasion, il semble intéressant de faire remarquer que M. Goldstein a montré, il y a plus de dix ans, dans le Bulletin de l’Académie Royale de Berlin, que la lumière cathodique n’est pas une radiation homogène, mais qu'aux rayons de la cathode déviables par l’aimant, sont mélangés une « nouvelle espèce » de rayons dont la propagation est également rectiligne, mais que les champs | magnétiques ne dévient pas. etc. l'origine des par les rayons LES RAYONS CATHODIQUES 537.53 | 770 | I. — ExPÉRIENGES DE RONTGEN. hasard que j'ai été chargé de présenter à l'Acadé- mie des Sciences la communication de MM. les doc- teurs Oudin et Barthélemy. J'ai donc peu de chose à a- jouter à ce que tout le monde sait. Les lecteurs de la Revuesont déjà au courant des propriétés principales des rayons cathodi- ques par deux études de M. W. Crookes qui ont paru dans le tome II ‘el par un ar- ticle de M. Lu- cien Poincaré (t. N, p. 101) quirésumail les découver- tes plus récen- tes de Hertz et de Lenard. Ils savent donc qu'un tube de Crookes où le vide est assez parfait devient fluorescent, quand il est le siège d’une décharge électrique et que cette fluo- rescence, est allribuée à des radiations spéciales émanées de la cuthode ou électrode négative. Le Professeur Rüntgen, ayant enveloppé d'un carton noir un tube de Crookes où se produisaient des rayons cathodiques, plaça ce tube dans une pièce obscure et en approcha un écran en papier recouvert de platinocyanure de baryum. Cet écran devint fluorescent, malgré l'interposition du carton noir, et celle fluorescence persistait à une distance N’étant ni physicien, ni médecin, c’est grâce au | ET LES RAYONS RONTGEN Fig. 1. — fil de fer enroulé, pho'ographié à lravers une épaisse planche de bois. de deux mètres. Il aperçul immédialement la portée extraordi- naire de cette découverte; il fallait admettre, en effet, l'existence d’un agent nouveau, susceptible de traverser un carton noir assez épais, différent par conséquent de la lumière visible ou ultravio lette, mais produisant comme elle la fluorescence M. Rünigen ne tarda pas à découvrir que les radiations nouvelles im: pressionnent la plaque pho tographique, soit qu'elles aient une ac- tion chimique directe, soil que, sous leur influence , matière de la plaque elle- même devien- ne fluorescen: te. Bien que ces radiations n'aient aucune action sur réline, il y à donc deux mo- yens d’en con slater la pré sence el, pal conséquent, de les étudier. El les peuvent nous êlre ré vélées,soit par la photogra phie, soit par la fluorescence qu'elles communiquent à certai Ë corps. | Mais la propriété la plus curieuse de ces rayons; que le savant professeur de Würzbourg appelle les rayons X, c'est la facilité avec laquelle ils lraversent les corps opaques. 1 Un livre de mille pages, une planche de deux à trois centimètres d'épaisseur, les laissent passer assez facilement. Les métaux sont moins iranspas rents, surtout les mélaux lourds comme le plomb et le platine. ; En général, on peut dire que l'opacilé d'un corps eroit avec sa densité, mais notablement plus vite que cette densilé. On conçoit alors qu'un objet métallique, par exemple, enfermé dans une boite en bois, puisse être reproduit par la photographie. La boite, en eflet, est transparente, tandis que l'objet est opaque; tout se passera done comme si cet objet était placé dans une boîte en verre, el si, éclairé par une source de lumière ordinaire, il projetait son ombre sur une plaque pholographique. Cette ombre vien- drait évidem- ment en noir sur le positif. Un des résul- tals les plus surprenants obtenus dans cette voie est la photogra- phie parfaite- mentnelte (fig. 2) d’une ai- guille aiman- lée, enfermée dans une boite métallique (probablement en alumi- nium ?) Les chairs sont transpa- rentes; les os relativement opaques; aus- si, dansla pho- tographie d’u- ne main, les os apparai- tronl comme une ombre as- sez forte, tan- dis que les chairs ne don- neront qu'une pénombre très légère; une bague | donnera une image d’un noir intense (fig. 3). | La photographie d’une plaque de zinc laminé (p. 63) montre l'hétérogénéité du métal. M. Rünt- gen a bien voulu me faire l'honneur de m'envoyer un certain nombre de photographies dont quel- ques-unes sont reproduites ici (fig. 1 el 2). Ces expériences excitèrent à un haut degré la curiosité du monde savant et furent aussitôt re- produites un peu partout. À Paris elles le furent d’abord par MM. les docteurs Oudin et Barthélemy et, d'autre part, par M. Séguy. Fig. 2, — Cadran d'une boussole photographié à travers la boile qui la contenait, MM. Oudin et Barthélemy ontopéré avec un tube de Crookes fourni par M. Séguy. Ce tube avait la forme d’une sphère de 7 centimètres de diamètre environ. La cathode se réduisait à un simple fil dont l'extrémité envoyait des radiations dans tous les sens, de sorte que toute la surface du verre élait illuminée d'une lueur fluorescente causée par les rayons cathodiques. On enveloppa ensuite une plaque Lumière bleue dans plusieurs doubles de papier noir; on la placa à 10 cenlimè- tres environ du tube, et on po- sa la main des- sus, la durée de pose fut de 20 minutes.L'i- mage du sque- lette, repro- duite dans la fig. 3, est d’u- ne netteté par- faite. On peutdone espérer qu'on réussira à pho- tographier à travers toute l'épaisseur du corps. On pou- vait craindre que les rayons Rüntgennefus- sent non seule- mentabsorbés, mais diffusés dans les mi- lieux relative- ment opaques. Ceût été “un obstacle qui eût empêché de traverser les corps un peu épais. Cette diffusion ne parait pas exister d'une façon notable. On n’a done à vaincre que l'absorption, ce qui n’est qu'une affaire d'intensité et de durée de pose. On concoit, sans qu'il soil nécessaire d'insister, l'importance de ces résullats au point de vue chirurgical. Des expériences systématiques vont être entreprises dans quelques jours à l'hôpital Trousseau, sous la direction de M. le Professeur Lannelongue (1). (1) Dans le service de M. Lannelongue ont déjà été obte- nues d'importantes épreuves (fig. # et 5). IN. de la Dir.) II. — PROPRIÉTÉS DES RAYONS X. Quelle est la nature de ces phénomènes mer- veilleux et mystérieux ? 4° Ce sont des rayons, comme le démontrent les Fig. 3. — Squelelle d'une main photographié à lravers les tissus.— La main portait une bague qui a, comme les tissus osseux, intercepté les rayons. ombres portées par les corps relativement opaques, et dont les contours sont suffisamment nets pour permettre la reproduction photographique. Leur propagation est donc rectiligne. 2° Ce ne sont pas des rayons lumineux, dus à des vibrations transversales de l’éther. On sait que ces vibrations peuvent donner lieu, selon leur durée, H. POINCARÉ — LES RAYONS CATHODIQUES ET LES RAYONS RONTGEN ——_—_—_—_—_—_—_—_—_————_—_—]—_—_—]_—…—…—"…—…—…"…"…"…"…"…"…"…—…"…—…—"—…—…—…—…—…"—…"…—…——————— « { aux manifestations les plus diverses. On trou successivement, en parcourant toute l'échell depuisles plus grandes longueurs d'onde jusqu’au plus petites, les rayons hertziens, les rayons infra calorifiques, les rayons visibles, le rouges ou rayons ultra-violets ou chimiques. Malgré la diver= silé de ces effels, on sait qu'il n’y à entre eux qu'une différence quantitative ; il n’y a, en réalité; pas plus de différence entre les rayons hertziens et les rayons visibles, qu'entre la lumière rouge eb | la lumière verte. Dès lors, semble-t-il, qui empêche, pour expli= % s H. POINCARÉ — LES RAYONS CATHODIQUES ET LES RAYONS RONTGEN 59 quer un ordre nouveau de manifestalion, d'ajouter un échelon de plus à cette échelle? Ne voit-on pas certains rayons ultra-violets traverser l'argent, qui est opaque pour les radiations ordinaires? N'a-t-on naire, qui les distingue absolument des ondula- tions transversales; ces dernières, en effet, depuis les ondes hertziennes jusqu'aux ondes ultra-vio- lettes sont réfrangibles, et leur réfrangibilité va LP Re alteint d'ostéomyélite photographié au travers des tissus de la cuisse. (Service du professeur Lannelongue res hôpita HUE — Les régions où le tissu osseux est demeuré intact ont arrêté les rayons; ceux-ci ont, au con- aire, traversé la partie où le tissu osseux a été détruit. Cette épreuve montre que la destruction de la matière osseuse se fait du centre à la périphérie. pas même réalisé de la sorte, il y a quelques an- nées, ce qu'on a déjà appelé la photographie de l'invisible ? Cette hypothèse parait devoir être rejetée. En effet, les rayons Rüntyen ne se réfractent pas ; ils ne se réfléchissent pas non plus, du moins régulière- ment. C’est là leur propriété la plus extraordi- en croissant d'une facon régulière quand la lon- gueur d'onde diminue. 3 Ce ne sont pas non plus des rayons cathodiques. On sait, iles vrai, depuis Lenard, que les rayons cathodiques, produits dans le vide de Crookes, peuvent traverser une petite plaque d’aluminiu m, sortir du tube, etse propager ensuite soit dans l'atmosphère ordinaire, soit même dans le vide absolu. Mais dans l'atmosphère ordinaire ils subissent une diffasion considérable et ne peuvent se pro- pager qu'à quelques centimètres. Les rayons X,au contraire, vont sans dévier jus- qu'à deux mètres de distance. D'autre part, les rayons cathodiques ordinaires seraient incapables de traverser la plupart des corps opaques, même sous une faible épaisseur. Voilà donc deux différences entre les rayons ca- thodiques et les rayons Rüntgen. Mais il y en a une autre, beaucoup plus importante encore : /es rayons Rüntyen ne sont pas déviés par l'aimant. 4° M. Rontgen a élé ainsi amené à se demander si ces phénomènes ne sont pas dus aux vibrations longitudinales de l'éther. 'n'a pu qu'émettre une hypothèse ; il élait hors d'état de la vérifier. Les expériences d’interférence, qui seules pourraient nous renseigner, sont, en effet, presque impos- sibles avec desrayons qui poursuivent leur che- min rectiligne, sans que rien puisse les en faire dévier, ni la réfraction, ni l’aimant. Quoi qu'il en soit, on est bien en présence d'un agent nouveau, aussi nouveau que l'était l’électri- cité du temps de Gilbert, le galvanisme du temps de Volta. Toutes les fois qu'une semblable révéla- tion vient nous surprendre, elle réveille en nous le sentiment du mystère dont nous sommes envi- ronnés, sensation troublante qui s’élail dissipée à mesure que s’émoussail l'admiration pour les mer- veilles d'autrefois. Il est à peine besoin de réfuter une foule de théories fantaisistes que la presse quotidienne a reproduites, peut-être en les dénaturant. On a dit, par exemple, que les rayons X n'étaient que les lignes de force magnétique; il serait étrange, alors, que ces lignes de force ne soient- pas dé- viées par l’aimant. III. — ORIGINE DES RAYONS X. En revanche, ce que M. Rüntgen a pu délermi- ner, c’est le centre d'émission des rayons X. On pouvait, en effet, faire plusieurs hypothèses. On pouvait supposer que la cathode émet, outre les rayons calhodiques ordinaires, d’autres radia- lions qui, jouissant de propriétés différentes, tra- verseraient le verre du tube et se propageraient ensuite dans l'atmosphère. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent; le rayon cathodique ordinaire, émané de la cathode, vient frapper la paroi du tube, qui devient fluo- rescente. Cette paroi devient alors, à son tour, un centre de radiation; elle émet d’abord des ondula- tions transversales, qui sont cette lueur jaune ver- dâtre perçue par notre œil; mais "elle émet, en outre, des radiations d'une autre nature, qui son: les rayons Rüntgen. L'étude des ombres portées le prouve; d’ail leurs, si l’on approche un aimant, non du trajet du rayon X, mais du tube de Crookes, on déforme les images photographiques. Les rayons Rüntgen, en effet, ne sont pas déviés; mais les rayons cathodiques le sont; comme le centre d'émission des rayons X est le point où» finissent les rayons cathodiques, l’aimant peut dé placer le centre à partir duquel ils se propagentm toujours en ligne droite et par conséquent déplace” les images. Ainsi, c’est le verre qui émet les rayons Rünt= gen, el il les émet en devenant fluorescent. Ne peut-on alors se demander si tous les corps don la fluorescence est suffisamment intense n'émettent pas, outre les rayons lumineux, des rayons X de Rôntgen, quelle que soitla cause de leur fluorescence? Les phénomènes ne seraient plus alors liés à une causé électrique. Cela n’est pas très probable, mais cel est possible, et sans doute assez facile à vérifier: IV. — INTERFÉRENCES DES RAYONS CATHODIQUES. Si les rayons nouveaux sont mystérieux, les rayons cathodiques ne cessent pas pour cela de l’être. Plusieurs théories ont été proposées, et jc« ne m'écarterai pas de mon sujel en en parlant; puisqu'il y a probablement un lien intime entre ces deux sortes de radiations et que ces deux mystères finiront sans doute par s'éclairer mutuel= lement. : Je voudrais profiter de l’occasion pour en dire quelque mots, et je désirerais surtout attirer l'at- tention surune doctrine que j'ai combattue dans ses détails, mais qui n’en contient pas moins, très. vraisemblablement, une part de vérité. Nous voyons, pour ainsi dire, se continuer aujourd'hui, autour des rayons cathodiques ce même combat qui se livrait sous la Restauration autour des rayons lumineux. Il y a des partisans de l’émission; les ondulations longitudinales et les ondulations transversales ont aussi leurs dé- fenseurs. Les idées de W. Crookes sur la matière radiante et le bombardement moléculaire, qui rappellent la doctrine newtonienne de l'émission, ne sont pas encore aujourd'hui abandonnées par tout le monde, malgré les expériences de Lenard. Wiedemann et Lenard voient, dans les rayons cathodiques, des ondulations transversales de très courte période. Pour Wiedemann, ce seraient des rayons ultra-violets très absorbables ; pour Lenard, l'onde serait plus courle encore et sa longueur serait comparable aux distances intermoléculaires. M. Jaumann attribue, au contraire, ces phéno- H. POINCARÉ — LES RAYONS CATHODIQUES ET LES RAYONS RONTGEN 5 mènes à des vibrations longitudinales. Il appuie sa manière de voir sur deux ordres de preuves expé- rimentales et d'abord sur des apparences qu'il considère comme dues à des interférences. che est plane, mince el nettement délimitée. M. Jaumann l'appelle un « plan d'interférence », parce qu'il l’attribue à l’interférence des rayons émanés des deux cathodes. Fig. 5. — Main dont un doigt (médium) est alteint d'oitéile luberculeuse. — L'os de la première phalange du médium. étant gonflé, a intercepté les rayons sur une plus grande largeur que ne l’eût fait l’os normal. (Service du Professeur Lannelongue à l'hôpital Trousseau). Ces interférences se produisent dans la lueur bleue qui entoure la cathode; si l’on prend deux calhodes formées de deux plans métalliques paral- lèles distants de 4 centimètre, on voit entre les deux plans et à égale distance se former une cou- che bleue plus lumineuse que le reste de l’inter- valle compris entre les deux cathodes. Cetle cou- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, Mais, pour que celle apparence se produise, il faut que les deux cathodes soient réunies au pôle négatif de la bobine par deux fils d'égale longueur. Si les deux fils sont inégaux, non seulement la couche d'interférence se déplace, mais elle s’élargil, de sorte qu'elle finit par remplir tout l’espace compris entre les deux cathodes. 58 H. POINCARÉ — LES RAYONS CATHODIQUES ET LES RAYONS RONTGEN Cet élargissement correspond, d'après M. Jau- mann, à un spectre de surfaces d'interférence qui appartiendraient à des rayons cathodiques de pé- riodes différentes. L'expérience peut être variée de bien des ma- nières. C’est ainsi qu'avec deux cathodes, l’une plane, l’autre réduite à un fil parallèle au plan de la première, l'habile physicien a obtenu une sur- face d’interférence parabolique. Il semble qu'il y ait là le germe d’une méthode expérimentale qui nous donnera un jour la clef du problème; mais l'assimilation avec les interfé- rences, du moins telles que nous les connaissons, ne peut être admise qu'avec quelques réserves. Dans les interférences ordinaires l'intensité varie avec la différence de marche, el la courbe qui représente celte variation est une sinusoïde. Il semble que la lueur de Jaumann devrait varier suivant une loi analogue. Il n’en est rien; si la période était courte, on verrait dans l'intervalle des cathodes plusieurs maxima; si elle est longue, comme l’auteur le suppose, on devrait voir non pas un maximum tranché, mais une plage lumi- neuse lentement dégradée sur les bords. 77 semble que le phénomène ne puisse se produire que si lu diffé- rence de marche est presque rigoureusememt nulle. Dès qu'il y à une dissymétrie quelconque, la couche d’interférence s'élargit, ce qui serait dû, d’après M. Jaumann, à ce que les radiations de période différente n’interféreraient plus à la même place. 5 Si la différence de marche devait être égale non à zéro, mais à un multiple de la longueur d'onde, les choses se passeraient ainsi, en effet. Mais la condition de l'interférence parait être que cette différence soit nulle; donc, pour que deux radia- lions n’aient pas le même plan d'interférence, il ne suffit pas qu'elles n’aient pas la même période, #! faut que leur vitesse de propagation soit différente. J'ajoute que dans la couche d'interférence les rayons ne sont ni détruits ni renforcés; ils sem- blent être simplement déviés. « Les rayons catho- diques se propagent dans ce plan d'interférence parallèlement aux cathodes ». V. — INFLUENCE SUR LA DÉCHARGE. La seconde série de preuves expérimentales est empruntée à l’action des radiations sur l’étincelle électrique ; d’après M. Jaumann, une vibralion ne facilite l'explosion de cette étincelle que si elle est normale à l’électrode. * La vérification a été faite pour les rayons hert- ziens. On l’a faite aussi, avec un succès relatif, pour la lumière. On sait que les rayons ultra-violets pro- voquentles étincelles. Il paraissait naturel de cher: cher quelle est leur action quand ils sont polarisés® Mais il était difficile d'obtenir des rayons ultra= violets parallèles, polarisés et suffisamment in- tenses. Heureusement MM. Elster et Geitel ont re- connu que la lumière visible agit sur les élec- trodes formées d’un métal alcalin, comme la lu- mière ultra-violetle sur les électrodes ordinaires. La vérification de la loi deJaumann, qui s’est faite dans un gaz raréfié, n'est que grossièrement ap= proximative. Pour expliquer celte divergence, M. Jaumann suppose que, dans les gaz raréfiés, la lumière ordinaire elle-même serait accompagnées d’une composante longitudinale (?). ; La même méthode, appliquée aux rayons ca= thodiques, montre que leurs vibrations sont lon gitudinales. Il serait intéressant de faire tomber sur une même électrode, deux rayons cathodiques à angle droit; on verrait s'il y a un maximum d'effet quand la normale à l’électrode est dirigée sui= vant la bissectrice des deux rayons; ou s’il n’y & pas de maximum ; ou encore s’il y a deux maxima correspondant à la direction des «deux rayons. VI. — THÉORIE DE JAUMANN. M. Jaumann cherche ensuite à rendre compte de la possibilité théorique des vibrations longitu= dinales, et c'est sur cette partie de son travail qu'ont porlé mes critiques. D'après lui, le pouvoir diélectrique des corps serait variable, et ces variations seraient notables dans les gaz raréfiés; elles seraient proportion elles à la charge électrique. Introduisant ces hypothèses dans les équations! de Maxwell, l’auteur examine le cas où l’on a u champ électrique constant intense, superposé à des oscillations électromagnétiques très faibles, mais de période très courte. Il arrive ainsi à certaines équations que je ne lranscrirai pas. Ces équations, qui sont la conséquence néces- saire des hypothèses citées plus haut, montrent, en effet, qu'il doit exister des rayons longitudinaux qui jouiraient de quelques-unes des propriélés des rayons cathodiques. | Mais, en poussant le calcul jusqu'au bout, j'ai vu que ces rayons devraient suivre les lignes de force électrique du champ constant. Ils ne seraient donc pas reclilignes en général; ils iraient de la cathode à l’anode ; ils ne seraient pas déviés par l’aimant. | Si donc j'aiété séduit au premier abord par les vues ingénieuses de M. Jaumann, si, malgré cette critique, je n’en persisle pas moins à penser que ce savant est sur la voie qui le mènera à la vérité ; W.-C. RONTGEN — UNE NOUVELLE ESPÈCE DE RAYONS : En) je crois néanmoins quil devra modifier ses hypothèses, au moins dans le détail. VII. — CoNDITIONS DES EXPÉRIENCES DE RÔNTGEN. Revenons aux expériences photographiques de M. Rüntgen. La technique, comme nous l'avons vu, est très simple; la seule difficulté est dese procurer un tube de Crookes qui conserve Ses pro- priétés assez longtemps; on en rencontrera avec un peu de chance. La plupart perdent rapidement leurs qualités, à cause des gaz dégagés par les étectrodes; il faut, si l’on veut s'en servir, avoir une trompe à mercure pour maintenir le vide de Crookes. Les rayons X ne se réfractant pas, on ne peut done les concentrer à l’aide d’un objectif; les images que l'on photographie ne sont donc pas comparables aux images formées au foyer d’une lentille. Ce sontdes ombres portées, des silhouettes. D'autre part, la source lumineuse, je l'ai dit, n’est pas la cathode, c’est toute la surface fluores- cente du verre: dans les expériences de MM. Oudin et Barthélemy par exemple, la source était com- parable à une sphère lumineuse de 7 centimètres de diamètre. Un petit objet sphérique projette donc derrière lui un cône d'ombre assez court, entouré d'une pénombre. Cela n’est pas sans inconvénient pour la netteté des images. Il conviendrait donc de donner à la cathode la forme d’un miroir sphérique concave, dont le centre serait voisin de la paroi pas sur la paroi même, il pourrait en résulter du dégât. La partie la plus intense de la source serait ainsi d'étendue restreinte. Si l’objet à photographier est plus grand que la source, on pourra le rapprocher de la souree, et éloigner la plaque photographique ; l’objet sera agrandi, mais les détails ne viendront pas. Si l’objet est petit, il faudra le mettre le plus près possible de la plaque sensible, et pas trop près de la source. Les premiers clichés de MM. Oudin et Barthé- lemy étaient moins nets que les derniers, parce qu’on avait placé la plaque trop près du tube de Crookes. H. Poincaré, de l'Académie des Sciences, Professeur de Physique mathématique à la Sorbonne. 537,58 | mo” | 1. La décharge d’une grosse bobine d’induction traverse un tube à vide de Hittorf, ou un tube de Lenard ou de Crookes dontle vide a été poussé très loin. Le tube est entouré d’un écran de papier noir qui s’y adapte exactement; on peut alors cons- later, dans une salle où l’obscurité est complète, qu'un papier dont une face est recouverte de pla- lino-cyanure de baryum, présente une fluorescence brillante quand on l'amène au voisinage du tube, quelle que soit la face du papier qui regardele tube. La fluorescence est encore visible à deux mètres de distance. Il est facile de montrer que la cause de la fluo- rescence réside dans le tube à vide. 2, On voit donc qu'il existe un agent capable de pénétrer une plaque de carton noir, absolument opaque pour les rayons ultra-violets, pour la lu- mière de l’are ou celle du Soleil. Il est intéressant de rechercher si d’autres corps se laissent péné- _trer par le même agent. On montre facilement que tous les corps présentent la même propriété, mais à des degrés Lrès différents. Par exemple, lepapier est très transparent ; l'écran fluorescent s'illumine quand on le place derrière un livre de mille pages : l'encre d'imprimerie n'offre pas de résistance sen- sible. De même la fluorescence se manifeste der- rière deux jeux de carles; une carte unique ne diminue pas visiblement l'éclat de la lumière. De UNE NOUVELLE ESPÈCE DE RAYONS même aussi, une seule épaisseur de papier d'éltain projette à peine une ombre sur l'écran ; il faut en superposer plusieurs pour produire un effet no- table. Des blocs de bois épais sont encore trans- parents. Des planches de pin de deux ou trois cen- timètres d'épaisseur absorbent très peu. Un morceau d'une feuille d'aluminium, de 15 millimètres d'épaisseur, laisse encore passer les rayons X (c’est ainsi que j'appellerai ces rayons pour abréger), mais diminue beaucoup la fluorescence. Des plaques de verre de même épais- seur se comportent de lamême manière; toutefois le cristal est beaucoup plus opaque que les verres exempts de plomb. L’ébonite est transparente sous une épaisseur de plusieurs centimètres. Si l'on tient la main devant l'écran fluorescent, les os projettent une ombre foncée et les tissus qui les entourent ne se dessinent que très lègèrement (fig. 3, page 54, et 1 ct 2, pages 60 et 61). L'eau et plusieurs liquides sont très ‘transpa- rents. L’hydrogène n'est pas notablement plus perméable que l’air. Des plaques de cuivre, d’ar- gent, de plomb, d'or et de platine laissent aussi passer les rayons, mais seulement quand le métal est en lame mince. Une épaisseur de platine de 2 millimètres laisse encore passer quelques rayons; l'argent et le cuivre sont plus transpa- rents. Le plomb, sous une épaisseur de 1 mil. 05, 60 W.-C. RONTGEN — UNE NOUVELLE ESPÈCE DE RAYONS est pratiquement opaque. Une lige de bois carrée de 2 centimètres de côlé, peinte au blanc de plomb sur une de ses faces, ne projette qu'une ombre légère quand on la tourne de façon que les rayons X soient parallèles à la face peinte, mais l'ombre est noire quand les rayons doivent tra- verser celte face. Les sels métalliques, solides ou en dissolution, se comportent généralement comme les métaux eux- les densités de feuilles de métal équivalentes : ÉPAISSEUR ÉPAISS. RELAT. DExsiré Platine”. 0,018mm 1 A5 1 Plomb. 008 0,050mm 3 113 ZINC. US 0,100mm 6 71 Aluminium .... 3,500mm 200 26 Il résulte de ces valeurs que la transparence n'es pas donnée par le produit de la densité par l’épais- seur d’un corps. La mêmes. transparence aug- 3. Les expérien- ces précédentes a- mènent à conclure que la densité des corps est la pro- priété dont la va- riation affecle spé- cialement leur per- méabilité. Au moins aucune autre pro- priélé ne semble a- voir une influence aussi directe. Ce- pendant la densité seule ne détermine pas la transparen- ce; on le prouve en employant com- me écrans des la- mes également é- paisses de spath d'Islande, de verre, d'aluminium et de quartz. Le spath mente beaucoup plus rapidement que le produit ne décroit. 6. La fluorescen- server. Il est à re marquer que d'au tres corps présen- tent la fluorescen ce, parmi lesquels le sulfure de cal- cium, le verre d’u rane, le spath d'Is- lande, le sel gem- me, etc. | Dans cet ordre d'idées, un fait par- liculièrement inlé- ressant est la sen d'Islande se montre sibilité des plaques beaucoup plustrans- parent que les au- tres corps, bien qu'il aitapproxima- tivement la même densité. Je n'ai pas remarqué que le spath d'Islande présentât une fluorescence considérable relativement à celle du verre (voir plus bas, $ 6). 4. En augmentant l'épaisseur, on augmente la résistance offerte aux rayons par tous les corps. On a pris sur une plaque photographique une épreuve de plusieurs feuilles de papier d’étain, superposées comme les marches d'un escalier et présentant ainsi une varialion d'épaisseur régulière. Cette épreuve sera soumise à des mesures photométriques quand on pourra disposer d’un appareil convenable. 5. Des pièces de platine, de plomb, de zinc et d'aluminium en feuilles ont été préparées de façon à obtenir le même affaiblissement de l’effet. Le tableau ci-joint donne les épaisseurs relalives et Fig. 1. — Poisson traversé par les rayons de Rüntgen. — (Dessin fait d’après une photographie de M.Jean Perrin, à l'Ecole Normale). photographiques . sèches pour les ra- yons X. On peul ainsi mettre en évi dence lesphénomè- nes,en excluanttout d'observations failes d’abord en regardant l'écrai fluorescent. C’est ici que la propriété que présen- carton devient ulile. La plaque photographique peut être exposée à leur action sans qu'on ait à enlever le volet du châssis, ni aucune boîte protec= trice, de sorte que l'opération n’a pas besoin d’être conduite dans l’obscurité. Il est elair que les plaques qui ne sont pas en expérience ne doivent pas étre laissées dans leur boiîle au voisinage du tube. Il resterait à savoir si l'impression sur la plaque est un effet direct des rayons X, ou un résultat secondaire dù à la fluorescence de la matière de la plaque. Des pellicules peuvent être impression W.-C. RONTGEN — UNE NOUVELLE ESPÈCE DE RAYONS ôl | nées aussi bien que les plaques sèches ordinaires. Je n’ai pas réussi à mettre en évidence aucun effet calorifique des rayons X. On peut cependant supposer qu'un tel effet existe; les phénomènes de fluorescence montrent que les rayons X sont capables de se transformer. Il est donc certain que Lous les rayons X qui tombent sur un corps ne le quittent pas dans le même élat. La rétine de l'œil ait lieu de rechercher par d'autres moyens si les rayons X peuvent se réfracter. Des corps réduits en poudre fine ne permettent, sous une pelite épaisseur, que le passage d’une faible partie de la lumière incidente, par suite de la réflexion et de la réfraction. Dans le cas des rayons X, au con- traire, ces couches de poudre présentent, pour une même masse d'un corps, la même transparence que le solide lui- est absolument in- même. Nous ne sensible à ces ra- pouvons done con- yons; l'œil placé clure à l'existence tout près de l'ap- d'aucune réflexion, ni d'aucune réfrac- pareil ne voit rien. Ilrésulte clairement des expériences que lion des rayons X. L'expérience a été celà n'est pas dû à un défaut de per- méabilité de la part des milieux de l'œil. 1. Après mes ex- périences sur la exécutée sur du sel gemme finement pulvérisé, de l'ar- gent électrolytique en poudre fine et de la poussière de zinc ayant déjà ser- transparence d’é- paisseurs croissan- tes de milieux diffé- vi plusieurs fois à des opérations chi- miques. Dans tous rents, j'ai cherché à ces cas, les résul- voir si les rayons X tats donnés, soit pouvaient être dé- par l'écran fluores- viés par un prisme. cent, soit par la Desexpériences fai- méthode photogra- tes avec de l’eau et phique, n’ont indi- du sulfure de car- qué aucune diffé- bone,contenus dans rence de transpa- des prismes de mi- rence entrela pou- ca de 30°, n'ont dre et le solide co- fait voir aucune dé- hérent. vialion soit sur la Il est clair alors - qu'on ne peut pas comptersur leslen- plaque photogra- => — = = phique, soit sur l’é- Fig. 2. — Grenouille lraversée par les rayons de Rüntqgen. — (Dessin fait cran phosphores- d'après une photographie de M. Jean Perrin, à l'École Normale). cent. Comme terme de comparaison, on a fait tom- ber desrayons de lumière sur les prismes disposés pour l'expérience. Les dévialions ont atteint respectivement 10% et 20%* avec les deux pris- mes. Avec des prismes d’ébonite et d’aluminium, on a obtenu, sur la plaque photographique, des images qui font soupconner une déviation. Elle est toute- fois incertaine et correspondrait à un indice au plus égal à 1,05. On n'a pu observer aucune dévia- tion avec l’écran fluorescent. Des expériences sur les métaux lourds n’ont jusqu'ici conduit à aucun résultat, à cause de leur transparence et de l'affai- blissement qui en résulte pour les rayons transmis. La question est assez importante pour qu'il y tilles pour concen- trer les rayons X; eflectivement, des lentilles d'ébonite et de verre de grande dimension se sont montrées également sans action. L’ombre photographique d’une tige ronde est plus foncée au centre qu'au bord; l'image d'un cylindre rem- pli d’un corps plus transparent que les parois, présente plus d'éclat au centre que sur les bords. 8. Les expériences précédentes et d’autres que je passe sous silence, indiquent que les rayons ne peuvent pas se réfléchir. IL sera néanmoins utile de rapporter avec détails une observation qui, à première vue, semblait conduire à une conclusion opposée. J'ai exposé une plaque, protégée par une feuille de papier noir, aux rayons X, de façon que la face 62 W.-C. RONTGEN — UNE NOUVELLE ESPÈCE DE RAYONS libre regardât le tube à vide. La couche sensible était recouverte partiellement de pièces de platine, de plomb, de zinc et d'aluminium, en forme d'étoiles. Le négatif développé montra que la pla- que avait été fortement impressionnée devant le platine, le plomb et plus encore devant le zinc; l'aluminium ne donnait pas d'image. Il semble donc que ces trois métaux puissent réfléchir les rayons X; toutefois, une autre explication est pos- sible et j'ai répété l'expérience avec cette seule différence que j'interposais une lame d'aluminium extrèémement mince entre la couche sensible et les étoiles de métal. Cette plaque d'aluminium est opaque pour les rayons ultraviolets, mais transpa- rente pour les rayons X. Sur l'épreuve, les images apparurent comme précédemment, indiquant en- core l’existence d’une réflexion sur les surfaces métalliques. Si l’on rapproche ce résullat de la transparence des poudres et du fait que l’état de la surface n'exerce aucune action sur le passage des rayons X à travers les corps, on est conduit à conclure avec vraisemblance que la réflexion régulière n'existe pas, mais que les corps jouent, vis-à-vis des rayons X, le même rôle que les milieux troubles vis-à-vis de la lumière. Puisqu'on n’observe aucune trace de réfraction à la surface de séparation de deux milieux, il semble probable que les rayons X se meuvent avec la même vitesse à travers toutes les substances, dans un milieu qui pénètre tous les corps et qui baigne les molécules de ces corps. Les molécules arrêtent les rayons X avec d'autant plus de force que la densité du corps considéré est plus grande. 9. IT a semblé possible que la disposition géo- métrique des molécules modifiät l’action qu’exerce un corps sur les rayons X, de sorte que, par exemple, le spath d'Islande pourrait présenter des phénomènes différents, suivant l’orientalion de la lame par rapport à l’axe du cristal. Des expé- riences faites sur le quartz et le spath d'Islande n'ont donné aucun résultat. 10. On sait que Lenard, dans ses recherches sur les rayons cathodiques, a montré que ce sont des modifications de l’éther et qu'ils traversent tous les corps. Il en est de même pour les rayons X. Dans son dernier travail, Lenard a délerminé les coefficients d'absorption de divers corps pour les rayons cathodiques, y compris l'air, à la pression atmosphérique, qui donne 4,10, 3,40 el 3,10 pour 1 centimètre suivant le degré de raréfaction du gaz dans le tube à décharges. J'ai opéré à la même pression el, aussi, par occasion, à des pressions plus fortes et plus faibles. J'ai trouvé, en employant un photomètre de Weber, que l'intensité de la lumière fluorescente varie à peu près comme l'in- verse du carré de la distance qui sépare l’écran du tube à décharges. Cette loi résulte de trois séries d'observations très concordantes faites à 400 et 200 %%, L'air absorbe donc les rayons X beaucoup: moins que les rayons de cathode. Ce résultat esten accord complet avec le résultat, déjà indiqué plus haut, que la fluorescence de l’écran peut s’observer encore à une distance de deux mètres du tube à vide. En général, les autres corps se comportent comme l'air : ils sont plus transparents pour les rayons X que pour les rayons de cathode. ;. 11. Une nouvelle distinction, et qui doit être notée, résulte de l’action d'un aimant. Je n’ai pas réussi à observer la moindre déviation des rayons X mème dans des champs magnétiques très intenses. La déviation des rayons cathodiques par l’ai- mant est une de leurs caractéristiques spéciales ; Hertz et Lenard ont observé qu'il existe plusieurs espèces de rayons cathodiques, qui diffèrent par leur propriété d’exciter la phosphorescence, la fan cilité d'absorption et leur degré de déviation par l’aimant; mais on a observé une déviation notable. dans tous les cas étudiés et je pense que cette déviation constitue un caractère qu’on ne peut pas négliger facilement. 12. Il résulte d'un grand nombre d'essais que les points du tube à décharges où apparaît la phos- phorescence la plus brillante, sont le siège prin- cipal d’où les rayons X naissent et se propagent dans toutes les directions, c’est-à-dire que les rayons X partent de la région où les rayons de ca- thode frappent le verre. Que l’on déplace les, rayons de cathode dans le tube à l’aide d'un ai- mant et l'on verra les rayons X partir d'un nouveau point, c'est-à-dire encore de l'extrémité des rayons de cathode. Pour cette raison également les rayons X, qui ne sont pas déviés par un aimant, ne peuvent pas être considérés comme des rayons de cathode qui auraient traversé le verre, car ce passage ne peul pas, d'après Lenard, être la cause de la différence de déviation des rayons. J'en conclus que les rayons X ne son! pas identiques aux rayons de cathode, mais sont produits par les rayons de ca-. thode à la surface du tube. 13. Les rayons ne se produisent pas seulement dans le verre. Je les ai obtenus dans un appareil fermé par une lame d'aluminium de 2 ®* d'épais- seur. Je me propose, par lasuite, d'étudier le rôle » d’autres substances. 1%. L’appellation de «rayons » donnée au phé- nomène, se juslifie en partie par les silhouettes régulières qu'on oblient en interposant un corps plus ou moins perméable entre la source et une plaque photographique ou un écran fluorescent. J'ai observé et photographié un grand nombre W.-C. RONTGEN — UNE NOUVELLE ESPÈCE DE RAYONS 63 de ces silhouettes. J'ai aussi le dessin d’une partie d’une porte peinte au blanc de plomb; j'ai obtenu l'image en plaçant le tube à décharges d'un côté de la porte et la plaque sensible de l’autre. J'ai aussi l'ombre des os de la main (page 54), d’un fil enroulé sur une bobine (page 52), d’une série de poids dans une boite, d'un ca- dran de bous- sole, avec l'ai- guille, le tout complètement enfermé dans une boite de métal(page 53), d'un morceau de métal, (fig. 3) dont les ra- yons X décèlent les défauts d'homogénéité et de plusieurs autres objets. Pour la pro- pagation rec- tiligne des ra- yons, j'ai une photographie , à la chambre obscure, de l'appareil de décharge, re- couvert de pa- pier noir; elle est päle, mais très nelle ce- pendant. 15. J'ai cher- ché à produire l’interférence des rayons X, mais sans résultat, peut-être à cause de leur faible intensité. 16. Des recherches sur laction que peuvent exercer des forces électrostatiques sur lesrayons X sont en cours, mais non encore achevées. 17. On demandera : Que sont donc ces rayons? Puisque ce ne sont pas des rayons cathodiques, on pourrail supposer, d’après leur faculté de produire la fluorescence et l’action chimique, qu'ils sont dus à la lumière ultra-violette. Un ensemble im- posant de preuves est en contradiction avec cette hypothèse. Si les rayons X sont en réalité de la lumière ullra-violette, cette lumière doit posséder les propriétés suivantes : a) Elle ne se réfracte pas en passant de l’air dans l’eau, dans le sulfure de carbone, l’alumi- nium, le sel gemme, le verre ou le zinc. Fig. 3. — Lame de mélal laminée, traversée par les rayons de Rüntyen. — (Photographie de M. Rüntgen). b) Elle ne peut se réfléchir régulièrement à la surface des corps cités. e) Elle n’est polarisée par aucun des milieux po- larisan(s ordinaires. d) L’absorption par les différents corps doit dé- pendre surtout de leur densité. Ce qui re- vient à dire que les rayons ultra-violets doiventsecom- porter tout au- trement que les rayons visi- bles ou infra- rouges et les rayons ultra- violets déjà connus. Ceci parait assez in- vraisemblable pour que j'aie cherché à faire une autre hy- pothèse. Il semble y avoir une SOr- te de relation entre les nou- veaux rayons et les rayons lumineux; tout au moins la production d’o- mbres, de fluo- rescenceet d’a- ctions chimi- ques semble l'indiquer. Or, on sait depuis longtemps qu’en outre des vibra- tions qui rendent compte des phénomènes lumi- neux, il est possible que des vibrations longitu- dinales se produisent dans l’éther; certains phy- siciens pensent même que ces vibrations doivent exister. Toutefois on doit convenir que leur exis- Lence n'a jamais été mise en évidence el que leurs propriétés n'ont pas élé établies expérimentale- ment. Ces nouveaux rayons ne devraient-ils pas être attribués à des ondes longitudinales de l’é- ther? Je dois avouer qu'à mesure que je poursuivais ces recherches, je me suis accoutumé de plus en plus à cette idée et je me permets de l'énoncer, sans medissimuler que l'hypothèse demande à être établie plus solidement. W.-C. Rontgen, Professeur de Physique à l'Université de Wurtzhourg. 64 A. SCHUSTER -- SUR LES « RAYONS DE RONTGEN » 537,58 : À 770 SUR LES « RAYONS DE RONTGEN » La remarquable découverte du Professeur Rünt- gen va modifier considérablement nos vues concer- nant la relation entre l'éther et la matière; mais une nouvelle preuve expérimentale est nécessaire, avant qu'aucune opinion puisse être exprimée sur le caractère de rayons dont la propagation est tel- lement recliligne qu’elle semble renverser toutes les notions des lois de la Nature. Rüntgen, par la puissance de ses expériences, si soigneusement conduites, est arrivé à une conclu- sion opposée à l'idée que les rayons diffèrent des rayons lumineux uniquement par la petitesse de leur longueur d'onde. Peut-être les considérations suivantes montreront-elles que la preuve n’est pas concluante à cet égard. Les rayons de Rüntgen ne sont pas des rayons cathodiques; il n’y a pas de doute à ce sujet; mais ils prennent naissance au point de rencontre des rayons cathodiques avec les substances solides. L'auteur de la découverte n'a pu obtenir aucun effet d’interférence, probablement, comme il le dit, à cause de la faiblesse de la radiation. Une absence d'interférence ne serait, cependant, pas suffisante pour montrer que ia radiation n’est pas de la nature de la lumière ordinaire; l’absence d’inter- férence peut, en effet, résulter de ce que la radia- tion ne possède pas une régularité suffisante, en d’autres termes, de ce que la perturbation n’est pas suffisamment homogène. Il n’est pas, du tout, improbable que tel soit le cas, car la radiation est produite par un choc, qui, dans le premier exemple, peut être un mouvement impulsif propagé exlé- rieurement, et qui, après avoir traversé l'écran, ne posséderait que la régularilé produite par l’absorp- tion des ondes de grande longueur. Le grand argument contre l'hypothèse des ondes de très pelite longueur repose dans l'absence de réfraction; mais est-il concluant ? Quand nous parlons de la grandeur des atomes, nous voulons dire leur distance à l’état solide et à l’état liquide !. Les propriétés de l’éther peuvent rester inaltérées dans la plus grande partie de la sphère d'action d’une molécule. Le nombre de molécules renfermées dans une longueur d’onde de lumière ordinaire n'es pas plus grand que le nombre de particules solides contenues dans une onde sonore; mais, autant que je sache, la vitesse 1 En d’autres termes, il est ici question de leur sphère d'influence. (Note de la Direction). du son n’est pas notablement affectée par la pré- sence de poussières dans l'air. Il ne semble donc pas interdit de supposer que des ondes lumineuses, plus" petites que celles que nous connaissons, puissent traverser les solides avec la même vitesse qu'elles traversent le vide. Noussavons que les bandes d’ab- sorplion exercent une grande influence sur les in- dices de réfraction dansles régions avoisinantes, et, comme probablement toute la question de réfrac- lion se résout en des effets de résonance, le degré de propagation des ondes de très petiles longueurs ne doit pas me sembler être préjugé par nos con- naissances acluelles. Si les rayons de Rôüntgen con- üiennent des ondes de très petite longueur, les vibrations dans la molécule qui leur correspond sembleraient être d'une toute autre importance que celles que nous connaissons déjà. Probable= ment avons-nous ici la vibration de l'électricité. avec la molécule, au lieu de la vibration de la molécule portant avec elle la vibration de l’élee- tricité. J'aimerais ensuile à exprimer un certain senli- ment de satisfaction de ce que les rayons de Rünt- gen ne soient pas déviés par le champ magnélique.n Ils sont ainsi clairement séparés des rayons ca- thodiques. L'idée que les rayons cathodiques sont dus à des vibrations est devenue à la mode; pour- tant le fait que l’aimant les dévie comme s'ils étaient des molécules électrisées, m'a toujours semblé être un argument contre cette opinion. Personne n’a donné aucuneraison aussi plausible, expliquant comme quoi un rayon de lumière invi- sible serait capable de s’enrouler en spirale, tandis qu'un rayon de lumière visible va en ligne droite. Il n’est pas dans mon intention d’argumenter en . faveur d'aucune théorie particulière ou contre cette suggestion de Rüntgen que nous avonsenfin trouvé « la principale onde longitudinale qui manquait. Je. désirais seulement signaler des faits, qui, à pre- mière vue, semblent aller contre l'hypothèse des vibrations lumineuses ordinaires, et je me borne à indiquer qu'ils constituent une insurmontable difficulté !. Arthur Schuster, de la Société Royale de Londres Professeur de Physique, à Owens College (Manchester). 1 Nature de Londres, n° 1369, vol. 53, 1896. 537,53 J.-T, BOTTOMLEY — LES VIBRATIONS LONGITUDINALES DE L'ÉTHER 65 LES VIBRATIONS LONGITUDINALES DE L'ÉTHER fR A PROPOS DES RAYONS DE RONTGEN | re On trouvera peut-être quelque intérêt à rappro- cher de l’admirable découverte, qu'a faite leP' Rünt- gen, de rayons photographiques spéciaux, et de Phypothèse par laquelle il termine le remarquable article qui précède, les extraits suivants des leçons professées, en 1884, par lord Kelvin à l'Université Johns Hopkins. . M. Rüntgen suppose que ses rayons sont des vibrations longitudinales de l’éther luminifère. Or, voici ce que disait lord Kelvin : « Nous pouvons obtenir certaines formes de solutions des équations, dans le but d'illustrer divers problèmes d'Acoustique et pour vous fami- liariser avec l'onde qui peut existeren même temps que l'onde de distorsion dans tout vrai solide élas- lique qui n’est pas incompressible. Nous ignorons cette onde de condensation dans la théorie de la lumière. Nous sommes sûrs que son énergie, en tout cas, si elle n’est pas nulle, est très petite en comparaison de l'énergie des vibrations lumi- neuses dont nous nous occupons. Mais dire qu’elle est absolument nulle, serait une hypothèse que nous n'avons pas le droit de faire. Quand nous considérons la petite partie de l'Univers que nous connaissons, et que nous pensons à la lransmis- sion de la force électrique, à la transmission de la force magnétique et à la propagation de la lumière, nous n'avons pas le droit de supposer qu’il n'existe rien à quoi notre philosophie n'ait songé. Nous n'avons pas le droit d'admettre qu'il ne peut pas exister d'ondes de condensation dans l’éther lu- _mineux. Tout ce que nous savons, c'est que les vibrations de cette espèce, qui prennent naissance dans la réflexion et la réfraction de la lumière, ont certainement une énergie très petite relalive- ment à l'énergie de la lumière dont elles pro- cèdent. Le fait certain, en ce qui concerne la ré- flexion et la réfraction, est celui-ci : à moins que léther lumineux ne soit absolument incompres- sible, la réflexion et la réfraction de la lumière doivent en général donner naissance à des ondes de condensation. Des ondes de distorsion peuvent exister sans ondes de condensation, mais des ondes de distorsion ne peuvent pas se réfléchir à la surface de séparation de deux milieux sans pro- duire dans chaque milieu une onde de condensa- lion. Quand nous aborderons l'étude de la ré- flexion el de la réfraction, nous verrons comment il faut traiter ces ondes de condensation etnous ju- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1895. gerons avec quelle facilité on peuts'en débarrasser en supposant que le milieu est incompressible. Mais il esl une question qu'on ne doit jamais perdre de vue et qu’il faut examiner : Y a-t-il oun'ya-t-il pas des ondes de condensation pro- duites dans la réflexion et la réfraction, et la pro- pagation de la force électrique peut-elle enfin s'expliquer par ces ondes de condensation? «Supposons que nous ayons en un lieu quel- conque, dans l'air, ou dans l’éther luminifère (je ne puis distinguer maintenantentre les deux idées), un corps qui, sous l'influence d’actions qu'il est inutile de décrire, mais qui sont concevables, prenne une électrisation alternativement positive etnégalive; ne donnera-t-il pas naissance à des ondes de condensation? Supposons, par exemple, que nous ayons deux conducteurs sphériques réu- nis par un fil fin et qu'une force électromotrice alternative soit produite dans ce fil fin, par exemple par une machine dynamo-électrique à courants alternatifs ; et supposons que ce dispositif fonelionne à grande distance de toute perturba- tion, à unegrandeélévation dans l'air, par exemple: le résultat de l’action dela machine dynamo-élec- trique sera de donner à l’un des conducteurs une électrisation alternativement positive et négative et à l’autre conducteur une électrisation alternati- vement négalive et positive. Il est parfaitement certain, sinous faisons tourner la machine lente- ment, que dans l'air, au voisinage des conducteurs, nous aurons une force électrique dirigée alterna- tivement dans un sens et dans l’autre avec des renversements au nombre de deux ou trois cents à la seconde, par exemple, et une transition gra- duelle du négatif au positif, en passant par zéro, et ainsi de suite; ilen sera de même dans tout l’es- pace, et nous pouvons indiquer exactement la va- leur du potentiel et de la force électrique en tout point à chaque instant. Mais qui croira que, si la révolution devient assez rapide, la loi électrosta- tique pure et simple s’appliquerait à l'air à diffé- rentes distances de chaque sphère? Toutle monde croit que si le renversement se produit avec une rapidité suffisante, plusieurs millions de fois, ou des millions de millions de fois par seconde, les faits que nous observerions s’écarteraient beau- coup de la loi électrostatique qui détermine la dis- tribution de la force électrique dans l’air au voisi- nage. ILsemble absolument certain qu'une action telle que celle qui se produit, donnerait naissance DEL: 66 J. PERRIN — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LES RAYONS DE RÔNTGEN ——_—————————————_—————————————————._———….….….…._.….…. à des ondes électriques. Or il me parait probable que ces ondes électriques sont des ondes de con- densation dans l’éther luminifère; et probable- ment la propagation de ces ondes serait énormé- ment plus rapide que la propagation des ondes lumineuses ordinaires. « En parlant ainsi, je ne perds pas de vue ce qui a été fail dans ce qu'on appelle la théorie électro- magnétique de la lumière. Je connais la propaga- tion d'un choc électrique le long d’un fil isolé recouvert de gutta-percha, que j'ai étudiée moi- même vers 4854, et dont j'ai trouvé la vitesse com- parable à celle de la lumière. Nous ne connaissions pas alors le rapportentre les unités électrostatiques et électromagnétiques. En traitant le problème dans le cas de l’air au lieu de la gutta-percha, nous trouvons simplement (c’est-à-dire le nombre d'unités électrostatiques contenues dans l'unité électromagnétique de quantité) pour la vitesse de propagation du choc. Ge cas diffère beaucoup de cette électrisation très rapidement variable que j'ai imaginée devant vous. « Je puis me reporter à un petit article, dans lequel j'ai donné une sorte de représentation mécanique des forces électriques, magnétiques et galvaniques {le nom de « galvaniques » que je don- nais alors est très mal choisi). Cet article a été publié dans le premier volume de réimpression de mes Mémoires. J'y montre que le déplacement statique d’un solide élastique suit exactement les lois de la force électrostatique, et que le déplace- ment rolatoire du milieu suit exactemenl les lois 537,58 | F0 de la force magnétique. 11 me semble très probable qu’on pourra ramener la théorie de la propagation des perturbations électriques et magnétiques à la théorie ondulaloire de la lumière en essayant de préciser le point que je vous indique. Dans la théo- rie onduiatoire de la lumière, toutefois, nous sup- poserons simplement que la résistance à la com- pression de l'éther luminifère et la vitesse de propagation d'une onde de condensation sont infi- nies. Nous emploierous quelquefois les mots « pra- tiquement infini » pour éviter de supposer que ces quantités soient infinies « absolument ». Le second passage que je désire citer se trouve à la page 143 de l'édition autographiée : « Rien ne nous révèle des actions de cette espèce, et cela suffit à nous prouver que, s’il en existe, elles doivent être excessivement petites. Mais je crois qu’il ya des ondes de cette espèce et je crois que la vitesse de propagation de la force électrosta- tique est la vitesse de condensation inconnue dont nous parlons. » « Je dis ici croùre dans un sens un peu différent. Je ne peux dire que je croie cela comme unarticle de foi, mais bien comme une vérité scientifique très probable. » Le haut intérêt de ces vues avancées n'échap- pera, croyons-nous, à aucun physicien . J.-T. Bottomley de la Société Royale de Londres, Lecturer de Philosophie naturelle à l'Université de Glasgow. SUR LES RAYONS DE RONTGEN' RECHERCHES EXPÉRIMENTALES Je me suis proposé de faire l’étude méthodique du phénomène de Rüntgen au point de vue phy- sique, et ce sont les premiers résultats de cette étude que je vais résumer ici. I J'ai d’abord, comme beaucoup l'ont fait, rapide- ment classé dans leur ordre de transparence les substances que je pensais pouvoir employer. Puis, les rayons de Rünigen impressionnant comme la lumière les plaques sensibles, j'ai recherché s'ils ne présentent pas avec elle d’autres analogies. J’ai fait, en conséquence, une première expérience rapide afin de m’assurer que les nou- 1 Travail fait au Laboratoire d Physique de l’École Nor- male Supérieure. î l veaux rayons obéissent aux lois de la propagation rectiligne. Il me suflit, pour cela, de placer une plaque sensible au delà d’un système formé par deux diaphragmes circulaires. J’obtins une tache circulaire dont les dimensions concordaient avec ; l'hypothèse d’une propagation rectiligne. En conséquence, dans toutes les recherches sui- vantes, j'employai un pinceau de rayons bien dé- fini, déterminé par deux fentes étroites pratiquées dans du laiton reconnu opaque et placées en re- gard du tube en expérience. Il J'ai fait tomber le rayon, ainsi défini, sur une plaque d'acier poli, afin de constater s’il y avait 1 Nalure, de Londres, n° 1369, Vol. 53, 1896. J. PERRIN — RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LES RAYONS DE RONTGEN 67 réflexion ; après une heure de pose, le cliché ne ré- véla aucune impression. La même expérience ful répétée en recevant le rayon de Rüntgen sur une matière vitreuse, le flint, qui, lui aussi, estopaque. Même au bout de 7 heures de pose, il n’y eut encore aucune impression. Sans qu'on puisse de ces expériences tirer une conclusion définitive, on est déjà en droit de sup- poser que les rayons de Rüntgen ne peuvent subir de réflexion. III Le dispositif indiqué dans la figure ci-après el comportant encore les deux fentes, m'a servi à ! tion et de décider par là même si le phénomène est périodique ou non. Je monlai donc l'expérience classique qui donne les franges de diffraction en plaçant une fente assez large (1 millimètre) au delà d’une fente très étroite. Alors que la lumière naturelle donne, dans ces conditions, des franges très pures, les rayons de Rüntgen m'ont donné une bande très nette sans la moindre trace de franges. Une vérification du réglage fut donnée par la contre-épreuve suivante. En substituant au chàssis fermé une plaque sensible à découvert, j’oblins en quelques minutes une silhouetle exactement su- Fig. 1. — Appareil de M. Jean Perrin. voir si les nouveaux rayons peuvent se réfracter. J'ai masqué la moilié inférieure du pinceau de rayons, par un prisme taillé dans une des subs- tances perméables aux rayons de Rüntgen : la moitié supérieure du pinceau tombait directement sur la plaque et y laissait sa trace. La moilié inférieure ne fut nullement déviée comme elle l’eût été en cas de réfraction, mais vint exactement pro- longer la première. Je me suis servi successivement d’un prisme de paraffine d'environ 20°, et d’un prisme de cire d'environ 90. Les rayons de Rüntgen ne paraissent done pas réfrangibles ; cela pouvait être pressenti, puisque le squelette d’un animai fournit une silhouette exacte au travers des muscles et des liquides qui l'entourent. IV En continuant l'étude géométrique de cesrayons, j'ai tenté d'y retrouver les phénomènes de diffrac- | perposable à celle qu'avaient donnée les rayons de Rüntgen, mais présentant cette fois des franges nettes sur le bord. Les lueurs vertes émises par le tube et arrêtées par le volet du chässis dans la première partie de l'expérience, avaient suffi pour produire des franges dans la se- conde. Donc, si le phénomèneest périodique, la période est inférieure à celles des radiations visibles du spectre. Il parait même possible qu'il n'y ait pas périodicité. Cette expérience est, en outre, importante en ce qu’elle permet de vérifier Lrès rigoureusement, pour les rayons de Rüntgen, la propagation rectiligne; celle-ci serait même plus pure que ne l'est celle de la lumière. Jean Perrin, Agrégé-Préparateur, à l'Ecole Normale Supérieure, 68 ÆE. DAMOUR. — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS 666,1 DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE Le verre, sous ses diverses formes, a des appli- cations si multiples et s'est acquis, dans toutes les branches de l'industrie humaine, une place si im- portante, est devenu tellement indispensable, qu’on a peine à concevoir comment les civilisations qui nous ont précédés en ont fait un si faible emploi : il a fallu des milliers d'années pour amener la ver- rerie à ce qu'elle est et à ce qu'elle tend à devenir de plus en plus. Le progrès incessant dans la fabri- cation du verre est évidemment la cause fondamen- tale de la rapide expansion à laquelle nous assis- tons : autant et plus que d’autres industries, la verrerie s’est perfectionnée pendant ces dernières années et a pris un rapide essor, comme si elle vou- lait rattraper le temps si longtemps perdu. Hätons- nous de dire que la France, à cet égard, n’est pas restée en arrière des nations rivales. Cependant, les branches si multiples de l’art de la verrerie ne se sont pas toutes engagées aussi résolument dans cette voie de perfectionnement : il est des retardataireset, s’ila été beaucoup fait, il reste beaucoup à faire encore. Montrerle développement de cet art, en indiquant aussi exactement que possible l’état actuel de l'in- dustrie verrière en France, et d’autre part signaler les lacunes, et rechercher les progrès qu'il reste à accomplir, est le double but de cet article. Nous nous altacherons particulièrement à mon- trer le rôle de plus en plus nécessaire de la science dans les industries du verre; et, en raison des récents événements qu'y a suscités la question de la main-d'œuvre, nous aurons à insister sur les modifications que le progrès scientifique y a fait subir aux conditions sociales du travail. [. — IlISToRIQUE !. La verrerie est une des plus vieilles industries du monde : nous trouvons la preuve de son exis- tence 2.000 ans avant J. C., dans des peintures découvertes par Sir Gardner Wilkinson dans les sarcophages des anciennes dynasties égypliennes. L'archéologie semble donc établir que les Égyp- liens auraient été les premiers verriers, ce qui s’ex- plique aisément par la richesse de leur sol en sels 4 ! Ouvrages consultés pour cet historique : Guide du ver- rier, par Boxremps; -— les Verreries de la Normandie, par O. VaiLLaNT DE LA Figrre; — Diclionnaire de l’'Ameuble- ment, par V Havar» alcalins. L'histoire nous montre ensuile la ver- rerie très florissante à Sidon sur les bords du Bélus, dont les sables étaient particulièrement propres à la vitrification. Il y a lieu de croire que, pendant des siècles, les Sidoniens etles Égyptiens furent les pourvoyeurs du monde entier, car les Grecs ne fabriquèrent jamais le verre, même aux plus belles époques de leur histoire, et ce n'est que sous le règne d'Auguste que l’on attira à Rome les artistes d'Égypte, dont les œuvres étaient fort appréciées. Les verreries romaines se développèrent très vite : elles fabriquèrent d'abord les coupes et Les vases, mais ne lardèrent pas à aborder les vitres à pla“ teaux et peut-être les petites vitres coulées, dont on a trouvé quelques échantillons à Pompeï. Ces verriers romains venus d'Égyple ont été les ancêtres des Vénitiens. Ils durent se réfugier à Venise lors des invasions barbares, et continuè- rent à y exercer leur art, tandis que dans toutes les parties de l’Empire les usines s'éteignaient. C'est ainsi qu'au Moyen-Age ils furent, avec les verriers, de Bohème. les seuls dépositaires des tradilions et secrets de l'Antiquité; on chercha à les leur dérobers par tous les moyens possibles, . De Bohème et peut-être de Venise quelques verriers réussirent à s'évader en trompant la sur- veillance des gardiens qui les emprisonnaient dans les usines; ils portèrent leur art dans la Forêt- Noire, el y fabriquèrent les miroirs soufflés ; puis ils gagnèrent les forêts des bords de la Meuse el" Charleroi: l’art du verrier s'’implanta dans cette région vers 1680, alors qu'elle relevait de la Cou-. ronne de France: il s'étendit au nord de la France, vers Anzin et Fresne, en 1720 !. A côté de cette migration lente, qui a suivi les régions boisées de l'Europe, le travail du verre a été importé directement d'Italie en France, et no- tamment, à Paris, dans le Marais, à l’époque de la Renaissance; il s’y développa sous l'influence des goûts artistiques de cetle brillante époque et de l'intérêt que ne cessèrent de lui porter, dans la suite, les rois de France, les Valois, Henri IV, Louis XIV et son ministre Colbert, qui ne crai=. gnaient pas d'ennoblir les verriers habiles el sub= ventionnèrent leurs usines. C'est à cet effort et à l'intervention des Véniliens que l’on doit, il faut le 1 Nous devons ces renseignements à M. Casimir Lambert, le maître de verrerie bien counu de Charleroi. E. DAMOUR. — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 69 reconnaitre, sinon la créalion, du moins la grande expansion de la verrerie en France. ILexiste encore une région verrière, et non la moins intéressante, dont la filiation avecles verre- ries de l'Antiquité ne peut s'élablir d’une façon aussi précise, — à moins que les Normands n'aient eux-mêmes amené des Italiens : c'est la Norman- die; on y compile jusqu'à soixante localités ayant élé centres de verrerie, principalement dans la forêt de Lyons. De cette région sont originaires les grandes familles de verriers nobles, les de Brossard, de Cacqueray, de Bongars et Le Vaillant, qui, pro- priétaires des grandes verreries, ne cédaient à per- sonne le privilège de souffler les grandes vitres, et ne se rendaient au four que l'épée au côté. La Normandie fabriqua toutes sortes d'objets en verre el produisit les verres colorés servant à la confection des verrières. C'est là que, dès 1331, on commença à fabriquer les «plats de verre », in- ventés par Philippe de Cacqueray, c'est-à-dire les premières vitres. Malgré l'ancienneté des verreries normandes, malgré la protection accordée, après laRenaissance, à l’industrie verrière, le développement de l’art du verrier à été fort lent : il est facile de s’en rendre compte en suivant les inventaires de la Couronne et des châteaux royaux, qui contenaient toujours les objets de la fabrication la plus perfectionnée. Avant lemilieu du xvr siècle, il n’est nulle part question de verre ; l'usage en semble inconnu, en dehors des verrières d'églises, dont les plus anciennes ne sont pas antérieures au xi° siècle! Les grands chäteaux de cette époque ne possédaient pas de fenêtres, mais seulement ces élroiles ouvertures évasées qui iaissaient passer assez de lumière et arré- aient les courants d’air et le froid. Les habita- tions des paysans et serfs — sauf peut-être celles de la Normandie — ne possédaient que des portes à auvent et des fenêtres contreventées en bois. Ce n’est que sous Henri IT que quelques vitraux sont inventoriés dans les chäteaux; mais l’usage des vitres ne s’établit pas encore, et les chässis de bois dont on munit les fenêtres sont presque par- tout garnis de parchemin ou de papier lerpentiné * (enduit de térébenthine). Cet emploi du papier ou du parchemin ralentit l’essor de la verre- rie, car les marchands de verre vendaient aussi le chässis de papier, et ce n’est qu'en 1650 que le chässis vitré, c'est-à-dire fail avec des plats de verreblanc, entra dans l'architecture, ayec la fenêtre 1 Notre-Dame de Paris possède une des plus anciennes verrières de France. — Rappelons que la verrière, sorte de mosaïque de petits morceaux de verre tous colorés et réunis par des lamelles de plomb, n’a pris le nom de vilrail que plus tard, alors qu’on y incorpora du verre blanc, du verre à vitres, (La fabrication du vitrail ne fait pas partie de l'in- dustrie du verre). que Marie de Médicis fil construire au Luxembourg en vitres enchàssées dans l'argent. IL est évident que, si les chäteaux royaux élaient si peu fournis de vitres, les habitations bourgeoises et ouvrières l'étaient moins encore. Longlemps après le xvn° siècle et même jusqu'au milieu du xvi®, l'usage du papier prévalut, surtout en pro- vince, en sorte que l’on peut dire, si incroyable que le fait paraisse, que c'est seulement la fin du siècle dernier qui à vu se généraliser les vitres en verre blanc. Les miroirs suivirent à peu près le même dévé- loppement que les vitres. Le Moyen-Age ne con- naissait que les miroirs en métal ; plus tard on se servit du cristal de roche pour faire de petites glaces réfléchissantes, qui étaient très appréciées et se payaient très cher. Est-ce à ce goût prononcé pour les glaces qu'il faut attribuer l'essor rapide de la glacerie? Est-ce simplement à l'habile im- pulsion que la manufacture de Saint-Gobain, fon- dée en 1688 par Abraham Thévard, puis Lucas de Néthou, trouva dès l’origineet ne cessa d'avoir depuis? En tout cas, l'industrie des glaces cou- lées, créée en France, se perfectionna rapidement el sut toujours tenirle premierrang dansle monde entier. Le premier miroirsignalé dans les inventai- res royaux est de 1560 : il était en verre de Bohème soufflé ; un siècle plus tard, des glaces coulées de dimensions assez grandes, de fabrication française, ornèrent les châteaux royaux; on sait ce que sont de nos jours les grandes glaces d'exposition. Les premiers objets de gobeleterie, carales, verres, etc., eurent un développement beaucoup plus lent, le haut prix du verre et sa fragilité s'op- posant à la rapide diffusion de ces objets. Si donc on peut voir, au Musée de Cluny, un gobelet en verre émaillé remontant à 1670, etsi,dès la Renaissance, les inventaires royaux comportent des coupes et flacons, ce n’est qu’à la fin du règne de Louis XIV que les carafes apparaissent sur les Lables, el seu- lement au milieu du xvm° siècle que les verres et gobelets deviennent d'un usage habituel. Quant aux bouteilles, leur emploi pour la conser- vation et l'amélioration des vins en cave se répandit d’abord en Bourgogne; mais c'est à la découverte de la fabrication du vin mousseux de Champagne exigeant des récipients solides, qu'elles durent leur rapide diffusion et le perfectionnement de leurs formes. Cette découverte remonte à 1690. C’est, en résumé, sous Louis XIV ét par l'impul- sion de Colbert que se fondèrent la plupart des an- ciennes verreries et gobeleleries : celles de Saint- Louis (Alsace), du Creusot, de Folembray (1709), etc. Dès lors la verrerie était réellement implantée en France, son outillage constitué, son personnel 70 E. DAMOUR. — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE formé. Il appartenait au x1x° siècle d'introduire les perfectionnements successifs qui l'ont amenée à l’état actuel ; mais c'est surtout de nos jours, depuis vingt ans à peine, que son essor est devenu plus rapide. L'emploi généralisé de la houille se substi- tuant au bois, l’abaissement du prix des sels alca- lins, l'usage de moules métalliques, et l’introduc- tion des fours à gaz ont été les grandes étapes du progrès. Desnouvelles usines se fondèrent, en même temps que les anciennes doublaient et triplaient leur production. Il en est résulté une concurrence très vive et, de temps en temps, des crises intenses; mais le prix du verre s’est abaissé, entraînant une consommation de plus en plusconsidérable; et la verrerie est devenue ce qu’elle est de nos jours : une industrie indispensable et de première importance. De ce court exposé historique quelques enseigne- ments se dégagent nettement : c'est d'abord la len- teur des progrès de l’art du verrier à travers les âges, preuve évidente de l’habileté nécessaire au travail du verre et de la difiiculté de l’apprentis- sage; c'est, en second lieu, l'importance de la tradi- tion, on pourrait dire de l’hérédilé en verrerie, puis- que nous avons pu suivre la transmission des pro- cédés et secrets de cet art depuis les verriers égyp- tiens jusqu'à ceux de nos jours, dont quelques-uns sont, sans doule, les descendants directs. Il yalà un caractère très spécial à cette industrie, qui n’a pas un intérêt exclusivement historique et qu'un bon maitre de verrerie ne doit pas négliger. Même de nos jours, après les modifications pro- fondes que les machines ont fait subir au travail et les facilités qui en résultent pour l'apprentissage, les souffleurs de verre sont d’un recrutement diffi- cile :ils se forment entre eux. Ils constituent une classe à part, se mélangeant peu avec les autres ouvriers, presque une race. Fiers de leurs traditions et parfois de leur origine, ils sont souvent orgueil- leux et d’unmaniement difficile. Sentant le prix de leur travail, ils cherchent à le faire sentir, et ont été de nos jours une proie trop facile aux idées de haine stérile que les apôtres de la guerre au capi- tal venaient leur souffler. De là ces trop célèbres grèves de Pantin, Montluçon, Rive-de-Gier, Char- leroi et Carmaux, et cet élat de guerre déclarée entre le capital et le travail qui, de nos jours, est la triste caractéristique de la verrerie, et qu'il faut, à tout prix, faire disparaitre. L'histoire nous montre enfin que, malgré la {ar- dive apparition de la verrerie sur notre sol, —un siècle après l'Angleterre ou la Bohême, — malgré les lenteurs du début, la France a su, dans toutes les branches, regagner le Lemps perdu sur les na- tions rivales : elle a donc pour celle industrie une réelle aptitude. IL. — STATISTIQUE. — D1iSTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES USINES A VERRE. $ 1. — Statistique générale. L'industrie du verre est une des plus variées qui existent, aussi bien par la diversité de ses produits que par les procédés du travail et le personnel qu'elle emploie. Le progrès y amène une spéciali- sation de plus en plus grande ; en sorte que, loin de représenter une industrie unique, elle comprend, en réalité, huit ou dix industries entièrement dis- linctes. On peut, cependant, classer les 250 verreries que compte la Franceen cinq groupes principaux : la Cristallerie, Va (robeleterie e& Flaconnerie, la Verrerie à vitres, la Glacerie, la Verrerie à bouteilles. Nous avons réuni dans le tableau [ ci-contre toutes les données statistiques, actuellement existantes sur ces différentes industries !, aussi bien sur celles qui fabriquent le verre que sur celles qui le mettent en œuvre, afin de donner une idée de l'importance considérable de la verrerie. Toutefois, le cadre de: cetle étude ne nous permet pas de nous étendre sur les industries de seconde main, qui mettent en œuvre le verre fabriqué, telles que l’industrie des « vitraux, la peinture et l'émaillage du verre, la verrerie soufflée à la lampe d’émailleur, la fabrica- tion des verres d'optique. Nous considérerons uniquement les industries qui, partant de matières premières naturelles et non fondues, comportent, comme première opéralion, la fusion du verre: c'est, en d’autres termes, l'indusirie verrière de première main, que nous nous proposons d'étudier L'examen du lableauIci-contre montre que la plu part des industries du verre sont actives en France et généralement assez développées pour suflire aux. besoins français et donner lieu à un commerce d'exportation considérable : la verrerie est donc une source de richesse importante, surtout dans ses branches de la Glacerie etde la Verrerie à bouteilles. La verrerie représente une immobilisation de gros capitaux. La valeur localive des usines s’éle- vant à 3 millions, il semble permis d'évaluer les seuls immeubles des verreries à 100 millions de francs, si l'on veut bien admettre le chiffre de 3 °/, comme taux de capitalisation. 1 La plupart de ces chiffres nous ont été communiqués par l’Office du Travail au Ministère du Commerce ; d’autres sont ‘extraits des Annales du Commerce extérieur; enfin, quelques-uns sont les résultats de l’enquête que nous ayons pu faire auprès des chefs d'industrie les mieux placés pour connaitre les chiffres de production. — Nous tenons ici à adresser nos remerciements à : MM. A. Fontaine, ingénieur au Corps des Mines, et Marc, ancien élève de l’École Poly- technique, qui nous ont communiqué les documents accu- mulés à l'Office du Travail: à M. Emile Gobbe, pour la ver- rerie à vitres; à M. A. Biver, pour la glacerie; ces ingénieurs et administrateurs nous ont donné des renseignements du plus grand intérêt sur la production. LAS GTG" G9L:c LIS "OT + 819" L0S + 468 6 + HONVIVA 69618 € + ‘SAH998IS € J9 Sappramnoq op gp ‘XNexrA 0p 20//0.1 ed souuop soagtqo sop jueyard uo anu9){0 919 R auU9LOU 97J90 ‘SOUISN $ sop oned eun mod onb saermtano sop oateçes 9[ 39 oaquiou of onbrpuru 901JO4T { STOTTANO SOITEIES SO ans 9800198 sSoa] ejonbuo eun ® 2p90041d o49,p AUOTA IL NO ‘[IVAUAT UP 09HJO Sautsn & ‘Sodjra e soursn € ‘onbrjdo,p J9 oajuour op o14194 9p j ‘2110/210q{08 ap SoUISN 6 ÉSOHOT[EISTO Z : JUEUIOOUON .J9 2DADUT, NP one xne juejaodder os soxpryo sap ‘souuofour sop opoyjout ®f Soade p ‘O[N0]R0 SUOAB SNON ‘SOUISN ? sostnd sjuoumoop sonbjonb soxde p gpnoteo suoAR,] SNON ‘Juouroj9exo Jen8A9,[ 2p sed jouxod ou estwouray an bt;S1UIS TT ‘UO1/991109 AP 9A49S9I SNOS 9AJIU9 99 SUOUUOP SOON % ‘S0J291Ip SUOTJNQITJUOO S9P [eIQU9S ANeJoaltp ‘UTJNOM ‘JU 9P UOtJ2a4rp 7 sn0Ss ojtez ‘sajuogeq Sep uvyeorqnd e7 & sosmd qjuos sjuoweusrosuez $a9 y L6® 99067 | LOG'LOY'GY GYT'6G1' OF | OST'LYr'9 960" 06€ GC L6c 8Y6 987 0 ,| LOC‘ ##ç°T 1c9" 86e c06' 8€ 786 FL9'F 666" T8 GY0 OLY YLE'O6Y 10Y°09G°Y%F | 9€8'9#0°9 VATLITLXE sounu] ua! 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DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE Un second fait non moins important est la va- leur de 72 millions qu'atteint le chiffre des salaires distribués; cette valeur tient, comme nous le ver- rons, à la part prépondérante qu'occupe la main- ————————_— loi de centralisation et de groupement autour des grands centres : en dehors de la région du Nord avec ses quarante usines à verre (fig. 2), et de la région de la Loire et du Rhône, qui en compte une ) Cry Cora, AT DOTE oû Fe ICS Éarresre) GE fonter e? path, a, mé AP as un Pl bg © ê Fig. 1. — Distribution des indus tries du verre en France. — Les noms soulignés indiquent les fabriques de vitres. Plusieurs de ces mêmes localités font aussi la bouteille et d’autres fabrications (ex. : Lyon, Rive-de-Gier, Nancy, etc.). — (La partie du département du Nord, recouverte de hachures, ne porte ici aucune indication : la figure ? représente cette région à plus grande échelle, d'œuvre dans le prix de revient des produits; et,ce qui donne à ce fait un intérêt plus grand encore, c’est que les verreries sont disséminées sur tout le territoire de la France (fig. 1). $ 2. — Répartition géographique des verreries. A l'inverse de la plupart des grandes industries, la verrerie semble avoir échappé, en partie, à la vingtaine, les autres verreries sont disséminées un peu partout (fig. 1), et souvent dans des régions où n'existe aucune autre industrie. C’est un fait éco- nomique d'une réelle importance, si l’on tient compte de la prospérité qu'atlire toujours dans un pays, et surtout dans une région rurale, la présence d’une usine distribuant de gros salaires, et aussi de l’heureuse influence du séjour à la cam- E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 73 pagne pour une classe ouvrière pratiquant un mé- tier très dur, auquel les enfants et jeunes gens prennent une part presque égale à celle des hommes. Il est donc intéressant de bien mettre en lumière cette décentralisation el d’en analyser les causes. Remarquons d’abord que le choix de l'emplace- cement d’une verrerie ne fait généralement pas entrer en ligne de compte la question des appro- visionnements en matières vitrifiables : les sables qui servent à fabriquer les verres communs se ren- contrent partout, el les usines qui ne les ont pas à leur portée (celles du Nord) les font venir par canal, avec des frels de retour,quiles « | | mettent sur { un pied d’é- \ galité avecles FU (ea {lpouneeal|t autres : les . us cat an: : sables blancs dat = NL É)) font seuls ex- a ception et ont à supporter . à des frais de | Pour l RE dée sur les \ . gisements de sables sili - ceux, en sorle que presque toules reçoi- vent la silice par une voie ferrée, el se trouvent en- _ coresur le pied d'égalité. Quant aux sels de soude, qui, on le verra, complètent les matières premières, ils entrent pour une trop faible part, pour que le prix de leur transport entre sérieusement en ligne de compte;et,d'ailleurs, dans ces dernières années, le Syndicat des Marchands de Produits Chimiques a pris l'habitude de faire ses prix pour marchandises ren- dues à l'usine, établissant ainsi l'égalité entre les différentes verreries. C’est donc uniquement la question des transports du combustible, d’une part, des produits, d'autre part, qui intervient et peut élablir des différences entre les usines. Or, l'économie des transports s’est, à ce point de vue, profondément modifiée, à deux reprises diffé- rentes depuis le commencement du siècle: d'abord avec l'introduction du chauffage à la houille, ensuite avec les fours à gaz. Il s'ensuit que les verreries peuvent géographiquement, etindépendamment de leur fabrication, se classer comme suit, en quatre groupes, classement qui est en mème tempshistori- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, sentée ici.) Fig. 2. — Distribution des industries du verre dans le département du Nord. (La partie septentrionale de ce département, ne possédant pas de verreries, n’a pas été repré- que, puisqu'il est lié à l’origine de chaque verrerie : 4° Anciennes verreries, Verreries forestiéres. — Ce premier groupe comprend les plus vieilles verre- ries de France : Saint-Gobain, Baccarat, Folembray. la Wieille- Loye : ces verreries remontent à l'époque où le bois élait le seul combustible. Le chauffage au bois exigeait un poids de combustible repré- sentant plus de cinq fois le poids du verre produit : l’économie des transports exigeail donc que les usines fussent au centre des forêts : c'est ainsi que les forêts des Vosges, de Normandie, de Coucy, de Saint-Gobain,duJura se peuplèrent d'usines à verre. 2 Verreries des bassins houillers. — Lorsque le chauffage à la houille se ré- pandit el eut fait ses preu- ves, de nou- velles verre - ries se fondè rent sur pres- que tous les bassins houil- lers: sans par- ler du Nord qui, en quel- ques années, vit naître 30 usines à verre, Montceau-les- Mines fonda Blanzy;le bas- sinde la Loire, Rive -de- Grier et Gisors ; De- cazeville créa la grande verrerie de Carmaux; elc. Une verrerie était, au temps des jours à pols à chauffage direct, un client de premier ordre pour une mine de houille : il fallait, il y a vingt ans, de 3 à 4 fois le poids de houille pour fondre un poids donné de verre, de sorte qu’une peliteusine à un ou deux fours consommait facilement de 10.000 à 15.000 kilos de charbon par jour. De là ces créa- tions de verreries souvent sübventionnées par les Compagnies houillères, qui presque toutes sont encore en activilé. 3° Usines récentes fondées sur les centres de consom- mation. —— Depuis quelques années le perfectionne- ment des moyens de chauflage a abaissé des deux tiers la consommation de houille : les fours à gaz de grande dimension dépensent un poids de char- bon sensiblement inférieur au poids de verre fa- briqué : il s'ensuit que les verreries ont plus d'in- térêt à se placer sur les centres de consommalion. Suint-Gulmier et Reims, par exemple, cherchent l’économie de leurs transports dans la proximité De» de >] = À _ —— — € D — I È . £ ñ [E 14 E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE du lieu de consommation el dans les avantages qui en résultent : suppression de l'emballage, voisinage de la clientèle, etc. 4° Verreries suburbaines. — 11 y aurait encore une classe de verreries à mentionner, celles qui sont dans les faubourgs des grandes villes telles que : Paris, Marseille, Bordeaux; leur raison d’être n’est pas tant l'écoulement facile des produits que la possibilité de se procurer à bas prix les déchets de verre de la grande ville: ces verreries subur- baines ont existé de tout temps et existeront pro- bablement toujours; elles ne sont cependant pas très intéressantes; en dehors de quelques usines très bien conduites, celles de M. Appert à Clichy, de M. Legras, de M. Guilbert-Martin à Saint-Denis, qui profitent du voisinage de la grande ville et des ressources scientifiques qu'elle offre pour maintenir leur fabrication au niveau des progrès les plus récents, beaucoup ont une fabrication très ordinaire; les ateliers des faubourgs sont souvent peu salubres, mal aérés, ce qui estun inconvénient sérieux dans une industrie où les ouvriers jouent un si grand rôle : d'autre part, la nécessité d’em- ployer par économie des déchets de verre de toute origine et de compositions forcément diverses a pour conséquence une variation de la composition du verre, dont les consommateurs ont souvent à se plaindre, et qui, en tout cas, estun obstacle aux progrès chimiques de la verrerie. La répartition géographique des verreries fran- çaises et leur dispersion s’expliquent donc aisé- ment par leur origine et la date de leur fondation; mais, — landis que d’autres industries, celle des hauts-fourneaux par exemple, ont dû, sous l’in- fluence du progrès et des modifications écono- miques, se déplacer el émigrer d'une région autrefois florissante vers une autre plus favorisée de nos jours, — les verreries ont subsisté pour la plupart, ou du moins il en reste autant de chaque calégorie. Ne peut-on en conclure que la prospé- rité d’une verrerie est à peu près indépendante de l'économie des transports, ou que, du moins, il existe un élément de succès plus puissant que la siluation géographique : cel élément, c’est la main-d'œuvre. Nous retrouvons donc, à chaque pas de cette étude, celte question, la plus difficile de la verrerie, mais aussi celle qui donne le plus d’intérêl à celte belle industrie. Créant de toutes pièces avec des substances sans valeur intrinsèque une malière de valeur marchande considérable, la verrerie distribue la plus grande partie de cette richesse sous forme de salaires; elle répond donc bien au double rôle que doit se proposer toute industrie : former et réparlir la richesse; consli- tituant un puissant élément d’aclivité, elle concourt dans une large mesure à la prospérité nationale. LIT. — CHiMiE DU VERRE ET PRINCIPES SCIENTIFIQUES DES OPÉRATIONS EN VERRERIE. $ 1. — Caractères essentiels du Verre. Chauffons, dans un creuset de laboratoire sur un fourneau à lempérature élevée, un mélange bien homogène de poudres susceptibles de donner nais-" sance à un verre; supposons, pour fixer la pensée, du sable blanc (silice) mêlé de carbonate de chaux et de carbonate de soude, — éléments d’un verre à vitres, — ou encore du sable blanc mêlé de minium et de carbonate de soude et de potasse, — éléments d’un cristal, —et suivons à la fois l’échauf fement et l’aspect de la matière.Cetle poudre, mau vaise conductrice de la chaleur, s’échauffe d’abord progressivement sans changer d'aspect ; à une tem- pérature variant entre le rouge naissant et le rouge cerise, elle s’agglomère, puis elle devient visqueuse sans cesser d’être opaque ; ensuite, la température s'élevant régulièrement, elle devient plus fluide et se clarifie; enfin, si l’on continue à chauffer, elle arrive à être tout à fait liquide, au point H que les bulles de gaz qui y étaient incluses air ou acide carbonique) se dégagent sans peine à l la surface, laissant, après quelques instants, un culot limpide : un verre afiné. Si, éteignant alors « le fourneau, on laisse le verre se refroidir, il est facile de constater que la courbe de refroidissement est absolument régulière, sans arrêt ni à-coup… accusant le changement d'état de la matière, et le verre, restant toujours limpide, repasse, en sens inverse, aux mêmes températures que lors de son échauffement, par des états de plus en plus vis- queux, jusqu'à complète solidification. Si le refroi- dissement est très rapide, le culot de verre se fen- dille, ne présentant aucune cohésion : si le refroi- dissement est suffisamment lent, la masse fondue devient résistante et élastique : le verre est recuit. Si le refroidissement est très lent, ou plutôt, si l'on maintient le verre pendant un temps prolongé à une température un peu supérieure à celle de son ramollissement, il se forme des points opaques, cristallisés, qui, à la longue, peuvent envahir toute la masse : c’est la dévitrifivution, dont le terme extrème donne la porcelaine de Réaumur. Cette expérience, qu'il est facile de reproduire avec les verres industriels, tiendra lieu de la défi- nition physique ou chimique que l’état actuel de la science ne nous permet pas de donner; elle met en évidence les propriétés essentielles du verre : palier de fusibililté très étendu, lois d’échaufte- ment et de refroidissement continues, nécessité d’un refroidissement lent ou recuit, dévitrification. Elle met aussi en lumière les principales élapes des la fabrication industrielle : la première phase est le frittage, qui a pour but d'amener les matières E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 75 vitrifiables à une température élevée, laquelle faci- lite la fonte, et de les débarrasser d’une partie de leurs éléments volatils; la seconde phase est la fonte, qui se fait progressivement par une sorte de dissolution des éléments réfractaires (silice) dans les alcalis (fondants) et dans le verre précédemment fondu ; la troisième phase est l’afinage, qui a pour but de débarrasser le verre des ses impuretés et des bulles de gaz ‘ ; la dernière phase est la braise ? ou raffinage, refroidissement du verre afliné, qui doit l’amener à la consistance se prêtant le mieux au travail. occuper ici sont donc des silicates alcalino-terreux ou des silicates alcalino-plombeux (tableau 11). Les bases le plus fréquemment employées dans la composition des verres sont : la chaux, la mu- gnésie, la potasse, la soude et l'oryde de plomb. À cette liste il convient d'ajouter : l'aumine, dont tous les verres contiennent au moins des traces ; l'oryde de fer, dont la présence se manifeste par la coloration verdâtre qu'elle donne aux glaces les plus pures; le #4anganèse, employé pour blan- chir le verre vert (savon des verriers); la baryle, qui commence à servir en gobeleterie et donne des TABLEAU II. — Compositions des principaux verres NATURE CRISTAL AUTRE VERRE DE A DES ÉLÉMENTS BACCARAT | CRISTAL VITRES SH onde ec onobo ee 55 50 68.5 NET SE Re ) 0.8 Oxyde/de fer..." È CHENE EPST ROOEEBRE 17. MaPnÉSIe se. ee SORTE TRES 8.6 13.5 TASSE En ee ; 0.8 12 Oxyde de plomb...... 39.5 36 Oxydes colorants.. ... 2 Oxyde de manganèse... VERRE VERRERIE GLACE NEÈRE RENE DE DE DE Des R ee L BOHÈME LABORATOIRE | ST-GOBAIN | POUTEILLES | BOUTEILLES ORDINAIRE | ALUMINEUX me | ne | een | es | 76.5 69.5 12 62. 59% - 2 11 0.5 2.0 { Fr : , ES 2,5 Ve 5. 19325 16 21 21. 0.2 .0 6. 0.3 14. il 6.5 4.5 18. 2.8 non dosé non dosé 0.5 $ 2. — Composition chimique des verres. Le nombre des mélanges doués de la propriété de se vitrifier sous un feu plus ou moins violent est indéfini : tous les corps non volatils de nomen- clature chimique peuvent entrer dans les verres industriels comme éléments essentiels ou acces- soires. En pratique, les corps qui constituent le fonds de la composition sont : la siice et les bases alcalines ou terreuses pour les verres; la silice, les alcahis et l’oxyde de plomb pour le cristal. La silice, matière vitrifiable par excellence, est, comme on sait, infusible aux plus hautes tem- péralures de l’industrie, mais est rendue fusible soit par les alcalis dans lesquels elle se dissout, soit par les terres alcalines qui, infusibles elles- mêmes, se combinent cependant avec la silice et en provoquent la fusion, soit enfin par des oxydes mélalliques, dont le plus important est l'oxyde de plomb *. Tous les verres dont nous aurons à nous 1 L'affinage s'effectue d’autant mieux que le verre est plus liquide, c'est-à-dire que la température est plus élevée. 2 L'expression braise provient de ce que, dans les anciens fours, les fondeurs refroidissaient leur four en entassant sur le feu une épaisse couche de combustible mouillé qui étouffait le feu et faisait braise. D’autres acides sont doués de li mème propriété de vitrification, et donnent par fusion avec les bases des com- posés vitreux : ce sont l'acide phosphorique et l'acide borique ; mais ils n'appartiennent pas à la grande industrie verrière. Rappelons ici l’intéressant essai de M. Sidot, qui a pu fabri- verres lourdsassez brillants, se rapprochant du cris- tal; la Zifhine, qui constitue un très bon fondant, etque la découverte de nouveaux gisements pourra rendre un utile auxiliaire de la verrerie; enfin les métaux colorants : nickel, cobalt, cuivre, argent, urane, or, platine. Ces bases si multiples donnent forcément des verres dont les propriétés (fusibilité, malléabi- lité, élasticité) sont très diverses; les différences de composition accusées par le tableau ci-dessus et rapprochées des qualités de travail que néces- site chaque fabrication, montrent l'importance de la substitution d’une base à l’autre. Il y a là une question d'un grand inlérêt scien- tifique et industriel, qui, depuis longtemps, a attiré l'attention des savants. Berthier, dans ses Æssais par voie sèche, a, le premier, abordé l'étude de la fusibilité des silicates et l’a traitée de la façon la plus complète : il a pu ranger les alcalis et terres dans l’ordre suivant au point de vue deleur action fondante sur la silice : Potassium, Lithium, Sodium, Baryum, Calcium, Magnésium, Mais la question de la fusibilité des silicates est quer un phosphate de chaux et soude suffisamment mal- léable pour en souffler des cornues. Ces cornues offrent cette particularité d'être inattaquables à l'acide fluorhydrique. L’acide borique est d’un usage courant pour la fabrication des émaux; il entre dans la composition des verres d'optique d’Iéna, et nous pensons qu’il est appelé à rendre de grands services. Si nous n'insistons pas sur son rôle si intéressant, c'est que la verrerie d’optique fera, plus tard, dans la Revue | Vobjet d'un article spécial. 16 E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE si complexe, les mesures y sont si difficiles, que les | diennement, fonte, travail des verriers, — nou conclusions de ces travaux ont eu peu de résultats pratiques applicables en verrerie. En ce qui con- cerne la composition des verres, l’empirisme est actuellement encore le grand maitre !, et c’est à cet empirisme, c'est-à-dire à l'expérience indus- trielle, que nous empruntons les indications sui- vantes, dénuées de toute prétention scientifique. Les alcalis, soude et potasse, sont indispensables à la vitrificalion; ce sont les fondants. Non seule- ment ils augmentent la fusibilité d’un mélange, mais surtout ils aceroissent l'étendue du palier de fusibilité, partant les qualités de travail du verre. Il n’y a pas, à cet égard, de différence marquée entre les deux fondants; le choix entre eux a été le plus souvent imposé, à l’origine des usines, par des conditions économiques; cependant, à poids égal, la soude donne au verre plus de malléabi- lité, et la potasse plus d'éclat. La chaux, qui existe dans tous les verres, sauf le cristal, donne de la liquidité, ce qui revient à dire qu’elle raccourcit le palier de fusibilité, mais sans abaisser sensiblement le point de fusion. Elle rend par là de grands services, permettant de mo- difier la malléabilité d’un verre et de lui donner les qualités de travail requises. Le seul écueil de son emploi est la dévitrificalion, les verres trop cal- caires se tachant de cristaux de wollastonite et devenant galleux. La magnésie, que l’on rencontre dans tous les verres communs et dans ceux de l’Antiquité, cor- rige la galle dans les verres trop calcaires; elle est un élément presque indispensable des verres peu alcalins (bouteilles). La présence d’un grand nombre de bases dans une composition est, en général, un obstacle à la dévitrification et favorise la fusion. La sensibilité des verres à une très faible va- riation de composition est le point le plus impor- tant à signaler ici, d’aulant qu’elle paraît en con- tradiction avec la variété des compositions : le moindre changement altère la fusibilité, le coeffi- cient de dilatation, l'indice de réfraction, l'élasti- cité; et, en pratique, des expériences nombreuses nous ont prouvé que la substitution dei % de chaux à 1 % de magnésie peutrendre yalleux un verre pré- cédemment très bon; un accroissement de 1 % de la teneur en silice peut entrainer un autre défaut (verre zoné, cordes). 1 y a plus : en suivant pendant longtemps le travail d’un four dans son ensemble, — Composition chimique du verre essayé quoli- Dr nse s51 0 À 1 CT INR A un 1 Il convient de faire exception pour les verreries alle- mandes d’Iéna où la Chimie du verre est poussée à un très baut degré de perfection, ct, en France, pour la verrerie de M. Appert où la variété des compositions est très grande et très renommée, et pour la Compagnie de Saint-Gobain. S. avons pu constater que, toutes choses égales d’ail= leurs, un bon ouvrier apprécie aisément, à la mal léabilité de son verre, une différence de 4 % el même moins dans la teneur en silice; s'il ne s’en aperçoit pas, son travail s’en ressentira. $ 8. — Matières premières de la Verrerie. Formation des mélanges. Il convient de distinguer, parmi les produits vi trifiables extraits du sol, ceux qui sont purs, c’este à-dire exempls de fer, dont la valeur est souvent élevée, et les sables communs. Le sable de Fontai- nebleau est le type du sable siliceux pur; il donne lieu à un commerce considérable, et était exporté même aux États-Unis jusqu’à la découverle, dans ce pays privilégié, d’un sable blanc plus pur en= core ; d’autres sables siliceux se rencontrent soit dans le terrain tertiaire (Pont Sainte-Maxence) à dans le Jurassique (Sables de Champagne) ou dans les terrains anciens (vallée de la Meuse). La chaux la plus pure est fournie, en général, par la Craie Blanche : toutefois, il exisle des calcaires anciens suffisamment purs pour servir à la fabrication des verres à vitres el même des glaces, et les déchets des carrières de marbre {en particulier le marbre blanc de Carrare) fournissent à la verrerie une ex- cellente matière première. Quant aux sables communs, on en trouve par= tout; la plupart des verreries à bouteilles le prennent dans leur voisinage immédiat; on peub dire que tout sable est vitrifiable, si on le corrige par une addition convenable soit de silice, soit de chaux : la seule qualité à rechercher est la pré= sence de la magnésie. C’est celte base qui a donné tant d'importance aux Sables de Cuise-La-Motte qui alimentent toutes les verreries à bouteilles d Nord de la France. Les fondants sont Les carbonates, sulfates, et même chlorures de sodium et potassium. Ces derniers, bie que volatils à une température inférieure à celle de la fusion du verre, laissent cependant au verre produit plus de la moitié de leur base alcaline Mais l’abaissement des prix des sulfales el carbos nales fait de plus en plus disparaitre l'emploi du sel gemme; de nos jours le carbonate de soude ans hydre ou selSolvay etle sulfate neutre de soude ob= tenu dans le procédé Leblanc se partagent la clien tèle de la verrerie. Les progrès de la fabrication des produits chimiques ont, d’ailleurs, eu un relens tissement considérable sur l’industrie qui nous 0€ cupe, et c’est peut-être dans le procédé Solvay (Schlæsing) et l'immense influence qu'il a eue sut l'industrie chimique, qu'il faut chercher l’une des premières causes de l'essor de la verrerie à vitres et de la glacerie. En tout cas, la question des fon E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 77 darts n'esi plus une préoccupalion pour les maitres de verrerie : la régularité et la pureté de ces produits ont fait disparaitre bien des défauts de verre et réalisé un grand progrès. Ces matières étaient autrefois, et sont encore souvent soumises à une préparation -destinée à les amener à une finesse de grain permettant un mélange facile, les sables élant tamisés et parfois séchés. Ces précautions, nécessaires lorsque les fusions s’opéraient sur 500 et 600 kilos à la fois, en creuset, sont devenues inutiles avec les grands fours actuels contenant de 100.000 à 400.000 kilos de verre fondu. Pourvu que les matières soient suffisamment bien dosées après des prises d'essai bien faites, de facon que la constance de la com- position soit assurée, la dimension des grains de sable et même la présence de pierres assez grosses n’ont aucun inconvénient: la dissolution s’en fait aisément dans le bain de verre fondu, qui devient bien homogène. Signalons à ce sujet l’heureuse tentative de MM. Richarme, qui emploient des fragments de roches feldspathiques concassées en fragments de 3 à4 centimètres et introduisent ainsi à peu de frais Le fondant potassique que ces roches contiennent. Le mélange des substances vitrifiables se fait, dans les usines, par les moyens les plus simples, disons les plus primitifs : les matières sont pesées dans des boites d'un hectolitre, parfois seulement mesurées, puis mélangées à la pelle, en opérant sur des quantités correspondant à 1.000 ou 1.200 kilos de verre. Une telle manutention, qui exige une main-d'œuvre considérable, s'expliquait très bien quand les fusions se faisaient par petites quantités; mais, avec les fours acluels, qui produisent jusqu’à 25.000 kilos de verre par jour, il nous semble qu’il yaurail souvent place pour une installation méca- nique, ou, tout au moins, pour une réorganisation des chambres de composilion. Suivant les usines, celte réorganisation réaliserait une économie de quatre à dix ouvriers. $ 4, — Fusion du verre. La fusion du verre se fait : soil dans de grands creusets en terre réfractaire, ou pots (fig. 6), d’une capacilé de 400 à 800 kilogrammes de verre, au moyen de fours à réverbère (fig. 4 et 5) contenant plusieurs de ces creusets côte à côte et chauffés par chauffage direct ou par le gaz, — soil dans des bassins, immenses cuveltes en terre réfractaire contenant de 20.000 à 400.000 kilos de verre fondu et couvrant la totalité de la sole d'un grand four à réverbère, chauffé toujours par combustible gazeux avec récupération de chaleur !. ! Les lecteurs de la Revue connaissent la question du Dans chacun de ces deux systèmes le travail peut être périodique ou continu. La fusion périodique réalise exactement en grand l'expérience qui, au début de ce chapitre, nous a servi à définir le verre: le frittage, la fonte, l’affi - nage, la braise, s’y font successivement, générale- ment suivant un cycle de 24 heures. La fusion continue fait à la fois les quatre opé- rations au moyen de fours possédant des zones de températures différentes où la matière vitrifiable, passant successivem2nl, parcourt les étapes de la fusion. De là, les systèmes multiples actuellement en usage et que nous éludierons dans les industries où chacun joue le rôle prépondérant : fours à pots à travail intermittent usilés en verrerie àbouteilles et en glacerie ; fours à pots à travail continu qui seront étudiés en cristallerie; fours à bassin à travail continu, le dernier et le plus parfait, auquel nous consacrerons une longue élude en verrerie à vitres. $ 5. — Travail du verre. 1. Propriétés fondamentales. — Les propriétés fon- damentales du verre qui donnent la clef, l’expli- calion de ses méthodes de travail, sont la #alleabi- lité et la mauvaise conductibilité. Le verre est malléable à une température inter- médiaire entre son ramollissement ef sa tempéra- ture d’aflinage. On pourrait presque dire qu'à une tempéraiure convenable il est plastique, car le tra- vail de préparation que l’ouvrier lui fait subir avant de le souffler est un véritable pétrissage analogue au pétrissage d'une pâte plastique ; tan- dis que, dans le cas de l'argile, on cherche à ré- partir également l'humidité dans un corps où l’eau circule difficilement, dans le cas du verre, il s’agit d’égaliser la température dans un corps mauvais conducteur de la chaleur; d'autre part, tandis que l'argile conserve, au cours d'un travail, la même plasticité, le verre se durcit graduellement en se refroidissant, ce qui évidemment rend le mode- lage beaucoup plus difficile, et cela d'autant qu'il se fait à bout de bras au bout d’une longue canne. La malléabilité est très variable avec les verres, c'est-à-dire que l’écart des températures entre les- quelles un verre peut se façonner est plus ou moins grand, suivant la composition; lorsqu'elle est très restreinte, — c’est le cas du verre à bou- teilles, — le travail doit se faire très rapidement, et c’est une des grandes difficultés du métier de chauffage dansles grands foyers industriels, les fours à réver- bère, l’emploi des combustibles gazeux et la récupération de la chaleur. Nous n'avons pas à y revenirici. Voyez, à ce sujet, dansla Revue du 30 juin 1894 (t. V, p. 436) : Les récen!s pro- grès du chauffage dans les grands foyers industriels. 78 E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE verrier ; souvent même il est nécessaire de ré- chauffer plusieurs fois la pièce en travail. La mauvaise conaäuclibilité rend difficile la répartilion égale de ia température dans une masse de verre et contrarie la plasticité : elle est la cause de la rupture d’un verre solide, mais en- core rouge, quand on le touche avec un corps froid ; elle justifie la simplicité d'outillage des ver- riers par les difficultés que présente l'emploi des métaux. Les outils du verrier, très simples, en général, sont en bois, en fer et en Lerre réfractaire; les pre- miers se carbonisent au contact du verre rouge, et doivent être renouvelés souvent; on en prolonge | beaucoup la durée en les mouillant d'eau ou les graissant. Le fer se comporte différemment au contact du verre, suivant qu'il est chaud ou froid, et que le verre est solide ou liquide. Le verre li- quide adhère au fer rou- ge ,. tandis qu'il ne mouille pas le fer froid ; d'où la nécessité de chauffer les outils des- tinés au cueillage. Si l'on touche avec un fer froid, du verre chaud, mais solidifié,la pièce de verre 5 se fend immédiatement au point de contact, comme si elle était taillée au diamant ; cette propriété est souvent utilisée dans le travail du verre. Enfin, le fer rouge, ou tout corps incandescent glace, c’est-à-dire coupe le verre froid. La {erre réfractaire est d'un précieux concours pour le moulage du verre, car, étant mauvaise con- ductrice de la chaleur, elle maintient le verre chaud ; aussi, a-t-elle été longtemps, avec le bois, la seule substance employée pour les moulages, elle est encore très utilisée dans la fabrication actuelle. Fig. 3. -— Souffleur façconnant une pièce de verrerie à l'extré- milé de sa Canne. 2. Méthode de travail. — Le travail du verre se fait par deux procédés : le plus ancien, seul usité dans l'Antiquité, le souffluge, est encore de beaucoup le plus répandu: le moulage où coulage, qui apparut seulement avec la fabrication des glaces, tend à se développer beaucoup de nos jours. Le soufilage du verre ne s’est pour ainsi dire pas modifié depuis les Égyptiens : il est d'ailleurs tel- lement connu depuis les dernières expositions (où les verriers Vénitiens montraient à tous leurs pro- cédés qui ne sont plus un secret pour personne) que nous n'avons pas à le décrire ici. L'outil par excellence du souffleur de verre est la canne (fig. 3), qui s’est transmise sans aucune : modification à travers les âges et qui est constituée par un tube de fer terminé d’un côté par une em- bouchure. de l’autre par une pointe renflée ou »ors qui facilite le cueillage. Rappelons seulement, pour ne plus avoir à y re- venir, que, pour fabriquer une pièce soufflée, l’ou- vrier commence par faire rougir le mors de sa canne afin de rendre le verre adhérent; puis, tour- nant la canne autour de son axe, il la plonge dans le bain en fusion, et cweille une mince couche de verre. Après avoir rafraichi le manche de son outil, il continue, par des cueillages successifs, à gros- sir la masse de verre jusqu'à ce qu'elle aitun poids suffisant pour la pièce qu'il a en vue. Si le cueillage est bien fait, le verre doit être réparti également au- tour du mors; il faut alors dégager la canne, c'est-à-dire amener le verre autant que possi- ble à l'extrémité, ce qui se fait au moyen d'une fourche. Alors commen- ce le paraisonnaye. Cette opération consiste à dé- terminer par soufflage une petite cavité qui rend le verre plus ma- niable : l’ouvrier gonfle la pièce par soufflage à la bouche, soutenant son verre sur une plaque de marbre ou sur un moule en bois ou en lerre; ou bien encore, faisant lourner sa canne jusqu'au- dessus de sa tête, il faconne sa pièce de manière à lui donner la forme convenable, combinant l’ac- tion de la pesanteur avec le soufflage et la force centrifuge, ou tournant la pièce sur les bras de son banc{(fig.3). C’est un véritable modelage fait à bout de bras sur une substance qu'on ne peut toucher ni approcher el dont la consistance varie sans cesse ; aussi celte opéralion demande-t-elle beaucoup d’a- gililé, d'adresse et de précision. Le coulage et le moulage sont fondés sur ce prin- cipe: lorsqu'un verre très chaud est coulé dans un moule métallique, pourvu que le verre soit bien liquide et que les pièces du moule aient une épais- seur et une masse telles que le métal soit assez chaud pour ne pas faire fendre le verre, assez froid pour ne pas s’y souder, le verre peut se tra- vailler comme une substance plastique. On désigne sous le nom de recuit le réchauffage nécessaire pour permettre le refroidissement lent 4h G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 79 qu’il faut accorder à une pièce de verre coulée ou soufflée pour lui donner de la résistance. Cette pro- priété trouve encore son explication dans le dé- faut de conductibilité du verre ; lorsque le verre estrefroidi brusquement, la surface se solidifie, tandis que les couches internes sont encore mal- léables, et, la croûte solide gênant la dilatation du reste, il en résulte un état de tension des molécules, un équilibre instable que le moindre choc peut détruire. La preuve la plus saisissante de la nécessité du recuit est donnée par les larmes bataviques, ces gouttes de verre tombées dans l’eau froide, qui, dès qu'on en casse l'extrémité, se ré- duisent en poussière avec une force explosive con- sidérable. Le même phénomène se manifeste à un moindre degré sur les pièces mal recuites qui se cassent sous l'influence du moindre choc, du tra- vail de la taille, d’un refroidissement brusque, ou même sans cause apparente. Cela explique le soin très grand que l’on apporte à cette opération, sur- tout dans le cas de pièces de formes complexes et d’épaisseurs inégales. Le procédé de trempe La Baslie, consistant à plonger le verre rouge dans un bain d'huile, semble en contradiction avec lanécessité durecuit. Peut-être, d’ailleurs, la forme paradoxale de cette découverte a-t-elle un peu contribué à son grand succès, car industriellement elle n’a paseu grande portée. Nous ne la mentionnons ici que pour cons- later qu'une très légère tension des couches super- ficielles d’un verre peut en accroître la résistance et pour mentionner un nouveau procédé découvert par le professeur Schott (d'Iéna), s'inspirant du principe ci-dessus. L'inventeur propose d'avoir deux verres de coefficients de dilatation différents dans deux pots voisins d'un même four, et, en opérant trois cueillages consécutifs, d’enfermer le verre à dilatation élevée entre deux couches de verre à moindre dilatation. Les pièces fabri- quées à l'aide d'un tel cueillage pourraient être recuites et cependant garderaient à toute tempéra- ture l’état de tension; ce serait un verre /rempé- recuit. Ce procédé, très récent et qui n’a pu faire ses preuves, est du moins fort ingénieux; il pourra rendre des services pour la fabrication, si diflicile, des tubes indicateurs de niveau des chaudières. Telles sont, esquissées à grands traits, les pro- priélés générales dont ont principalement à tenir compte les diverses fabrications que, M. G. Gué- roult et moi, nous allons décrire. Je laisse mon sa- vant collaborateur et ami commencer cette des- criplion, me proposant de la continuer après qu'il aura exposé ce qui à trait à la Cristallerie et à la Gobeleterie. Emilio Damour, Chef des Travaux chimiques, à l'Ecole Supérieure des Mines, Ancien Ingénieur des Verreries de Folembray. IV. — CRISTALLERIE ‘. L'analyse chimique a révélé l'existence du plomb dans certains verres très anciens ; maisle cristal proprement dit n’a fait son apparition que dans la seconde moitié du xvmr siècle. C'est aux Anglais que revient l'honneur d’avoir découvert cette ma- tière vitreuse, la plus belle, sans contredit, de toutes celles qu'on connait jusqu’à présent : Île cristal, en effet, par son indice de réfraction el sa dispersion, jouit, ainsi que le diamant, de la pro- priété de décomposer la lumière, ce qui lui donne des feux que n’ont ni le cristal de roche ni Îles autres verres. Sa découverte est la conséquence de la substitution de la houille au bois dans le chauffage des fours de verrerie. Dès 1635 on com- mença chez nos voisins à chauffer les fours à la houille : on obtint ainsi un produit plus coloré qui conduisit à soustraire la matière en fusion à l'in- fluence directe de la flamme en recouvrant le creuset d’une calotte; celui-ci prit alors la forme qu'il a encore aujourd'hui, celle d'une cornue à fond plat et col tronqué (fig. 6). Mais alors le verre ne fondit plus : car la transmission de la chaleur se faisait à travers une paroi ; on fut donc obligé de changer la composition, d'augmenter le fondant {alcali); cela donna encore un mauvais résultat, les produits étant de qualité inférieure el très altérables. On eut enfin l'idée d'ajouter de la litharge à la composition : Le Jnt glass ou cristal était découvert, tous les inconvénients cilés dis- paraissaient, et, ainsi qu'il arrive souvent, le résul- tat dépassa de beaucoup le but qu'on s'était proposé d'atteindre : car le nouveau produit éclip- sait tout ce qu'on avait fait de plus beau jus- qu'alors en verre blanc. On fabriquait couramment le cristal en Angle- terre en 4750: c’est à cette époque que Dollond fit ses premières expériences sur l’achromalisme. Au- jourd’hui les cristalleries sont répandues dans beaucoup de pays. L'usine de Baccarat n’était encore que verrerie, lorsqu'elle fut achetée vers 4815 par M. d’Artignes, qui la transforma en cristallerie. Achetée en 1823 par MM. Godard et C*, qui fondèrent la société actuelle, elle n'a cessé de grandir et est devenue, sous l'administration et la direction successives de MM. Godard, Toussaint, Paul Michaut et Adrien Michaut, le plusimportant établissement du monde pour ce genre de fabrication. — Baccarat compte 1 Dans ce travail, dont la publication a été autorisée par l'Administration de Baccarat, nous nous sommes efforcé de décrire dans ses grandes lignes la belle industrie du cristal, persuadé qu'on peut être intéressant sans sortir des limites imposées par la discrétion, et sans entrer dans les détails que chaque industriel est en droit de considérer comme sa propriété personnelle. G. GuÉROULT. 80 G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE aujourd'hui 2.257 ouvriers et fait de 6 à 7 millions d’affaires par an. Les autres cristalleries de France sont : à Pantin, Clichy, Sèvres et Aubervilliers dans les environs de Paris. La cristallerie de Pantin (ancien établissement Monod) est renommée pour ses couleurs, qu’elle a toujours fort bien réussies; c’est à elle qu'on doit l’aventurine, dont les Vénitiens avait su garder longtemps le secret de fabrication. On sait que ce verre lient en suspénsion des cristaux octaédriques de cuivre, qui lui donnent son éclat chatoyant. A l'Étranger, nous trouvons : Saint-Louis (annexé à l'Allemagne après 1870), dontle chiffre d’affaires est de 4.000.000 francs et qui occupe environ 2.100 ou- vriers; puis, le Val Saint-Lambert en Belgique, éta- blissement considérable où l’on fait le cristal, le verre, le verre à vitres et la bouteille ;: en Angle- terre, plusieurs cristalleries d'importance secon- daire, où les procédés de travail sont différents des nôtres, et pour lesquelles les Trade’s Unions sont un obstacle absolu à tout perfectionnement ; aussi ces établissements se voient-ils peu à peu débordés par la concurrence étrangère, que ne gêne aucun droit protecteur à l'entrée en Angle- terre. L'Amérique compte aussi plusieurs cristal- leries, situées pour la plupart aux environs de Piltsburg. $S1. — Composition du Cristal. 1. Cristal blane. — La composition du cristal est simple: elle oscille toujours dans des limites étroiles autour des chiffres suivants : Carbonate de potasse........ 100 kil. (à 80 % de K?20C0?) MARNE te LT RM nn tee 200 kil. TITIOE ner A Se tte 300 kil. Ce qui correspond, comme analyse du cristal, à : ORAN SE MERE EN EIRE CR CERE Na Tee 11.0 Oxyde daplonbart etre reel 33.5 DUICE se biere men eiN tele See Set n4:0 100.0 On remplace parfois une partie du carbonate de potasse par du nitrate, qui donne plus de fusibilité à la malière, el on ajoute à la composilion ci-des- sus une quantité de yraisil, ou déchets de cristal, variant ordinairement de 400 à 900 kil. Enfin, le verre plombeux ayant une tendance à la teinte jaune, tendance accentuée par le peu de fer qu'on ne peul exclure complètement des matières pre- mières, on ajoute une très petite quantité d'oxyde de manganèse ou de nickel qui, en apportant à la masse la leinte complémentaire, donne le blanc parfait. Le nickel, ainsi que le faitremarqueT Bon- temps dans son excellent traité de verrerie, donne des effets plus fixes que le manganèse, est moins sujet àse réduire ou à s’oxyder; mais, par contre, la correction au manganèse est la plus belle, quand elle est réussie. a) Groïsil. — On voit tout l'intérêt qu'il y a à. exclure le plus possible le fer, qui donnerait une teinte jaune verdâtre; aussi est-on obligé d'appor- ter la plus grande attention aux déchets de cristal ou groisil qu’on fait rentrer dans la composition" Parmi ces groisils se trouvent les morceaux de verre adhérents aux mors de canne, qui enlèvent toujours à cette dernière une pellicule d'oxyde de fer ; ces morceaux sont séparés à la main, par des femmes, dans un atelier spécial, et traités par l'acide chlorhydrique, qui dissout le fer, puis lavés, séchés el renvoyés à la composition. — Cela donnes une idée des soins minutieux auxquels est soumise la fabrication du beau cristal. b) Silire. — On à parfois employé des cailloux blancs ou du quartz qui, étonnés et broyés, four-" nissaient la silice nécessaire ; on emploie aujour= d’hui les sables de Champagne ou de Fontainebleau, qui ont l'avantage de ne contenir que des traces de fer et peu ou point de matières organiques : ces dernières sont, d’ailleurs, éliminées complètement par un lavage suivi de séchage. ce) Minium. — Toute cristallerie un peu impor tante fabrique elle-même son minium, à cause de l'incertitude que peut présenter la qualité de ce produit dans le commerce, les litharges qui résul- tent le plus souvent d’opéralions métallurgiques pouvant être souillées de métaux étrangers. Les plombs achetés sont de marque connue et. ne doivent surtout pas contenir de cuivre ; ils sont oxydés dans des fours à réverbère, devant l’ou- vreau desquels se tient un homme armé d'un ràble qui renouvelle continuellement la surface du métal fondu afin de la mettre en contactavec l'oxygène. —" Le massicot abtenu dans cette première opération est broyé dans un moulin avec de l’eau dans la- quelle il est en suspension, puis envoyé dans une série de caisses, où il se dépose lentement. On remplit de petites caisses en tôle, appelées ferrasses, de cette bouillie d'oxyde de plomb, et on les place dans le four de rougissage. Celui-ci est placé au-dessus du four à réverbère et chauffé par la circulation des gaz brûlés qui s'en échappent. Au bout de deux ou trois jours, le contenu des ferrasses est suroxydé et d’un beau rouge; le pro- duit est alors lamisé finement et encaissé pour les besoins de la consommalion. Il convient derappeler ici que, les sels de plomb | étant des poisons !, on doit chercher à assainir le plus possible l'atelier où l’on prépare le minium; 1 Lire l'étude, si intéressante et si complète, qui a été faite par M. A Gautier, membre de l’Institut, dans son livre: Le Cuivre el le Plomb dans l'alimentalion et l'industrie. (J. B. Buaillière ct fils, éditeurs.) G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 81 on a pris dans ce but des précautions multiples à Baccarat. La plus grande quantité des poussières est aspirée par un ventilateur, dont une bouche est placée devant chaque appareil. Il est interdit aux hommes de manger à l’atelier ; on les oblige à changer de vêtements en com- mençant et en quittant le travail, et on leur fait prendre un bain sulfureux tous les 15 jours. Enfin, la cristallerie de Baccarat, disposant d’un personnel suffisant, s’est arrangée pour que les équipes soient doubles, et que les hommes tra- vaillent allernativement 15 jours au minium et 15 jours comme manœuvres en plein air; cette mesure est considérée comme la plus efficace, et produit d'excellents résultats. Dans la composition du cristal, on pourrait introduire le plomb bien pur de métaux étrangers, à l’état de protoxyde, litharge ou massicot ; l’expé- rience en à été faite et a donné de bons résultats ; mais, d’une part, la suroxydation du massicot n'exige, pour ainsi dire, pas plus de frais; d'autre part, le minium ne contient plus les traces de plomb métallique qu’on trouve dans le massicot, et son excès d'oxygène est une garantie pour la combustion des matières organiques qui peuvent se trouver accidentellement dans la composition, et tendent à faire des réductions. d) Potasse. — Les potasses employées aujourd’hui proviennent, en majeure partie, de la caleination des résidus de distilleries des départements du Nord. Ces potasses contiennent, outre du carbonate de potasse, des sulfate et chlorure de potassium, dont la présence pourrait être nuisible à la qualité du cristal; une purification est nécessaire : on fait une dissolution concentrée, et on laisse déposer le sulfate moins soluble que le carbonate, ainsi que les matières organiques ; on évapore ensuite, jus- qu'à consistance pâäteuse, le liquide décanté et clair, et on oblient finalement une potasse conte- nant environ 20 °/, d’eau qu'on emploie à cet état, car on à reconnu que cette eau, en se vaporisant, produisait un brassage favorable à l'homogénéité de la matière. 2. Cristauux colorés. — Ils représentent une par- tie excessivement faible de la production d’une cristallerie, et cela se conçoit aisément : c’est, en effet, un non-sens que de donner au cristal des teintes qui lui enlèvent ce qu'il a de plus précieux, — sa transparence, son éclat, —ettendent à en faire l'égal du verre ; néanmoins, il est rare qu’on y re- nonce complètement : les articles d'éclairage et de fantaisie, certaines pièces de service de table, se font parfois en couleurs variées. Les teintes les plus claires sont celles qui échappent le plus à la critique précédente; parmi celles-ci, sigralons le cristal rosé teinté qu’on fait à Baccarat, dans lequel le bord de la pièce a une couleur rose d'intensité décroissante, tandis que l’autre extrémité reste blanche. Sans entrer dans la composition détaillée de ces cristaux colorés, disons que la leinte bleu-indigo s'obtient avec l’'oxyde de cobalt, le bleu azur avec l’oxyde de cuivre, le vert avec le cuivre et le bi- chromate de potasse, le jaune avec le soufre ou l'argent, le rouge ou rose avec l'or, le violet avec le manganèse, la couleur dichroïque avec l’urane. — Les cristaux imitant l’opale s’obtiennent avec des phosphales, el ceux encore plus opaques et biancs de lait avec le spath fluor ou la cryolithe. 3. Cristaux doublés. — On fait aussi des cristaux doublés, triplés, c’est-à-dire des pièces en cristal blanc recouvertes d'une mince couche de cristal de coloration intense, que, par une opération ul- térieure, on peut enlever par places, de façon à figurer des dessins. $ 2. — Fusion du Cristal. Les fours chauffés au bois ont été employés en France jusqu'au jour où le prix élevé du bois a fait renoncer à son usage et adopter celui dela houille. Cette période de transformation a duré environ dix ans à Baccaral, où le premier four à houille a fonc- tionné, vers 1866, plus d’un siècle, par consé- quent, après l’application qui en avait été faile en Angleterre; cela s'explique, d’ailleurs aisément, par ce fait qu'au siècle dernier le bois a manqué aux Anglais, tandis qu'ils avaient la houille en abondance; les cristalleries des Vosges, au con- traire, éloignées des gisements houillers, étaient entourées de riches forêts dont les produits n’a- vaient pas de valeur en raison du manque de moyens de communications. Les deux derniers systèmes en usage, de fours chauffés au bois, ont été les fours à billettes et ceux du système Siemens, chauffés au gaz de bois, avec récupération de chaleur. Le four Boetius (fig. 4 et 5) el ses différentes mo- difications, four Appert, four Regnault, est très usité dans les cristalleries, verreries de gobele- terie, de flaconnage, de fantaisie, etc., etc., bien qu'il ne soit pas irréprochable, surtout en ce qui concerne l’utilisation de la chaleur. 4. Four Boelius à la houille. — Le four Boetius a marqué un grand progrès sur les fours à grille avec lesquels on a commencé à utiliser la houille comme combustible; ce four est, en effet, chauffé au moyen d'un gazogène, dont on connait tous les avantages : régularité de chauffage et meilleure utilisation de la chaleur. Le gazogène, placé dans 8 G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE le massif même et au-dessous du four proprement | etde l’autre, à une heure d'intervalle généralement. dit, est orienté suivant un diamètre du four et | Pourtiser, on commence par piquer le combustible supporté par deux grilles G (fig. 4) que sépare un | par le tisard, puis on le repousse à l’aide d’un râäble massif réfractaire M, appelé chambre d’air et | au pied de la grille et on rebouche le tisard avec de destiné à l'introduction de l'air secondaire en B. | la houille fraiche. On voit donc que le four Boetius La houille est introduite par les tisards Det répan- | est un four à 3 étages : la partie supérieure S,S,S due en pente jusqu'à la chambre d’air M, recouvrant | constitue le four proprement dit; c’est à ce niveau la grille sur une épaisseur de 1 mètre environ. que se trouvent les potsT,T et la halle de travail du Le gaz produit monte directement dans le four | verreP (fig. 4); dans la partie intermédiaire se trou- par le couloir vertical O, auquel aboutissent les | vent les tisards D par lesquels on enfourne le com- carneaux CC qui amènent l'air secondaire chauffé: | bustible; le décrassage des grilles se fait, enfin, par celui-ci est introduit dans le four en B, ouverture | la cave P”, qui constitue le niveau inférieur du four. Fig. 4. Fig. 5. Fig. 4. — Four Boelius à 20 pols. — Le four proprement dit, où s'opère, dans des pots, la fusion du cristal, pré- sente la forme d’un dôme, avec ouvertures latérales en forme d’arcades S,S,S, destinées à recevoir les cols des pots T, D. Ces cols bouchent presque complètement les arcades. — Cette figure est une coupe verticale suivant l’axe des gazo- gènes. Dane cette coupe, on a renrésenté en pointillé les deux pots TT qui se trouvent dans les deux arcades oppo- sées, suivant l'axe desquelles est faite la coupe. — B, entrée de l'air secondaire: M, chambre d'air; À, combustible ; G, grille; D, tisards pour le chargement de la houille; CC, carneaux d’arrivée de l’air secondaire chauffé; O, entrée dans le four, du mélange d’air et de gaz; FE, cheminées, départ des gaz brülés; P, plancher de la halle de travail; P', étage pour le chargement de la houille; P", cave dans laquelle on fait le décrassage. d : Fig. 5. — Coupe par l'axe perpendiculaire à celui des deux gazogènes. Dans cette coupe on n’a pas représenté les pots ; chacune des arcades SS en recoit un, qui la bouche presque complètement. — B, entrée de l'air secondaire; M, chambre dair; EE, carneaux verticaux enveloppant les gazogènes, et parcourus par l'air secondaire. O, entrée, dans le four, du mé- lange d'air et de gaz; FF, cheminées. munie d’un registre réglable à volonté: de là il pé- On voit que la récupération est très faible, nètre dans la chambre d’air, puis dans deux grands | pour ainsi dire nulle: car la chaleur donnée à carneaux verticaux (EE, fig.5) qui enveloppentlesga- | l'air est empruntée au four lui-même et au foyer, zogènes,et enfin dans les carneaux horizontaux CC, | dont les parois sont ainsi rafraichies; quant aux par lesquels il vient se mélanger aucourant du gaz. | gaz brûlés, ils vont directement à la cheminée, leur Le départ des gaz brûlés se fait à la base F des | chaleur est perdue. cheminées situées dans les piliers qui séparent C'est donc, à première vue, un système assez bar- chaque pot, de sorte que chaque pot est entière- | bare; en réalité, ce four donne une fusion régulière ment enveloppé par la flamme avant l'expulsion | et a une longue durée en raison du rafraichisse- des gaz brûlés. ment que subissent les parois les plus exposées à Le décrassage se fait par le dessous des grilles, | la chaleur. Ajoutons, d'ailleurs, que lamatière mise où un homme armé d’une pince fait tomber les | en œuvre a une telle valeur, surtout en ce qui con- mäâchefers en excès; il a soin toutefois d'en main- | cerne le cristal, qu'il suffirait de quelques fontes tenir sur les barreaux une assez grande épaisseur | manquées pour faire perdre le bénéfice d'une éco- (0 m.30 environ), qui joue le rôle de grille artificielle | nomie de houille réalisée pendant une longue et divise mieux l'air introduit. période de temps à l'aide d'un système plus On tise el on décrasse allernativement d'un côté | perfectionné ; la partie à jouer est assez grosse G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 83 pour faire hésiter à entreprendre un essai. M. Appert a pris un brevet de perfectionnement _ du four Boetius et a garni de chicanes les carneaux verticaux qui enveloppent les gazogènes, afin que, par une plusgrandecireulation, l'air puisses’échauf- fer davantage. M. Regnault a enfin remplacé les deux grilles du four Boetius par une grille unique, ce qui ne semble pas, au premier abord, un grand perfectionnement: il parait néanmoins que la construction de ce four est un peu plus économique. Dans les trois systèmes de fours précédents, la régularité du chauffage et la consommation de combustible seraient à peu près les mêmes, au dire des verriers qui les ont pratiqués. 2. Creusets. Les creusels ou pots em- ployés sont couverts, afin de préserver la ma- tière en fusion du con- tact des gaz réducteurs et des poussières entrai- nées, qui pourraient communiquer au cristal une teinte désagréable (fig. 6). Une grande cris- tallerie, sise aujourd'hui en Allemagne, a long- temps fondu à pots dé- couverts dans des fours Siemens : la fusion é- tait, parail-il, réguliè- re ; mais il faut recon- nailre que,-quoi qu'on ait dit au moment où celle applicationa été faite, les produits de cetéta- blissement n’ont jamais eu la blancheur de ceux oblenus par le système des fours à pots couverts. L'adoption des pots couverts a considérablement augmenté le temps nécessaire à la fusion : celle-ci, avec les pots découverts chauffés au bois, ne du- rait pas plus de 41 à 12 heures, ce qui permettait de travailler tous les joursles pots fondus pendant la nuit. Avec les pots couverts, dont l'usage est répandu dans presque toutes les cristalleries et gobelete- ries, la fusion dure bien pluslongtemps, et dans les établissements comme Baccarat, Pantin, où il n’y a pas de travail de nuit, les pots ne sont travaillés que le surlendemain de l’enfournement, ce qui nécessite sur un four deux fois plus de pots qu’on n'en travaille par jour. — Un pot étant en travail pendant que le voisin est en fonte, on s'applique à rendre aussi régulière que possible la chaleur du four, et on tend de plus à fondre lentement de grandes quantités de cristal: Saint-Louis a Fi. 6. — Spécimens des pols de terre réfraclaire employés en verrerie el en crislallerie. actuellement un four de 2% pots en marche. L'atelier de fabrication des pots ou creusets est un atelier accessoire des plus importants; la durée de ces pots, quand elle est trop faible, peut influer sérieusement sur la bonne marche d’une verrerie. Les précautions à prendre sont de plusieurs sortes: il faut d'abord un bon choix de matières pre- mières, de bonnes terres en un mot, de bons po- tiers pour la mettre en œuvre, puisune dessiceation graduelle et très prolongée qui permette à toutes les parties du pot de prendre leur retrait sans se fissurer. — Cette fabrication est longue et minu- tieuse : aucune précaution ne doit être négligée pour arriver à avoir des creusets fondant bien et ayant une grande durée. S8.— Travail du Cristal. Disons d’abord que les verriers sont orga- nisés par équipes ou places, composées d'un chef où ouvrier respon- sable de son chantier, d'un premier, d'un deu- rième et quelquefois d’un troisième souffleur, d’un carreur, d'un cueilleur et de plusieurs gamins de force et d'âge différents; chaque place travaille sur un pol. Pourétudier les diffé- rents genres de fabrica- tion, nous décrirons les types suivants : pièces ouvertes au feu, pièces fabriquées à calotte, pièces moulées à la presse, pièces pislonnées dans un moule ou soufflées à l'air comprimé. 1. Pièces ouvertes au feu.— Les pièces ouvertes au feu, verres, coupes, carafes, représentent le vieux procédé de fabrication, encore usité aujourd'hui, mais qui tend de plus en plus à disparaître pour faire place au procédé à calotte, que nous déerirons ensuile. Suivons, par exemple, la fabrication d’un verre ouvert au feu (fig. 15, 16 et 17) : le cueilleur plonge sa canne dans le pot et en retire la masse de cristal qui doit constituer la paraison ou coupe du verre; puis il faconne celle paraison. Il passe la canne au carreur, qui dilate encore la masse de verre et lui donne extérieurement avec ses fers la forme (fig. 7) que doit avoir la coupe du verre.Le carreur passe alors la canne au premier souffleur chargé d’attacher la jambe. A cet effet, un gamin va cueillir au bout d'un ferret la masse de cristal nécessaire etvient la coller sur le 84 G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE fond de la coupe(fig.8). Le premier souffleur coupe avec ses ciseaux la quantité de cristal nécessaire et donne avec ses fers la forme voulue àla jambe (fig. 9). Puis il passe la canneau deuxième souf- longueur de deux rails sur lesquels glissent des boites en tôle, appelées ferrusses, accrochées les unes aux autres ; c'est dans la ferrasse la plus rapprochée du foyer que sont apportées les pièces ss € ———— Fig. T à 13, — Phases successives du travail d’une pièce ouverte au feu. fleur qui, ense faisant apporter de même du cris- tal par un gamin, façconne le pied au moyen de ses fers et en écrasant la masse contre une planche (fig. 10). Ces trois formes successives données à la paraison, à la jambe et au pied, s’ob- tiennent en faisant rou- ler la canne sur les bar- delles. Le deuxième souf- fleur passe la canne à l’ouvreur : un gamin s'ap- proche muni d’un pontil, tringle de fer garnie de verre mi-pâteux à l'ex- trémité, et le colle sous le pied du verre; puis, appliquant un fer mouillé el donnant une secousse. l'ouvreur sépare la canne du verre, lequel reste at- taché au pontil (fig. 411). Un gamin s'empare alors du pontil, chauffe les sortant des mains du verrier; quand la ferrasse est pleine, le {rain avance, et une ferrasse vide vient remplacer la précédente. La durée du séjour dans l'arche varie de 2 heures à 10 heures, suivant l'épaisseur des pièces et la rapidité du travail. — Nos figures 15,16 et 17 reproduisent des photo- graphies d'ateliers où l’on voit les ouvriers occupés à la fabrication de pièces ouvertes au feu. 2. Pièces fabriquées à ea- lotte. — Ce procédé (fig. 19 et 20), appliqué pour la première fois à Baccarat vers 1866, a causé une vé- ritable révolution dans l’industrie du cristal, La paraison est soufflée et carrée, non plus à la main et avec les fers, bords du verre pour les Fig. 14. — Intérieur d’un couloir d'arche à recuire le cristal comme tout à l'heure, ramollir (fig. 12) et Tape le verre. — On voit deux ferrasses chargées de verres, mais dans un moule en bois glissant sur les rails et tirées par des chaines qui les éloi- porte celui-ci à l’ouvreur, qui les rogne avec des ciseaux pour supprimer tout ce qu’il y a en trop. Le gamin réchauffe encore et rapporte le pontil à l’'ouvreur, lequel, à l'aide d’une pince à bouts de bois, donne la forme définitive au verre (fig. 13); puis, à l’aide d’une goutte d'eau, il détache le pontil du verre, qui est porté à l'arche à recuire. Les arches à recuire employées en cristalle- rie (fig. 14) ont la forme d’un couloir long de 8 à 12 mètres, à une extrémité duquel est placé un foyer chauffé au coke; ce couloir est garni dans sa gnent du foyer. ou en fonie, afin que les coupes soient bien tou- tes semblables entre elle. La jambe et le pied sont attachés comme précédemment; mais, aus- sitôt après la confection du pied, le verre, au lieu d'être attaché au pontil, est détaché de la canne et envoyé àrecuire. Après recuisson, le verre est posé sur une tournette (fig. 18), landis qu'un chalumeau &, alimenté par du gaz d'éclairage, chauffe la circonférence suivant laquelle la calotte doit se détacher; l'application d’un corps froid suf- fit alors pour obtenir ce résultat. Le verre est asian 9e Etae 6e — iire ne ne À 1 de Lane nadia mean de nt client art né 2 At nd ad of tn ét cité ét nt tit Entente tes G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 85 ensuite fetté, c'est-à-dire usé avec des pierres en | la complication n’est qu'apparente et au moyen grès, puis rebrälé. Cette dernière opération est ! desquelles la production d’une place de verriers a Fig. 15. — Fabricalion d'une carafe ouverte au feu. — L'ouvrier de droite prépare sa paraison. Celui qui est debout au milieu souffle la carafe dans un moule situé en contre-bas et ouvert par le gamin dont on voit le buste. L’ouvrier assis à sauche (chef de place) ouvre le col de la carafe et en faconne le chapeau. nécessaire pour fondre le bord du verre et lui donner l'aspect d’un verre fabriqué au four. été considérablement augmentée. Cela a été, nous le répétons, un très grand progrès, le plus Fig. 16. — Travail d'une coupe de cristal ouverte au feu. — L’ouvrier placé à gauche de la figure et au premier plan, 1er souffleur, mesure avec un compas la jambe qu’il vient d’attacher après la paraison (2° opération) ; l'ouvrier placé au 2e plan, en suivant, (chef de place), ouvre la coupe avec ses lames de bois, et la termine (4° opération) ; l'ouvrier assis au fond et au milieu de la figure (carreur) faconne la paraison (1r° opération); l’ouvrier placé à droite de la figure et assis (2e souffleur) attache le pied de la coupe en le faconnant avec du cristal que lui apporte un gamin (3 opéralon). En résumé, la dernière opération du procédé pré- | grand peut-être qui ait élé réalisé dans celle cédent a été remplacée par plusieurs autres dont | industrie. — Nos figures 19 et 20 reproduisent des 86 G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE photographies montrant deux places de verriers | afin de niveler par la fusion les légères aspérités fabriquant des pièces à calottes. de la surface qui a touché le métal du moule. —La Fig. 11, — Travail d'une pièce d'assortiment (broc à anse). — Le verricr assis à droite faconne sa paraison; celui qui est debout à droite attache le pied du broc; celui qui est debout à gauche vient d'attacher l’anse et la rectifie. 3. Pièces moulées à la presse. — Le cristal,en raison | moulure a pris une grande extension et est devenue de sa viscosité, se prête à reproduire les formes | une branche importante de la fabrication. A l'œil d'un moule dans lequel on le verse et le elle se distingue de la taille, que nous dé- comprime à la presse (fig. 21); de là la pro- 3 crirons plus loin, en ce que les angles vifs duction d'objets très variés, qui constitue —_— —— sont toujours arrondis. une véritable industrie à part, industrie 1 On ne peut fabriquer par ce procédé que qui, disons-le, n’a de commun avec le mé- des pièces ouvertes, c’est-à-dire telles que tier de verrier que le fait d'employer la === le noyau ou piston qui presse le cristal même substance, el n’exige pas cette habi- Fig. 18. — Décollage Contre les parois du moule puisse entrer leté si grande à laquelle arrive un ouvrier del parlie supé= el sortir de celui-ci (fig. 21). : : LE ; rieure d'une pièce quimanie la canne.Une des difficultés pour de cristal. le verrier qui travaille la moulure, consiste 4. Pièces pistonnées ou moulées par l'air com- à apprécier exactement la quantité‘de verre néces- | prümé. — Ce procédé n'est appliqué que pour les piè- saire pour obtenir la pièce qu'il fabrique. Cette | ces fermées, flacons, carafes, boules. Le verrier Fig. 19. — Fabricalion d’un verre à calotte. — A droite sont groupés les deux carreurs et les deux cueilleurs; les quatre verriers assis forment deux chantiers; le premier, à gauche, attache le pied et le faconne; celui qui est placé immédiate- ment derrière lui est en train de couper, avec ses ciseaux, le cristal destiné à faire la jambe, que lui apporte un gamin; les deux autres font le même travail. pièce, en sortant du moule, est attachée au pontilet | cueille du cristal avec sa canne, elcommence à dila- rebrûlée, c'est-à-dire refondue superficiellement, | ter la masse en soufllant avec la bouche, puis il in- AUOT INT PRE tr Mbaiéagn on, à. A mébet ET G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 87 troduit la boule ainsi préparée dans un moule en fonte, portant en creux les reliefs qui doivent exis- ter sur lu pièce et vice versa, — deux moyens s’of- frant alors pour achever la pièce : le piston Robi- net et l'air comprimé. parler, ce procédé est encore en usage aujourd’hui ; car, pour certaines pièces où il ne faut pas compri- mer trop fort, le verrier sent avec la main la pres- sion qu'il exerce et la modère à volonté, ce qu'il ne peut faire avec l’air comprimé. Fig. 20. — Fabrication d'un gobelel à calotte. —- L'ouvrier debout à l'arrière plan et au milieu réchauffe la paraison du “obelet ; l'ouvrier debout à droite au premier plan soufile le gobelet; à droite de ce dernier, au second plan, le carreur marbre son verre; à gauche et assis au premier plan, le chef de place détache le gobelet qui vient d'être fabriqué. Le piston Robinet (fig. 22), inventé vers 1821 par un ouvrier de la cristallerie de Baccarat nommé Robi- net, est un cylindre en cuivre ouvert àäun bout, dans lequel glisse un piston en bois, percé d’un trou; un L'usage de l'a comprimé est aujourd'hui ré- pandu dans les verreries, grâce aux travaux de M. Appert. Ilest commode, en ce sensqu'il ne donne pas de mal au verrier et qu'on l'amène facilement liœ 9 RTL G , Eye s ” : ê : F “ Fig. HE Travail d'une pièce de moulure à la presse. — Un des ouvriers placés contre la presse tient à la main le féret au bout duquel est attachée la masse de cristal et s’apprète à la couper avec ses ciseaux. L’autre tient le levier de la presse, prêt à l'abaisser pour presser le cristal contenu dans le moule. ressort à boudin est placé entre le piston et le fond du cylindre; pour s'en servir, le verrier applique le bout de la canne dans l'ouverture « et presse vivement, de sorte que l'air contenu dans l’appa- reil est injecté avec force dans la pièce à souffler ; malgré emploi de l'air comprimé dont nous allons par une canalisation au point voulu ; mais il est brutal, ce qui a restreint son application à un petit nombre de cas. Par l’un de ces deux procédés, le verrier achève donc la pièce en comprimant de l'air sous une forte pression qui force le verre à épouser la forme 38 G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE présentée par le moule : on ouvre celui-ci, et on | trails ainsi creusés avec une roue de liège imbibée relire la pièce, qui est détachée de la canne, portée à l'arche, et recuite comme les autres. On fabrique par le pistonnage des pièces d'éclairage minces pour lesquelles un dépo- lissage ultérieur fera disparaitre les rugosi- lés du moule; on fait aussi des flacons et carafes de toutes formes, qu’on rebrüle, ainsi qu’il a été dit pour la moulure à la presse. D'une facon générale, ce procédé ne permet pas d'obtenir des reliefs aussi fins et aussi profonds que par la moulure à la presse : car, d’une part, la pression s'exerce beaucoup moins vite, ce qui permet au cristal de se glacer au contact du moule, et, d'autre part, la pression par unité de surface est infiniment moin- dre. On réussit assez bien les pièces qui ne présen- tent que des surfaces arrondies el pas d’angles vifs. ton nel. 3. Taille du cristal. — La taille a pour but de remplacer la forme arrondie de la pièce sortant des mains du verrier, par une série de facettes re- liées entre elles par des angles dièdres ou po- lyèdres. Le cristal n'ac- quiert sa valeur, ses re- lets, et ne décompose la lumière que quand ilest taillé : c'est dire que, dans unecristallerie, lalaillerie occupera (toujours une place importante. La taille du cristal com- porte plusieurs opéra - Lions, qui sont : l’ébauche, la {wille à la roue de pierre, le polissage et le passage en potée (fig. 23). Le chef de la compa- gnie commence par tracer avec son compas à la sur- face de la pièce les points de repère qui doivent le guider, suivant le dessin plus ou moins compliqué de la pièce, puis il procède à l’ébauche : devant lui tourne une roue de fonte, plale, ronde ou aiguë, et constamment arrosée d’un mélange de sable et d’eau; cette roue attaque vite et profondément le cristal, dont la surface est rendue très rugueuse. Le premier compagnon prend alors cette pièce et repasse avec une roue de pierre dans les traits creusés par la précédente. Après celte opération, la pièce présente les faces et angles vifs qu’elle doit conserver définitivement, mais la surface du cristal est encore laiteuse. Le second compagnon repasse ensuile dans les Fig. 22. Pis- Fig. 23. — Vue d’une laillerie. — L'ouvrier de gauche (chef de piace) ébauche sa pièce avec la roue de fonte sur laquelle coule du sable mélangé d'eau, contenu dans l’entonnoir placé devantlui; le second procède à la taille avec la roue de pierre; le troisième, avec une roue de liège imbibée de ponce. de pierre ponce pulvérisée. La pièce devient claire, mais possède encore un éclat bleuâtre. On l’achève alors en la passant contre une roue de liège imbibée d’un mélange d’eau et de potée d'é- tain !. Après cette opération, quand elle est bien faite, le cristal prend un éclat tout-à- fail remarquable. On peut dire que la taille est la plus belle etla véritable décoration du cristal ; sans elle, le cristal, à la vue, ne se distingue pas sensi- blement du beau verre blanc qu'on sait faire aujourd’hui, et cela se comprend, puisque l'indice de réfraction et la dispersion, qui font sa supériorité, passent presque inaperçus dans une pièce unie. Robi- 6. Gravure à la roue. — Ce genre de décoralion, qui se fait comme la taille, mais avec des roues extrêmement petites, a pour but de reproduire à la surface d'une pièce un sujet de dessin quelconque. Le graveur peut obtenir tous les degrés d’opacilé, depuis le mat jusqu'au clair, en mouillant sa roue de cuivre avec un mélange d'huile et d'émeri ou de pierre ponce, de sorte que, sous une main ha- bile, toutes les demi- teintes du dessin appa- raissentpar transparence. Il y a là un véritable tra- vail artistique qui dépend du talent de l’ouvrier, et fait parfois monter à de hautsprix des pièces d’une exécution difficile. Nous donnons ci-contre (fig. 24 et 25) la repro- duction de deux pièces gravées à la roue, qui ont figuré à l’Exposilion de 1878. On peut dire que la création artistique de ces modèles ne le cède en rien à leur exécution irréprochable. ——————————————————————————…—…—…— …—…"—" —…" —_—…—…—…—…_………—…—…—_—….…——_——…_—_…—……—…—……………… 1 Rappelons que la potée d'étain (stannate de plomb) est un poison violent qui expose aux accidents saturnins ceux qui l'emploient. Les tailleurs de Baccarat étaient éprouvés comme les autres, lorsqu’en 1891 on eut l'idée de substituer à l’ancienne potée un mélange de : 2 parties d'acide métastannique 1 partie de potée d’étain ordinaire. Ce mélange polit aussi bien que l’ancienne potée. Depuis ce jour, on n’a plus constaté aucun cas d’empoisonnement chez les tailleurs. Voir Comples rendus de l'Acadèmie des Sciences, séance du 7 novembre 1892. Lost So re tal tte tas At ini A nd met C. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 89 7. Lustrerie,. — La lustrerie est une des appli- cation les plus remarquables de la taille : car c’est vraiment là que la multiplicité des lumières mel en valeur l'éclat du cristal : la forme, la composi- tion des pièces, les cristaux blancs ou colorés prêtent à une foule de combinaisons, et, depuis le lustre de 100 francs jusqu'à celui de 20.000 francs, on peut dire qu'il est possible de donner pleine salisfaclion à tous les goûts. 8. Gravure à l'acide. — Mentionnons aussi, parmi les genres de décorations, la gravure à l'acide fluo- rhydrique. On sait que cet acide a la propriété d'atta- quer les silicates; on ob- tient, par son action di- recte, de la gravure claire ou transparente. Si on le verre, et il n’y a plus qu'à raccorder au pinceau, les différentes épreuves appliquées sur la pièce; quand celle-ci est sèche, on la porte soit dans le bain de gravure claire, soit dans celui de gravure mate.Aprèsgravure, les piècessontlavées à l'ammo- niaque diluée, qui décompose l'encre restée adhé- rente ; il ne reste plus qu'à laver et essuyer la pièce. 9. Dorure et teinture ducristul. — On peut, après l'achèvement d’une pièce de cristal, en rehausser les effets par la dorure; voici comment on opère : on COmM- mence par préparer de lor à un élat de division con- venable en mélangeant deux solutions , l’une de chlorure d’or, l’autre d’un réducteur quelconque. L'or précipité, ainsi obtenu, est dégage, au contraire, len- tement d'un fluorure alca- lin, la surface du cristal ou du verre est rendue mate, ce qui permet d'obtenir de jolis effets. . . Il y a deux genres prin- cipaux de gravure à l'acide, qui sont : la gravure arabe e la gravure vénilienne. Dans le premier, on re- couvre toute la surface de la pièce d’une encre inat- taquable à l’acide; puis, à l'aide d'une ou plusieurs pointes, mues par une ma- chine plus ou moins com- pliquée, on enlève à la sur- face de la pièce, et par un trait continu, des copeaux qui mettent à nu la sur- face du cristal. La pièce est ensuile portée dans le bain d'acide et creusée. Pour faire de la gravure vénitienne, oncommence par graver à l'acide nitrique, sur une planche d'acier, le dessin qu’on veut reproduire; on encre les creux de la planche et l'on met à nu, au moyen d’une palette, les reliefs de la planche; puis on tire sur papier très mince une épreuve, qui est . appliquée sur la pièce à décorer; la surface de celle-ci n'étant en général pas développable, la décalqueuse (ce sont des femmes qui font ce tra- vail) s'arrange de manière que les plis du papier tombent à un endroit qui n’a pas de dessin. Le papier est ensuite enlevé, l'encre adhère contre le D Fig. 24.— Pièce luillée, en gravure polie, ayant figuré à l’Exposilion de 1818. broyé avec de l'essence de térébenthine et un fondant composé de minium et de borax , puis employé au pinceau : les pièces prépa- rées de la sorte sont recui- tes dans des moufles chauf- fés au bois, à une tempé- rature voisine du ramollis- sement du cristal ; puis elles sont, après refroidisse - ment, brunies avec des brunissoirs en agate ou en hématite. Les effets pro- duits par la dorure sont assez jolis, à condition qu'on l’emploie avec s0- briété. à La seule teinture appli- — cable au cristal est la tein- ture jaune où ambrée. Elle nécessite une composition particulière du cristal qui lui sert de support. On adjoint à la composition ordinaire une quantité notable d’acide arsénieux, faute de laquelle la teinture ne prend pas. On applique au pin- ceau, sur les parties qu’on veut teindre en jaune, un mélange de chlorure d'argent et d'oxyde de fer rouge broyés avec de l’eau, ce dernier destiné sim- plement à servir de véhicule et à donner à la pâte la consistance voulue pour être employée facile- ment; puis on passe au moufle comme pour la dorure. Après refroidissement, on brosse la pièce avec de l’eau pour enlever la pâte adhérente. Ce procédé permet d’obtenir toutes les nuances de 90 G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLEÉRIE EN FRANCE jaune, depuis le clair jusqu'au foncé et même jus- qu'au brun, suivant la proportion de chlorure d'argent employé, et suivant le degré de chaleur obtenu dans le moule. 10. Défauts du cristal. Choir. — Les pièces fa- briquées ou en cours de fabrication peuvent pré- senter différents défauts, dont les uns tiennent à la matière mise en œuvre et les autres à la main de l’ouvrier ou aux opérations de taille et de décor. Parmi les premiers, Ci- tons les grains, les bouil- lons et les jils de crasse. Les grains, ou parties non vitrifiées, provien- nentgénéralement d’u- ne fusion incomplète ; c'est aussi le cas des RERIE D'ART, INDUSTRIES DIVERSES. $ 1. — Caractères généraux de ces industries. Nous étudierons successivement dans ce chapi- tre une série d'industries très différentes, travail- lant par des procédés multiples, employant des verres de toutes compositions, blancs ou colorés par des oxydes métalliques, mais qui, toutes, ont des caractères com- muns, les séparant nettement des grandes industries verrières bouteille, verre à vi- tres et glacerie. — Ces industries sont exploi- tées, sauf quelques bouillons, dont la cause peut aussi résulter du mauvais Cueillage quant aux fils de crasse, on les attribue à la trop grande élévation de température du four ou au mouvement des usines d’impor- tance moyenne, par- fois dans de petites usines elles em - ploïent un personnel verrier plus habile, plus artiste même, qu'un trop grand nom- bre de cueillages fait subir au cristal. Notre avis est que la crasse résulte de la combi - naison du cristal avec les parois du pot qui le contient. La perfeclion des habitué à varier beau- coup sa fabrication. res très fusibles, ri- ches en alcalis, et n'emploient à la com- position que des ma- tières pures, addition- nées encore de décolo- objets livrés à la ven- rants : manganèse ou te est naturellement acide arsénieux ! en raison directe du ” F£ soin qui à présidé à 4. — Composition du leur choix. À Bacca- Fig. 25. — Piece taillée en gravure polie, ayant figure verre. — Le verre em- rat, la sévérité est très grande sous ce rapport : on nevend que le premier choix, et les rebuts sont cassés pour retourner à la fonte. C’est un principe donton n’a jamais voulu s’écarter. Chaque opération étant susceptible de donner des malfacons, une même pièce est choisie plusieurs fois en cours de fabrication. A1. Conditions sociales du Travail. — Dans l’indus- trie du cristal, à Baccarat, il n'y a pas de travail de nuil; les ouvriers chôment le dimanche; la journée de travail est de 10 heures avec interrup- tion d’une heure pour déjeuner; les salaires sont partie au mois, parlie à l’entreprise; les ouvriers sont logés gratuitement el jouissent d'une caisse de retraite pour la vieillesse. à l'Exposilion de 1878. ployé en gobeleterie, flaconnage, ete. est un silicate de soude et de chaux ; les proportions de matières sont les sui- vantes : SADIB RE EEE Pare ce 100 Calcaire "7.4; Re PR Lee arantitee 22 à 25 Carbonate de soude............. 32 à 38 Nitrate de soude................ 3 à 05 On y ajoute comme fondant de l’arsenie, du régule d’antimoine ou de l’oxyde d'antimoine, en proportion variant avec la température du four. On | rares exceptions, dans. Elles font usage de ver-. | V. — GOBELETERIE, VERRERIES EN VERRE BLANC, VER- n emploie comme décolorant, c'est-à-dire pour compen- . 1 On désigne en verrerie sous le nom de verre blanc, un. verre qui, vu par la tranche, ne présente pas la coloration vert pâle due à l’oxyde de fer. Un tel verre est toujours déco= loré par addition d’oxydes. ” e F G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 91 ser la coloration vert pâle due à l'oxyde de fer, Le bioxyde de manganèse, quelquefois associé à une trace de cobalt, et l’on joint à la composition ci- dessus une certaine quantité de groisils achetés au- dehors ou provenant des déchets de la fabrication : lorsque la verrerie se trouve aux portes de Paris, elle achète les verres cassés provenant des résidus de la grande ville etles paie suivant le cours ; lors- que le verre cassé coûte moine cher que la composi tion,onenajoutejusqu'à 160 kilos pour 100 kilos de sable : dans le cas contraire, on n’en ajoute que 80. Nous donnons ci-dessous la composition en usage à la verrerie de M. Legras, à Saint-Denis, et celle de la verrerie de flaconnage de M. Scobard, au Vieux Rouen : VERRERIE VERRERIE DE SAINT-DENIS DU VIEUX ROUEN SELS SPEARS ONE 100 k 100 k. (CAIRN MNT ETES 18 à 22 25 INR ÉTO LE cent es SE 324 25 3 à 4 Soul HET RTE 40 30 DSONCEE mere ados se ete 0.100 » Manganèse ........ 0.100 à 0.120 0.150 Régule d’antimoine ..…. » 0.200 Parmi les verreries qui font de la couleur, celle de Saint-Denis est une des plus renommées : les jaunes sont bien francs, et les pièces en doublure rose à l'or nous ont paru particulièrement belles. 9, — Fusion du verre. Fours. — Les fours em- ployés par les industries qui se ratlachent à ce chapitre sont du système Bœætius, Appert ou Re- gnault: ce dernier semble jouir en ce moment d'une faveur spéciale, surtout dans les verreries des environs de Paris, et nous croyons que ce succès lient, pour beaucoup, au soin qu’apporte M. Regnault à la construction et à la mise en feu de ses appareils, car les trois systèmes ne présen- tent que des différences de détail insignifiantes, et la consommation de combustible, par tonne de verre fondu, y est à peu près la même, au dire des maitres de verrerie qui les ont successivement ap- pliqués. La durée de la fonte varie de 16 à 24 heures, suivant l’organisation du travail; les pots ont la même forme que ceux employés en cristallerie et contiennent de 600 à 100 kilos de verre. 3. — Conditions générales du Travail. Salaires. — Le travail de nuit est encore usité dans certaines verreries ; toutefois celte pratique, fâcheuse à plus d'un point de vue, tend à disparaitre. A la verrerie de Saint-Denis, la première équipe travaille de 6 heures du matin à 11 heures, et de 6 heures du soir à 11 heures; — la deuxième, de midi à à heures, et de minuit à 5 heures. Cette reprise du travail, deux fois par 24 heures, est considérée comme nécessaire pour résister à la fatigue résultant de la manipulation de grosses pièces. A la cristallerie de Pantin, on travaille égale- ment la nuit; par contre, à la verrerie voisine, de M. Vidie, on a supprimé le travail de nuit. Les verriers des environs de Paris sont généra- lement payés à la journée; l’infériorilé de ce mode de paiement est, cependant, chose bien reconnue aujourd'hui. À Saint-Denis, pourtant, la gobelete- rie est tarifée. K 2. — Gobeleterie proprement dite. Une des branches les plus importantes de la gobeleterie est la fabrication des verres à pied, gobelets, employés dans les restaurants, cafés, débits de boissons, etc. : c'est un gros débouché, comme on le voit; néanmoins, celte industrie souffre aujourd'hui de la pléthore, mal commun à bien des branches de l’activité humaine. Après la guerre de 1870, plusieurs verreries de la région de l'Est, Vallerysthal, Meisenthal furent annexées : les droits d'entrée empêchant l’impor- tation de leurs produits en France, les anciennes verreries de la région, Portieux, Nancy. Vanne el Châtel, Clairey, Vierzon, Bar-sur-Seine, ete, elc., se développèrent beaucoup, de sorte qu'aujourd'hui la production dépasse la consommation ; la situation est devenue difficile, les prix menacent de s’avilir, et, pour remédier à cel état de choses, les verreries de gobeleterie viennent de s'entendre pour res- treindre leur production en ce qui concerne les gobelels avec ou sans pieds et les pots à confiture: c’est un syndicat analogue à celui qui est en vi- gueur depuis deux ans chez les faïenciers. Le remède nous parait plus théorique que pratique, en ce qui concerne la verrerie, car les élablisse- ments sont si nombreux que le contrôle doit être bien difficile : ce remède a, d’ailleurs, des consé- quences économiques très fâcheuses, qui seront étudiées à propos de la verrerie à bouteilles. Le travail de la gobeleterie est à peu près le même que celui du cristal ; toutefois les usages auxquels celle-ci est destinée et les qualités de résistance que les pièces doivent présenter entrai- nent certaines modifications dont nous allons maintenant parler. 1. Articles de limonadiers. — Les verres destinés aux débits de boissons, aux limonadiers, doivent être, en raison de leur manipulation fréquente, d'une grande solidité; toutes les parties d'un tel verre sont donc épaisses, à l'exception du bord, que le débitant désire mince, aussi bien pour la commo- dité que pour la contenance apparente du verre ; certains vont même jusqu'à rechercher une forme 92 G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE destinée à faire illusion sur la quantité d'absinthe versée (fig. 26), résultat excellent, en somme, quoi- qu'obtenu par des eftorts dont lamorale n’était évi- demment pas le but. Pour toutes ces raisons, cette calégorie de verres ne peul être qu'ouverte au feu : le verrier, avant de rogner avec ses ciseaux, élire le verre, qui s’amincit sur les bords, en conservant sa force dans le bas, puis le verrier réchauffe la pièce à l’ouvreau et lui donne la forme définitive. Nous mentionnerons aussi la fabrication du si- phon d’eau de Seltz, dont la confection doit être soignée, à cause de la pression qu'il supporte et du calibrage très exact du col, qui doit recevoir la fer- meture métallique; ce genre de fabrication est par- tagé entre la verrerie de Pantin et celle de Saint-Ouen, aux environs de Paris. 2. (Gobeleterie de restaurants. — La gobe- leterie destinée aux restaurants est généra- lement beaucoup plus mince : là, en effet, la solidité exigée n’est plus aussi grande et le trompe-l’ œil devient inulile. Ces verres sont généralement ouverts au feu comme les précédents; quelques verreries, parmi lesquelles nous citerons celle de M. Daum à Nancy, celle de M. Legras à Saint-Denis, et celle de M. Houdaille à Choisy-le-Roy, ont installé le coupage au gaz, ou décaloltage; mais une petite partie seulement de leur fabrication est faite par ce procédé !. Le choix des articles de gobeleterie est néces- sairement bien plus large qu’en cristallerie, car le bas prix auquel ils se vendent, ne permet pas de supporter une forte casse, Toutes les pièces fabriquées par le verrier, sont aussitôt transportées par un gamin dans une arche à recuire, semblable à celles dont on se sert pour le cristal; toutefois, le verre étant plus sec et plus cassant que le cristal, les foyers sont chauffés à la houille, dont la flamme, plus longue que celle du coke, reste plus longtemps en contact avec les fer- rasses pleines de verres. $ 8. Verrerie de flaconnage, La flaconnerie constitue une branche très spéciale, représentée par plusieurs établissements situés en Normandie, qui font exclusivement les petits fla- cons pour la parfumerie, la pharmacie et certains 1 Les petites verreries ne fabriquent, pour ainsi dire, pas de pièces destinées à être coupées au gaz; en voici la raison : le verre ouvert au feu est livré à la vente pour ainsi dire en sortant des mains du verrier, tandis que le verre à calotte nécessite {rois opérations subséquentes : coupage, usure des bords, rebrûlage, lesquelles, pour être faites d'une facon éco- nomique, exigent un outillage spécialet de vastes ateliers; on conçoit donc que les deux procédés continuent à fonctionner, suivant l'importance des verreries qui les pratiquent. comestibles. Cette industrie est remarquable en € sens que les verriers, faisant toujours des flacons; et souvent de même grandeur et de même forme acquièrent une grande habileté el surtout une ra pidité incroyable !, Nous donnons ici, à litre d'exemple d'une indus- trie très localisée dans le pays de Bray, la descrip= tion de l'usine du Vieux-Rouen, appartenant à M. Scobard, dont le chiffre d’affaires atteink deux cent cinquante à trois cent mille francs par an» et qui peut fabriquer annuellement une dizaine de millions de flacons. Le four employé est du système Regnault à 12 pots contenant 600 kilos de verre. La fonte dure 36 heures; on ne travaille donc que 6 pots par jour en 10 heures coupées par un repos” Les verriers, au nombre de 75, gamins com= pris, produisent environ 30.000 flacons par jour. Ceux-cise vendent, suivant la grosseur, de 2 fr. 50 à 6 francs le cent avec une remise et souvent un transport au lieu d'achat. Voici comment se fait le travail : la place se com-= pose d’un chef, de 2 souffleurs et de ga- mins. Le gamin cueille et apporte la canne à l’un des souffleurs; devant celui-ci est placé le moule, ouvert et fermé par un au- tre enfant; il souffle le flacon, et, avant que le moule soit ouvert, relire vivement la canne afin que la partie qui sort du moule s’allonges en un tube très mince; il retire le flacon du moule et le détache; un gamin s’en empare, le saisit par la base dans un pontil à griffe et pose celui-ci su un support, de façon que le col du flacon pénètre dans un petit ouvreau ménagé dans le four; il y a déjà deux flacons en train de chauffer à côté de celui-ci : le même gamin prend un de ces deux fla= cons et l’apporte au chef de place qui, d’un seul coup, à l’aide d’une pince spéciale, fait le chapeau et donne le calibre intérieur et extérieur; un troi- sième gamin prendle flacon dégagé du pontil et le porte dans l'arche à recuire. Inutile de dire que, dans cette fabrication, les pièces ne sont pas choisies au point de vue de la finesse ; la matière ne le comporte pas. Ajoutons que les verriers ont bonne mine et que. leur tenue contraste avec celle des ouvriers de. grande ville; ils sont payés aux pièces et les chefs de place gagnent 250 francs par mois. | La flaconnerie nous parail être dans une situa- tion florissante; la demande y est active et l’ex- portation considérable, en Angleterre principale= ment. La parfumerie et la pharmacie sont les gros 1 Rappelons que la Normandie est une des premières ré gions où on a fabriqué le verre; l’habileté des verriers nor mands ne justifierait-elle pas cette opinion qu'il faut plu- sieurs générations pour former un verrier de talent? 4 - # “G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 93 clients de cette industrie. Cet heureux élat de choses nous parait résulter de plusieurs causes : du développement constant des besoins de la con- sommation, du bas prix de la main-d'œuvre en Normandie, et enfin des aptitudes toutes spéciales d’agilité que possèdent nos verriers des départe- ments de l'Ouest. On ne peutévidemment attribuer qu’à ces causes la prospérité des verreries de flaconnage, car les procédés de fabrication n’y ont fait aucun progrès, et, il faut le dire, ne paraissent pas susceptibles d'en faire. S4. — Verrerie de Laboratoire. — Tubes et baguettes, tubes-indicateurs de chaudières. La verrerie de laboratoire est fabriquée en grande partie aux emvirons de Paris; l'usine de M. Legras en a la spécialité; elle se fait aussi soit dans quelques petites verreries en verre blanc des Ardennes et du Jura, soit dans le Zyonnais. Malgré les progrès incessants de la chi- mie et la création de nombreux labora- toires, la consommation française de bal- lons,cornues, n’atteint pas un chiffre bien élevé, peut être de 60.000 à 80.000 francs par an. Aussi les maitres de verrerie se désintéressent-ils complètement de cette fabrication, d'autant que beaucoup de laboratoires forment une clientèle exi- geante, diflicile sur le choix et pas tou- jours très riche. Quelque réelles et justes que puissent être ces raisons commer- ciales, on ne peut que regretter très vive- ment de voir la France si arriérée dans une industrie auxiliaire des sciences, et de penser qu'elle ne peut pas actuellement fabriquer cer- lains verres, les verres peu fusibles et les verres très minces, et qu'elle fait venir de Bohème ou d’Al- lemagne toute sa verrerie fine, malgré les frais énormes d'emballage et de casse d'objets aussi fragiles. Nous pensons qu'il serait du devoir de l’indus- trie et de la science française de faire un sérieux efort dans ce sens et de suivre l’exemple que donne si brillamment la verrerie d’Iéna, dirigée et sans cesse perfectionnée par des industriels, sa- vants et professeurs, tels que Schott el Zeiss !. Rien de la sorte n’a été fait en France, et nous n'oserions pas affirmer que les fabricants de verre- rie de laboratoire connaissent exactement la com- position des verres qu'ils livrent, car beaucoup ! Ajoutons ici quel’Allemagne nous donne le méme exem- ple pour la porcelaine de Laboratoire avec le professeur Seger, bien connu pour ses travaux sur la porcelaine, et qui est en même temps un industriel, Fig. 21. ajoutent à leurs compositions des déchets de verre dont ils ne savent même pas la provenance! On distingue, en verrerie de laboratoire, le verre vert et Le verre blanc : ce dernier n'est autre que le verre de gobeleterie; le verre vert, aussi blanc que le précédent, mais présentant, vu sur la tranche, la nuance verdàtre, est plus réfractaire et pour cela plus alumineux : il n’est pas décoloré. Les fours sont les mêmes qu’en gobeleterie, les procédés de travail ne présentent aucune particula- rilé. Il est nécessaire cependant que la paraison soil admirablement bien faite pour obtenir la régula- rité d'épaisseur indispensable pour la résistance au feu. Les tubes de laboratoire el. de chaudière ont à peu près les mêmes centres de production que la verrerie de laboratoire; aux environs de Paris, c'est M. Guilbert-Martin qui a, à juste titre, la plus grande réputation pour cette difficile fabrication ; il fabrique des tubes de tous diamètres depuis les longs tubes indicateurs de niveau ! jusqu'aux tubes capillaires ; c'est à cette usine que se four- nit M. Baudin, dont les thermomètres à mercure, donnant la température jusqu’à 450 degrés, ontune réputation universelle, et nous tenons de cet habile constructeur que le tube capillaire de M. Guilbert- Martin lui a, jusqu'ici, donné de meil- leurs résultats, pour la fixité du zéro et la régularité de graduation des tiges, que les verres allemands, même ceux d’Iéna. Nous sommes heureux de rendre hom- mage à celte supériorité. Cependant, ici encore, ne peul-on re- gretter que la question chimique ne soit pas élu- diée avec autant de soin qu’elle l’est en Allema- gne, surtout en ce qui concerne les verres extra- réfractaires, et que les laboratoires soient obligés de s'adresser à la Bohème. La confection des tubes est une opéralion exi- geant une extrème habileté : la principale diffi- culté réside dans la préparation de la paraison, qui doit être parfaitement cylindrique et présenter à peu près la forme qu'indique la figure 27. Le fond AB(fig.27), après avoir été trempé dans l’eau, est réchauffé à l’ouvreau, puis collé: à un pontil plat couvert de verre fondu. L'ouvrier lenant la canne et le gamin porteur du pontil s'éloignent l'un de l’autre jusqu’à ce que le tube soit arrivé au diamètre voulu. Il faut à l’ouvrier une très grande habileté, 1 Il est à remarquer que les tubes de niveau des chaudières doivent étre minces; la pratique a démontré qu'ainsi ils résistent le mieux à la pression et aux variations de tempé- rature qui peuvent se produire. 94 G. GUÉROULT — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE même lorsqu'on lui apporte une bonne paraison, pour faire un tube bien calibré. Les tubes de thermomètre à bande d’émail blanc et rouge se font en collant sur la paraison, suivant une généralice, une baguette d’émail rouge, préa- lablement ramolli, puis en faisant dans le bain d'émail blanc un demi-cueillage couvrant la moitié de la paraison. Le tube s’étire ensuite comme s’il était uni. — On fabrique par le même procédé les tubes de chaudières à bande d'émail(photophores). S 5. — Fantaisie et Verrerie d'art. La verrerie d’artet de fantaisie a pris une grande extension: mais, ici comme dans la gobelelerie, la concurrence à fait baisser considérablement les prix. C'est un genre qui tente le verrier, car le peu de soin apporté à la confection de la pièce, l'ab- sence de choix, la facililé de masquer les défauts, et l'effet produit en fin de compte rendent cette fabrication rémunératrice, malgré le bas prix au- quel elle se vend. Nous ne saurions dire que tous les objets sont du meilleur goût, mais enfin ils se vendent,ce qui, pour un industriel, est l'important. 1. Verrerie artistique commune. — C'est surtout aux environs de Paris que s’est développée cette industrie. MM. Legras à Saint-Denis, dont l'usine compte 6 grands fours à 12 pots, la verrerie de Pantin et celle de Swint-Ouen donnent une part assez large à la vérrerie artistique : environ un tiers de la fabrication de Saint-Denis et un quart à Saint-Ouen et Pantin. 2. Verrerie d'art proprement dile. — Nous compren drons sous ce titre les produits de Jwrano, ceux de Bohême, puis les œuvres sorties des ateliers de MM. Gallé et Daum, de Nancy. Le verre de Venise a une composition très alcaline qui lui permet de rester malléable longtemps après qu'il a cessé d’être lumineux. Cette circonstance favorise l’éclosion de ces pièces qu'on pourrait appeler les fioritures du verre, pièces qui dénotent souvent plus d’habileté professionnelle que de bon goût. Ce verre est d’ailleurs terne et sans éclat. Le verre de Bohême, par contre, est le plus beau qu’on connaisse après le cristal : il est d’un blanc parfait et les Bohémiens excellent à produire les couleurs, le rubis en particulier, sur lequel ils gra- vent des sujets qui sont parfois du plus joli effet. Nancy, enfin, est devenu, depuis quelques années, un centre de production, on pourrait presque dire une école de verrerie artistique. On ne peut que louer les œuvres sorties des ateliers de M. Gallé, qui a été le véritable inventeur d’un genre. Chez lui, l'artiste est doublé d’un poète symboliste et reflète bien son époque En effet, de même que telle teinte de son verre est dans le ton de la poésie d'Alfred de Musset, telle autre rend le deuxième acte de Tannhæuser. Nous éprouvons quelque peine à suivre M. Gallé dans des comparaisons aussi har- dies, mais ne pouvons qu'y retrouver l'imagina- nation d’un véritable artiste. Mentionnons les ver- reries de M. Daum qui sont, en général, du meilleur goût. Ce sont surtout des vases blancs doublés de couleurs variées. Celte doublure est réservée dans cerlaines parties de façon à figurer des dessins, tandis que le resle, attaqué à l'acide fluorhydrique, présente une surface givreuse du plus bel effet. Dans tous ces genres, la dorure et l’argenture sont d’un grand secours et rehaussent la décora- tion d’une pièce, à condition qu’elles soient appli- quées avec sobriété. $ 6. — Industrie du verre de montre. Cette industrie semble au premier abord bien peu - importante; elle alimente pourtant seize verreries . françaises lant en province qu'aux environs de Paris !. La plus importante fabrique de verres de montres est celle de M. Picard à Lunéville. Les boules employées dans cel établissement, sont fa- briquées et découpées chez M. Daum, de Nancy, puis expédiées à Lunéville pour y subir les opéra- tions dont nous allons parler. Les boules doivent avoir une épaisseur bien régulière et leur fabrica- tion exige des soins particuliers. Une partie des verres de montre est usée sur les bords et livrée directement à la vente pour l'article de jouet et l'usage du laboratoire, Ceux qui sont destinés au verre de montre pro- prement dit, subissent d’abord le bombage; cette opération a pour but de replier les bords du verre, de manière à lui donner une flèche suflisante pour le mouvement des aiguilles de la montre. Les ouvriers, au nombre de 10, sont assis, devant un pelit moufle chauffé au coke; voici comment opère un bombeur: il coiffe d'un verre de montre B (fig. 28) une forme tournée, en pierre ollaire A, présen- Lant en relief le profil in- térieur du verre, et la place Fig dans le moufle. Il la retire un instant après, et, à l’aide d'un tampon creux en papier, appuie sur les bords ramollis du verre pour Jeur faire épouser la forme du support; il évite de toucher le centre du verre, qui serait mar- qué. Un bon ouvrier bombeur fait 10 à 15 grosses, suivant le genre des verres, et gagne de 4 à 8 francs par jour, suivant son habileté. primé, que M. Appert a exposée en-1889, était destinée à cete fabrication. É De là, les verres vont se faire biseauter et mettre au calibre de la lunette de la montre sur des ma- chines construites à cel effet, dont voici le fonc- tionnement : le verre, monté sur un tour horizon- tal et fixé en son centre contre une bague de ! caoutchouc par une petite pompe à faire le vide, se meut rapidement et vient s'user contre une roue en pierre anglaise (grès très homogène et très dur), tournant autour d’un axe vertical. Une vis, réglable à volonté, vient buter contre un obslacle fixe, et limite l'usure du verre au diamètre qu'il doit avoir. Dans l'opération suivante, le biseau est poli à la main sur une roue de à liège imprégnée de pier- re poncepulvérisée, puis de potée d’étain; chaque verre est ensuile enve- loppé séparément. Le prix de vente de la gros- se de verres varie de 3 francs à 40 francs, pour des diamètres com- pris entre 0%,01 et 0",08 environ. $ 7. — Industries secon- daires de la Verrerie. Nous avons, avec la fabricalion des verres de montres, touché à ce qu'on peut appeler les industries de seconde main en verrerie; ces indus- tries sont multiples, mais les décrire sortirait du cadre de cette étude, car elles n'appartienngnt plus à la grande industrie verrière; ilen est, cependant, que nous ne pouvons passer sous silence, soit à cause de leur originalité, soit en raison de leur importance actuelle. 1. Zndustrie du bouchage des flacons. — Cette in- dustrie spéciale, qui travaille principalement pour la parfumerie, et dont on lrouve plusieurs établissements à Paris, a fort bien compris les ressources respectives du verre el du cristal, et en a tiré parti de la manière la plus avanta- geuse. Elle fait exécuter : d’une part, des flacons en verre dans les verreries de Normandie, dont nous avons parlé; d'autre part, des bouchons en cristal, moulés et relaillés, puis ajustés les uns sur les autres : elle profite ainsi du bas prix des flacons en verre, dont elle rehausse la valeur en les coif- fant d’un bouchon massif eu cristal, qui, grâce à ses feux, donne au tout l'apparence du crislal: cette industrie utilise d’une façon remarquable la qua- lité dominante de chaque substance : à l’une, Fig. 29. — Produclion du verre filé. elle emprunte l'éclat, et à l’autre ses avantages économiques. 2. Émaux vitrifiables. —1s ont l'importance que prennent chaque jour davantage les émaux dans la petite et même la grande industrie : émaux pour faïences et terre cuite, pour fonte, pour tôle, pour cuivre, pour verre, elc. Beaucoup de ces émaux se fabriquent dans des verreries el sont vendus en poudre ou en baguette aux petils indus- triels qui en ignorent la composition. Aux environs de Paris, c’est M. Guilbert-Martin qui a la spécialité de ces émaux ; il s'y est acquis une jusle réputation : la composition de ces ver- res est très complexe, ainsi qu’on peut en ju- ger par la formule sui- vante d'un émail bleu : Si0? PhO KO NaO Sn0O 50.4 28 1.7 1 3.5 CuO CoO Bo0° | 98 1 4.5 3 000 dOSé jte Comme la moindre va- riation amène des chan- gements très grands dans le coeflicient de dilatation et cause des tressaillements, on con- coit l'importance de la fixité des émaux et la réputation des fabricants qui peuveut s'en porter garants. Les émaux colorés peuvent servir à la confec- tion de fort belles mosaïques, dont on peut admi- rer un grand spécimen au Panthéon. Enfin un céramiste-verrier, M. Paul Fargue, a essayé la peinture sur verre avec des émaux fusi- bles qui, refondus par un chauffage au moufle, donnent des vitraux peints d’un très joli effet. $ 8. — Applications nouvelles du Verre. On ne peut faire une étude du verre sans dire quelques mots des applications nouvelles qui en ont été faites. Nous citerons les tuyaux de verre pour conduites d’eau, les vitres perforées, le verre filé obtenu par traction douce et enroulement continu (fig. 29), les briques de verre. Le procédé de fabrication des tuyaux en verre est dû à M. Appert, le verrier bien connu. Le prin- cipe en est nouveau en ce sens que le moulage s'effectue «per ascensum », Ce qui permet au verre de rester plus longtemps liquide, tandis que le noyau monte de toute la longueur de la pièce. Ces tubes en verre présentent des qualités de résis- 96 L. FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE lance, de légèreté, d'imperméabibilité qui les ren- dent précieux dans bien des cas. Toutefois, le pro- cédé en question s’est surtout développé pour la fabrication spéciale des caisses d’accumulateurs, qui ont pris aujourd’hui une cerlaine extension. _La verrerie et l'hygiène sont aussi redevables à M. Appert des vitres perforées, permettant de renouveler lentement l’air d’un appartement. Les briques creuses en verre soufflé imaginées par M. Falconnier sont une application intéres- sante des qualités de résistance et de faible dia: thermanéité du verre. Elles remplacent les maté- riaux dans la construction des murs, laissent passer la lumière, et arrêtent les rayons calori- fiques émanant de l'appartement vers l'extérieur. Il est facile de voir que la tendance générale de ca Le 3° Congrès international de Physiologie s'est réuni à Berne du 9 au 13 Septembre 1895. On se rappelle que le premier congrès avait été tenu à Bâle en 1889 etle second à Liège en 1892. Beaucoup de savants ont un préjugé contre les congrès, spécialement contre les réunions nom- breuses comme les congrès internationaux de Médecine, où se rencontrent des centaines, parfois des milliers de personnes. Ils trouvent que les réceptions officielles, les banquets, les discours y absorbent une grande partie du temps, et.qu'il en reste trop peu pour le travail sérieux. De plus, la présence d’une forte proportion de non-initiés, de « philistins », dames, hommes du monde, exerce une influence regrettable sur le niveau des dis- cussions scientifiques. Le charlatanisme y recueille des lauriers faciles, tandis que la science sérieuse se trouve parfois reléguée au second plan. Les congrès de spécialistes, tels que ceux de phy- siologistes, échappent à ces reproches. Les mem- bres decescongrès sont relativementpeu nombreux (140 à Berne) ; beaucoup se connaissent, tous s’oç- pent des mêmes questions: d'où plus d'intimité, de cordialité dans les relations. De plus, comme le Congrès ne publie pas de comptes rendus officiels, le désir de se voir imprimé ne pousse pas les jeunes à y lire de lon- gues dissertations. La suppression d’actesimprimés a précisément été décidée en vue de donner au Congrès de Physiologie un cachet démonstratif el expérimental. Il est entendu qu’on y fera plus d’ex- périences que de discours. Le Congrès de Berne a été fidèle à ce programme. Pendant quatre jours, les superbes locaux du Æalle- rianum, le nouvel Institut de Physiologie construit . REVUE ANNUELLE ‘concilier ces faits avec la théorie de Schmidt et de tous les procédés de verrerie est orientée vers la mécanique; c'esl, du reste, l'orientation de toute l'industrie : la machine se substitue à la main de l'ouvrier; de là deux conséquences d'importance inégale : l’habileté professionnelle diminue, ce qui, au point de vue tout spécial de l’art, peut être regretté de quelques-uns; mais le prix des objels diminue, ce qui est, au point de vue général, un progrès inconteslable. G. Guéroult, Ingénieur civil des Mines, Ancien Sous-Directeur des Cristalleries de Baccarat. (La deuxième et dernière partie de cet article traitera du verre à vitres, de la glacerie, du verre à bouteilles et des questions scientifiques et so- ciales dans les industries du verre.) DE PHYSIOLOGIE et dirigé par le président du Congrès, le professeur Hugo Kronecker, ont été le théâtre d’expériences aussi nombreuses que variées, exécutées devant les membres du Congrès. On y a fait des démonstrations se rapportant à presque toutes les questions de Physiologie actuel- lement à l'ordre du jour, de sorte que je pourrai faire mon compte rendu annuel de Physiologie, rien qu'en passant en revue les travaux des phy- siologistes réunis à Berne, quitte àintroduire par-ei par-là quelques additions ou digressions. » I. — Sanc ET LYMPuE. : Le Congrès de Berne a présenté la même pénu- rie relative de travaux de Chimie physiologique que ceux de Liège et de Bäle. Sur la question si intéressante de la coagulalion du sang, qui reste toujours à l’ordre dujour, etqui … parait une mine inépuisable de trouvailles intéres- santes, on n'a entendu qu'une communication d’Arthus, défendant sa théorie de la coagulation contre les attaques dont elle a été récemment l'objet. On se rappelle qu’Arthus a découvert ce fait extrêmement intéressant que la fibrine est un composé calcique, et que le plasma sanguin perdla faculté de se coaguler lorsqu'on lui enlève au préa- lable les sels de calcium qu'il contient. Comment Hammarsten, en verlu de laquelle la coagulation du sang est un phénomène de fermentation, dans lequel le fibrinogène du plasma est transformé en fibrine, par l’action d’un ferment qui se forme aux dépens des leucocytes, au moment où le sang sort des vaisseaux et vient en contact avec des corps élrangers? L. FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 97 Les recherches récentes de Pekelharing! et d'Hal- liburton ? répondent à cette question et établissent le lien qui existe entre les faits découverts par Hammarsten, Schmidt et Arthus. Pekelharing et Halliburton ont constaté que le ferment de la fibrine est un composé caleique de nucléo-albumine, qui se forme au moment de la coagulation. La nucléo-albumine provient des globules blancs; elle se combine aux sels de cal- cium du plasma. Au moment de la coagulation, elle cède son calcium au fibrinogène, mais elle ré- génère le ferment ense combinant aux sels de cal- cium qui existent toujours enexcès dans le plasma. On sait que Grimaux? a réussi à préparer Syn- thétiquement une série de substances colloïdes, présentant une composition analogue à celle des matières albuminoïdes, et fournissant la plupart des réactions caractéristiques de ces matières : Grimaux a obtenu deux de ces colloïdes de syn- thèse en chauffant respectivement à 125° et 135°, dans des tubes scellés, un mélange de pentachlorure de phosphore avec de l'acide méta-amidobenzoïque. Picke“ing et Halliburton ‘ ont constaté que ces colloïdes amidobenzoïques de synthèse agissaient sur le plasma sanguin comme la nucléo-albumine qui donne naissance au ferment de la fibrine. Injectés en petite quantité dans les veines d’un lapin ou d’un autre animal, ils produisent une abondante coagulation intravasculaire de fibrine. Citons encore comme se rapportant à la ques- tion de la coagulation du sang, la communica- tion de Gley. E. Gley a réussi devant le Congrès une expérience délicate, quia pleinement mis en lumière ce fait très important, découvert récemment par l’auteur, de la participation du foie à la production de la substance anticoagulante qui se forme dans l’économie lorsqu'on injecte de la peptone dans le sang. En effet, l'injection de peptone perd son acli- vité chez le chien, dès qu'on pratique la ligature des lymphatiques du foie. On admettait encore, il y a quelques années, que l’une des propriétés caractéristiques des matières albuminoïdes était de fournir des solutions col- loïdes, non susceptibles de cristalliser. On savait cependant que la matière rouge du sang artériel, l'oxyhémoglobine, cristallise avec la plus grande facilité, et que certaines graines contiennent en abondance des cristaux qui offrent la composition el les réactions des matières albuminoïdes. Hof- meister est parvenu à faire cristalliser un assez grand nombre de matières albuminoïdes, en faisant agir lentement sur leurs solutions l'action déshy- ? Journal of Physiology, XVII, p. 306. Comptes Rendus, 1881, 1884; Bull. Soc. chim. 1882 à 1886: C. R. Soc. Biol. 1884, etc. ‘ Journal of Physiology., XNIIL, p. 54 et 285. dratante de l'alcool. Gürber a montré au Congrès quatre espèces de cristaux d’albumine fournis par le sérum du sang de cheval, traité par le procédé de Hofmeister. Gamgee a fait sur le spectre de l'hémoglobine et de ses dérivés une démonstration très réussie. Il à projeté le spectre de la lumière électrique sur un écran enduit d’une substance fluorescente, de ma- nière à rendre visible l’ultra-violet. Si l’on vient à interposer sur le trajet des rayons une cuve con- tenant une solution d'hémoglobine, on observe, outre les raies connues dans la région visible, une bande d'absorption très marquée dans l’ultra- violet. Cette bande appartient à l’hématine. Jacquet a fait une communication sur l'influence exercée par les bains froids sur le nombre des globules rouges du sang el sur la nutrition. II. — CIRCULATION. J'ai exposé ici-même! les discussions qu'a sou- levées l'interprétation des tracés cardiographiques. On se rappellera que, pour la plupart des auteurs, le tracé cardiographique de la contraction ventri- culaire a une forme trapézoïde rappelant le IHgrec: ligne d’ascension brusque, plateau plus ou moins ondulé, ligne de descente brusque. Les discussions portaient notamment sur la question de savoir si la clôture des valvules sigmoiïdes et le second bruit du cœur correspondent à la ligne de descente du II {opinion classique de Chauveau et Marey), ou tom- bent en plein plateau horizontal (Landois, Mar- tius). La question peut être considérée comme résolue aujourd'hui, grâce à l'emploi de procédés qui per- mettent de déterminer par des méthodes objectives le moment de la clôture des sigmoïdes, ou celui où se produit le second bruit. Chauveau a réussi, en effet, à enregistrer le mou- vement de clôture des sigmoïdes au moyen d'un explorateur introduit par la carotide jusqu'à l'ori- gine de l'aorte. L’explorateur, que l’on arrête au ni- veau des valvules sigmoïdes, porte un contact électrique qui s'ouvre et se ferme par le jeu des valvules. Un signal électrique, intercalé dans le cir- cuit de l'explorateur, permet de marquer sur le cy- lindre enregistreur les moments d'ouverture et de clôture des sigmoïdes, et de constater que la elô- ture correspond à la branche descendante du I, tandis que l’ouverture se produit au moment de l'inscription de la branche ascendante du Il. Quant aux bruits du cœur, ils ont élé enregistrés par des procédés fort ingénieux imaginés par Ein- thoven? et par Hürthle. 1 Revue gén. des Sciences, Revue de Physiologie, 1891, 1892 1893, 1894. 2 Revue gén. des Sciences, 1894, tomeV, p. 984. 98 L. FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE Hürthle avait dejà présenté au Congrès de Liège un appareil d'un maniement assez compliqué. Il l’a perfectionné et a pu en faire la démonstralion à Berne. Le second bruit du cœur s'enregistre bien au moment où la plume du cardiographe commence à inscrire la branche finale descendante du II. On sait que cette forme trapézoïde en IT du tracé de pression intraventriculaire avait été niée par Frey et Krehl. Ces auteurs prétendaient que si l’on se sert d’un manomètre fontionnant correctement (c’est-à-dire du manomètre construit par eux), on obtient comme tracé de la systole ventriculaire une colline à sommet plus ou moins aigu. Conlejean! a repris la question, en évitant l'emploi de tout intermédiaire pour l'inscription. [l recueille directement sur le papier de l’enregis- treur, le jet de sang qui s'échappe d’un tube étroit ouvert aux deux bouts, et communiquant avec l'intérieur du ventricule. Ce tracé Lémautographigne montre, d'une façon très nette le dessin en forme de I. On sait que le même procédé avait été employé pour démontrer la réalité de l’ondulation dicrote du tracé artériel, dont l’existence avait été contestée. Bayliss et Slarling ont également cherché à obtenir un tracé fidèle des variations de pression qui se déroulent à chaque pulsation à l’intérieur des cavités du cœur. Ils ont employé un mano- mètre inscripleur où la colonne de liquide en mouvement ne présentait que des dimensions minuscules, à l'abri, par conséquent, du reproche de déformations par inertie. Les tracés recueillis chez le chien sont presque identiques à ceux que l’auteur de ces lignes a obtenus chez le même animal, et rappellent les tracés classiques pris chez le cheval par Chauveau el Marey. Ils donnent entièrement tort aux phy- siologistes allemands ?, qui avaient attaqué la doc- trine de Chauveau et Mare. W. His junior a défendu, à Berne, l'opinion de Stanley-Kent*, d'après laquelle la contraction de l'oreillette se propage au ventricule et provoque sa contraction par le transport direct d’une onde de contraction cheminant de l’oreillette au ven- tricule le long de fibres musculaires formant pont entre les deux. Il a démontré, sur des préparations microscopiques et sur des modèles, l'existence de ce pont musculaire pour le cœur du lapin, de l’homme, elc., et relaté les résultats de ses expé- riences. Si, chez le lapin, on sectionne au moyen d'un instrument approprié le petit pont musculaire en question, on provoque immédiatement la dis- 1 Arch. de Fhysiologie, 1594. 2 V. Frey, Krehl. 3 Revue gén. des Sciences, 1894, tome V, p. 985. cordance de rythme connue sous le nom d'allo- rythmie; les ventricules battent à présent suivant un rythme indépendant de celui des oreillettes. Magnus et Kaiser, Beck, Haycraft, Kronecker, Zuntz, Hürthle ont fait tour à tour d'intéressantes commnnications sur la circulation dans le cœur et dans les vaisseaux. Kronecker a montré l'arrêt du cœur qui suit l'obstruction d'ure artère coronaire par une injection de paraffine. Zuntz a fait la démonstration de son procédé de jaugeage du débit de l’aorte sur l'animal vivant (chien). Le principe de la méthode est le suivant : On arrête le cœur par excilation du pneumogas- trique et l’on injecte dans l’aorle, par une de ses branches,une quantité desang, mesurée de manière à rétablir la pression artérielle à sa valeur primi- tive. Cette quantité de sang représente celle que le cœur aurait lancée dans le même temps dans le système aortique. III. — RESPIRATION. Les progrès réalisés dernièrement dans l'étude du chimisme respiratoire sont surtout d'ordre technique. Rosenthal a présenté à Berne un appa- reil servant à doser CO? dans l’air des appartements. Les burettes de Petersson, destinées au même do- sage, figuraient à l'Exposition d'instruments an- nexée au Congrès, ainsi que les tableaux repré- sentant les appareils de Tigerstedt et de Laulanié, pour l’étude de la respiration de l’homme et des Mammifères. M. Laulanié a fait une très intéressante com- municalion sur les relations qui existent entre la thermogénèse et les échanges respiraratoires. Mosso, Zuntz et Læwy ont traité la question de la respiration dans une atmosphère raréfiée. Zuntz a publié, en 1894, d'intéressantes re- cherches destinées à fixer la part respective qui revient à la respiralion cutanée et intestinale dans le chimisme respiratoire !. Il a constaté qu'un cheval placé dans l'appareil de Pettenkoffer, mais respirant à l'extérieur, par lPintermédiaire d'une canule trachéale, fournit, en 2% heures, par la respiration cutanée et intesti- nale, 145 grammes de CO, en moyenne, soit 3 °/, du total des échanges respiratoires. De ces 145 grammes de CO,, 26 proviennent des gaz inles- tinaux, et la différence, soit 119 grammes, pro= vient de la peau. Il n'y a pas chez le cheval d'élimination appré- ciable de gaz combustibles par le poumon. Chez le lapin, au contraire, les 3/4 de l'hydro- gène et du méthane formés dans l'intestin sont éliminés par la voie pulmonaire. DD RE RE ET URL ne te ge te L Arch. f. Physiologie, 1894, p 351. . L. FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 99 Mentionnons encore la communication de Treves sur les effets respiratoires de la section et de l'ex- cilation du pneumogastrique . IV. — LYMPHE. Quoique la formation de la lymphe n’ait donné lieu au Congrès de Berne qu’à une courte commu- nication de Leathes, je demanderai la permission de m'en occuper avec quelques développements, et de traiter plus loin une question connexe, celle des échanges osmotiques entre le sang et la lymphe et les liquides introduits dans les cavités séreuses. On se rappellera que la question de la formation de la lymphe a été remise à l’ordre du jour, il y à quelques années, parles recherches d'Heidenhain ', qui ont élé analysées dans cette Revue *. 2 Pour Heidenhain, la lymphe n'est pas, comme on l'admettait généralement, avec l'école de Ludwig, un produit de filtration du plasma san- guin, formé sous l'influence exclusive de l’action mécanique de la pression sanguine. La lymphe serait fabriquée par l'activité des cellules vivantes qui constituent la paroi des capillaires : elle serait comparable à un véritable liquide de sécrétion. Cette théorie de la secrétion de la lymphe est basée principalement sur les faits suivants : 4. — Sion fixe une canule dans le canal thora- cique au point où il s’'abouche au cou avec le con- fluent de la veine jugulaire et de la veine sous- clavière, de manière à recueillir la lymphe à me- sure qu'elle s'écoule, on constate la persistance de l'écoulement alors que l'aorte thoracique a été oblurée au-dessus du diaphragme, et que, par con- séquent, la pression artérielle est tombée à zéro dans le système de l'aorte abdominale. Il est im- possible, d’après Heidenhain, d'expliquer ici la formation de la lymphe par filtration due à l'excès de pression sanguine. Heidenhain fait d’ailleurs observer que, d’un façon générale, la quantité de lymphe produite n’est nullement en rapport avec la valeur de la pression san- guine. À une faible pression artérielle, peut cor- respondre une formation abondante de lymphe; et, réciproquement, une augmentation de la pres- s'on artérielle n’entraine pas nécessairement une accélération dans l'écoulement de la lymphe. 2. — Il existe toute une série de substances dont l'injection intrasvaculaire augmente considérable - ment l'écoulement de la lymphe par la fistule du canal thoracique. Heidenhain leur a donné le nom de lymphagogues et en a distingué deux groupes. Les lymphagogues dela première catégorie n’ont pas d'action sur la pression sanguine (extrait de : Arch. f. d. ges. Physiol. IL, p. 209, 1891. ? Voir la Revue gén. des Sciences: Revue de physiologie, 1892, 1893, 1894. muscles d’écrevisse, extrait de sangsue, elec.) ou tendent même à diminuer cette pression (peptone). Heidenhain admet que ces substances agissent directement comme excitant sur les cellules de l'endothélium des capillaires et provoquent, de la part de ces cellules, une augmention de sécrétion de lymphe. Cette lymphe, formée exclusivement aux dépens du plasma sanguin, devient plus riche en albumine que la lymphe sécrétée auparavant, tandis que sa teneur en sels ne change pas. 3. —La preuve que cettelvmpheestfabriquée sous l'influence des cellules vivantes de l’endothélium vasculaire nous est fournie par ce fait, que les lymphagogues de la première catégorie n’agissent plus pour accélérer le cours de la lymphe, si l'on a, aupréalable, altéré lesconditions de nutrition de l'endothélium vasculaire par une obstruction tem- poraire de l'aorte thoracique, prolongée pendant un temps suffisant, une heure, par exemple. 4. — Le second groupe des lymphagogues est constitué par des substances cristalloïdes, (sucre, chlorure de sodium et autres sels) dont l'injection intravasculaire provoque une augmentation de lymphe aux dépens non du plasma sanguin, mais des liquides interstitiels. Il y a un drainage de liquide qui s'opère aux dépens des éléments des tissus et qui se fait au profit du sang et de la lymphe. Ici, le sucre, le sel semblent sortir des vaisseaux suivant les lois de la filtration et de la diffusion et, se répandant dans les interstices des tissus, y attirer l’eau de ces derniers en vertu de leur équivalent osmotique. Cependant ici aussi un certain nombre de faits ne cadrent pas avec la doctrine purement physique de la diffusion, no- tamment le fait qu’à un certain moment, la lymphe est plus riche en sucre, en sel, que le plasma san - guin et que cependant le sucre, le sel continuent à passer du plasma sanguin (pauvre en sucre, ou en sel) vers la lymphe. 5.— Heidenhain fait observer que si l'on cal- cule les quantités de substance que les différents organes empruntent au plasma sanguin en 24 heures, et sil’on suppose que ces subtances transsudent à travers la paroi des capillaires en vertu des seules lois de la filtration, c'est- àa-dire au même degré de concentralion que dans le plasma sanguin ou lymphatique, on arrive à admettre la formation de quantités tout à fait invraisemblables de lymphe. Il choisit comme exemple la formation du lait. Une vache peut four- nir jusqu'à 25 litres de lait par jour, ce qui, àraison de 4,7 de CaO par litre, représente 42,5 de CaO. Or, la lymphe necontient que 0,18 pour mille de chaux ; il faudrait donc 236 litres de lymphe pour fournir les 42,5 de CaO contenus dans le lait donné par une vache en un jour. 100 L. FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE Hamburger", étudiant chezle cheval l'écoulement de la lymphe par le gros tronc lymphatique cervi- cal, était arrivé aux mêmes conclusions qu'Hei- denhain. Les arguments les plus probants mis en avant par Hamburger en faveur de la théorie de la sécrétion sont les suivants : 6.— Si l’on fait marcher ou travailler un cheval dont le cou et la tête restent immobiles, la pres- sionsanguine baisse dans la carotide, et cependant on voit l'écoulement de lymphe par le lymphati- que cervical s’accélérer de manière à atteindre une valeur trois à cinq fois plus forte qu'auparavant. 7. — La lymphe recueillie dans des conditions physiologiques différentes (repos, marche, masti- cation, travail de traction) présente chaque fois une composition spéciale, différente, quine dépend nullement de la composition du sérum sanguin (ou du plasma) qui a donné naissance à cette lymphe. 8. — La pression osmotique (pouvoir d’attrac- traction pour l’eau) de la lymphe qui s'écoule par la veinelymphalique cervicale est plus grande que celle du sérum de la jugulaire. La théorie de la sécrétion de la lymphe a été, en général, favorablement accueillie parlesphysio- logistes, et elle risquait de passer dès maintenant dans le domaine de la physiologie classique, si des objections très sérieuses ne lui avaient été opposées de différentes côtés. Je reprends successivement les différents argu- ments de Heidenhain et de Hamburger, afin d’ex- poser les objections qu’on peut leur faire avec Starling ?, Cohnstein * et Popoff ‘ : 1.Starling et Popoff ont fait observer que l’occlu- sion de l’aorte thoracique n’abaisse pas la pression sanguine dans tous les territoires vasculaires d’où provient la lymphe du canal thoracique. Si les membres postérieurs, les reins, la masse gastro-in- testinale sont, dans ce cas, à peu prèsexsangues, il n’en est plus de même du foie, qui contient encore une grande quantilé de sang, sous une pression voisine de la normale : en effet, l’occlusion de l'aorte produit une augmentation de pression dans la veine cave inférieure, tandis que la pression de la veine porte se trouve à peine diminuée. Les con- ditions de la formation de la lymphe par filtration mécanique existent donc toujours au niveau des capillaires du foie. Or Starling a démontré que le peu de lymphe que fournit encore le canal thora- cique après occlusion de l’aorte, provient exclusi- vement du foie : en liant les lymphatiques du foie 1 Zeils. f. Biolog. 1893. 2 Journal of Physiology, XVI, p. 224, 1894 et XVII, p. 30, 1894. 3 Arch.f. d.ges. Physiologie, LIX, p. 350, LX, p. 24, et LXII, p. 58, 4895 4 Centralbl. f. Physiologie, IX, p.52. 1895. au voisinage de l'entrée de la veine porte, ontarit complètement, dans celte expérience, l'écoulement de lymphe par le canal thoracique. Slarling a montré aussi que Heidenhain avait eu tort de raisonner, à propos des variations de la pression artérielle, comme si ces variations entrai- naient nécessairement des variations correspon- dantes de la pression dans les capillaires des or- ganes abdominaux. Or c'estcette dernière seule, et non la pression artérielle, qui règle l’importancede la filtration de lymphe : s’il n’y a pas parallélisme entre les variations de pression artérielle et les variations de l'écoulement de la lymphe du canal thoracique, ce parallélisme existe entre ces der- nières variations et celles de la pression intra-ca- pillaire. 2. — L’injection de peptone, d'extrait de muscle d’écrevisse, elc., augmente la quantité de lymphe formée, sans augmenter la pression sanguine. lei on peut répondre que la baisse de pression est due à une dilatation des petites artères, et que la peptone et les autres lymphagogues peuvent parfaitement agir également sur la paroi des ca- pillaires et les rendre plus perméables sans qu'il soit nécessaire d'admettre une action excitante, spécifique, de ces lymphagogues. Les capillaires devenant plus perméables, il est naturel qu'une pression égale (cas de l'extrait de sangsue) ouplus faible (propeptone) suffise cependant pour produire une augmentation danslaproductionde la lymphe. Cohnstein a d’ailleurs montré que le sang addi- tionné de peptone filtrait plus facilement à travers une membrane organique, et Popoff admet que la peptone augmente la pression dans la veine porte. 3. — Les faits signalés ici ne sont pas incompa- libles avecla théorie mécanique. Il suffit d'admettre que, lorsque l’endothélium vasculaire a été altéré par une anémie prolongée, sa perméabilité n’est plus susceptiblecomme auparavant d’être modifiée par l’action locale de lapeptone, étant déjà portée au maximum par l'altération due à l’anémie. 4. — Heidenhain reconnait lui-même que le drai- nage des tissus qui s'effectue au profit du plasma sanguin et de la lymphe, à la suite d’une injection de sucre ou de sel, est conforme aux lois de la dif- fusion et de la filtration, et que les différents sels agissent ici conformément à la valeur de leur équi- valent osmotique. Quant au fait que le sang con- tiendrait à un certain moment moins de sucre ou de selque la lymphe qui est formée en mêmetemps, ce fait est formellement contesté par Popoiff et Cohnstein. Cohnstein insiste sur la difficulté de déterminer, pour chaque échantillon de Iymphe re- cueillie, l'échantillon de sang aux dépens duquel cette Ilymphe a été formée. Entre le moment où l'on recueille lalymphe et celui où elle s'estformée, L. FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 101 il s'écoule un temps assez long qu'il est difficile de déterminer. La seule façon d’opérer correctement, d'après Cohnstein, c’est de recueillirun grandnom- bre d'échantillons de sang et de lymphe, d'y déter- miner la proportion de la substance (sel ousucre)qui sert à l'expérience, de seservirdes valeurs trouvées pour construire la courbe, en fonction du temps, de la teneur ensucre ou en sel du sang et de lalymphe, et de ne comparer entre eux que les maxima des deux courbes. Le maximum de sucre ou de sel n’at- teindrait jamais, d’après lui, dans la lymphe, la va- leur du maximum présenté par le sang. 5. — Si la filtration rend difficilement compte des faits cités au n°5, la diffusion nous en offre au contraire une explication satisfaisante. Les cellules de la glande mammaire enlèvent constamment de la chaux à la lymphe environnante : celle-ci con- tenant fort peu de CaO, cette substance, en vertu des lois physiques, doit constamment tendre à dif- fuser de l’intérieur des capillaires vers l'extérieur, sans qu'il soit nécessaire qu'une grande quantité d'eau traverse en même temps la membrane. 6. — L'augmentation de l’écoulementdelalymphe du cou d'un cheval dont le tronc et les membres sont seuls en mouvement, s'explique peut-être par le fait que la tête et le cou ne sont pas réellement au repos dans ce cas, et présentent des contractions musculaires exerçant un véritable massage sur les origines du système lymphatique. 7 et8.— La composition chimique de lalymphe, et son indépendance vis-à-vis de la composition chimique du plasma ou dusérum, peuvent dépendre d'échanges chimiques entre la lymphe et les élé- ments histologiques des tissus. L'argument aurait une plus grande valeur s’il s'appliquait au liquide tel qu'il transsude à travers la paroi des capillaires. Mais il n’en est pas ainsi: la lymphe que nous re- cueillons a parcouru un long trajet, et a dû se mo- difierenroute.C'estparl'intermédiaire delalymphe, eneffet, que se fonttous leséchanges nutritifs, res- piratoires et autres, entre le sang d’une part, etles éléments vivants de nos tissus de l’autre. De plus, il est bien difficile de pouvoir comparer un échan- tillon de lymphe avec l'échantillon de sérum cor- respondant: le sang et la lymphe se modifient constamment. Il faudrait savoir exactement le temps qui s’est écoulé entrele moment où lalymphe est recueillie et celui où elle-s’est formée, pour re- trouver parmi les échantillons de sang recueillis celui qui correspond à la lymphe analysée. Comme on le voit, la question de la formation de la lymphe reste ouverte, et c'est à des recherches nouvelles à décider entre l’ancienne théorie méca- nique de Ludwig et la théorie physiologique d’Hei- denhain. Nous allons voir 'que les mêmes divergences existent quand ils’agit d'expliquer larésorption des liquides au niveau des surfaces séreuses. V. — DIGESTION. ABSORPTION INTESTINALE. EN GÉNÉRAL. ABSORPTION Digestion. — Dastre a fait, devantle Congrès, une très intéressante communicalion sur l’action que les solutions’ salines exercent sur la fibrine, la gélaline, etc. Cette action est en tout comparable à celle des ferments digestifs. On a donc le droit de parler de digestion saline. L'auteur avait pris les précautions les plus minutieuses pour exclure avec certitude toute erreur provenant de l'intervention accidentelle de microbes. Herzen a répété à Berne ses expériences et celles de Schiff sur le rôle que la rate joue, d’après eux, dans la digestion gastrique ‘. Différents physiologistes ont développé, dans ces dernières années, l’idée que le pneumogastrique contenait les filets qui président à la sécrétion du suc gastrique, et que ce nerf joue vis-à-vis des glan- des à pepsine le même rôle que la corde du tym- pan vis-à-vis de la glande sous-maxillaire. Bohlen vient d’en donner une démonstration nouvelle. D'après Bohlen? l'excitation du boutpériphérique du pneumogastrique produirait une variation d’abord positive, puis négative du courant propre delamuqueuse stomacale. L’effet produit se montre encore après occlusion de l’aorte thoracique, ce qui permet d’exelure l’action vaso-motrice sur les vaisseaux de l'estomac. L’excitation est d’ailleurs pratiquée immédiatement au-dessus du diaphrag- me, afin d'exclure l'interposition des filets cardia- ques et la chute de pression qui suivrait leur exci- tation. L'effet ne se montre plus après empoison- nement par l’atropine, ce qui est bien en rapport avec l’idée qu'il s’agit d’une excitation des filets sécréteurs du pneumogastrique. Lüscher s'est occupé devant le Congrès de la contraction de l’æsophage qui se produit par exei- talion du récurrent. Absorption à la surface intestinale. — Heidenhain* isole sur un chien vivant une anse intestinale, au moyen de deux ligatures, en ayant soin de respec- ter les connexions vasculaires et nerveuses. IL y introduit des solutions salines de composition connue, et, après un séjour plus ou moinslong dans l'intestin, il recueille le liquide restant et le sou- met à l'analyse. Il constate de cette façon que des liquides isotoniques, c'est-à-dire ayantmême point de congélation et même pression osmolique que 1 Voyez la Revue gén. des Sciences du 15 juin 1895, p. #94 à 506. 2 Centralbl. f. Physiol., 1894., p. 353 3 Arch. f. d. ges. Physiol., LVI. 102 L. FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE le sérum sanguin (par exemple solution de chlorure de sodium à 1 °/,, sérum emprunté à un autre ani- mal) et même desliquides à concentration plus éle- vée (notamment une solution de chlorure de sodium à 2°/,) sont absorbés assez rapidement, contraire- ment aux lois de l’osmose. Ce n'est que si l’on em- ploie des solutions très concentrées que l’osmose reprend ses droits, et qu'on observe une transsu- dation de liquide allant du sang vers l'intestestin. Les liquides isotoniques ou modérément hyperiso- toniques (NaCI à 1 et2°/;) sont donc poussés de l'intestin vers l’intérieur des vaisseaux sanguins par une force autre que l’osmose ou la diffusion. Heidenhain a montré, parune série d'expériences fort concluantes, que celte force est intimement liée à l'intégrité des propriétés vitales du revête- ment de l'intestin. En effet, en tuant les cellules par le contact d’une solution de fluorure de sodium, les solution salines ne sont plus absorbées qu'en vertu des lois de l’osmose seule. Les solutions iso- toniques et hypertoniques ne cèdent pas de leur eau et les solutions hypotoniques ne cèdent pas de leur sel au sang. Absorption à la surface des séreuses. — On connait les expériences déjà anciennes de Recklinghau- sen ! sur l'absorption des corpuscules solides par les orifices béants des stomates lymphatiques à la surface des séreuses péritonéale et pleurale. Dybkowsky ? montra le rôle de pompe aspirante et foulante que jouent les mouvements respira- toires de la cage thoracique sur cette aspiration des liquides contenant des particules solides en suspension; mais il avait constaté aussi que les vaisseaux sanguins peuvent jouer un rôle impor- tant dans l’absorplion des substances dissoutes. Wegner *, Nikolsky (1880) et d’autres confirmè- rent pleinement ces recherches, et constatèrent le passage de globules rouges du sang, de granules de matières colorantes insolubles, etc., dans les lymphatiques des surfaces séreuses du diaphragme. Starling et Tubly { ont montré récemment que les substances dissoutes, et notamment les matières colorantes (solutions d’indigo-carmin ou de bleu de méthylène), injectées dans les cavités séreuses, (plèvre) passent rapidement dans le sang, et se retrouvent dans les urines, bien avant que la lym- phe recueillie par une fistule du canal thoracique commence à se colorer. D'ailleurs, l'absorption se produit également après ligalure du canal thora- cique. Ils en conclurent qu’on avait exagéré le rôle des lymphatiques dans l'absorption, et que les 1 Virchow's Archiv., XXVI. ? Ludwig's Arbeilen, 1886. % Arch. f. klin. Chirurgie, XX. Journal of Physiology, XNI, p. L41, 1894. membranes séreuses absorbent principalement par leurs vaisseaux sanguins. Ces premièresexpériences les avaient conduits à admettre que les lois de l'osmose et de la diffusion ne suffisent pas à expli- quer l'absorption, et qu'il faut, avec Heidenhain et Orloff, admettre une intervention vitale, soit des cellules endothéliales de la séreuse, soit des vais- seaux sous-jacents. Heidenhain et Orloff' avaient constaté que, si l’on injecte dans la cavité péritonéale un liquide contenant moins de sel que le plasma sanguin, ce sel n’en est pas moins absorbé et que pareillement des liquides isotoniques et hyperisotoniques sont absorbés. Ils considérèrent cette absorption comme incom- palible avec les lois de l’osmose et comme ne pou- vant s'expliquer que par une intervention active des cellules vivantes qui constituent le revêtement de la séreuse. Quelques tentatives de destruction de ce revêtement vivant au moyen de fluorure de sodium semblaient conduire aux mêmes conclu- sions. Leurs expériences ont été répétées et variées par Starling et Leathes ? et par Hamburger”. Ces expérimentateurs ont montré que les liquides iso- toniques au plasma sanguin, injectés dans le péri- toine, dans la plèvre ou dans le péricarde du chien ou du lapin vivant, sont absorbés peu à peu, même si le canal thoracique a été lié au préalable. Leur pouvoir isolonique ne change pas pendant l'absorption. Hamburger a montré que les liquides hyperiso- toniques (sérum concentré par évaporation préa- lable, solutions concentrées de sucre, de sel, ete.), aussi bien que les liquides hypisotoniques injectés dans les cavités séreuses, deviennent rapidement isotoniques et sont absorbés. L'absorplion par les lymphatiques peut être exclue par ligature préa- lable du canal thoracique. Hamburger et Starling ont tenté d'expliquer l'absorption de ces solutions en faisant intervenir l’osmose, la diffusion et l’imbibition. On peut eri- tiquer leurs tentatives d'explication physique. Ge qui parait bien élabli par leurs expériences, c'est que l'absorption n’est pas liée, comme l'admet Heidenhain, à l'intégrité des cellules vivantes qui tapissent les cavités séreuses. On peut en effet tuer ces cellules au moyen de solutions de fluorure de so- dium notablement plus concentrées que celles employées par Heidenhain pour l'intestin, les cau- lériser par des liquides fortement acides, ou par de l’eau bouillante, sans changer le sens du courant de liquide. Les solutions hypisotoniques, hyperi- sotoniques, aussi bien qu’isotoniques sont encore ee ——_————___— 1 Archiv. f. d. ges. Physiol., LIX, 1895, p. 170. 2 Journal of Physiology, XVII, p. 106, 1895. 3 Archiv für Physiologie, 1895, p. 281. . L. FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 103 absorbées à travers ce revêtement séreux rendu inerte. Il s'agit bien de phénomènes purement physiques. Hamburger a montré que l'absorption se produil encore sur le cadavre, si l’on a soin d'entretenir une circulation artificielle à travers les vaisseaux de la surface séreuse. VI.— GLANDES {SÉCRÉTION INTERNE -ET EXTERNE.) On se rappelle que Brown-Séquard et Meyer avaient publié des faits tendant à prouver l'exis- tence d’une sécrétion interne du rein. Une partie au moins des symptômes de l’urémie qui survient après l'ablation des reins, serait due, d'après eux, moins à l'accumulation des produits urinaires, qui ne sont plus éliminés par la sécrétion externe des reins, qu'à la suppression de la sécrétioninterne de l'organe. Vitzou a apporté des faits nouveaux à l'appui de l'opinion de Brown-Séquard et de Meyer. Il a pro- longé la vie des animaux chez lesquels avait été pratiquée l’extirpation des reins, en injectant, sous la peau où dans les veines, du sang veineux rénal défibriné, recueilli chez des animaux normaux. Ce sang veineux semble donc se charger dans le rein d'un produit de sécrétion interne utile à l’orga- nisme. Lanz a montré une série d’animaux chez lesquels l’extirpation du corps thyroïde a produit les symp- tômes classiques. À signaler notamment un chien sur lequel la thyroïdectomie a été pratiquée il y a six mois. On le conserve en vie au moyen d’injec- tions de suc thyroïde, ou en lui faisant manger de la thyroïde. Dès qu’on suspend le traitement, l'ani- mal montre des symptômes nerveux alarmants. Il supporte mal le régime animal. Phisalix a exposé les résultats de ses recherches sur l'immunité conférée par une injection intrapé- ritonéale de sang de salamandre vis-à-vis de l’ac- tion toxique du curare. Une grenouille, un cochon d'Inde, immunisés de celte facon, supportent des doses de curare quatre fois plus fortes que celle qui sufliraient, dans les conditions ordinaires, à les tuer. M. Cremer a traité la question du parallélisme du pouvoir fermentescible et de l'aptitude à la transformation en glycogène des différents sucres chezles plantes. VIT. — SYSTÈMES NERVEUX ET MUSCULAIRE. Système nerveur. — Les notions nouvelles intro- duites dans l'histologie du système nerveux par les recherches de Golgi et de Ramon y Cajal com- mencent à fixer l'attention des physiologistes. Il y a quelques années, on considérait les centres ner- Yeux Comme constitués essentiellement par des cellules nerveuses étoilées, dont les prolongements plus ou moins ramifiés, arborisés, se continuaient directement de cellule à cellule. Les fibres ner- veuses périphériques, tant sensibles que motrices. étaient pareillement en rapport direct avec les cel- lules étoilées centrales ; de sorte que tout le sys- tème nerveux était censé constitué par un réseau de filaments et de cellules communiquant directe- ment les uns avec les autres. L’influx nerveux circulait le long de ces filaments nerveux comme l'électricité le long des fils télégraphiques. Or Ramon y Cajal a montré que les cellules ner- veuses sont en rapport les unes avec les autres, non par continuité, mais par simple contiguité des arborisations terminales de l’une avec les prolon- gements de protoplasme de l’autre. La contiguité serait plus ou moins intime : les prolongemenls des cellules nerveuses seraient douées d’un cer- tain degré d’amiboïsme, c'est-à-dire qu'ils pour- raient, suivant les circonstances, se rétracter ou s’allonger. Dans le premier cas, la continuité serait interrompue ; dans le second, elleserait renforcée, d’où obstacle ou facilités plus grandes offertes au passage de l’influx nerveux se rendant d’une cel- lule à l’autre. Lépine ! et Mathias Duval ? ont cher- ché à appliquer ces notions à l'explication des phé- nomènes de sommeil, d'inhibition, ete., et aux symptômes des maladies nerveuses. Suivant la théorie histologique du sommeil de Duval, « chez l’homme qui dort, les ramifications cérébrales du neurone sensilif central sont rétractées, comme le sont les pseudopodes d'un leucocyle anesthésié, sous le microscope, par l’absence d'oxygène et l'excès d’acide carbonique. Les excitations faibles portées sur les nerfs sensibles provoquent, chez l'homme endormi, des réactions réflexes, mais ne passent pas dans les cellules de l'écorce cérébrale : des excitations plus fortes amènent l'allongement des ramifications cérébrales du neurone sensitif, par suite le passage jusque dans les cellules de l’é- corce, et par suite le réveil, dont les phases suc- cessives traduisent bien ces rétablissements d’une série de passages précédemment interrompus par rétraction et éloignement des ramificalions pseu- dopodiques ». On peutétendre ces notions aux différents modes fonctionnels des centres nerveux et trouver une explication aux phénomènes de mémoire, d’asso- ciation des idées et même comprendre histologi- quement les résultats de l'habitude, de l'éducation. C'est ainsi que E. Tanzi* a fait remarquer que «comme tout acte fonctionnel réiléré hypertrophie l'organe qui en est le siège, le passage répété des 1 Revue de médecine, 1894, p. 711. 2 C. R. Soc. Biologie, 1895, p. 74 et 86. 3 Rivista sperim. di Frenalria, 1893. 10% L. FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE courants nerveux doit provoquer l'hypertrophie dans les cellules nerveuses en fonction; si cette hypertrophie a lieu dans le sens de la longueur du prolongement, elle diminuera la distance entre les parties qui doivent communiquer; quand le pas- sage de neurone à neurone devient plus facile, par plus de proximité, il devient inconscient; c’est pourquoi les actes habituels, automatiques, sont inconscients. » M. Demoor a fait à Berne une communication se rapportant au même ordre d'idées. Il a constaté que l’anesthésie était accompagnée de changements histologiques des prolongements des cellules cor- ticales chez les animaux narcotisés. Chez les ani- maux morts sous l'influence de la morphine ou du chloral, les prolongements des cellules corticales deviennent moniliformes, ce qui n’a pas lieu chez les animaux tués par asphyxie ou décapitation. MM. V. Uexküll, Wedenskij, Arloing, Ewald, Fano, Sherrington, Mott, Asher, Birch, Vitzou, Wal- ler, Langley, Boruttau, Mann, Lüscher, Schiff, Gaule, Gotch, Beck, Cybulski, ont fait à Berne une série d'expériences et de démonstralions se rap- portant en partie à des faits déjà publiés antérieu- rement. On a particulièrement été frappé, comme dans les congrès précédents, de la virtuosité ma- gistrale avec laquelle les physiologistes anglais, Sherrington, Langley, etc., exécutent les vivisec- tions les plus délicates sur les centres nerveux. Système musculaire. — Gaule a démontré les altérations des fibres musculaires qu’il aobservées à la suite de l’excitation du sympathique chez le lapin. Burdon Sanderson a exposé ses recherches sur les télanos électrique et strychnique. M. Ruther- ford a fait l'exposé de ses recherches sur les modi- fications histologiques de la fibre musculaire pen- dant la contraction. Bowditeh a montré un modèle illustrant le mé- canisme de l'articulation tibio-tarsienne. IX.— ORGANES DES SENS. U. Kries a développé devant le congrès de Berne une conception nouvelle du fonctionnement de la rétine : la rétine contiendait deux appareils dis- linets excitables par la lumière dans des conditions différentes, l'appareil des cônes et l'appareil des bätonnets. L'appareil des cônes nous donnerait les sen- sations de couleur el ne fonclionnerait que pour un éclairage assez intense. Ilserait en somme peu sensible à une faible lumière, mais organisé de manière à distinguer les différentes longueurs d'onde. Ce serait l'appareil de la vision diurne. L'appareil des bätonnets entrerait en fonctions dès que l'œil est adapté pour une demi-obscurité. Il serait sensible à de très faibles intensités de lumière, mais serait mis hors de service dès que l'éclairage dépasse une certaine valeur: son fonc- tionnement serait en effet lié à la présence du pour- pre rélinien qu'une vive lumière détruit rapide- ment. Cet appareil serait incapable de nous don- ner des sensalions colorées. On sait, en effel, que l’œil ne perçoit plusles couleurs si l'éclairage reste en dessous d’une certaine valeur. On sait aussi » que, dans l'œil adapté pour l'obscurité, le centre de la réline est moins sensible que la périphérie, ce qui s'explique fort bien par la plus grande ri- chesse en bätonnets dela périphérie de la rétine. Axenfeld a fait une démonstration intéressante sur le contraste binoculaire des couleurs. V. Hensen et Einthoven ont fait des expériences … d’acoustique. Schenck s’est occupé de l’action du sympathique sur la pupille. Epstein a signalé des faits d'augmentation de l’acuité visuelle sous l'influence de perceptions | sonores. Comme on le voit, les séances du Congrès de Physiologie ont présenté une grande variété de communicalions et d'expériences intéressantes. De plus le Congrès est entré dans une excellente voie : il a entrepris la réglementation d'un certain nombre de questions d'intérêt scientifique inter- national. Ainsi, il a invité les physiologistes à employer dorénavant dans leurs communications le système. métrique des poids et mesures, et l'échelle du ther- momèlre centigrade. IL a adoplé également un ensemble de règles de bibliographie physiologi- que présentées par une Commission composée de MM. Bowditch, Mosso et Richet. Enfin, il a décidé que le prochain Congrès se tiendrait dans trois ans à Cambridge où le Profes-. seur Foster veut bien nous offrir l'hospitalité de son laboratoire. Le président de ce Congrès est M. Foster, les sécrétaires généraux : Grützner (langue allemande) Sherrington (langue anglaise), Léon Fredericq (lan- gue française.) : Léon Fredericq. Professeur de Physiologie à l'Université de Liège: Bibliographie. — L'auteur a utilisé pour la rédaction de cet article la notice de M. Doyon sur le Congrès de Berne, celle de M, Malbec parue dans {a Tribune médicale et celle de MM. Boruttau et Jacquet dans Centralblatt f: Physiologie et dans Corr-Blatt [. Schweizer Aerzte, ainsi que ses propres notes. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 105 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Poincaré (H.), Membre de l'Institut, Professeur de Physique mathématique à la Faculté des Sciences de Paris. — Capillarité. (Lecons professées pendant le deuxième semestre 1888-89 et rédigées par M.J. Blondin. Agrégé de l'Université). — 1 vol. in-8 de 192 pages avec 68 fig. (Prix : 10 francs) G. Carré. éditeur. Paris, 1895. Rien de particulier à dire de l'exposition des prin- cipes, dans le premier chapitre d’après Laplace, dans le second d’après Gauss et Poisson : c’est le prélimi- naire indispensable à l’étude des lames minces, cha- pitre III, des expériences de Plateau, chapitre IV, et des liquides pesants, chapitre V. Le chapitre VI, qui termine, donne un apercu de l'application du potentiel thermodynamique aux phénomènes capillaires, et renvoie, au surplus, au mémoire connu de M. Duhem. Les chapitres les plus intéressants sont le troisième et le quatrième où les questions délicates de stabilité de l’équilibre sont étudiées d’après les travaux de M. Schwarz sur les surfaces minima. Des considéra- tions d’une extrème simplicité permettent d'établir : 1° que les sections d’un tube orthogonal à une famille de surfaces minima sont égales; 2° qu'une des faces à courbure moyenne nulle est une surface d'équilibre stable quand on peut construire d’autres surfaces à courbure moyenne nulle (satisfaisant aux mêmes con- ditions limites) qui ne la coupent pas ; 3° au contraire, lorsqu'on peut construire d’autres surfaces à courbure moyenne nulle qui coupent la première, l'équilibre est instable. Mais il suffit, pour lerendre stable, de com- pléter les conditions aux limites en fixant la ligne d'intersection par un fil cigide — comme il arrive pour l'hélicoide de Schwarz. M. Poincaré établit alors l'existence d’une limite de stabilité pour le caténoïde sans donner de valeurs numériques, — Il indique en- suite lexistence d’une surface minima passant par deux circonférences parallèles, dont le plan n’est pas perpendiculaire à la ligne des centres; il montre que les sections par des plans parallèles aux bases sont aussi des circonférences, Quant à la forme de la ligne des centres et à la loi des diamètres, elle dépend de l'intégration de deux équations différentielles ordi- naires ; M. Poincaré renvoie au mémoire de Riemann. Les physiciens auraient été curieux de connaître ce qu'indique la théorie à ce sujet, ainsi que pour la li- mite de stabilité, l'expérience étant très facile à faire. Dans le chapitre suivant, on trouve le mode de géné- ration de l’onduloïde et de la nodoïde de Plateau. L’au- teur reprend la discussion de la stabilité du cylindre, pour laquelle M. Mathieu avait émis des réserves sur le résultat à la fois théorique et expérimental de Plateau. 11 montre rigoureusement l'exactitude du résultat de Plateau, et montre bien que le désaccord de Mathieu tient à une position trop générale du problème, Sans poursuivre davantage cette énumération, on voit assez ce que ce livre contient d’utiles perfection- nements sur des points de détail de la théorie des phé- nomènes capillaires particuiiers. Marcez BRriLLOUIN. Petrowitch (Michel), élève à l'Ecole Normale Supé- rieure, licencié ès sciences mathématiques et ès sciences physiques. — Sur les zéros et les infinis des inté- grales des équations différentielles algébriques. (Thèse de doctorat présentée à la Faculté des Sciences de Paris.) —1 vol. in-8° de 109 pages. Gauthier- Villars et fils, imprimeurs-libraires, 55, quai des Grands-Augustins, Paris, 1895. Dans un article (voir la Revue du 15 janvier 1892) consacré à divers travaux récents sur l’équation diffé- rentielle ordinaire du 1% ordre H, j'ai essayé de résu- mer les très importantes découvertes de MM. Fuchs, Poincaré et Painlevé sur les intégrales à points cri- tiques fixes. C'est dans le même domaine que se plaoe M. Petrowitch. Il étudie les intégrales de H qui ont leurs zéros et leurs infinis fixes, c’est-à-dire indépen- dants de la constante d'intégration. Un procédé de figu- ration géométrique (assez analogue à celui de Newton pour l'étude d’une courbe algébrique près d’un point multiple, ou à celui de Briot et Bouquet pour l’étude de H aux abords d'un point singulier) permet de recon- naître si les intégrales ont le caractère cherché ef toutes leurs singularités fixes. H s'intègre alors algé- briquement ou par deux quadratures au plus. Quant aux zéros et infinis mobiles, s’il y en a, la même mé- thode géométrique permet de calculer leurs ordres, qui sont toujours commensurables. L'auteur applique son procédé à divers {ypes clas- siques d'équations H et énonce des résultats intéres- sants. Signalons, pour H linéaire par rapport à la dé- rivée, Le calcul de la limite pour le nombre des inté- grales uniformes distinctes. M. Picard a fait à cette application l'honneur de l’exposer dans son traité d'Analyse (tome III, pages 356 à 359). Pour les ordres supérieurs à un et surtout à deux, les considérations de l’auteur ont un emploi plus res- treint. On est forcé de faire sur les intégrales certaines hypothèses à priori, lesquelles ne sontpas directement vérifiables. Sont néanmoins mis en œuvre ou généra- lisés certains résultats récents de MM. Picard et Pain- levé. Lorsque l’ordre dépasse un et surtout deux, l’équa- tion différentielle introduit comme intégrales des fonctions extraordinairement compliquées, dont on à grand'peine à se faire même une idée. Les propriétés très curieuses abondent., Ainsi certains invariants (in- tégrales « premières ») ne sont tels que vis-à-vis de certaines intégrales d’une nature particulière (algé- briques, ou uniformes, ou périodiques)... ef non vis-à- vis des autres. L'auteur termine par quelques re- cherches sur cette matière. On peut reprocher au travail plusieurs démonstra- tions un peu touffues ou prolixes, mais M. Petrowitch est étranger, Néanmoins la thèse est une mine très riche de faits mathématiques nouveaux ef intéressants. Le jeune géomètre serbe a su profiter largement de l’enseignement donné par nos maitres francais. Il n’a qu’à continuer pour devenir une des lumières scienli- fiques de son pays. Léon AUTONNE. Blanchard (D'R.), de l’Académie de Médecine, Pro- fesseur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. — Les Cadrans solaires dans le Briançonnais, — 4 vol. in-8° de 54 pages avec 31 figures dans le texte. Société d'éditions scientifiques, 4, rue Antoine-Dubois. Paris, 1895. Ce petit ouvrage, très artistiquement illustré, apporte à l’histoire populaire et en action de l’astronomie pra- tique une très intéressante et très élégante contribu- tion. Ecrit, en manière de délassement, par un savant surtout préoccupé de recherches biologiques, il offre un curieux exemple de cette souplesse d'esprit des hommes de science qui font,non sans succès, un doigt de cour aux Muses. La chose est moins rare qu'on ne le croit, Pour avoir fait des tragédies, Claude Ber- nard n’en a pas moins été un admirable physiolo- giste. [PARC ? 106 2° Sciences physiques. Maneuvrier (Georges), Agrégé des Sciences phy- siques et naturelles. — Nouvelle méthode de déter- mination du rapport — pour l'air et d’autres gaz. (Thèse pour le doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. in4° de 232 pages avec 36 fig. Gau- thier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1895. à C La connaissance du rapport F3 des deux chaleurs spécifiques d’un gaz à pression constante et à volume constant présente un intérêt incontestable; si l’on pouvait douter un instant de cet intérêt, il suffirait pour être convaincu de jeter un coup d'œil sur un ta- bleau que M. Maneuvrier a pris la peine de dresser au seuil de son remarquable mémoire et où il reproduit les principales formules de thermodynamique dans lesquelles figure ce rapport. Aussi bien, jugera-t-on pareillement de son importance en comptant les nom- breux mémoires francais et étrangers qui ont été pu- bliés sur la question depuis qu'elle a été posée au commencement de ce siècle; dans un historique pré- cis, exact, M. Maneuvrier cite, étudie, critique plus de quarante auteurs, et sans doute malgré toute son érudition il a dù encore laisser échapper quelques travaux étrangers écrits dans des langues peu fami- lières. On ne saurait trop dire le soin apporté par l’auteur à cette partie souvent négligée; il a su faire une œuvre instructive, fortement documentée, comparable, du moins je l’imagine, à celle que l’on réclame d'un historien ou d’un philologue pour le doc- torat ès lettres ; il a voulu remonter aux sources, scru- ter lesorigines, suivre la question sous toutes ses faces, dans tous ses développements, et rien n’est plus inté- ressant que de voir ainsi comment naît une idée scien- tifique, comment les mesures se perfectionnent petit à petit, comment certains progrès sont oubliés un temps dans des retours imprévus en arrière,comment des idées renaissent après des années de silence. M. Maneuvrier a été largement payé de la peine dépensée pour ces re- cherches d’érudition; il a fait de véritables découvertes : il nous démontre, par exemple, pièces en main, que la part attribuée communément à Clément et Desormes dans la première mesure connue est fort exagérée. L'expérience célèbre faite par ces deux physiciens avait pour but, dans leur pensée, de mesurer le calo- rique du vide; et le mémoire qu’ils publièrent en 1819 comme une sorte de protestation contre l’Académie qui leur avait préféré Delaroche et Bérard et avait décerné à ces savants le prix relatif à la question proposée sur les chaleurs spécifiques, ne renferme que les plus sin- gulières conclusions; à coup sür, ils n'avaient nulle- ment compris l’idée de Poisson et de Laplace sur la différence entre les deux chaleurs spécifiques; ils ne se sont jamais occupés de déterminer le rapport entre ces deux quantités et à Laplace seul revient l'honneur d’avoir interprété correctement la fameuse expérience, et d’en avoir tiré une première valeur numérique. Ainsi préparé par une connaissance si approfondie de son sujet, M. Maneuvrier a pu entreprendre des ex- périences personnelles ; si l’on considère que, malgré les soins apportés par les plus récents expérimenta- teurs, Les résultats obtenus pour l’air par exemple, pré- sentent encore des divergences qui s'élèvent jusqu’à 4/30 de la valeur moyenne, on conviendra qu'il n’était pas inutile d'effectuer une nouvelle série de mesures par une méthode plus simple et plus sûre que les méthodes antérieures. La méthode employée par l’auteur dérive de la méthode de Clément et Désormes, mais les perfec- tionnements sont considérables; l'expérience ne dure qu'un instant extrêmement court, facile à évaluer d’ailleurs; on opére sur une masse de gaz constante, comprimée adiabatiquement dans un vase clos à l’aide d’un piston solide; on mesure la surpression finale à BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX loisir par un ingénieux procédé statique; on dirige enfin toutes les opérations de facon à pouvoir exprimer les données expérimentales à l'aide d’une formule bien connue (formule de Reech) qui, établie pour une substance entièrement quelconque, s'applique par conséquent à un gaz réel, et non plus seulement, comme la formule de Poisson, au cas idéal d’un gaz parfait. L'appareil, habilement construit, a donc fonctionné dans les conditions les plus favorables, et aidé de toutes les ressources d’un laboratoire admira- blement organisé, secondé par les plus habiles con- cours, M. Maneuvrier a pu obtenir d'excellents résultats, Jusqu'à présent les expériences ont porté sur trois gaz, adroitement choisis, parce qu'ils peuvent être considérés comme les trois types de l’état gazeux, l’air, l’acide carbonique et l'hydrogène; les valeurs trouvées pour le rapport = sont 1,392, 1,298 et 1,384. L'appareil et la méthode sont d’ailleurs applicables à toutes les substances gazeuses, et il suffirait de très légères modifications pour rechercher l'influence de la pression et de la température, M. Maneuvrier nous promet cette étude; elle serait bien intéressante et compléterait ainsi très heureusement un travail qui devienda rapidement classique. Lucien PoINCaRÉ. Rocques (X.), Expert-Chimiste, ancien chimiste prin- cipal au Laboratoire municipal de Paris. — Analyse des Alcools et des Eaux-de=vie. — 1 vol. petit in-8° de 200 pages, de l'Encyclopédie scientifique des Aïide- Mémoire, publiée sous la direction de M. Léauté, mem- bre de l’Institut. (Prix : Broché, 2 fr. 50. Cartonné, 3 fr.). Gauthier- Villars et fils et G. Masson, éditeurs. Paris, 1896. L'analyse des alcools est à l’ordre du jour; les préoccupations des pouvoirs publics relativement au contrôle hygiénique des spiritueux font du livre de M. Rocques un ouvrage d'actualité. En dehors de cet ordre d'idées, le volume que nous signalons aujourd’hui présente d'ailleurs un très grand intérèt par le soin et le savoir qui ont présidé à sa rédaction et par les renseignements nombreux qu’il contient sur les diverses méthodes employées pour l’analyse des alcools, méthodes qu'on ne trouve réunies dans aucun autre ouvrage analogue. k Après deux chapitres de généralités sur la classi- fication et la composition des alcools et des eaux-de- vie, l’auteur aborde la recherche qualitative des impu- retés des alcools : aldéhydes ou produits de tête, fur- furol et alcools supérieurs ou produits de queue ; puis il passe à l'analyse quantitative : dosage de l’alcool éthylique, des matières extractives et des matières volatiles étrangères à l'alcool éthylique. ; Un chapitre spécial est consacré aux procédés géné- raux d'évaluation des impuretés volatiles et au dosage des impuretés par fonctions : aldéhydes, éthers, acides, bases, furfurols, alcools supérieurs, Puis vien- nent la dégustation des alcools et eaux-de-vie et quel- ques considérations sur l'analyse des alcools d’indus- trie et des alcools naturels; enfin le volume se ter- mine par l'étude analytique détaillée des divers types d'alcools naturels : eaux-de-vie de vins et de mares, eaux-de-vie de fruits à noyaux, rhums, tafias, eaux- de-vie de cidre et de poiré, whisky. L'ouvrage de M. Rocques renferme, en outre, de très nombreux tableaux se rapportant principalement à l'analyse ou à la composition des spiritueux et qui constituent des documents précieux pour toutes les personnes appelées à s'occuper de l'analyse des alcools. A. HÉBERT. Gérard (E.), Professeur agrégé à la Faculté de Méde- cine et de Pharmacie de Toulouse. — Contribution à l'étude des Cholestérines animales et végétales. — 1 vol. in-8° de 56 pages. Imprimerie E. Marquès et Cie, 22, Boulevard de Strasbourg, Toulouse, 1895. ————————— 3° Sciences naturelles. Brongniart (Charles), Assistant de Zoologie au Mu- séum d'Histoire naturelle. — Recherches pour ser- vir à l'Histoire des Insectes fossiles des temps primaires, précédées d’une Etude sur la nervation des ailes des Insectes. — Thèse pour le doctorat de la Faculté des Sciences de Paris. 1 vol, in-4° avec un atlas de 37 planches in-folio. Imprimerie Théolier, 12, Rue Gérentet, Saint-Etienne, 1895. Ce n’est pas sans intention que nous ayons mis quelque retard à rendre compte de cet important ou- vrage : nous savions que la thèse de M. Brongniart était inscrite au concours du Grand prix des Sciences physiques à l'Académie des Sciences. Cette très haute récompense venant de lui être décernée, nous som- mes aujourd'hui tout à fait à l’aise pour rendre hom- mage à l’auteur; la tâche nous est, d’ailleurs, singu- lièrement facilitée par le Rapport qu'a consacré à cette thèse l’un des juges du concours, un. maître en paléontologie, M. le Professeur Albert Gaudry. Nous ne saurions mieux faire que d'emprunter à l’éminent sa- vant la page où il a ainsi jugé l’œuvre de M. Brongniart: « Son travail, commencé en 1878, a duré seize an- nées. Rien n’a été négligé pour le rendre aussi exact que possible. Comme le plus souvent, les ailes seules des Insectes sont conservées à l’élat fossile, M. Bron- gniart a dû entreprendre une étude toute particulière de la nervation des ailes chez les Insectes, surtout chez les Névroptères et les Orthoptères… « Ce qui étonne surtout dans les Insectes houillers, c’est leur dimension : le Titanophasma est long de 0,25 de l'extrémité de l'abdomen au bord antérieur de la tête, sans comprendre les antennes : le Mega- neura, avec ses ailes déployées, mesure 0,70; l’Ar- chæoptilus n’est pas beaucoup moindre, Les Insectes actuels semblent les descendants réduits de ces géants des temps primaires. Mais, ainsi que le fait remarquer M. Brongniart, les Insectes anciens, bien que supé- rieurs par la taille, ne sont pas arrivés à un perfec- tionnement comparable à celui des espèces de notre époque ; ils montrent par là que, dans le monde animé, la grandeur n’est pas la condition nécessaire du progrès. Le thorax est formé de trois parties bien distinctes, ce qui prouve que les ganglions nerveux thoraciques étaient séparés les uns des autres, au lieu de former une seule masse comme de nos jours, Plu- sieurs Insectes de Commentry ont conservé, à l’état adulte, des caractères qui ne se retrouvent à présent que chez les larves, par exemple : ils avaient des trachéo-branchies sur les côtés de l'abdomen; même, chez quelques-uns, les membranes supérieure et infé- rieure des ailes n'étaient pas intimement soudées, de sorte que le sang pouvait circuler librement, « Une des remarques les plus importantes faites par M. Brongniart est la présence au prothorax d'appen- dices lui semblant représenter des rudiments d'ailes ; les Insectes d'aujourd'hui n'ont que deux paires d'ailes portées par le mésothorax et le métathorax; mais, d’après ce que montrent les Insectes de Commentry, ou peut croire qu'à l’origine, les Insectes ont eu trois paires de rudiments d’ailes, comme ils ont trois paires de membres. M. Brongniart pense que ces rudiments étaient simplement des lames pouvant servir de para- chutes ; plus tard, les lames du prothorax se seraient atrophiées, pendant que celles du mésothorax et du métathorax seraient devenues des ailes. « Les Insectes de Commentry se rapportent à un très grand nombre de genres et d'espèces, Cependant ils ne représentent que les ordres des Névroptères, des Orthoptères, des Thysanoures, des Homoptères. Ainsi, non seulement, ils étaient moins perfectionnés que de nos jours, mais encore moins différenciés, » On ne peut d’ailleurs les faire rentrer dans les fa- milles créées pour les types actuels et il est devenu nécessaire d'établir des groupes nouveaux, Les Né- vroptères, divisés en six grandes familles, comprennent BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 107 quarante-cinq genres dont trente-trois viennent de Commentry ; sur les quatre-vingt-dix-neuf espèces qui les composent, soixante-douze ont éié trouvées dans cette localité. Les Orthoptères, répartis en cinq fa- milles, forment vingt-cinq genres représentés par cent onze espèces. Les Thysanoures n’ont qu’un genre et une espèce; les Homoptères enfin, divisés en deux familles, renferment six genres et douze espèces. Sur cet ensemble, quarante-six genres découverts à Com- mentry sont représentés par cent-une espèces. On voit combien est riche ce gisement exceptionnel et à quel point les naturalistes doivent se féliciter qu'il ait pu être exploité scientifiquement par un ingé- nieur aussi distingué que M. Fayol. Les recherches poursuivies sous sa direction ont fourni à M. Bron- gniart des matériaux d'étude tout à fait remarquables, grâce auxquels un travail de haute valeur vient s’a- jJouter à tant d’autres, de nature diverse, publiés sur la région par M. Fayol lui-même ou par des collabo- rateurs tels que MM. Grand’Eury, S. Meunier, Sauvage, Zeïller, etc. Ces résultats, si honorables pour notre pays, ne laissent pas que d’être appréciés à l’étranger. La preuve m'en a été donnée à Munich où je visitais, sous la conduite d'un aimable et savant collègue, la splen- dide collection paléontologique de l’Université. C’est l’une des plus belles du monde, et, comme je m’arrê- tais, plein d’admiration devant les fossiles justement réputés de Solenhofen : Vous avez aussi bien en France, s’écria mon guide, à Commentry! Ce n'était pas un spécialiste, et cependant l'ouvrage de M. Brongniart, paru depuis deux mois à peine, avait fixé son aften- tion. Il se félicitait d’ailleurs, comme je le fais à mon tour, en terminant cette notice, que les procédés pho- tographiques, employés à la confection d’une partie des planches, aient mis réellement sous les yeux des paléontologistes nombre d’échantillons rares, souvent même uniques et sur lesquels la découverte d’objets nouveaux provoquera, sans doute, par la suite, d’in- téressantes discussions. Jules DE GUERNE. piéri (J.-B.), Professeur au Lycée de Rochefort-sur-Mer. — Recherches physiologiques sur Tapes decus- sata et quelques Tapidées. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). — Un vol. in-8° de 492 pages avec une planche hors texte. Imprimerie E. Jamin, 8, rue Ricordaine, Laval, 1895, M. Piéri a entrepris des expériences physiologiques sur un Mollusque commun de nos côtes, la Palourde {Tapes decussata), notamment sur le mode de locomo- tion, la résistance à l’asphyxie et à la chaleur, la vita- lité des tissus séparés de l’animal, l’action de l’électri- cité et de différents réactifs sur le cœur, l’énergie musculaire, la résistance de la coquille, etc. Je ne doute pas qu'il n'y ait consacré beaucoup de temps et qu'il n’ait enregistré consciencieusement tous les chiffres qu'il nous donne, avec correction de tempéra- ture, etc., mais je me demande, après avoir lu cette thèse, ce qu'il peut en rester. Il n’y a peut-être pas une seule des 35 conclusions finales qu'on ne pouvait prevoir «a priort. M. Piéri croit-il que la réaction alcaline du sang, l’action délétère de l’alcool, du chloroforme, de l’éther, de l’eau distillée, des acides minéraux, d’une tempé- rature de 45°, soient des nouveautés ? Est-ce que tout le monde ne sait pas que la contractilité musculaire se conserve plus ou moins longtemps après la destruction du cœur ou des ganglions nerveux, que la durée de la vie chez un animal en état d’inanition varie avec la taille et la température, qu'une vieille coquille est plus fragile qu’une fraîche, et queles Tapes se déplacent au moyen de leur pied et de leurs siphons? On pourrait faire indéfiniment des travaux ana- logues, avec chiffres à l'appui, sans que les faits connus acquièrent un intérêt plus grand ; c’est du temps et du travail perdus, alors qu’il y a bien mieux à faire. L. CuÉNOT. 108 4° Sciences médicales. Toulouse (Ed.), Chef de clinique des Maladies men- tales à la Faculté de Médecine de Paris, Médecin de VAsile Sainte-Anne. — Les Causes de la Folie. Prophylaxie et Assistance. — 1 vol. in-8° de 448 pages (Prix : 7 fr.50). Soc. d’'Edit. scient. Paris, 1896. La première partie du livre de M. Toulouse est con- sacrée à l'étude des causes sociales, biologiques, phy- siologiques, morales, physiques et pathologiques de la folie. L'auteur s’est donné pour tâche d’exposer sim- plement les faits, et d'essayer de les systématiser, tout en se débarrassant des opinions préconcues qui en- combrentencore la médecine mentale, Dans la seconde partie sont examinés les mesures prophylactiques qu'impose la connaissance des notions étiologiques précédemment étudiées, ainsi que les principes qui doivent présider à l’organisation d’une assistance ra- tionnelle des aliénés. M. Toulouse débute par une critique du rôle de l’hé- rédité en général et de la prédisposition aux troubles psychiques. Bien des faits dans lesquels on voit des manifestations de l’hérédité, sont en réalité suscep- tibles d’une autre interprétation. L'hérédité réelle, la transmission de certains caractères des ascendants aux descendants par voie générative, est exceptionnelle en pathologie. La plupart des cas d’hérédité apparente appartiennent à l’action directe des prineipes morbides sur le fœtus ou sur les cellules génératives. L'auteur montre l'importance des facleurs congénitaux, dont Pinfluence tend aujourd’hui à se substituer à celle de l’hérédité. Des causes nombreuses peuvent entraver la nutrition de lembryon : tels sont les intoxications externes et internes du père et surtout de la mère, les états névropathiques de celle-ci, etc. L'auteur examine ensuite les causes sociales, L’excès de civilisation tend-il à augmenter la population des aliénés ? Cela est très probable, mais non démontré. Les grandes commolions politiques, les idées reli- gieuses, l’extension des libertés publiques (presse, livre, réunions), n’agissent d’une facon défavorable que sur les cerveaux mal équilibrés. Des documents nom- breux font ressortir l'influence des causes biologiques (âge, natalité, vitalité, sexe, etc.) et celle des causes physiologiques (excès et défaut d'exercice, menstrua- tion, puerpéralité). M. Toulouse étudie de près ces deux derniers facteurs. Il attribue un rôle important aux troubles de nutrition de la période menstruelle comme cause occasionnelle du délire, En particulier, le fonctionnement exagéré de lovaire déterminerait une auto-intoxication qui agirait sur certains systèmes nerveux. Les troubles psychiques de la ménopause tiendraient au contraire à un défaut du fonctionne- ment des ovaires. La question des psychoses puerpé- rales est bien présentée, Les délires de forme variée qui se développent pendant la grossesse, au cours de l'accouchement, après ce dernier, ou pendant la lac- tation, ont des conditions étiologiques très variables : auto-intoxications, commotion nerveuse, infections, épuisement. Après avoir examiné la valeur étiologique des émotions et de la contagion mentale, M. Toulouse étudie longuement cette cause importante de la folie : les intoxications. Il expose les caractères des délires toxiques, ceux des délires fébriles, et insiste sur les rapports des psychoses avec les états diathésiques (ra- lentissement de la nutrition). Le chapitre intitulé «Pré- disposition et causes directes » est intéressant; on y trouve les idées générales suggérées à l’auteur par les nombreux matériaux accumulés dans les chapitres pré- cédents. À l'encontre des partisans du rôle prépondé- rant de la prédisposition héréditaire, M. Toulouse met en lumière l'importance des causes dites occasionnelles, qu'on a trop perdues de vue. Il insiste sur le haut inté- rêt qui s'attache à cette étude, non seulement au point de vue de la conception qu’il convient de se faire des conditions de l’éclosion des psychoses, mais aussi en raison des considérations pratiques qui en découlent, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX La seconde partie du livre est consacrée à la prophy- laxie de la folie et à l’assistance des aliénés. Parmi les mesures prophylactiques sociales, la plus efficace serait d'empêcher la procréation de sujets prédisposés à la folie; pour cela il conviendrait de rendre aussi diffi- cile que possible le mariage d'individus atteints de tares personnelles et familiales. Si l’un des deux con- joints tenait sciemment cachée l’existence d'une tare de ce genre, le mariage devrait pouvoir être annulé et des dommages-intérêts devraient être accordés à celui des époux induit en erreur, Une visite médicale des fiancés serait aussi une mesure efficace : la crainte de cette visite ferait rompre bien des pourparlers qui, dans l’état de choses actuel, aboutissent à des unions regrettables. Quant aux alcooliques invétérés, ils de- vraient pouvoir être déclarés déchus de leurs droits d’époux et être abandonnés parleurs conjoints. D’autres réformes seraient encore utiles : telle l'assistance des vieillards, des veuves, des enfants misérables, des dé- générés. L'hygiène fait, elle aussi, partie de la prophy- laxie de la folie; on sait, en effet, que les maladies infectieuses sont fréquemment cause de l'apparition de troubles mentaux. Contre l'organisation actuelle de l'assistance des aliénés, M. Toulouse formule des critiques très vives, très justifiées aussi, IL montre que nos asiles ressem- blent à des établissements pénitentiaires, où tout ma- nifeste la crainte d'une évasion et l'habitude d’une dis- cipline générale appliquée sans discernement. Les asiles d’aliénés devraient être composés de services d’une centaine de lits, ce qui les assimilerait complè- tement aux hôpitaux de traitement. Ils doivent être débarrassés des sujets qui n’y sont pas à leur place (déments, idiots, épileptiques, alcooliques, délinquants, vicieux incorrigibles), et pour lesquels d’autres modes d'assistance sont nécessaires. . On voit combien de questions M. Toulouse a abor- dées et mises au point. Nous signalerons cependant une lacune dans l'étude des causes de la folie : il s’agit de l'influence de la race dont l'examen est à peine effleuré cà et là. Certaines thèses avancées par l’au- teur nous paraissent contestables, entre autres les mesures prophylactiques recommandées contre la syphilis, et l'intervention constante de lEfat, dont les devoirs et les droits sont étendus outre mesure. M. Toulouse regrette, par exemple, que l'Etat ne puisse intervenir pour empêcher certaines unions ; il veut que l'Etat prime une consommation non alcoolique agréable et qu'il aide à sa propagation en faisant de la réclame pour ce produit. Enfin l'Etat « doit supprimer la mi- sère ». M. Toulouse ne craint pas de s’engager dans la voie dangereuse de la réglementation à outrance, en proposant la création d’un livret sanitaire pour chaque individu vivant en France. Sur ce livret, confié à l’au- torité administrative, les médecins seraient tenus de faire la déclaration de certaines maladies mentales clas- sées. Pour empêcher les indiscrétions, les noms des titulaires seraient remplacés par des numéros dont quelques personnes seulement auraient la clef, Ces livrets, nous affirme M. Toulouse, seraient une source de richesses cliniques dont les médecins pourraient tirer parti pour l'étude de l’hérédité. L'auteur ne se fait-il pas illusion sur la sincérité et le soin avec les- quels seraient tenus ces livrets sanitaires ? Et l’intérèt scientifique plus qu'hypothétique que présenteraient … ces paperasses saurait-il compenser le caractère inqui- | sitorial d’une pareille mesure ? à Mais ce ne sont là que des critiques de détail. Il faut louer dans le travail de M. Toulouse l’abondance des matériaux, la critique judicieuse à laquelle ceux-ci sont soumis, les aperçus originaux qu’on rencontre en maint chapitre. M, Toulouse a su rajeunir, en la pré- sentant avec clarté et élégance, parfois en la marquant d'une empreinte personnelle, plus d’une question qui paraissait épuisée. Tous ceux qui s'intéressent aux études de psychologie morbide liront avec fruit les Causes de la Folie. D' Paul SÉRIEUX. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 4109 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADEMIE DES SCIENCES DE PARIS Séanc: du 23 Décembre 1895. Séance publique annuelle. — M. Marey, président, fait un éloge des membres et correspondants décédés au cours de l’année, — On procède ensuite à la déli- vrance des prix de l’Académie pour 1895. — M. 9. Bertrand prononce l'éloge de François-Edouard Paris. Séance du 30 Décembre 1895. M. À, de Lapparent prie l’Académie de vouloir bien le comprendre parmi les candidats à la place vacante dans la Section de Minéralogie, par suite du décès de M. Pasteur. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et Sy adressent leurs observations des comètes Perrine (895, 16 novembre) et Brooks (21 novembre 1895) faites à l'Observatoire d’Alger, à l’équatorial coudé de (%,316. — M. F. Rossard communique ses obser- vations de la comète Faye et de la planète Charlois (9 Décembre 1895) faites à l'Observatoire de Toulouse avec l’équatorial de 0,25. — M. J. Guillaume donne un tableau résumant les observations du Soleil faites à l'Observatoire de Lyon (équatorial Brunner), pendant le troisième trimestre de 1895. Le nombre des taches a élé supérieur à celui du trimestre précédent, mais l'étendue moyenne des groupes continue à diminuer. Les groupes de facules ont un peu augmenté. — M. G. Kænigs expose certaines recherches relatives aux problèmes de variations qui correspondent aux droites de l’espace. — M. Emile Borel donne la définition de la somme d’une série divergente, et celle d’une série uniformément sommable, puis s'appuie sur ces défi- nitions pour établir tout un ensemble de théorèmes relatifs à Ja sommation des séries, En particulier : 4° si les termes d’une série sont des fonctions holo- morphes dans un domaine D d’un seul tenant et si la série est uniformément sommable dans ce domaine, la somme est holomorphe dans D; 2° la somme d’une série uniformément sommable dans un domaine D d’un seul tenant est, lorsque la série est uniformé- ment convergente dans une portion D’ de D, Le prolon- gement analytique dans D de la fonction que la série représente dans D’. — M. N.-U. Bougaïef donne le théorème de Taylor sous une forme nouvelle, — M. Autonne continue d'étendre au cas de trois varia- bles les propositions établies par lui et relatives aux variétés unicursales, Il résout complètement le pro- blème proposé, non seulement pour les variétés uni- cursales, mais aussi pour les variétés algébriques. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Jean Perrin a cherché à approfondir les propriétés des rayons cathodiques. Il établit expérimentalement que ces rayons sont chargés d'électricité négative et même la quantité d'électricité débitée par ces rayons. Les charges positives corres- pondantes cheminent en sens inverse de l'électricité négative et se précipitent sur la cathode, Les faits précédents permettent d'expliquer ainsi le phéno- mène. Au voisinage de la cathode, le champ électrique est assez intense pour briser en morceaux, en ions, certaines des molécules du gaz restant. Les ions né- gatifs partent vers la région où le potentiel croit, ac- quièrent une vitesse considérable et forment les rayons cathodiques ; leur charge électrique et, par suite, leur masse est facilement mesurable, Les ions posilifs se meuvent en sens inverse; ils forment une houppe diffuse, sensible à l’aimant, et pas de rayon- nement proprement dit. — M. Em. Marchand a ob- servé la lumière zodiacale au Pic du Midi et reconnu qu’elle ne consiste pas seulement en cette. lueur fusi- forme qu’on apercoit à l’horizon du côté du soleil, après le coucher ou avant le lever de cet astre, mais encore en une faible trainée lumineuse, dégradée sur les bords, qui, dans le prolongement de l'axe du fais- ceau lumineux visible à l'horizon, fait le tour entier de la sphère céleste, sensiblement, suivant un grand cercle. En outre, l’axe de la lumière zodiacale coïn- cide sensiblement avec la trace du plan de l'équateur solaire, — M. G. Quesneville fait le calcul exact des différences de marche dans la réfraction elliptique du quartz et montre que la théorie d’Airy donne des nom- bres en désaccord avec les premiers. L'auteur donne l'explication de ce désaccord, — M. Aymonnet établit que le maximum calorifique dans les spectres prisma- tiques occupe une position variable avec l’époque et l'heure des observations solaires ainsi qu'avec Le dis- positif et la nature chimique des pièces du spectro- scope. Plus le spectroscope contient de crown et de verre, plus le maximum s’avance vers le violet. — M. Ernest Solvay appelle l'attention sur la liquéfac- tion de l’air par simples détentes successives indéfini- ment répétées de l'air sur lui-même. Ce principe est applicable aussi bien à la production des basses tem- pératures qu'à celles des températures élevées pro- duites par les compressions. Pour un gaz supposé parfait, le travail de compression, de même que le travail de détente, est constant pour chacune des com- pressions ou des détentes adiabatiques successives effectuées dans un même cylindre, entre les mêmes limites de pression et à des températures de plus en plus élevées ou de plus en plus basses, — M. Caïlletet espère que les détentes successives, qui ont l'avantage de ne pas limiter le froid obtenu, permettront d’ame- ner facilement l'hydrogène à l’état liquide. — M. E. Hardy a installé un microphone sur chacun des deux tuyaux sonores utilisés dans sa méthode d'analyse acoustique des mélanges de deux gaz de densités diffé- rentes, Un millième de gaz d'éclairage dans l'air est accusé par trois battements en vingt secondes, deux millièmes par six battements, vingt millièmes par soixante battements dans le même temps. — M, J. Triboulet adresse une note relative à un bolide ob- servé à Mustapha (Algérie), le 14 Décembre 1895. — M. A. Poincaré montre, par des observations faites pendant trois mois lunaires (1° septembre au 28 no- vembre 1883), les effets de la révolution synodique de la lune sur la distribution des pressions dans la saison d'automne. — M. H. Le Châtelier a étudié les condi- tions de la combustion de l’acétylène ; brûlé avec son volume d'oxygène, l'acétylène est susceptible de don- ner une température de 4000», supérieure de 10009, par conséquent, à la flamme du mélange oxhydrique, avec des produits de combustion entièrement formés d'oxyde de carbone et d'ydrogène, c'est-à-dire des gaz réduc- teurs, La température d’inflammation est voisine de 480°, c'est-à-dire beaucoup plus basse que celle des autres gaz combustibles qui est, pour la plupart, voi- sine de 600%. L'auteur a étudié les réactions chimi- ques de la combustion et les limites d’inflammabilité en fonction de la proportion d’air ou d'oxygène mé- langée. — M. L. Maquenne, au cours de ses recherches sur les métaux alcalino-terreux, a appelé l'attention sur la propriété que possèdent les métaux de donner directement avec le carbone et avec l’azote des combi- naisons définies. Un mélange de magnésium et de chaux permet d’absorber rapidement l'oxygène et l'azote de l'air; il reste de l’argon presque pur. — 110 M. Lucien Lévy a repris l'étude de l’action du sili- cium sur le chlorure de titane ; en opérant à la plus haute température d’un grand fourneau à vent, il a pu obtenir des cristaux d’une combinaison de silicium et de titane Ti?Si. A côté de ce composé, il semble se former aussi du titane cristallisé. — M. D. Gernez a étudié la question de la multirotation des sucres en mesurant le pouvoir rotatoire spécifique de ces corps maintenus liquides (en surfusion) et observés aux dif- férentes températures inférieures au point de fusion. 1° Le pouvoir rotatoire de la rhamnose surfondue di- minue régulièrement lorsque la température s'élève et, pour une variation de température de 100°, il de- vient les 61/100 de ce qu'il est à 0°, 2° Si l’on déter- mine le pouvoir rotatoire spécifique de la rhamnose en solution aqueuse, on trouve une valeur plus grande de 1/10 de celle que présente la rhamnose surfondue. On n'a donc pas le droit de supposer que le corps actif dont on mesure le pouvoir rotatoire soit bien la rhamnose C6H1205, H?20. — M. Charles Lauth a pré- paré et étudié les dérivés nitrés et amidés de l’oxala- mido tbiophénol : S fS LASUUN : Ne CSH< C—C CSHS. N A7 Na Les diaminées sont des corps jaunes, qui teignent les fibres animales et le coton non préparé en un très beau jaune. On peut en dériver des diazoïques don- nant des teintures d'un éclat et d’une pureté remar- quables, très stables aux acides et aux alcalis, mais assez fugaces à la lumière, comme les colorants de la déhydrothiotoluidine et les primulines. — M. Albert Colson indique un procédé donnant, simultanément et avec les meilleurs rendements, les monochlorhy- drates d’amides et les chlorures d'acides. On mélange un nitrile avec un acide et l’on sature par de l’acide chlorhydrique sec le mélange refroidi à 0°. La réaction est celle-ci : RCAz+R'CO?H+2HCI=RCOAzH?.HCI+RCOCI. La formation des chlorures d'acides se fait encore plus aisément quand on remplace l’acide à chlorure par son anhydride. —M.A. Brochet a vérifié que le chlore et le brome donnent de l’oxyde de carbone en agis- sant sur l’aldéhyde formique. Cet oxyde est transformé en acide carbonique par le passage intermédiaire en dérivés chlorés etbromés. Ces productions secondaires, oxyde de carbone et acide carbonique, ont lieu éga- lement quand on prépare l’aldéhide formique par combustion incomplète de l'alcool méthylique et ex- pliquent les mauvais rendements auxquels on arrive, — MM. Barbier et Bouveault ont étudié l’action de la combinaison de l’aldéhyde contenue dans l’essence de lémon grass avec la semi-carbazide ; ils ont obtenu trois semicarbazones isomères et répondant {toutes à la formule : C10H16—A7—AzH.CO.AzH2. A deux de ces semi-carbazones préparées en quan- tité suffisante correspondent deux aldéhydes distinctes contenues dans l'essence. — M. J. de Rey-Pailhade a reconnu que la laccase et le philothion se rencon- trent ensemble dans beaucoup de graines à croissance rapide et que la laccase ÿ détruit le philothion par oxydation avec production d'acide carbonique.—M. D, Sidersky donne un procédé permettant la détermi- nation simultanée de l’acidité minérale et organique dans le jus de betteraves, détermination importante car du rapport de ces deux quantités dépend la régu- larité de la fermentation alcoolique. Son procédé consiste à utiliser, comme réactif colorant, la matière colorante de la betterave qui vire après la neutrali- sation des acides minéraux. C. MATIGNON. 3° SCIENCES NATURELLES. — M, Ranvier étudie le dé- veloppement des lymphatiques, et démontre qu'ils croissent du centre à la périphérie comme des glandes; ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES pour l’auteur, le système lymphatique peut être considéré comme une immense glande vasculaire, ayant son origine embryologique dans le système vei- neux et déversant dans les veines son produit de sé- crétion. Ce produit de sécrétion est la lymphe., — Albert I‘, prince de Monaco, rend compte de la deuxième campagne scientifique que la Princesse-Alice a effectuée pendant les mois de juin, juillet et août derniers, au voisinage des Acores. Ila été fait des son- dages, des dragages de 550 mètres à 4443 mètres. La capture d’un cachalot a permis de trouver dans son estomac plusieurs céphalopodes de grande taille dont un couvert d’écailles. — M. Suess résume l’histoire des Océans. A l’époque triasique, il y avait un grand Océan à la place du Pacifique d’aujourd’hui, mais dé- bordant le contour actuel au Pérou, en Californie, au Japon, en Australie. Cet Océan émettait deux branches, l’une à travers la Sibérie orientale et jusqu’au Spitzherg, — c’est la branche arctique, — et l’autre à travers toute l'Asie centrale et les Alpes jusqu’à la Méditerranée occidentale, qui a recu le nom de Téthys, mer au- jourd’hui disparue, dont certaines parties de la Médi- terranée actuelle, beaucoup plus anciennes que l'Atlan- tique, forment les derniers restes. — M. Danilewsky étudie l'influence de la lécithine sur la croissance et la multiplication des organismes. La lécithine injectée aux chiens augmente considérablement le nombre des globules rouges du sang. On doit attribuer à la léci- thine une influence stimulante directe d’une grande importance sur les processus de multiplication des éléments cellulaires, c’est-à-dire sur l’agrandissement du nucleus et, de là, sur sa métamorphose de multipli- cation. — M. A. Amaudrut étudie comparativement la masse buccale chez les Gastéropodes et particuliè- rement chez les Prosobranches diotocardes. —M. Jou- bin a examiné les Céphalopodes recueillis dans l’es- tomac d’un cachalot pendant le campagne scientifique de $. A. le Prince de Monaco aux Acores. Parmi eux se trouvent deux céphalopodes qui s’éloignent de tout ce qui est connu chez ces animaux, L’auteur propose de les appeler Lépidoteuthis. J. MARTIN. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 24 Décembre 1895. M. Brouardel fait un rapport sur un mode de traite- ment de l’impaludisme proposé par le D' Critzmann. Les lésions de la rate et de la moelle osseuse étant manifestes dans l’impaludisme, M. Critzmann fit ingé- rer à quelques malades, qui en étaient atteints, de la rate et de la moelle osseuse de bœuf. Il survint une amélioration marquée, mais les observations sont trop peu nombreuses ponr permettre une conclusion. — M. Hervieux fait une communication sur la variolo- vaccine. — M. Panas communique les résultats de sa nouvelle méthode de traitement du strabisme non paralytique par élongation des muscles oculaires. — M. le Dr Clozier lit un travail sur l’atonie gastro-intes- tinale, — M. Lejars envoie une note sur la cholécys- tectomie dans la lithiase biliaire. Séance du 31 Décembre 1895. M. Blache est élu associé libre en remplacement de M. Marjolin, décédé. — M. Hanriot est élu trésorier en remplacement de M. Caventou, nommé vice-président. — M. Vallin fait un rapport sur un mémoire de MM. les DS Dubousquet-Laborderie et L. Duchesne concernant la diminution de la fièvre typhoiïde dans la commune de Saint-Ouen Cette diminution doit être attribuée à la substitution d’eau filtrée à l’eau détes- table qu’on y buvait autrefois. Ce fait montre une fois de plus la nécessité de donner de l’eau pure aux habi- tants des villes et des campagnes. Séance du 7 Janvier 1896. M. Empis, président sortant, résume les travaux de l’Académie pendant l’année qui vient de s’écouler. On nt nt ds dites Vis Ent mt 7 CS D ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES procède ensuite à l'installation du Bureau pour 1896. — M. Artaud, de Vevey, présente ses recherches sur la teinture mère de marrons d'Inde dans le traitement des hémorroïdes et sur l’action du suc exprimé de ca- rottes dans l’impetigo et la tuberculose. Séance du 14 Janvier. M. G. Lagneau entretient l’Académie de la situation des enfants privés des soins de leurs mères. La priva- tion des soins maternels pour les enfants assistés, pour les enfants abandonnés par les nourrices placées sur lieu, pour les enfants envoyés en nourrice loin de leurs mères, accroît la mortalité dans une énorme pro- portion. Pour remédier à cet état de choses, il faudrait: 1° multiplier tous les moyens qui permettent à des mères de plus en plus nombreuses de conserver près d'elles leurs enfants : tels sont les maternités, asiles, refuges, crèches, ouvroirs, pouponnières, distributions gratuites de lait pur, secours suffisants pour que les mères indigentes deviennent les nourrices payées de leurs propres enfants; 2 étendre aux enfants de plus en plus nombreux la salutaire loi du 23 décembre 1874 pour la protection du premier âge. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séunce du 21 Décembre 1895. MM. A. Gilbert et S. Dominici ont étudié l’anti- sepsie intestinale produite par les purgatifs salins (sulfate de soude ou de magnésie). Le nombre des microbes augmente d’abord, puis diminue et tombe au-dessous de la moyenne; il se produit ainsi une aseptie, sinon absolue, du moins remarquable du tube digestif, — M. Mosny a trouvé que le sérum sanguin du lapin constituait le meilleur milieu de culture pour le pneumocoque. — MM. Charrin et Cassaing ont étudié expérimentalement le rôle phagocytaire des fol- licules clos de la muqueuse intestinale. — MM. Mol- lard et Regaud envoient une note sur les lésions du cœur provoquées expérimentalement par la toxine diphtérique. — MM. Gilbert et Claude ont recherché le mode de formation des tubercules des voies biliaires en injectant le bacille tuberculeux dans le canal cho- lédoque. — M. Leguen communique une observation de tuberculose ascendante de la glande parotide. — M. de Massary a constaté que les lésions décrites par M. le D' Nageotte comme étant la cause immédiate du tabes, sont absolument banales, n’altèrent en rien la vitalité des neurones sensitifs et moteurs et perdent ainsi toute spécificité. — La Société procède à l’élection d'un membre. M. Binet est élu. — La Société cons- titue ensuite son bureau pour 1896. Sont nommés : Président : M. Chauveau; Vice-Présidents : MM. Char- rin et Giard; Secrétaire général : M. Dumontpallier; Secrétaires : MM. Capitan, Pilliet, Bouvier et Su- chard; Trésorier : M. Beauregard; Archiviste : M. Retterer. SOCIETÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 20 Décembre 1895. M. Maneuvrier expose les origines de la question du C $ rapport > des chaleurs spécifiques des gaz. Newton a le premier donné la formule de la vitesse du son et a fait le calcul en supposant que, dans la propagation des ondes sonores, la température de l'air ne varie pas. Après les déterminations des membres de l’Académie des Sciences, en 1738, il devientabsolument certain que l’écartentre le résultat de Newton et la valeur observée, £ 3 see : écart qui atteint =, ne tenait pas à des erreurs d’expé- rience. Lagrange fit remarquer qu'on pourrait sup- primer lécart en admettant que l’élasticité de l'air dans la compression croît plus vite que la densité, mais il ne s’arrèta pas à cette idée. C’est Laplace qui 111 indiqua le premier, en 1802, que la température de l’air devrait varier par suite du dégagement instantané de chaleur causépar la compression. Poisson, en 1807, mit à profit cette remarque de Lagrange et mit la relation entre la vitesse vraie V et la vitesse V, calculée par Newton sous la forme V = V;,/1 LE K. Les données expérimentales connues au temps de Poisson ne permettaient pas de calculer directement la valeur de K; Poisson se contenta de la déduire de la valeur connue de V;il trouva 1 + K = 1,4254. En 1816, Laplace développa lui-même son hypothèse et démon- FS tra la formule V = V, V= Pour caleuler ©, il uti- (ù lisa, dans des raisonnements basés sur l’hypo- thèse de le conservation du calorique, les résultats d'expériences contenues dans un mémoire de Dela- roche et Bérard sur les chaleurs spécifiques des gaz publié en 1812. En 1819 parutun mémoire intitulé : Détermination expérimentale du zéro absolu de cha- leur et du calorique spécifique des gaz, par MM. Desor- mes et Clément, manufacturiers, où est décrite pour la première fois l'expérience, restée classique, mais tout autrement interprétée aujourd’hui puisque les auteurs cherchaient à déterminer le « calorique absolu de l’es- pace ». En 1823, Laplace, utilisant les résultats de cette ne ; C expérience, calcula une nouvelle valeur 1,354 de = qui mit presque complètement d'accord la formule théorique avec la vitesse observée du son. Poisson lui- même démontra que sa formule était identique à celle de Laplace et donna une démonstration plus simple et plus rigoureuse. Plus tard enfin, Gay-Lussac et Welter, les premiers, exécutèrent l'expérience de Clément et Desormes, dans le but de déterminer avec plus d’exac- L . (Be : - titude le rapport —; ils trouvèrent des nombres variant (a entre 1.372 et 1.314. De nombreux expérimentateurs ont depuis repris ces recherches. — M. Javal présente une explication de certaines illusions d’optique bien connues, Dans ces illusions, qui portent sur des lignes tracées sur un plan avec des dispositions analogues à celles que l’œil est habitué à rencontrer, la perception est faussée par l'interprétation habituellement évoquée par les lignes ainsi disposées. Répondant à une obser- valion de M. Pellat, M. Javal explique pourquoi, après avoir observé, du haut d’un pont, un train passant sous ses pieds avec une vitesse modérée, un observateur qui continue à porter les yeux dans la même direction croit voir les rails filer en sens inverse de la marche du train. Pendant le passage du train, l’œil de l’observa- teur est animé en réalité de deux mouvements; l’un, relativement lent, permet de suivre un point déterminé de chaque wagon ; l’autre, très brusque, ramène l'œil, après le passage d’un wagon, sur un point du wagon suivant que l’on fixe à son tour et ainsi de suite. Après le passage du dernier wagon, ces deux mouvements continuent pendant quelque temps. Le mouvement brusque est trop rapide pour être accompagné d'aucune sensation visuelle; le mouvement lent promène l'œil sur des points du rail qui vont en se rapprochant de l'observateur et celui-ci croit voir le rail se déplacer en sens inverse, — M. d'Arsonval décrit les accumula- teurs de M. René Blot. Ces accumulateurs n'ont pas d’oxydes rapportés. On distingue deux parties : lecadre, avec une âme en plomb antimonié, la partie active cons- tituée par des rubans de plomb qu’on enroule sur l’âme à la facon des fils surune navette, Cesrubans ont de0,5à 1 millimètre d'épaisseur et 1 centimètre de largeur, les uns sont plats avec un quadrillage tel que celui d’une lime, obtenu mécaniquement et les autres plissés; ils alternent dans le cadre. Le montage effectué, on coupe le cadre en deux et on a un élément d’accumulateur; les rubans de plomb pendent de part et d'autre et on a laissé du champ pour le foisonnement qui accompagne l'oxydation. Ces accumulateurs présentent le très grand avantage d’exiger infiniment moins de soins et de pré- 112 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES cautions que les appareils ordinaires. On peut leur demander un régime de décharge de 25 ampères par kilo, les laisser en court circuit des journées entières sans les détériorer. La capacité au moment de la for- mation est de 10 ampères par kilog ; elle va en croissant par la suite. Ils conservent très longtemps leur charge; des accumulateurs, chargés à saturation le 15 juillet, n'avaient perdu, au mois de novembre, qu'un tiers de leur charge. D’autres ont parfaitement fonctionné après avoir été longtemps laissés complètement à sec. Le rendement déterminé par M. Preece, au Post-Office de Londres, est de 0,856 en quantité et de 0,756 en énergie. Quant à la capacité, voici quelques chiffres de compa- raison qui donnent des ampères-heure par livre an- glaise : Hpistein....,..."..# 2 4.34 Système Planté Chloride 2. 2"tte 4.18 A pastilles PERS RRQ 2 40 » Héadland-".""""""°" 2.6% ? Eithanoters ere 3.58 À pastilles one ions 4.85 M. de Nerville a trouvé pour les deux rendements les valeurs comprises respectivement entre 91 et 93 0/, et 74 el 76 °/o. CO. RAyEau. SOCIETE CHIMIQUE DE PARIS Séance du 4 Décembre 1895. M. Joffre a constaté expérimentalement que le phos- phate rétrogradé a une valeur fertilisante inférieure à celle du phosphate tricalcique. — M. Henri Lasne constate d’abord l'existence, dans la partie des super- phosphates insoluble dans l’eau et soluble dans le ci- trate d’ammoniaque alcalin, des phosphates de fer et des phosphates d’alumine, mais aussi la présence du phosphate bicalcique. L’examen microscopique permet de reconnaître très nettement le phosphate bicalcique cristallisé. Il fait remarquer que ies résultats obtenus par M. Joffre sont en désaccord avec ceux d’autres ex- périmentateurs, mais qu'ils peuvent s'expliquer par ce fait que les expériences ont été faites sur une terre très siliceuse, — La Société a recu une note de M. Collet sur la triphényléthanone. Séance du 13 Décembre 1895. M. Béchamp résume ainsi l’ensemble des faits qu’il a démontrés dans ses études sur le lait : 1° L’aigrisse- ment est le phénomène essentiel de l’altération du lait; c'est une fermentation complexe, lactique, acé- tique et alcoolique, sans dégagement de gaz. 2° Ce que l’on appelle la coagulation du lait aigri est un phénomène secondaire : la précipitation de la caséine des caséinates du lait par les acides lactique et acé- tique de l’aigrissement,. 3° L’acide lactique ne coagule pas le lait; il précipite la caséine des caséinates et peut la redissoudre ensuite. 4 Le lait, au moment de la mulsion, contient déjà de l’alcool et de l’acide acé- tique; ils ne font qu'’augmenter pendant et après l’ai- grissement et la précipitation qui lui succède, 5° Les microzymes sont innombrables dans le lait dès l'issue de la glande, ils peuvent en être isolés. 6° Les phéno- mènes de l’aigrissement et de la formation du caillé sont les mêmes à l'abri absolu de l’air, en présence de la créosote ou sans créosote, au contact d’un volume limité d'air ou d’un volume illimité de cet air com- mun, même quand on ne prend aucune précaution contre les poussières atmosphériques. 7° Dans tous les cas, au moment où l’aigrissement a amené la for- mation du caillé, on ne découvre pas autre chose que les microzymes dans la préparation. 8° La créosote, le phénol, etc., à certaines doses déterminées, retardent plus ou moins le phénomène, mais il s’accomplit tou- jours de la même manière. 9 Après la formation du caillé, même en présence de la créosote à dose conve- nable pendant l’aigrissement, des bactéries apparais- sent inévitablement dans le lait. Ces bactéries parais- sent d'une seule espèce. 10° Les bactéries ne sont que la dernière phase de l’évolution des microzymes; les phases qui précèdent sont les microzymes en forme de 8 et des chapelets à 3, 4, 5, 6 microzymes. 41° L'évolution des microzymes du lait créosoté est néces- sairement fonction de la température de l’étuve (30°). 12° Le lait créosoté à la dose qui permet l’évolution microbienne des microzymes, peut être séparé de ses microzymes et globules laiteux par une filtration soi- gnée aux environs de zéro. Le liquide limpide est dé- sormais inaltérable au contact d’un volume limité d'air. 13° La créosote, le phénol, l’éther, le chloro- forme, le sublimé, à dose suffisante, à la température ordinaire de notre climat, empêchent absolument l’évolution des microzymes du lait. Si la dose est assez forte, elle l'empêche même à la température de 30 à 40°, Sous l'influence de ces agents, employés aux doses qui empêchent l’évolution des microzymes, à la température ordinaire, ou à 25, 30, 40°, l’aigrissement ne se produit plus; mais un certain mode de coagula- tion se manifeste après un temps plus ou moins long, qui peut aller à six mois. 15° Les microzymes laiteux deviennent bactéries par évolution, lorsqu'ils ne sont plus dans leurs conditions normales d’existence, qui sont réalisées physiologiquement dans la glande mam- maire ; inversement, les bactéries peuvent, par régres- sion, se résoudre en microzymes lorsque, pour elles aussi, les conditions d’existence viennent à changer. Ce qui est vrai des microzymes laiteux, l’est de ceux des humeurs et tissus; de telle facon que, générale- ment, les microzymes atmosphériques sont des micro- zymes de bactéries et peuvent avoir acquis d’autres fonctions. — M. Tanret, en précipitant parl’alcool ab- solu une solution concentrée de galactose très pure, préalablement chauffée, isole du galactose 6. Ces deux corps sont bien des espèces chimiques différentes, car on à pour le galactose à : (x — + 140°) et pour le ga- D lactose 8 (x — + 81°60). Si l’on opère en présence JT ) d’un millième de phosphates alcalins ou alcalino-ter- reux et si on fractionne la précipitation, on obtient un produit de pouvoir rotatoire inférieur à + 81°6. En recommençant les fractionnements, on finit par obte- nir un produit de pouvoir rotatoire a < + 53°, — D M. Mouréu a reconnu la présence de l’argon et de l'hélium dans une source d'azote naturelle. — M. H. Lasne donne une méthode de dosage de l’alumine dans les phosphates naturels. La soude caustique dis- sout complètement l’alumine, en présence d’un excès d'acide phosphorique. Les autres bases restent inso- lubles, soit à l’état libre, soit à l’état de phosphates. Une double précipitation permet ensuite de séparer l'alumine. — M. Jay a reconnu la présence de l'acide borique dans tous les végétaux qu'il a étudiés; cet acide est très répandu et les végétaux l’absorbent par- tout où ils le rencontrent. Les animaux ne l'utilisent pas pour la formation du lait ou du sang, cependant on en trouve dans l'urine, — M. Grimaux a constaté que le quinéthol est dépourvu de toute action théra- peutique. Le nitroquinéthol, obtenu par nitration di- recte de la base, permet de reconnaître l'acide nitrique ou les nitrates en solution acide. Il se forme dans ces conditions un précipité très peu soluble, encore carac- téristique dans des solutions à mx — M. Adolphe Carnot adresse les notes suivantes : 4° Sur les cristaux des scories de déphosphoration; % Sur quelques phosphates d’alumine naturels et sur un gisement de minervite ; 3° Emploi de l’eau oxygénée dans le dosage pondéral et volumétrique du chrome et du manganèse; 4° Sur l'oxydation du cobalt ou du nickel en liqueur alcaline el en liqueur ammoniacale ; application au dosage de ces métaux; 5’ Sur le dosage de faibles quantités d’arsenic. E, Cuaron. RE RE PEL PE ES CRE EE IR RE Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER TR RL ER TIRE ER pistes hs +5 mn. TE PT PT PP NI EE SMS DER LEE: ire Denis pin à Prés initie ph Étienne RTE St O8 ge ARR Lu à 7: ANNÉE N 3e 15 FÉVRIER 1896 EEE ——"—"— "—"— ——" ————_— REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCE PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES ET LE MUSÉE COLONIAL DE HAARLEM Au moment où la France vient d'agrandir son À domaine colonial, il importe d'étudier les moyens de mettre en valeur ces immenses terriloires con- quis à prix d'argent et de sang. Se préoccuper de l'exploitation des richesses naturelles de nos nou- vélles possessions, rechercher les cultures les plus productives et les plus rémunératices à y introduire, telles sont actuellement les questions que se posent le colon et le commercant français. Dès lors, n'est-il pas intéressant de savoir ce que font nos voisins coloniaux, de connaitre leurs défauts pour les éviter et leurs qualités pour les acquérir ? Or, parmi toutes les nations coloniales, il en est une qui mérite une altention spéciale, et par la richesse de ses possessions, et par sa méthode de colonisation : c’est la Hollande. Les colonies néerlandaises peuvent, en effet, être classées parmi les colonies européennes les mieux cultivées et les mieux administrées. De plus, les Hollandais opèrent, en Extrème-Orient, dans le voisinage de l’'Annam et du Tonkin, et, à la Guyane et aux Antilles, dans notre voisinage im- médiat. Nous ne devons pas oublier non plus que le jour où noscolonies d’Indo-Chineseraient sérreu- sement mises en rapport, nous pourrions trouver dans le voisinage des Indes Néerlandaises un im- porlant élément de trafic. Enfin, les Hollandais nous ayant précédés de plusieurs siècles dans la voie coloniale, leur œuvre peut, sinon nous servir REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. de modèle, du moins nous donner de précieux renseignements. Pour toutes ces raisons, nous voudrions, dans celle Revue, appeler l'attention sur la façon dont la Hollande sait étudier les richesses nalurelles de ses colonies et en lirer profit. Elle a institué à Haarlem un Musée où elle centralise les produe- tions minérales, forestières el culturales deses pos- sessions lointaines, et elle s'applique à vulgariserla connaissance scientifique de ces produits par la pu- blicalion d’atlas richement illustrés, qu'elle répand dans ses écoles. Cetteintelligente entreprise, métho- diquement poursuivie, mérile qu'on la signale. Avant de la décrire, il convient d'indiquer Pimpor- tance du domaine colonial de la Hollande et d'en considérer les richesses. Nousuliliserons, àceteffet, des documents récemment recueillis au cours d’une mission dont nous venons de nous acquitter el que nous avait confiée M. le Ministre des Colonies. I. — LE DOMAINE COLONIAL HOLLANDAIS, $S 1, — Premiers essais de colonisation. La mer, quientoure presque complètement la Hollande, devait forcément attirer l’activité des Hollandais. Aussi, la grande pêche les ayant habi- tués aux expéditions lointaines, ils devinrent rapi- dement d’intrépides navigateurs. Dès le xvr' siècle, ils connaissaient les Indes par les récits des Portu- gais : à cette époque, Lisbonne était l’entrepôl de 3 114 l'Europe; et c'étaient les Hollandais qui distri- buaient au reste de l'Europe les marchandises coloniales accumulées à Lisbonne. Pendant long- tempsils se contentèrent d’être les facteurs el les courtiers de l'Océan; mais ils eurent bientôt l'idée d'aller chercher eux-mêmes les marchandises aux Indes. Plusieurs marchands d'Amsterdam créèrent alors, en 1594, la Compagnie des Pays lointains, qui donna quelques profits. Au commencement du xvir° siècle se fonda une nouvelle société coloniale, la Compagnie des Indes Orientales, et celle-ci prospéra rapidement. Bientôt le drapeau hollandais flotta au Brésil comme à Ceylan, à Java comme au Cap de Bonne-Espérance. Ce qui est remarquable, dès cetle époque, c’est que, partout dans leurs colonies, les Hollandais sont des marchands : nulle part ils n'essaient de s'établir en colons, nide prècher le christianisme, ni de propager leur langue, ni de détrôner les princes. Ils se contentent d’être les premiers épiciers du globe. Un négociant hollandais de la fin du xvrre siècle a prononcé ces paroles qui donnent une idée des aptitudes commerciales de ce peuple : «Si l'on pouvait, par mer, faire un commerce avec l'enfer ,je hasarderais d'y aller brûler mes voiles. » En somme, la politique des Hollandais est toute commerciale, et leur ambilion se borne à servir d'intermédiaires entre l’Europe et les Indes. $ 2, — Domaine colonial actuel. Les colonies néerlandaises occupent encore au- jourd'hui une superficie d'environ 2 millions de ki- lomètres carrés, c'est-à-dire GO fois la superficie des Pays-Bas (fig. 1); leur populalion atteint 35 millions d'habitants, près de 10 fois celle de la Hollande. Il est certain que, sans cet im- mense empire colonial, la Hollande serait disparue depuis longtemps, englou- lie par un des grands pays voisins. Ces colonies peuvent se répartir en deux groupes : 1° Les INDES OCCIDENTALES comprenant la Guyane hol- landaise (fig. 2) et quelques Antilles, dont Curu- cao (fig. 3). Un arbitrage du Czar de Russie a déter- miné, à la Guyane, la limite des possessions fran- çaises et hollandaises : il attribue à la Hollande le territoire compris entre les deux sources du Maroni; 2° Les INDES ortENTALES (fig. 4, page 115), compre- nant la plupart des îles de la Sonde : Java, Sumatra, Banca, Biliton, Bali, Lombok, Sumbava, Florès, la plus grande partie de Bornéo (le reste appartient aux Anglais), les Célèbes, les Moluques, la moilié de A C Fe B Fig. 1. — Superficies com- parées de la Hollande (A C), el de son empire colonial À B). E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES ER RE NS EE l'imor Vautre partie est portugaise), la partie occi- dentale de la Nouvelle-Guinée (dont le Nord est allemand et l'Est anglais). l'ont montré les travaux de Wallace, se partager en deux régions : Fig. 3. est reliée à l’Zndo-Chine par un plateau sous-marin . recouvert de 50 mètres d’eau; sa flore et sa faune sont asiatiques; et la Nouvelle-Guinée, se rattache plutôt à l'Aus= M tralie, dont elle a, du reste, la flore et la faune. Ces , . N ee À u es ont re FN Échelle. de Z. 508-600: Fig. 2. — Guyane hollandaise. Toutes les iles de la Sonde peuvent, comme 4° L'une, comprenant Java, Sumatra el Bornéo, NT ILL Curaçaor PF Cabellos Échelle , de 7. 550:000 __ Possessions hollandaises aux Antilles : Cura cao, Oruba, Buen-Aire. — (Les Possessions de la Hollande sont représentées en blanc). 2 L'autre, comprenant les Célèbes, les Moluques M E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES 115 deux régions sont séparées l’une de l’autre par la ligne de Wallace, véritable fosse de 36 kilomètres de largeur et de 1.000 mètres de profondeur, passant par les détroits de Lombok et de Makassar. C'est surtout dans la partie des Indes orientales, située au nord de la ligne de Wallace, en particulier à Java, Sumatra, Bornéo, que la méthode de colonisation hollandaise peut êlre bien mise en évidence, et c’est là principalement que nous allons l'étudier. Nous laisserons de côté la Guyane hollandaise dont les forêts sont très riches, mais aussi très difli- cilement exploitables à cause de leur insalubrité. $ 3. — Le sol et les richesses minérales. Le sol est, dans toutes les iles de la Sonde, de nature volcanique sur les pentes, de nature allu- nous en croyons M. A. Chaper, ingénieur français, qui a exploilé récemment la vallée du Kapoeas à Bornéo, ces exploitations sont maigres, au moins dans la région hollandaise. Les diamants qu'il a vus à Bornéo rappellent ceux de l'Indoustan; ils sont légèrement teintés et ont peu d'éclat. Un Chinois cependant lui présenta un diamant inco- lore, limpide, avecla cristallisation «en échelons », caractéristique des cristaux de l'Afrique australe. C'est, à n’en pas douter, dit M. Chaper, un diamant du Cap, importé à Bornéo par le Chinois pour faire valoir aux yeux des naïfs, amateurs de con- cessions, la richesse des terrains qu'il exploite. Disons qu'en 1885, les diamants trouvés à Bornéo ont donné 2 millions de francs. Le charbon est surtout abondant à Sumatra, où 100° 10° 120° 130° ETES I 5 = — = = % MERDE CHINE — à OCÉ ir & : Lab == —\à LT borne RENE = = pe = { DTatonee Nr = I Tilarit = S SE \E = 7 Re PARC LE LQUE—— = É = 5 = s à à antea /rarnbas = — . sr DE—CE BE — = pour — te = = Ver, PRE — TT é = \ ; —_—— == = 77 RE — = D —: z 2 —- LS br, a —— . Re a — AUSTRALIE : 100° 2 no = = TS mo ES 130° Échelle de 35.500-000 Fig. 4. — Indesorienlales. — (Les possessions de la Hollande sont représentées en blanc.) viale dans les plaines. Le relief du sol est dû aux nombreux volcans qui s’alignent depuis Sumatra jusqu’à Timor et aux Moluques. Plus de 50 volcans sont encore en activité. À Java, en particulier, ces volcans dressent partout à l'horizon leurs cimes, qui atteignent souvent plus de 3.000 mètres d’alti- tude. L'ile de Bornéo, seule, n’a pas de volcans. Malgré les pluies abondantes, le développement des fleuves est peu considérable, car les mon- tagnes, très proches de la mer, ne laissent former que des torrents. Cependant, Sumatra et Bornéo ont quelques fleuves très importants pour la pénétration commerciale. Les richesses minérales des Indes néerlandaises n'ont qu'une importance secondaire. L'éfain cepen- dant conslitue, pour certaines îles, comme Banca et Billiton, une véritable richesse : la production de Banca s'éleve à 10 millions de francs par an, et celle de Biliton à 16 millions. On a beaucoup parlé de l'or et des diamants de Bornéo; mais, si des mines ont été récemment découvertes à Sawah Lœntoh, et pour l'exploitation desquelles les Hollandais ont construit un chemin de fer de montagne, magnifique travail qui a duré à années et coûté 40 millions. Enfin, près de Sourabaya, qui est l'arsenal mari- time javanais, se trouvent d'importantes exploita- tions de péfrole. Le pétrole est conduit par de longs tuyaux jusqu’à Samarang, où sont de grands dépôts pour la vente. L'exploitation de ces nouveaux gisements est d’une grande importance au moment où l'usage des moteurs à pétrole prend un dévelop- pement considérable. Pour l'exploitation des mines, les indigènes, trop indolents, sont peu utilisés; on emploie des Chinois qui, dans tout l’Archipel, sont plus de 500.000. Malgré les Hollandais, cette infiltration chinoise va en croissant; les Celestiuls détiennent la plus grande partie du commerce : ce sont les financiers des Indes néerlandaises. 116 S > 4, — La flore, les forêts. les cultures coloniales. 41° La flore. — Dans toutes les iles de la Sonde la nature du sol, le relief et le climat chaud et humide, favorisent le développement d'une végé- tation vraiment merveilleuse. Les pluies sont abondantes; la température moyenne, à cause de l'influence modératrice de la mer, est presque constante (25 degrés); elle ne varie pas de 1 degré, du mois le plus froid au mois le plus chaud. De l’ouest à l’est, cette flore offre toutes les transitions entre la flore wsiatique et la flore austra- liènne. Elle est aussi très variée dans la même ile, à cause du relief; les zones de végélation se succè- dent sur les pentes, depuis le niveau de lamerjusqu'aux som- mets volcaniques. Nulle part, dans le monde entier, on ne saurait trouver, pour l'étude de la flore el des cultures tropica- les, des conditions aussi favorables qu'au célèbre Jardin Fig. botanique de Buiten- zorg !, à Java. Les Hollandais, avec l'esprit de méthode qui les ca- ractérise, ont réuni là, depuis 50 ans, toutes les plantes qui sont une ressource pour l’exploi- tation où un ornement pour leurs colonies. Ce jardin coûte près de 400.000 francs par an; il est situé à 300 mètres d'altitude, au pied de la chaine de volcans qui forme comme l’épine dorsale de Java. Il comprend trois parties : 1° Un jerdin botanique, exclusivement scientifique, et au milieu duquel se trouve le Palais du Gou- verneur général des Indes Néerlandaises (fig. 5). À citer la collection de Palmiers, qui est unique au monde, tant il y a d'espèces; les Mullipliants dont chaque arbre est une forêt, les Pandanus, les Or- chidées, les Victoria Regia aux gigantesques feuilles flottantes, les Fougères arborescentes, elc. ; 2% Un jardin d'essai, situé à un quart d’ He de la ville et d’une étendie de 70 hectares: il est con- sacré aux cultures coloniales, et l'on y trouve toutes les plantes ulilisées dans l'alimentation, dans l’industrie el dans la médecine; 3° À Tjibodas, à quelques lieues de Buitenzorg, 1 Buitenzorg est une ville située à 80 kilomètres de Batavia, et lui est rattachée par un chemin defer. E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES —————…—…—…—_—_—_—_——… “mûr 5. — Palais dù Gouverneur généraldes Indes centre du Jardin Botanique à Java. et à 1.350 mètres d’allitude, sur les flancs d’un volcan, le Gédé, se trouve un véritable morceau de forêt vierge : c’est la forêt tropicale dans toute sa majesté et dans toute sa richesse. Enfin, à ce jardin sont annexés un musée très riche, des laboratoires admirablement installés pour l'étude de l'anatomie, de la physiologie et de» la pathologie végétales, et aussi pour l’étude des propriétés médicinales et industrielles des plantes. L'Administration coloniale a même créé, en 1885, un laboratoire pour les étrangers. Depuis cette époque y sont venus travailler : Hol- landais, 1% Alle - mands,6Autrichiens,. 4 Russes, 1 Suédois, 1 Anglais. ?as un Français! Et cepen- dant la France pos- sède, sous les tropi= ques , d'immenses colonies. Le savant, français serait assuré. de trouver près des savants hollandais. un accueil des plus sympathiques. Der nièrement encore , M. Treub, l'éminen directeur du Jardin de Buitenzorg, adressait un appel chaleureux au savants français : je n'ai pas connaissance qu il ait élé entendu. Et, cependant, nous dit M. Lefaivre, un de nos anciens consuls à Batavia!, une somme de 5.000 fr. y compris les frais de voyage el d’un séjour de plusieurs mois, suffirait au savant français. C’est un très léger sacrifice pour notre Gouvernement, si l’on tient compte des faits scientifiques et des renseignement{s pratiques qu'un esprit avisé pour- rail y moissonner. Néerlandaises, au 2 Les forêts et l'exploitation forestière. — Dans un pays nouveau, les sociétés coloniales débutent toujours par l'exploitation des richesses naturelles, des forêts; puis vient la période agricole, pendant laquelle les colons cultivent les produits indispen= sables à notre existence; plus lard, enfin, pour. utiliser ces produits nouveaux, s'installent des usines ; c’est la période industrielle. Les forêts occupent, dans les iles de la Sonde, les pentes des montagnes. C’est la forêt tropicale, £. 1 J. Leravee, Le Jardin Botanique de Buitenzorg, in Cor= respondant, 189%. E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES 117 —— — _-|-—-—-—— - — — — —"— —————————— EL — avec ses arbres gigantesques abritant les fougères arborescentes, avec ses lianes faisant le pont d'un arbre à l’autre, avec ses nombreuses Orchidées ta- pissant les vieux troncs. La plupart de ces forêts sont encore inexplorées et inexploitées : celles de Java et de Sumatra sont les mieux connues, mais celles de Bornéo, des Moluques et des Célèbes sont à peu près incon- construction des càbles sous-marins et des appa- reils électriques. Tandis que les arbres à gutta tendent à disparaitre, la consommation augmente. L'industrie des càbles sous-marins peut donc être entravée, et l’on concoit que cette question inté- resse les ingénieurs et les savants. La disparition de l'arbre à gutta tient au mode d'exploitation barbare des indigènes, qui coupent l'arbre pour en Fig. 6. — Tiges de caoutchouc fournissant la gomme élaslique, à Bornéo. nues et constituent de vastes réserves pour les recherches scientifiques et industrielles. Dans cesiles, la végétation est généralement ré- partie de la facon suivante: à la périphérie, des forêts épaisses; vers l’intérieur, la forêt s'éclaircit ; | et, enfin, au centre, des savanes. Les forêts fournissent en abondance des bois de construction, d’ébénisterie ou de teinture : ébène, acajou, bois de fer, santal, bois de teck, etc. Parmi les richesses forestières, on doit placer en première ligne la gwtta-percha, suc laiteux pro- venant d'arbres qui appartiennent à la famille des Sapolacées et qui poussent surtout à Bornéo et à Sumatra. Les propriétés de cette matière la font utiliser pour isoler les fils électriques dans Ja REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. recueillir le suc, au lieu de se borner à faire des incisions dans l'écorce. Le D' Treub pense qu'une reconstitution méthodique de ces forêts d’arbres à gutta s'impose, el qu'elle est possible. Certaines espèces de Sapotacées, le Palaquium Treubi, par exemple, arrivent en sept ou huit ans aux dimen- sions de grands arbres. N'y aurait-il pas, pour notre colonie d'Indo-Chine, un grand intérêt à acclima- ter cet arbre dans les jardins d'essai de Saïgon et de Hanoï ? Le caoutchouc (fig. 6) donne lieu également à d’im- portantes exploitations. On l'extrait tantôt de lianes, tantôt de grands arbres tels que le Aus. Ces arbres et ces lianes incisés laissent écouler un suc laiteux qui se coagule sous l'influence d'un 32 118 E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NEERLANDAISES acide et donne le caoutchouc. Certaines régions forestières sont presque entièrement formées de ces plantes à caoutchouc. Enfin, citonsles plantes qui produisent la yomme copal, citons anssi le bambou, le camphrier de Sumatra. Les forestiers que la Hollande envoie dans ses colonies sont recrutés avec un grand soin. Après être sortis de l’École d'Agriculture de l'État, où ils ont fait un séjour de deux ans, les élèves fores- tiers sont envoyés à l'étranger, en particulier à l'École Forestière de Tharandt, en Saxe. Ils y suivent les cours pendant une année et rentrent en Hollande, à Leyde, où ils s’exercent, à l’aide des collections de l’Æerbarium, à la détermination des plantes des Indes. Ils touchent alors une gra- tificalion mensuelle de 100 florins. Puis, leur stage terminé, ils sont mis-à la disposition du Gouver- neur général des Indes, quiles pourvoit d’un poste toujours bien rétribué. D'après M. Chaiïlley-Bert, ils reçoivent, par an : les aspirants forestiers, 3.000 florins ; les forestiers, de 3.900 à 9.000florins ; les inspecteurs, de 9.600 à 14.400. 3° Les cullures coloniales. — Le mélange des cendres volcaniques et des alluvions donne un sol des plus fertiles, qui favorise l'exploitation agri- cole. Fig. 7. — Repiquage du riz à Java. La distribution des cultures dépend de l’altis tude : les rizières et les plantations de cannes à sucre occupent les plaines d’alluvion; les épices; le tabac, le café, poussent sur les pentes infé- rieures des montagnes, et le quinquina en des points plus élevés; enfin,plus haut, se trouventles prairies et les forêts. : Le rt, la plante alimentaire par excellence, est cultivé danstous les terrains d’une irrigation facile: A Java (fig. 7), la culture du riz occupe plus de deux. millions d'hectares ; mais la population de ce pays est si dense que la production du riz ne suflit pa toujours à la consommation. Dans la plupart des vallées de Bornéo, la culture du riz est impossible à cause du régime hydrologique, qui ne permet pas de combattre la sécheresse ni d'éviter l’inondation Les rizières sont labourées à la main ou par des bœufs ; puis, à l’aide de canaux construits spécias lement, on les inonde et l’eau pénètre dans ce ter= rain fraîchement remué. Les indigènes repiquenb ensuite, dans ce sol détrempé, les jeunes plants ob tenus en ensemençant quelques semaines aupa ravant un petit enclos spécial. Pendant deux ou trois mois, les rizières restent couvertes d’eau: el le riz est plongé dans 30 centimètres d'eau envi= ron. Le riz mûri est coupé, ballu, puis, enfin, dé: cortiqué et nettoyé par le vannage. E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES 119 Le cafe a été, pendant de longues années, la cul- ture la plus prospère des Indes néerlandaises. C'est Java qui produit le plus de café après le Bré- sil : la production totale annuelle étant de 650 mil- lions de kilogrammes, le Brésil y entre pour 389 millions, et Java pour 70 millions. La produc- tion annuelle, qui atteignait plus de 100.000 tonnes en 1884, à considérablement diminué à cause des dégâts causés par un parasite du caféier, l’Æemi- leia vastatrir. Les plantations de Java, en particu- l'Ouest africain, résiste et se développe à des alti- tudes peu élevées. Sa grande vigueur lui permet de résister au parasile avec le même succès que les vignes américaines au phylloxera. De plus, ses racines, s’enfonçant profondément dans le sol, lui permettent de lutter contre la sécheresse. On peut voir au jardin du Buitenzorg des plants de Liberia, hauts de 6 à 8 mètres, atteints par l'Hemileia depuis plusde huit ans el qui continuent à donner leurs récoltes habituelles (fig. 8). On ne Fig. 8. — Récolle du café Liberia à Buitenzorg. lier, ont élé ravagées par ce parasite. Le tableau I, emprunté aux publications du usée colonial de Harlem, montre bien la décroissance de cette cul- ture : Tableau I. — Production du café à Java (60 kgr.) (60 kgr.) CPR 1.272.600 pikols | 1887...... 411.300 pikols 5 MOIS 1.297.400 — 1888... 905.700 — 1883-75. 1.418.800 — 1889 933.000 — 1884. 1.272.200 — LINE ES 173.300 — CRD 719.100 — RUE ETES 684.000 — SRG Ce 1.090.600 — 1892.... . 1.046.010 — Les cafés délicats cultivés à Java : le Java, l'Arabica, le Padang, demandent des altitudes de 250 à 600 mètres. Tous sont attaqués et décimés par le parasite, Seul Le café Ziberia, originaire de combat pas le parasile par l’aspersion d’un liquide parasiticide ; on se contente de mieux soigner les arbustes et de les mettre ainsi dans un élat de prospérité physiologique qui leur donne une plus grande résistance. Au fur et à mesure que les plants indigènes meurent, les planteurs de Java les remplacent par des plants de Zäberia, qui don- nent d'excellents résultats. Au bout de deux années, un pied de Caféier Liberia peut donner 12.000 capsules, c'est-à-dire 24.000 grains, pesant, secs, environ 1.500 grammes. Comme on peut en planter 1.000 pieds à l’hectare, on estime le rapport, en tenant compte des aléas, à 50 à 80 °/, des capitaux engagés. A Java, les caféiers sont ombragés par des arbres (Albizzia moluscana) qui peuvent atteindre 10 mètres de hauteur en trois aas. M. Treub a fait, sur cette 120 E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES question de l’ombrage, des expériences compara- tives très intéressantes : les caféiers ombragés ont donné des résultats bien supérieurs à ceux des caféiers non ombragés. C'est une indication pré- cieuse pour toutes les plantations de café exposées à de fortes radiations solaires. Dans les régions où les vents sont très forts, on pourrait remplacer l’Albizzia par le Tamarinier. La cueillette du café doit se faire dès qu'il est répandue : en 1881 -elle donnait 223 millions de kilogrammes. Mais, dès 1884, la crise sucrière sévit, les prix baissent, et, seules, les grandes exploi- tations qui introduisent dans leur culture les ressources de la science moderne, peuvent éviter la ruine. Les grandes usines sont alimentées par des planteurs qui leur apportent la canne. Celle-ci, une fois coupée, est transportée au moulin broyeur à l’aide de charreltes peu perfectionnées Fig. 9. — Transport de la canne à sucre par des buffles à Java. mûr, car sa capsule s'ouvre et laisse tomber les graines qui perdent leurs qualités et par suite leur valeur commerciale. À cette époque, la culture du café exige une surveillance continue. Le café Ziberia exige un sol riche en substances minérales telles que le fer et le feldspath. Les fameuses terres ferrugineuses ({erra roxa) du Brésil ne sont-elles pas ies plus propices au Caféier ? Celles de Java ont précisément ces qualités. Cette remarque explique le succès des plantations de café faites à Madagascar, dans le sud de l’Imérina, dans un sol essentiellement volcanique. Des in- succès surviennent souvent, au contraire, dans un terrain trop aluné ou trop calcaire. La culture de la canne à sucre était aussi très et attelées de buffles, de couleur gris de fer, et aux immenses cornes (fig 9). Malgré cette crise, les Indes Néerlandaises restent encore au premier rang des pays producteurs de sucre. La maladie du café et la crise sucrière montrè- rent aux Hollandais les dangers des monocultures ; aussi cherchèrent-ils à développer d'autres cul- tures, telles que celles du thé, du tabac, du quin- quina, des épices, etc. Le {hé, introduit depuis près d’un demi-siècle à Java, donue 3 millions de kilogrammes par an. Les planteurs remplacent depuis quelques années le thé de Chine par le thé d'Assam que Ceylan a lancé sur les grands marchés après la ruine de ses caféières. Les Javanais apportent de très grands E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES soins dans la culture et la fabrication de ce thé (fig. 10), quipeut être comparé pour sa qualité aux hés de l'Inde et de Ceylan. Du reste, ces thés ont remplacé, sur le marché de Londres, le thé chinois, dont la culture et la fabrication négligées don- nent un produit dégénéré et de mauvaise qualité. Les quantités de thé importées en Angleterre, en 1888, étaient, suivant les provenances : 121 hollandaises. De 30 millions de kilogrammes en 1884, elle s'est élevée à 50 millions dans ces der- nières années. C'est dans l’ile de Sumatra que sont cultivées les espèces le plus en renom. Ce chiffre n’est dépassé que par les États-Unis, qui en four- nissent 200 millions. Les plantations de Déli, dans l’ouest de Sumatra, ont rapporté, en 1889, 80 millions de francs. Dans ces derniers temps, des DD Rage Vgnishre Fig. 40. — Dessiccation des feuilles de Thé. ÉTAT amer ne ae AS vec 41.000 Chylan En ere drarsein esse de ml bi ees « 45.000 ACT CEA OP ee eo due POLO EU BC 45.000 CHIN Bas meer es PORC EX 500 La culture du thé est moins lucrative que celle du café : tandis que, dès la troisième année, le café rapporte 50 à 80 °/, des capitaux engagés, le thé n’atteint que 20 à 25 °/,.. Mais il faut reconnaitre que la production du café diminue chaque jour, tandis que celle du thé augmente. Le thé est attaqué par un moucheron que les Malais appellent « bouru » et qui dessèche la feuille et la fait périr, sans toutefois nuire à l'arbuste. Le tabac est, à l'heure actuelle, la culture la plus prospère et la plus rémunératrice des colonies Sociétés allemandes et hollandaises ont établi à Bornéo de vastes plantations qui sont prospères. On sait, du reste, que les terrains volcaniques donnent un tabac très apprécié. Le Æina ou quinquina fut acclimaté à Java par Teysmann en 1850. Quelques plants venant d'Algérie furent plantés à Tjibodas (1350 mètres d'altitude) dans la forêt dépendant de Buitenzorg; depuis, la culture s'est étendue rapidement. L'État fit de grandes plantations à Bandon. Voici les produits de la vente à Amsterdam : Bin 1813.20 RARE er rete 60.000 fr. En 1080.20 SR rene 403.118 — En 1800 ne re 1.691.714 — Le cacao se développe dans les terrains bas et 122 E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES humides; il ne rapporte qu'au bout de cinq à six ans, mais son rendement est supérieur à celui du café. Il n’exige pour ainsi dire pas de culture; quand le fruit est mûr, il reste suspendu à l'arbre et on l’en détache quand on veut. Les épices ont fait de tout temps la gloire des Indes néerlandaises, des îles aux épices, comme on les appelait. Chaque année, 20 millions de kilo- grammes de poivre (Piper nigrum) y sont récoltés, secondaires comme celles de l’errow-root, del'indigo, et surtout celle du cocotier qui se plait dans les terrains meubles et salés et dont un des produits, le coprah, alimente un commerce assez actif. Plus de 35.000 villages du Xampongs selivrent, à Java, aux cultures que nous venons d'énumérer. Toutes ces plantations sont surveillées par des contrôleurs, qui doivent s’assurersi chaque village cultive le riz en quantité suffisante pour son ali- Fig, 11, — Cullure du Poivrier à Sumalra, et Sumatra fournit, à elle seule, la moitié du poivre récolté sur le globe. Ces plantations de poivre sont merveilleusement organisées (fig. 11) : tandis qu’en Cochinchine et à Singapour on donne aux poivriers des tuteurs morts, à Java, on emploie le oualier (tim-tim) comme tuteur vivant; de plus, pour donner plus de vigueur à la plante, on enfouil circulairement autour du tuteur la pousse de la première année. Parmi les autres épices citons la noix de Muscade qui fournit un million de kilogrammes; la cannelle des Moluques, et de Sumatra, qui a conservé son bon renom; enfin la vanille introduite à Java depuis 1841. Enfin, nous pouvons citer certaines cultures mentation, et aussi si les autres cultures sont bien entretenues. Le tableau II (page 123), que nous em pruntons au travail de M. Paris !, donne une idée du nombre de plantations et de leur répartition. L’étendue de chacune de ces plantations peut aller de 5 hectares à 1.500.000 hectares. Ajoutons que, dans ce tableau, ne figurent pas des milliers de plantations de cocotiers et de riz. C'est dans une telle colonie que l’on sent l'in- fluence énorme de l’agriculture sur la prospérité d'un pays. Auprès de ces riches cultures, l'exploi- 1 C. Paris, Voyages d’éludes agricoles, in Revue des Colo- nies, Paris, 1895. + “CR L E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES 193 EEE tation des mines d’or et de diamant, quand elles existent, est d’une mince importance. Tableau II. — Nombre et répartition des planta- tions à Java EAST sou ler lse ÉMan *È -£ 1 Z 2] = £ Ê 2 O0 ..4| Su? A E 8 À 2 à Eva ae ES 4 2 PRODUITS a 2 2x |Aa SEM £ a EM EME RE REC) E è 8 22" 4| %80 | à a a < n| SAS Bi & AL EE A & à 2 QUE PE Café Java 971 30 » 63 1.06% 2 » TAROT OS 6 » 358 og 5 3: » Has atote » $ 5. — La faune. Comme la flore, la faune est séparée en deux ré- gions par la ligne de Wallace : à l’ouest, la faune indienne (Singes, Lémuriens, éléphants, rhinocéros, tigres); à l’est la faune australienne (kangourous, casoars). Les Singes, parmi lesquels l'orang-outang, le gibbon, lenasique, sontsurtout abondants à Bornéo, car les Malais et les Chinois ne les chassent pas, et les Dayaks, les considérant comme des hommes dé- générés, ont pour eux un respect superslilieux *. Cette abondance de singes se retrouve dans les musées hollandais. Le musée de Leyde possède | 1.400 singes montés, 300 squelettes et 900 crânes de singes. Les Oiseaux sont peu abondants, car les croco- diles font la chasse aux oiseaux aquatiques, et les singes et les serpents dévorent les œufs des oiseaux qui font leurs nids dans les arbres et les brous- säilles. A la Nouvelle-Guinée, cependant, lesoiseaux de paradis sont très abondants et donnent lieu à une industrie importante ; malheureusement, la chasse acharnée qui leur est livrée les fera bientôt disparaitre. C’est aussi dans celte région qu'on trouve le Cusour, proche parent de l’Apéeryx de la Nouvelle-Zélande et de l'Œpyornis de Madagas- car’. L'élevage n'est guère développé qu'à Java, où l’on compte plus de 5 millions de buffles et bœufs, et 500.000 chevaux. Les paturâges sont plus abon- dants dans les iles de l’est à mesure qu’on se rap- proche de l'Australie. 1 Dernièrement, le Dr Dubois trouvait à Java les débris (calotte crânienne, molaire et fémur) du squelette d'un singe qu'il appellaitle Pithecanthropus erectus etquiserait, d'après lui, intermédiaire entre l’homme et les singes anthropoïdes. Depuis quelques années des essais sont tentés à Java pour la culture des Æponges. C’est aussi dans ces mers del'Archipel malais qu'on trouve ces belles éponges siliceuses telles que les Euplectelles, les coupes de Neptune, etc. Les pêcheries ont une grande importance à Java, où elles occupent plus de 50.000 pêcheurs. La pêche du tripang (holoturie), dont les Chinois sont très friands, est particulièrement productive. C’est aussi dans la régence de Préang, dans les grottes situées sur le bord de la mer, que se trou- vent les meilleurs nids d'hirondelles ; les Chinois, qui recherchent ces friandises, les paient jusqu'à 1.000 florins (14.000 francs) le picul (60 kilog.) — L'exportation de cette denrée dépasse à Java un million de francs. II. — LA COLONISATION HOLLANDAISE Les Hollandais ont respecté les coutumes, la re- ligion et les institutions politiques des indigènes de leurs colonies. Aussi, leur autorité est acceptée dans toutes les possessions, sauf dans le royaume d’Atchim, au nord de Sumatra, où se produisent de fréquentes rébellions qui imposent à la Hollande des sacrifices d'hommes et d'argent. À cet égard, il semble que la religion des indigènes joue un rôle important : tandis queles Bouddhistes de Javasont doux et dociles, les Musulmans du nord de Sumatra sont en rébellion permanente depuis 1873, Au point de vue politique et administratif, les procédés des Hollandais rappellent ceux que les An- glais mettent en pratique dans l'Inde, mais ils sont tout autres au point de vue économique: ils endifs fèrent surtout par une intervention plus marquée du Gouvernement dans la vie économique du pays. $ 1. — Administration coloniale. Toutes les possessions extérieures de la Hollande sont rattachées au Ministère des Colonies, qui exerce une sorte de protectorat, fortement mélangé d'une part d'administration directe. De ce ministère dépend l'armée coloniale, qui se recrute par enrô- lements volontaires et qui compte 36.000 hommes, parmi lesquels 15.000 Européens, dont 11.000 Hol- landais. De grands avantages réservés aux soldats coloniaux assurent la solidité de cette armée : ils peuvent se marier, ont une forte retraite etobtien- nent ensuite une concession importante. A la tête des Indes Néerlandaises se trouve un Gouverneur général assisté du Conseil des Indes. Le Gouverneur général a des pouvoirs considérables : c’est un véritable vice-roi. Des Résidents, établis dans les principaux centres, relèvent du Gouverneur général. Le recrutement du personnel administratif se fait avec un grand soin. Tous les fonctionnaires 124 ait + RAA pd E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES destinés aux colonies doivent passer plusieurs années à l'École Coloniale de Delft !. Les fonctionnaires coloniaux sont assujettis à un séjour de dix ans; on exige d'eux une connaissance approfondie des langueset des coutumesindigènes ; mais, en revanche, on leur assure une grande sta- bilité et un grand prestige. Aussi, pour eux, la colo- nie n'est pas considérée comme un lieu d’exil, mais, au contraire, comme offrant à la jeunesse studieuse une carrière brillante. Les princes indigènes ont été conservés; mais ils sont surveillés de près. Ainsi l'Empereur de Soura- karta, par exemple, qui vit dans un luxueux palais entouré de sept enceintes concentriques, et qui s’in- titule le Seigneur redoutable, n’a pas le droit de sortir de son palais sans l’autorisation du Résident hollan- dais. Son palais est gardé par des canons, mais ils sont hors d'usage : du reste, il y en a de fort bons, en face, dans la citadelle hollandaise. Chaque malin, il reçoit sur un plateau d'argent et sous un parasol d’or, sa correspondance; mais auparavant la Rési- dence a eu l’amabilité d’en prendre connaissance. En somme, l’autorité de l'Empereur ne dépasse pas les limites de son palais. Voilà un protectorat qui pourrait satisfaire bien des partisans de l’an- nexion ! $ 2. — Politique commerciale; le système des cultures; les Monopoles. A laconquête armée, les Hollandais ont substitué la pénétration commerciale. Us sont persuadés de l'importance des travaux publics : Java est sillonnée de jolies routes carrossables, souvent macadamisées et dont l’active circulation contraste singulièrement avec la solitude de nosroutes nationales ; sesréseaux de lignes ferrées et de lignes télégraphiques s’ac- croissent chaque jour; des canaux se creusent pour relier les villes de l’intérieur à la côte. Batavia, qui n'avait qu'un port forain, a maintenant le port de Priok bordé de magnifiques docks. Un canal et une bonne route parallèles à la voie ferrée relient le port à la ville, distante de quelques kilomètres. Sourabaya, l'arsenal marilime javanais, est devenu un port très important où touchent les navires allant d'Europe en Australie. Dans ces derniers temps, le Gouvernement hollandais décidait la création d'un port et d’un dépôt de charbon dans l'île de Pulo Waez, à l'extrême pointe d'Achem. Ce port, silué sur la route du grand trafic entre l’Eu- rope, l'Asie et l'Australie, pourrait affranchir des escales de Colombo et de Singapour. Cette création ne peut être que favorable à la marine française, qui aurait ainsi un port de ravitaillement entre Obock-Djibouti et Saïgon. 1 J. Carzrey-BerT, La Hollande et les fonclionnaires des Indes Néerlandaises, 1893. Pendant longtemps les Pays-Bas ont considéré la colonie comme une ferme qu'ils faisaient exploiter par les indigènes, essayant d'en tirer le plus de profit possible : c'était le fameux système des cultures imaginé, en 1832, par le Gouverneur géné- ral Van der Bosch. Ce système était fondé sur ce fait qu'à Java la terre et ceux qui la travaillent appartiennent au souverain. Le Gouvernement hollandais imposait alors aux indigènes la culture d’un produit, le café par exemple, qu’il achetait à un prix fixé par lui et qu’il revendait à bénéfice en Hollande. C’est ainsi que le café, payé 15 francs aux indigènes, était revendu 60 francs. En somme, l'in- digène plantait, et la Hollande récoltait. Pendant plus de 40 ans ce système a fait la fortune de la Hollande. Mais, en réalité, ce travail forcé n’était qu'un esclavage déguisé. Aussi, la civilisation fai- - sant son chemin, les Hollandais abandonnèrent peu à peu leurs vieux errements. Depuis 1890, il ne subsiste plus de tous les monopoles de l'État que celui du café, en dehors, bien entendu, des mon0- poles de la vente de l’opium et du sel, quisont, pour le Gouvernement hollandais, des sources de revenus considérables. L'État est encore aujourd’hui le plus grand planteur de café de Java. Les exploitations particulières commencent cependant à se déve- lopper. Pour conserver le monopole de ses produits eolo- niaux, la Hollande ne reculait pas devant les moyens énergiques. C'est ainsi qu’elle faisait brûler de temps à autre les épices, accumulées dans les magasins d'Amsterdam, afin d'éviter la baisse de prix. Pour qu'onne püt introduireailleurs la culture du Muscadier, les Hollandais stérilisaient la graine du Muscadier en la trempant dans un lait de chaux. Ce sont là des mesures que nous ne saurions approuver; nous les rapportons simplement pour bien indiquer l'esprit qui a longtemps inspiré le système commercial et colonial des Hollandais. Rien ne montre mieux la longue prospérité de Java que l’accroissement de sa population, qui ne comptait que 2 millions d'habitants au début de ce siècle, el qui, aujourd’hui, dépasse 30 millions. Il faut dire qu'après l'abolition des monopoles, la crise sucrière el la maladie du café sont surve- nues, amenant des difficultés que, seuls, peuvent vaincre les perfeclionnementsdelascience moderne et la plus rigoureuse économie. C'est dans ces con- ditions seulement, que la plus riche et la plus pro- ductive des colonies d'Extrême-Orient conservera son bon renom. Il est certain que le déficit budgélaire, qui existe depuis quelques années, disparaîtra le jour où l'ile de Sumatra sera complètement mise en rapport et que les nouvelles cultures de Java auront pris tout leur développement. è ë rs D: X E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES 125 III. — LE MUSÉE COLONIAL DE HAARLEM . L'abolition presquecomplète des monopoles, etl’a- bandon de concessions aux particuliers, imposaient aux Pays-Basle devoir de renseignerles agriculteurs el les commerçants sur les produits coloniaux, sur l’origine ou laculture de cesproduits,etsurlesappli- cations qu'on en peut faire à l'industrie. C’est alors que fut créé le Musée Colonial de Haarlem (fig. 12). Au moment où l’on parle de réorganiser notre position permanente des Colonies, qui devrait être pour nos commerçants un centre d'infor- mations coloniales et de renseignements techni- ques, il nous parait utile de donner quelques détails sur le Musée colonial hollandais qui, S 1. — Origine du Musée, ses ressources naturelles et économiques. 1° Origine du musée. — La création de cet Etablis- sement est due à l'iniative privée; c'est la Société Néerlandaise pour le progrès de l'Industrie, société fondée en 1777, qui eut l’idée de créer un musée dans le but de relever l’industrie. Comprenant qu'il ne suflit pas, pour arriver à ce but, de rédiger et d'adresser des vœux au Gouvernement, ou de décerner des prix et des médailles à l'Agriculture, au Commerce et à la Navigation, elle chercha un moyen plus efficace : elle pensa, avec raison, que l'instruction pratique du commerçant est de beaucoup supérieure aux discussions théoriques. Eu É Fig. 12, — Musée Colonial de Haarlem. sous ce rapport, est admirablement organisé !. Dans ce Musée, le géographe, le naturaliste, le chimiste deviennent les collaborateurs du com- merçant, de l'industriel et même de l’administra- teur, Les savants hollandais ne veulent pas se désintéresser de la question sociale ; et les commer- çcants, de leur côté, ne dédaignent pas les services des savants. Le commerce n'est-il pas en droit de compler sur quelques services de la science, alors qu'elle a complètement rénové d’autres branches de l’activité humaine, l'Agriculture et la Médecine par exemple? — Dansles salles du Musée, on trouve, mises en évidence, des devises comme celles-ci : « Le devoir de tout homme de science est de s'occuper de l'avenir de son pays »; plus loin : « L'histoire naturelle est la plus grande force pour un pays colonisateur » ; parfois un conseil patriotique : « Une nation indus- trielle ne doit jamais désespérer » ; ou bien, un conseil pratique : « Dans les pays tropicaux, le devoir du colon est de savoir varier les cultures ». 1 Je suis heureux d’exprimer ici à M. F. W. van Eeden, le distingué directeur du Musée, et aussi à M. le Dr M. Gres- hoff, le savant chimiste attaché à cet établissement, mes remerciements pour l'accueil sympathique qu’ils m'ont réservé et les précieux renseignements qu'ils m'ont communiqués. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1896. Et ce fut pour donner au public des notions exactes sur limportance matérielle des colonies, qu’elle résolut, en 1864, la fondation d’un Musée Colonial. Dès 1865, le Gouvernement abandonna à cette Société une partie du Pavillon situé dans le magnifique bois de Haarlem. C’est un grand et bel édifice, de style italien (fig. 12), datant de la fin du xvure siècle, et qui fut habité successivement par le banquier Hope, le roi Louis-Napoléon, et la Princesse mère d'Orange. L'autre partie du monu- ment est occupée par un JMusée des Arts appliqués à l'Industrie. 2 Ressources naturelles. — De 1865 à 1871, on s’est contenté d’accumuler les objets sans se préoccuper de les classer. Ils affluèrent rapide- ment de toutes parts. La Hollande, en effet, n’est- elle pas la terre de prédilection des musées? Or, depuis le xvu° siècle, l'histoire naturelle était une des occupations favorites de la classe élevée. Les objets provenant des colonies s'accumulaient dans des musées particuliers, dont quelques-uns, très riches, existent encore aujourd'hui. Comme le dit fort bien M. van Eeden, ces collections n'avaient x ù 126 E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES d'autre but que d'apporter un peu de lumière tropi- cale dans ces hivers gris et mornes de la Hollande !. Ce furentsurtout des objets ethnographiques,des arcs et des flèches, des poignards à manches fine- ment sculptés qui arrivèrent au Musée. Puis, le Gouvernement offrit des collections de bois indi- gènes, de fibres végétales, de dessins et gravures qui s'accumulaient bien inutilement dans les archives du Ministère des Colonies. De plus, les objets en- voyés par les grands établissements commerciaux Fig. 13. — dans lesexpositions coloniales revenaientau Musée. Enfin, la Société d'Exploration scientifique dé l Archipel indien, et les directeurs du jardin de Buitenzorg, MM. Teysmann, Scheffer et Treub, devenaient des collaborateurs dévoués. Ajoulons que, pour ne rien laisser échapper de ce qui intéresse la science co- loniale, l'administration du Musée se mettait en rapport avec tous les pays coloniaux et tropicaux, avecles grands centres decommerce, en un motavec tous ceux qui participent au mouvement colonial. 3° Ressources éronomiques. — Le Musée put obtenir 1 Le Musée de Haarlem, in Revue des sc, nat. appliquées, 1893. de faibles subventions de l'État, de la Société- mère, des États provinciaux et de la ville de Haar- lem. 11 fut créé un Conseil du Musée, dont les mem- bres, choisis parmi les chefs des grandes maisons de commerce et des exploitations coloniales, ver=M sent 100 francs de cotisation annuelle : c’est une f des principales ressources financières de l'Établisse- ment.En 1895,sur un budget d’environ13.000franes,! ces colisalions entrent pour plus de 3.000 francs, alors que l'État ne subvient que pour 2.000 francs. Salle des Bois, au Musée Colonial de Haarlem. $2. — Organisation actuelle. ; 1° Classement des produits. — Avec l'ceroisse et des collections, un arrangement systématique “ posait. Laméthode suivie par la direction du Musée est excellente, et fait honneur à ceux qui ont su! l'appliquer avec un esprit vraiment scientifique el pratique à la fois : elle se caractérise par une sé, paration nette et systématique des différents produits et par la suppression de tous les objets insignifiants ou inutiles. Ce second point est essentiel : il faut savoir se débarrasser d'objets encombrants, laisser aux Musées ethnographiques les formes plus ou moins artistiques des Bouddha et des Shiva et accumuler,» E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES 197 aucontraire, les documents scientifiques eLcommer- ciaux pour en tirer les renseignements qu'on est en droit d'attendre d'un Musée Colonial. Les différents produits occupent des salles diffé- rentes; et le même produit se trouve sous ses di- verses formes dans la même salle, avec tous les documents concernant son origine, son exploila- Lion ou sa culture, et ses applications dans l'indus- trie. C'est ainsi que nous trouvons dans la salle con- sacrée aux Bois (fig. 13 page 126), plus de 2.000 es- taux, et là encore nous trouvons, à côlé des produits naturels (Agave, Ananas, Pandanus, Cocotiers, Ma- nille, ete.) les produits fabriqués non seulement par l’industrie de la métropole, mais aussi par l’indus- trie indigène (fig. 14). Plus loin, une salle estutilisée pour les matières médicamenteuses, les graisses, leshuiles, etc. Une salle des plus inléressantes est celle qui est réser- vée au caoutchouc, à la gutta-percha, et surtout aux matières alimentaires et aux fruits. Là figu- Fig. 14. — Produils des industries coloniales indigènes au Musée Colonial de Haarlem. sences différentes portant chacune une petite fiche qui donne, avec le lieu d’origine, quelques rensei- gnements pratiques.A côté deces produits naturels setrouventlesproduitstravaillés:aussinous voyons, dans celte Salle des Bois, des tables, des chaises, des meubles de toutes sortes; nous y remarquons surtout une gigantesque table ronde ayant 2 mètres de diamètre et faite d’une seule pièce avec unarbre provenant des Indes Néerlandaises : l’A/s/onia Scho- laris (fig.13). Cette salle est souvent visitée par des ouvriers ébénistes qui viennent se renseigner sur les qualités de ces différents bois, et sur la possi- bilité de les utiliser dans leur industrie. Plusieurs salles sont consacrées aux fertiles végé- rent non seulement les aliments européens, mais encore les aliments utilisés par les indigènes : nous y remarquons une galette sèche, très goûtée dans les îles de la Sonde, et fabriquée avec un mélange d'une certaine farine et de Crustacés pilés. Les fruits sont conservés dans l'alcool ou dans un autre liquide approprié; mais, à côté du fruit con- servé, se trouvent un moulage donnant une idée exacte de sa forme et de sa dimension à l'état frais, et une aquarelle renseignant sur le port de la plante ou sur l'aspect du fruit attenant à l'arbre (fig. 15, page 128). La plus grande salle est réservée aux grandes cullures coloniales (café, thé, riz, poivre, tabac, 128 quina, sucre, etc.) C'est surtout ici qu'est bien mis en évidence l'esprit pratique des organisateurs de ce Musée : par exemple, à côté des divers échantillons de café d'origine différente, et pou- vant être facilement comparés, se trouvent des documents photographiques ou autres sur les différents stades de la culture, des renseignements sur la pathologie de cette plante, enfin des statis- tiques donnant au commerçant et au planteur des indicalions économiques précieuses. E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES > 22 ET 445 VC TT Le NOR ART EE > TO AE AE Ge en à: lons on pouvait admirer de nombreuses et jolies photographies d'exploitations de bambous. Au premier étage sont les bureaux, la biblio- thèque, vüles ouvrages spéciaux sont rangés par, série, suivant les produits qu'ils traitent, et une salle de conférences où des hommes compétents viennent discuter sur des sujets coloniaux. Au deuxième étage, plusieurs salles sont affec-. tées aux Colonies étrangères, en particulier aux Indes anglaises et aux pays tropicaux. Enfin, deux RE RE Re Fig. 15, — Produils alimentaires des Possessions Enfin les Produits animaux sont rassemblés dans une salle spéciale partagée en deux régions : dans l’une les animaux utiles et leurs produits naturels et travaillés, dans l’autre les animaux nuisibles et les effets destructeurs qu'ils causent snrtout dans les forêts et dans les cultures. A signaler uneinté- ressante collection de Parasites animaux et parti- culièrement d’Insectes nuisibles. Ajoutons qu'une petite salle est réservée à des expositions lemporaires sur des questions d’actua- lité. Lors de ma visite au Musée, c'était le Bambou qui élait exposé : on y trouvait plus de 30 variétés de Bambous, dont quelques-unes atteignaient plus de 20 mètres de longueur. A côté de ces échantil- hollandaises, exposés au Musée Colonial de Haarlem. chambres sont réservées au Service géographique. Les salles du rez-de-chaussée ont une superficie de S60mq » ÉMNRT SE S eTsntanat dote 60 EE 18 » CRÉTADO EEE = een Avec une aussi faible surface, l’administralion du Musée est obligée d'utiliser les couloirs, les es= caliers : pas un coin n’est perdu. El certes, il a fallu une grande ingéniosité pour loger avec au tant de goût et de sens pratique d'aussi riches collections dans un espace aussi restreint. 29 Personnel. — Le personnel est aussi très res= | treint. Il se compose d'un Directeur, M: F.-W,. van | E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES 129 Eeden; d’une conservatrice, Mile P.-C. Lindo, di- plômée ès sciences naturelles pour l'enseignement supérieur; d’une assistante; d’un surveillant-ou- vrier et d'une domestique. Récemment, le Musée a eu l’heureuse fortune de s’adjoindre un chimiste d'une rare compétence, M. le D° M. Greshoff, qui a élé, pendant cinq an- nées, le chef du laboratoire pharmacologique du Jardin de Buitenzorg, à Java. Enfin, MM. H. Ween et W. Groll se chargent, à titre gracieux, du Ser- vice entomologique; ils augmentent aussi chaque jour la collection de dessins et d’aquarelles repré- sentant des plantes utiles des colonies. Pour faciliter à M. le D' Greshoff ses recherches spéciales, la Direction vient de demander au Gou- médicaments, tannin el couleurs, matières alimen- taires, caoutchouc et gutta-percha, bois, fibres végétales, produits des Indes occidentales, miné- raux, etc.; plus de 25 notices, qui sont d’une grande utilité pour les planteurs, ont déjà été pu- bliées. Cette publication a été subventionnée par le Ministère des Colonies. Enfin, des collections de photographies représen- tant des cultures coloniales et différents produits sont adressées aux Écoles primaires. Chaque série contient douze photographies qui sont données gratuitement aux Écoles et qui sont vendues 6 francs la série aux particuliers. Les photogra- phies reproduites dans cet article proviennent de ces collections, et montrent bien qne les Hollan- Tableau III.— Budget du Musée pour l'année 1895 RECETTES Cotisations des Conseillers. ................, 1620 florins Subyention de la Société-mère............ …… 666,66 — du Gouvernement........ ..:... 1000 — DOAOABTOVINCENL ,5 20 cn ee 1000 — de HP COMMUNE T5 esse 1000 Entrées-et Catalogues..:...:............ Sne 300 MROPPELOS MLYEPSBS EE. 2 MA cree É ATS Excèdents des recettes pour 1894.... ...... 914,22 6.675,88 flo. Florins DÉPENSES PETSONR EME ER Etre le anna a le Men a dis ee 2.713 florins A'SSUTANCES eme tan ent ete eh Da at ie ane 150 Frais d’arrangement dans le Musée......... 500 HobhoiTÉqQUe eee eee Re eee 300 BRU tn een 28e 1e Relier CU 750 MOYENNE secs ess D ER Sete a Naples eu ele eve Va 33 CHUTES SIENS RARE ER CARTE 3 75 Frais de recouvrement........:.........:. 12,50 Collections pour les Ecoles................ 1.500 Bras ide bureau. mure memintuansS 500 Florins 6.675,88 flor. vernement l'autorisation d'établir dans le jardin du Pavillon un laboratoire de Chimie spéciale- ment desliné à l'analyse et à l'essai technique des nouveaux produits coloniaux. C’est en dévelop- pant ainsi ses services que cette Institution répon- .dra aux besoins du commerce et qu’elle continuera à justifier la popularité qu’elle a si rapidement acquise en Hollande. 3° Publications. — Malgré ses faibles ressources budgétaires, ce Musée a des publications inléres- santes au double point de vue scientifique et pra- tique. Signalons notamment : Le Bulletin du Musée (Bulletin van het Koloniaal Museum te Haarlem), qui contient de nombreux do- cuments commerciaux et industriels et qui est illustré de dessins de plantes uliles ou de produits manufacturés ; Le Bulletin illustré (Nuttige Indische Planten door D° M. Greshoff), qui est une publication scientifique d'une grande valeur et dans laquelle M. le D' Greshoff étudie actuellement les plantes utiles des Indes néerlandaises ; Des Mofices sur les produits coloniaux, Lels que le café, thé, cacao et vanille, quinquina, sucre, épices, tabac, riz, graisses, résines, huiles, fruits, dais ne négligent rien pour diffuser dans le public l'esprit colonial ‘. 4. Budyet. — Le budget est des plus maigres, ainsi que le montre le tableau III, que nous devons à l’obligeance de M. van Eeden. Si nous comparions ce budgel de 6.675 f1. 88, c'est-à-dire de 13.351 fr. 76, au budget de notre Exposition permanente des Colonies, qui s'élevait, en 1895, à 60.500 francs, dont 45,800 francs pour le personnel; si nous considérions, d'autre part, les résultats obtenus, certes nous devrions envier le Musée hollandais, qui a su faire beaucoup et bien avec peu. $ 3. — Services rendus. Les services rendus par le Musée Colonial de Haarlem sont multiples : Au commerce de la métropole, il rend de réels ser- vices en faisant connaitre les produits coloniaux récemment découverts et dont l’exploitation et la culture offrent de nouvelles ressources à l’indus- trie nationale ; d’autant plus qu'il expose, à côté 1 La Revue doit des remerciements particuliers à MM. Kleï- mann, de Haarlem, qui lui ont permis de reproduire en réduc- tion dans ses colonnes ces précieux documents. (N. de la Dir. 130 E. CAUSTIER — LES PRODUCTIONS COLONIALES NÉERLANDAISES des produits naturels, les produits manufacturés. Aussi le musée est fréquenté par des planteurs, des commerçants et des ouvriers, qui trouvent là non seulement de précieux renseignements, mais aussi d'excellentes leçons de choses. Aux indigènes, il rend service en encourageant leur industrie et leurs qualités artistiques, qui ne sont pas inférieures à celles des autres peuples de l'Asie. Il est certain que, si Java et Sumatra eus- sent élé exploilées aussi habilement que le Japon, leurs produits artistiques seraient connus du monde civilisé. Leurs vêtements brodés et ornés de dessins originaux, leurs sculpturessur bois, leurs armes de luxe à poignées d'ivoire sculptées, in- crustées d’or et ornées de diamants, sont très recherchées des Musées ethnographiques. Les objets en filigrane de Padang, ceux en bois laqué du Palembang peuvent rivaliser avec les produits de l’art japonais. Malgré ses qualités d’ingéniosité, malgré sa merveilleuse naïveté, l’art javanais, qui date de la période hindoue, est à peine connu des nations civilisées, tandis que le Japon a inondé l’Europe d’un torrent de japoneries. De même les habitants de Bornéo, les Dayaks, ont des produits industriels, des nattes en parti- culier, remarquables par leur solidité, par leurs dessins originaux et leurs couleurs harmonieuses. Le Musée a précisément pour but d'ouvrir, en Europe, des débouchés à ces produits indigènes. Dans ces dernières années, il a introduit des nattes provenant de diverses Résidences; son Bulletin en a publié des dessins; aujourd'hui ces nattes se trouvent dans presque toutes les maisons de cam- pagne. Enfin, le Musée rend des services d’un ordre plus général en faisant connaître au peuple l'im- portance matérielle des colonies, et en faisant dans les écoles une propagande des plus ingé- nieuses. Il envoie, en effet, dans les écoles, en dehors des photographies de cultures coloniales dont nous avons parlé plus haut, des collections des principales productions coloniales : nous avons pu voir dans une des salles du Musée ses collections prêtes à être expédiées; elles sont élémentaires, mais elles sont composées avec intelligence et tou- jours suffisantes pour donner à l’élève des con- naissances exactes. Le Musée désire étendre cette libéralité à toutes les écoles; mais ses faibles res- sources l'obligent à procéder par annuités, et chaque année il dote un certain nombre d'écoles de documents coloniaux intéressants et judicieuse- ment choisis. Il ya là une idée essentiellement pratique, qui permet de faire entrevoir à la. jeunesse studieuse la carrière brillante et active qu'offrent les colonies. Dans son intéressant Rapport sur la situation économique de nos colonies françaises, l’hono- rable Rapporteur du Budget de 1896 disait avec raison que la ARevue Coloniale et le Bulletin del Ex- position permanente des Colonies élaient des organes de vulgarisation tout à fait insuffisants. Il regret- tait que la presse française ne se prêlât pas davan- tage à la diffusion dans le public des questions d'économie coloniale. « Cette tâche, disait-il, est au-dessus des forces des publications spéciales. » Eh bien! nous sommes persuadé queles publications du Musée colonial de Haarlem visent et atteignent ce but, en faisant connaître dans les écoles, dans le public, la situalion économique et commerciale des colonies néerlandaises. Rien ne démontre mieux l'utilité de ce Musée que sa popularité dans le public et la sympathie qu'il trouve auprès des grandes maisons commer- ciales : aussi bien le nombre des conseillers et des donateurs grandit chaque jour. De plus en plus cet établissement devient un véritable centre d’in- formations et d’'intruction coloniale; il devient ce que nous pourrions appeler le laboratoire des colo- nies, montrant, une fois de plus, l’heureuse appli- cation des méthodes scientifiques aux sciences économiques. e En résumé, ce Musée, tel qu'il est organisé, est assuré d'un grand avenir: car il est un excellent moyen d'exploitation des richesses coloniales, qui sont restées, en Hollande, la base de la prospérité nationale. IV. — CONCLUSIONS. C'est en Hollande surtout, qu'on a la sensation très nette que la colonie, avec ses forces morales et matérielles, fait bien partie de la mère-patrie. Dans ce pays, la question coloniale stimule toutes les facultés : l'Art, la Science, l'Industrie, le Com- merce, tout ce qui constitue la force d’une nation, revêt un cachet particulier : le cachet colonial. En somme, la Hollande avait à choisir entre. deux systèmes : ou la colonisation commerciale qui enrichit une nation ; ou la colonisation wilitaire at bureaucratique, qui ruine à la fois le pays colonisa-" teur et le pays colonisé. Elle a choisi le bon. E. Caustier, Agrégé des Sciences naturelles, Professeur au lycée Hoche (Versailles) E. PERRIER — LE PRINCIPE DE L'ÉVOLUTION 131 LE PRINCIPE DE L'ÉVOLUTION 575 ET LA RÉPONSE DE M. HERBERT SPENCER A LORD SALISBURY ! Au mois d'août 1894, lord Salisbury, premier ministre de l'Empire Britannique et chancelier de l'Université d'Oxford, présidait le congrès de l’Asso- ciation britannique pour l'avancement des sciences. Dans son discours d'ouverture, ilcrut devoirs’élever contre la doctrine transformiste, encore discutée peut-être parmi les gens du monde, mais à laquelle se sont depuis longtemps ralliés avec une complète unanimité les biologistes assez jeunes pour n’avoir pas été obligés de défendre, comme leur patri- moine propre, à l'apparition dulivre de Darwin, les idées héritées de la génération précédente. La question paraissant close, aucun savant n’estima d'abord utile de répondre en Angleterre à ce que l’on pouvail prendre pour une boutade d'homme du monde momentanément en villégiature dans les domaines de la science?. Mais, en raison de lahaute situation de lord Salisbury, le discours fit plus de bruit qu'on ne le pensait d’abord. Il fut traduit en français, présenté à l’Académie des Sciences de Paris, et revint à Londres escorté de commentaires élogieux, dont la presse anglaise s'empara à son tour. Dans ces circonstances, l’éminent philosophe an- glais Herbert Spencer s’est décidé à prendre une fois de plus la défense d'idées qui sont aujour- d'hui la base de la biologie explicative, la seule 1 Marquis DE SarisBurY, Premier Ministre d'Angleterre : Les limites actuelles de notre science ; discours présidentiel, prononcé le 8 août 1894 devant la Brilish Association dans sa session d'Oxford; traduit par M. W. de Fonvielle. — Gau- thier-Villars et fils, Paris, 1895. Herperrt SPENCER : Réponse au discours présidentiel du marquis de Salisbury sur « Les limites de la Science », tra- duite par M. Cazelles. — Librairie Guillaumin, Paris, 1896. ? Huxley était assis à côté de l’orateur; quand lord Salis- bury eut terminé son discours, l'illustre naturaliste demanda la parole et, avec toute la hauteurde vues qui était la marque propre de son esprit, il revendiqua les droits de la science: il rappela l’origine, le développement lent et péniblement poursuivi, puis le triomphe éclatant de la doctrine de l'évolu- tion, les idées nouvelles que cette doctrine, née d'observa- tions zoologiques, botaniques et géologiques, a introduites dans le système entier de la science, les services qu’elle rend à la philosophie générale. Mais cette brillante riposte n'apas été publiée. — Une heure après cette intéressante dis- cussion, aussi vive qu’exempte de toute aigreur, Huxley et lord Salisbury s’entretenaient très amicalement, en plein centre théologique, dans le salon du doyen d'A/! Souls. (Notre DE LA DIRECTION.) qui puisse revendiquer le nom de biologie scien- tifique, car l'essence même de la science est d’expli- quer. La réponse d’Herbert Spencer à lord Salis- bury contient en sa concision quelques arguments topiques qui ne sont pas sans intérêt. Le philosophe relève d'abord une confusion qui semble s'être établie dans l'esprit du ministre entre le fait même de l’évolution, — démontrable en dehors de toute explication, — et l’une des ex- plications possibles de ce fait de l’évolution, a savoir: le darwinisme ou doctrine de la sélection naturelle. Il y a lieu d'établir en dehors l’une de l’autre : 4° la réalité de l’évolution ; 2° l'importance de la sélection nalurelle pour expliquer l’évolution. L'une des principales objections que font aux évolutionnistes les partisans de la doctrine des créations, est que personne n’a pu prouver encore qu'une espèce se fût modifiée depuis que les animaux et les plantes sont scientifiquement obser- vés. Mais une telle objection se retourne contre ses auteurs : personne, en effet, n’a constaté non plus la création d'une espèce nouvelleet, par conséquent, à raisonner ainsi, il faudrait rejeter la doctrine des créations aussi bien que celle de l’évolution. Or, iln'ya pas d'autre alternative : il faut choi- sir. Herbert Spencer rappelle alors, sans insister, la masse énorme de faits qu'enchaine les uns aux autres la doctrine de l’évolution, — et qui se tour- nent contre la doctrine de lacréation, par cela seul que celle-ci est impuissante à en donner une ex- plication quelconque. Ces faits se rangent sous cinq chapitres principaux : 1° Les séries des êtres fossiles rattachent entre elles les séries des êtres vivants, donnent jusque dans le moindre détail l’explication des formes actuelles, et permettent de les disposer sur un arbre généalogique dont les rameaux semblent converger vers un trone commun. C’est ainsi que les Oiseaux se relient aux Reptiles, qui passent eux-mêmes aux Batraciens, voisins des Poissons, et que certains Pachydermes à quatre doigts du 132 début de la période tertiaire arrivent, en perdant successivement trois de leurs doigts, à réaliser le type du Solipède. 2° Dans chaque région du globe, les formes actuellement vivantes d'animaux et de plantes sont étroitement liées aux formes fossiles de la période précédente : l'Australie, presque exclusive- ment peuplée de Mammifères Marsupiaux lors de sa découverte, ne contient également, en fait de Mammifères, dans ses assises géologiques, que des Marsupiaux. 3° Les genres, les familles, les ordres, les classes, les embranchements mêmes, de nos clas- sifications, ne sont pas des divisions séparées, comme cela devrait être si les espèces étaient in- dépendantes les unes des autres, mais on observe entre ces divisions tous les passages possibles. 4 L’embryon d’un animal quelque peu élevé d'une série zoologique quelconque passe successi- vement par les formes inférieures de cette série, avant de revêtir la forme adulte. 5° Les animaux possèdent très fréquemment des organes sans usage, de dimensions réduites, des organes rudimentaires, qui semblent déchus de l’im- portance qu'ils avaient eue précédemment. Tandis que la doctrine de l’évolution peut s’ap- puyer sur l'édifice imposant de ces cinq ordres de faits, la doctrine des créations, déjà impuissante à expliquer leurs incontestables connexions, n’en peut trouver un seul à son actif, et repose sur une simple négation. Le choix de la première s'im- pose done, si l’on se place sur le terrain strictement scientifique. Il Reste à examiner la queslion de savoir si la doctrine de la sélection naturelle peut entrer pour une part quelconque dans l'explication du grand fait de l’évolution. Sans doute, toute l’histoire de l'élevage témoigne en faveur de la puissance de la sélection artificielle pour amener la fixation par hérédité des caractères présentés accidentellement par certains individus; c'est par la sélection artifi- cielle que se forment les races domestiques, mais cette sélection artificielle demande à être intelli- gemment conduite dans une direction rigoureuse- ment déterminée. Qui donc dirigera la sélection naturelle, et par quelle voie pourra-t-elle s'accom- plir? Lord Salisbury ne trouve pas de réponse à cette question; cela lient simplement, remarque Herbert Spencer, à l'idée fausse que suggère à l'esprit le mot sélection. En fait, de quelque façon qu'elle s'opère, cette sélection a un résultat pal- pable : dans des conditions d’existence données, c'est la survivance des êtres les mieux adaptés à ces E. PERRIER — LE PRINCIPE DE L'ÉVOLUTION conditions, ou, comme on dit plus brièvement, la survivance des plus aptes. Or, ce résultat est indé niable, et, pour en rendre évidente la réalité, il suflit, dit fort ingénieusement Herbert Spencer,“ de constater l’absurdité de la proposition con traire, qui pourrait s'exprimer ainsi : Les ani- maux et les plantes qui survivent actuellement sont ceux qui sont les moins aptes à tirer parti des conditions dans lesquelles ils doivent vivre. Cet énoncé donne évidem-" ment de la swrvivance des plus aptes, autrement dit des effets la sélection naturelle, une véritable démonstration par l'absurde. Cela établi, l’auteur illustre des Principes de Bio- logie n'a pas de peine à montrer, par quelques exemples bien choisis, comment cette survivance des plus aptes entraine la fixation — par hérédité —" des variations avantageuses, comment elle joue le. rôle de l'intelligence qui dirige les opérations de la sélection artificielle. 11 ne reste plus dès lors à répondre qu'à une seule objection, tirée du temps. nécessaire aux espèces pour évoluer. En raison des. hasards contraires à l'exercice de la sélection naturelle dans une direction donnée, il aurait fallu, affirme lord Salisbury, des centaines de millions d'années à la Méduse pour devenir un Homme! Or, les calculs de lord Kelvin n'assignent pas à la durée de la vie à la surface du globe plus de cent millions d'années. On s’étonnera, peut-être, répond Herbert Spencer, de voir placer la Méduse sur l'arbre généalogique de l'Homme, à quoi, sans doute, aucun biologiste n’a jamais songé; on s'en" étonnera d'autant plus que la Méduse n’est nulle= ment nécessaire à l'argumentation de l’illustre chancelier de l’Université d'Oxford et que cette argumentation eût été bien plus forte encore si l'éminent homme d’État avait pris pour point de départ l’élément anatomique, le plastide, qui am été l’origine commune de tous les êtres vivants. Or, à l'époque actuelle, tout organisme humain commence encore par un plastide unique et achève son évolution en neuf mois, plus exactement. 280 jours, soit 408.300 minutes. Si nous considé-= rons chacune de ces minutes comme une phase déterminée de l'évolution du fœtus humain, il est bien évident que, pendant la durée qu'elle repré- sente, le fœtus n’a subi aucune modification appré- ciable aux moyens d'investigation les plus déli. cats. Acceptons, sans les contester, — ce qui serait pourtant facile, —les cent millions d'années: dans lesquelles lord Salisbury enferme toute I durée de l’évolution organique. L'évolution étant continue, les cent millions d'années représentent le temps qu'a mis, avec des vicissitudes diverses, l'organisme humain pour parvenir à l'état actuel, Chacune des 408.300 phases dans lesquelles nous venons de diviser l'évolution embryogénique de E. PERRIER — LE PRINCIPE DE L'ÉVOLUTION 133 ——————— —— — — … … …….….……… … … …"—"— ——— ——— l'Homme, correspond, dans ces cent millions d'années, non plus à une minute, mais à deux cent cinquante ans. C'est-à-dire que, dans l'hypo- thèse de lord Salisbury, on peut allouer deux cent cinquante ans à chacun des organismes pro- génileurs de l'Homme pour se modifier de la quantité inappréciable dont se modifie actuelle- ment le fœtus en une minute. C'est manifestement beaucoup plus qu'il ne faut pour assurer le passage du plastide à l'Homme. Si maintenant l’on re- marque que, pour les formes inférieures aux Mam- _mifères et même pour beaucoup de Mammifères, l'état adulte est acquis en moins d'un an, on pourra considérer chaque année comme correspondant à une génération; on peut dire que, dans sa marche ascendante vers l'Homme à partir des plastides isolés primitifs, l'évolution paléontologique dispose de deux cent cinquante générations pour assurer à un organisme une modification aussi légère que celle que chaque fœtus humain subit actuellement en une minule. Imaginons que, sur ce nombre, 240 générations ne produisent aucune modification dans le sens voulu ou même en produisent en sens inverse; les 10 générations restantes seront encore plus que suffisantes pour assurer l'évolu- tion. L’objection de nombre de lord Salisbury tombe donc devant un examen quelque peu minu- lieux des faits. Toutes les autres objections sesont évanouies de même, et l’on peut dire que le pre- mier ministre de l'Empire Britannique laisse abso- lument intact l'édifice construit par Darwin. Les chiffres comme les faits parlent invinciblement contre l'hypothèse des créations successives d’es- pèces. III L'argumentalion d'Herbert Spencer, telle que nous venons de la résumer, est manifestement sai- sissante, et il a paru intéressant de la présenter à l’Académie des Sciences, sans rien ajouter aux arguments qu'a choisis l’illustre philosophe an- glais. On nous pardonnera d'ajouter quelques remarques. La réponse d’Herbert Spencer à lord Salisbury marque, dans l'attitude des évolution- nistes à l'égard des partisans de la fixité des espèces, un changement d'attitude qu'on ne saurait trop signaler, et l’on peut s'étonner qu'il ait été si tardif. Jusqu'ici, les partisans de la fixité des espèces s'étaient campés en défenseurs de la science positive contre ce qu'ils appelaient le ro- man transformiste. Ils « sommaient » les savants quis’engagaient à la suite de Lamarck, de Geoffroy Saint-Hilaire, de Wallace et de Darwin, de mon- trer une transformation d'espèce authentique, et, sans se douter de la puissance formidable qui me- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. ‘ nacait leurs dernières posilions, ils enregistraient fièrement l’absence de toute réponse à leurs « dé- fis ». À cette altitude, les transformistes répon- daient par une attitude plutôt humble ; à l'exemple de Lamarck, ils s’excusaient de la liberté grande qu'ils prenaient de modifier quelques idées re- cues. C’est exactement l'inverse de ce qui eùt dû se produire si l’on était demeuré sur le terrain de la science pure, si aucune considération étrangère à la simple constatation de faits n’était venue se mêler au débat. Ici apparait encore la puissance des mots toute la force momentanée des partisans de la fixité des espèces leur est venue de l’emploi fré- quent par leurs disciples du mot eréation. Ce mot supposait l'intervention d’une cause première im- pénétrable, il s'alliait parfaitement avec le langage religieux d’une part, el d'autre part avec le sceplti- cisme tranquille qui se résume dans le fameux Tynorabimus ! de Dubois-Reymond. Mais, au point de vue scientifique proprement dit, au point de vue des faits, que cache le mot création ? IL implique l'apparition subite d'êtres vivants sous l'action de causes indéterminables, supérieures, autonomes et se révélant par à-coups. Ces apparitions subites d'êtres vivants, sans l'intervention de parents qui les aient précédés, ont un nom dans le langage scientifique : elles constituent des générations spon- tanées. Pour l'homme de science, qui laisse aux théologiens et aux philosophes l'étude de la cause première, qui ne s'adresse qu'aux causes secondes, les mots création et génération spontanée sont donc synonymes. Personne aujourd’hui n’oserait avouer quil croit aux générations spontanées, et l’on doil admirer que les naturalistes les plus empressés à accueillir les résultats des grandes recherches de Pasteur, ont été en même temps les plus implaca- bles adversaires de la doctrine de l’évolution. Comment des hommes qui ne pouvaient admettre la génération spontanée d’un infusoire, accep- taient-ils sans embarras la possibilité de la géné- ration spontanée d’une baleine ou d'un éléphant? IV D'autre part, si l’on s’en tient à la méthode stric- tementscientifique, ou,sil'on veut, à la constatation pure et simple des faits, il est inexact de dire que l'évolution n'est pas démontrée dans la mesure même où sont tenues pour démontrées toutes les grandes théories de l’Astronomie,et des Sciences physiques, et peut-être même davantage. Effecti- vement, la division des temps géologiques en pé- riodes est basée sur le fait même du renouvelle- ment total des faunes et des flores. Que des espèces aient apparu au cours de chacune de ces périodes, qu J 134 que d’autres aient disparu, c'est là un fait banal. Or, les affinités des êtres dont nous ne connais- sons que les dépouilles fossiles, avec les êtres actuellement vivants, sont tellement évidentes qu'on n'éprouve aucun embarras à les classer. Aucun d'eux ne porte la trace d’une apparition subite ; tous ont possédé une organisation analogue à celle des êtres actuels, et rien n’autorise à penser qu'ils aient joui d’autres moyens de se constituer. D'autre part, nous ne connaissons actuellement qu’un seul et unique mode de formation des êtres vivants : la reproduction. « La vie seule engendre la vie. » S'il en est ainsi, — et admettre le contraire, c'est admettre la génération spontanée, c'est aller contre tous les faits scientifiquement constatés, — s’il en est ainsi, les êtres vivants adultes ne peu- vent être que les descendants des formes différentes qui ont vécu dans les périodes précédentes. Par cela même, la vérité de la doctrine de l'évolu- tion est établie. Cest cette doctrine, — et elle seule, — qui s'appuie sur les faits sans interven- tion d'aucune hypothèse étrangère à la science; c’est elle seule qui est scientifique; c'est aux évolu- tionnistes de demander à leurs adversaires la preuve des miracles dont ils se réclament. Se re- trancher derrière une ignorance des possibilités contre lesquelles proteste toul ce que nous savons de précis, c'est proprement ce qu'on doit appeler une défaite. Et c'est à cela que se réduit toute l’ar- gumentalion des adversaires du transformisme. Y Restent maintenant les explications qu'on a tenté de donner de l’évolution. Il y a là, encore, une confusion à signaler : c’est celle qui consiste à prendre la théorie de Darwin comme une explica- tion de l’évolution. Il n'y a dans le Darwinisme, réduit à sa proposition fondamenale, la swrvivance des plus aptes, — aucune explication proprement dite de l’évolution, mais simplement une tentative d'explication de ce grand fait biologique : la sépa- ration des espèces les unes des autres, séparation qui leur permet de se perpétuer côte à côle sans jamais se mêler. Or, l'évolution aurait pu se pro- duire sans qu'il y eût d'espèces. La race blanche, dans l'humanité, s’est perfectionnée sans se sépa- rer spécifiquement des autres. ; L'évolution, quelle qu'en soit la cause, quels qu'en soient les procédés, entraîne l'adaptation au milieu; l’une ne se peut concevoir sans l’autre. La désunion de ces deux conceptions aboutit fata- lement à la proposition absurde mise en lumière par Herbert Spencer avec tant d'ingéniosité. Évo- PR — ———— E. PERRIER — LE PRINCIPE DE L'ÉVOLUTION lution el adaptation sont donc des termes peu être un peu plus étroitement liés que ne le dit expressément le grand philosophe anglais. Ou est conduit à l'adaptation aussi bien par l’hérédité des: caractères acquis de Lamarck que par la conti nuilé du plasma germinalif de Weissman. C’est doné seulement au moment de pénétrer le mécanisme de l’adaptation, de déterminer les causes des varialions entre lesquelles les forces naturelles choisissent celles qui doivent se perpétuer, de préciser le procédé suivant lequel s'est réalisée la complication graduelle des organismes, c'est à ce moment des explications proprement dites que les divergences commencent el que nous retombons dans le chaos. Les expériences de Brown Séquard sur l’hérédité de l'épilepsie des cochons d'Inde dont le nerf sciatique a été broyé, la preuves fournie par MM. Charrin et Gley !, que certaines toxines peuvent agir sur les éléments génitaux: semblent faire pencher définitivement la balance en faveur de Lamarek contre Weissman; les belles études de Semper relatives à l'action directe des milieux sur les Mollusques, celles de Standfussm sur la production artificielle des variétés de papila lons, celles de M. Bonnier sur les variations des, plantes alpines, et bien d’autres nous ont fail connaitre des causes imprévues de variations J'ai montré, moi-même, dans mon livre « Les Cola nies animales », comment, par l'association, la différe ciution des éléments anatomiques, leur solidarité croissante et leurs modes divers de groupement arrivaient à se constituer les diverses formes de l'individualité animale; j'ai cherché à explique comment des individualités de plus en plus com plexes se constituaient par la combinaison et fusion à divers degrés d’individualités plus simples Les explications vraies, les causes immédiate de l'évolution commencent donc à être scientifis quement déterminées; tout au moins, ce qui es fait, à l'heure actuelle, suffit à établirqu'elles son positivement déterminables, et les biologistes. peuvent travailler en suivant la route ouverte pal Lamarck, sans s’émouvoir de quelques protesla tions de plus en plus isolées, même dans le mond des théologiens, assurés que, quoi qu'il arrive, ils auront fait une æuvre utile. Edmond Perrier, Membre de l'Institut, Professeur au Muséum. à 1.Sur ce sujet à l'ordre du jour de la Biologie générale | voyez, dans la Revue du 15 janvier 1895 (t. VII, p. 1), l'étude” que M. le Dr A. Charrin a consacrée à l'Hérédité en Patho=, logie, aux expériences sur la lransmission des élats morbide par voie de descendance. (NorTe »E La DirxcrtoN:.) ne À F'| ; & | ee. : À € | ; E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 35 L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS 666,1 DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE ‘ VI. — INDUSTRIE DU VERRE A VITRES, L'industrie du verre à vitres ne remonte pas à plus d’un siècle et demi, en tant que grande indus- trie : de Bohème et de la Forèêt-Noire, ces régions boisées où les Vénitiens avaient étabH des fours, elle fut importée en Belgique vers 1730; la mise en exploitation des gisements de houille de Char- leroi favorisa son développement rapide; c’est de là qu’elle a pénétré en France : elle y est devenue assez florissante, — assez, du moins, pour suflire à la consommation. Actuellement la verrerie à vitres française tra- verse une crise très intense: la consommation y est de 6.800.000 mètres carrés, tandis que sa ca- pacité de production est de 13.000.000, de sorte que cette industrie ne saurait marcher en plein qu'avec une exportation de 6.000.000 de mètres carrés. Or, l'exportation est nulle (100.000 mètres carrés par an) et ne fait que décroitre, tandis que l'importation belge augmente, en dépit du droit presque prohibitif qui frappe les vitres à l'entrée en France. Trois verreries, à Marseille, Aniche, Bessèges, — sont déjà sans feu ; les autres sont obligées de faire quatre et cinq mois de four mort. C'est la Belgique, disons le bassin de Charleroi, qui a toujours élé et sera encore la terre d'élection de la verrerie à vilres. La raison fondamentale en est dans la supériorité de ses ouvriers robustes et adroits, bien que lents dans leurs mou- vements, nese laissant jamais rebuter par la dureté d'un travail, les Belges excellent à la fabrication de ces vitres énormes dont la confection exige une force musculaire considérable jointe à une grande précision de mouvements, d'ailleurs assez lents. Cette supériorité des Belges est tellement recon- nue qu'il ne se fonde pas de verrerie à vitres à l'Étranger, en Russie, aux États-Unis, sans le con- cours de plusieurs équipes de souffleurs de Char- leroi, et chaque année des centaines d'ouvriers, embauchés à des tarifs leur permettant de gagner de 1.200 à 1.500 francs par mois, traversent l’Alle- magne ou l'Allantique: ils vont faire une cam- pagne hors de leur patrie, mais reviennent l’année suivante dans leurs foyers. RS RC Le Dr A en jar y ! La première partie de cette étude a paru dans la précé- dente livraison de la Revue (n° du 30 janvier 1896, t. VII, pages 68 à 96). Pendant longtemps la Belgique a fourni de vitres le monde entier : elle possédait vraiment un mo- nopole qui fut pour elle une source abondante de richesse; mais son meilleur client, l'Amérique du Nord, est en train de lui échapper, devenant aussi un producteur de premier ordre ; à son exemple, tous les pays consommateurs de verre à vitres cherchent à se suflire eux-mêmes. Le succès des dernières usines et des fours à gaz a grandement favorisé cetle expansion de la verrerie, qui s'implante en Russie, en Italie et, depuis quelques années, couvre le monde entier de nouveaux fours. Ce mouvement, trop rapide au début, a entrainé une surproduetion dont l'effet se fait sentir partout, les vitres étant, par leur emballage facile, une excellente marchan- dise d'exportation. Les prix se sont avilis, même dans les pays à droits protecteurs élevés; il en est résulté une crise de la dernière intensité, dont tous les verriers souffrent, maisles Belges plus que les autres. Il est malheureusement à craindre que celte crise dure longtempsencore, car la plupart des verreries nouvelles n'ont-.pas encore atteint leur limite de production; là est l’état caractéristique de l'époque actuelle, on peut dire le point noir dans une industrie d'ailleurs fort en progrès. Cette situation est d'autant plus inquiétante qu’elle peut à tout instant se compliquer d'une question ou- vrière. Le tableau I résume la production et la consom- mation des principaux pays producteurs de verre à vitres. (Pour la répartition, voir la Revue, page 72.) Tableau I. — Production et consommation de la Verrerie à vitres LE Nombre |Capacité de| Production | Consom- ES d'usines | Production réelle mation FE ms | ns | ns Belgique ...…. 22 |29.000.000/26.000.000! 2.300.000 Hrances er 20 13.000.000! 6.000.000! 6.800.000 Italie... 25-62 8 4.000.000! 1.860.000! 2.300.000! Russie... .... 8.000.000|10.000.060 Allemagne... 8.000.000! 8.000.000 Angleterre... 600.000 |13.800.000 SUCER 9 1.300.000! 1.025.000! 4,100.000 Norvège....…. 2 335.000 600.000! Espagne...... 9 2.400.000 4.000.000 24 bas- Etats-Unis... | fours l19:500.000/15.000.000!17.500. 00 à pots a ———————— — —_—__—| Les progrès de la fabrication du verre à vitres se rapportent à deux causes : abaissement du prix de la 136 E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE matière première et perfectionnement des fours; les pro- cédés manuels de fabrication n'ont subi que des changements insignifiants. $ 1. — Matières premières. Composition du verre à vitres. La composition du verre à vitres est à peu près la suivante : SiO? ; Al205 Ca; Alcalis (soude). tance fondue, déplacer l’acide sulfurique; cette. idée n’est pas suffisamment établie, car les verriers à bouteilles, qui emploient également des sulfates et même des sulfates acides, se passent de l’addi-. tion de charbon et n’en font pas moins un beau. verre. Il y a là une question chimique à élucider. « Le progrès énorme de l’industrie des produits chimiques a eu sur l’industrie vitrière un contre- coup très sensible non seulement par l'abaissement Fig. 1. — Vue d'ensemble de l'élage supérieur d'un four à bassin. — Cette photographie représente notamment la voûte qui surmonte tout le bassin et où circule la flamme; du bassin lui-même elle ne laisse voir que la partie supérieure, entourée des plates-formes où se tiennent les souflleurs (un seul de ces ouvriers est figuré ici); mais le bassin plonge (voir fig. 2 et 3) beaucoup au-dessous de cet étage, dont le niveau correspond à peu près à la surface supérieure du bain de verre dans la cuve. À cet étage les souflleurs et leurs aides accèdent au moyen d'’échelles, dont les degrés supérieurs appa= raissent au premier plan de cette photographie. Chaque groupe d'ouvriers (4 souflleur et ses aides) travaille sur une plate-forme séparée de ses voisines par un grand espace vide : c’est dans cet espace que le souflleur balance sa canne chargée de verre (voir fig. 4). En regard de chaque plate-forme la voûte du fourest munie d’ouvertures (ouvreaux) par les= quelles les ouvriers introduisent leurs cannes pour puiser le verre en fusion. — La flamme du four blesserait la vue des! vèrriers s'ils y étaient exposés d’une facon continue : aussi les ouyreaux sont-ils fermés par des obturateurs À coulisses, suspendus par des chaines de fer à de grands leviers visibles au-dessus du dôme; ces leviers sont manœuvyrés par des gamins chargés de relever les obturateurs au moment précis de la cueillette. — Vers la gauche de cette photographie se voient deux carneaux latéraux, qui amènent les gaz produits par les gazogënes et l’air nécessaire à la combustion venant de la chambre de récupération (X, fig. 3). L’enfournement des matières vitrifiables se fait dans la partie arrière du four par une large porte placée au-dessous de la cheminée et de la hotte visibles dans le fond et destinées à attirer la flamme de refoule nent et les poussières. — Tout le four est situé sous un hangar, dont on voit ici le toit ajouré. Ce hangar protège les uyriers et le four contre les intempéries, mais l’air y circule Tibrement. Les matières premières employées sont des subs- | du prix d'achat des sulfates de soude, mais par le ances, naturelles ou fabriquées, pures, c’est-à-dire ne contenant chacune que l’un des éléments silice, chaux, alcalis; ce sont : du sable quartzeux, du carbonate de chaux naturel et du sulfate de soude, mêlé parfois de carbonate : on y ajoute toujours, en Belgique, du charbon broyé, qui, réduisant l'acide sulfurique du sulfate de soude, facilite le dégagement du soufre sous forme d’acide sulfu- reux. Cette addition est considérée comme indis- pensable par tous les verriers belges et repose sur l'idée que la silice ne peut, même dans une subs- fail que la pureté, l'absence de fer dans les fon dants a permis d'employer des calcaires et sables moins purs que ceux d'autrefois : aujourd'hui les Belges n’emploient plus que du calcaire carboni fère, — qu'ils trouvent en masses énormes dans la vallée de la Meuse, — et un sable siliceux résultant de la désagrégation de schistes anciens formant de grandes poches dans la région de l’Ar= denne, à côté des argiles réputées de la Meuse Ces sables ont l'avantage de contenir des résidus. charbonneux qui dispensent presque complètes } F E. DAMOUR __ ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 137 ment de l'addition de charbon. Les fondants sont | élé aussi brusques que celle qui a subslitué aux achetés presque exclusivement à l'industrie fran- anciens fours à pots les HAnenSeS fours à bassin çaise et surtout à la Compagnie de Saint-Gobain, | actuels : commencée en 1887, après dix anpées que qui expédie ses sulfates en bateaux par les canaux | tätonnements, cette transformation peut être con- de Saint-Quentin et de Sambre-et-Meuse ou par | sidérée comme à peu pres terminée : une verrerie chemin de fer !. à vitres qui ne possède que des fours à pots est Un dernier effet de la pureté des éléments em- | vouée aujourd'hui à une brève disparition. ployés a été l'amélioration du verre; dans tous La figure 1 représente l'aspect extérieur d'un four les fours à bassin de Charleroi la limpidité de la | à bassin, vu dans la partie supérieure, là où tra- matière en fusion est parfaite, et les défauts, — vaillent les souffleurs. Les figures 2 et 3 en donnent . x . L 1 4 Q 1 e pa r} 1SS nn ul bouillons, grains, etce., — sont rares : la question la coupe. Ces fours sont dits à ie parce q ie chimique n'existe, pour ainsi dire pas, car un | lieu d'être, comme en cristallerie, fractionnée el _Tongueur_totate E 5 = 4 HHGHE OUGGCDO0D | = HER z Le Fig. 2. — Coupe verlicale d'un four à bassin suivant son grand axe. — Le bassin DE renferme le verre en fusion. Les parois P, P de cette grande cuve sont constituées par des briques alumineuses réfractaires. Tout le bassin repose sur un ensemble de petites voûtes R, au-dessous desquelles se trouve un grand espace mi-souterrain ST, destiné à refroidir le fond du four. Le bassin est surmonté d’une voute élevée V, V où circule la flamme. Souvent, dans la région où se fait, par les ouvreaux G, la cueillette du verre, la voûte s'élève davantage et forme un dôme C, rempli par la flamme. Les souflleurs travaillent sur les plates-formes MN, un peu au-dessous du niveau supérieur AB du verre dans la cuve. Les chambres de récupération sont placées latéralement au four et au-dessous, c'est-à-dire contiguës à la galerie ST (voir fig. 3). Les gazo- gènes sont situés en dehors du massif du four et le gaz est amené par un carneau non visible sur la figure dans les car- neaux L. — K, K, regards pour visiter le four. H, H, flotteurs destinés à arrèter les impuretés de la surface avant l'arrivée du verre dans le dôme. induslriel qui a une bonne composition a peu de | renfermée, à l'abri de la flamme, dans des pots peine à s’y Lenir : il n'existe donc que peu de labo- | isolés, la matière qu'ils fondent remplit l'immense raloires. bassin (DE, fig. 2, et AB, fig. 3) queconstiluetoute leur concavilé. Ce qui rend possible une telle disposi- Lion, c'est que le verre à vitres n'est pas assez pur pour exiger d'être protégé contre la flamme. La grande cuve qui le contient est de forme assez va- riable : en général, sa surface représente un rec- tangle terminé par une partie circulaire. La voûte qui la recouvre contribue aussi à donner à l’ensemble de la construction un aspect tout par- D D (eApese #6 ets. fpegel GENE SR une entente générale His te des concessions ATOS offre, un peu au-dessus du niveau du verre, deux tantes sur les prix d'exportation. Les sulfates de soude sont | sortes d'ouvertures: les unes, portes de renfourne- vendus actuellement à meilleur marché en Belgique qu'en ment arrière de la fig. 1, servent à verser dans le bas- France : beaucoup de nos verriers s’en plaignent, mais certesce n'est pas cet écart dans leurs prix de revient qui leur | Sin les matières à fondre et äcombiner. Celles-ci, rend bien difficile la lutte contre les Belges. Par contre, | lentement entrainées par il appel que détermine, à l'industrie des produits chimiques a su, sans le concours du AO s : : RARE 2e 1 ité opposée de la cuve, la cueillette Gouvernement, assurer sa prospérité par cette politique éco- l'extrém PP è ette du nomique, qu'on peut comparer à un système de primes à | verre,se mélangent intimement à la masse déjà fon- Fexporfation. due, de sorte que, dans la région où se fait la cueil- $ 2. — Fusion des éléments. — Fours à bassin. La question des fours a, en verrerie à vitres, une importance prépondérante : il suffit de passer quel- ques heures à Charleroi pour se convaincre qu’elle constitue la préoccupalion dominante des chefs d'usine. Peu de transformations industrielles ont 138 E. DAMOUR. — ETAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE lette (fig. 1 et 4 — et BG, fig. 2), le verre en fusion offre une composition homogène. C’est dans cette région que se trouve l’autre série d’ouvertures(4à 30) dont la voûte est pourvue, portes par lesquelles les verriers introduisent leurs cannes pour les charger de la paraison (Mg. 1 et 4 — et G, fig. 2). Les souffleurs se trouvant au niveau supérieur du verre ‘fig. 1 et 4), le bassin plonge beaucoup au- dessous de l'étage oùils travaillent. Ce bassin (DE, fig.2,etAB, fig.3) estconstitué pardesbriquesalumi- neuses réfraclaires, et repose sur des dés qui per- mettent à l’air de circuler au-dessous de lui. A proximité de ce four, le plus souvent au-dessous ou autour de lui, le combustible, houille, coke ou bois !, est gazéilié dans des gazogènes; l’oxyde de carbone et les hydrocarbures résultant de cette distillation sont, avec de l'air, introduits dans le four; ils y subissent la combustion to- ale; à la chaleur qu'ils dégagent ainsi vient s’a- Jouter celle des fumées que l’on récupère. Les fours à gaz et à récupération étant connus de nos lecleurs ?, nous n'avons à indiquer ici que l'adaptation spéciale de ces fours à l’industrie du verre à vitres. 4. Conditions de température. — La fusion du verre se faisant à une température très inférieure à celle que requièrent la plupart des opérations métallur- giques, la récupération des gaz est moins néces- saire en verrerie qu'en métallurgie au bon ren- dement calorifique. Notons, cependant, que plus le four est grand, plus elle est utile ?. 2. Mécanisme de l'échange de chaleur entre le gaz et le verre. — Le moindre excès de gaz fait bouillonner le verre en fusion ; un excès d’air, refroidissant le four, modifie les réactions des matières mélangées. Il importe donc d’accorder la plus grande atten- tion au mécanisme de l'échange de chaleur entre ! Les fours construits en Russie sont généralement chauffès au bois, avec gazogènes. En France la verrie de la Vieille- Loge emploie la même méthode de chauffage. ? Voyez la Revue du 30 juin 1894, t. V, pages 437 et sui- vantes. 3 Ces assertions demandent peut-être un mot d’explica- tion : Soit Q le nombre des calories cédées par les produits de combustion en passant de la température de combustion T à la température {, qui sert de régime au four; et soit Q' le nombre des calories dégagées par la combustion corres- pondante. On a : Rendement = Q = et £ Q! C si l'on appelle c la chaleur spécifique de l'unité de volume des produits de combustion, Cle pouvoir calorifique du poids dé houille correspondant à cette unité de volume. Il est évi- dent que le rendement sera d’autant meilleur que T sera plus grand et é plus petit, pourvu ques soit constant, c’est-à-dire que la composition des produits de combustion ne varie pas, ce qui est le cas des fours à gaz. les gaz et le corps à chauffer, mécanisme très va- riable suivant la nature physique de ce dernier. « La théorie d'un phénomène aussi complexe n’est assurément pas faite. Cependant cerlaines consi- dérations semblent susceptibles de nous guider et « il n’est, sans doute, pas inutile de les indiquer sommairement, puisqu'elles ont inspiré dans ses dernières créations, l’un des plus éminents ingé- nieurs de verrerie, M. Emile Gobbe, de Jumet. Dans un four à acier la voûte doit être basse, parce que, le métal s'échauffant surtout par con- tact, rien ne servirait, pour le porter à haute tem- pérature, d'augmenter, au delà d'une certaine limite, l'épaisseur de la lame gazeuse qui lèche sa surface. Il en est tout autrement en verrerie : à l'inverse de l'acier, le verre est mauvais conduc- teur de la chaleur obscure, mais diathermane à la radiation lumineuse. ; Cette propriété conduit à supposer qu'on utilisera aussi bien la chaleur, quelle que soit la distance de la voûte au bain de verre à fondre, attendu que la radiation lumineuse se transmet en ligne droite et sans déperdition sensible dans son parcours. D'autre part, on aura tout avantage à cetexhaus-, sement de la voûte, gui assure une combustion très complète el remédie aux inconvénients spéciaux à. la verrerie (bouillons, verre enfumé),qu'occasionne, le contact de la flamme, souvent réductrice, avec la surface du verre en fusion !. | Le syslème qui tiendra compte de cette re marque ralentira évidemment la circulation des” gaz, mince inconvénient en raison de la faiblesse. relative de la température à atteindre ; il exigera, d'autre part, une flamme très longue, ce qui conduit à construire de très grands fours et explique l’in- succès, Jusqu'à présent constaté, des fours à faible production. Les maitres de verrerie belges, en particulier M. Baudoux et son ingénieur M. Pagnoul, ont de- puis longtemps compris l'utilité des fours à voûte élevée. De son côté, M. Gobbe s’est livré à une minutieuse analyse des phénomènes qui s'y pas- sent, et il a montréle rôle qu'y joue le pouvoir dias= thermane du verre. Plus le verre est diathermane, plus grande devra être l'épaisseur du bain fondu: L'expérience confirme cetle prévision : tandis que le verre à vitres, — très diathermane, — est fondu 1 M. Gobbe va plus loin dans l’explication de l'utilité, expé rimentalement incontestable, des voûtes élevées en verreries et pense que, l'échauffement du verre résultant de l’incandes cence des parois, il peut y avoir intérêt à accroître de tou facons la surface incandescente et le périmètre de la sectio d’un four: et c'est là ce qui l’a, en partie, conduit à adopter les voûtes et les dômes élevés et à grande surface. Il n\ que juste de reconnaitre les bons résultats qu'en en obtien en pratique. Comme modèles de ces fours, nous pouvons citer celui de l'usine de Jemmapes, dont les figures 1, 2 et 3 ci-dessus font connaitre l’aspect et la disposition interne al nd Moon ee 2 Dh mes 0 ue Some de C2 # - jusqu'à près de 1 m. 50 ou même 2 mètres au- dessous de la surface du bain, le verre à bouteilles, beaucoup plus foncé, n’est vraiment liquide, dans le bassin, qu'à 30 ou 40 centimètres au-dessous du niveau supérieur. Cette propriété a entrainé une difficulté particu- lière dans l'emploi des fours à bassin en verrerie à vitres. Liquide et presque aussi chaud au fond qu'à la surface, le verre perçait le four ; en outre, l’alumine des briques se dissolvait dans le verre fondu et venait le gâter. M. Baudoux et son ingénieur, M. Pagnoul, amé- liorèrent leurs fours en approfon- dissant un peu le bassin ; mais c’est M. Gobbe qui a donné de ce pro- blème la solution définilive en por- E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 139 Europe, ne sont pour les Américains qu'une sé- duction de plus, et il n’est pas rare que les cons- tructeurs reçoivent de ce pays mégalomane des com- mandes sans autre indication technique que celle de faire des fours plus grands qu'aucun four connu. Il n'est pas sans intérêt de signaler ici l'heureuse initiative, prise par MM. Gobbe et Pagnoul, d'intro- duire dans leurs traités avec les maitres de verre- rie cette clause que la conduite du four dont ils auront dressé le plan, devra leur être confiée pen- dant les deux ou trois premiers mois consécutifs à la construction. Le four est édifié par un entre- preneur de tra- vaux, non par eUX- mêmes . Mais , comme ils l’étu- dient jusque dans les moindres dé- tails, afin de l’a- dapter à la nature du travail et à tant à 2 mètres la hauteur du bain. Pour apprécier l’audace d’une tel- le tentative, il faut remarquer que les l'importance de la production dans chaque usine, comme ils four- nissent les plans fours construits d'après ces don- nées contiennent jusqu’à 400.000 ki- los de verre en fusion, et savoir tout le préjudice que cause au mai- tre de verrerie une simple rupture de pot! 3. Construction des fours. — Le cadre de cet arti- ele nous interdit d'entrer dans le détail de la cons- truction des fours à bassin. Disons pourtant qu'il en existe plusieurs types, et citons parmi les ingé- nieurs les plus réputés dans ce genre de construc- tion : la Société Siemens, déjà ancienne, et la So- ciété Gobbe et Pagnoul. : La Société Siemens a son siège à Londres; outre les anciens brevets de Sir William Siemens, tom- bés dans le domaine public, elle revendique comme son œuvre l'amélioration des voûtes et lutilisation de la radiation pour le chauffage. La Société Gobbe et Pagnoul, dont le siège est à Ju- met, près Charleroi, exploite les brevets Gobbe pour la construction des fours à cuve profonde; elle a construit les quatre cinquièmes des bassins à vitres existant actuellement dans le monde entier. Les États-Unis principalement lui ont accordé leur faveur ; les grandes dimensions, qui font Fig. 3. — Coupe verticale d'un four à bassin suivant son petit axe. — Mèmes lettres que es la figure précédente pour désigner les parties correspon- dantes. La figure permet de suivre la circulation du gaz. Le gaz venant du gazogène par une galerie X se rend, par des carneaux verticaux non repré- sentés ici, à la galerie correspondante L et de là au four par les brüleurs K. L'air arrivant par une des galeries Z traverse l’une deschambres de récupé- ration Xet se rend aux deux petites galeries situées au-dessouset au-dessus de L et de là au four par deux jets entourant le gaz. Les fumées suivent un chemin inverse de l’autre côté du four. k d'exécution défi- nitifs , ils réela- ment pour leur œuvre la sanction d’une bonne fabri- cation :ilsse char- gent donc de l’al- lumage, de la mise en train, et possèdent, à cet effet, un personnel demiaitres fondeurs et ouvriers qui vont passer deux ou trois mois dans chaque usine où un nouveau four commence à fabriquer. Il y a de cefait toute une organisation centralisée à Ju- met, employant un grand nombre d'ouvriers belges, toujours prêts à se rendre dans les di- verses parlies du monde. MM. Gobbe et Pagnoul évitent ainsi aux industriels les écoles du début et leur fournissent une précieuse garantie, qui na pas peu contribué au succès de leurs fours. $ 3. — Conséquences économiques et sociales de l'emploi des fours à bassin. L'usage des fours à bassin a fait subir à diverses branches de la verrerie, en particulier à la verre- rie à vitres, une modification profonde. Il en est résulté une économie de plus des deux tiers du combustible, économie considérable, très supé- rieure à celle que les fours à gaz réalisent sur les procédés de chauffage dans les industries à reculer les maîtres de verrerie en France el en | travail continu. Mais un autre avantage a ré- 140 E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE duit plus encore les prix de revient : le four à bas- sin à supprimé l'atelier de poterie, qui coûtait si cher, les accidents de toutes sortes, si onéreux, que produisaient souvent les ruptures de pots. Il a facilité le cweillage du verre et permis aux gamins de quinze ans, — à qui l'accès des pots élait inter- dit, — d'intervenir dans la fabrication, de s’exer- cer au travail d'une matière devenue moins coù- teuse, et de fai- tous les ateliers annexes sont condensés et simpli- fiés à l’avenant. Il s’ensuivit la création immédiate d'usines nombreuses et à forte production. Non seu- lement la Belgique et la France doublèrent et tri- plèrent leur fabrication, mais, comme nous l’avons indiqué au début de cet article, la Russie et les États- Unis, autrefois tributaires des usines françaises et belges, fondèrent des verreries. De là, surtout en verrerie à vi-. re ainsi gra- duellement leur apprentis- sage de futurs souffleurs. Cette simpli- fication du tra- vail a cepen- dant suscité de profonds mé- contenlements. En voyant des jeunes gens se ranger à Côté d'eux et pren- dre quelquefois leurs places, les vieux verriers ont senti s’ef- fondrer , avec leurs anciens privilèges, ce brevet d’habi- leté que confé- tres, une crise. d'une intensité rait jadis le ti- tre desouffleur. D'autre part, les maitres ver- riers n’ont pas compris à temps ce mé- - contentement général : cer- tains ont abusé de la facilité que les nouveaux fours donnaient à l'apprentissage : ils ont fait place aux jeunes gens sans {enir suffisamment compte des services rendus par les anciens souffleurs ; les rancunes des vieux verriers s’exaspérèrent; les sentiments de haine et de vengeance s'accrurent: toutes ces causes ont largement contribué à l'état de guerre déclaré actuel. Signalons enfin, comme autre conséquence des fours à bassin, la réduction, de plus des deux tiers, du capital de premier établissement : un four coû- tant 200.000 francs produit, en effet, autant que six Ou huit fours à pots d'une valeur de 300.000 f., et Fig. 4. — Plales-formes sur lesquelles travaillent les souffleurs. — Ces plates-formes sont adossées au four dans la région du dôme. Leur niveau correspond à peu près à la surface supérieure du bain de verre dans la cuve. Chaque plate-forme est isolée de ses voisines. Dans l’espace profond qui les sépare, les souflleurs balancent leurs cannes chargées de paraison et soufllent les manchons de verre. A gauche et au dernier plan un gamin faconne la paraïson; le personnage du troisième plan est un grand garçon, occupé à soufller la paraison pour la mettre en boule. Cette paraison, réintroduite plusieurs fois dans le four, s'y charge d’une quantité crois- sante de verre. La masse destinée à former #unchon est souflée et balancée par le souflleur représenté au premier plan: derrière lui, on aperçoit un ouvrier en train de réchauffer l'extrémité d’un manchon à l’intérieur d'un ouvreau. inouie , dont ont à souffrir lescapitalistes, et qui retentit forcément sur la condition de l’ouvrier, De leur côté, les ouvriers, im- bus du senti- ment que le mal venait du « progrès scien- tifique, se sont efforcés de l’en- traver : lors de la terrible grè- ve de Charle- roi, M. Bau- doux, l'éminent inventeur et mailre de ver-. rerie , à failli être, par plu- sieurs, préci- pité dans ses fours. Disons aussi que la substi- tution des fours. à bassin aux fours à polis, entrainant le passage du travail intermittent au travail continu, a rendu nécessaire la réorgani- sation des heures de travail. Aucun système pro: posé à ce sujet n’a encore obtenu l'approbation: complète des ouvriers et des patrons. À En présence de tant de complications causées par les nouveaux fours, on peut se demander s'il est à désirer que les fours à bassin se développent davantage el gagnent les industries du verre où ils n’ont pas encore pénétré : la gobeleterie et la cris tallerie. La réponse n’est pas douteuse : quelques” conséquences qu'il entraine, le four à bassin | constitue un immense progrès technique; fatale- —._ KE. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 141 ment, il s'imposera de plus en plus. Mais, pour éviter les crises de subite surproduction, souhai- tons que les modèles de l'avenir puissent être, sans abaissement du rendement calorifique, ré- duits à de petites dimensions. Ce desideratum mé- rite spécialement l'attention des ingénieurs. $4. — Travail de fabrication du verre à vitres, Les vitres peuvent se fabriquer par deux procé- dés : en plateaux et en manchons ou cylindres, 1. Vitres à plateaux. — Dans cet ancien procédé la paraison gonflée sous forme d'une sphère apla- tie était sou- dée à une tige de fer déta- chée de JÎa canne, puis ouverte au feu par la force centrifuge jusqu’à ce QUI on LUN grande fosse, en soufflant constamment (fig. 4). Les actions combinées de la pesanteur, de la force centrifuge due au balancement et de la pression intérieure due au souffle, font allonger le verre sous forme de manchon terminé par une calotte sphérique. L'axe de ce cylindre est le prolonge- ment de l’axe de la canne. Lorsque le cylindre a atteint la hauteur voulue, le souffleur le pose sur un chevalet et le détache de la canne; il coupe les deux extrémités, les deux calottes, au moyen d’un cordon de verre rouge ou, comme on le fait en Amérique, d'un fil de fer qu’on fait rougir par un courant élec- trique. Cette première é- tape de la fabrication fournit donc un cylindre droit à bases circulaires: le manchon. b). Étenda- ge. — Après refroidisse - qu'elle se dé- veloppät en ment,le man- chon est fen- un large dis- du suivant u- que, d’épais- seufr assez ré- gulière . Le disque élait ensuite débilé ne génératri- ce par un trait de diamant, puis renfour- né dans un en petits car- a four circulai- reaux. Hip 5 — Enfournement d'un cylindre de verre dans un four à étendre. = L'ou- re àsoletour- ,. Yzier situé à gauche et au premier plan place le cylindre déjà fendu, puis laide à CNET Ce procédé s'ouvrir à mesure que la chaleur le ramollit. — L’ouvrier représenté à droite et au der- nante, où il n'a qu'un in- lérêt histori- que; mais cet intérêt est grand, car c’est lui qui a fourni les premières vitres romaines, celles que l’on a retrouvées à Pompéi, les vitraux de nos cathé- drales, les culs de bouteille et les œils-de-bœuf de nos vieux châteaux; il a été seul usité en France jusqu’à l’arrivée des Belges, en Angleterre jus- qu'en 1850; mais il est aujourd'hui abandonné. 2. Vitres en manchons ou cylindres. — Ce procédé, — le seul usité de nos jours, — estmoins simple que le précédent, mais donne des produits d’une régula- rité d'épaisseur et d’une planimétrie remarquables : il comporte deux opérations : le soufflage du cylindre et l’étendage. a). Soufflage. — Pour obtenir les immenses cylindres de 1*50 à 2mètres de hauteur et de 0,30 à 0,40 de largeur, première étape de la fabrication. le maitre-verrier balance sa paraison au-dessus d’une REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. nier plan retire la vitre, devenue plane, qui a lentement parcouru un long circuit à l'intérieur du four et s’y est graduellement refroidie, s’échauffe graduelle- ment jusqu'à la température de ramollissement du verre. Un ouvrier le prend alors sur une palette et ie dépose sur la table d’étendage placée dans un four (fig. 5) chauffé à la même température rouge-ce- rise : bientôt le cylindre s'ouvre de lui-même et louvrier, promenant un rable en bois à sa surface (fig. 6), achève de l'aplanir. Il suffit alors de recuire la vitre, ce qui se fait en quatre ou huit heures, dans un long four conti- nu ou éwreuise qui constitue la continuation du four d'étendage. Sortant de la carcaise (côté droit de figure 5), la vitre est découpée suivant différentes dimensions. $ 5. —Main-d'’œuvre de la verrerie à vitres. Rienn’est plusaisé, en apparence, que le soufflage des manchons, qui se fait en quelques secondes, avec une sûreté remarquable : rien, en réalité, ne ges g 4 14 E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE demande plus d'adresse et de force. Bien que les grandsmanchons cubent jusqu'à 300litres,letravail des poumons n’est pas la partie la plus pénible de ce dur labeur, car c'est surtout la pesanteur qui allonge le verre, le souffleur ne faisant qu'en diriger l’ac- tion et empêcher que le cylindre ne se creuse en fuseau. Mais le travail musculaire des bras, des jambes et de tout le corps est extrêmement dur et atteint les limites des forces humaines. Le verrier, eneffet, manie, au bout d’une canne de deux mètres, lourde de 20 kilos, un poids de verre attei- progrès au point de vue général. Tandis que les gnant lui-même 20 à 30 kilos. Aussi les verriers ont-ils toujoursété payés très cher, et cependant le recrutement en a par- fois été très diflicile. Au Al moment de la grande une réduction énorme dont il souffre et à laquelle on ne peut que compatir. Il en est résulté un état de mé- contentement aussi aigu en Belgique qu’en France," $ 6. —Progrès de l'industrie du verre à vitres. Le tableau un peu sombre que nous avons dû - faire de l’état actuel de la verrerie à vitres et la crise vraiment terrible qui a suivi la (ransforma- tion de cette industrie ne doivent pas faire perdre de vue l'influence vraiment bienfaisante de ce uns cherchaient à sou- tenir la lutte commer ciale par un abaissement continu de leurs prix de … d’autres fabri- mède dans une amélio- prospérité dela verrerie, ration du produit et se il s'établit une véritable enchère qui amena les tarifs à des taux exces- sifs: un bon ouvrier pou- vait alors gagner de 30 à | tournaient vers la pro- | duction régulière de grandes vitres épaisses! (verre double) et bien HAL) planes, capables de dé- 35 francs par jour et se faire des mois de 4.000 à 2.000 francs.Ilest aisé de trôner les glaces pour certains usages, tels que les grandes fenêtres, les , devantures et même les” | vente , cants cherchaient le re- juger à quel gaspillage, à quel luxe fou se lais- saient aller des ouvriers disposant, tout d’un coup, d'autant d'argent. Peu préparés à la culture intellectuelle, c’est sur- tout les plaisirs malé- riels qu'ils convoitèrent. Les excentriciltés des verriers de Charleroi sont restées légendaires. Mais cet âge d'or sem- ble fini : sous l'influence de la crise actuelle, et pour soutenir la lutte avec les Américains, cer- tains maitres de verrerie ont cru devoir regagner sur la main-d'œuvre par tous les moyens pos- sibles : réductions franches dont l’ouvrier a senti la nécessité, et, disons-le aussi, réductions dissi- mulées, garniture, rebuts non payés et que l’on ne casse pas, falsification des mesures, — actes que l’on ne saurait trop blàämer, quiirritent l’ou- vrier et mettentle bon droit de son côté. — Au- jourd'hui un bon ouvrier ne gagne plus par jour que de 12 à 15 francs, et, comme il ne travaille que cinq jours par semaine, son salaire mensuel ne dépasse pas 300 francs. C’est le minimum qui Fig. 6. — Aplanissement de la vitre dans le four à élendre. — Au moyend’un rable en bois, qu’il introduit dans le four, un ouvrier aplanit la surface encore inégale du cylindre de verre déroulé par la chaleur. puisse suflire à un homme obligé, de par son tra- vail, à une alimentation très substantielle, et for- cément, physiologiquement entrainé à des dépenses de table assez considérables : c’est, en tout cas, miroirs !. Le consom- mateur a bénéficié lar- gement de tous ces ef, forts; il trouve aujour- d'hui à moilié prix un. produit beaucoup plus beau que celui qu'il achetait il y a vingt ans; le nropriétaire d'une petite maison, l’ouvrier même. — à cet égard la Belgique donne un saisissant, exemple — peut orner sa maison de belles fe- nètres et de glaces, et, comme c’est là le luxele plus inoffensif, disons le plus utile?, on ne peut qu'applaudir au progrès acquis, tout en souhai- tant que l'équilibre industriel se rétablisse le plus promptement possible. 1 L'industrie des miroirs en verre à vitres, sur laquelle nous ne pouvons ici nous étendre, prend à Charleroi un dévelop- pement considérable : elle livre des miroirs d'appartement d'assez grande dimension à des prix d'un bon marché remars quable. à L 2 Un autre emploi du verre à vitres, qui se répand de plus en plus, consiste à orner certaines fenêtres, de vitres de couleurs ou dé verrières. La coloration du verre s'obtient par l'addition de colorants minéraux, sels de manganèse, de cobalt, etc., à une partie de la paraison. L'ouvrier plonge l& paraison de verre blanc dans un bain de verre coloré. La matière colorante demeure à la surface extérieure du man= chon soufllé, et finalement de la vitre. On emploie beaucoup, surtout depuis quelquesannées,ces vitres colorées pouréclairen les cages d'escalier et certaines pièces donnant sur des COUrS E. DAMOUR. — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 143 NII. — GLACERIE. $ 1. — Historique et Statistique. C'est de 1691 que date véritablement l’indus- lrie des glaces. A cette époque Louis Lucas de Nehou parvint à fabriquer de grandes glaces par le procédé du coulage, qui est encore le seul procédé en usage. Auparavant on soufllait les glaces en suivant un processus analogue à celui des verre- ries à vitres. Mais il est évident que l’on ne pou- vait obtenir ainsi que des glaces de petites dimen- sions. C'est pourquoi l'invention de Lucas de Nehou fit prendre à la Société de Saint-Gobain, dont il ful un des directeurs, un rapide et brillant essor; depuis lors celte Compagnie est devenue la pre- mière glacerie du monde. La fondation de la Société des Manufactures de glaces et produits chimiques de Suint-Gobuin, Chauny et Cirey remonte à 1665. Patronnée par Colbert, la #anufacture Royale de glaces de miroirs devint, en 1693, la Manufacture Royale des grandes glaces et s'installa au château de Saint-Gobain, près la Fère; en 1796 on établit à Chauny des ateliers de doueci et de poli. La Compagnie de Saint-Go- bain se transforma, en 1830, en Société anonyme, et, en 1858, la Compagnie de Saint-Quirin, qui lui faisait une concurence sérieuse, fusionna avec elle. Cette grande Société, qui possède sept glaceries en France, Allemagne et Italie, produit annuelle- ment : 900.000 mètres carrés de glaces; 650.000 mètres carrés de verres bruts minces, verres à relief, verres imprimés; 1.400.000 kilos de dalles et moulage; 100.000 kilos de verres d’optique. Il existe, en outre, en France trois sociétés fa- Tableau II. — Production des glaces dans le monde. EE — ZE EL SOCIÉTÉS USINES |[MÈËT. CARRÉS EE, npletenre. 0. 3 3 700.000 Belgique..:..... :-. 8 8 1.000.600 HTC EM Ter MUR 4 9 850.600 Allemagne....... 6 9 750.000 Italie. .... À 1 100.000 LOUE CHRONO 2 2 50.000 Etats-Unis........... 3 12 80.000 Autriche. :.....… 1 1 30.000 4.280.000 briquant des glaces : Sociétés des Glaces et Verres spéciaux du Nord à Recquignies et Jeumont, Manufac- tures d’Aniche, Société des glaces de Maubeuge à Assevent. Les deux premières se sont fait une place importante dans l’industrie des glaces: la troisième, moins considérable, compte environ 250 ouvriers. Le tableau II résume la production des glaces dans le monde.Remarquons, toutefois, que la pro- duction des États-Unis est difficile à évaluer exac- tement, car ses usines sont soumises à de fréquents chômages et marchent très irrégulièrement. La conséquence inévitable de la multiplication des glaceries à élé, comme en verrerie à vitres, une surproduction excessive et un abaissement des prix d'une brusquerie vraiment terrible. La crise de la glacerie a été plus violente qu'aucune des crises de la grande industrie, et, si elle n'a pas amené en France de désastres, on ne peut l’attribuer qu'à la solidité et à l'habileté de la Compagnie qui sert de modèle à toutes les gla- ceries françaises; à l'étranger, plusieurs usines on dû fermer, La crise aujourd’hui s’atténue; par suite de l’abaissement des prix de vente la con- sommation s'étant accrue, l'équilibre s’est de nou- veau rélabli, et il ne reste plus que le souvenir de celte lutte, qui s'est en somme terminée par un grand progrès industriel, très favorable au con- sommateur. S 2. — Composition des glaces et préparation des mélanges vitrifiables. Le verre, destiné à être coulé et ne devant pas être bulieux, doit être assez fluide, et, par suite, riche en alcalis. Voici sa composition : Composition Composition ancienne actuelle SIITO LR ae cree 100 Silice 100 Carbonate de soude. 42 Soude 17,6 (sel Solway) Charbon re Ames DA Chaux 6,4 Carbonate de chaux. 20 Alumine 0,37 Acide arsénieux..... 0,5 Fer 0,15 Il existe à Saint-Gobain un laboratoire, où toutes les matières premières entrant dans la composition des glaces et des produits réfractaires sont sérieu- sement étudiées. M. Henrivaux a su habilement compléter ou modifier les méthodes d'analyse pour le dosage de traces d’alumine et de fer, dont il a montré le rôle important dans la coloration des verres. Il est nécessaire d'employer des matières pre- mières les plus pures possible, et surtout exemptes de colorants, de fer en particulier. Le sable provient de Champagne, de Fontaine- bleau ou de Nemours. Les grains de grès en ren- dent la fusion plus diflicile et doivent être exclus. Le calcaire provient de Landelies en Belgique, d'Aix-la-Chapelle, du nord de la France. C’est un calcaire carbonifère. Le sulfate de soude doit être préparé dans une enceinte absolument exempte de fer. Ici, comme en verrerie à vitres, les progrès de l'industrie chimique — dont Saint-Gobain profite mieux qu'aucune autre glacerie puisque la Com- pagnie fabrique elle-même ses produits — ont 144 E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VER RERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE eu la plus heureuse influence : non seulement le carbonate de soude Solvay est oblenu plus pur et à un prix qualre fois moindre qu'il y a trente ans, mais le sulfate de soude est lui-même aujourd'hui exempt du fer et peut entrer en beau - coup plus grande proportion dans les composi- tions. Toutes ces matières sont {lamisées et mélangées aujourd’hui par des appareils nécaniques : c'est la seule industrie verrière où le mélange à la pelle ait disparu, el encore n'y a-t-il pas longtemps. — Alelier de polerie des Usines de Jeunont. de l'ouvrier, subissent une première dessiccation à tempéra pols ouverts que pour celle des pots couverts de crislallerie et gobeleterie. La terre à pois est un mélange d'argile réfrac- taire crue de qualité supérieure, d'argile cuite et d'une quantité variable de grès finement pulvérisé el tamisé; elle est soumise à un malaxage répété quatre el cinq fois, qui en assure la parfaile homo- généité, débilée en cubes d'environ un décimètre et placée dans des caves ou elle subit 3 ou 4 mois le pourrissage, pendant lequel s'effectue une trans- formation, nécessaire au travail de modelage. T. La photographie représente un potier oceupé à faconner la partie ieure d'un pot couvert, placé dans son moule de bois garni de grosse toile. Les creusets terminés, à droite et à gauche ure ordinaire avant la mise à l’'étuve. — À gauche, on voit une table sur laquelle sont placés les marrons de terre débités en petites boules. $ 3. — Fusion, coulage, recuit. À. Fabrication des creusets.— La fusion se fait dans des creusets ou pots. C'est en glacerie que la bonne confection des pots a la plus grande importance. Aussi les poteries des manufactures de glaces sont-elles des modèles : celle de Saint-Gobain est munie d'appareils mécaniques de pétrissage très perfectionnés ; nous devons aussi citer celle (fig. 7 des glaceries de Jeumont qui, sous la direction de M. Despret, administrateur dela Société, s'estacquis une juste réputation lant pour la fabrication des Le creuset est faconné entièrement à la main avec l’aide d’un moule cylindrique en bois : l'ou= vrier fait le travail en procédant par couches sue= cessives de quelques millimètres à peine; il ne prend jamais que des morceaux de pâte de la dimens sion d'une grosse noix, qu'il étale minulieusement en évilant toute ligne de stratification. La confecz lion d’un pot ne demande pas moins de six à huib heures de travail d’un ouvrier vigoureux. Les creusets sont ensuite séchés dans de grandes éluves maintenues à 40° pendant trois mois, puis chauffés très progressivement en une huitaine des jours dans des arches spéciales. E. DAMOUR — ETAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 145 sert, en outre, à l’'enverrage des creusets neufs. Une fois la fusion, l’affinage et la braise lerminés, 2. Fours. — Les creusets sont disposés dans un grand four (fig. 8) qui peut en contenir de 8 à 20. Fig. 8. — Grand four pour la fusion du verre desliné à la fabrication des gluces photographie aux Glaceries de Saint- Gobain. — Ce four est du système Siemens, chauffé au gaz, l’arrivée et l'échappement du gaz, de l'air et des fumées se faisant par le plancher du four, on ne voit sur la figure aucun carneau. Le massif visible est donc constitué par une longue voûte symétrique par rapport au grand axe, contenant une double rangée de creusets; à chaque creuset correspond une porte, que l’on débouche au moment de la coulée. — Quatre de ces portes sont visibles sur le côté vers la gauche. Ces ouvertures sont munies d'obturateurs que l’on relève au moyen de chaines enroulées sur les poulies visibles à la partie supérieure du four et qui permettent de suivre aisément les opérations de fonte et d'affinage. Devant la grande porte du four, le maïître-fondeur présente au chef de fabrication une tige de fer qu’il a plongée dans un creuset. Ce dernier exa- mine, par l'aspect du verre adhérant à l'outil, le degré d'avancement de l'affinage. Fig. 9. — Sorlie des creusels renfermant le verre fondu (à Saint-Gobain). — L'ouvreau étant débouché, on y introduit {4 machine d'un chariot à long {imon appelé diable. Le diable, traîné par dix hommes, ayant été reculé à 1 mètre du four, on abaisse le timon pour soulever le creuset et l'on glisse en dessous un chariot à roues très basses plus maniable que le diable et à l’aide duquel on roule le pot près de la grue. La grue, visible à l'arrière-plan, est amenée et enlève le creuset pour le renverser ensuite sur la table d'épandage. On charge d'abord une certaine quantité de calcin | on procède au coulage. On ouvre la partie du four (débris de verre), puis la composition. Le calcin ! quiest devant le creuset ; puis une pince (fig. 9)saisit 146 s le creusetet le place sur un chariot : arrivé près dela | boulanger, four qui seul assure un bon recuitM table de cou- lage, on ren- verselecreu- set à l’aide d'une te- naille fixée à une grue (fig.10et11). Le verre s'é- tale sur la table sau- poudrée de sable fin. On termine l’é- tendage à l’aide d'un rouleau ,en fonte pesant environ 400 kilos. La largeur et l'épaisseur de la glace sont réglées par l’écarte- ment et la hauteur de tringles en fer, sur les- quelles por- tele rouleau La car- case sou four à recui- re,estsituée en face de la table (fig. 13). Aussi- tôt l’éten- dage fini, on pousse Ja glace dans la careaise; elle yrestera plusieurs jours. Cha- que four à recuire peut renfermer deux ou qua- tre glaces (fig. 43). Ces fours sont généralement chauffés soit au bois, soit, aussi bien, au gaz, et ils sont tous du type du four à Fig.10. — Renversement d'un pol de verre sur la table d'épandage (Photographie faite aux Glaceries de Saint-Gobain . — Vers la droite se voit le grand rouleau cylindre qui se meut d’un bout à l’autre de la table pour y étendre uniformément le verre. Le chef de coulée, portant un rable appuyé sur la table, surveille le mouvement du verre et dirige la coulée. Fig. 11. — Table d'épandage employée aux États-Unis. — Des ouvriers, munis de ringards, distribuent la pâte semi-fluide du verre sous le cylindre qui l'étend; ce cylindre se déplace mécaniquement d'un bout à l’autre de la table et exerce sur le verre une pression, va- riable à volonté, que gradue à son gré un ouvrier. que tant de grandes usines hésitent encore, après. vingt-cinq ans d'expérience, à appliquer les mêmes E. DAMOUR. — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE Lesopéra tions qui précèdent; restées les mêmes dans! leurs gran-" des lignes depuis l'ori gine de la glacerie, ont. reçu depuis trente ans des perfec- tionne- menis Con- sidérables. Le pre- mierendate;, mais aussi le plus impor tant, a élé l’introduc= tion des fours à com=" bustible ga=" zeux, l'ap plications des inven = tions de Sie mens au glacerie rest à MS neur d’avoi essayé cè fours dè 1868, à pei= ne {rois ans après les premiers essais de si William Sie mens; ce fu là vérilablez ment un trait d'ini tialive re m à rquablé, si l'on songe E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 147 principes. Depuis 1870, la Compagnie de Saint-Go- | fectionnés mus par l'électricité; la manœuvre du bain ne possède plus que des fours à gaz: sans | rouleau, autrefois faile par un treuil à main, se cesse, elle les modifie et vient, il y a quelques an- | fait mécaniquement; en Amérique, on a tenté de nées, de construire des fours à bassin qui, réali- ! remplacer le treuil par un rouleau à vapeur ou à —— a . Ê : EE — =” — Fig. 12. — Table des fig. 11 e{ 13 montée surrails, de facon à se déplacer latéralement. — Ce déplacement permet à la table de desservir successivement les diverses gueules du four à réchauffer de la figure 13. sant une nouvelle économie de fusion, ont permis | traction électrique ; enfin les glaces sont pous- de donner une grande extension à la fabrication | sées mécaniquement dans l'intérieur des car- des verres à relief et imprimés : ces derniers fours | caises (fig. 12 et 13). ne peuvent encore servir à la coulée des grandes De cette façon la coulée d'une grande glace, l’une glaces. des plus puissantes et des plus belles opérations (HO Fig. 13. — Four à réchauffer les glaces, aux États-Unis. — La table de la fizure précédente aboutit à l'une des gueules du four à réchauffer; au moyen d’une crémaillère, elle y introduit la glace. Pour la coulée, les perfectionnements ont tendu | industrielles auxquelles on puisse assister, se fait surtout à la suppression de ces innombrables simplement, presque sans intervention du travail manœuvres dont le concours était nécessaire à la | de l'homme : sa direction y suffit. fabrication des grandes glaces : les grues servant La coulée des glaces, si simple en apparence, a à soulever les pots sont des appareils très per- À soulevé les problèmes les plus compliqués, d’au- 118 E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE ER RE SRE RE RP 0, een tant que l'on abordait la fabrication de glaces de plus en plus grandes. Lorsqu'on coule sur une table métallique une masse énorme de verre en fusion, le fer s’'échauffe, el nous avons vu que cet échauffement est néces- saire pour empêcher que la glace ne se fende. Mais la conséquence de cet échauffement est une dilatation de la fonte, quise courbe, en sorte que, si le rouleau était exactement cylindrique, la glace aurait au centre une épaisseur insuffisante. On ya remédié en donnant au cylindre la forme cintrée d'une hyperboloïde, et cet artifice a longtemps été le seul moyen d'obtenir des glaces d'épaisseur à peu près égale, dont le polissage est évidemment l’aide de vieux appareils, à un degré d’habileté tel que l'on hésite à leur confier un appareil plus” perfectionné, mais qu'ils connaïtront peu ou point. Voici, sommairement indiqués, les procédés gé- néraux employés il y a quelques années seule- ment : La glace rugueuse à la sortie de la carcaise est examinée soigneusement. On en reconnait les défauts et on la débite. Si les défauts sont assez insignifiants, on laisse la glace entière. On se con- tente de l’équarrir au diamant. La glace est scellée sur du plätre, puis on promène à sa surface un châssis nommé ferrasse porlant à la partie infé- rieure des bandes de fer. On jette entre ces bandes Fig. 14. — Table à polir les glaces (photographiée aux Glaceries de Saint-Gobain.) beaucoup plus économique. Depuis deux ou trois ans, un constructeur, M. Théophile Haut, a trouvé une solution meilleure : elle consiste à remplacer la table de coulée en une ou deux pièces par une table formée de l'assemblage d’un très grand nom- bre de plaques de fonte qui, jouant les unes par rapport aux autres, se dilatent sans donner de flèche à la table. Ce perfectionnement est considéré comme l’un des plus importants de ces dernières années. S 4. N — Doucissage, savonnage, polissage. Ces trois opérations sont, à l'heure actuelle, les plus importantes de la glacerie. D’elles, en effet, dépend le degré de perfection de la glace. De leur durée dépend le bonrendement de l'usine. On peut dire que tous les efforts ont tendu à remplacer la main de l’ouvrier par des procédés mécaniques et à gagner le plus de temps possible sur les manu- tentions, loujours longues et dangereuses. Actuellement, à Saint-Gobain, il existe diverses machines destinées au doucissage, au savonnage et au polissage. Certains ouvriers sont arrivés, à de fer et la glace du gros sable de rivière; on injecte en même temps un filet d'eau. Ce chässis reçoit un double mouvement, combiné de façon qu'aucun de ses points n’ait une vitesse nulle. Lorsqu'un côté est plan, on retourne la glace et on opère de même. L'opération du douci est ter=w minée. Le savonnage se fait dans un autre atelier em frotlant l’une sur l’autre deux glaces doucies et en interposant entre elles de l’émeri de plus en plus fin. Cette opération nécessite aussi deux scelle=M ments au plâtre. Cette opération, qui se faisait à la main il n’y a pas encore longtemps, se fait aujour- d'hui au moyen d’une glace à laquelle des liaisons cinématiques communiquent un mouvement en, forme de 8 allongé. Les glaces savonnées des deux côtés vont aux ateliers de polissage. Le polissage s'est fait méca niquement bien avantle savonnage. Les feutres ou polissoirsreçoivent un mouvement de translation; soit rectiligne, soit circulaire, On emploie commen malière rayante de la potée délayée dans l’eau. La glace est ensuite examinée soigneusement E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 149 a dans une chambre tendue de noir. Après l'examen, on l’accepte, ou bien on la fait retoucher. Cette méthode nécessite trois transports, six scellements et descellements. Aussi depuis long- temps on a cherché à doucir, savonner et polir la même face sans desceller. C'est encore à M. Hector Biver que revient l'idée fondamentale de cette transformation, la plus im- portante, peut-être, de celles qu'a subies la fabrica- tion des glaces. Depuis 4855, à l'instigation de son éminent directeur, la Compagnie de Saint-Gobain n'a cessé de poursuivre les études sur la simplifi- cation des procédés de polissage; la solution de ce problème, qui comporte des questions méca- D RS Ces transformations des procédés de polissage ont, en glacerie, une importance qu'il est facile de concevoir : elles ont abaissé les prix de revient, accru le rendement des appareils existants, diminué les frais d'installation des usines. De tous les progrès que nous venons d'examiner, c’est incontestablement celui qui a exercé la plus grande influence sur la marche générale de l'indus- trie des glaces : c’est à lui que nous faisions allu- sion au début de ce chapitre, comme étant la cause de la marche en avant de la glacerie. IL est curieux de jeter un coup d'œil sur le ta- bleau III suivant, qui montre nettement l'influence, | sur un bon rendement, du temps dépensé pour la Fig. 15. — Transport d'une grande glace (Photographie fuile aux Glaceries de Suint-Gobuin). — La glace est soulevée sur dessangles que les ouvriers tiennent avec la main, située en dedans contre la glace; celle-ci est maintenue verticalement en haut par les épaules des porteurs et par une autre série de sangles qu'ils tiennent de leur main extérieure. — Le chef d’équipe à gauche, marchant à reculons, surveille la flexion de la glace sujette à se plier comme une tôle, et rectifie l’aligne- ment des porteurs. niques de la plus haute difficulté, s’est faite gra- duellement et par étapes, et ce n’est qu'après trente-cinq ans de recherches, qu'on est parvenu à le résoudre. Aujourd'hui, on effectue les trois opé- rations : doucissage, savonnage, polissage, sur une même face, sans la desceller; il suffit ensuite de retourner la glace et de la sceller à nouveau, pour faire subir à la seconde face le même travail, et l'on obtient une glace finie avec deux scellements au lieu de six, et un seul retournement au lieu de cinq. Il est aisé de comprendre l’économie qui résulte de cette simplification. Ajoutons que les tables, primitivement carrées, fixes ou animées d’un mouvement de va-et-vient, ont été remplacées par des tables circulaires ani- mées d’un mouvement de rotation (fig. 14) : on a pu ainsi abaisser, de vingt-deux à dix-sept heures, le temps nécessaire pour travailler les deux faces d’une glace et diminuer beaucoup la force motrice nécessaire au polissage. confection d’une glace, soit à bras, soil au moyen de machines ! : Tableau III. — Rapidité des opérations. Vers 1165 En 1865 En 1889 Mélange et enfournement 3 heures 3 heures 3 heures Fonte et coulage..... . 28 — DEN DE. — Séjour dans la carcaise.. 96 — 8S& —) 72 — Equarrissage.......... 6 — 5 — 6 — Doucissage des deux côtés d'une glace de 17. à bras 36| machine 28 —7),, _ Savonnage É — GENE | Polissage ..... fe — 12| machine 24 — 12.— MORE EE 246 heures 174 h. 121 heures On voit combien le progrès du travail à toutes les étapes de la fabrication de la glace a réduit la durée Lotale des opérations. 1 Çes chiffres sont empruntés à la brochure de M. Gen- tilini, sur la Sociélé de Saint-Gobain, Chauny et Cirey (extraite du Génie civil). 150 E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE | $ 5. — Miroiterie. Les glaces destinées à la miroiterie sont ouwr- | gentées ou platines. La Société de Saint-Gobain a renoncé au procédé d’élamage des glaces, si funeste à la santé des ou- vriers. L'élamage consistait à déposer sur la glace un amalgame d’élain. Environ 100.000 mètres carrés de glaces sont argentés annuellement à Saint-Gobain. On emploie rendre compte du procédé de transport, qui est très simple. Le bord inférieur de la glace repose sur une sangle supportée par deux rangéess parallèles d'ouvriers. Ceux-ci maintiennent, en outre, la glace en équilibre dans une position ver- ticale au moyen de grandes lattes appuyées surles côtés de la glace. La figure 16 montre un atelier de manutention aux Glaceries de Saint-Gobain. On voit que la levée et le transport des grandes glaces enfermées dans Fig. 16. — Manulention, emballage et chargement des glaces (lhotographie faile aux Glaceries de Saint-Gobain). — Un pont roulant sert à charger et à transporter sans secousses les glaces emballées. deux procédés : 1° à froid, au sel de Seignette; 1° à chaud, à l'acide tartrique (procédé Petitjean). Le platinage consiste à déposer sur une glace un mélange de deux parties d'essence de lavande et une partie de bichlorure de plaline. En évaporant, il reste une mince couche de platine. Les glaces platinées sont moins belles que les glaces argen- tées ; elles sont plus ternes.Seulement, ce procédé, appliqué aux vitres, donne d'excellents résultats. On peut y déposer, en effet, une mince couche de platine laissant passer 50 °/, de la lumière. On voit alors très bien au dehors, mais de l'extérieur on ne voit pas à l’intérieur. $ 6. — Manutention des glaces. Il est curieux d'observer la facon dont se font, dans les usines, le transport et la manutention des grandes glaces. Notre figure 15 permet de se les caisses d'emballage s'exécute au moyen d’un pont roulant, ce qui est évidemment le meilleur moyen de les déplacer sans choc. $ 7. — Questions commerciales. 4. Transport des glaces. — Les glaces sont trans- portées par les chemins de fer français aux prix de 0 fr. 12 à O fr. 15 la tonne kilométrique suivant l'emballage. Ces prix, quoique assez avantageux, pourraient encore être baissés, car les avaries en cours de roule sont très rares. ht onte at ee A 7 Le port d'Anvers accapare toute l’exporlalion : le fret y est plus bas qu’au Havre, Dunkerque, Bordeaux, et surtout le déchargement, le charge- ment et l’arrimage y sont faits par un personnel habitué à ces manutentions. . 2. Droits de douane. — Les glaces polies paient à l'entrée en France 3 francs ou 3 fr. 50 de droits E. DAMOUR — ETAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE de douane par mètre carré suivant leur superti- cie; les glaces brutes, de 1 franc à 2 francs; les verres coulés, 4 fr. 50 par 100 kilos. Ces droits représentent environ 10 °/, de la va- leur et compensent à peine les charges qui grèvent l'industriel français comparativement à ses con- currents. Ainsi la Belgique donne aux ouvriers de ses glaceries des salaires de 20 °/, inférieurs à ceux des ouvriers français. Et cependant, grâce à la supériorité des produits des usines françaises et à la perfection de leur matériel, la lutte est encore égale sur le marché de l’exportation. 3. Prix des glaces en France. — Les prix sont essentiellement variables. Ils dépendent de l’épais- seur el de la superficie. Actuellement le mètre carré coûte de 23 à 45 francs, selon qu'il s'agit de glaces d'un demi-mètre carré ou de 10 mètres carrés. La glacerie, et plus exactement la Compagnie de Saint-Gobain, fait le plus grand honneur à l’indus- trie française ! et c’est un bien agréable devoir de le constater dans l'industrie verrière où, par ail- leurs, il y a tant à faire. Peut-être cette Société qui emploie son verre de glacerie à la fabrication de verres d'optique pour- rait-elle compléter sa belle œuvre en abordant l'élude si intéressante des verres pour objeetifs qui font la gloire de la verrerie allemande : c'est un desideratum que nous nous permettons de signa- ler, pensant que c’est à une compagnie à capitaux puissants, dans laquelle les questions chimiques sont suivies avec une grande compétence, que re- vient la charge des grands progrès, et Saint-Go- bain l'a toujours compris. VIII. — VERRERIE A BOUTEILLES $ 1. — Historique et Statistique. La fabrication des bouteilles est l’une des plus anciennes des industries du verre en France. La plus ancienne verrerie en verre noir — c'est 1 Ilest bien difficile dans une société possédant un aussi grand nombre d'usines que la Compagnie de Saint-Gobain, de préciser le rôle des directeurs et ingénieurs qui ont le plus concouru au progrès général : ce progrès est œuvre in- divise ct impersonnelle, Aussi croyons-nous ne rendre qu’un juste hommage à tant d'efforts en donnant ici les noms des directeurs actuels de Saint-Gobain qui y ont participé. Le directeur général actuel est M. Alfred Biver, frère de M. Hec- tor Biver, administrateur de la Compagnie. Les plus anciens directeurs sont M. Bauquel, à la tête de l'usine de Cirey, particuliérement connue pour la perfection de ses glaces; M. Arbenz, directeur de la glacerie de Stolberg ; M. Henne- cart, longtemps à la tête de l'usine de Monilucon qu'il a presque entièrement construite et l’une des plus belles de la Compagnie, maintenant secrétaire général; M. Henrivaux, directeur de Saint-Gobain, qui s'est acquis dans la chimie du verre une place à part; M. Meyer, directeur de la gla- cerie de Mannheim: M. de Vienne, directeur de l'usine de polissage de Chauny, qu'il a transformée; enfin M. Delloye, directeur actuel de la nouvelle usine de Pise, à qui l’on doit les plus beaux perfectionnements mécaniques de la fabrica- tion. 151 ainsi que l’on désignait jadis les fabriques de bouteilles, parce qu’elles employaient un verre très foncé, presque opaque — est celle de Qui- quengrogne (Aisne) créée en 1290. Plus tard se fondèrent celles de Lorraine, puis de Bourgogne, et de Champagne, du xvi° au xvin® siècle. Elles prospérèrent toutes rapidement iorsque l'usage se répandit de faire vieillir les vins en bouteilles, el, dès le milieu du présent siècle, la production alteignait 100 millions de cols! par an. Depuis 25 ans elle s'est accrue beaucoup sous la double in- fluence de la mise en valeur des sources minérales du Plateau Central et de l'extension du commerce des liqueurs en bouteïles. Elle atteint aujourd'hui 180 millions de cols, représentant une valeur mar- chande de 20 à 25 millions de francs. Cette production se répartit entre quarante- trois usines, dont les plus importantes sont : Carmaux, — pouvant produire de 35 à 40 mil- lions de cols et fournissant Bordeaux, les Cha- rentes, le Sud de la France; Rive-de-Gier, — d'une importance à peu près égale, spécialisée dans les bouteilles à eaux minérales et les bonbonnes à acides, fournissant, en outre, Paris et le centre de la France; Montluçon, — pouvant produire de 12 à 18 mil- lions de cols et fournissant les Charentes et l'Ouest de la France; Folembray, — pouvant produire de 10 à 12 mil- lions de cols et fournissant la Champagne et les Charentes ; Fourmies, — Va plus réputée des verreries pour bouteilles à vin de Champagne pour la qualité et la solidité de ses bouteilles ; Reims, — verrerie de construction récente spé- cialisée dans la fabrication des bouteilles à vin de Champagne. Ces deux derniers établissements ont une pro- duetion un peu variable suivant l'abondance des récoltes en Champagne, et d'ailleurs le nombre de cols ne permet pas de les comparer aux précé- dentes, les bouteilles à vins de Champagne ayant une valeur triple de celles à eaux minérales. Di- sons seulement que leur chiffre d’affaires est aussi important que celui des grandes verreries. L’accroissement de production des bouteilles a suivi de La façon la plus caractéristique l’abais- sement du prix de vente qui, de 45 à 16 francs en 1875, est tombé à 10 et 11 francs, subissant une réduction de 30 à 40 °/, ?. 1 C’est l'expression usitée pour compter les bouteilles. ? Nous croyons bon de signaler ici une tentative de créa- tion de verrerie en Algérie, la verrerie de Marceau. Bien que constituée dans des conditions économiques et techniques qui rendentun succès assezaléatoire, cette usineest intéressanteet d’ailleurs encouragée par le gouvernement algérien : Si elle 152 E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE Plus qu'aucune autre industrie, la verrerie à bouteilles est soumise à la loi de l'accroissement de consommation en raison inverse des prix de vente; cela n'est-il pas évident, si l’on songe que les liquides susceptibles d'être expédiées, embal- lées en bouteilles présentent une échelle de valeurs continue depuis les liqueurs de prix, qui sont rares, jusqu'à l’eau minérale dont la source est inépuisable ; chaque abaissement de la valeur relative du contenant par rapport au prix du li- quide contenu pourra conquérir une nouvelle couche de clientèle de plus en plus étendue, soit pour l’exporlalion, soit pour la circulation inté- rieure. Comme il y a, selon nous, un intérêt vraiment national en France à ce que la bouteille soil pro- duite à très bon marché, nous croyons utile d’insister encore sur ce fail économique. Deux exemples sont fournis, l’un par les eaux minérales, l’autre par les eaux-de-vie de Cognac : La verrerie de Saint-Galmier, qui peut produire actuellement 12 millions de cols, a été créée avec les derniers perfectionnements que comporte la verrerie moderne, en vue de l'exploitation de la source Badoil ; elle atteignit dès l’origine le prix de revient maximum de 7à 8 francs pour cent bouteilles, ce qui portait à O fr. 11 à O fr. 12 le prix derevient de la bouteille pleine d’une eau mi- nérale d'excellente qualité. Dès que, par le fait de cette baisse, le commerce de délail put livrer l’eau de Saint-Galmier à 0 fr. 20, la consommation inté- rieure s’accrut avec une extrême rapidité, et un mouvement d'exportation se créa, lequel atteint aujourd'hui plusieurs millions de francs pour l’en- semble des eaux minérales françaises. Dans la région des Charentes, le commerce des cognacs d'exportation, — nous ne parlons ici que des eaux-de-vie très communes, — a pris depuis quelques années une très grande importance. Pour arriver à soutenir la lutte contre l'Étranger, il faut arriver à produire, au prixde 5 francs, la caisse de 12 bouteilles pleines de cognac; en retran- chant 1 à 2 francs pour la caisse et les paillons, il reste environ 0 fr. 40 pour la bouteille et le liquide qu'elle contient. Il est clair que, dans ces condi- tions, une variation de 3 ou 4 centimes sur le prix du verre peut permettre la lutte oula rendre impossible. Peut-être, au point de vue humani- taire, cetle exportation de cognacs inférieurs n'est-elle pas à encourager; mais il s’agit ici d'enlever à l'Allemagne, notamment à Hambourg, an commerce pour lequel cette ville a toujours fait à la France une concurrence sérieuse etparfois réussit à attirer une population verrière plus disposée que d'autres à s’expatrier, elle pourrait être un élément de colo- nisation appréciable. * déloyale. Une réduction de nos prix offre, dans ce cas, un intérêt évident. Les maitres de verrerie de France — disons, à leur décharge, que la plupart sont très éprouvés par la crise actuelle — semblent peu pénétrés de cette vérité économique. Non contents d'être protégés à l'extérieur par un droit de douane des A francs par 100 kilogrammes, soit environ de 30 °/, ad valorem, qui exclut les bouteilles de pro= venance étrangère, ils cherchent à se défendre de. la concurrence intérieure ex limilant la production par un système d’échelle mobile basé sur Ian consommation probable en France. Or, rien n'est plus contraire à l’abaissement des prix de revient que cette limitation, qui ne tient aucun compte de l’état intérieur d’une usine, de la conservation de ses fours, de l’activité de son personnel, en un mot de tous les éléments sur lesquels un indus® triel doit, avant tout, garder une action libre et indépendante: rien, d'autre part, ne semble mieux fait pour exclure la recherche de nouveaux débou- chés, soit à l’intérieur, soit à l’exportalion, qu'un système qui ne peut établir ses projets de consom= malion que sur les besoins actuels et suppose implicitement que ces besoins ne s’accroitront pas C'est une politique économique hostile au progrès el au développement du commerce; à SPposer que les contractants l’appliquent loyalement, cette politique risquerait de devenir plus dange= reuse et plus fatale à l’industrie verrière que le protectionnisme exagéré dont tous subissent déjà les conséquences, et qui a grandement nui à notre commerce d'exportation de vins et liqueurs en bouteilles. Tous ces efforts de protection, intérieure et extérieure, ont d’ailleurs été sans effet, et l’indus- trie qui nous occupe, loin de continuer sa marche ascendante, ne fait que reculer; le symptôme le plus inquiétant est l’accroissement de l’importa- tion, surtout d’origine allemande. Nul ou-à peu près, en 1892, avant le régime actuel, le chiffre des bouteilles qui ont franchi les barrières douanières. a atteint 4.000.000 cols en 1893, et 8.608.000 en 1894, et la progression continue! C’est une élo= quente leçon, qui montre quel énergique effort tous doivent tenter pour sortir de l’ornière actuelle, Les procédés de fabrication des bouteilles ne diffèrent pas, dans leurs grandeslignes, de ceux de la verrerie soufflée, étudiée précédemment; Le lec= teur connait d’ailleurs la composition du verre à bouteilles et les matières premières concourant à, sa production; il est inutile d'y revenir. Nous ne nous occuperons ici que des transformalions M subies depuis 20 ans, cherchant à metlreen lu- mière l'influence qu’elles ont eue sur l'élat actuel. “ E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE 153 $ 2, — Fusion du verre. — Fours. La transformation des procédés de fonte et de chauffage, commencée plus tôt qu'en ver- rerie à vitres, s’est poursuivie plus lentement, et en donnant lieu, pour quelques verreries, à des écoles onéreuses. Ce fait tient, peut-être, à la difficulté plus grande que présente le pro- français ont fait preuve, à cet égard, d’une incurie et d'un esprit de routine impardonnables, dont ils portent aujourd’hui la peine. Les fours Siemens à bouteilles furent essayés à Dresde vers 1874 dans la verrerie Siemens, où l'on construisit cepremier four géant à 24 ouvreaux dont la production quotidienne atteint le chiffre énorme de 40.000 bouteilles. Ces fours furent Rivaeren Vyserel, se Eig.11. — Grand four à bassin système Siemens à douze ouvreaux de la Verrerie de Poilly, de Brigode, à Folembray. — Cette pho- tographie représente le quart de la plate-forme en hémicycle sur laquelle lesouvriers travaillent, plate-forme située à environ 0m 80 au-dessous du niveau du bassin et 1 mètre au-dessus du niveau de la halle visible au premier plan. Les douze ouvriers visibles sur cette plate-forme constituent 4 équipes; emplacement de chaque équipe ou «la place » est indiqué par les baquets en fonte qui contienent l'eau destinée à rafraichir la canne après chaque cueillage. — La seconde place à partir de la gauche permet de suivre très exactement le travail de confection d’une bouteille : devant l'ouvreau éclairé par la lumière du four se tient le gamin, occupé à faire un cueillage; au milieuet en arrière du baquet, le grand garcon pétrit le verre sur une plaque de fonte pour préparer la paraison ; à sa droite, le souffleur tient une canne, verticalement, sur le point de retirerla bouteille finie du moule métallique. Le travail du souffleur se voit mieux encore sur la troisième place; le maitre-verrier est en train de faire le moulage dans le moule métallique tournant, en soufflant au moyen du tuyau de caoutchouc qui amène l'air comprimé du gros tube visible en haut de la figure. — Sur la seconde place se voient encore : le banc du verrier sur lequel l'ouvrier Sassoit pour faire la bague, la fourche servant à dégagerle verre de la canne, les moules ouverts en terre réfractaire placés à l'aplomb du maïître-verrier, et destinés aux premiers moulages. — Auniveau inférieur, au premier plan se voient les râteliers de cannes ; un enfant (porteur) se dispose à porter au four à recuire la bouteille finie qu'il vient de recevoir du maitre-verrier. blème soit au point de vue du verre, qui est beaucoup moins fusible et plus sujet à se gàter, soit, pour l'aisance et le confort, au travail des verriers, qui vont beaucoup plus souvent à l’ou- vreau; mais surtout, cela tient à la moindre compétence des ingénieurs qui en poursuivi- rent l'étude !. La plupart des maîtres de verrerie k Il convient ici cependant de rendre hommage à la com- pêtence de M. Pouff, qui construisit d'excellents fours, et contribua grandement à résoudre le problème d'une facon définitive. D'abord en opposition avec la maison Siemens, il introduits en France par MM. Richarme, qui se contentèrent de copier exactement les types allemands, mais eurent la louable audace de raser complètement leurs grandes usines à pots pour édifier, à la place, une plus grande usine à cinq fours Siemens. M. Charbonneau, de Reims, suivit cel exemple, avec une audace non moins grande, étant donnée la difficulté toute spéciale de fabri cation desbouteilles champenoises, que le moindre devint ensuite le représentant en France de ses brevets, peu de temps ayant sa mort prématurée. 154 E. DAMOUR — ÉTAT ACTUEL DE LA VERRERIE ET DE LA CRISTALLERIE EN FRANCE défaut de verre fait rebuter. L'un et l’autre rencon- trèrent des difficultés de toute nature et faillirent us ERA ; ANNINEUINNTNR Ù ; CE Fig. 18. — Plan d'un four Siemens à bouteilles de douze ouvreaux. — Le plan montre dans les massifs latéraux de maçon- nerie les carneaux amenant l'air et le gaz des chambres ou y conduisant les fumées. s'y ruiner; ils ont cependant su en triompher et | sions variées ; une seule, celle de Fourmies, em- possèdent deux des plus belles verreries de | ploie les fours à pots; elle en est encore à sa pé- (l zalh , parallèle à B, el qui reçoit son mouvement de ce dernier, par l'intermédiaire du train d'engrenages, 1, À, (fig. 51, 52 et 56); l'arbre À de la roue t‘est De G. LAVERGNE — LES RÉCENTS PERFECTIONNEMENTS DU PHONOGRAPHE 241 fou à l’intérieur de B?, de sorte que /* ne mène ce | d’eux arrive à fin de course, chacun de ces arbres dernier que par le bouton /? de la manivelle Æ. | porte, après sa partie filetée, une partie lisse sur Pour imprimer à B? une vitesse plus grande, on | laquelle l’écrou tombe; à partir de ce moment, le Fig. 53. Fig. 51 à 53. — Phonographe Edison-Bell. — Fig. 51. — Plan. — Fig. 52. — Elévalion. — Fig. 53. — Coupe longiludinale. — À, cylindre phonographique, avec son noyau A?, monté sur l’axe B: B?, axe pour le retour du chariot; C, bâti de Vappareil; C?, tambour recevant le mouvement d’un mécanisme d’horlogerie et le transmettant à l'arbre B, ainsi qu'à l'arbre B? par les engrenages L, 22, lt ou par /, 1 (9, l4; 1, chariot; I, 1%, 14, bras communiquant au chariot Ile mouve- ment des arbres B ou B?; K, axe sur lequel glisse ie chariot I; L, arbre recevant son mouvement de la manette mS, et embrayant à volonté le bras 15 soit avecla vis #? de l'arbre B, soit avec la vis 4° de l’arbre B?, au moyen de l'excentrique m? et des leviers ct ressorts m°, mf, m5, m1, m°; O, came mue par l'arbre L et servant à relever le style et l'arbre H qui le porte, au moyen de la tringle PP?, des tiges, ressorts et leviers s, &, S, r, r?. n'a qu'à débrayer /* de À, et à l'embrayer avec le | chariot s'arrête, bien que le mécanisme moteur pignon /° du train /8 /. continue sa marche. Pour n’avoir pas à s'occuper d’arrêter les arbres Supposons le chariot à l'extrémité droite de sa - Bet B’, au moment où l'écrou en prise avec l’un | course. Pour le ramener à sa position de départ, 212 on peut le faire glisser à la main sur l'arbre K, après avoir relevé le bras H jusqu'au contact de #?, de manière à séparer l’écrou # de B?. On peut aussi confier la manœuvre à l'appareil lui-même. Pour cela, il faut commencer par débrayer l’écrou # de la vis 2° #° et embrayer l’écrou # avec la vis Be. On le fait en tournant la manette mÿ (fig. 51 et55),et, par elle, l'arbre L et l’excentrique #?, Fig. 55. Fig. 5% à 57, — Phonographe Edison-Bell. — Fig. 54. — Coupe suivant la ligne 1-2 de qui est monté sur lui; par l'intermédiaire des leviers »°, m',m° et de la tige »#7 (normalement relenue vers le bas par le ressort »°), le mouve- ment de l'excentrique est lransmis au plateau N, qui soulève les bras L' et I#, et le double résultat cherché est atteint. On voit en » el #? un carrelel et un ressort, qui maintiennent le levier L dans la posilion qu’on lui a donnée. Il faut aussi éloigner le style du cylindre : c'est l'office de la came O, qui, lorsque L tourne, repousse vers la gauche (fig. 51 et 52) la tringle PP°, et, par les butées Y de cette dernière, les mouvements de G. LAVERGNE — LES RÉCENTS PERFECTIONNEMENTS DU PHONOGRAPHE sonnette »r?, les tiges s, « (celles-ci soulevées malgré la tension des ressorts S), fait monter la glissière TV (fig. 54), et, du même coup, le bras H et le style. Tout cela fait, la vis 4, qui n'a pas. cessé de tourner, ramène le chariot en arrière. Lorsque le phonogramme est actionné par un. mécanisme d’horlogerie, on en régularise la marche par un modérateur à ailettes, dont on peut faire Fig. 51. y la figure 51. — D, D?, dia- phragmes récepteur et parleur, munis de leurs styles d, d?, montés dans le châssis d'aluminium e, mobile autour de l’axe e?; H, bras portant les appareils récepteur et parleur et s'appuyant, d’une part surla bande graduée V au moyen de la roue W, d'autre part sur ff?, tuyau acoustique. — Fig. 55. — Coupe et élévalion suivant la ligne 3-4 de la figure 51. — Fig. 56. — Détail du mécanisme moteur. — Fig. 57. -— Détail des diaphragmes. — Les autres lettres ont la méme signifi= cation que dans les figures 51 à 53. : varier l’inclinaison selon la vitesse de régime que. l’on veut avoir. : On voit en #, sur le chariotI (fig. 51 et 54),. l'outil destiné à tourner le cylindre phique, quand on veut en changer l'impression. À ë, d'sont des vis et écrous destinés à ajuster cet outil d’après le diamètre auquel on veut amener le cylindre !. Gérard Lavergne, 1 Ingénieur civil des mines. 1 Nous devons à l’obligeance de M. G. Richard, secrétaire général de la Société d'Encouragement pour l'Industrie natio= nale, beaucoup des renseignements qu’on vient de lire et à ce, sujet, la communication d’un grand nombre de brevets récents.\ D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 590. Comme les années précédentes, je diviserai celte revue en trois chapitres distinels, afin d'examiner séparément les questions générales, les recherches relatives à la morphologie et à l’embryologie des animaux, et enfin les travaux se rapportant à l'étude des faunes et à la géographie zoologique. Dans le choix que j'ai fait, pour en parler ici, des nombreux mémoires qui ontété publiés en 1695, j'ai cherché, plus encore que dans les articles pré- cédents, à me restreindre à ceux qui apportaient une contribution importante à la connaissance de tel ou tel groupe, ou qui fournissaient la solulion d’une question d'un grand intérèt, et aux sujets à l'ordre du jour. J’ai cru devoir m'’étendre avec quelaues détails sur certains travaux qui parais- sent caractériser plus particulièrement l’année qui vient de s’écouler el qui marquent un véritable progrès dans nos connaissances zoologiques; mais ce développement donné à cerlaines ques- tions m'oblige malheureusement à en laisser beau- coup d'autres de côté. I. — ZOOLOGIE GÉNÉRALE Parmi les queslions qui offrent un caractère général, celles dont les zoologistes se préoccupent le plus se rapportent à la fécondation. Les phéno- mènes intimes qui accompagnent cet acte sont “extrèmement complexes, et il ne semble pas qu'on soit près de faire rentrer les diverses modalilés observées dans un schéma général, applicable à “tous les cas. Il y a quelques années à peine que l'attention des naluralistes a été dirigée vers l'élude de ces phénomènes et il est assez curieux de constater que, dès le début et à la suite de pre- -mières recherches, à la vérité fort remarquables, on pensait avoir trouvé la solution d’une question que l’on croyait alors assez simple. Mais au fur et à mesure que les recherches se sont succédé, la “question s'est révélée de plus en plus complexe : plus les travaux se succèdent, plus la solution parait reculer. Par exemple, lorsque le phéno- “mène de la réduction chromatique dans les élé- -ments sexuels a élé conslalé, on à cru que celte “réduction s’opérail au cours des deux dernières “divisions subies par ces éléments. Or, Boveri a montré le premier que le phénomène était plus compliqué, et qu'avant même ces deux divisions, les éléments chromatiques élaient disposés en groupes de quatre bàlonnels, les groupes quater- nes, qui se dédoublaient pour passer aux noyaux des éléments sexuels. Mais la manière même dont S'élablissent les groupes quaternes, et suivant la- REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE quelle se séparent les bâtonnets de chaque groupe, parait s'effectuer d’après des modes très diffé- rents. C'est du moins ce qui résulte des observa- tions de Brauer chez l’Artemia (1892), de Henking chez les Insectes (1890-91), de von Rath chez le Grillotalpa (1892), de Hæcker chez les Crustacés (1893), de Rückert chez les Vertébrés (1894). Tout récemment encore, Wilcox est arrivé, chez les Culoptenus et Cicada, à des résullats très différents de ceux de ses prédécesseurs. IlLest fort probable que tous ces auteurs sont dans le vrai et que la réduction karyogamique s'effectue chez les animaux suivant des procédés très divers. Il peut mème arriver que, chez un même animal, cette réduction s'opère de deux manières différentes. Dans un travail fort remar- quable sur le développementdela souris, Sobotta', qui étudie avec le plus grand soin tous les phéno- mènes relatifs à la fécondation, confirme, entre autres, ce fait déjà indiqué par Tafani, que l'œuf de la souris ne forme habiluellement qu'un seul globule polaire. Dans un dixième des cas cepen- dant, il se forme deux globules, et alors la pre- mière figure de division offre des caractères par- ticuliers, tandis que la seconde est identique à celle qu'on observe dans les œufs à globule uni- que. L’œuf de l’Amphiorus présente aussi un seul globule polaire, et Sobolta ? confirme à ce sujet les anciennes observalions de Hatscheck. Une autre question, qui s'estaussi montrée plus complexe qu'on ne l’avait cru d’abord et au sujet de laquelle les zoologistes durent abandonner leurs premières idées, est relalive à l’origine des centrosomes de l’œuf fécondé. On sait combien les recherches de Fol et la découverte de son fameux quadrille descentres avaient enthousiasmé les naluralistes :et, comme ces recherches concor- daient avec les remarquables travaux de Guignard sur les végélaux, il était assez rationnel de penser que le cas observé par Fol chez l'Oursin se retrou- verait chez tous les animaux. Ici encore les obser- vations récentes démontrent que cette générali- salion élait trop hâtive; loutefois l'accord parait ètre bien prèt de se faire à ce sujet, et les zoolo- gistes sont assez unanimes pour admettre qu'au moment de la fécondation l’œuf est dépourvu de centrosome, el que le spermalozoïde seul possède ce corps, qui, en se dédoublant, produit les deux centrosomes de la première figure kinélique. J'ai déjà eu l’occasion de dire l’an dernier que Julin 1 Arch. f. Mikr. Anat. XLV. 2? Anal. Anz. XI. 214 chez les Tuniciers et Fick chez l’Axolotl étaient arrivés à celte conclusion, à laquelle arrivent éga- lement Mead ‘ chez le Chétoptère, Korschelt ? chez l'Ophiotrocha, Mill 8 chez le Sphærechinus et la Phallusia, Boveri * et Meyer” chez les Nématodes, et surtout Wilson et Mathews © chez plusieurs espèces d'Échinodermes. Tous ces auteurs aflir- ment qu'il n'y a pas de quadrille des centres, que Fol a été induit en erreur et que le spermatozoïde seul fournit la substance des centrosomes. Comme le dit Boveri, l'œuf possède deux des trois facteurs indispensables à toute division, c'est-à-dire le cy- toplasma et le nucléoplasma ; mais il ne possède pas le troisième, qui est le centrosome ; le sperma- tozoïde, au contraire, possède le nucléoplasma et lecentrosome, mais il n'a pas de cvto- plasma (ou si peu qu'il n’y a pas lieu ne CCE de le compter). ÈS «a À Ces résultats ten- dent à nous faire À revenir à la concep- tion première de De Fig. 4 et 2. van Beneden qui voyait dans la fé- condation un phé- nomène exclusivement nucléaire. On sait que ce savant, après avoir observé chez l’Ascaris que les deux pronucleus ne se fusionnaient pas lors de la première division, avait suggéré que cette indé- pendance persistait dans toutes les divisions ullé- rieures, et qu'ainsi, toute cellule d’un individu renfermait dans son noyau des éléments paler- nels et maternels distincts. Cette hypothèse était fort séduisante, mais elle n’élait appuyée d’au- cune observation directe. Rückert 7 a cherché à combler cette lacune el à faire la preuve que van Beneden n'avait pas donnée. Il a reconnu, chez un Cyclops, que, jusqu'à un stade avancé dans la segmentation ei dans la formation des feuillets, et même chez le Nauplius, les deux mas- ses chromaltiques provenant de chaque pronu- cleus restaient indépendantes et ne se mélan- geaient pas. Celle séparation se maintient-elle pendant toute la vie? Cela est très vraisemblable, car Rückert retrouve dans les figures de matura- tion de l’œuf les mêmes groupements binaires qu'il observe pendant le développement. Fig. 4. l Journ. of Morphology, X. ? Verh. Deutsch. Zool. Gesells. 1885. 3 Journ. of Morphology, X. 4 Verh. Phys. Med. Gesells. Würzburg, 1895, et Arch. f. Entwichklungsmekanik, 1895. 5 Jen. Zeils., XXIX. 5 Journ. of Morphology, X. T Arch f. Mikr. Anat. XLVIT. D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE — Biloculina murrhyru. Forme À à mégasphère. — Fig. 2. Forme B à microsphére. (D’après Munier-Chalmas ‘et Schlumberger..) II. — MORPHOLOGIE ET EMBRYOLOGIE. $ 1. — Protozoaires. On sait que dans un grand nombre de Foramini= fères Polythalames, l’enroulement cache souvent les premiers tours de spire, et, comme dansles dé= terminations des espèces on ulirise surtout les caractères visibles à l'extérieur, les espèces son! faites, le plus habituellement, d’après les derniers tours de spire. Or, dans les individus qui, d’après. ce mode de détermination, appartiennent à la même espèce, Munier-Chalmas a signalé le premier um dimorphisme très curieux et ce dimorphisme s’0b= serve chaque jour dans des espèces de plus en plus nombreuses. Si l'on coupe, par exemple, plusieurs Biloculines de ma- nière à voir les pre- mierstoursdespire, les loges initiales, on voil que che certains individus = (fig. 1), le type Bi loculine reste cons tant du centre à la périphérie, et que, dès la première lo= ge, qui estirès gran de, l'enroulement se fait suivant le type Biloculine cet individu, désigné par Munier-Chalmas sous le nom d' «individu À », peut être appelé individu & mégasphère. Dans un autre individu (fig. 2), dil «inde vidu B », les loges initiales seront, au contraire enroulées suivant le type Quinqueloculine, et ce n'est qu'à partir d’un cerlain nombre de loges que l’enroulement se fera suivant le type Bilocu= line; la première loge est très petite, d'où le nom d'individu à mcrosphère. On remarque en outre que les individus A ont un seul noyau qui est gros et que les individus B en ont un grand nombre de petits. On a émis diverses hypothèses poum expliquer ce dimorphisme : les découvertes récen tes de Lister ! et de Schaudinn *,en rendent comple d'une manière satisfaisante. La reproduction des Foraminifères s'effectue le plus habituellement par le morcellement du protos plasma maternel en un certain nombre de mor: ceaux, pourvus chacun d’un noyau et qui deviens nent libres pour s'accroilre ensuite : c’est une sorte de génération endogène. Cette reproduction a été étudiée avec beaucoup de soin par Schaudinn et elle présente quelques variantes, suivant que les germes se différencient dans l’intérieur de l'orga nisme maternel, qu'ils sortent par la bouche ou pa Fig. 2. ! Phil. Transack., 1895. ? Biol. Centralb. XIV, et Unlersuchungen an Frais ren. Berlin, 1894. “a D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 21 rupture du Lest, que le protoplasma s'épanche au dehors et se morcelle ensuite, etc. Lister et Schau- dinn ont observé que cetle gemmation avait lieu dans les deux sortes d'individus, à microsphère (Ex. Orbitolites) et à macrosphère (Ex. Orbitolites, Perenoplis). Or, à côté de ce mode de reproduction, il en existe un autre consistant en la formation de z00spores qui ne prennent naissance que dans les individus à macrosphère exclusivement. Ces z00- spores se forment à la suite de fragmentations nu- cléaires répétées et, d'après les observations de Lister, elles se développeraient, soit directement, soit après s'être conjuguées deux à deux, en indi- vidus à microsphère. Le cycle évolutif des Foraminifères serait donc le suivant, si l’on part de la zoospore : celle-ci donne naissance à un individu à microsphère qui produirail, par gemmation endogène, des individus à macrosphère; ceux-ci, à leur tour, se reprodui- raient de la même manière. Ainsi se succéderaient, toujours par gemmalion, de nombreuses généra- tions de Foraminifères appartenant tous à la forme à macrosphère; puis, à un moment donné, l’un de ces individus donnerait des zoospores qui produi- raient des individus à microsphère. Les observations de Lister et de Schaudinn nous expliquent ainsi pourquoi on n’a jamais pu trouver de formes de passage entre les individus A et B, et pourquoi aussi les premiers sont beaucoup plus _ répandus que les seconds. Les individus à macro- - sphère sont, en effet, indifféremment produits par - des individus à macro-et à microsphère, et leurs » généralions peuvent se succéder sans interruption pendant fort longtemps, landis que la forme à mi- - crosphère n'apparait qu'une seule fois, au cours d’un cycle évolutif qui commence et qui finit lors de la production des zoospores. $ 2. — Invertébrés. La plupart des travaux relatifs aux animaux in- férieurs, dont je devrais parler dans cette revue, étant en cours de publicalion ou n’ayantencore élé “l'objet que de notes préliminaires, j'en renvoie l'examen à l'an prochain, et je m'occuperai exclu- sivement de formes relativement élevées en organi- sation. ? Je signalerai d’abord un travail de Giard et Bon- “nier sur les Epicarides des Arthrostracés, qui offre un intérêt de premier ordre à cause de la rareté excessive de ces parasites et des particularités d’'or- ganisation qu'ils présentent. Les parasites des Amphipodes diffèrent de ceux des Isopodes et doi- vent rentrer dans une famille différente : les pre- miers sont les Cabiropsidés {avec sept espèces) et 1 Bull. scienlif., XXW. © les seconds, les Podasconidés (quatre espèces). Ces deux familles présentent des différences assez im- portantes, bien qu’elles se rattachent toutes deux au phylum des Cryptonisciens. Parmi les Cabiropsidés, la forme la plus intéres- sante est le Gnomiscus podasconis, qui est parasite d'un parasite. Cet Epicaride a, en effet, élé trouvé sur un Podascon haploopis, parasite lui-même de l’Haploops tubicola recueilli à Concarneau. Le para- site du Podascon est altaché à son hôte dans la posi- lion babituelle des Bopyres, la tête tournée vers la partie postérieure de l’hôte. Ce type doit être rap- proché du Cubirops lernæodiscoides, trouvé par Koss- mann sur un Bopyrus indélerminé des iles Philip- pines. Ce cas extrèmement intéressant mérite d'être signalé : car il est fort rare de constater des exemples d'un animal vivant en parasite sur un autre animal appartenant au même ordre que lui et étant lui-même parasite. Les insectes Hyméno- ptères seuls offrent des cas analogues. L'histoire des Podasconidés se lie intimement à celle des Copépodes parasites de la famille des Choniostomidés : car, suivant les localités, on trou- vera qu'une même espèce d'Amphipode peut être infestée, tantôt par un Epicaride, tantôt par un Copépode. Ces Copépodes offrent de grandes affi- nilés avec d’autres Copépodes parasites d’Anné- lides: aussi, Giard et Bonnier les réunissent-ils Lous dans la même famille des Sphæronnellidés. Un des caractères les plus remarquables de cette famille est que les canaux excréteurs des glandes génitales mâles débouchent dans la région céphalique de l'animal, au voisinage de la bouche. Ces canaux servent aussi à l’excrélion d’une substance cémen- taire, grâce à laquelle le màle se fixe sur la femelle. Ce rôle: nouveau et ces connexions des canaux géni- taux constituent un des traits les plus frappants de la morphologie des Sphæœronellidés. On ne trouve de disposition analogue que chez les Cirrhi- pèdes où Giard a montré, il y a plusieurs années, que chez la Sacculine les testicules jeunes sécré- aient une substance cémentaire avant de fonction- ner comme glande génitale. Les travaux de Kerr! et de Bela Haller? sur le Nautile nous font connaitre certains traits d’orga- nisalion qui indiquent chez ce Céphalopode Tétra- branche un état plus primilif encore qu’on ne le supposait. C'est ce qui ressort, par exemple, de la disposilion des glandes génitales. L'ovaire n'est autre chose qu'une portion spécialisée de l’épithé- lium cœlomique, au-dessus de laquelle s'élève un repli de la paroi du cœlome, de manière à former un sac qui s'ouvre dans la cavité générale. Les 1 Proc. Zool. Soc. London, 1895 2 Semon, Forschungsreise in Malayischen Archipel. œufs sont entourés d’un follicule. Le testicule offre une structure analogue, mais sa cavité interne est divisée par un système de tubes anastomosés. La glande albumineuse décrite par Keferstein chez la femelle n’a pas élé retrouvée. Le cœlome est divisé en deux parties : l’une an- térieure ou génitale, et l’autre postérieure ou péri- cardique. Primitivement, ces deux parties commu- niquaient avec l'extérieur, chacune par une paire d'organes segmentaires ; mais la paire antérieure s’est transformée chez le Nautile actuel en une paire de canaux évacuateurs des glandes génitales, et l'un des deux canaux seul a persisté. Les reins, au nombre de deux paires, sont absolument indé- pendants. Le foie est composé de deux lobes, et celte disposition vient à l'appui des idées de Fischer sur l’origine bilatérale du foie chez les Mollusques. L'étude du système nerveux a révélé à Kerr des faits intéressants. Outre la découverte du système buccal, dont l'existence avait été niée, ila observé üne commissure post-anale qui rappelle la dispo- sition reconnue dans un autre groupe inférieur, les Amphineures. Ce n’est pas là le seul caraclère commun que présentent ces deux groupes, et Kerr fait ressortir les ressemblances qu'ilsoffrent, telles que la symétrie bilatérale, les traces de métaméri- salion qui apparaissent dans la structure du cœur et la présence d’un cœlome divisé en deux régions dont chacune communique avec l'extérieur par une paire d'organes segmentaires. Un type de Mollusque très voisin du Nautile, mais plus inférieur encore, la Spirule, vient de faire l’objet d’un travail de Huxley et Pelseneer #, qui offre pour les zoologistes un intérêt capital et vient combler une grosse lacune. C’est à peine si nous avions quelques renseignements sur l’orga- nisation de ce Céphalopode, et notre ignorance sur ce point tenait à la rareté extraordinaire de l’ani- mal, si rare que les échantillons observés se comptent ?. Celle ignorance élait d'autant plus 1 Bullelin scientifique, Xxv, et Reports of the «Challen- ger », 1895. { 2 Le premier spécimen un peu complet, quoique encore mu- tilé, de Spirule qui fut recueilli, est celui de Peron et Le- sueur qui s’est malheureusement perdu au Muséum de Paris, après qu’un dessin très insuflisant en eut été pris. Quelques autres spécimens, très incomplets, furent rapportés ensuite par l’expédition anglaise au Congo (1816) et par la Recher- che (1836). Plus tard, deux autres individus, un mâle et une femelle dont l’origine était inconnue, furent remis à Owen, qui, chose curieuse, ne sut tirer aucun parti de spécimens aussi précieux et se contenta de publier, en 1879 et en 1880, quel- ques observations insuflisantes et mème inexactes. En 1865, un échantillon complet fut trouvé à Port-Jacxson : il fut déposé au musée de Sydney, sans avoir été l’objet d’études anatomiques. Pendant la croisière du Blake dans la mer des Antilles (1878-19), un exemplaire entier de Spirule fut capturé, mais il fut encore égaré sans avoir été étudié. Enfin l'expédition du Challenger rapporta un échantillon unique dont l'étude a été commencé par Huxley. Dans ces derniers temps, M Giard avait pu acquérir deux D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE regrettable que la Spirule offre une très grande importance phylogénétique, car elle est le seul représentant actuellement vivant de formes très anciennes. On peut en effet la caractériser ainsi! C'est le seul Dibranche à coquille multiloculaire siphonée, et partiellement externe. : Lors de l'expédition du Challenger, un échan- tillon de Spirule à peu près complet fut recueilli dans la mer de Banda, et l'étude de ce spécimen. fut confiée à Huxley qui fit plusieurs dessins, mais. mourut sans avoir publié son travail. Pelseneer, ayant eu la bonne fortune d'étudier un autre échan- tillon, voulut bien se charger de publier, dans les Reports du Challenger, un mémoire sur la Spi=" rule en utilisant les dessins de Huxley et ses propres observations. Nous lui sommes ainsi rede- vables de la plus importante contribulion appor- tée depuis longtemps à l’étude des Mollusques. Le corps de la Spirule (fig. 3) est allongé, cylin= drique et tronqué à son extrémité postérieure, qui offre un disque terminal, de chaque côté duquel se trou- vent deux petites nageoïi- res parallèles au plan sa- gittal. Les huit bras ses- siles sont petits et les bras tentaculaires, qui sont plus longs que le corps, sont incomplètement rétracli - les. La surface externe du manteau possède dans toute son étendue des chro- matophores. On sait que ce manteau, prenant un dé- veloppement considérable, donne naissance à des lo- bes qui recouvrent presque toute la coquille; ilne reste sur chacune des deux faces dorsale et ventrale qu'une ouverture longitudinale en forme d’ellipse, au niveau de laquelle les deruiers tours de spire restent nus. Je me bornerai à résumer très brièvement les observations sur l'anatomie interne {voir fig. 4), qui peuvent donner des renseignements sur la posi= tion zoologique et sur l'importance phylogénétique de la Spirule. Le système nerveux central est très allongé : il offre une paire de ganglions cérébraux, trois paires de ganglions sous-æsophagiens (branchiaux, pé= dieux et pleuro-viscéraux) et deux énormes gan= Fig. 3: — Spirule, aspeclu extérieur de l'animal. (D'après Huxley et Pel= seneer.) individus incomplets provenant probablement de la mer des Sargasses : c’est le plus conplet de ces échantillons qui a été étudié par Pelsencer. “e D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE glions optiques; sa ressemblance avec celui des Ægopsidés est très remarquable. L'œil a une cor- née largement ouverte. Les glandes salivaires sont au nombre de deux paires; l'estomac est divisé en deux chambres, et l’appendice pylorique a la forme d’un sac ovoïde spiralé. Le foie, formé de deux lobes égaux, n’est traversé ni par l'œso- -phage ni par l’aorle. L'anus est dépourvu de val- vules. Le cœur fournit une aorte antérieure etune aorte postérieure: celle-ci donne naissance, dès son origine, à une branche récurrente antérieure qui dessert le rectum et les glandes génitales. Les Fig. 4. — Spirule dont le manteau a élé fendu sur loule la longueur. (D'après Huxley et Pelseneer.) reins, de forme triangulaire, sont situés de chaque côté du rectum et ne communiquent pas l'un avec l’autre: les deux orifices externes sontsessiles. Les observalions de Pelseneer permettent de fixer définitivement la position systématique de la Spirule : contrairement à ce qui était admis, c'est un Ægopsidé. Comme, d'autre part, La Spirule pré- sente des caractères d'organisation très primitifs et très archaïques (coquille encore partiellement externe, anus sans valvules, comme chez les Nau- . tiles, reins sans communication avec l'extérieur), l'opinion de ceux qui voient dans les Ægopsidés les plus anciens des Céphalopodes dibranchiaux se trouve ainsi confirmée. Toutefois, on peut af- firmer que les Spirules se sont détachées de fort bonne heure de la souche des Ægopsidés, avant l'acquisition du rostre des Dibranches testacés et avant que le phragmocone se soit réduit et soit 247 devenu interne, comme il l’est chez les Bélemnites : le point de départ de celte évolution a élé une forme très voisine des Belemnoteuthis. Dans quelles régions del’OcéanlaSpirule vit-elle ? On sait que les coquilles sont rejetées en grande abondance sur certains rivages, et que, grâce à leur légèreté, elles peuvent être entrainées très loin par les courants. Mais, jusqu’à maintenant, il n'a pas encore élé recueilli un seul exemplaire vivant : tous les échantillons entiers qui ont été trouvés étaient morts et presque tousflottaient à la surface des eaux où ils avaient été entrainés par la légèreté de leur coquille. Les exemplaires du Blake et du Challenger, qui ont été capturés dans les profondeurs, étaient aussi morts. La Spi- rule doit donc habiter à de grandes profondeurs : comme elle possède des nageoires et un entonnoir, et que, d'autre part, les chromatophores sont développés sur toute l'étendue de ses téguments, on peut affirmer qu'elle ne vit pas enfouie dans la vase, mais qu'elle est un animal nageur, un péla- gique des grands fonds. IL est assez remarquable, en effet, que les Spirules ont toujours été trouvées près de certains centres au voisinage desquelles existent des fosses où la profondeur tombe rapi- dement à 5 et 6.000 mètres. Il est fort probable que des dragages exécutés dans ces fosses per- mettraient de capturer des Spirules vivantes. Nous n'avions encore que fort peu de données sur l'embryologie des Synascidies du groupe des Didemniens. Salensky ! a comblé cette lacune en publiant deux mémoires, l’un sur le développe- ment du Ziplosoma Listeri, l'autre sur celui du Didemnun cereum. Les résultats les plus intéres- sants de ces mémoires se‘rapporient, les uns à l’ensemble des Tuniciers, les autres à la famille spéciale des Didemnidés. Parmi les premiers, Salensky analyse la valeur relative, au point de vue phylogénétique, des dif- férentes parties du système neuro-hypophysaire, et il conclut que le ganglion définitif des Ascidies est une acquisition récente et qu'il n'appartient pas au plan primitif. La cavité péribranchiale est ectodermique chez la larve et endodermique dans le bourgeon. Les relations et l'origine du cœur et de l’épicarde sont vérifiées une fois de plus, au moins chez le Didemnum ; Salensky croit voir dans ces formes un nouvel exemple de la participation des cellules du testa à la formation de la tunique. Le second ordre de faits est particulièrement important, On sait que l'œuf du Diplosoma donne naissance, non à un, mais à deux individus éga- lement développés. Salensky étudie le mode de 1 Milh. Zool. Stat. Neapet. X1. 218 formation des organes dans ces deux ascidiozoïdes etil compare, pour les interpréter, les résultats à ceux de l’organogénèse des Didemmum, où la larve est simple : d’une manière générale, il y a paral- lélisme des processus. De la comparaison l’auteur conclut que les deux individus composant le têlard de Diplosoma proviennent de la division de l’oozoïde, et que l’un n’est pas un bourgeon de l’autre. Ce n’est pas l'opinion de Caullery!, qui confirme d’ailleurs l'exactitude des faits décrits par Salensky, mais qui les interprète d'une manière plus logique : il voit, en effet, dans les deux indi- vidus que produit l'œuf d'un Diplosoma l'ensemble d'un oozoïde el d'un blastozoïde. La blastogenèse s'effectue dès le début du développement et s'ac- compagne d'un échange de viscères entre les deux individus. En tenant comple de cette circonstance, il interprète tous les faits décrits par Salenskychez les Diplosoma par les lois normales de la blastogé- nèse des Didemniens. Les observations de Caullery se rapportent à de nombreux Tuniciers et elles ont une grande poriée générale. Outre le point spécial que je viens d'in- diquer, elles ont eu particulièrement pour objet l'étude de l’hystolyse et de la blastogenèse chez les Synascidies. Dans l’hystolyse des Tuniciers, les phénomènes de phagocytose n'interviennent que secondairement : les éléments anatomiques com- mencent à se dissocier, et, une fois mis en liberté, ils dégénèrent, et leurs noyaux se chromatolysent. C'est alors seulement qu'intervient la phagocytose, qui n'est donc pas un phénomène de début, mais sert seulement à éliminer les matériaux préalable- ment hystolysés. Le mode de formation des organes a déjà été étudié dans les bourgeons d'un grand nombre de Tuniciers. Les premiers travaux ayant montré que les mêmes organes n'avaient pas toujours la même origine chez la larve et dans le bourgeon, les au- teurs avaient mulliplié les recherches et s'ingé- niaient à faire disparaitre ces prétendues excep- tions qu'on considérail volontiers comme des erreurs d'observation. Or, comme non seulement les organes peuvent se former d’une manière dif- férente dans les larves et les bourgeons, mais que des divergences importantes peuvent être notées d'une famille à l’autre, il en résultait un désac- cord complet entre les zoologistes sur cette ques- tion. Caullery a repris l'étude des trois points les plus controversés : l’origine de la cavité péribran- chiale chez la larve, l'origine et les rapports du système neuro-hypophysaire chez la larve et le bourgeon, et la blastogenèse des Didemnidés. De ses observalions il résulte une confirmation défi- 1 Bullelin scientifique, 1896, et Comples rendus, 1896. D: R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE nitive de ce fait, extrèmement important, que certains organes qui proviennent de l’ecitoderme chez la larve sont d’origine endodermique dans le bourgeon, el réciproquement. La théorie des feuillets se trouve done ici en contradiction formelle avec l'observation ; mais ce fait, en apparence paradoxal, n'a rien qui doive nous étonner, et Caullery en rend parfaitement compte. La théorie des feuillets, dit-il en effet, est basée sur les fails et ne peut avoir d’autre mesure que ces faits eux-mêmes ; les trois feuillets n’ont pas la valeur d’entités fixes : ils ont été établis par la considération du développement embryonnaire, mais rien n'indique que, hors ce développement, leur valeur absolue soit conservée. La distinction des feuillets n’a plus de sens au début de toute série formatrice, et les tissus qui consliluent un bourgeon ne sont pas plus ectodermiques ou endor- miques que l'œuf n’est un élément mésodermique. Or, il faut bien se rendre compte que les proces- sus de la blastogenèse sont complètement indé- pendants de la morphologie embryonnaire : la première a fait son apparition après celle-ci et constitue, par rapport à elle, une épigénèse. La blastogénèse devient donc une sorte d'embryologie . nouvelle et les feuillets ne gardent plus leur spéci- ficilé dans le bourgeonnement. Celui-ci est un. phénomène de seconde venue, modifiant les rap= ports des éléments et leur mode d'évolution. Après un certain temps d'arrêt, le développement peut s'opérer à nouveau, mais suivant un rythme dif-. férent : les deux évolutions n’ont alors de ressem- « blance que par l'identité du terme final ; le tissu proliférateur a réacquis la plasticité embryon- naire, mais la nouvelle évolution ne rentre pas fatalement dans le même cadre que l’ancienne. Ce n’est pas seulement chez les Tuniciers que la blastogénèse est en désaccord avec la théorie des feuillets : on sait, par exemple, que dans le bour- geon des Bryozoaires des portions ectodermiques fournissent des organes franchement endodermi- ques tels que l’anse digestive. Chun ! a été conduit à développer des considé- rations analogues en observant que, chez certaines Méduses (Rathkea, Lizzia) le bourgeonnement s’ef- fectuait aux dépens de l’ectoderme exclusivement, sans participation de l’endoderme, et il conclut en disant: Le développement sexuel ainsi que le déve- loppement asexuel nous offrent des exceptions aux règles établies, et les feuillets embryonnaires ne sont des entités ni histologiques ni morphogé- niques. Qu'un bourgeon se développe vers l'exlé=m rieur et les feuillets y auront la même disposition que chez la mère; qu'il se développe, au contraire, — 1 Atlantis. — Bibliolheca Zoologica, XVII. D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 249 vers l’intérieur (Bryozoaires), et les feuillets auront une disposition inverse. S 8. — Vertébrés. La contribution la plus importante à l’ontogénie des Vertébrés est fournie celte année par les re- cherches de Semon sur le développement et les annexes fœtales des Monotrèmes et des Marsu- piaux, publiées dans les Æorschungsreise, dont j'ai eu l'occasion de parler l'an dernier. Kig. 6. coque : la coque gauche représente le sac vitellin, et la droite l’allantoïde, le tout entouré par la mem- brane séreuse. Vers le milieu du développement, les deux sacs sont égaux, ensuite l’allantoïde de- vient plus grande. La circulation vitelline offre la disposition que re- présente la figure 5. Un tronc veineux se dirige en avant et se divise en deux branches qui se ramifient Les artères qui proviennent de l'artère abdomi- nale, vont en arrière sous forme de deux branches —_—— Fig. T. Fig. 5 à 7. — Représentations schématiques de la circulation vilelline chez les Verlébrés amnioliques (d'après R. Semon). —._ Semon a principalement étudié le développe- - ment de l'Echidné. Chez cet animal, l’œuf n'a pas … son volume définilif au moment où il Lombe dans l'oviducte : son diamètre n’est alors que de 8, 5 à - 4 millimètres, tandis que, lorsqu'il est pondu, il alteint 16 millimètres sur 13. C’est aux dépens des - substances absorbées dans l’oviducte et grâce à la Structure particulière de sa coque, qui est traversée “ de nombreux canaux à trajetirrégulier, que se pro- - duit cette énorme augmentation de volume. Les do- - cuments relatifs aux premiers stades sont assez sommaires: lasegmentation estpartielle,et il se fait … une invaginalion gastrulaire ; mais les renseigne- ments relatifs aux membranes sont, au contraire, . très complets. Par rapport à ses enveloppes, l'Echidné est disposé comme une noix dans sa Fig. 5. Echidné. — Fig: 6. Mammifères vivipares. — Fig. 7. Sauropsidés. (Les artères sont représentés par des hachures.) parallèles, séparées par une bande non vasculari- sée, qui font tout le tour du vitellus suivant son équateur, pour revenir en avant et passer sous la bifurecation du tronc veineux. Celle circulation est différente de celle que l’on observe chez les autres Amniotes où l'on connait deux types distinets. Chez les Mammifères vivipares (fig. 6), les deux artères vitellines se rendent en arrière, puis, s'écarlant l’une de l’autre, se dirigent en avant et se rappro- chent en constituant ainsi un cercle artériel mar- ginal, tandis que les veines se ramifient en dedans du territoire limité par ce cercle. Chez les Saurop- sidés, ce sont, au contraire, les veines qui forment le sinus marginal (lig. 7). Or, dans la circulation vitelline de l'Echidné, il suffit d’écarter les deux artères équatoriales afin d'élargir la bande étroite qui les sépare, et de la rendre égale à la moitié du | vitellus pour réaliser le type des Mammifères pla- centaires. On conçoit donc que la région non vas- cularisée du vitellus n’a pas la même origine chez les Sauropsidés et chez les Mammifères : chez les premiers, les vaisseaux, vu la taille du vitellus, s'é- tendent très lentement à sa surface, et la région non vascularisée se rétrécit de plus en plus au point de se réduire à zéro. Chez les Mammifères, au contraire, il reste tou- jours une région qui ne se vascularise pas, bien D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE été trouvée chez des Rongeurs et des Edentés: … Il résulte des observations de Semon que les Monotrèmes ne forment nullement, au point de vue de la disposition des membranes embryonnaires, un type intermédiaire entre les Sauropsidés et les Mammifères placentaires, et qu'il n’y a pas eu un perfectionnement progressif des Sauropsidés aux l'idelphes et de ceux-ci aux Monodelphes. Les études de Semon l'ont conduit à se préoe- cuper de l’origine phylogénétique de l’amnios. Il. développe, en la modifiant, une théorie déjà sou. qu'il n'y ait pas d'obslacle mécanique à l'extension des vaisseaux, car le vilellus est très petit. Les membra- nes embryon - naires del’Ech- nidé offrent ce caractère re- marquable , que les deux replis amnio - tiques, au lieu de se fusionner complètement pour former un amnios interne et une séreuse pas Semon. externe,restent dans le déve=. adhérents lun loppement de à l'autre sur u- cette théorie necertaine lon- LUE Se qui parait diffi-. gueur à la sur- NRC ARR ; te cilement soute- Fig. 8 et 9. — Enveloppes embryonnaires des Marsupiaur. face dorsale et forment une sorte de raphé. Cette disposition, évidemment primitive, a élé ob- servée chez les Tortues, et tout récemment, Hirota en a retrouvé des traces chez le Poulet. Chez les Marsupiaux, les membranes fætales seraient constituées, d’après Semon, suivant deux types distinels. Dans un premier type, déjà étudié par Selenka et observé par Semon chez l’Æpyprym- nus (lig. 9), l'embryon est très profondément en- foui dans l’intérieur du sac vilellin volumineux : ce sac remplit en même temps les fonctions de la nu- trilion et de la respiration, car l’allantoïde, très petite, est recouverte par lui et n’'alteint pas la surface de l'œuf. Une pareille disposition s'écarte notablement de celle qui est connue chez les Mo- nodelphes. Dans un deuxième type observé par Semon chez l'Halmaturus et le Phascolarctus (fig. 8), l'embryon n’est pas moins profondément en- foui dans l'intérieur du vitellus; mais l’allan- loïde, s'allongeant beaucoup, atteint la surface de l’œuf, s’unit à la séreuse et devient un or- gane de respiration. Une disposition analogue a - Type du Phascolaretus cinereus. — Fig. 9. Type de l'Æpyprymnus rufescens. (D'après R. Semon. ) tenue plusieurs fois, d'après laquelle l’action de \ la pesanteur, provoquant l’enfoncement de l'em- bryon dans le = vitellus au mo- « ment du pas - sage de la vie. aquatique à la» vie aérienne dans le phylum des Verlébrés, - aurait détermi- né la produe- tion des replis® amniotiques Je ne suivrai nable, d'autant plus que des. expériences dé- | licates sur des embryons de poulet lui ont montré” que la densité de cet embryon était plus raie que celle du vitellus sous-jacent. 4 Cette question de l'origine de l’amnios prédec ani vivement les zoologistes, et Hubrecht ! a lenté de” la résoudre en prenant un point de départ tout autre que ses prédécesseurs. Il considère, en effet, que l'élat primitif de l’amnios est celui où il se présente sous forme d’une vésicule close, comme on l’observe chez le Hérisson, tandis que la forma tion aux dépens de replis ne serait qu'une modi= fication dece premier procédé : ce serait un proces= sus cænogénétique venu-plus lardivement dans las phylogénèse. On fait donc fausse route, d’après lui, lorsque l’on cherche à expliquer l'origine de l’am= nios en ne tenant compte que de la formation par replis. D: Pour comprendre l'exposé d'Hubrecht, il est nécessaire de connaître l’histoire d'une formation embryonnaire qu'il a déjà étudiée chez différents, 1 Verh. K. gi: Akad. Welens. Amsterdam, 1895. ; D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE Mammifères et sur laquelle il donne de nouveaux détails : c'est le érophoblaste. Lorsque la morula se transforme en blas/ula, on peut distinguer, dans la vésicule à double paroi qui prend nais- sance, une couche externe qui est le trophoblaste et une couche interne, formée sur sa plus grande étendue d'une assise unique de cellules, mais présentant en un certain point un épaississement qui est le bouclier embryonnaire des auteurs : ce bouclier représente l'endoderme et l’ectoderme non encore différenciés. Le trophoblaste ne prend aucune part à la formation de l'embyron et il re- couvre le bouclier embryonnaire. Or, chez le Hérisson, l'amnios n’est autre chose, au début, qu'un simple espace entre le tropho- blaste et l’ectoderme. Au niveau de cet espace, le trophoblaste se divise en une couche interne qui constitue le plafond de la cavité amniotique et une couche exlerne qui se continue sans inter- ruplion avec le reste de ce feuillet: le trophoblaste ne cesse donc pas de former une couche ininter- rompue lout autour de l'œuf. Les dispositions sont un peu moins simples chez le Pleropus et le Cuvia; chez les Arvicola, Mus, ete., il se forme déjà, en dessous du trophoblaste, de vé- ritables replis; enfinchez les Lepuset Sorex, la por- tion de trophoblaste qui recouvrait le bouclier em- bryonnaire fait défaut. Nous sommes ainsi conduits au type qui existe chezla plupart des Mammifères. Cela posé, Hubrechl se demande s’il existe chez cerlains Verlébres anamniotiques des dispositions comparables à l’amnios primilif du Hérisson ou faisant présager cet amnios. Pour lui, ces dispo- sitions existeraient chez les Batraciensetil regarde comme parfaitement homologue au trophoblaste une couche tout à fait superficielle et située en “dehors de l'embryon, que les auteurs ont déjà distinguée depuis longtemps et que Gütte, notam- ment, à décrit sous le nom de Deckschicht. Je ne puis suivre ici l’auteur dans les considérations qu'il développe pour montrer comment l'œuf d'un Amphibien vivipare a pu donner naissance aux formations caractéristiques des Amnioles. - Ce n'est donc pas chez les Sauropsidés, pas plus q ue chez les Mammifèresinférieurs, Ornithodelphes ou Didelphes, qu'on doit chercher les formes les plus simples de l’amnios, et à celui qui s’étonnerait de ce fait, Hubrecht répond par des arguments tirés de la paléontologie. Il rappelle, en effet, d'une part qu'il n’y a aucun lien génélique entre les Sauropsidés et les Mammifères, ces deux classes dérivant séparément d'ancêtres voisins des Am- phibiens, et que, d’autre part, l’évolution des trois classes de Mammifères, Ornithodelphes, Didelphes etMonodelphes, s’est également faile d’une manière indépendante. 221 III. — GÉOGRAPHIE ZOOLOGIQUE. J'ai indiqué, l’an dernier, les changements que les auteurs américains avaient apportés aux grandes divisions établies par Wallace en géogra- phie zoologique. Scharff !, dans une étude sur les Mammifères de la région holarctique, confirme les vues de ces auteurs ; mais le but principal de ses observations est de rechercher l’origine des Mam- mifères d'Irlande et de suivre leur immigration lors des périodes géologiques. C’est l'Asie centrale qui a élé le berceau de la plupart de ces Mammifères, et l'examen comparatif de leurrépartilion, à l’époque actuelle el à l’époquetertiaire, montre que la sépa- ration de l'Irlande et de l'Angleterre s’est effectuée immédiatement avant les dépôts pléistocènes. Ces travaux de géographie zoologique n'ont guère comporté, jusqu'à présent, que l'étude des formes supérieures : les grandes divisions établies par Wallace et ses successeurs ont été fondées sur la distribution des Mammifères exclusivement. Ortmann ? voudrait élargir considérablement le cadre de ces recherches, etil estime que la géogra- phie zoologique, pour être complète, devrail com- prendre cinq grandes divisions : la Lerre ferme, les eaux douces, la zone marine littorale, le fond de la mer et les eaux de l’Océan, c’est-à-dire les cinq grands domaines : continental, fluvial, littoral, abyssal et pélagique. Cette classificalion est fondée exclusivement sur les conditions d'existence des animaux qui dépendent de trois facteurs : lumière, milieu et substralum. L'étude de la distribution des animaux d’eau douce est faile d'habitude dans les traités de géo- graphie zoologique continentale, mais la géogra- phie zoologique #arine, c'est-à-dire celle qui com- prend les trois derniers grands domaines d'Ort- mann, n'existe pour ainsi dire pas, ou du moins n’a jamais fait l’objet d’un travail d'ensemble. Ort- manna essayé decombler cette lacune, et, bien qu'il aitsurtout développé des considéralionsthéoriques qu'il n'a appliquées qu'aux Crustacés Décapodes seulement, et que, par suite, son travail ne puisse être considéré que comme un simple essai, cet ouvrage mérile néanmoins de fixer notre attention. Pour établir une division des régions maritimes en domaines zoologiques, Ortmann suit une mé- thode inverse de celle qu'on a appliquée à la géo- graphie zoologique (limitée aux formes supé- rieures). Il n’a pas cherché, en effet, la distribution d'une ou de plusieurs classes d'animaux marins pour établir ensuile, et par des considérations & posteriori, sa classification : au contraire, il noteles conditions physiques qui influent sur la distribu- l Mém. Soc. z0ol. France, 1895. 2 Grundzüge der marinen Tiergeographie. Jena, 1896 19 19 19 tion des animaux, établit d'après ces données une classification des différents terriloires maritimes en régions distincles, el recherche ensuite quels sont les principaux types (de Crustacés) qui vivent dans telle ou telle de ces stations. Voici la classi- fication qu'il propose : | Sous- région circumpo- laire. Re 1. Région arctique... SES ion atlantique fon région pacifique bo- réale. 2. Région indo--paci- DOMAINE | fduertrere-cerce uniforme. {3. Région américaine littoral occidentale ...... uniforme. 4. Région américaine Onentale ere avec des faunes locales. 5. Région africaine D Rss : 2 neenne. cidentale.. ‘Sous-région guinéenne. 6. Région ue avec des faunes locales. DOMAINE abyssal. ... uniforme. Sous-région circumpo - laire. 1. Région arctique (Se -région atlantique rente LCtmboréalez }Sous-région pacifique bo- DOMAINE | réale. 2. Région indo-paci- pélagique fique eee uniforme. uniforme. ‘Sous-région notale cir- cumpolaire. Sous-région antarctique circumpolaire. 3. Région atlantique... 4. Région antarctique. Pour Ortmann, trois facteurs principaux inter- viennent pour déterminer l'établissement des faunes : un facteur climatérique, un facteur topo- graphique et un facteur biologique. On connait l'influence considérable qu'ont les climats sur la distribution des animaux ; on remarquera que, dans sa classification, une fois les trois grands domaines primaires établis, la distinction des grandes ré- gions est surtout fondée sur des différences clima- tériques. L'importance de la topographie n’est pas moindre, et Ortmann l'utilise concurremment avec le facteur climatérique. Ainsi, une division des faunes liltorales qui serait basée exclusivement sur la température, comprendrait seulement les trois grandes régions : arctique, tropicale et an- tarclique ; mais, comme dans la région lropicale les domaines littoraux se trouvent séparés par les masses importantes de l'Ancien et du Nouveau Monde, Ortmann établit quatre grandes coupures, qui sont les régions Indo-Pacifique, Américaine Orientale, Américaine Occidentale et Africaine Occidentale, dont chacune se (rouve séparée des autres par des barrières climalériques (au Nord et au Sud) et topographiques. La région Arctique cir- cumpolaire s'étend avec une parfaite continuité le long des continents septentrionaux (le détroit de Bebring est trop étroit pour constituer une bar- rière), et la faune y est parfaitement homogène. Au contraire, dans la région Antarctique, le rétré- cissement considérable que présentent, versle Sud, D' R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE ‘4 —————————]] ——— — les grands continents, fait que d'abord les régions « littorales sont très réduites, et ensuite y sont sépa- rées les unes des autres par d'énormes étendues" d'eau. I n'ya donc ici aucune continuité, et l’on devra distinguer de nombreuses faunes locales. La faune abyssale, étant uniforme, ne comporte aucune division. 1 Les divisions de la faune pélagique sont surtout établies d’après les différences de température? mais Orlmann à eu le tort de ne comprendre, sous le nom de pélagiques, que des animaux habitant les vagues de l'océan et fo/tant à la surface des eaux. Il y a des pélagiques profonds qui sont bien différents des pélagiques superficiels et qui vivent dans des conditions physiques absolument diffé= rentes de celles où se trouvent ces derniers : ces conditions rappellent d’ailleurs celles où vivent les espèces abyssales. Une classification complète de vrait tenir comple de ces différences. Dans cette division des faunes marines, ilne faut pas considérer comme absolues les limites impo= sées par les barrières topographiques : lorsque, par exemple, ces barrières sont de formation récente, il y a un facteur géologique dont il faut tenir compte. Les auleurs ont déjà signalé de grande ressemblances entre les faunes de l'Atlantique et. du Pacifique de chaque côté de l'isthme de Pana- ma : Faxon!, en étudiant les Crustacés recueillis. par l’Albatros dans la région de Panama, con- firme ces ressemblances. Les espèces de Crustacés: communes aux deux régions sontrares, à la vérité, mais chaque espèce est représentée de l’autre côté par une forme très voisine, et, si l'isthme n’existail pas, ces espèces représentatives seraient considérées: comme de simples variétés locales. En revanche, 1 est à remarquer quil y a très peu de genres com: muns aux régions Panamique et Indo- -Pacifique. Ces faits prouvent que la région Panamique, qui; géographiquemert, appartient au PAS est, en réalité, Atlantique. L'étude des Crustacés profonds confirme leurs affinités avec les formes littorales. Parmi les nom= breux Crustacés dragués par l’A/batros, il ny a que quatre genres qui soient spéciaux aux abimesS où l'on ne trouve en général que fort peu de types anciens (ce qui n’a rien d'étonnant lorsqu'on songé que la plupart des Crustacés fossiles que nous con: naissons, vivaient dans des eaux peu profondes} Les dragages de l’A/batros montrent une fois de plus que les Crustacés des profondeurs sont des formes très spécialisées et h:utement organisées et diffèrent des formes côtières, qui sont plus simples. D' R. Kœhler, Professeur de Zoologie i à la Faculté des Sciences de Ly 1 Mem. Museum Comp. Zool. Cambridge, XVIU. ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 293 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES L'ÉLASTICINÈTRE DE M. CH, FRÉMONT POUR L' ÉTUDE DU POINÇONNAGE Parmi les opérations qui interviennent dans les constructions métalliques, ilenest peu de plus impor- tantes que le poinconnage, c’est-à-dire l'opération par laquelle on pratique dans les tôles les trous de loge- ment des rivets, M. Tresca fit sur ce sujet, en 1869, de nombreuses expériences, parmi lesquelles le poincon- nage d’une série de lames de plomb superposées, dont les résultats sont encore exposés au Conservatoire des matiquement et sans ralentir aucunement les opéra- tions, un diagramme représentant les efforts exercés à chaque instant sur le métal par le poincon; le prin- cipe de cet appareil, que son inventeur appelle élasti- cimètre, est indiqué dans la figure 1. La plaque de métal à poinconner est introduite entre le poincon et la matrice M; le dispositif qui sert à pro. duire sur le poincon l'effort nécessaire pour découper C 277 _ Fig. 1. — Dessin schématique de l'élasticimètre. — JT, porte-outil; M, matrice; K, I, tiges fixées dans le bâti et conduisant les leviers BB, CC; BB, levier portant une tige H à laquelle est fixé un crayon F pour l'inscription du diagramme; CC, levier portant une planchette G sur laquelle est fixée une feuille de papier E pour l'inscription du diagramme; DD, ressort tendant à rapprocher les deux leviers BB, CC: P, contrepoids tendant une corde, fixée en A, qui fait mouvoir la planchette G; Q, Q, R, poulies. Arts et Métiers et ont été reproduits par la plupart des ouvrages classiques. Plus tard, M. Barba envisagea la question dans son mémoire sur l'emploi de l'acier dans les constructions métalliques, ouvrage qui fait encore autorité aujourd’hui. Parmi les conclusions les plus importantes du savant directeur du Creusot, il faut citer celles qui sont relatives à l’écrouissage produit dans le métal autour du trou fait par la poinconneuse; ces observations ont montré qu'il était la rondelle de métal varie notablement suivant les ma- chines, mais, dans tous les cas, le bâti aura une forme en U. analogue à celle qui est indiquée dans la figure 1. Pendant le poinconnage, les deux branches de cet U S’écarteront l’une de l’autre de quantités toujours très faibles, mais mesurables néanmoins et sensiblement proportionnelles à l'effort exercé; le bâti constitue donc un véritable dynamomètre dont la déformation donne à chaque instant la mesure de l'effort supporté Pis. 2. 5 nécessaire d'enlever autour du trou de poincon une “certaine épaisseur de métal par un alésage consécutif au poinconnage. Malgré quelques essais plus récents, effectués en Amérique principalement, la question est loin d'être épuisée. M. Charles Frémont en a fait Pobjet d’une intéressante étude qu'il n’a pas encore publiée complètement, mais dont il a bien voulu nous communiquer les principaux résultats. M. Frémont a d’abordréalisé un dispositif, excessive- ment simple et ingénieux, permettant d'obtenir, auto- — Elasticimètre enregistrant le diagramme du travail dans le poinçonnage et le cisaillement des mélaux. par le métal. Cette déformation est amplifiée par un système de deux leviers B, CG, formant une sorte de compas. La branche C, qui est fixe. porte une plan- chette G sur laquelle est placée une feuille de papier E et la tige B porteun crayon F qui trace une ordonnée proportionnelle à l’effort ; d'autre part, la planchette est entraînée le long de la tige C par un fil attaché au porte-outil J et passant sur des poulies placées de telle facon que le déplacement soit proportionnel à l’abaissement du poincon. On oblient donc un dia- ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES gramme dans lequel les ordonnées représentent l’ef- fort, et les abscisses,' les déplacements du poincon. La figure 2 représente l'appareil tel qu’il est employé par M. Frémont. La figure 3 indique la forme des dia- grammes. Dans ce diagramme, Ja dureté du métal est accusée par l’inclinaison initiale de la courbe à l'origine de l'effort; le tracé s'élève, en effet, d'une facon d'autant plus brusque, et en se rapprochant mieux de la verticale, que le métal présente plus de : raideur. Plus loin, 2 dans la partie CD, les valeurs simultanées que prennent lor- donnée et l’abscisse à la suite de cette pé- riode préliminaire , au moment où se produit le change- A __#pi7 ment d'inclinaison, fournissent par leur concours une indica- tion précise de la à malléabilité du métal et définissent, en un cer- | tain sens, la période élastique de l’opération étudiée. La région DE de la courbe, qui s’étend jusqu'à l'ordonnée maximum correspondant à l'effort de rupture total, représente la période de déchirures élémentaires qui, dans le diagramme de traction, apparaît aussitôt que la limite élastique est dépassée. La dernière partie de la courbe correspond au travail d'expulsion de la dé- bouchure. L’ordonnée maximum EL est rigoureuse- | ment proportionnelle à la va- leur de l’effort nécessaire pour le poinconnage. Avec ce dispositif, M. Frémont a fait un très grand nombre d'expériences et il est arrivé à des conséquences parmi les- quelles nous signalerons les suivantes, qui nous semblent les plus importantes : 1° L’effort nécessaire pour le poinconnage est proportionnel à l'épaisseur du métal, au pé- rimètre du poincon et à la ré- sistance à la rupture du métal D 5-4 il Fig, 3. — Diagramme lype du poinçonnage. comme l'ont fait remarquer MM. Baclé et Frémont, une véritable méthode d’essai des matériaux qui se prête moins aux mesures très précises que les mé" thodes actuellement employées, mais qui a l'avantage de ne pas nécessiter la préparation d’éprouvettes spé: ciales, de faire porter l’opération sur la pièce même de métal que l’on doit employer, enfin, qui permet de multiplier beaucoup les essais. Par exemple, em préparant lestrous de rivet dans une tôle de chaudière; on pourra effectuer une mesure de dix en dix trous et avoi® ainsi des renseigne: ments très sûrs sur la qualité et J’homo généité du métal. 2° L'effort néces- saire est sensible, ment indépendant dt jeu compris entre là matrice et le poin: con; mais ce jeu in: flue beaucoup sur la détérioration que subit le métal autour du trou du poincon. Avec un jeu nul, la d bouchure est cylindrique et le métal présente de arrachements nombreux et importants ; avec un} égal au !/, environ de l’épaisseur, la débouchure € conique et le trou est parfaitement lisse, Ce résultat a suggéré à M. Frémont l’idée d'employer un poincon spécial présentant la forme indiquée par la figure 4 La base inférieure agit comme poincon présentant un jeu avec la matrice et produit une débouchure conique. Les cannelures arrivant ensuite pro duisent une sorte de rabotage amènent le diamètre à être par: tout celui de la matrice et, apr la sortie du poincon, le métal présente un trou cylindrique, à parois lisses et qui, d’après M. Frémont, n’a besoin de subir aucun alésage. Ce résultat, s'il est confirmé par la pratique aura une importance considé rable; il suffit de voir l’énorme quantité de rivets que comporte telle que la donne l'essai de traction. Si » est le rayon du poincon, et E l'épaisseur du métal {en millimètres) , R la charge de rupture à la traction (en kilogrammes par milli- mètre carré) et F l'effort maxi- mum total produit par la poin- conneuse, on a très sensible- ment, quel que soit le métal: F—01KXRX27rr" XE D'autre part, la différence des abscisses, correspondant à l’o- rigine et à la charge maxima, varie comme l'allongement à la (raction, sans toute- fois lui être proportionnelle. Néanmoins, on voit que le diagramme de poinconnage donne sur le métal des indications de même nature que les essais de trac- tion généralement employés dans ce but. On a donc, Fig. 4. — Nouvelle forme de poinçon imaginée par M. Frémont. — a, rieure du poincon présentant un jeu avec la matrice; p, pièce à perforer; ”, matrice. la moindre construction métal lique pour apprécier l’écono mie de main-d'œuvre qui résuls terait de cette simple modifica tion de forme du poincon !. G. CHarpy, Docteur ès sciences: 1! La Revue générale des Scien a appelé l'attention à plusieurs prises sur l’intérét que présenter la création d'un Laboratoire de mi canique. L'importance des conclu sions obtenues dans cette étude sys tématique d’une opération ind trielle fournit un argument de plus en faveur de cette thé La plupart des procédés d’atelierauraient besoin d’être étud de la même facon; mais on trouvera peu de chercheurs q consentent, comme M. Frémont, à passer leur temps à fai à leursfrais, des investigations d'intérèt général. poincon; b, base infé- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 223 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Darboux (Gaston), Membre de l'Institut, Doyen et Pro- fesseur de Géométrie supérieure de la Faculté des Sciences de Paris. — Leçons sur la Théorie générale des Surfaces et les applications géométriques du Calcul infinitésimal. 4° Partie : Déformation inf- niment petiteet Représentation sphérique. 1°" fus: cicule, — 1 vol. in-8° de 352 pages. (Prix: 15 fr.) Gau- thier- Villars et fils, éditeurs. Paris. 1895. . L'étude des solutions infiniment voisines d'une so- lution donnée tend à prendre, dans la théorie des équativns différentielles de toute nature, une impor- tance croissante. M. Darboux, après avoir abordé, dans le tome troisième de ses Lecons, la recherche de la déformation en général, a donc été naturellement con- duità traiter, dansla quatrième partie, le problème de la déformation infiniment petite: problème remar- quable par la variété des questions qui peuvent s’y ramener, et dans lequel, supposant la surface défor- mée infiniment voisine de la primitive, on évalue les coordonnées de ses points aux infiniment petits du second ordre près. D'ailleurs, cette approximation une fois obtenue, toutes les approximations suivantes s’en déduisent par de simples quadratures: carles équations qui les déterminent sonttoutes linéaires et ne diffèrent de la première : (1) dx dx, + dy dy, + d:dz; =0 que par la présence de seconds membres. On reconnait immédiatement, sur la formule de lPéquation (1), que son intégration équivautà la solution du problème suivant : Trouver les surfaces qui correspon- dent à la surface donnée avec orthogonalité des éléments linéaires homologues. C’est la même que l’on rencontre dans la recherche des couples de surfaces applicables. Une première méthode de mise en équation montre - qu'elle peut encore s’énoncer ainsi: Trouver une seconde surface telle que, si l’on fait correspondre chaque point — de celle-ci au point de la première, qui est située sur la ….néme ordonnée, les asymptoliques de l’une correspondent « sur l'autre à un réseau conjuqué. …_ Après avoir, dans le premier chapitre, développé . ces premières indications et montré que le problème - peut être considéré comme résolu pour les quadriques « en raison de leur double génération rectiligne,. l’au- - teur suppose (Ch. Il) la surface rapportée à ses asymp- … totiques. Les coordonnées cartésiennes sont alors … représentées par les élégantes formules dues à M. Le- -lieuvre, et le problème est ramené à l'intégration d’une équation de Laplace à invariants égaux. Ceci conduit à … uneétude approfondie du réseau des asymptotiques, où dominent ces deux résultats: 1° /a représentalion sphérique des asymptotiques ne peut pas étre choisie arbi- “ lrairement; 2° (Théorème de Kœænigs): la perspective … plane des asymptotiques est un réseau à invariants égaux. Application est faite aux surfaces à courbure cons- _Lante, … Des propriétés géométriques nombreuses sont rat- “tachées (Ch. III) à un couple quelconque de sur- faces se correspondant avec orthogonalité des élé- ments, par l'introduction de dix autres surfaces dé- duites des deux premières et qui, non seulement se correspondent, elles aussi, deux à deux par orthogona- “hté des éléments linéaires homologues, mais aussi correspondent aux premières et entre elles, soit par polaires réciproques, soit comme focales d’une même _ congruence rectiligne. Le cycle de ces douze surfaces est d’ailleurs fermé, c’est-à-dire que la répétition des mêmes opérations ne ferait que reproduire les surfaces précédemment trouvées, L'étude des douze surfaces montre que le problème de la déformation infiniment petite est encore équivalent aux deux suivants: 1° Trouver Sur la surface un réseau conjugué à invariants égaux; 2 Trouver une congruence telle que les asymptotiques se correspondent sur les deux nappes de ia surface focale, l'une de ces deux nappes étant la surface donnée. Cesdeux nouvelles formes du problème sont d'autant plus inté- ressantes qu'elles ont un caractère entièrement pro- jectif, au lieu que le problème primitif semblait essen- tiellement métrique; de sorte que la découverte des déformations infiniment petites d’une surface entraîne la résolution du même problème pour toutes les sur- Eee qu’on peut en déduire par homographie ou dua- ité. Cette même conclusion est retrouvée directement dans le chapitre IV, en même temps qu'est étudiée une opération par laquelle on passe d’un des couples de surfaces précédents à un autre et que l’on nomme inversion composée. Elle présente des analogies avec l’in- version ordinaire; mais, au lieu de porter sur un seul point à la fois, elle transforme des couples de points. Alors que l’inversion ordinaire conserve, à un facteur près, la quantité da? + dy? + dz?, celle-ci conserve la forme dxdx, + dydy, + dzdz,, ce qui explique le rôle qu’elle joue dans la théorie actuelle. Enfin le chapitre V est consacré aux applications de cette théorie à un certain nombre de cas particuliers, tels que celui où l’une des douze surfaces est un plan ou une sphère (on est ramené à la déformation infini- ment pelite des surfaces minima), et celui où l’une des surfaces est à courbure constante, et qui conduit aux surfaces, considérées par M. Voss, sur lesquelles existe un réseau conjugué formé de géodésiques. Passant (Ch. VI) à un ordre d'idées un peu diffé- rent, l’auteur considère un couple de surfaces appli- cables et remarque qu’on peut les regarder comme roulant l’une sur l’autre, déplacement à deux para- mètres qui a été déjà indiqué dans la première partie. Des formules cinématiques relatives à ce déplacement, on déduit une nouvelle méthode de recherche des sur- faces applicables. L'étude de ce roulement introduit d'ailleurs le système conjugué commun aux deux sur- faces, et la proposition, due à M. Kænigs : L’équation de Laplace qui admet pour solutions les coordonnées x,y,2,1 de la première surface est la mème que l'équation analogue relative aux coordonnées x,,y,.z,,1 de la seconde ; elle admet aussi la solution 1? + + 2 — x? — y, — 2. Enfin l’étude du déplacement ainsi défini permet de ramener à la théorie de la déformation deux nouvelles questions, celle des système cycliques et celle de la représentation sphérique. Si, eneffet, on prend l'inter- section d’une sphère de rayon nul, invariablement liée à la surface mobile, avec le plan tangent commun aux deux surfaces en leur point de contact, le cercle ainsi obtenu décrit un système cyclique: c’est-à-dire qu'il reste normal à une certaine famille de surfaces, la- quelle fait elle-même partie d’un système triple or- thogonal; de sorte que tout couple de surfaces applicables donne naissance à uneinfinité de systèmes cycliques. D'autre part, un plan isotrope P, lié à la surface mobile, coupe le plan de contact suivant une droite qui reste normale à une famille de surfaces. Si l'on rem- place le plan P par un plan parallèle, la nouvelle famille de surfaces aura même représentation sphé- rique que la première. ! L'auteur établit (Ch. VII) que cette corrélation est 226 réciproque. Chaque couple de surfaces admettant la même représentation sphérique donne des systèmes cycliques et des couples de surfaces applicables. Une discussion spéciale est seulement nécessaire pour ar- river à des résultats réels. On obtient, en particulier, par cette méthode, tous les systèmes orthogonaux où l'un des systèmes de lignes de courbure est formé de courbes planes. Analytiquement (Ch. VII), on reconnait que le pro- blème de la représentation sphérique dépend d'une équation E à invariants égaux dont les caractéristiques sont les lignes de courbure. Etant donné que, pour le problème de la déformation, les caractéristiques sont les lignes asymptotiques, on peut pressentir, et l’on vérifie en effet, que les deux problèmes se ramènent l'un à l’autre par la transformation de M. Lie. Ces résultats s'appliquent tout naturellement à la recherche des surfaces à lignes de courbure planes ou sphériques, lesquelles correspondent à des équations (E) qui s’intègrent par une, deux ou trois applications de la méthode de Laplace, On obtient, en effet, d’élé- gantes constructions de ces surfaces, les premières s'obtenant par le roulement de deux développables, les secondes se ramenant aux premières. Toutes se déduisent (à des cas de dégénérescence près) par des inversions et des dilatations, soit d’un cône, soit dela surface dontles normales sont tangentes à un cône. Un cas particulier curieux est celui des surfaces iso- thermiques àlignes de courbure planes, pourlesquelles, en utilisant les fonctions doublement périodiques de seconde espèce de M. Hermite, on trouve une généra- tion dépendant d'une fonction arbitraire, quoi qu’il y ait deux équations aux dérivées partielles à vérifier simultanément, Après avoir (Ch. XIII) généralisé la théorie des équations de Laplace au cas de plusieurs variables indépendantes, et en avoir déduit uu important théo- rème de M. Combescure sur les systèmes orthogonaux, l'auteur arrive (Ch. XV) à l'exposition des nouveaux résultats obtenus par un des savants auxquels la théorie des surfaces applicables doit ses plus grands progrès, M.J. Weingarten. Ces résultats, qui avaient été publiés sans que leur inventeur ait laissé aperce- voir la méthode qui l'avait guidé, se rattachent au con- traire directement aux principes précédemment posés. Prenons, avec M. Weingarten, un élément linéaire donné sous la forme : (2) ds? = du? + 2pdudx + 2q dv?, (p et q étant les dérivées partielles d’une même fonc- tion) : ceci revient à supposer que l’on connait une surface 9, admettent l'élément linéaire en question. Soit alors © une surface applicable sur la première : déplacons-la par le roulement à deux paramètres, défini précédemment: une droite isotrope liée à la surface mobiie percera le plan de contact en un point qui dé- crira une surface ©’. Si nous imaginons que la droite isotrope s'éloigne indéfiniment dans un plan fixe, la surface YŸ’ s'éloignera aussi indéfiniment : mais on peut lui appliquer une homothétie à rapport infini- ment petit qui la ramène à distance finie et elle a alors une position limite ?. C’est cette surface ? qu'a consi- dérée M. Weingarten. Il a constaté que l'applicabilité des deux surfaces 0, O,, se traduit par une relation entre les rayons de courbure de Yet les distances du plan tangent ainsi que de son point de contact à l’ori- gine des coordonnées. Si l’on emploie le système de coordonnées tangen- tielles de Bonnet, on est ainsi conduit à intégrer l'équation : dv Ÿ' (0) dadB (+ a8}2° On sait intégrer un certain nombre d’équations de ce type. Lesunes correspondent à des cas déjà décou- verts par M. Weingarten (déformation du paraboloïde BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ‘4 de révolution, de la développée d’alysséide); les autres « donnent de nouvelles surfaces, imaginaires, il est vrai, pour lesquelles on peut trouver toutes les déformations possibles : ce sont des surfaces réglées à plan direc- teur isotrope. La méthode que nous venons de résumer a élé géné ralisée par M. Weingarten. Elle peut, en effet, être regardée comme une forme particulière de la suivante: Par chaque point de la surface cherchée (qui admet un élément linéaire donné), menons une tangente & faisant des angles connus avec les courbes coordonnées. Une parallèle à cette tangente, menée par l’origine, coupera la sphère de rayon { en un point que l’on pourra définir par des coordonnées sphériques #',0' @t l’on pourra mettre en équation le problème. proposé en cherchant à déterminer les coordonnées #,v de la surface en fonction de w',v'. On simplifiera les équa=-M tions par un choix particulier des droites d: Ayantpris une famille de courbes sur la surface, les courbes w = constante, par exemple, on mènera les droites dcor- respondant aux points d’une de ces courbes de manière que la surface réglée ainsi formée admette cette courbe pour ligne de striction. Il est remarquable que la solu= tion de ce problème auxiliaire ne dépend que de l’élé- ment linéaire donné. Elle peut d’ailleurs s’interpréter géométriquement de la manière suivante : ayant COns- truit la développable circonscrite à la surface le long de la courbe u— constante, on étalera cette dévelop-M pable sur un plan: les tangentes cherchées sont celles qui, dans cette transformation, deviendraient paral- lèles entre elles. - Moyennant cette précaution, on trouve une équa- tion du second ordre aux variables indépendantes, w’,v! pour déterminer le paramètre uw; après quoi, la solu- ton complète du problème ne dépend plus que de qua=« dratures. L’exposé rapide de cesrecherches de M. Wein= garten, qui constituent une transformation nouvelle el inattendue du problème de la déformation, sert de conclusion au nouveau fascicule de M. Darboux. J, Hapanarn. 2° Sciences physiques. Guignet (C. E.), Directeur des Teintures aux Manufac- tures nationales des Gobelins et de Beauvais; Bommer (F.), Professeur à l'Ecole de Physique et de Chimie indus- trielles de la Ville de Paris, et Grandmougin (E.), ancien préparateur à l'Ecole de Chimie de Mulhouse. — Blanchiment et apprêts. Teinture etimpression. Matières colorantes, — 1 vol. qr.in-8° de 674 pages avec 339 fig. et 23 échantillons d’étoffes teintes el im= primées. (Encyclopédie industrielle de M. Lechalas) (Priæ : 20 fr.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs, Paris. 1896. : Cet ouvrage est sans conteste le plus important, au point de vue pratique, qui ait paru en France, depuis. les traités classiques de Persoz (1846) sur l'Impression des Tissus et de Schützenberger (1867) sur les Marièress colorantes ct leurs applications à la Teinture et à l’'Impres= sion. Le premier expose dans leurs moindres détail toutes les opérations du blanchiment, de la gravure; de l'impression, du mordancage, de la teinture, du vaporisage, etc., et passe en revue fous les yenres qui se faisaient alors sur les tissus de coton, de laine, de soie etles tissus mixtes. Pour l’époque, c'était une véritable Encyclopédie des connaissances théorique et pratiques, dans tous les domaines se rattachant l'Industrie des toiles peintes. Mais la date même de l'œuvre indique que, siles données pratiques su l'emploi des matières colorantes peuvent y êtn exposées avec la dernière précision et la plus grande autorité, par contre les données scientifiques sur constitution de ces matières colorantes doivent y fair absolument défaut. 4 Le remarquable traité de M. Schützenberger, rt) ea ] plus de vingt ans après celui de Persoz, considéran BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 997 comme acquis tout ce qui a trait aux opérations mé- caniques, physiques et chimiques de l'Industrie tinc- toriale, s'attache surtout à l’étude scientifique des matières colorantes naturelles, et des matières colo- rantes artificielles (de production toute récente alors), etàleurs applications. Lamurexide, dont l’emploi (1855) devait être éphémère, et que la fuchsine vint supplanter (1859), le violet Perkin (1856), les bleus et verts à l'aldéhyde, les violets et bleus de rosaniline, le noir d’aniline et les colorants du phénol (acide picrique, coralline), tel était à peu près le bilan des matières colorantes artificielles vers 1867. On sait les belles synthèses réalisées depuis lors (alizarine, indigo, dérivés du triphénylméthane, etc.), le développement prodigieux qu'a pris l'industrie des colorants artificiels, l’ensembles des travaux scienti- fiques qui ont permis d'établir leur constitution et de les sérier, D'un autre côté, les procédés mécaniques de blanchiment, d'impression, de teinture, de vapo- risage et de finissage, ne sont pas restés en arrière, et ont réalisé aussi d'énormes progrès. L'ouvrage que nous allons analyser contient en résumé toutes les données essentielles relatives à l’état actuel de l’industrie de la Teinture et de l’Im- pression, envisagée au double point de vue que nous avons signalé, en parlant des traités de Persoz et de Schützenberger. Tout ce qui a trait à la description et à l’emploi des machines a été exposé spécialement et d’une ma- nière remarquable par M. Dommer, ingénieur (E. C.P.), professeur à l'Ecole de Physique et de Chimie indus- trielles de la Ville de Paris, et réuni sous la forme d’appendices à la suite des chapitres où les machines sont signalées. Cette disposilion a l’avantage de permettre la lecture séparée de la partie chimique proprement dite, et de la partie mécanique : à chacune d'elles corres- pond un nombre de pages à peu près égal dans le texte. La partie chimique de l'ouvrage est due à M. Gui- gnet, directeur des teintures aux Manufactures des Gobelins et de Beauvais, et à M. Grandmougin, ancien préparateur de M. Nælting, et actuellement chimiste d'une des plus célèbres fabriques d'impression de Mulhouse, la maison Kæchlin Frères. Les renseigne- ments sont donc de première main et d'une valeur pratique indiscutable, L'ouvrage est divisé en huit chapitres. Le chapitre I renferme une étude rapide des fibres textiles d'origine végétale (caton, lin, chanvre, jute, ramie) et d’origine animale (laine et soie) et de leurs propriétés physiques et chimiques, qui donne d’avance “une idée générale de la manière dont elles peuvent recevoir les couleurs. Il se termine par des notions sur la correction industrielle de l’eau, avec la descrip- tion des appareils employés dans ce but. Le chapitre IL traite d’abord du blanchiment du “coton. En dehors des anciens procédés, se trouvent décrits le blanchiment à la soude caustique, dans “l'appareil Mather et Platt, le système Bentz, le blan- “chiment électrochimique, et son application au cas particulier des canettes. Le blanchiment de la laine et mde la soie est exposé d’une manière assez détaillée, Je signalerai en plus les appareils pour le fixage, le “dégraissage, etc., des étoffes et des draps de laine, et la fabrication de la soie artificielle. Le chapitre III expose en quelques pages la théorie de la teinture, d’après les derniers travaux publiés sur ce sujet. …. Dans le chapitre IV se trouve une étude sur le mor- “dançage, et les mordants le plus communément _usités, Le chapitre V indique les principes qui régissent la pratique de la teinture, pour le coton, la laine, la soie, le jute et les tissus mixtes. . L’appendice correspondant, que remplit la descrip- tion des appareils de teinture, ne renferme pas moins de 110 pages. Les principaux appareils à signaler sont ceux pour la teinture des canettes, les machines à chiner, les cuves pour la teinture des écheveaux en noir d’aniline, la machine à oxyder, système Prei- bisch, etc. Avec le chapitre VI commence l'impression pro- prement dite. Il comprend l'examen des épaississants servant à la confection des couleurs, le vaporisage, le finissage des pièces de coton, de laine et de soie, une analyse de différents genres, et en particulier de ceux qu'on réalise avec les réserves et enlevages. Dans l’appendice correspondant, nous mentionnerons, en particulier, les machines à imprimer à double face, le procédé Mac-Nab, l’imprimeuse Samuel, les machines à oxyder ou à vaporiser continues, les laineuses, les machines à apprèter les étoffes de laine. Les apprèts des tissus de coton et des soieries ter- minent cet appendice. Le chapitre VII indique sommairement les matières colorantes minérales, dont l'emploi se fait de plus en plus rare. Par contre, les matières colorantes orga- niques artificielles, rangées par classes, d’après leurs chromogènes, sont examinées avec plus de détails, au point de vue de leur constitution, de leurs pro- priétés, de leur mode d'emploi et de leur solidité, Les matières colorantes organiques naturelles sont le sujet d'un article intéressant. Plusieurs d’entre elles se trouvent rattachées à des chromogènes, d’où dérivent nombre de colorants artificiels, et cette filiation est bien indiquée. Ce chapitre finit par un appendice relatif à la fabrication des extraits de graines ou de bois de teinture. Le chapitre VIIT donne des indications sur la ma- nière la plus avantageuse d'obtenir sur les différentes fibres les nuances Jaunes, orangées, rouges, vertes, bleues, violettes, brunes, grises et noires. Le rouge d’alizarine, le bleu indigo cuvé, et le noir d’aniline sont examinés plus spécialement. Maurice PRUD'HOMME. 3° Sciences naturelles. Meunier (Stanislas), Professeur de Géologie au Mu- séum d'Histoire naturelle de Paris. — La Géologie comparée. — 1 vol. in-8° de 296 pages avec 35 figures, de la Bibliothèque scientifique internationale. (Prix : 6 franes.) Félix Alcan, éditeur, 108, Boulevard Saint- Germain, Paris, 1896. Depuis la belle synthèse de Laplace et les dévelop- pements que lui a donnés M. Faye, personne ne doute que la Terre soit un astre en voie d'évolution et qu’on ne retrouve, dans les différents éléments du système solaire, les phases passées ou futures de notre globe. Il était utile de s'attacher à préciser ces relations, d'essayer d’éciairer, par la comparaison avec lesastres, les points obscurs de la géologie terrestre et de tâcher de grouper en un système plus documenté la structure géologique du Monde, dont la Terre ne forme qu’un terme. Ce sont ces notions, résultant de l’étude compa- rée de la Terre et des Astres, que M. Stanislas Meu- nier a résumées dans le livre que nous analysons. La première partie de cet ouvrage est consacrée à l’expo- sition des caractères des éléments du système solaire, puis à la comparaison géologique de ses différents membres, phénomènes de circulation dans les Atmos- phères, les Océans, phénomènes éruptifs, montagnes. L'auteur nous montre ensuite l'évolution des divers termes du système solaire, passant par l’état nébu- leux, stellaire, planétaire, qui estle nôtre, puis à l’état d’astre mort tel que la Lune, destinée à se morceler pour devenir des comètes et des météorites. Nul mieux que M. Stanislas Meunier n'était préparé par des études antérieures à nous donner, de l’histoire séologique du monde, ce tableau qui présente encore bien des lacunes, mais qui est un résumé très exact et très documenté de l’état actuel de la question. A. Bicor. 228 Monteil (Lieutenant-Colonel P.-L.). — De S$aint- Louis à Tripoli par le Lac Tchad. Préface de M. le Vicomte Melchior de Vogüé, de l’Académie francaise. — 4 vol. in-4° de 462 pages avec illustrations de Riou. (Prix : 25 francs.) F. Alcan, éditeur. Paris, 4895. Parla convention du 5 Août 1890, la zone d'influence de la France, au sud de ses possessions Méditerra- néennes, s'étend jusqu'à une ligne tracée de Say, sur le Niger, à Barroua sur le lac Tchad, de facon à comprendre, dans la zone d'action de la Compaguie du Niger, tout ce qui appartient équitablement au royaume de Sokkoto. Le voyage de M. Monteil a eu pour objet de déter- miner le tracé de cette ligne, Il à duré vingt-sept mois. L’explorateur est parti de Saint-Louis, le 9 octo- bre 1890; le 23 décembre, il quittait Ségou, le dernier poste français. Il arrivait à Tripoli, le 10 décem- bre 1892, On peut diviser son voyage en trois sections: 1° traversée de la boucle du Niger, de Ségou a Say, par Sikasso et Waghadougou dans le Mossi; 2° tra- versée du Soudan central, du Niger à Kouka sur le Tchad, par Sokkoto et Kano; 3° traversée du Sahara, par les oasis de Bilma et du Fezzan. L’officier qu'est M. Monteil a fait preuve dans son entreprise de qualités au-dessus de tout éloge. Il possède l’endurance, cette première vertu du soldat, La maladie ne l’a pas arrêté. Il a réussi, à force d'énergie, à traverser cette atroce région désertique qui s'étend d'Agaden à Bilma. Quoiqu'il n’eût qu’une force armée infime, huit Sénégalais commandés par l’adjudant Badaire, il s’est partout fait respecter. Il s'est également montré diplomate subtil. Il a défendu de son mieux sa pacotille contre la rapacité de tous ces roitelets soudanais, dont il était forcément l'hôte, Son livre se présente bien. Dans la préface, M, de Vogüé en.fait les honneurs en termes éloquents. Les gravures de Riou sont artistiques et significatives. En dehors d’une grande carte au 1 : 500.000, il y a dans le texte beaucoup de petits cartons représentant le détail de l'itinéraire. ; On peut relever dans le texte même un certain nom- bre de passages intéressants : nous citerons, par exemple, des descriptions du Mossi, àe la ville de Kano, un exposé de la situation commerciale et économique du Bornou, et du rôle commercial de la caravane Haoussa qui, de Kano, va chercuer les noix de Kola dans le Sud-Ouest. L'ouvrage de M. Monteil est d’une lecture facile, agréable, et si on n’y cherche que le récit d’un voyage audacieux, on est pleinement satisfait. Si on demande plus, on est un peu déçu. En ouvrant le livre, nous attendions autre chose, Il nous semble que M. Monteil a fait la part trop large à l'exposé détaillé de ses démèêlés avec tel ou tel chef nègre. Il se complaît aussi dans des digressions inutiles. Amené, par exemple, à discuter la question fort importante des rapports entre Musulmans et Fétichistes, il s'égare (p. 167) dans’ des considérations peu exactes sur Mahomet et le Coran. Le géographe ne trouve pas ce qu'il espérait, c’est-à- dire des renseignements précis sur le climat, sur la végétation, sur les populations, Inous paraît que, visi- tant des contrées qui, foutes, sont peu connues, et dont quelques-unes même ne le sont pas du tout, M. Monteil devait rapporter plus d'observations. Cette pénurie vient probablement de ce que M. Monteil n’est pas suffisamment géographe. La no- menclature yéographique même ne lui paraît pas absolument familière, Il dit, par exemple (p. 244, note), que le «Soudan est un plateau »; puis, trois lignes plus bas : « la caractéristique du Soudan est d’être un pays de plaine ». Or, les deux termes ne sont pas syno- nymes. À la même page, on lit : « La caractéristique de la climatologie du Soudan est que l’année s'y divise en deux saisons bien distinctes : une saison de pluie de cinq mois ininterrompue (juin à octobre); une saison sèche de sept mois, également ininterrompue, à de très rares exceptions près. » Or la chute de la BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX | pluie n’affecte pas dans tout le Soudan cette unifor- mité. Dans les anciennes provinces égyptiennes, par exemple Bahr-el ghasal et Equatoria, la pluie tombe non pas de juin à octobre, mais du 15 mars au 15 no= vembre, comme l'a démontré M. Adolphe Schmidt dans un mémoire inséré dans les Petermann's Mittei= lungen Ergänzungsheft. N° 93. — En outre, dans cer- taines parties du Soudan, il y a,non pas deux saisons, mais quatre : deux saisons sèches et deux saisons plu: vieuses. Nous nous garderons d’insister. Ceux qui restent au repos ont toujours quelque mauvaise grâce à critiquer les audacieux qui s’exposent aux fatigues, bravant fièvres et dysenteries, pour porter au loin le nom et la connaissance de la France, On ne peut pas prévaloir en toutes choses. M. Monteil n’a pas de prétentions à l’érudition géographique. C’est un homme d’action eb un vaillant officier : sa condition est suffisamment enviable, Henri DEHÉRAIN. Guillon (J. M.), Répéliteur de Viticulture à l'Ecole na=« tionale d'Agriculture de Montpellier. — Les Cépages orientaux. — 1 vol. in-8° le 224 pages avec 150 figu=M res, (Prix : 4 fr.) &. Carré, éditeur, Paris. 1896, Les ouvrages d’ampélographie sont très générales ment d’un laconisme regrettable en ce qui concerne les cépages orientaux. Une simple énonciation d'un de leurs noms, rarement des synonymes, plus rarement, encore une courte descriplion de leurs caractères bo= taniques, voilà tout ce qu'on trouve sur le sujet. Il y avait là une lacune que M. Guillon a voulu com bler, partiellement du moins, en publiant une étude très documentée d'une cinquantaine des cépages de l'Orient. | | z'est à peine un tiers des cépages régulièrement culs tivés dans les divers pays orientaux que nous appre= nons à connaître avec M. Guillon. 11 eùt été certes très désirable que l’auteur élargils son travail, mais il a voulu — et c’est là à mon sens le mérite de son livre — n’exposer avec quelque détail que ses observations personnelles. < L'œuvre de M. Guillon est appelée à rendre de réels services à nos producteurs de raisins de table. Il ne s'agit pas, en effet, d’une étude de ce que sont et ce que donnent les cépages orientaux en Orient, mais bien de ce qu'ils sont, acclimatés dans la région méridia nale francaise où ils sont cultivés en pleine terre. La clarté et la concision de la langue rendent cet ouvrage d'une lecture plus attrayante qu'on n’oserai l’espérer. Tous ceux que la viticulture intéresse le liront avec fruit. Ajoutons, ce qui ne gâte rien, que le côté matérie du livre est particulièrement soigné. L. Roos, Siraud (D), Chef des Travaux anatomiques à la Fa culté de Médecine de Lyon. — Recherches anato= miques sur les artères des os longs. — 1 vol. in-80 de 100 pages avec 4 planches en chromolilthographie (Prix 4 fr.) O. Doin, éditeur, Paris, 1895. * De ce mémoire fort bien étudié, il résulte que les épiphyses des os longs sont entourées d’un cercle ar tériel, formé par des artères importantes, et d’où naissent, pour l'extrémité osseuse, des branches périos® tiques et surtout extra-épiphysaires. Quant à la dias physe, elle est vascularisée, à sa superficie, par le réseau artériel périostique, ramifié dans l'épaisseur du périoste. De la face profonde du périoste partent de fines artérioles, qui pénètrent dans le tissu Dee les canaux de Havers. Enfin, la moelle et le canal di physaire sont irrigués par une artère volumineuse qui se divise en deux branches inégales. Ces divers syss tèmes artériels sont en communication large les uns avec les autres ; il n’y a donc pas de territoire vase laire distinct dans les os longs. Ces conclusions sont appuyées par quatre couleurs très démonstratives. î D' Gabriel MAURANGE. figures en BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4° Sciences médicales. Laveran (A.), Membre de l'Académie de Médecine, Directeur du Service de Santé du 11° Corps d’ Armée. — Traité d'Hygiène militaire. — 1 vol. gr. in-8° de 896 pages avec 290 figures (Prix : 16 fr.). G. Masson, édi- teur, Paris, 1896. Par sa composition, le rôle qu’elle doit remplir en temps de guerre, et auquel elle a pour but de se prépa- rer pendant la période de paix; par les exercices pé- nibles qu'exige l'éducation militaire des jeunes soldats, larmée constitue, pour l’hygiéniste comme pour le médecin, un milieu véritablement spécial auquel nul autre ne saurait être comparé. Bien que les lois gé- nérales qui concernent la prévention des maladies soient communes à toutes les agglomérations humaines, leurs applications à l’armée exigent des préceptes qui soient en rapport, à La fois, avec la pratique de la vie militaire et avec les acquisitions scientifiques de l'Hygiène. Celle-ci est donc obligée d'adapter ses principes à ces conditions particulières; d'étudier, de prévenir et de combattre l’éclosion des maladies dans le détail si complexe de l'existence du soldat à la ca- serne, dans les camps, pendant les manœuvres et sur le champ de bataille, Ce sont ces notions qui sont ex- posées dans le Traité d'Hygiène militaire de M. Laveran. Après s'être occupé du recrutement de l’armée et des conditions d’aptitude au service militaire, M. La- veran aborde successivement les exercices du soldat, les accidents produits par la chaleur et par le froid. Cinq chapitres sont consacrés à l’alimentalion et aux boissons et comprennent les procédés de fabrication et de conservation des aliments, leurs altérations, l’ex- pertise des viandes, la description des fours de cam- agne, les conserves de guerre, etc. Viennent ensuite Pétade de l'habillement du soldat, celle de son habitat, les règles d'hygiène qui doivent présider à la construc- tion des casernes, à l'assainissement des champs de bataille, Dans ce Traité, où sont condensés tous les progrès de l'hygiène actuelle, M. Laveran a lui-même apporté, en maint endroit, tantôt des appréciations neuves et - pratiques, tantôt le résultat de ses propres recherches, notamment sur la pathogénie de la mort par la cha- leur, l’action antiseptique de l'acide sulfureux, la dé- ….sinfection des locaux par l'acide phénique et le su- _ blimé. —…. Mais, malgré son titre, un tel ouvrage n’est point - destiné à rester exclusivement entre les mains du pu- … blic médical restreint pour lequel il a été écrit : il pre- sente, en effet, un haut intérêt scientifique pour tous ceux qui sont appelés à s'occuper d'hygiène. On trou- vera, en particulier dans les chapitres sur l’alimenta- “tion, sur l’eau de boisson, sur l'habitation, sur la ven- mtilation, sur la désinfection des locaux, des vêtements, du linge, sur les divers systèmes de vidange, etc,, une “étude approfondie et profitable à toas de ces diverses questions, dont l'importance est grande et générale. Les discussions théoriques en sont bannies; chaque “partie est traitée avec cette précision sévère et cette forme documentée et personnelle qui caractérisent les . œuvres de l’éminent professeur du Val-de-Grâce, 3 D' H. VINGENT. _ Bonnet (Paul), Docteur en médecine. — Contribution à l'étude de la Leucocythémie chez l'enfant. — —… vol. in-8°. de 85 pages. H. Jouve, éditeur, 15, rue Racine, Paris. 1895. …. L'auteur a réuni 17 observations de cette affection. De l'examen de ces faits, il conclut que la leucocy- - thémie est une maladie infectieuse, dont l'agent siège, en principe, dans les liquides de la circulation qu'il “adultère et qui se localise dans les ganglions avec néoformation de tissu lymphoïde. Cette maladie atteint - les enfants de tout âge et de préférence les garcons. Elle s'établit à la faveur d’affections diverses, la ma- -laria, le rachitisme, ete,, ou à la suite d’une nutrition “ 299 défectueuse, d’une alimentation mauvaise, La nature infectieuse de la leucocythémie semble être prouvée par la présence de microbes : Kelsch et Vaillard out décrit un bacille court, trapu, arrondi aux extrémités, non colorable par le Gram. Pawlowski, dans six cas, vit des bacilles sporifères dans le sang. La spécificité de ces microbes n’est pas encore certaine. A. LÉTIENNE. Picard (D'H.).— Traité des Maladies de la Pros- tate et des Vésicules séminales. — 1 vol. in-18° de 2718 pages, avec 56 figures. (Prix: 5 fr.). G. Carré, éditeur, 3, rue Racine, Paris. 1896, M. Picard débute par un exposé élémentaire de l'anatomie et de la physiologie de la prostate. Les lé- sions pathologiques (blessures, inflammations aiguës et chroniques, engorgements, hypertrophie, cancer, tuberculose, etc.) constituent la partie principale de l’ouvrage, qui se termine par une étude du sperme, du &onocoque, des microbes urinaires et par un exposé du cathétérisme aseptique, ainsi que de l’endoscopie. Sur quelques points, nousnous permettrons d'émettre une opinion différente de celle de l’auteur. Après Ultzman, il admet que l’inflammation chronique de la prostate provoque les névroses les plus diverses de la sphère génitale, Nosrecherches àcet égard, consignées tant dans les cliniques de notre maitre, le Professeur Guyon, que dans un mémoire sur les névralgies vési- cales que nous avons publié en 1888, nous ont conduit à une opinion diamétralement opposée. La prostatile chronique ne s'accompagne le plus souvent d'aucun symptôme fonctionnel et l’ensemble des douleurs qu’on lui attribue se rencontre souvent en l'absence de toute lésion locale. De même, nous ne saurions accepter les critiques que M. Picard adresse à la cystostomie sus-pubienne. Toutes dérivent du reste de ce fait qu'il a eu recours, après fistulisation de la vessie, au port d'une canule génante pour les malades. Les inconvénients sont tous évités par le port d'un petit appareil, que nous avons fait construire il y a quelques années déjà, par M. Col- lin, et qui permet aux malades de recueillir les urines, grâce à l'application devant la fistule d'une petite boîte maintenue par un ressort comme une pelote de ban- dage herniaire. Ces quelques critiques n’enlèvent, du reste, rien à la valeur de cet ouvrage qui, bien édité, est lu avec facilité. D' HENRI HARTMANN. 5° Sciences diverses. La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses figures intercalées dans le texte et planches en cou- leurs. 5#1e livraison. (Prix de chaque livraison, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes. Dans la 541° livraison, on remarquera particulière- ment un article sur la lumière, par M. A. Joanis, et un autre sur les lunettes astronomique et terrestre, par le même auteur; la lune est également l’objet d’une monographie détaillée, ornée de gravure ; enfin, si- gnalons la biographie de l'écrivain grec Lucien, par M. V. Glachant et celle du compositeur de musique Lully, par M. H. Lavoix. Beauregard (H.)., “Assistant au Muséum. — Nos Bêtes. Animaux utiles et nuisibles. — Ouvrage paraissant en livraisons les 5 et 20 de chaque mois. Chaque livraison contenant 8 pages de texte et une planche en couleurs, est vendue 90 centimes. A. Colin, éditeur, 5, rue de Mézières, Paris, 1896. Les dernières livraisons renferment la description du gibier à plume ({étras, gélinotte, faisan, perdrix, caille, grive, bécasse, bécassine, poule d’eau), et le commence- ment de celles des poissons (maquereau, thon, sole, turbot, merlan, hareng, sardine, raie). 230 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 27 Janvier 1896. M. Rouché est élu membre libre en remplacement de M. le baron Larrey. — M. le Ministre de l'Instruc- tion publique invite l’Académie à lui présenter une liste de deux candidats pour une place de Membre du Bureau des Longitudes, laissée vacante par le décès de M. le contre-amiral Fleuriais. — M, Cornu remet à M. d'Abbadie la médaille Arago, qui lui est offerte par l’Académie, et lui adresse, au nom de l’Académie, l’ex- pression de sa gratitude pour la dotation généreuse qu'il vient de lui faire. M, d’Abbadie adresse ses remer- ciements. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES.— M. H. Poincaré résout par- tiellement le problème de l'équilibre d’un corps élas- tique posé de la facon suivante : trouver trois fonctions ë,n, & qui, à l'intérieur du corps, satisfassent aux équa- tions : dû dx d6 A + y) A ay do A Hu) 2 + mA = 0 ‘dE dn dt ebay Et O0. ÆHu) == + pAë= 0 + uAn = 0 DE et qui, à la surface du corps $, soient telles que les trois expressions pe Ps ps dE dE dE d£ d'n dt Pa=0)6 (5 es ) cree, 2 +4 FRE m a +n + pu EVE m Ag +n Æ ly dz où !, m, n, sont les cosinus directeurs de la normale à S. prennent des valeurs données d'avance, — M. Hugo Gylden développe les propriétés d’une équation diffé- reutielle du second ordre, non linéaire et à coefficients doublement périodiques, susceptible de jouer un rôle important dans les calculs astronomiques, — M. E. Goursat établit la propriété suivante concernant les équations linéaires et la méthode de Laplace, et il en tire un certain nombre de conséquences. Une équation : d?6 db dB d A Tr Er à M où 4, b, ce, sont des fonctions des deux variables indépen- dantes w et vw, est dite avoir 4 intégrales particulières 0,,9, ... 0,, linéairement distinctes, quand il n'existe aucune relation linéaire et homogène à coefficients constants entre ces # intégrales, où ces coefficients ne sont pas tous nuls. S'il arrive qu'entre (n + 1) inté- grales linéairement distinctes, il existe une relation li- néaire et homogène, où les coefficients ne dépendent que d’une seule des variables w et v, la suite de La- place, relative àl’équation prédente, se termine dans un sens après (7 — 1) transformations au plus.— M. G. Fontené donne la formule exprimant l’addilion des arguments dans les fractions périodiques du second ordre à pôles simples p et x: 2fte +y)=/P—y) HIT —y)HR (DE4Dy) log one) fx) — fx — y) M. Carl Stormer a trouvé le théorème suivant : Pour que les nombres 2ntiers 4,, 4,, .. quation : . 4, Satisfassent à l’é- CS PÉTER 0 Fr ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ; 1 1 1 æ, arctang— “+2, arctang — + ,.. + an arctang — —=# 3 pa x2 Xn 4 aux multiples de = Près, 2, tas. bres entiers et positifs, et À étant 0 ou 1, il fautetil suffit que : ., %, étant des nom- DB + Lodo +... + Anôn + À soit pair etp,, P,, +, P,,, D, ..., Sontdes nombres pre- miers réels de la forme 4 a + 1 etoù v,, v,, ...,v,, sont des nombres entiers ou nuls assujettis à la relation: div] + Los +...+ Znvn = 0 et que % + %y soit divisible par p,, si le produit, correspondant v, y, est négatif, et non divisible par Pm, Si ce produit est positif ou — 0. — M. Boulanger signale certains invariants relatifs au groupe de Hesse et indique quelques-unes de leurs propriétés. — M. Le-\ vasseur montre les avantages qui résultent, dans cer taines applications, de l'introduction des imaginaires de Galois, comme exposants des opérations. — M. A Kriloff donne une théorie du tangage sur une mer houleuse, en s’affranchissant de l'hypothèse, inadmis= sible pour cette étude, que les dimensions transver= sales du navire sont petites par rapport à celles de lan vague. Cet essai de théorie conduit à deux équations, pouvant être intégrées par la méthode des approxima= tions successives et dont l’une seulement est suffisante, pour la pratique, 20 SciENGES PHYSIQUES. — M. Mascart présente la se- conde édition du tome I de ses Lecons sur l’Electricité et le Magnétisme. L'ouvrage, entièrement remanié, tient compte des découvertes de Hertz et développe les ap- plications industrielles des courants alternatifs. = M. Jean Perrin a répété les expériences de Rüntgen : 1° les rayons X ne sont pas des rayons cathodiques; 2% [es métaux sont, en général, moins transparents que les autres corps, mais n’ont pas l’opacité absolue qu'ils présentent pour la lumière; 3° la propagation de ces rayons, d’après une expérience assez grossière; paraît rectiligne ; 4° ces rayons ne se réfléchissent ni sur un miroir métallique, si sur une plaque de flint; 5° la déviation de ces rayons, à travers un prisme de paraffine et de cire, n'existe pas, ou bien est inférieur à de; 6° des recherches pour obtenir des franges de diffraction conduisirent à des résultats négatifs. M. Poincaré ajoute que Rüntgen avait reconnu que les rayons X ne se réfractent pas et éprouvent une rés flexion irrégulière avec diffusion. — M. Gustave Le Bon expose des recherches, entreprises depuis deuxans sur la photographie à travers les corps opaques, à l’aide de la lumière ordinaire. Une plaque sensible mise au contact d’un cliché photographique quelconqu! et d’une plaque de fer couvrant entièrement la face di châssis, puis exposée à la lumière d’une lampe à pé trole ou au soleil, donne une image du cliché, très pâle, mais très nette par transparence, En enyelop= pant le tout dans une boîte métallique en plomb, les, résultats sont meilleurs, — M. H. Dufour adresse de, Lausanne quelques épreuves obtenues à l’aide des pros, 1e ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 231 cédés Rôntgen. Le sang n'arrête pas les rayons, — M. Ch. V. Zenger pense que les radiations cathodiques ne sont autres que les radiations ultraviolettes invi- sibles, qui se produisent dans l’espace raréfié des tubes de Crookes. — M. Maurice François démontre que l’action de la chaleur seule décompose simplement l’io- dure mercureux en iodure mercurique, et que la dé- composition est limitée. Comme conclusions : {°on ne peut fondre l’iodure mercureux sans décomposition ; 2 on peut fondre, au contraire, sans décomposition, des mélanges riches en iodure mercurique. — MM.Bay- rac et Ch. Camichel ont étudié l’absorption de la lu- mière par les dissolutions d’indophénols. Si l’on dis- sout des poids de chaque corps de la série, proportion- nels aux poids moléculaires, dans le même volume du même dissolvant, la bande rouge caractéristique de ces corps occupe la même position dans les différents spectres obtenus. — M. G. Perrier a étudié l'action du chlorure d'aluminium sur les phénols ; la combi- naison a toujours lieu entre une molécule de chlorure et deux molécules du composé, mais avec élimination de deux molécules d’acide chlorhydrique et formation d’un véritable produit de substitution de formule sé- nérale (R — O}Al?2CI'. L'auteur décrit les combhinai- sons obtenues avec le phénol ordinaire, ses dérivés mononitrés etchlorés, le thymol, les naphtols & et Bet les phénols à fonction mixte, aldéhyde salicylique et salicylate de méthyle et de phényle, — MM. G. Bou- chardat et Tardy, outre l’anéthol, ont reconnu, dans l'essence d’anis de Russie, la présence de deux compo- sés aldéhydiques C'6H$O* et C2H20*,. Ce dernier, l'a- cétone anisique, dérive par oxydalion de l'estragol ou de son isomère, l’anéthol, existant tous deux dans l’es- sence. — M. À. Brochet s’est préoccupé de Ja produc- tion de l’aldéhyde formique gazeuse pure pour la désin- fection ; les procédés ordinaires, qui consistent à oxyder incomplètement l'alcoolméthylique, donnent de l'oxyde de carbone. L'auteur utilise la décomposition du trio- xyméthylène, sous l'influence de la chaleur, en pré- sence d’un courant gazeux qui entraine les vapeurs d’aldéhydes. C. MAriGNoN. 39 SCIENCES NATURELLES, — MM. Lannelongue, Bar- thélemy el Oudin montrent, par quelques recherches nouvelles, l'utilité des photographies par les rayons X dans la pathologie humaine. C’est ainsi que l’on peut démontrer que l’ostéomyélite n’est pas une périostite, car les os atteints de cette maladie se montrent par leur photographie intacts à leur périphérie tandis que le centre est détruit. — M. Kowalewsky présente quelques études biologiques sur des Hirudinées, en -particuliersur la Clepsine complanata.L'intestin médian et ses six diverticulums présentent une réaction acide vis- à-vis du tournesol, tandis que l'intestin terminal offre une réaction alcaline. Le cœlome et son contenu ont également une réaction alcaline, tandis que les parois (épithélium cœlomique) sont acides. De plus, les cel- lules néphridiennes ont des propriétés phagocytaires très prononcées; elles absorbent les substances solides “et les bactéries introduites dans la cavité du corps. — M. Calmette, avec la collaboration de MM. Hankinet -Lépinay, fait connaitre les résultats qu'a donnés aux Indes et à Saigon l’emploi de son sérum immunisant contre les morsures de serpents, Son efficacité est certaine s’il est employé dans un délai assez court (une heure environ) après la morsure, — M, Gruvel communique quelques études intéressantes sur la Tetraclita porosa au double point de vue anatomique et histologique. —M.D. Charpentier analyseune nouvelle forme de réaction négative sur la rétine et élablit cette loi que tout changement brusque et suffisamment grand de l'excitation lumineuse d'un point de la rétine déter- mine une réaction négative dont la forme oscilla- toire peut être plus ou moins sensible, — MM. Vas- seur et Fournier fournissent les preuves de l'extension Sous-marine, au sud de Marseille, du massif ancien des Maures et de l'Esterel, ; J. MARTIN. Séance du 3 Février 1896. M. le Ministre de l’Instruction publique, des Beaux- Arts et des Cultes, adresse l’amplification du décret approuvant l'élection de M. Rouché comme membre libre, — M. le Maire de Niceinvite l’Institut à se faire représenter à la cérémonie d’inauguration du monument érigé à l’occasion du Centenaire de la réunion de cette ville à la France. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Tacchini transmet les résultats des observations solaires faites à l'Observatoire royal du Collège romain pendant le deuxième semestre 1895. Le phénomène des taches solaires à continué à diminuer, avec un minimum se- condaire pour le mois de novembre; au contraire, le phénomène des protubérances hydrogéniques est resté stationnaire pendant toute l’année. — M. le Se- crétaire perpétuel signale un ouvrage de M. le général Koversky sur les travaux géodésiques en Sibérie et dans les pays limitrophes avec une carte à part, — M. Jäderin adresse un mémoire intitulé : Mesure d’une section de la base de Paris avec l'appareil Jäderin. — M. d'Abbadie présente le mémoire précé- dent et ajoute que les appareils Jäderin, touten possé- dant la précision des appareils employés par les offi- ciers d'état-major, permettent de mesurer en moyenne 2,500 mètres à 3 kilomètres par jour. — M. Lecornu, qui a montré autrefois que l'équilibre d’une surface flexible et inextensible, soumise à des forces données, est régi par un système d'équations linéaires aux dérivées partielles du premier ordre, né se prélant que rarement à l'intégration, est parvenu à traiter le cas d’une membrane affectant la forme d’un ellipsoide à trois axes inégaux et tendue par une pression cons- tante telle que celle d’un fluide. Un seul état d’équi- libre est compatible avec la condition d’avoir partout des tensions finies et continues. M. Carl Stormer continue l'étude du problème sur les solutions en- tières : Disons En Aloe Un de l'équation æ, arctang 2 + 2, arctang S +...+# an arctang ie r° 71 X2 21 M. Ed. Guitard adresse une note relative à une roue hydraulique à palettes à transformations, pour le flux et le reflux de la mer. SCIENCES PHYSIQUES. — M, G. Gagneparis propose d'employer, dans la fabrication de l’acide sulfurique, une double tour faisant suite à la tour de Gay-Lussac, pour arrêter les vapeurs rulilantes. — M. le Secrétaire perpétuel signale un ouvrage de M. W. Zenker de Berlin, intitulé : Construction thermique des climats, par les influences calorifiques de rayons solaires et de l’intérieur du globe terrestre, et le second volume des œuvres scientifiques de J. Plücker : Mémoires de Physique. — M. Lambert-Roguin adresse une note relative à la photographie des couleurs. — M. Doumet Adanson communique l'observation d’un bolide faite à Baleine le 6 Janvier 1896, — M. Maurain s’est proposé de chercher comment varie l'énergie dissipée dans l’aimantation avec la fréquence du champ pé- riodique employé. La chaleur mise en jeu est due à laimantation elle-même et aux courants d'induction; cette dernière partie étant supprimée complètement, l’auteur trouve que la quantité de chaleur mesurée calorimétriquement, laquelle se dissipe pendant une période, diminue quand la fréquence augmente, cette diminution étant de plus en plus lente. En outre, cette diminution relative est sensiblement indépen- dante de la valeur du champ. — M. Edouard Branly continue l'étude de la variation de la résistance de lames métalliques minces sousl'influence des décharges électriques. Il établit que cette variation n’est pas due à la disparition d’une résistance au contact de la feuille et des plaques métalliques par lesquelles elle la 232 est reliée au reste du circuit. — M. Niewenglowski a répété les expériences de M. Le Bon sur la photographie à la lumière noire, mais sans employer aucune source de lumière ; le résultat a été le même que celui de M. Le Bon. — M. Gustave Le Bon donne quelques indications concernant la photographie à la lumière noire. L'auteur élimine l'influence possible de la chaleur et celle de la lumière emmagasinée sur les clichés. La lumière du jour donne les mêmes résultats que les lampes à pétrole, mais présente l'inconvénient de posséder une intensité variable. Les métaux les plus transparents aux rayons noirs sont l'aluminium et le cuivre; le fer est moins transparent, le zinc, l’ar- gent et l’étain le sont peu, le papier noir et surtout le carton recouvert de papier noir le sont infiniment peu. — MM. E. Benoist et D. Hurmuzescu signalent quelques propriétés nouvelles des rayons X. Ils dé- chargent immédiatement et complètement l'électros- cope, plus rapidement si la charge est négative que si elle est positive. Cette décharge se produit avec des degrés très différents de rapidité selon la nature et l'épaisseur des corps interposés.— M. Albert Nodon a reconnu 1°: Que l'arc voltaique,produit dans l’air,n’émet pas d’une facon appréciable de radiations jouissant de la propriélé des rayons de Rüntgen de traverser les corps opaques. 2° Que divers milieux colorés sont traversés avec une égale facilité par les rayons X. — M. V. Chabaud a examiné quatorze métaux oualliages usuels, au point de vue de leur transparence pour les rayons X ; seul, le platine est opaque sous une épais- seur de 1/100 de millimètre; le mercure l'est encore davantage. — M. G. Moreau a eu l’idée de substituer au tube de Crookes l’aigrette d’une forte bobine d'in- duction, actionnée par un courant moyen de six am- pères. L’aigrette parallèle donne des épreuves néga- tives absolument nettes et très intenses. Une aigrette de machine électrostatique paraît ne rien donner. — MM. Meslans el F. Girardet continuent l'étude des fluorures d'acides ; ils communiquent les résultats de leurs recherches sur les fluorures de propionyle et de benzoiïle. Il suffit de faire réagir le chlorure d'acide correspondant sur le fluorure de zinc anhydre pour obtenir, sans le secours de la chaleur, la quantité théorique de fluorure. Ces corps attaquent rapidement le verre en présence de traces d’eau; ils offrent, en présence de ce dernier corps, une stabilité plus grande que les chlorures; aussi ne fument-ils pas à l'air ; ils réagissent lentement sur les alcools pour donner des éthers et rapidement sur l’ammoniaque pour fournir des amides correspondantes. — M. Albert Colson prépare les fluorures d’acides en traitant un acide organique par l'hydracide en présence d’un corps suffisamment avide d’eau, un nitrile ou mieux en opérant avec l’anhydride organique. On peut éga- lement remplacer l'acide fluorhydrique par le fluorhydrate de fluorure de sodium. — M. Güntza reconnu que le lithium brûle l'hydrogène à la tem- pérature du rouge vif, en même temps qu'il se forme un nouveau composé, un hydrure de lithium: LiH, Ce corps, qui parait stable à l'air, est décomposable par l’eau avec formation d’hydrogène. Cette substance, sous le poids minimum, dégage, au contact de l’eau, le poids maximum d'hydrogène; {1 kilogr. donne 2780 litres. — M. Michel Lévy donne l'étude pétro- graphique et chimique des albitophyres du bassin de Laval. — M. A. Poincaré donne une note annexe à son étude de la révolution synodique; elle traite des effets, considérés isolément, des déplacements solaires sur les pressions barométriques de la zone de 10° à 300. = C. MATIGNON. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. N, de Zograf, dans ses recherches sur le système nerveux embryonnaire des Nauplius, a pu retrouver chez ceux-ci, à l’aide de Ja coloration physiologique au bleu de méthylène, les restes d'un anneau decellules nerveuses sous-jacent à une ceinture vibratile, Les Nauplius seraient ainsi les homologues des larves des trochosphères des Vers ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES annelés. — M. Sauvage signale la présence d’un” ophidien parmi les ossements de reptiles recueillis dans les terrains crétaciques du Portugal. C'est une espèce voisine de Symoliophis Rochebruni que lon: peut rapprocher des Typhlopiens. — M. Pieri étend ses recherches physiologiques à la respiration des. Poissons et trouve, par exemple, que le phénomène de la résistance à l’asphyxie est un phénomène général,« qui se présente chez tous les êtres vivants comme on devait bien s’y atlendre, — M. Laboulbène présente des observations qu’il a faites sur la vésicule cépha- lique des Diptères de la famille des Muscides, at moment de l’éclosion. — M. Vuillemin présente quelques observations au sujet de Mucor et Tricho- derma. Si le Trichoderma pénètre réellement dans l'intérieur des tubes de Mucor cristaceus, il faut con- clure que cette espèce offre tous les degrés du passage du saprophytisme au parasitisme le plus complet. M. de Launay indique les caractères géologiques des conglomérats aurifères du Witwatersrand (Transvaal)« Ce sout des couches sédimentaires intercalées dans une formation de quartzites et de conglomérats repo: sant sur le granite. — M. Oehlert étudie le gisement. de quelques roches éruptives et métamorphiques du bassin de Laval. Elles constituent un massif puissant aux environs d'Entramme, appartenant à la base d Dinantien. À J. ManriN. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 21 Janvier 1896. M. le D' Ausset (de Lille) communique une obser= vation intéressante d’immunité vaccinale congénitale. persistante par transmission intra-utérine, — M, De bove analyse une note du D' Clozier (de Beauvais] sur l’atonie gastro-intestinale. Suivant l'auteur, cette maladie proviendrait d’un régime alimentaire défec- tueux dans la première enfance. — M. J. V. Laborde fait un rapport sur un mémoire du D" E. Maurel (di Toulouse) concernant la prophylaxie du paludisme L'auteur arrive aux conclusions suivantes : C’est le plus souvent par l'atmosphère que les microorganismes du paludisme arrivent jusqu’à nous ; ils sont surtout ab sorbés par la voie buccale; la muqueuse nasale, au contraire, les arrête, L'administralion préventive de fortes doses de quinine semble avoir quelques bons résultats, Dans la zone intertropicale, les Européens doivent renoncer au travail de la terre sous peine de mort (au moins pour les régions où l’allitude ne cor: rige pas les effets de la latitude) ; ils peuvent se livrer à tout autre travail ; les atteintes du paludisme peuvent alors être nombreuses, mais elles sont rarement mor telles, Séance du ?8 Janvier 1896. L'Académie procède à l'élection de deux correspons dants nationaux dans la 2% Division (Chirurgie} MM. Gross (de Nancy) et Poncet (de Lyon) sont élus! — M. Jaccoud, dans une communication sur l'orig hospitalière de la phtisie pulmonaire, montre toute, complexité du problème et établit, par suite, la cons tante incertitude de l’origine hospitalière de la ph sie, même dans les conditions les plus significati en apparence, Mieux encore, une bonne hygiène h pitalière, et dont le moyen fondamental est la s pression absolue des poussières, doit préserver le malades contre le bacille de [a tuberculose. — M. Dx guet s'associe aux conclusions de M. Jaccoud et pré conise certaines mesures pour amener la suppressio des poussières. — M. Nocard applaudit aux efforts de MM. Jaccoud et Duguet, mais croit que, cependant,Mle meilleur parti à prendre est d'isoler les tuberculeux Séance du 4 Février 1896. L'Académie procède à l'élection de deux correspoñ 4 dants nationaux dans la 1'e division (Médecine): ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 233 MM. Fiessinger (d'Oyonnax) et Soulier (de Lyon) sont élus, — M. J. V. Laborde fait une expérience qui démontre l’action préventive du curare à l'égard du -tétanos strychnique ou toxique. — A propos de l'ori- gine hospitalière de la tuberculose, M, Terrier insiste sur les causes de contagion dans nos hôpitaux actuels : crachats répandus partout, désinfection mal faite ou nulle, encombrement des salles. Aussi voit-on lesétu- diants, les infirmiers et les surveillants devenir en grand nombre tuberculeux, — M, le D' Delorme lit un mémoire sur les effets des balles cuirassées de 8 mil- limètres à courte distance. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 18 Janvier 1806. M. Bourneville a étudié l’action de la glande thy- roide sur la croissance et l'obésité; chez tous les ma- lades traités, il s’est produit un amaigrissement ra- pide, mais bientôt l’accoutumance est survenue. = M. Caussade a observé une hypertrophie des capsules surrénales chez des cobayes auxquels il avait injecté de l'extrait de capsules surrénales du veau. — M. R. Petit, dans ses expériences sur les su- tures et les anastomoses des artères et des veines, a constaté la résorption du cafgut sans aucun coagu- lum, — M. Floresco envoie une note sur l’activité des ferments pancréatiques dans les différentes espèces animales. — M. Méry signale deux cas d'infections lo- cales provoquées par une injection sous-cutanée de ca- féine chez un malade atteint de pneumonie et un autre de scarlatine, Ces faits viennent à l’appui de l’hypo- thèse de la fixation des microbes en un point trauma- tisé au cours d’une infection. — M. Claude rapporte deux cas d’ulcération de la langue au cours de la lu- berculose. — M. Monnier (de Nantes) adresse une note sur les sécrétions hémorrhagiques des microbes. — M. Chabrié croit que la cystine, qui prend nais- sance dans la digestion pancréatique des matières al- buminoïdes, se forme par l’action de l'hydrogène sul- furé sur les acides amidés. — M. Lenoir signale la présence du bacterium coli et du bacille pyocyannique dans les urines d’un malade atteint de caleul du rein et de pyélite, — M. Mathieu envoie une note sur le dosage du liquide que contient l'estomac. - SOCIETÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Séance du 17 Janvier 1896, M. Qornu expose ses recherches sur les vibrations - transversales des cordes. Il a constaté qu’en excitant = avec l’archet les cordes d'un violoncelle, on peut leur faire rendre des sons anormaux, plus bas que le son fondamental. Ce phénomène semble n'avoir été signalé Doi que par Duhamel, qui n’en a pas soupconné “la cause : il est dû à l'existence de vibrations tournuntes “de la corde. L'action de l’archet ne se réduit pas, en … général, à une force rencontrant l'axe de la corde, ce “qui serait nécessaire pour qu'elle ne donnât naissance qu'à des vibrations transversales; elle comprend en- “core un couple qui tend à faire tourner la section tou- chée de la corde dans son plan autour de son centre. M. Cornu rend ce double mouvement visible en fixant «sur la corde un miroir extrêmement léger qui réflé- “chit le rayon lumineux provenant d'un petit trou très “iortement éclairé. On observe au microscope ou on i hotographie ; le plan de réflexion étant, dans l’état “déquilibre, perpendiculaire à la corde, une torsion roduit un déplacement de l’image également perpen- iculaire, tandis qu’un mouvement transversal la dé- “place parallèlement à la corde, d’une quantité pro- “portionnelle à l'angle que fait celle-ci avec sa direc- tion primitive. La courbe résultante ainsi obtenue, est très compliquée; pour pouvoir la suivre on prend Comme sources des trous percés sur un disque animé d’un mouvement de rotation, qui se succèdent l’un à Vautre à des intervalles d’un millième de seconde. En- fin, pour déterminer la loi des mouvements en fonc- tion du temps, on fait varier lentement la direction du rayon lumineux incident, en le recevant d’abord sur un miroir mobile ; on obtient ainsi une courbe poin- tillée, dont les sinuosités les plus compliquées se re- produisent périodiquement avec une remarquable fidélité. La durée qui sépare la production de deux points étant constante et connue, il sera facile de tra- cer deux courbes qui représentent les amplitudes an- gulaires des deux mouvements tournant ef transversal. M. Cornu s'occupe actuellement de déduire, de l'étude de ces courbes, le rôle si complexe de l’archet dans l'attaque des cordes vibrantes. [l montre qu'on peut obtenir les sons anormaux dans les conditions les plus variées, même à l’aide d’une simple ficelle frottée avec une règle de bois. — M. Violle signale qu'il a observé que certains tuyaux sonores donnent des sons plus graves que le son fondamental. Les dimensions trans- versales du tuyau semblent avoir une influence sur la production du phénomène.— M. Cornu rappelle que, quand on place un diapason sur une table, on entend quelquefois un son qui est à l’oclave grave de celui du diapason. La cause en est que le support ne peut pas suivre les vibrations rapides du diapason et os- cille suivant une période plus longue, — M. Guil- laume rappelle une disposition indiquée par M. Chi- chester-Bell pour réaliser une expérience analogue : si l’on appuie le support d’un diapason contre un tube d'où s'échappe un jet d’eau que l’on re- coit sur une membrane, la fréquence de la rupture du jet est deux fois moindre que celle des vibra- tions du diapason. — M. Amagat fait une com- munication sur les variations du rapport des cha- leurs spécifiques du gaz avec la température et la pression, Des expériences récentes de M. Joly, de Du- blin, ont fourni des valeurs de c pour divers gaz; on peut calculer la valeur de C par la formule : dp dp SR Een et par suite, déterminer y. Pourl’acide carbonique, pris sous une densité égale à 0,124, y varie de 1,930 (20° et 45,1 atm.) à 1,592 (à 100° et 69,5 atm.); à la tempéra- ture moyenne de 50°, y croît de 1,705 (à 50 atm.) à 4,633 (à 100 atm.); la comparaison des nombres montre qu'à pression constante y croit avec la température. Il résulte, de cet ensemble de nombres, que la valeur de y ne tend certainement pas vers la valeur 1,41, lorque l'acide carbonique s'approche de l'état parfait, comme on l’a cru quelquefois. Ce qui semble bien établi, au contraire, c'est que la valeur limite de ce rap- port est d'autant plus petite que la molécule est plus complexe. Le calcul montre aussi qu'après avoir at- teintune valeur voisine de 5, à 50°, ydoit décroitre ; l’exis- tence de cemaximum est à rapprocher de ce qui se passe à la température critique, où y passe par l'infini sans changer de signe. M. Amagat montre qu'il y aurait in- térèt à introduire dans les calculs le coefficient an- gulaire = des isothermes (tracées en p et pv) ; l'équa- tion générale des adiabatiques devient : C dv dp —— 0; Cv—e P le coefficient de compressibilité cubique et le rapport des coefficients de dilatation prennent respectivement la forme : 1 € a :) = — — — == (1—-); Le p (: =): 8 ( v/ ? ces expressions se prêtent à une discussion très facile. — M. Guerre a construit des timbres entretenus et excitésélectriquement, que présente M, Guillaume. Ces timbres peuveut servir à remplacer la trembleuse ou à donner le ton aux orchestres, C. RAVEAU. 234 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIETE CHIMIQUE DE PARIS Séance du 27 Décembre 1895. M. Lauth a préparé les dérivés nitrés et amidés de l’oxalamidothiophénoi. Il a pu isoler deux diamines isomériques qui sont des matières colorantes jaunes. Copulées avec les amines et les phénols après diazo- tation, ces amines donnent une série de couleurs tei- gnant directement le coton, — M. Béchamp termine ses communications sur le lait. Ce liquide ne contient pas de caséine, mais des caséinates alcalins, des lactalbu- minates et de la galactozymase solubles, Les phos- phates du lait sont combinés soit à une matière organique spéciale, soit aux caséinates et lactal- buminates, le tout en dissolution parfaite. Le lait ren- ferme, à côté du sucre de lait, une matière extractive, réduisant le réactif cupropotassique. On constate de plus la présence dans le lait des acétates, de l'alcool et de l’urée. Tous ces composés constituent une dis- solution si parfaite qu'une addition, même notable, d'alcool n’en précipite rien. M. Béchamp, en utilisant cette dernière propriété du lait, a pu isoler les globules laiteux et les obtenir secs. Ce sont des vé- sicules contenant une albumine soluble, le beurre et des microzymas propres. La membrane de ces vésicules est aussi de nature spéciale, Le lait ren- ferme comme éléments anatomiques les globules lai- teux et les microzymas laiteux. Grâce à sa méthode d'analyse, M. Béchamp a pu reconnaitre que les laits de femme et d’ânesse ne sont pas des laits à caséine, que la galactozymase de femme diffère de la galac- tozymase de vache. M. Béchamp termine sa communi- cation en étudiant les transformations subies par les dif- férentes substances du lait lorsque surviennent les phé- nomènes de coagulation sans aigrissement. — M. Mau- mené répond à diverses critiques formulées contre ses lois. — M. Grimbert a repris l'étude du pneumo- bacille de Friedlander, et reconnu que l'organisme dont il s’estservi fait fermenter la glycérine et la dulcite. Frankland était arrivé, pour ces deux composés, à des résultats négatifs. De plus, l'organisme étudié par M. Grimbert donne des produits variables d'après les substances consommées. Ces produits sont : l'alcool éthylique, l’acide acétique, l’acide lactique gauche et l'acide succinique.— M. Delépine donne un procédé de séparation des méthylamines basé sur la différence des points d’ébullition des combinaisons des mono et diméthylamine (166° et 6795) avec l’aldéhyde formique, et celui de la triméthylamine qui ne se combine pas avec cette aldéhyde. Séance du 10 Janvier 1896. M. Moissan est nommé président de la Société pour 1896; MM. Tanret et Riban, vice-présidents ; MM. Grimaux, Maquenne, Wyrouboff et Lauth, membres du conseil. Séance du 24 Janvier 1896. M. Thomas a continué ses recherches sur l’action de l’hypoazotide sur les sels halogénés d’étain. Avec le perchlorure d’étain en solution chloroformique, il a obtenu un composé qu'il représente par la formule: SnOCl?, 3SnCli, Az?205; le bromure d’étain SnBri conduit à : 3SnOBr?, SnO?, Az?05, Ces corps se décomposent tous par la chaleur en donnant un résidu d'acide stannique. —M.Jovitchitch a obtenu un nouveau dérivé isonitrosé de l’éther acé- tylacétique. Comparant son produit à celui qu'a déjà signalé M. Victor Meyer, l’auteur admet qu'il se trouve en présence de deux stéréo-isomères répondant aux formules : CH5-CO—C—CO2C2H5 H0.A, et CH3—CO—C—CO?C?H5 Il AzOH L'étude de l'action du brome et de celle de l’acide azotique lui ont apporté un certain nombre d’argu- ments en faveur de cette manière d'envisager ses résultats. E. CHaroN. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications récentes. M. Clara de Brereton Evans publie ses recherches sur les dérivés de la diméthylaniline. Il a trouvé que, pour les amines tertiaires, comme pour les animes pri- maires et secondaires, la production de dérivés conte- nant un groupe de substitution dans le noyau est sou- ventprécédée dela formation d’un dérivé correspondant dont la substitution s’effectue dans le groupe aminé. L'auteur a préparé l’acide paradiméthylanilinesulfo- nique au moyen de l'acide chlorosulfonique. L’acide méta a été obtenu en se servant de l'acide sulfurique fumant, Le brome avec l'acide para donne un acide monobromé : 4 C5H3Br(AzMe?) (SOH)Br?. La nitratation de ces corps se fait assez facilement. La diéthylaniline donne des réactions semblables. — MM. James Proude et W. P. Wood : Expériences sur la formation du corps nommé amalgame d’ammonium. — M. W. J. Nicol : Les principales conclusions du travail de l’auteur sur les volumes moléculaires des substances organiques en solution, sont les suivantes : 1° les volumes des éthers isomères sont approximativez ment les mêmes; 2° le volume du groupe CH, estconstant pour chaque dissolvant; il est de 16°,8 dans le xylène,. 17°,0 dansle benzène, 17°,3 dans l'alcool à88°/, ; 3°excep- tion sera faite pour l'éthyloxalate et l’éthylsuccinale dont les valeurs sont moindres d'environ une unité, ces qui provient probablement dela contraction résultantde la séparation de deux groupes carboxyles ; 4° la nature du dissolvant a un effet marqué sur le volume molécu- laire ; cet effet est moindre pour le dissolvant ayant le poids moléculaire le plus élevé. — MM. Henry E: Armstrong et W. P. Wynne : Recherches sur l’acide 2 : 1, f-naphtylamine sulfonique et l'acide chloronas phtalènesulfonique correspondant. Dans une deuxièmes communication, les mêmes auteurs étudient l'acide 1 : 3. à naphtylaminesulfonique et l’acide chloronaphtas lènesulfonique correspondant. Dans une troisième note ils établissent la constitution des dérivés trisubstitués! du naphtalène. Ils étudient tout spécialement les acide disulfoniques obtenus par la sulfonation de l’« naph: tylamine sulfonique 1. 3. et de l’x chloronaphtalène: sulfonique 1 : 3. etconcluent que, d’après les conditions décrites, les deux acides disulfoniques obtenus en partant de l’acide 1 : 3. « amido et de l'acide 1 : 3. chloromonosulfurique, ont très probablement pour constitution: AzH? CI S S s’ D ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDA Séance du 23 Janvier 1896. 4 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : Surles coordonnées bipolaires. Dans l'examen des courbes à l’aide du système de coordonnées bipolaires de rayons vecteurs p, q, issus de deux pôles fixes P, Q, l'intros duction d'un troisième rayon vecteur », dont le pôle se trouve sur P, Q. offre quelquefois des avantagess Dans ce cas, la relation entre ces trois rayons vecteur est donnée par le théorème de Stewart. Ainsi l'on dés à #8 d'a ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 239 montre facilement que les ovales de Descartes admettent un troisième foyer (théorème de Chasles), L'auteur applique les équations différentielles des systèmes de courbes orthogonales en coordonnées polaires (des rayons vecteurs 0, à, que ces rayons font avec l’axe po- laire), au système des ovales trifocales de Descartes et aux courbes méridiennes des niveaux potentiels pour deux masses égales placées en P et en Q. — M. P. H. Schoute : Sur la surface romaine de Sleiner, repré- sentée par : yes + sm + ay? — hryz. Chaque cône quadratique par les axes détermine une conique située sur cette surface Si, Involution ayz + bzx + cxy = 0, bcyz + cazx + abxy = 0 de ces cônes déterminant des couples de coniques si- tuées dans les plans tangents de Si. En général deux coniques quelconques de S* n'admettent qu'un seul point commun; donc S* est de la troisième classe. Les quatre plans tangents singuliers touchent S* le long de quatre circonférences d’une même sphère; ces cercles forment la courbe parabolique de S', Le lieu des centres des coniques de S' est une autre surface de Steiner, représentée par : gs? + 22? -E my? LE kryz = 0. 29 SGIENCES PHYSIQUES, — Rapport de MM. H.A.Lorentzet J.D. van derWaals sur deux niémoires de M. L. H. Siert- sema et un mémoire de M. C. H. Wind. Daws le pre- mier mémoire : Sur la preuye que des corps diamagné- tiques selon M. Dubem n'existent pas, M. Siertsema (Leyde) montre qu’au fond, M. Duhem a seulement prouvé que la théorie ancienne de Poisson, ou une autre théorie équivalente sur les corps diamagnétiques, West admissible qu'en expliquant les propriétés des corps tels que le bismuth, par la supposition que leur susceptibilité est encore positive, mais moindre que celle du milieu entourant. Dans la théorie de Maxwell, la question de la stabilité de l'équilibre, comme se l'est posée M. Duhem, manque de raison. Dans le second mémoire : Quelques propriétés mini- mum du champ magnétique, M. Siertsema prétend que, comme dans la théorie de Poisson, l'énergie potentielle “doit avoir une valeur minimum dans l’état d'équilibre: on peut, de même, dans la théorie moderne, indiquer une certaine grandeur qui atteindra une valeur mini- mum dans l’état d'équilibre, Il a, en effet, trouvé une telle grandeur et examiné par rapport à quels sys- tèmes de corps et à quels changements d'état cette grandeur a la propriété minimum. Il distingue deux cas bien différents: dans le premier, le champ magné- tique ne dépend que d’aimants permanents: dans le second, il n’est causé que par des courants. Le mé- moire se termine par quelques conclusions déduites de la propriété indiquée. Il en est dérivé d’abord l’in- fluence d’un corps para ou diamagnétique, et ensuite les conditions connues auxquelles les différentes gran- deurs électro-magnétiques doivent satisfaire à la sur- face d’un tel corps. Dans le mémoire : Etude sur la théorie des phénomènes magnéto-optiques en rapport ec le phénomène de Hall, M. Wind (Groningue) montre d’abord que l’on est conduit à une description Mathématique des phénomènes magnéto-optiques adop- tant pour le champ électro-magnétique la forme simple deséquations fondamentales, déduite par MM. Heaviside eb Hertz, sous condition qu’on y apporte une modifica- tion légère pour le cas d’une force magnétique cons- tante dans tout le champ. Cette modification est for- mellement la même que celle exigée par le phénomène de Hall pour lescourants stationnaires; sous ce rapport, Ja théorie nouvelle est une reproduction de la théorie ancienne de M. Lorentz. Seulement, au lieu d’intro- duire une constante réelle (à un paramètre), comme Pont fait M. Lorentz et après lui M. Drude, elle intro- duit une constante complexe (à deux paramètres) * comme l’a fait M. Goldhammer, Dans une note publiée récemment, M. Wind a déjà indiqué une interprétation de la complexité de cette constante du phénomène de Hall pour le cas des oscillations électro-magnétiques qui constituent la lumière (voir Rev. gén. des Sc., tome V, p. 710). Dans le présent mémoire il s’efforce d'’attacher une signification physique plus complète à la modifi- cation des équations fondamentales. A cette fin, il suppose, comme l’ont fait plusieurs physiciens de nos jours, que le mouvement d'électricité se fait par un transport d'ions chargés. Cette supposition comporte des équations de la forme cherchée quand on y ajoute l'hypothèse qu'il y ait une différence de mobilité entre les ions à charges contraires, dans les corps qui pré- sentent les phénomènes étudiés. De plus, l’auteur exa- mine siune partie des phénomènes étudiés ne pourrait être déduite à l’aide de certains principes généraux. À l’aide d’un principe de symétrieet de la loi de réciprocité, il parvient à quelques particularités des phénomènes en question, et à quelques relations numériques qui s’y rapportent. Enfin, l'application de ces principes l’a mis surla trace d’une influence que la magnétisation pourrait exercer sur la lumière, influence intimement liée au phénomène de Kerr, quoique de nature diffé- rente, influence ni observée, ni prévue jusqu'ici. Une fois l’attention de l’auteur fixée sur cette nouvelle in- fluence, il n'était pas difficile de la déduire de ses équations fondamentales et d’en prédire la nature et la grandeur pour les métaux examinés jusqu'ici par rap- port au phénomène de Kerr. Cette influence se trahit par une variation d'incidence et d’azimut principaux dans la lumière polarisée parallèlement au plan d’in- cidence et réfléchie par un miroir magnétisé perpen- diculairement à ce plan. L'auteur a été obligé de se borner à indiquer la méthode qui peut mener à une vérification expérimentale de ses résultats théoriques, le temps et les moyens pour faire lui-même ces expé- riments lui ayant fait défaut, — M, H. À, Lorentz explique la découverte de M. W. C. Rôntgen. — Com- munication de M. Kamerling Onnes de la part de M. D. van Gulik (Groningue) sur des expériences faites dans le Laboratoire de Physique de Groningue,sous la direction de M. Haga, se rapportant à la cause des diminutions de résistance qu'éprouvent les contacts microphoniques sous l'influence d’un rayonnement électrique. L'auteur, ayant apercu que de petites étin- celles se montrent entre des grains de dragée placés dans un tube de verre, dès le moment que celui-ci est assujetti à un rayonnement électrique, a cherché à constater de près une attraction entre de petits corps dans de pareilles circonstances, attraction dont on pourrait prédire l’existence à cause des différences de potentiel qui doivent exister au moment où les pe- tites étincelles vont passer. En effet, l’auteur a pu constater cette attraction sous le microscope (agrandis- sement 420). Deux boules de platine (rayon = 0,1 mil- limètre) qui, au bout de deux fils en platine (dia- mètre — 0,1 millimètre), formaient les extrémités d'un circuit et dont on avait réduit la distance jus- qu'à 4 microns au moyen d’une vis micrométrique, s’approchaient jusqu’au contact complet dèsque, dans le voisinage, on fit passer une décharge oscillante entre les boutons d’un vibrateur. Si la distance était de 6 microns, les petites boules de platine se mettaient à tressaillir vigoureusement, sans qu’elles fussent à même de se rapprocher tout à fait, et des étincelles se montraient, On observait encore ces étincelles après que la distance s'était accrue à 10 microns, La résis- tance d’un contact causé par le rayonnement fut me- suré à 0,25 ohm. D’autres expériences se rapportaient à la variation de la résistance d’un tube de verre rem- pli de grains de dragée, ceux-ci étant d'avance com- primés par une force extérieure ou non. Sous l'influence du rayonnement, la résistance d’un même tube variait dans le premier.cas de - 0,03 à — 0,03 ohm, dans le second cas de 2070 a 2,3 ohms. Les recherches se con- tinuent. — M.H. Kamerlingh Onnes présente à l’Aca- 230 démie deux études intitulées : 1° le Compresseur modifié de M. Cailletet, du Laboratoire de Physique de Leyde ; 2° Description des appareils à l’aide desquels le Laboratoire de Leyde a obtenu un bain permanent d'oxygène liquide. Enfin, il s’occupe de la liquéfaction .de l'hydrogène, de la similitude thermodynamique et de l'emploi de tubes vacuum. Cette communication im- portante, dont il nous est impossible de donner ici une analyse complète, fait suite aux travaux deMM. van der Waals, Solvay, Cailletet, Dewar, Olszewski et Linde. — Nomination d’une Commission chargée d'examiner la question de la conduction du son dans les prisons. Sont nommés : MM. J.-D. van der Waals, H.-A. Lorentz, H. Kamerlingh Onnes, J. Forster et G. van Dissen. SCIENCES NATURELLES. — Rapport de MM. Engelmann et Place sur le mémoire de M, H. J. Hamburger inti- CORRESPONDANCE SUR L'HYGIÈNE DES VERRIERS Monsieur le Directeur, L'article de M. le D' Napias, que vous avez publié dans votre numéro du 15 février, à la suite de notre étude technique sur la verrerie et la cristallerie, nous semble présenter sous un jour vraiment trop sombre l'état sanitaire de la classe ouvrière queces industries emploient. — L'impression qui se dégage pour un lec- teur non médecin de cette nomenclature des maladies spécifiques des verriers, et surtout de l'exposé que fait M. le D' Napias d'une contagion dont les dangers ont actuellement presque disparu, est celle d’une indus- trie malsaine et d’une classe ouvrière plus maltraitée que d’autres par les exigences de l’industrie, -Or, si le tableau dressé par M, le D' Napias répond à un état de choses qui à pu malheureusement exister, nous sommes heureux d'affirmer qu'il y a eu à cet égard de très heureux changements : 11 nous paraïtrait d'autant plus fâcheux de voir s’ac- créditer une opinion défavorable, qu’il n'est peut-être pas d'industrie où l’on ait fait plus d'efforts pour amé- liorer l'hygiène professionnelle. L'application des rè- glements ou les mesures d’iniliative patronale y ont pro- duit les meilleurs résultats. Il suffit, pour s’en rendre compte, de jeter les yeux sur le tableau de mortalité de Baccarat (page 168 de la Revue). Rappelons encore les heureux effets de l'emploi de l’air comprimé, dù à l'initiative de M. Appert, la suppression, déjà signalée, de l’empoisonnement mereuriel, la suppression de l’empoisonnement saturnin chez les tailleurs sur cris- taux par l'usage d'acide métastannique. Nous avons voulu appuyer de rapports de médecins exerçant depuis longtemps dans les milieux verriers notre impression personnelle, nécessairement étran- gère à la médecine, et que notre sympathie pour les verriers aurait pu rendre trop optimiste: c'est cette enquête que nôus vous prions de bien vouloir insérer en faisant observer que le caractère nomade des verriers à bouteilles à permis à l’un des auteurs dont nous rapportons l'avis, de se livrer à un très grand nombre d'observations. Nous n'avons pas craint de reproduire une opinion concernant l'hygiène des enfants qui, sans être en contradiction absolue avec notre critique de la loi de 1893, attire de nouveau l'attention sur le travail des apprentis, indispensable en verrerie, mais qui n'en constilue pas moins une nécessité fâcheuse de l'heure actuelle, Agréez, etc. | Enizio Dawour et G. GuÉérouLr. Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 CORRESPONDANCE tulé : Sur l'influence de la pression intra-abdominale sur la résorption dans la cavité ventrale, Par l’applis cation de deux méthodes différentes à des lapins et des chiens, l’auteur trouve que, pendant la vie, la rés sorption s'accroît considérablement avec la pressid intra-abdominale, mais que, contrairement à ce qi arrive chez les membranes artificielles, la résorptioi dimioue quand on augmente la pression au delà dé 20 centimètres d’eau. Ces résultats expliquent l’obse vation clinique que Vablation d’une petite quantité d'un liquide pathologique, se trouvant sous une haut@ tension, donne lieu à une résorption accélérée du rest — M. Th.-H, Mac Gillavry offre la thèse de D, M Gillavry : L’étiologie et la pathogenèse des maladies congénitales du cœur. — Rapport annuel de la Com mission géologique. P.-H. SCHOUTE. Voici les documents joints à la lettre de MM. Damour €t Guéroult : i° Extrait d’une lettre de M. le D' Schmitt. aber Quant à l'emphysème des verriers, je n’y crois pass et, statistique en mains, je pense qu’il serait facile de démon: trer qu'il ya moins d’emphysémateux chez les souffleurs de verre que chez les tailleurs sur cristaux et les cultivateurs « La syphilis par contagion professionnelle, je n’en connais pas un seul cas depuis douze ans que je suis à Baccarat, € cependant je connais à la Halle une bonne douzaine de sy philitiques anciens ou récents. . « .…… Non seulement l'état sanitaire des verriers n'est plus mauvais que celui des autres métiers, mais je crois même qu’il est réellement meilleur. «Ce dont on pourrait l'incriminer, c’est dela nécessité d prendre des apprentis à 13 ans et de leur imposer un travail Supérieur à celui de l'ouvrier adulte, de l’exposer à cet àge aux dangers de l’alcoolisme et de la débauche. Mais encore ce point n’est pas spécial aux verriers qui sont peut-être ens core favorisés si on les compare aux ouvriers d’autres in dustries, filature, papeterie, mines, chaufournerie, » Signé : D'° Scnunr Médecin de la cristallerie de Baccarat Médecin de la Cie de l'Est. 2 Extrait d’un rapport de M. le D' Amiend «…… L'emphysème pulmonaire n’est pas beaucoup plus fréquent dans ma clientèle verrière que dans ma clientéle extra-verrière et même rurale, Les verriers font d’ailleurs eux-mêmes Ja distinction de ceux qui soufflent avec la poitrine ou avec les joues; ceux=ck en beaucoup plus grand nombre, ontsouvent les joues case sées, mais sont à l’abri de l'emphysème pulmonaire. | « Quant à la syphilis, en six années d'exercice de médecin verrière, je n'ai vu qu'un seul cas de transmission para canne, et encore cette transmission se produisit-elle dam des circonstances très spéciales : — maladie contractéee dehors de la verrerie et transmise par un maitre ouvrier QE en ignorait la gravité, contagion limitée à un grand sar@ol et arrêtée immédiatement. Ces deux ouvriers ont été employé à d’autres travaux suivant l'usage général. : « L'acné et les furoncles ont disparu depuis que les we riers, disposant partout d'eau courante, prennent, en quitt le travail, les soins de propreté nécessaires. « Quant aux brülures que le gamin contracte surtout cueillant au fond du pot, elles sont en voie de disparition dl les usines employant les fours à bassin. L : 5 « J'ajoute que, dans la verrerie à laquelle je suis attachèml moralité est certainement très supérieure à celle des autré classes ouvrières avec lesquelles je suis en contact. Signé: D' AMIEND, ee Médecin de la verrerie de Folembra} Médecin de la Cie des chemins de fer du Nord. 4 Le Directeur-Gérant : Louis Ov Si 1° ANNÉE N° 5 15 MARS 1896 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 639 L'ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE La Pisciculture marine, ou propagation arliti- cielle des espèces marines de poissons comes- tibles, est une invention entièrement moderne. Chez les Anciens, le seul mode de pisciculture usité consistait dans la conservation, dans un vi- vier approprié, de certains animaux, jusqu'à ce qu'ils eussent alleint une taille convenable pour l'usage domestique ou les besoins commerciaux ; ce mode est encore pratiqué dans les lagunes de lAdriatique et ailleurs ‘. Mais la culture systéma- tique, se basant sur la fécondation artificielle des œufs, ne fut mise en œuvre qu'en 1878. L’appli- cation de cette méthode pour l'amélioration des pêches maritimes est due à la « Ask Commussion » des États-Unis qui, au cours de cette même année, inaugura ses opéralions pour la fécondation et le développement des œufs de Morue (Gadus morrhua), d'Eglefin (G. œglefinus) et de Hareng (Olupea harenqus) à la Station de Pisciculture de Glou- cester (Mass.). Mais, depuis cette époque, de grands progrès ont été accomplis, en ce qui concerne Vapplication de la pisciculture marine dans des pays divers, en même temps que se sont précisées nos connaissances scientifiques sur la nature, la fécondation et le développement des œufs chez les poissons comestibles, — connaissances abso- lument nécessaires pour la réussite des opérations aquicoles ?. 1 BuzLo: Piscicoltura Marina stima delle coltivazioni in fcqua salsa. Padoue 1891. ? Les travaux de nombreux naturalistes dans cet ordre REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. Des piscifactures marines fonctionnent à l'heure actuelle aux États-Unis, au Canada, à Terre- Neuve, en Norvège et en Écosse; des dispositions sont prises, d’ailleurs, par plusieurs Comités de Districts des Pêcheries anglaises pour en établir d'autres sur les côtes d'Angleterre. Avant de décrire l’organisation et les opérations de ces établissements, il est nécessaire de dire quelques mots sur les causes qui en ont provoqué la création et de rappeler les principes de la Pisciculture marine elle-même. l Depuis longtemps le public, non seulement en Angleterre, mais aussi dans la plupart des États d'Europe, élait plus ou moins familiarisé avec cette doctrine que les espèces marines formaient une réserve immense de substance nutrilive, que ne pouvaient sensiblement diminuer les prélève- ments de l'homme. — «Prenez du poisson quand vous voulez et comme vous voulez » était la maxime des plus hautes autorités reconnues en malière de pêche. « L'homme, disail-on encore, d'idées ont été fructueux en résultats importants : ce sont ceux de Sars en Norvège, Agassiz, Ryder et autres en Amérique ; Raffaële en Italie; Pétersen en Danemark; Marion, Pou- chet et Canu en France; Mac Intosh, Cunningham, Holt et Prince dans la Grande-Bretagne. Au petit laboratoire mari- time de Saint-Andrews, le professeur Mac Intosh, avec une infatigable patience, a fertilisé et étudié le développement de la plupart des poissons comestibles et de beaucoup d'autres poissons des eaux anglaises. 5] 235 D: WEMYSS FULTON — ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE ne peut troubler l'équilibre établi par le Créateur entre la destruction et la reproduction, entre la vie et la mort ». Les ressources de la mer élaient donc regardées comme inépuisables. La plupart des pêcheurs cependant émellaient une opinion diffé- rente; maisils avaient la répulation d’avoir crié si souvent vx loup quand le danger n'existait pas, qu'ils obtenaient le même résultat que le berger de la fable, La doctrine courante se basait sur plusieurs considéralions. En première ligne se trouvaient les disposilions compliquées de la légis- lation de la pêche qui avaient élé modifiées par les généralions successives, sans qu'on oblint aucun résullat avantageux bien tangible, en compen- salion des nombreuses restrictions et des incon- vénients que comportaient ces règlements pour la pralique des industries marines. Qu'y avait-il de . bon dans ce tissu serré de disposilions légales? Cette question se posait de temps à autre quand l'opinion publique paraissait favorable au retrail de loutes les règles entravant l'essor de l'industrie et alors qu’exislait un engouement pour la liberté commerciale, prenantses origines dans les Lhéories de Cobden et de Bright. De nombreuses Commissions royales, instiluées pour faire des enquêles sur les conditions dans lesquelles s’exerçaient les pêches, et imbues des idées que nous avons rappelées, arrivèrent à celte conclusion que la pêche intensive n'avait amené aucun effet nuisible appréciable. Aussi les mesures prévues pour la conservation des espèces marines furent-elles rapporlées comme inuliles, el les règlements qui existaient Lombèrent en désuélude. À l'appui de ces mesures venaient cerlaines con- sidérations d'ordre scientifique — dont l'applica- lion, d’ailleurs, étail faile avec plus ou moins d'à-propos — nolamment celles qui se rappor- aient à la fécondilé des poissons. L'Océan élail Lellement immense, les poissons si abondants, leur pouvoir reproducteur si considérable, leur des- truction par les causes nalurelles élait tellement énorme qu'il paraissait certain que l'intervention humaine était une bagatelle, ne pouvait sensible- ment diminuer la productivité des espèces et que, en un mot, la mer élait, à ce point de vue, iné- puisable. En Angleterre, les principaux défenseurs de cette théorie élaient : Huxley, Shaw-Lefeuvre, Lyon, Playfair, Walpole, Buckland, tous hommes de grande aulorilé; mais on peut dire que la réa- lisilion de celte nouvelle législation fut due prin- cipalement à la personnalilé entrainante et à la haule valeurintellectuelle du Professeur Huxley, qui peut en êlre considéré comme responsable, préci- sément parce qu'il élait le plus éminent de ses promoteurs. Ses Lhéories gouvernèrent l’adminis- tralion des pêches marilimes jusqu'à ces dernières aanées. Il n’y avait pas alors de slalislique ce crilerium d'une administralion rationnelle des pè= ches — qui pût montrer que la diminution d espèces élait réelle, et bien peu d'observalio scientifiques qui pussent permettre d'appliquer le remède nécessaire. tion des mers n’élait pas seulement limitée à la destruction, dans les eaux littorales, des bencs d'huitres ou de moules, mais qu’elle s'étendait aussi au large. Maintenant, lout le long des côtes européennes, depuis les zones arcliques jusqu'aux rivages de la Méditerranée et aux côles améri caines de l’Allantique, sur les fameux lieux de pêche de la morue, les bancs de Terre-Neuve même, on se plaint (et la plupart du temps ave@ raison) que l'abondance de beaucoup de poissons comestibles diminue. L'immensilé de la mer et sa fécondité ne sauraient prévaloir contre la vigueur morale et l'énergie d'entreprise de l'homme. Par tout où la pêche marine a été activementel méthos diquement pratiquée pendant quelques années; ses rendements ont généralement diminué. En Anglelerre, nolamment, et spécialement en c@ qui concerne les pècheries de la Mer du Nords celle diminution des rendements est généralement altribuée à la pêche au chalut, qui est surtout misé en œuvre pour la capture des poissons plals; mais celte seule explicalion ne saurait suflire, car, I long des côtes norvégiennes, comme sur les bancs de Terre-Neuve où le chalut n’a jamais été employé la Morue, le Flélan et d'autres espèces commencen cependant à se faire plus rares. Les slalisliques concernant les pêcheries ans glaises et écossaises, depuis quelques années montrent une graduelle et importante décrudes cence dans les rendements des poissons plats le plus estimés, nolamment des Soles, des Turbols des Barbues, des Soles-Limandes et des Carrelels En outre, j'ai montré! que des bateaux plu grands el mieux aménagés, des engins de pèche plus puissants et une plus grande surface de Lre vail semblent êlre nécessaires pour fournirl quantité de poissons caplurés aujourd hui *. T1 On (he Overfishing of the Sea und the Culture ofS fish. — Tenth. annual Report, Fishery Board for Scoulan@ Part. II; p. 171, 1892. 2 Il y a vingt-cinq ans environ, la plupart des bateaux pêches des côtes écossuises étaient petits, non pontés, © plus grande part du poisson était péchée relativement de terre; maintenant ces bateaux sont d'un fort tonn pontès, et exploitent la partie septentrionale de la Mer D’ WEMYSS FULTON — ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE 239 La décrudescence des poissons plats sur les côtes provoqua, il y a quelques années, des mesures rigoureuses contre la pêche au chalut. En 1886, et pendant les années qui suivirent, ce mode de pêche fut prohibé en dedans de certaines limites à l'embouchure de quelques rivières. En 1889, la totalilé des eaux territoriales d'Écosse, ainsi que quelques lerrains situés au delà de la limile territoriale, furent interdits au chalutage. Les résultats n’ont pas été cependant aussi heu- reux qu'on l'avait présumé : iln'en est résulté aucun accroissement de l'abondance des poissons alimentaires dans les eaux interdites. Lesrecherches méthodiquesetsuivies,effectuées, depuis 1886, parle « Gurland », petit vapeur em- ployé par les services scientifiques du Æishery Board, ont montré que ces poissons avaient, au contraire, diminué; ainsi, tandis que, dans la période 1886-1889, le nombre moyen des pois- sons plals capturés par chaque trait de chalut était de 178,5, cette même moyenne durant la période de 1890-1893 était seulement de 134,6. Cette décrudescence est généralement attribuée au chalulage exercé immédiatement en dehors de la limite de trois milles, dans la zone où les poissons comestibles pondent le plus souvent, de telle manière que la quantité normale d'œufs flottants et de larves de poissons qui arrivent dans les eaux territoriales se trouve diminuée. Dans les derniers rapports du Fishery Board et dans les rapports du Select. Commillee of the House of Commons on Sea Fisheries, on propose d'éloigner vers le large la limite des eaux territoriales, tandis que, par un « act » récemment volé, le Parlement étend la juridiction du #ishery Board écossais, dans certaines conditions, à quinze milles du rivage. Ainsi, les raisons qui ont fait décider la mise en -œuvre des procédés de propagation artificielle des poissons marins durant les dernières années sont : la diminulion de certaines espèces estimées de poissons, et la difficulté d'établir une réglemen- tation qui puisse l'enrayer. Il va sans dire que “c'est en appliquant les méthodes aquicoles sur une très grande échelle, que les eaux littorales et ter- ritoriales pourront être repeuplées en animaux de valeur et que les avantages qu'elles offriront aux pêcheurs et au publie compenseront largement les dépenses nécessitées par leurs opérations. L] Nord jusqu'à cent cinquante ou deux cents milles de la terre. De mème, les chalutiers à vapeur qui, il y à à peine dix ou douze ans, travaillaient dans les eaux côtières, se sont petit à petit éloignés vers le large et font maintenant des voyages réguliers entre l'Ecosse et des régions très éloignées. Un demi-cent à peine de pêcheurs écossais possédait pour son “travail mille trois cent-six yards carrés de filet à harengs et cent quarante-deux pieds de ligne; aujourd’hui chaque pa- iron emploie trois mille neuf cent-dix-sept yards carrés de Jet et sept cent vingt-quatre pieds de ligne. Il J'arrive maintenant à la description des piscifac- tures marines, des procédés qui y sont adoptés et des travaux qui y sont faits actuellement, en pre- nant comme type l'établissement écossais qui a été construit sous ma direction el que, nécessairement, je connais le mieux. Aux États-Unis, outre l'établissement de Glou- cester, déjà mentionné, un autre beaucoup plus considérable a été construit dernièrement par la Fish Commission à WNood's Holl. Dans chacune de ces stations un grand nombre de poissons comes- libles ont été multipliés artificiellement; plus de 120 millions de morues, entre autres poissons, ont élé développées de 1886 à 1891. Aucune descrip- tion complète des établissements américains n’a élé encore publiée, mais le D' Tarleton H. Bean, Assistant Commissionner pour la pisciculture aux États-Unis, a bien voulu me dire que le coût des opérations de la station de Wood's Holl varie de 65.000 à 75.000 francs par an. La station, d'ail- leurs, est destinée aussi aux recherches scienti- fiques générales concernant les pêcheries. Les- dites sommes comprennent donc les salaires de tous les employés affectés au service de piscicul- ture proprement dit el aux autres services, les frais d'entretien des bâtiments, des bateaux, ete. Il ne nous est pas possible, en conséquence, d'éta- blir exactement quelle fraction de la somme totale est employée pour la seule pisciculture. Durant la dernière saison, qui a pris fin le 30 juin 1895, la production de la station de Wood's Holl a pu être évaluée à 175 millions de larves de poissons oude homards.Dans cenombre se trouvent 50 mil- lions d’alevins de morue, 2 millions d’alevins de Pseudo-pleuronectes americanus, 20 millions d’alevins d'Eglefin et 75 millions de larves de Homard. En 1889, un établissement de pisciculture ma- rine fut construil par le gouvernement de Terre- Neuve, à l’île de Dildo, dans la baie de la Trinité; il coûta environ 20.000 francs et fut placé sous la direction de M. Adolphe Nielsen, l'énergique su- périntendant des pêcheries. Les travaux de cet établissement ont eu des résultats remarquable- ment heureux. La dépense annuelle qu'ils en- trainent oscille entre 10.000 et 15.000 francs, outre le traitement du superintendant (15.000 francs), qui assume naturellement la charge d’autres ser- vices. La piscifacture de Dildo inaugura seulement en 1890 des opérations actives avec la Morue; le tableau I (page 240) montre la production dans les années qui suivirent ; il montre aussi le nombre de larves de homards obtenues dans les incuba- teurs flottants de Nielsen, placés en différents points de la côte. 240 En 1891, le Gouvernement canadien construisit, | nuelles s'élèvent à la somme d’environ 7.300 francs : à son tour, un établissement de pisciculture ma- rine (d’après le modèle de celui de Terre-Neuve), à Bay-View, Picton County (Nouvelle-Écosse). Cette création coûta environ 25.000 francs, et la dépense annuelle, exigée par son fonctionnement, est d'environ 7.500 francs. Il est placé au voisinage des fabriques de conserves de homards, en sorte Tableau I. — Production des larves de morues et de homards. D INCUBATEURS PISCIFACTURE DE DILDO FLOTTANTS © — ANNÉES Morue Homard Homard 18892... » 4.039.000 » 1890 17.000.000 15.070.800 390.934.000 ASOLEE EEE 39.850.000 10.274.200 5#1.195,000 ASD2 07 165.254.000 2.500.000 427.285.000 LE RAD 201.435 .000 1.095.000 517.353.000 1894..... 221.500.000 » 463.890 .000 Totaux ..| 644.939.000 32.889.000 | 2.340.657.000 qu'il peut être approvisionné facilement d'énormes quantités d'œufs de ces Crustacés. M. Wilmot, superintendant pour la pisciculture au Canada, a calculé que, dans huit fabriques de conserves voisines de la piscifacture, le nombre d'œufs de homards détruits par la cuisson était d'environ 17.518.500.000 dans la courle période de deux mois, durant laquelle les fabriques sont en fonc- tionnement. Comme 500 fabriques, environ, exis- tent sur la côte, il est clair que la destruction des œufs de homards est énorme. Le premier établissement d’aquiculture marine édifié en Europe fut celui de Flüdevig, près d’Arendal (Norvège), où le capitaine G. M. Dan- nevig commença ses opérations en 1884. Depuis lors, l'établissement a été beaucoup agrandi, avan- tageusement modifié, et sa production annuelle, en alevins, s’est considérablement accrue; à l'heure actuelle, il peut traiter normalement en- viron 400 millions d’œufs par saison. Depuis son inauguration en 1884, 900 millions de jeunes morues ont été produites à Flüdevig; dans ces dernières années, nous en comptons 1891, 193.250.000 ; 1892, 207.000.000 ; 1893, 240.000.000 ; 1894, 100.000.000. La dépense annuelle a varié entre 8.000 et 14.000 krüners. L'établissementle plus récent pour l'application des méthodes piscicoles marines a été institué l’année dernière par le Æishery Board for Scotland, à Dunbar, sur la côte de l'Haddingtonshire, près de l'embouchure du Firth of Forth. Il est construit sur le modèle de la piscifacture norvégienne et coûte environ 40.000 francs; ses dépenses an- D' WEMYSS FULTON — ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE D ER Durant la dernière année, 26.600.000 jeunes Car-" relets et environ 500.000 Morues ont été produits à Dunbar. Dans le courant de cette année-ci (1895) les jeunes poissons produils se répartissent de la facon suivante : Carrelets, 38.615.000; Morues, 2.160.000; Turbots, 3.509.000; Soles-limandes, 1.300.000; autres poissons plats, 1.050.000 Ce qui nous donne pour ces deux années une pro=M duction de 74.385.000 jeunes poissons. — Tous les élablissements dont nous venons de parler, excepté celui de Norvège, ont été créés et sont entretenus par les gouvernements respectifs de leurs nations; et avec des fonds votés pour cet usage par les Parlements. Les frais de la piscifacture norvé- gienne sont couverts principalement par le gou= vernement, mais aussi, en partie, par des sous- criptions de sociélés et de différentes personnalités. 4 dde = EEE III La piscifacture écossaise de Dunbar qui, nous l’avons dil, peut être prise comme type de cette sorte d'établissements, comprend essentiellement 2 1° un vivier, soumis à l'action des marées, dans lequel les poissons destinés à la reproductions sont recueillis et conservés jusqu'à ce que com mencent les opérations de l'établissement (fig. 1 et 2); 2 la chambre des pompes contenant Ia chaudière et la pompe à vapeur destinés à fournir l'eau de mer à l'établissement (fig. 7, page 241); 3° le vivier de ponte dans lequel les reproducteurs arrivés à maturité, sont réunis quand ils commen“ cent à jeter leur frai; 4° le collecteur, dans lequel les œufs sont recueillis au moment où se trouv filtrée l'eau destinée aux appareils d'incubations 5° la salle des incubateurs contenant des appareils destinés au développement des œufs (fig. 4). L'expérience a démontré qu'il est nécessaire pour la réussite des opérations de pisciculture mas rine, de réunir les poissons adulles dans des eau confinées où ils puissent s’acclimater avant qu commence la saison de ponte. Autrement, on ren contrerait de grandes difficultés pour se procurel un nombre suffisant de reproducteurs au momen opportun, particulièrement pour certaines espèces comme le Turbot, qui ne sont jamais pêchées en très grande abondance. On doit remarquer auss qu'une quantité considérable de poissons capturés par les procédés: ordinaires sont fort souven blessés et succombent à la suite de ces blessures quand leur mort survient dans le vivier de ponte elle entrave sérieusement lesopérations aquicoles® On a observé, d'autre part, que, lursque des pois= sons parvenus à l’état de maturité parfaile sont directement transportés des terrains de pêche dans le vivier de ponte, ils demeurent ordinaire= MR le D' WEMYSS FULTON — ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE 241 ment pendant une période assez longue sans jeter leur frai, — auquel cas un nombre considérable œufs est détruit par la pression intra-ovarienne. … Ainsi, un vivier doit être construit pour recueillir . les poissons adultes, parmi lesquels ceux qui sont . blessés et inutilisables peuvent être rejetés, tandis que ceux qui sont bien portants et vigoureux peu- vent être progressivement accoutumés à vivre dans un milieu confiné el conservés, d'année en le fond, ne sauraient être exposés aux violences du milieu marin. À Wood’s Holl, les poissons repro- ducteurs sont réunis dans de larges bassins ca- pables de renfermer plusieurs milliers de morues adultes. Le vivier de Dunbar, lui, a été construit au moyen d’un mur très solide en bélon fermant l'ouverture d'une pelite caverne qui se trouve sous les ruines d’un vieux château et danslaquelle la mer pénétrait à chaque marée (fig. 2). Pendant la haute PLAN GÉNÉRAL DE LA PISCIFACTURE DE DUN BAR (ECOSSE) 1. — Etablissement de Pisciculture de Dunbar. — Le vivier de stabulation, situé au milieu de la figure vers la droite, renferme les poissons destinés à la reproduction. La grande crique, représentée à la partie médiane et supérieure de la figure, doit être clôturée pour conserver les jeunes poissons quelque temps après leur éclosion. Les constructions qui Pentourent vers la gauche constituent les laboratoires de la manufacture où s’opèrent la ponte, la fécondation et l'incubation. 16e, comme un stock de reproducteurs. Un ystème de réservoir très simple peut être installé S Les endroits où l’eau est profonde, très claire, où la force des marées n’est pas très grande r conserver les poissons ronds tels que la re-Neuve, les morues reproductrices sont ren- mées dans des compartiments ou bassins en s placés entre les pilotis d’une sorte de wharf el allés de telle façon que l'eau y puisse circuler brement. Celte installation ne convient pas aux poissons plats, qui, se tenant ordinairement sur REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. mer l’eau s'élève jusqu’à une hauteur de 3 mètres à 3 m. 50 au-dessus du pied du mur ; à basse mer elle ne le touche pas; elle pénètre à l’intérieur du vivier par un tuyau en fer passant à travers le mur un peu au-dessous du niveau de la marée haute durant les mortes eaux. L’extrémité du tuyau est munie d'une valve s’ouvrant et se fer- mant automatiquement aux moments du flot et du jusant. Quand, au dehors, les eaux sont plus haules qu'à l’intérieur du vivier, la valve est forcée de s'ouvrir et le liquide pénètre dans ce vivier ; quand la mer descend et que le niveau du 5* 242 D: WEMYSS FULTON — ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE a — liquide est plus bas extérieurement qu'intérieure- ment, la crépine empêche de s'écouler l'eau qui a pénétré. Cette eau passe, à son entrée dans le réservoir, à travers un appareil de filtration dans lequel sont retenues les particules vaseuses qui peuvent la souiller; le vivier est vidé au moyen d’un tuyau large de six pouces partant du fond (celui-ci est cimenté) et ouvert ou fermé au moyen d'un levier, Il peut contenir plus de 180 mètres cubes d’eau et est assez grand pour que puissent En promenant, de temps à autre, un filet en gaze serrée dans l'eau, on s'assure, à ce moment, den la présence d'éléments sexuels dans le milieu li=M quide. Alors, on transporte les reproducteurs dans le vivier de ponte et l’on prend ses dispositions pour recueillir leurs œufs fécondés. 4 IV ces dernières années, la fécondation Jusqu'à des œufs Fig. 2. — Vivier de slabulalion, soumis à l’aclion des marées, aménagé dans une caverne sous Les ruines du vieux château fort de Dunbar. — Une passerelle traverse le vivier dans toute sa longueur et permet au gardien de pêécher les animaux les flots pénétraient librement dans la caverne. être maintenus en bon état 300 poissons plats, c'est- à-dire la moitié environ des reproducteurs néces- saires à la piscifacture, lorsque celle-ci est en pleine aclivilé. On se propose, du reste, de construire un vivier plus grand encore, en clôturant dela même manière une crique voisine, d’une plus large élendue, et qui pourra être utilisée aussi pour conserver pendant quelque temps le fretin (fig. 3). Les poissons adultes, destinés à la reproduction, sont nourris, dans le vivier, lous les jours ou même tous les deux jours jusqu'à l'approche de la saison du frai. reproducteurs et de surveiller l'état des poissons en stabulation. Ce réservoir communique avec le milieu marin au moye d’une vanne installée dans le mur en maçonnerie qui ferme l’échancrure par laquelle, avant la création de l’établissements que l’on exprimait doucement, du corps des an maux, les éléments reproducteurs màles et fe d'eau. Cette méthode est employée, parait-ilé par L'« US. Fish Commission » ; mais elle exige produisant des œufs flottants ou pélagiques, c'ests à-dire la plupart des poissons comestibles, la maturation de ces œufs a lieu suivant un modë s'opérait pour la pisciculture marine» | | Dre à Pommier D' WEMYSS FULTON — ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE 2. ns [2 éléments sexuels est müre et expulsée à la fois. On peut prendre une femelle de Morue ou de Turbot pendant cinq vu six semaines et même plus longlemps avant d'exprimer tous ses œufs. Ainsi, l'emploi de ladite méthode exige la ma- nipulation des reproducteurs tous les deux ou . trois jours pendant plusieurs semaines; beaucoup meurent par suile de celte manipulation même, qui présente, en outre, l'inconvénient d’expulser un grand nombre d'œufs immaturés en même comme nous le décrirons plus loin; il est protégé au moyen d'une construction en bois recouverte en tôle galvanisée (fig. 4). Le tuyau d’adduction, venant des pompes, aboutit à un angle du vivier ; pour vider ce dernier ou nettoyer le fond, deux tuyaux de vidange aboutissent à l'extrémité opposée et sont manœuvrés chacun au moyen d’un long levier. À environ cinquante centimètres au-dessus du sol est installé un plancher en bois à claire-voie, sur lequel se trouvent placés les poissons plats. Le Fig. 3. — Crique naturelle que l'on se propose de fermer afin de constituer un réservoir où Les jeunes poissons seront conservés quelque temps après leur éclosion el nourris avec du « plankton » jusqu'à ce qu'ils soient aptes à luller pour l'existence. — Ce vivier servirait aussi à conserver les reproducteurs en attendant la période de ponte. Le « plankton », sont il est question ici, est le nom donné à cet ensemble confus d'animaux et d'algues pélagiques qui flotte à la surface es océans. temps que les éléments mûrs. Ce fut donc un grand progrès en matière de pisciculture marine quand fut instituée la technique qui consiste à réunir ensemble les mâles et les femelles dans un grand vivier et à laisser s’opérer naturellement l'émission et la fertilisation de leurs œufs, — ceux-ci étant recueillis au moyen d'un appareil approprié que nous décrirons plus loin. — Cette mé- thode fut inaugurée à la Piscifacture norvégienne. A Dunbar, le vivier de ponte est situé à un niveau plus élevé que la chambre aux incubations, de telle façon que le trop-plein peut être utilisé but de cet aménagement est de permettre que la partie inférieure de l’eau qui peut être souillée par les excrétions et les débris de nourriture des animaux puisse être facilement enlevée sans amener une sensible dépression dans le liquide. Quand les reproducteurs sont dans le vivier, ils donnent d’abord de nombreux signes d'inquié- tude, nageant vivement à droile et à gauche et refusant toute nourriture ; mais, quand ils se sont accoutumés à leur nouvel habitat, ils se montrent beaucoup plus calmes el se nourrissent convena- blement. Il est nécessaire, dans une certaine me- 244 sure, que celte nourriture soil variée et appropriée aux diverses espèces de poissons ; ainsi les Plies et les Soles sont surtout alimentées avec des Aré- D: WEMYSS FULTON — ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE naturellement qu'en mer. Les œufs sont émis et fertilisés dans l'eau; ils flottent près de la surface, et, conséquemment, peuvent être recueillis en î[®ŒPPZ&)|ll I Ftancher 7 { Taux de oidan | È A a — Fe “4 Section suivant CD F 7 # U se Rp DS RE de CR te RE LEE DU EE our Fit : | e à ar FA tobinet- i re d'arrêt ÿ 7 DD 7 ERA # [a al al a 4 ï 7 d \ d (3 d< = … #1 \ out. ur |éelqso Def: HE 4 : ar PE ï {l / à 2 à 4 #i| S ’ CA 1 vel Tiyau ’ L ï Roue ; de Hescente de Éscente À Q Le L | HE 4 ! , ! { ” ce cum i Re Hl LS 64 op }; in ÿ © 1 4 È $ € Plan 2 , à : ESS à | ! a || a C2 a|| « al al 14 S RS È DIE : 1 » Salle aux éclosions = z l Bivwur de fonte . af Tuyau = d'addichon | Spho == — = #— : = RE FE LÉ Tuyau CZ a FE D de Suppi Plancher en bois a ala k | a : 5 LL à | EE CS | D Co = on ee dm: LEZ Pau Trroilement 7 . Section Suivant AB. Les Buyauz d'adducton sont représentés par des lignes et les tuyau de vidange par des kqnes… … a a fobinets d'arret Fig. 4. — Bauments de Piscicullure de Dunbar. — Plan el coupes suivant les lignes À B et C D du plan— Dans]la section suivant CD, faite à travers la salle deS incubateurs, on peut voir la disposition des appareils, inclinés des parois vers milieu de la salle, et le dispositif des leviers actionnés par la roue à palettes, située à gauche, et destinés à obtenir plongement mécanique des boites incubatrices. nicoles, le Turbot exige d’être nourri avec du poisson frais Lel que le Hareng, dont il est spécia- lement friand. Quand les poissons sont acclimatés au vivier, la ponte commence et se produit aussi filtrant simplement le trop-plein du vivier. B ponte se produit ordinairement la nuit, et n'aé observée qu'occasionnellement;les mäles émetten une petite quantité de fluide spermatique au fur ebë D' WEMYSS FULTON — ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE 245 mesure que les œufs sont pondus. Les œufs péla- -giques des poissons marins comestibles, tels que : - Morue, Églefin, Lingue, Plie, Turbot, Sole, ete., sont sphériques, petits, translucides, variant de - diamètre entre 0,7 millimètre et 2 ne leur poids hate oscille entre 4,015 et 1,0265. Ils sont ordinairement produits en quantités énor- suivant les individus de même-espèce. Ainsi une Morue fournit deux, trois et même huit ou neuf … millions d'œufs ; une Lingue en produit de huit à … vingt millions ; ta Turbot, trois, quatre et jusqu'à “ quinze millions ; une Plie, une Sole, un Maque- “ reau ou un Églefin de trois à sept cent mille, On comprend donc facilement que l'eau du vivier de “ ponte est, dans Ja matinée , comme saturée - par plusieurs centaines de mille, voire mé- me pardes mil- lions deminus- … cules œufs flot- Lanis qui ont é- Lé pondus et _ fertilisés pen- dant la nuit, et “qu'on peut se procurer faci- lement en fai- “sant passer le * trop plein dans un filtre conve- . nablement aménagé. Dans l'angle du vivier opposé É celui où arrive l’eau, une rigole en bois, placée ho- - rizonlalement, ayantenviron un yard de largeur et six pouces de Renan est ajustée dans une dé- * pression du mur et s'ouvre dans une large boite è horizontale tapissée par une étoffe très fine de toile à fromage, dontle tissu est seulement assezlâche pour laisser librement passer l’eau, mais ne saurait lais- ser s'échapper les œufs; aussi, quand l’eau a été filtrée à travers cette toile pendant quelques heures, la boite contient-elle une masse considé- “rable d'œufs de poissons. Cet appareil est appelé le collecteur des ponles ; c’est, comme on le voit, “simplement un grand filtre; il peut être aussi formé par un lamis de crin comme en Norvège ou encore par une très mince toile métallique comme n à Terre-Neuve. Les œufs, cependant, se trouvent souillés par des particules vaseuses et des débris de nourri- ture ; ils peuvent être nettoyés par un procédé pécial qui consiste à les placer dans une éprou- vetle avec de l’eau de mer et à ajouter de l’eau mes ; leur nombre varie suivant les espèces et- Fig. 5. — Vue d'une partie de la salle des éclosions avec les incubateurs Danneviq. douce jusqu'à ce que la densité du mélange liquide soit inférieure à celle des œufs, qui se précipitent, tandis que les impuretés flottent à la surface. Les œufs sont ensuite transportés à la chambre des éclosions (fig. 5.) après avoir été comptés dans un vase gradué !. v Je ne saurais entrer, ici, dans de longs détails au sujet de la canalisation et des appareils d’ali- menlalion d’eau de mer. Je rappellerai seulement qu'il est indispensable qu'un courant continu cir- cule dans les incubateurs et le vivier de ponte, et qu'il faut que le liquide soit parfaitement limpide, dépouillé de toutes particules organiques et inor- ganiques. Les modes de fil- tration varient beaucoup . À Dunbar, fonc - tionnent deux séries de filtres formés par des boîtes en bois dans lesquelles l'eau arrive sur le milieu de la paroi verlicale et sort par la face supérieure ouverte,en (ra- versantune fla- nelle qui est tendue sur cet- te face. Pendant les périodes de tempêtes, il est nécessaire aussi de filtrer le liquide qui se rend au vivier de ponte. La salle des éclosions à Dunbar (fig. 5) estconsti- tuée par une construction en bois ayantonze mètres de long sur huit mètres de large; elle est très bien aérée et éclairée au moyen de larges fenêtres : une grande quantité de lumière, en effet, est nécessaire pour le développement des œufs. À l’intérieur, sont placés seize appareils Dannevig permettant l'incubation, en une fois, d'environ quatre-vingt mille œufs de Morue ou de cinquante-six mille œufs de Carrelets, ceux-ci élant un peu plus gros que ceux-là. Pour le développement des œufs de poissons marins, des appareils spéciaux sont nécessaires, et quelque quarante incubateurs dif- férents ont été imaginés. Les plus connus et les 6 ES LR ©; 1 Une table a été dressée en dénombrant, à plusieurs reprises, les œufs contenus dans cinquante centimètres cubes et en prenant la-moyenne des chiffres obtenus. Ainsi, chaque litre contient environ 234.600 œufs de Carrelets; comme l’on connait le chiffre exact des œufs, on peut facilement, dans la suite, calculer la mortalité. DA: Rougeron Vynerelise 246 meilleurs sont ceux qui ont été inventés par Ches- ter, Mac Donald et Dannevig. Les deux premiers sont géralement employés en Amérique et cons- truits d’après le principe des marées; on peutcom- prendre leur fonctionnement d’après la description de l'appareil de Chester. Il consiste (fig. 6) en un bassin À ayant sept pieds six pouces de longueur, deux pieds de large et deux pieds quatre pouces de profondeur. À environ un pied de chacune des extrémités, une cloison verticale en bois est placée et descend jusqu'à environ quatre pouces du fond. Entre ces deux cloisons, sont placées, sur des ca- dres, six ou huil grandes jarres en verre; chacune d'elles a dix-sept pouces de hauteur et neuf pouces de largeur; elle peut contenir cinq cent mille à un million d'œufs de Morue. Ces jarres sont renver- sées, et leur ouverture est recouverte d'un mor- ceau de toile à fromage, tandis qu'un trou est ménagé sur leur fond (qui se trouve alors à la SIIIISISS ES SSSSSSSSSS = CII LOI IP TT TT ITA Fig. 6. — Appareil de Chesler pour l’incubalion des pois- sons marins. partie supérieure); ce trou permet l'entrée de l’air et l’introduclion des œufs. L'eau tombe d’un ro- binet dans l’un des compartiments des extrémités (e), et elle sort de l’appareil au moyen d’un siphon (4) dont le diamètre est plus large que celui du tuyau d’arrivée. Quand l’eau s'élève dans le bassin jusqu’au niveau 4, le siphon commence à fonc- tionner, et le niveau du liquide s’abaisse graduelle- ment jusqu'en à, sur une hauteur de cinq pouces; alors, le siphon n'est plus amorcé. De nouveau, l’eau monte jusqu’en #, et le même phénomène se reproduit. Chaque élévation et abaissement de l’eau exige environ dix minutes. L'expérience a démontré que ce mouvement de marée, qui est celui auquel sont soumis les œufs flottants dans leurs conditions naturelles de développement, est suffisant pour les maintenir en bon état. Ryder, d'après lequel je donne cette descriprion et la fi- gure qui l'accompagne, a établi que la mortalité qui survient dans les œufs de Morue, au cours de l’incubation, n'excède pas cinq pour cent'. Cet appareil n'a pas été employé à Dunbar; mais Cun- ningham, qui l’a utilisé à Plymouth, sur une petite échelle, pourles œufs de Plies et de Flets, a reconnu D' WEMYSS FULTON — ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE qu'il est préférable d'abandonner l’emploi du si- phon et d'introduire l’eau directement dans la jarre” au moyen d'un tube rentrant par l'ouverture supé=M rieure. Avec ce dispositif, les œufs sont main- tenus en perpétuel mouvement et dispersés dans la masse liquide au lieu d'occuper un plus ou moins petit volume à sa surface. Cet effet est éga= lement obtenu dans l’appareil Dannevig, mais par un processus différent. Cet incubateur (fig. 5) con= siste en une boite en bois ayant environ huit pieds: de long, deux pieds trois pouces de large, et un pied de profondeur. Il est divisé en deux comparti= ments longitudinaux par une cloison; chacun de. ces compartiments, à son tour, est divisé en sep autres, transversalement, de telle facon que les divisions des extrémités soient beaucoup plus étroites que les intermédiaires. Chaque appareil comprend, conséquemment, quatorze comparti= ments, quatre étroits aux extrémités, et dix plus larges dans l'intervalle. Les divisions extrèmes communiquent par paires, entre elles; l'une des paires reçoit l’eau qui coule d’un robinet, tandis que l’autre sert de déversoir pour le liquide qui s'écoule, de là, dans le tuyau de vidange. Les grands compartiments sont étanches, et, dans chacun, se trouve placée une boîte en bois dont le fond est formé par un tamis en crin. Elle est agencée de telle manière qu’à son extrémité supé- rieure un de ses côtés soit fixé à charnières sur la cloison, Landis que le côté opposé peut s’élever en flottant au-dessus de l’eau, quand celle-ci rem plit l'appareil. Le liquide s'écoule du premier compartiment dans la première boite au moyen d'une large rigole métallique ménagée dans une dépression du bois; il tombe ensuite à travers le Lissu lâche du fond dans le compartiment où la boite elle: même est placée. Quand ce compartiment est plein, il s'écoule dans la seconde boîle et ainsi de suile jusqu’à la fin de la série. L'appareil est monté sun des pieds d’inégales grandeurs aux deux extré= mités, en sorte que l'écoulement se fait de lui même d’un compartiment à l’autre, du tuyau d'ad- duction à celui d’abduction. Les œufs sont placés dans les boites flottantes, et la force du courant, qui, comme on à pu le remarquer, est dirigée de la surface au fond, maintient les œufs dispersés: dans le liquide. Mais, quand une grande quantité d'œufs se trouve dans les boîtes, il est nécessaire d'imprimer à celles-ci un autre mouvement = qui correspond au mouvement de marée des ap= pareils américains. Celui-ci est obtenu par une pression automatique exercée sur les boîtes mêmes Quand leur extrémité libre et flottante, en effet," est brusquement plongée dans l’eau, un contre TA realise on the Common Sole, p. 135. D' WEMYSS FULTON — ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE 2471 - courant se produit à travers le lamis en crin de À leur fond ; combiné avec l’action du courant con- - tinu, qui se produit dans une direction opposée, - ce phénomène maintient les œufs en un tourbil- - Jonnement constant et les distribue d’une facon homogène dans la masse liquide. Le plongement automatique et périodique des boites est obtenu au moyen d'un dispositif ingénieux. Le trop-plein de l’eau provenant du vivier de ponte, au sortir du filtre à œufs, est amené par une rigole en bois sur une roue à palettes aclion- nant un excentrique. L'extrémité d’un long levier articulé est fixé à la circonférence de l’excentrique et s'élève ou s'abaisse à chaque rotation de la « roue. Ces élévations ou chutes alternatives du le- ROUTE : Ë A ee mises, au mOo- | ne co . yen de càbles et de poulies, à une longue li- ge de fer qui passe longitu- dinalement au milieu de cha- que appareil et appuie sur l’ex- trémité libre ou flottante des boites. Quand le levier s'élève tombent au fond ; ils peuvent donc aisément être enlevés; les boîtes, d’ailleurs, doivent être net- toyées de temps à autre. La durée de l’incubation dépend surtout de deux choses : la nature des œufs et la température de l’eau. Les œufs les plus petits se développent plus rapidement. L'influence de la température est encore plus marquée : les œufs pélagiques peuvent supporter des différences thermométriques qui seraien( fatales aux poissons adultes !. En matière de pisciculture marine il est essen- tiel encore que, non seulement l’eau soit dépouillée de toute impureté, mais que son poids spécifique soit constant, élevé, jamais inférieur à 4,026. Autre- ment, les œufs seraient précipités et périraient; de grandespertes, d’ailleurs, sont survenues dans plusieurs éla- blissements, qui n'avaient pas d'autres causes. À Dun- bar, le poids spécifique de l’eau se main- tient sensible- ment constant etest d'environ 1,027; ce fait a sous l'influence Se grandement fa- de l'excentri- RES Re re H0"Z cilité lesopéra- - que, les tiges Fig. 7. — Vue d'ensemble de là piscifacture de Dunbar. — Au premier plan : salle tions de cette sont soulevées des pompes et de la machine; au fond : vivier de ponte, filtre à œufs etsalle des piscifacture. ne incubations. au-dessus des boîtes qui flottent librement ; quand le levier s'a- “baisse, les liges retombent et, en pressant sur les “hoites, plongent celles-ci dans l’eau. Ce fonction- “nement si simple ne demande que peu ou pas - d'attention, “ Chaque boite peut contenir un demi-million “d'œufs de Morue ou trois cent mille œufs de Car- “relets ; chaque appareil en contient donc dix fois “autant et exige une quantité d’eau qui, pour cinq “millions d'œufs de morue, est d’environ de quatre cent vingt litres par heure. Les œufs fécondés, après avoir élé recueillis “dans le collecteur à œufs, nettoyés et comptés, “sont placés dans les boïtes à incubation et sou- «mis à l'action de l’eau courante jusqu'à ce que “les jeunes poissons éclosent. Cette incubation “ne nécessite que peu de soins. Le débit de l’eau, “cependant, doit être vérifié, ainsi que le plonge- «ment automatique des boites, qui se produit ordi- -.nairement trois fois en deux minutes. Les œufs -.qui meurent deviennent opaques, blanchissent et Les alevins, au sortir de l’œuf, sont maintenus dans les appa- reils d'incubation pendant un certain nombre de jours ou même de semaines jusqu'à ce que le sac vitellin qui sert à leur nutrition soit presque ré- sorbé et que la bouche soit ouverte, complète- ment achevée, et susceptible,en somme, de remplir la fonction qui lui est dévolue. Alors, les jeunes poissons nouvellement éclos ont une longueur qui varie de 2%%,5 à 7 mm. suivant les espèces *. Avant que le sac vitellin soit complètement résorbé, ils augmentent un peu de longeur, ac- 1 Les œufs de Morue incubés en treize jours à la tempé- rature de 1,2 centigrades, mettent vingt jours à éclore à 30,33, trenteet un jours à 1°,1 et cinquante jours à 0°,5. Quand la température est de 60,5, ils éclosent en quatorze jours alors que, au mème degré thermométrique, les œufs de Flet éclosent en six jours. Les œufs de Plie, qui ren- trent dans le groupe des plus gros œufs pélagiques, mettent vingt et un jours à se développer à 59,34 et quatorze jours à 80,8. 2 La larve de Carrelet a généralement cette dernière taille; celle de Morue a quatre millimètres, la jeune sole un peu moins, tandis que le Turbot ou la Barbue nouvellement éclos ont environ 2,7 millimètres. 248 quièrent une grande vigueur et beaucoup d’aetivi- té, mais demeurent encore très petits. À ce stade, ils sont transportés au moyen d'appareils appro- priés sur les terrains de pêche, et,là, mis en liberté. Il n’est pas douteux que l'influence de la pisciculture marine serait grandement accrue s’il était possible de conserver les alevins dans de bonnes conditions jusqu'à ce qu'ils eussent atteint une taille plus grande. Ils ne peuventnaturellement trouver aucune nourriture dans l’eau soigneuse- ment filtrée qui circule à travers les incubateurs ; d’ailleurs, même si cette eau n’était pas filtrée, elle ne contiendrait pas la somme de substance nutritive nécessaire à une aussi grande quantité d'alevins. Des expériences ont toutefois montré que ces alevins peuvent être amenés jusqu’à une taille relativement grande s'ils sont conservés dans un grand espace marin clos et alimenté avec une quantité suffisante de la nourriture qui leur convient ; c'est dans cette direclion, je crois, que les recherches en matière de pisciculture marine doivent être orientées à l'avenir. NI Maintenant que j'ai donné un aperçu des mé- thodes de pisciculture marine, la question se pose de savoir quels résullats économiques on en peut espérer. Peut-il en résulter des bénéfices pour les pêcheurs, et les nations peuvent-elles en recueillir une compensation aux dépenses qu'elle leur occasionnera? La propagation artificielle est d'ordre essentiellement économique et doit avoir pour but d'augmenter la fertilité des terrains de pêche, car, s’il était prouvé que ses résultats ne couvrent pas ses dépenses, sa mise en œuvre serait économiquement injustifiable. Il n’y a pas jusqu'ici de documents assez précis pour nous renseigner exactement à cet égard. En premier lieu, la technique est encore dans l’enfance. De plus, ces méthodes n’ont pas encore été appliquées sur une échelle assez grande, dans aucun pays, jusqu'à ces dernières années, et le délai est encore trop court pour que les résultats des dernières opérations se soient clairement manifestés. En second lieu, il est vraiment très difficile de déter- miner, Car il n’y a aucun criterium pour cela, si l’accroissement de la quantité de poissons est dû aux opérations aquicoles ou à des causes purement naturelles. La même remarque peut, du reste, s'appliquer à toutes les interventions humaines pour augmenter l'abondance des produits marins naturels, telles que l'interdiction de pêcher avec certains engins dans des régions déterminées, l'établissement de périodes annuelles d'interdiction pour certaines pêches, etc. Les résultats peuvent seulement en être appréciés par la comparaison D: WEMYSS FULTON — ÉTAT ACTUEL DE LA PISCICULTURE MARINE des statistiques et par des enquêtes répétées du- rant une série d'années. Il est tout à fait logique de supposer que l'accumulation, dans un certain volume d’eau de la zone littorale, durant plusieurs années, de plusieurs millions d'alevins de Sole par exemple, devra avoir comme résultat d’aug- menter l'abondance des adultes. Dansles rapports. officiels concernant la pisciculture en Norvège, aux États-Unis et à Terre-Neuve, il est établi que de très nombreux essaims de jeunes Morues ont été observés dans des localités où il y en avait peun ou pas. Ce fait est attribué, par les pêcheurs el autres personnes expertes, à l'influence des pisci= factures. Une autre preuve est fournie par les expé riences de la U. S. Commission pour la propagation artificielle du CZupea sapidissima, dontles alevins ont étéimmergés en énormes quantités, ce qui à ÉNOrT= mément accru les rendements de la pêche de ce poisson. En 1880, quelques années après le commence ment des opéralions piscicoles, le nombre des captures sur la côte atlantique était de 4.140.900: L'année suivante il était de 5.172.000, et ce nombre s’accrut progressivement dans la suite; atteignant le chiffre de 7.660.474, en 1888, soil une augmentation de 85 °/, sur les résultats de 1880. Cela représente une plus-value de 14.078.296 kgs. de substance marchande et environ 3.625.000 francs à répartir entre les pêcheurs. Mais la Fish Commission fit plus : elle transporta une grande quantité d’alevins de cette alose, au moyen de wagons appropriés, à travers le conti nent et les transplanta à Sacramento River; ainsi fut créée une nouvelle pêche pleine d’avenir sur la côte du Pacifique. De cette localité, en effet, ce poisson se répandit peu à peu tout le long du littoral sur une étendue de plus de 2.000 milles dans des eaux où jusqu'alors il était inconnu, de Golden Gate en Californie à Vancouver, dans la Colombie britannique. Après de tels ne n’est pas surprenant que le gouvernement améri- cain considère comme bien employé l'argent qu'il consacre à la pisciculture. La dépense qu’occa= sionne celle-ci n’est pas, à la vérité, lrès grande Étant donnée une localité convenable, une pis= cifacture susceptible de traiter annuellement: 150 ou 200 millions d'œufs peut être installée. pour la somme de 25.000 francs à peu près ; l@ dépense annuelle peut s'élever de 3.500 à 5.000 frs Dannevig a démontré que, lorsqu'on opère em grand, le prix de revient de 8.000 alevins de Morue n'excède pas 10 centimes. Il y a tout lieu de croire que la production qui en résulte pour les pêcheurs et pour le public est supérieure à: cette dépense. D' Wemyss Fulton, Scientific Superintendant of the Fishery Board for Scotland: . RAVEAU — LES FAITS NOUVELLEMENT ACQUIS SUR LES RAYONS DE ROENTGEN 249 537,53 LES FAITS NOUVELLEMENT ACQUIS SUR LES RAYONS DE RŒNTGEN La découverte de M. Rünigen, qui a causé tant d'étonnement dans le public, a excité, au plus haut point, la curiosité des savants; de toutes parts, on s’est mis à l'étude de ces singuliers phé- nomènes, de sorte que, depuis la publication des articles que la Revue leur a tout récemment consacrés !, nous avons déjà à enregistrer, outre un grand nombre d'observations intéressantes, la découverte de propriétés entièrement nouvelles, . et dont la connaissance contribuera puissamment à nous éclairer sur la nature intime des rayons X. I Au point de vue pratique, il était intéressant, à la fois, de diminuer la durée de pose dans les expériences photographiques et de perfectionner les procédés d'observation immédiate basés sur la fluorescence. M. Salvioni, à Pérouse, et M. Swinton, en An- gleterre, ont construit des appareils qui permet- tent d'observer la silhouette qui apparait sur un papier imprégné de platinocyanure de baryum, en se mettant à l'abri de la lumière étrangère; M. Batelli et Garbasso ont réussi à photographier . cette phosphorescence?. M. Piltchikof, en faisant naïitre les rayons X au point où les rayons de cathode tombent sur une substance donnant une fluorescence beaucoup plus vive que le verre, a augmenté beaucoup l'intensité de la radiation et abaissé la durée de la pose à 30 secondes. Cest la même limite qu'avait atteinte M. Joubin en uti- 1 Sur les Rayons X de Rœntgen, voir dans la Revue géné- rale des Sciences du 50 janvier dernier la série des articles Suivants consacrés à ladécouverte du Professeur Rœntgen : 1. Les rayons cathodiques et les rayons de Rœntgen, par M. H. Porxcaré; 2. Expériences sur un nouveau genre de M. W. RŒNTGEN; 3. Remarques au sujel des vues théoriques de M. Rœntgen, par M. SCuusrTER; 4. Les vibrations longiludinales de l'éther à propos des rayons de Rœntgen, par M. J. BorTromLey; 5. Elude expérimentale des rayons de Rœntgen, par M. J. PERRI. Voyez aussi dans la Revue du 29 février l’article de M. L. Durour sw la nature des rayons de Rœntgen. ? La phosphorescence produite par les rayons Rôntgen « permettrait de faire instantanément des observations qui . exigent aujourd'hui une pose relativement longue et le déve- … loppement d’une image photographique; ce procédé semble «devoir rendre les plus grands services en Chirurgie. Pour — obtenir des eflcts suffisamment intenses, il faut un papier recouvert d'une couche épaisse de sel. Un des meilleurs … procédés indiqués consiste à étaler de la glycérine sur un “ carton, puis, quand celui-ci commence à s’imbiber, à y ré- pandre le platinocyanure réduit en poudre fine. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. rayons, par lisant les courants de Tesla, avec une étincelle souffiée. En surveillant constamment la marche de la bobine, M. Meslin a pu, dans les conditions or- dinaires, obtenir des épreuves en moins d’une minute; ila pu descendre jusquà 4 secondes. M. Swinton a oblenu la photographie d’un pied humain, montrant les os très distinctement pres- que jusqu'au cou-de-pied, avec une pose de 25 se- condes seulement. L'emploi d'un tube de Crookes n’est pas indis- pensable; on a indiqué de divers côtés l'emploi d’une simple lampe à incandescence; la cathode est alors constituée par une feuille d'étain qui entoure la base de la lampe, l’anode par une ar- malure quelconque qu'on amène au voisinage du verre ou, pour éviter l’échauffement, par de l'eau contenue dans un petit vase de celluloïd, dans lequel on plonge l'ampoule. Enfin, M. d'Arsonval a pu employer un simple tube de Geissler con- tenant de la fluorescéine, en recouvrant les objets à photographier d’un verre d'urane. Cet artifice a été suggéré par une découverte de M. Charles Hen- ry: ce savant a constaté queles rayons X, en tom- bant sur un métal recouvert d’un corps phospho- rescent, acquièrent la propriété de traverser des épaisseurs qui les auraient arrêtés totalement si le métal eût été nu. C'est un moyen très simple d'augmenter beaucoup l'intensité de l’action des rayons X. La transparence d’un grand nombre de corps a été étudiée par divers expérimentateurs. M.Mes- lans à indiqué l'influence de l'espèce chimique sur la transparence: le carbone, dans ses divers états, absorbe très peu les rayons; il communique cette propriété à ceux de ses composés qui ne con- tiennent que des éléments gazeux. Le soufre, le phosphore, le chlore, l’iode, les mélaux, donnent de l’opacité. MM. Buguet et Gascard ont constaté que le jais et le diamant naturels sont beaucoup plus transparents que leurs imitations. MM. Bat- telli et Garbasso ont déduit la transparence de l'intensité de l’action photographique, mesurée par une méthode pholométrique. Leurs expériences ont porté sur 50 solides, dont les densités va- riaient de 0,24 (liège) à 22,50 (platine.) Au point de vue de la transparence, tous ces corps se placent exactement dans l’ordre inverse des densités. Il en est de même pour treize liquides; mais ceux-ci, à égalité de densité, sont un peu plus transparents que les solides. Citons enfin les expériences de Cid 250 C. RAVEAU — LES FAITS NOUVELLEMENT ACQUIS SUR LES RAYONS DE ROENTGEN MM. Dariex et de Rochas, d'où il résulterait que le défaut de sensibilité de l'œil pour les rayons X tiendrait avant tout, contrairement à l'opinion de M. Rüntgen, à l'absorption de ces rayons par les milieux de l'œil. Il ne semble pas qu'on soit arrivé jusqu'ici à réfléchir les rayons; MM. Mac Lillan et Wright, de l'Université de Sorente, disent avoir oblenu des cathodographies ! instantanées en réfléchissant et fai- sant converger les rayons à l’aide d’une cloche de verre qui entourait le tube; le procédé peut être excellent en pratique, maisil est fort douteux qu’il se soit produit une réflexion régulière. J'ajouterai que, dans ces expériences, comme dans plusieurs autres, il ne semble pas qu'on ait posé la question exactement sur le même terrain que le P' Rôüntgen. L'existence du retour d’une partie des rayons qui ont frappé un corps de grande densité n’est pas douteuse, mais il s'agit de savoir si la réflexion (ou plutôt la diffusion) alieu à la surface ou si les rayons sont renvoyés après avoir pénétré à l’inté- rieur du corps, qui agirait, dans le second cas, comme un milieu trouble. IL Nous arrivons aux propriétés nouvelles, bien établies, des rayons X. M. J. Perrin, poursuivant les recherches qu'il a décrites ici même?, esl arrivé à mettre en évidence une réfraclion très légère, mais parfaitementnette, des rayons par des prismes d'aluminium. L'expé- rience, répétée trois fois avec des prismes diffé- rents, a fourni des clichés sur lesquels la brisure entre le haut et le bas de l’image est très nette- ment visible”. L'indice serait inférieur à 1. MM. Hurmuzescu et Benoist en France, M. Du- four à Lausanne‘, M. Righi à Bologne, M. J.-J. Thomson à Cambridge, et MM. Borgmann et Ger- chun à Saint-Pétersbourg, ont presque simultané- ment constaté que les rayons X déchargent un corps électrisé isolé sur lequel ils tombent. Mais il s’en faut de beaucoup que les résultats soient absolument concordants. Dans les expériences de MM. Hurmuzescu et Benoist el dans celles de M. J.-J. Thomson, la dé- charge est complète, quel que soit le signe de l'électricité que portait le corps; c'est aussi ce qu'a observé M. Dufour. Au contraire, d’après M. Righi, une charge posilive ne se dissipe sous l’action des 1 On à déjà proposé pour les photographies par les rayons de Rüntgen les noms d’aclinographie, de radiographie et scolographie (dessin des ombres). ? Voyez son article dans la Revue du 30 janvier 1896. 5 Les expériences sont encore inédites ; M. Perrin a bien voulu nous autoriser à en faire connaître les résultats. 4 Voyez l’article de M. L. Dufour dans la Revue du 29 fé- vrier dernier. rayons X que si le potentiel est supérieur à une certaine limite; les charges négatives disparais-… sent complètement et sont remplacées par des” charges positives qui vont croissant jusqu’à ce que. le potentiel ait atleint cette même valeur; en un mot, les rayons X chargent un corps isolé à un potentiel positif déterminé, quel que soit son état antérieur; ils présenteraient ainsi les propriétés que M. Righi a observées pour les rayons ultra violets. Ces résultats ont élé observés également par MM. Battelli et Garbasso. MM. Borgmann et Gerchun ont trouvé, au contraire, qu’un disque exposé aux rayons de Rüntgen conserve ou ac quiert finalement une charge négative. Ces contra- dictions sont-elles dues à la diversité des tubes employés? Quoi qu'il en soit, pour le moment, il ne reste qu'un fait bien établi, à savoir que le po-. tentiel d’un corps électrisé, exposé aux rayons de” Rôüntgen, ne peut conserver une valeur (absolue) très grande. La rapidité de la décharge est d’autant plus” grande que la radiation est plus intense; elle peut. servir à mesurer cette intensité : MM. Benoist et Hurmuzeseu ont constaté que, dans l’air, le temps que met àse décharger un électroscope est pro- portionnel au carré de sa distance à la partie anti- cathodique du tube, d’où partent les rayons X; la loi de décroissance serait donc la même que pour la lumière dans un milieu transparent ; d'où les auteurs concluent que l’air atmosphérique n'ab- sorbe pas sensiblement les radiations étudiées. Ils. ont pu également comparer, par cette méthode," l’'affaiblissement desrayons par les différents corps: ils ont observé que cet affaiblissement n’est pas une“ fonction exponentielle de l'épaisseur traversée, cé qu'ont observé aussi MM. Sella et Majorana; la radiation totale émise par un tube de Crookes se comporte donc comme l'ensemble complexe de vibralions émis par une source lumineuse, ce qui, disons-le en passant, enlève un peu d'intérêt à la. valeur absolue des nombres donnés comme mesu- rant la transparence. . Ë Quel est le mécanisme de celte décharge qui, nous l'avons déjà dit, ne présente pas exactement les caractères de celle que provoquent les rayons ultra-violets ? J. J. Thomson a constaté qu'elle ne. cesse pas de se produire quand la lame métal-" lique électrisée est noyée dans un diélectrique quelconque solide ou liquide : soufre, ébonite,« huile de paraffine. Il en conclut que, sous l'in fluence des rayons de Rüntgen, tous les diélee= triques deviennent conducteurs. M. Righi remarque également que le corps électrisé semble se com- porter comme une électrode, qui, plongée dansun” milieu conducteur, prend le potentiel du point où elle se trouve. Nous verrons plus loin l'explication … C. RAVEAU — LES FAITS NOUVELLEMENT ACQUIS SUR LES RAYONS DE ROENTGEN 981 que donne M.J.J. Thomson de cette conductibilité. Un autre fait, quisemble connexe de la propriété de décharger un corps électrisé, est l’abaissement du potentiel explosif, constaté par M. Swyngedauw pour des charges statiques et, avec beaucoup plus d'intensité, pour des charges dynamiques, et que MM. Borgmann et Gerchun ont également observé, ainsi que M. Cave, en Angleterre. Enfin M. La- grange a cherché si les rayons X sont déviés par un champ magnétique quand ils traversent le vide de Crookes ; en faisant passer ces rayons à travers l’'ampoule d'un radio mètre, il n’a constaté aucune déviation. Le résultat a son importance ; la dévia- tion des rayons de Lenard ne s’observait nette- ment que dans l’air raréfié et. de l'expérience de M. Rüntgen exéculée dans l'air atmosphérique, on ne pourrait préjuger ce qui passerait dans le vide. III La découverte des rayons de Rüntgen a suscité de nombreuses publications relatives à des phéno- mènes plus ou moins analogues. Plusieurs savants, en France et en Angleterre, ont obtenu des impressions photographiques sans tube de Crookes ni matières fluorescentes quelconques, en utilisant seulement les décharges d'une bobine d’induction ou d’une machine électrostatique. Ce - n’est pas la première fois qu'on obtient des effets - analogues: en 1886, M. Boudet de Paris a pré- senté à la Société Internationale des Electriciens des photographies obtenues par la décharge; dans ses expériences, qu'il est inutile de décrire, l'ob- jet à photographier n'était séparé de la plaque photographique par aucun écran solide ; en 1888, . MM. Latchinoff et Moniusko ont montré qu’en AETTIE maintenant une pièce de monnaie entre les pôles d'une bobine de Ruhmkorff, les arêtes de l’em- preinte deviennent l’origine de petites lueurs qui permettent de lire dans l’obscurité les indications que porte la pièce et par suite d'en obtenir une photographie. Ces phénomènes semblent être en connexion intime avec les figures roriques (Huuch- bilder, Breathfiqures) découvertes par Karsten, et l’action de la lumière seule invoquée par les au- teurs n'est peut-être pas la seule cause détermi- nante de l'attaque de la couche sensible. Nous ne pouvons attribuer avec certitude aux Q rayons de Rüntgen, sinon à quelque autre action - nouvelle, que les photographies obtenues à l'inté- rieur des boîtes métalliques entièrement closes et mises au sol; Lord Blythswood a fait l’expé- rience avec sa puissante machine de Wimshurst à 198 plateaux, de trois pieds de diamètre, mise en mouvement par un moteur d'un cheval et demi; en plaçant une plaque sensible à l’intérieur d’une boîte métallique portant une fenêtre d'aluminium et mise à la terre et disposant cette plaque entre les pôles de la machine, il a obtenu des photogra- phies de divers objets. Les photographies de mé- taux ne présentent aucune trace de décharge ni d'étincelle. Cette expérience démontre l'existence d’un agent qui diffère certainement des décharges électriques ordinaires. Mais il serait prématuré de conclure à l'identité de cet agent et des rayons de Rünigen, et, d’ailleurs, les décharges elles- mêmes sont plus complexes qu'on ne l'a cru jus- qu'ici, puisque M. Wiedemann y a récemment dé- couvert des rayons que l’aimant ne dévie pas et qui excitent la fluorescence. Un fait tout différent est l'émission, par divers corps phosphorescents, de rayons qui peuvent impressionner des plaques photographiques à travers plusieurs doubles de papier noir absolu- ment imperméables à la lumière solaire, et même à travers une plaque d'aluminium de six milli- mètres d'épaisseur. Le fait a été découvert par M. Charles Henry, qui a cherché à vérifier, avec le sulfure de zinc, si, conformément à une hypothèse émise, dans cette Revue, par M. Poincaré, « tous les corps fluorescents n'émeltent pas, outre les rayons lumineux, des rayons X, quelle que soit la cause de leur fluorescence! ». L'expérience a élé répétée par M. Niewenglowski sur diverses substances phosphorescentes. M. Becquerel, en opérant avec des cristaux de sulfate double d'uranium et de po- lassium a constaté une impression des plaques sensibles à travers une lame de cuivre de 0,1 mm. d'épaisseur. Il a aussi observé que l’action per- siste plusieurs jours dans l'obscurité, bien que toute phosphorescence visible disparaisse aussitôt qu’on supprime la source éclairante. Cette action de la phosphorescence expliquerait, d’après M. d’Arsonval, les résultats singuliers des expériences de M. Le Bon sur la « lumière noire », qui ont donné lieu dans ces derniers temps à une polémique assez vive. Les expériences ont été ré- pétées par divers savants ou praliciens et les résultats contradictoires qui ont été obtenus lais- saient la question entièrement ouverte. M. d’Ar- sonval à observé que, toutes les fois que les expé- riences réussissaient, il y avait sur le trajet des rayons lumineux une lame de verre ; il pense que la phosphorescence de ce verre émet des rayons qui peuvent à la longue traverser les métaux. Si cette explication est la vraie, c’est encore à M. Boudet de Paris que reviendrait la priorité de la décou- verte, car il a annoncé, dans une Note présentée à FO l'Académie des Sciences le 5 avril 1886, que la 1 Ce sont les termes mêmes dont M. Poincaré s’est servi dans son article paru dans la Revue générale des Sciences du 30 janvier dernier. 952 C. RAVEAU — LES FAITS NOUVELLEMENT ACQUIS SUR LES RAYONS DE ROENTGEN lumière d'une lampe à pétrole pouvait impres- sionner une plaque photographique à travers une lame de carton épais, à condition que cette lu- mière ait été réfléchie par une lame de verre; les rayons directs ne produisaient aucune action. IV Quelle est la nature des rayons X? Les expé- riences d'absorplion par les métaux nous ont montré qu'ils sont loin d'être homogènes. Je pen- serais volontiers que la complexité est encore plus grande que celle qui peut résulter de l'existence simultanée de diverses radiations de même nature, telles que les différentes parties d’un spectre; MM. Bergmann et Gerchun, qui ont observé qu’une lame métallique, exposée aux rayons X, tendait à se charger négativement, ont trouvé aussi que cette charge est temporaire, qu’elle varie suivant les irrégularités du jeu de l'interrupteur; MM. Gos- sart et Chevalier ont découvert que les ailettes d’un radiomètre, placé en face d’un tube de Crookes, sont maintenues dans une position symétrique par une force qui croit quand on s'approche du tube et qui varie quand on fait agir un champ électrostatique, magnétique ou électromagnétique. Ces phénomènes singuliers me semblent devoir être classés à part avec les actions découvertes par M. Dufour! ; il y aurait lieu d'examiner, avant tout, s’ils se produisent avec tous les tubes de Crookes. Il ne serait pas impossible (et j'avoue que ce me semble être l'hypothèse la plus vraisemblable) qu'outre les rayons de Rüntgen proprement dits, tels que les obtient, par exemple, M. J. J. Thom- son en entourant le tube de Crookes d’une caisse métallique mise à la terre et portant une fenêtre d'aluminium, le tube ne créàt dans son voisinage un champ électrique variable qui présentät quel- ques caractères de ces rayons. C’est peut-être ainsi qu’on expliquerait les phénomènes qui ont amené M. Zenger et M. Dufour à penser qu'il n’y a pas de rayonnement spécial. Si les décharges ou efllu- ves ordinaires, ou même certains effets d’induc- tion électrostatique etélectromagnétique, peuvent produire, dans des circonstances déterminées, des effets de phosphorence et des actions photo- graphiques, il est essentiel, pour observer les actions dues aux seuls rayons de Rüntgen, de se mettre à l’abri de toutes ces influences étran- gères. Sinon, il deviendra très difficile de séparer ce qu'il faut attribuer à telle ou telle cause, et nous voyons précisément que certains savants at- -tribuent aux rayons de Rüntgen des actions qui s'expliquent sans hypothèse nouvelle, tandis que 1 Voir la Revue du 29 février dernier, page 192. d’autres vont jusqu'à nier l’existence d’un agent inconnu jusqu'ici. Le mouvement qui constitue les rayons de Rüntgen est-il longitudinal ou transversal? L’exis- tence de vibrations longitudinales de l’éther est soutenable; Lord Kelvin la considère comme très probable; M. Lodge a prouvé que la compressi- bilité qui en résulterait pour l'éther serait trop faible pour que les résultats de l'expérience puis- sent être en contradiction avec ceux des théories qui le regardent comme incompressible!. Mais si la nécessilé d'admettre l'existence d'ondes longi- tudinales est démontrée, il serait intéressant de chercher si elle peut résulter des théories ac- tuelles dans des cas particuliers. M. J. J. Thom- son a montré que l'existence d'ondes longitu- dinales n’est pas incompatible avec la théorie de Maxwell ?; ces ondes peuvent exister dans un milieu contenant des ions libres. M. J. J. Thom- son a depuis longtemps soutenu que toute dé-. charge électrique dans les gaz ne s'effectue que conjointement à une dissociation de la molécule et que le mécanisme de la conductibilité ne diffère pas essentiellement, dans ce cas, de ce qu’il est pour les électrolytes. Or, les rayons de Rüntgen semblentrendre conducteurs tous les isolants qu'ils traversent, puisqu'ils déchargent un conducteur plongé dansundiélectrique quelconque. Lorsqu'ils passent au voisinage de deux lames métalliques en communication, la différence de potentiel entre ces lames ala même valeur que si elles plon- geaient dans un électrolyte. M. J. J. Thomson pense que les molécules de tous les diélectriques sont dissociées sous l’action des rayons X; par suite, il pourrait exister des ondes longitudinales dans tous les milieux; les deux hypothèses de M. Lodge sur l'existence d’une « radiation électrolytique » ou d’un mouvement longitudinal se trouveraient ainsi rattachées l’une à l'autre. Reste l'hypothèse qui identifie les rayons de Rüntgen à des radiations transversales de période très courte. M. Schuster et Lodge ont fourni des arguments en faveur de cette idée : ces deux savants se sont préoccupés de la facon dont ces rayons pourraient être émis ou ont cherché à expli- quer pourquoi ils ne subissent pas de réfraction. Sur ce dernier point, je me permettrai de rappe- ler que, comme je l’ai déjà dit ailleurs, plu- sieurs théories de la dispersion, établies depuis longtemps, prévoyaient précisément pour les 1 Voyez ci-après (page 258) l’article de Lord Kelvin, et (page 253) l’article de M. Lodge sur cesujet. Note DE LA DIRECTION. 2? Rappelons que la théorie de M. Jaumann est basée es sentiellement sur les propriétés particulières des gaz raréfiés M et ne saurait expliquer, sans hypothèses nouvelles, l’exis- tence d’ondes longitudinales dans un milieu quelconque. 3 Société française de Physique. Séance du 7 février 1896. 1 0.-J. LODGE — HYPOTHÈSES ACTUELLES SUR LA NATURE DES RAYONS DE ROENTGEN ondes de période extrèmement courte les pro- priétés les plus saillantes des rayons X: la valeur limite de lindice serait, pour tous les corps, l'unité, c'est-à-dire qu'il n'y aurail ni réfraction, ni réflexion. La théorie indique que tous les corps deviendraient transparents, mais elle ne tient pas compte de la grandeur des atomes, qui cesse d'être négligeable vis-à-vis de la longueur d’onde; cette circonstance permettrait de conce- voir facilement la diffusion qui, dans les substances de grande densité, remplace l'absorption. La pro- priété d’exciter la fluorescence, de décharger un électroscope appartiennent, on lesait depuis long- temps, aux rayons ultra-violets; enfin, si l'on sup- pose que les rayons X soient des vibrations de même nature que celles de la lumière, il n’y a plus aucune difficulté à admettre que toutes les subs- tances phosphorescentes puissent en produire !. Si l'on pense qu'il faut d'abord s’efforcer de 253 faire rentrer les phénomènes nouveaux dans les cadres déjà tracés, c’est certainement des radia- tions ultra-violettes qu'on devra essayer de rappro- cher les rayons de Rüntgen; mais il sera nécessaire avant tout d'examiner avec grand soin quelles sont les actions que l’on peut attribuer au champ électrique ou électromagnétique créé par les tubes de Crookes qui servent à les produire, et de dis- tinguer nettement les effets qui doivent être attri- bués à un agent nouveau. Lorsqu'il n’y aura plus de doutes possibles sur ce point, il semble que l'étude la plus intéressante et la plusprofitable soit lacom- paraison entre ces propriétés nouvelles et celles des corps phosphorescents qu’elles ont conduit à dé- couvrir; cette étude ne saurait manquer de con- duire à des rapprochements du plus haut intérêt". CG. Raveau, Préparateur au Laboratoire de Physique de la Sorbonne, 537,53 SUR LA Quand apparut la découverte de Rüntgen, j'ai conçu l'hypothèse que les rayons X sont peut- être déviés, quoique d’une quantité très petile, par un champ magnétique; je considérais comme vrai- semblable l'existence d’une sorte -de pulsation sonore transmise par des particules électrisées se déplaçant en masse dans une même direction, avec des échanges d’énergie propageant le mouvement dans une sorte de chaîne de Grotthus, mais le propageant par un simple choc matériel, — en un mot, d’une sorte de radiation électrolytique. Voiei, à ce sujet, une expérience très précise qui montre que la dévialion est nulle. Les pièces polaires N et $ d’un électro-aimant (fig. 1) petit, mais puissant, à champ concentré, ont été photographiées en même temps que deux fils À et C, tendus entre elles, du côté de la source, et un fil B, tendu de l’autre côté, près de la plaque sensible P. Ces trois fils projetaient une ombre sur la plaque; celle de B était nette el bien définie, celles de A et CG étaient estompées. M. Robinson a pris deux radiographies, en ren- versant l'excitation. En superposant les deux plaques obtenues ainsi, et amenant en coïncidence 1 Il faut observer toutefois que, dans cette hypothèse, la phosphorescence produite par l'insolation émettrait des rayons de longueur d'onde plus courte que celle des rayons ultra-violets provenant du Soleil, ce qui serait en opposition avec la loi de Stokes. LES HYPOTHÈSES ACTUELLES NATURE DES RAYONS DE RŒNTGEN les ombres nettes de B, on aurait pu voir le moindre déplacement des ombres de A et de C, malgré le défaut de netteté de ces ombres. Mais il n’y a eu aucun déplacement observable ; la P n'es A& Fig. 1. — Expérience de M. Robinson. — (Au-dessous de la boîte est représentée la source radiante S, avec une ca- thode sphérique.) coïncidence était parfaite. Par suite, l'hypothèse d’un courant de particules électrisées est définiti- vement à rejeter; c'est ce qu'avait déjà fait certai- nement le P' Rüntgen lui-même. RER 1 L'article de M. Raveau était mis en pages, lorsque lundi dernier, M. Becquerel a fait connaître à l'Académie des Sciences des expériences tendant à démontrer la réflexion et la réfraction des rayons X.— Dans cette même séance, M. Troost a montré que la blende phosphorescente développe des rayons X. NoTE DE LA DIRECTION. 254 O.-J. LODGE — HYPOTHÈSES ACTUELLES SUR LA NATURE DES RAYONS DE ROENTGEN I Mais il faut noter que l'hypothèse d’un simple courant moléculaire — d’un courant non électrisé — resle admissible. La seule question est de savoir si un bombardement non électrisé pourrait pro- duire les effets observés. En ce qui concerne l’im- pression des plaques photographiques, on pourrait admettre que cette impression résulte de la phos- phorescence; mais il est douteux qu’un tel cou- rant jouisse de la propriété d’exciter la phospho- rescence. É Il ne faut pas oublier que le D' Lenard a dis- tingué deux classes dans ses rayons : les uns sont fortement déviés, les autres le sont peu. El il esl bien entendu que ces déviations ont été observées, non pas dans le vide où les rayons prennent naïs- sance el où la déviation est un fait bien connu, — mais à l'extérieur du tube de Crookes, après que les rayons avaient été comme « filtrés » à travers la fenêtre d'aluminium. Toutefois, il n’a pas ob- servé la dévialion dans l’air à la pression ordi- naire ;il ne l’a observée que dans un air modéré- ment raréfié; mais il a montré que la variation de la pression de l'air n’influait pas sur la valeur de la déviation magnétique minima, mais seulement sur la netteté du phénomène. Ce qui influe sur la valeur de la déviation, c’est la variation de la raréfaction dans le tube qui sert à la production des rayons. L'hypothèse qui se présente d’elle-même est donc que les particules fortement chargées, qui émanent de la cathode, abandonnent la plus grande partie de leur charge en atteignant la fenêtre d'aluminium, et que les particules qui, au dehors, continuent leur course, sont moins char- gées; certaines d’entre elles ont peut-être perdu toute leur charge. Ces dernières ne seraient pas aptes à exciter la phosphorescence; c'est pourquoi Lenard ne les aurait pas vues : il aurait seulement observé celles qui avaient pris ou conservé une faible charge, et celles-là étaient déviées. Il est donc permis de se demander encore si les rayons découverts par le P' Rüntgen, qui ne sont nullement déviés, sont ceux qui ne présentent aucune trace de charge. De plus, il faut noter que l’absence de déviation n’a été démontrée que dans l’air ordinaire, tandis que l’existence de la déviation par l’aimant n’a été établie que dans un air raréfié ; l'étude de ce point n’est pas terminée, {ant qu'une nouvelle expérience n'aura pas été faite, par exemple, pour vérifier que les rayons de Rüntgen ne sont pas déviés même dans un vide poussé assez loin. C'est tout ce qui reste de l'hypothèse presque morte de la matière radiante (morte seulement, bien entendu, en ce qui concerne l'espèce parti- culière de rayons étudiés par le P° Rüntgen; et encore n'est-elle pas réellement morte, mais seulement dans un élat de vie latente. Je n’ai nullement abandonné l'hypothèse d'un bombar- … dement de particules non chargées). IT On semble admettre, généralement, qu'il ne reste qu'une seule hypothèse possible, celle de l'existence d’ondulations. En fait, on n’a nulle- ment établi la nécessité d’une perturbation pério- dique se propageant avec une vitesse finie; mais l'excitation de la fluorescence et la production des actions chimiques suggèrent l’idée d'un mouvement « périodique dont la fréquence ne serait pas tout à u fait hors de proportion avec celle des vibrations moléculaires. Admettons donc que ces faits nous conduisent, « avec vraisemblance, à chercher la cause des rayons de Rôüntgen dans une perturbation quelconque de l'éther. La première question qui se pose est de savoir si-cette cause est de la nature d'une lumière ou d’un son de l’éther? Est-ce une de ces vibra= tions transversales ou électriques qui obéissent aux - équations de Maxwell, ou est-ce un mode de per-. turbation longitudinale qu'on ne peut exprimer - qu'en modifiant ou-en généralisant ces équations ? Partant du principe qu'il faut discuter l'hypo- thèse la plus simple jusqu'à ce que son insuffi- M sance ait pu être démontrée, il est nécessaire de rechercher à quoi peut servir l'hypothèse de vibra- tions transversales ou électriques. La principale difficulté est ici la transparence des conducteurs. Ils devraient être opaques aux ondes de Maxwell, « c'est-à-dire à toute espèce de lumière. Mais déjà la transparence de l'or en feuilles a présenté, comme l’on sait, une légère difficulté du même ordre, el l’on a montré qu’en admettant des inters- tices ou défauts d’homogénéité, c'est-à-dire une structure dont le grain ne soit pas infiniment fin" par rapport à la grandeur des ondes lumineuses, on peut tourner la difficulté d’une façon plus ou moins satisfaisante, Pourquoi ne pas admettre que ces nouvelles ondes soient beaucoup plus courtes que celles que nous connaissons jusqu'ici? Pour- « quoi ne pas admettre qu'elles soient exactement de l’ordre de grandeur des atomes eux-mêmes ? En réalité, si les fréquences sont comparables, les dimensions le sont aussi, dans le cas des ondes transversales, car la seule vitesse de propagalionM que puissent présenter ces ondes dans l'éther est. connue avec précision. Il y a beaucoup à dire en faveur de cette hypothèse ; c’est ce qui ressort de l'importance qu'y attachent à la fois le P' Schuster et le Pr Fitzgerald. Entres autres arguments qu’on « F à À peut invoquer en sa faveur, voici les suivants : Les oscillations électriques dans les conduc- teurs peuvent, comme l'on sait, exciter des ondes lumineuses ; on peut s'attendre à ce que les oscillations ou les mouvements brusques des atomes donnent naissance aux mêmes effets; mais la lumière visible ne se produit pas de cette fa- çon. La lumière visible semble être due à quel- que chose qui ressemblerait plus aux vibrations sonores des atomes, comme s'ils étaient deseloches ou des plaques qu'on frapperait pour les mettre en vibration. Des cloches et des plaques de dimen- sions atomiques vibreraient à la fréquence vou- lue, c'est-à-dire exécuteraient de 400 à 800 mil- lions d'oscillations par seconde. Mais les vibrations électriques ou hertziennes de la charge d'un conducteur grand comme un atome seraient infiniment plus rapides ; elles ne seraient plus déterminées par la vitesse du son à travers les atomes, mais par la vitesse de la Lumière, qui est à peu près 100.000 fois plus grande. Par suite, comme on l’a souvent fait observer, les vibrations électriques des atomes seraient trop rapides pour produire de la lumière; cependant elles doivent, semble-t-il, prendre naissance à la _ suite de perturbations violentes desatomes, quand ceux-ci sont brusquement chargés et déchargés : si ces oscillations se produisent, des ondes trans- versales sont émises. Pourquoi ne constitueraient- elles pas les rayons de Rüntgen? Nous pouvons, sans crainte, laisser l'hypothèse de lumière ultra-ultra-violette extra-rapide aux mains de ceux qui la défendent. Le grand avan- tage qu’elle offre est de n’utiliser aucune propriété nouvelle où inconnue de l’éther, bien plus, d’uti- - liser une perturbation dont l'existence, encore qu'elle n’ait pas été démontrée, doit être consi- . dérée comme très probable, tant qu'on n'aura pas fourni d’argument décisif en sens contraire. Il est inutile d’insister sur la haute probabilité des arguments qui militent en faveur de cette hypo- thèse. Les objections qu’on pourrait lui faire vien- dront incidemment dans ce qui suit, II Nous arrivons maintenant à la dernière hypo- thèse, celle qu'a émise le P° Rüntgen, celle qui est appuyée sur la haute autorité du P' Boltz- mann, celle qui, on peut l’admettre sans témérité, ne semble pas inacceptable à Lord Kelvin !,— c'est- à-dire l'hypothèse du son de l’éther ou des vibra- tions longitudinales dans l’éther. Les seuls faits qu'on ait jusqu'ici pu expliquer par un mouve- ment longitudinal et une compressibilité de 1 Voyez l’article suivant de Lord Kelvin page 258, NOTE DE LA DIRECTION. 0.-J. LODGE — HYPOTHÈSES ACTUELLES SUR LA NATURE DES RAYONS DE ROENTGEN 955 l’éther sont la gravitation et la cohésion. Newton lui-même a montré qu'une pression ou une tension de l’éther rendrait compte de la gravitation. Nous ne savons rien de ces propriétés, el l’on ne peut admettre sans difficultés que le milieu ultime qui remplit l’espace puisse être réellement incompres- sible. En fait, on peut expliquer la gravitation el la cohésion sans admettre nécessairement que l'éther soit compressible; mais l’éther doit être compressible ou se conduire comme un corps compressible, s’il propage une perturbation pé- riodique ou un choc avec une vitesse finie. Admettons, pour le moment, que l’éther présente : une faiblecompressibilité, quellequesoit sa nature, et considérons ce qui va se passer dans un tube dont le vide a été poussé très loin et qui pourrait exciter des ondes longitudinales dans ce milieu. Nous avons dans le tube à vide un torrent violent d’atomes qui frappent le verre. Supposons que le vide atteigne environ 16° atmosphère — ce qui est, semble-t-il, le degré requis pour obtenir de bons effets — ; la distance entre les atomes qui restent dans cet espace est cent fois plus grande que dans l'air ordinaire et mille fois plus grande que dans les liquides; elle atteindra environ 10 cm., c’est-à- dire que chaque point du verre recevra cent mille chocs par centimètre de longueur du flux qui tombe sur lui. Mais la vitesse des rayons de cathode a été mesurée directement par M. J. J. Thomson et elle est de l’ordre de 107 cm. par seconde. Le tube sera frappé en moyenne, en chaque 102, ou un billion de fois par seconde, par le seul mouvement des atomes chargés négative- ment. Nous avons pu facilement, dans cette éva- luation, nous tromper d’un facteur 10, il est facile aussi d'admettre que certains points reçoivent dix fois plus de chocs, puisque notre estimation n’est qu'une moyenne. Nous arrivons ainsi à une fréquence qui atteindra, dans certains cas, ceile des vibrations lumineuses; progressivement le verre s’échauffera, mais il émettra de la lumière. Il est tout à fait inutile, probablement, de faire appel à cette rapidité du bombardement pour expliquer la fluorescence visible; mais cette rapi- dité présente de l'intérêt parce que, dans tout mi- lieu compressible, des perturbations périodiques aussi rapides ne peuvent guère se produire sans provoquer la formation d'ondes sonores d’une espèce quelconque. Mais, en outre, les atomes eux-mêmes sont, on le sait, élastiques et ont des périodes vibratoires définies comme des plaques ou des cloches ; c'est ce qui résulte de l'examen de leur spectre; les chocs auxquels ils sont soumis doivent donc vrai- semblablement être de nature à produire en eux des vibrations ou des trépidations, dont la fré- 256 quence serait suffisante pour provoquer l'émission d'ondes lumineuses dans un éther électromagné- tique, si les atomes étaient chargés. Si ces mouve- ments se produisent dans un éther qui ait quelque analogie avec un fluide compressible, comment pourraient-ils ne pas donner naissance également à des ondes mécaniques ou sonores? On ne peut rien savoir de certain touchant la longueur ou la vitesse de ces ondes dans l’éther tant qu'on n’aura pas réalisé une expérience d’in- terférence ou de diffraction, mais on peutadmettre que l'ordre de grandeur de la fréquence est le même que pour les vibrations lumineuses, soit 101 par seconde ou plus. Le seul moyen actuel de se faire quelque idée de la longueur d'onde est d'étudier : 4° la netteté des ombres, 2° l’épais- seur de chaque milieu pratiquement opaque. Plus l’onde est longue, plus les corps devien- dront transparents, parce que l'amortissement des ondes est toujours logarithmique et qu'il faut un certain nombre de périodes ou au moins une fraction notable de période pour qu’un amortisse- ment sensible se produise. Une onde d’un yard de longueur ne peut guère être arrêtée notablement par un obstacle d’un pouce d'épaisseur. Tant qu'on ne connait pas l'amortissement, on ne peut faire aucune évaluation numérique, mais on peut tirer des conclusions plus précises de la netteté des ombres. Prenons une source ponctuelle et étudions le contour de l'ombre d’un objet maintenu à une distance modérée de l’écran ou de la plaque posi- tive. Il ne se produit pas d'ombre nette si les di- mensions de l'obstacle sont comparables à la lon- gueur d'onde, quand l'obstacle est petit ou si la distance à la plaque est de plusieurs longueurs d'onde, quand l'obstacle est grand. En effet, dans la théorie ondulatoire, les ombres sont dues à des interférences et les effets de la diffraction sont prononcés même quand un défaut de précision de la part de lasource empêche la production defranges de diffraction un peu nettes; ces franges donne- raient non seulement une indication sur la lon- gueur d'onde, mais encore permettraient de la me- surer. Bref, on peut espérer que cette méthode nous fournira une évaluation de la longueur d’onde. M. A. W. Porter a obtenu, au laboratoire du Pro- fesseur Carey Foster, les radiographies les plus nettes que j'aie encore vues, et il a toutes chances d'en tirer les données d’une estimation. Admet- tons, pour le moment, qu'une longueur d’onde de 1 centimètre ne soit pas improbable; la vitesse des ondes longitudinales hypothétiques serait de l'ordre de 10° centimètres, par seconde, ou plus, c'est-à-dire qu’elle serait à la vitesse de la lumière ce que celle-ci est à la vitesse du son. A ces ondes, si elles existaient,on pourrait don- 0.-J. LODGE — HYPOTHÈSES ACTUELLES SUR LA NATURE DES RAYONS DE ROENTGEN ner raisonnablement le nom d’ondes de gravita- tion, car si la gravitation n'implique pas la propa- gation d’une onde, mais seulement un état de dé- formation statique ou de tension, cependant la vitesse que nous venons de calculer serait celle de la propagalion de la tension qui accompagnerait la création d’une masse matérielle ou probablement un mouvement suffisamment rapide d’une masse déjà existante. Ce mouvement paraitrait apte à pro- duire des effets d’aberration, mais ces questions d'aberration sont, comme on sait, hérissées de difficultés, et, si j'y fais allusion ici, c’est simple- ment parce qu'ilest douteux que la difficulté sou- levée par Laplace fût sensible en Astronomie si la gravitalion se propageait un million de fois plus M vite que la lumière. L'impulsion du Soleil nous ar- riverait dans le temps que la lumière met à par- courir 92 milles, c'est-à-dire presque inslanta- nément, ou, en d’autres termes, l’angle d'aberra- tion terrestre dû à la gravité n’atteindrait que la cent millième partie d’une seconde d'arc. 3 Mais que penser de l'expérience de Cavendish, Faraday, Maxwell, cette expérience qui doit dé- montrer l’incompressibilité del’éther, la loi de l’in- verse du carré des distances en Electrostatique, ou l'impossibilité de l'existence d’une charge élec- trique isolée ? On ne peut assigner une valeur à l’élasticité que devrait avoir l’éther pour trans- mettre des ondes de condensation avec la vitesse calculée précédemment, si nous ne connaissons pas sa densité. Le docteur Lennox a montré qu'il y a des raisons de supposer que la densité de Pé- M ther est la même que celle du platine. S'il en est … ainsi, et sila vitesse des ondes longitudinales est de 1015 C. G.S., la compressibilité doit être infé- rieure à 10% C. G.S, c'est-à-dire trop petite pour qu'aucune expérience puisse la déceler. Si nous indiquons ces faits, c’est dans le but d’inspirer cette conviction que rien, dans l’état actuel de nos connaissances, ne s'oppose absolu- ment à l'existence d'ondes longitudinales dans l'éther ; mais il reste à prouver que les rayons de. Rüntgen sont bien des ondes de cette sorte. Si nous admettons qu'il y ait propagation d'une onde, quelle qu'elle soit, tout argument contre les ondes transversales est en faveur des ondes longitudi- nales, et vice versa. IV É Ce qui aamené Rüntgen à croire à l'existence d'ondes longitudinales est le fait que les propriétés des cristaux ne jouaient aucun rôle; par exemple, le spath d'Islande et le quartz ont une transpa- … rence et une opacité indépendantes de l'orienta- tion. Mais on conviendra qu'une pareille preuve \ n'a pas grande valeur. Si la tourmaline est trans- 0.-J. LODGE — HYPOTHÈSES ACTUELLES SUR LA NATURE DES RAYONS DE ROENTGEN 9257 parente aux rayons de Rüntgen, qui se propagent suivant son axe, la preuve sera meilleure, et j'ai - vérifié moi-même que lel est bien le cas. J.-J. Thomson a trouvé également que deux tourma- lines superposées, laillées comme d’ordinaire, pré- sentent la même transparence quand leurs axes sont croisées ou parallèles, ce qui est une preuve excellente. On n'a encore rien observé qui fasse croire à une polarisation quelconque, ce qui est en opposition avec l'hypothèse des ondes transver- sales et en faveur des ondes longitudinales. Mais l'argument le plus puissant en faveur des ondes longitudinales réside dans ce fait que les rayons déchargent des corps électrisés. Lenard l’a observé; J.-J. Thomson et moi, nous avons obtenu facilement cet effet en opérant comme Rüntgen; mais ce qu’il ya de particulier, c’est que, contraire- ment à la lumière, l’action de ces rayons est à peu près indépendante du signe de l’électricité. Elster et Geitel ont montré que, quand la lu- mière polarisée décharge une surface bien unie, l’action est la plus énergique lorsque l’oscillation électrique, au lieu d’être tangentielle, a une com- posante normale à la surface, en d’autres termes, lorsque la composante longitudinale de la lumière ordinaire est, de beaucoup, la plus active dans la décharge de l'électricité. M. Robinson croit avoir observé le même fait en ce qui concerne l'excitation de ia fluorescence; cette observation a de l'importance, si elle est * exacte, mais l'étude n’est pas encore achevée. Si le fait se confirme, ies deux propriétés connues des rayons de Rüntgen sont caractéristiques des vibrations normales à l'onde. Quant à l’action photographique ou radiogra- phique, elle est trop lente et trop défectueuse jus- qu'ici pour avoir l’air d’un effet primaire direct; mais il semble, là encore, que l'épaisseur des cou- ches facilite l'action. Un autre fait qui donne aux rayons de Rüntgen l'air de tenir à la gravitation est qu'ils semblent dépendre du poids spécifique ou de la densité ordinaire plus que de tout autre propriété de la matière. On peut le dire sans conclure que l’opa- cité et la densité soient rigoureusement propor- tionnelles. En tout cas, les propriétés électriques de la matière ne semblent jouer aucun rôle : le poli ou la rugosité, la cohérence et la pulvérisation d'une masse, sont lout un pour ces ondes, aussi bien que pour la gravité. La direction dans un cristal n'influe pas, non plus que la forme ; un prisme d’aluminium ne les dévie pas; elles ne peuvent être réfractées ni ré- fléchies d’une façon appréciable. Si l’on trouve que l’état physique estégalement sans importance et que les molécules exercent la même absorption, qu'elle que soit la structure, que le corps soit solide, liquide ou gazeux, on aura une nouvelle preuve en faveur de la même hypothèse. Un vaste champ s'ouvre donc à l’expérience. Plusieurs semaines suffiront peut-être à établir notre conviction dans l’une ou l’autre des voies déjà indiquées, ou bien nous pourrons nous trouver contraints, par des faits nouveaux, de suivre quelque autre direction à laquelle nous n'avions pas encore pensé. Pour conclure, rappelons que Lenard, Hertz, Goldstein et les savants allemands en général (sauf Helmholtz, l'exception a son importance) ont toujours soutenu que les rayons cathodiques sont quelque chose de plus qu’un flux de parti- cules, dans le cas où ce flux existerait; Lenard l’a prétendu pour ses rayons extérieurs dans l’air; Hertz, je crois, l'a prétendu pour les rayons se propageant dans le vide. Il se peutqu'il y ait un flux de particules, mais il se peut aussi qu'il se passe quelque chose dans l’éther. A l'extérieur des tubes, dans les rayons de Lénard, il est possible que les deux phénomènes coexistent, l’un étant déviable par l’aimant sans que l’autre le soit. L'existence des deux phénomènes dans le vide est peu vrai- semblable ; J. J. Thomson a exposé une plaque protégée aux rayons eux-mêmes dans le vide et n'a obtenu aucun résultat. Il semble que les par- ticules mobiles seules ne puissent produire l’action. Si le Soleil émettait des rayons qui pussent im- pressionner les plaques pholographiques à travers les boites ou les sacs, ou même à travers le papier noir, tous les photographes touristes le sauraient ; mais, si les rayons de cathode seuls n’ont pas d'action directe, sans l'intervention d’une sub- stance phosphorescente, l'absence d’une action directe du Soleil ne prouverait nullement que les rayons émis par la couronne ne sont pas élec- triques, bien qu'elle semble condamner une méthode qu’on a proposée pour obtenir facilement l’image photographique de la couronne. Oliver J. Lodge, Membre de la Société Royale de Londres, Professeur de Physique à University-College (Liverpool). 1 The Electrician, n°9 925 de 1896. 258 537,538 SUR LES RAYONS DE RŒNTGEN Dans des Zeçons professées à Baltimore en octobre 1884, où j'ai abordé la question, aujour- d'hui à l’ordre du jour, de la vitesse de propaga- tion de la force électrostatique, je donnais l’exem- ple de deux sphères de métal très éloignées l’une de l’autre, dont les électrisations opposées varient périodiquement, étant entretenues par un fil qui les réunit, ou par une dynamo à courants alternatifs. Considérons quatre sphères de métal, À, B, e, d; à EX Fig. 1. dont les centres soient en ligne droite; leurs rayons et leurs distances sont donnés par la figure 1. Sup- posons qu'elles soient d’abord toutes les quatre électrisées, À et « positivement, B et 4 négative- ment, et que les charges de c et de 4 soient lelles que l’influence de B et de A soit la seule cause qui empêche la production de l’étincelle. Rappro- chons graduellement la sphère À de la sphère B, jusqu'à ce que l’étincelle jaillisse entre elles. L’étincelle, qui jaillit entre c et 4 se produira-t- elle exactement au même instant ou un peu plus tard ? I1nesemble pas facile de répondre parl’'expé- rience à cette question ; mais le souvenir de l’ad- mirable ingéniosité qu'a manifestée Hertz en trouvant le moyen de répondre à des questions connexes nous interdit de désespérer d’avoir jamais la réponse à celle-ci. La théorie qui considère l’éther comme un solide élastique donnera une différence de temps infiniment petite entre les deux étincelles, si l’on introduit larestriction de l’incompressibilité(qu'ex- priment les formules de Maxwell). Si l'on supprime cette restriction, la théorie donne pour le retard une quantité qu'on peut déduire de la vitesse de l'onde de condensation. Mais je sens que c’est abuser des mots que de parler d’une théorie de l'électricité et du magné- tisme basée sur la considération d’un solide élas- tique, tant que personne n’a, jusqu'ici, montré comment on trouverait, dans un solide élastique, quelque chose d’analogue à l'attraction mutuelle de la cire frottée et d’un petit morceau de papier, LORD KELVIN — EXPÉRIENCES A TENTER SUR LES RAYONS DE ROENTGEN EXPÉRIENCES A TENTER ou à celle d’un morceau de fer et d’un aimant naturel ou artificiel. Le solide élastique (ou une. analogie mécanique définie) est cependant néces= saire à la théorie ondulatoire de la lumière et des ondes électriques etmagnétiques. La connaissance exacte des propriétés d’un solide élastique réel, enseignée par l'observation et l'expérience, aidées des mathématiques, nous suggère des idées et nous guide vers une théorie générale qui renfer- mera la lumière (ancienne et nouvelle), l'ancienne et la nouvelle science électrique et l’ensemble de l’électro-magnétisme. | Considérons, maintenant, les quatre conduc=. teurs ci-dessus, donnant naissance à des ondes de l’éther dont la perturbation suivant la ligne des É centres est essentiellement longitudinale. A toute distance finie de cette ligne, il peul y avoir aussi des ondes de laminage ou de distorsion, du type de celles qui figurent dans les équations de. Maxwell. Le but de ma présente communication est d'indiquer un dispositif dans lequel un espace notable soit traversé par des perturbations ana- l'ogues à une pression, c’est-à-dire par des ondes … essentiellement longitudinales ou par des vibra- … tions de condensation et de raréfaction; iln’y aura d'ondes de laminage que dans une proportion très faible, elles seront pratiquement évanescentes. Soit AA (fig. 2) une lame de métal plane et cir- culaire, isolée à l'intérieur d'une boîte métallique \ CCC'C', et D un conducteur qui puisse être amené en contact avec A. | Supposons d’abord A chargé, positivement par … exemple, comme l'indiquent les lettres PP pp; NN nn représentent l'électricité négative induite. Déplaçons le conducteur D jusqu'à ce qu’une étincelle passe. Qu'en résultera-t-il dans l’espace qui sépare AA de RR? Suivant que l’éther sera incompressible ou compressible, la force élec- trique commencera à diminuer rigoureusement au même instant en tous les points, ou bien des ondes … & J. BERGERON — LES RÉCENTES ÉTUDES SUR LÉS FAUNES LES PLUS ANCIENNES 9259 électriques de déplacement presque exclusivement - longitudinal se propageront. Si donc la théorie des ondes longitudinales, en faveur de laquelle Rüntgen a fait valoir des arguments de grand poids, est vraie, il semble probable qu'une plaque photographique sensible, placée entre AA et RR, serait impressionnée comme le sont les plaques sensibles par les rayons de Rüntgen. Une machine de Wimshurst ou une bobine d'induction, disposée de façon à charger continuellement AA avec une grande rapidité, pour produire une succession d'étincelles excessi- vement rapide entre D et A, peuvent fournir un résultat observable. En faisant l’expérience, il fau- drait se préserver avec soin contre la lumière des étincelles et empêcher qu'une illumination géné- rale de la boite ne causàt une action photogra- phique ordinaire sur la plaque sensible. On peut modifier la disposition en faisant le couvercle RR d'une feuille d'aluminium d'environ un millimètre d'épaisseur, et plaçant la plaque photographique ou la substance phosphorescente sur la face extérieure du couvercle ou en un point quelconque au-dessus. Dansle cas d’une plaque pho- tographique, il faudrait évidemment la recouvrir de métal ou de bois pour supprimer toute lumière extérieure ordinaire. Cette disposition permettra - d'augmenter la distance explosive en D jusqu'à ce que l’étincelle passe de préférence entre AA et le couvercle d'aluminium RR. La transparence de l'aluminium à la lumière de Rüntgen permettra une impression de la plaque photographique. PNR La nouvelle photographie, d’après ce qu’on sait généralement jusqu'ici, n'a été encore réalisée qu'à l’aide de lumière produite par une action élec- trique dans le vide ; mais ce vide n'est pas essen- liel pour la production de la lumière de Rüntgen; c’est du moins ce qui semble résulter d’une expé- rience de Lord Blythswood, décrite par lui à la séance du 5 février de la Société philosophique de Glasgow. Il a présenté une plaque photographique sèche avec une impression parfaitement nette, obtenue en la plaçant à l’intérieur de son châssis à négatifs, enroulée plusieurs fois dans du velours noir et maintenue en face de l’espace qui sépare les électrodes de sa puissante machine de Wimshursl, mais en dehors du trajet de la décharge. Dans ce cas, l’action photographique était due, peut-être totalement et à coup sûr en partie, à des étincelles électriques ou à des aigrettes jaillissant à l’inté- rieur du châssis, qui était, comme d'ordinaire, fait d’acajou avec charnières et monture métalliques. Je lui ai suggéré l’idée de répéter ses expériences avec une boite d'aluminium complètement close, au lieu d’un châssis photographique ordinaire, sans l’envelopper de drap noir. La boite métallique entièrement fermée sera une garantie parfaite contre toute étincelle ou toute aigrette intérieure !. Si la disposition que je suggère actuellement donnait un résultat photographique satisfaisant, ou si elle fait apercevoir une illumination visible d'une matière phosphorescente placée en un point quelconque entre AA et le couvercle ou au-dessus de ce couvercle d'aluminium, l’hypothèse de Rüntgen serait vérifiée. Mais l'insuccès de l'expé- rience ne prouverait rien contre cette hypothèse. L'action électrique, même quand l’étincelle se pro- duit en un point aussi rapproché du champ de l'action cherchée que l’est D dans la disposition précédente, peut n'être pas assez brusque, ni assez violente pour produire des ondes longitudi- nales ou des vibrations de condensation suffisant à impressionner une plaque photographique ou à produire une phosphorescence visible ?. Kelvin, Ancien Président de la Société Royale de Londres, Professeur de Philosophie naturelle à l'Université de Glascow. 652 LES RÉCENTES ÉTUDES SUR LES FAUNES LES PLUS ANCIENNES J'ai exposé ici mème !, il y a cinq ans, com- ment la faune dite « primordiale » pouvait être considérée non comme une faune à son apparition, mais comme offrantles indices d’une évolution très avancée. Je m'étais appuyé sur ses caractères pa- léontologiques. De plus, j'avais expliqué par le mé- tamorphisme le voisinage des premières couches 1 La faune primordiale est-elle la plus ancienne? Revue générale des Sciences. — 15 décembre 1891. fossilifères et des roches cristallophylliennes. De récents travaux sont venus confirmer cette manière de voir, et je crois intéressant de les résumer brièvement. Ainsi que je l'ai déjà dit, les premiers sédiments dans lesquels apparaissent des restes de fossiles _: VSD ERER ES | NES 1 L'expérience a été faite; on en a lu le résultat dans l'ar- ticle de M. Raveau. NoTE DE LA DIRECTION. 2 Communication à la Société Royale de Londres. 260 J. BERGERON — LES RÉCENTES ÉTUDES SUR LES FAUNES LES PLUS ANCIENNES constituent le terrain cambrien. Ge terrain se divise en trois élages caractérisés chacun par une faune trilobitique spéciale. Dans l’étage inférieur ou Géor- gien sont cantonnées les formes du genre Olenellus ; puis vient l’Acadien, où prédomine le genre Para- doxides ; enfin, le Potsdamien renferme les repré- sentants du genre Olenus. Ces trois étages, avec leurs faunes spéciales, se retrouvent dans la partie septentrionale de l'Eu- rope aussi bien que de l'Amérique du Nord. Peut- être une pareille succession existe-t-elle également dans la région méditerranéenne de l'Europe où le Cambrien a été reconnu; mais les études n’y ont pas été poussées assez loin pour qu’il soil possible de se prononcer à cet égard. Néanmoins la cons- tance de superposition de ces trois faunes dans la région septentrionale nous permet d’être affirmatil quant à leur ordre de succession. Aussi la décou- verte de loute faune nouvelle! dans le Cambrien est-elle faite pour nous surprendre et surtout pour nous intéresser d’une façon toute spéciale. M. G.F. Mathew de Saint-John (Nouveau-Bruns- wick), à qui l’on doit déjà tant de beaux travaux sur le Cambrien de l'Amérique du Nord, vient d'étudier une faune nouvelle caractérisée par la présence de Trilobites appartenant au genre Pro- tolenus. Depuis quelques années déjà, on avait recueilli, dans la pointe N.-E. de l'Amérique, des fossiles paléozoïques dont la position stratigra- phique, comme les caractères paléontologiques, avaient passé inaperçus. Gräce à M. Matthew, qui en a repris l'élude, il est bien établi que ce n'est pas la faune à Olenellus ; par sa position stratigra- phique, d’ailleurs encore mal connue, elle pourrait en être synchronique, mais alors elle correspon- drait à un facies spécial. Peut-être serait-ce une faune encore plus ancienne ? Voici, d’ailleurs, quelques-uns des caractères généraux de cette faune, Lels que M. Matthew les a résumés lui-même. Tous les Trilobites qu’on y a rencontrés ont des yeux formés par une simple bande visuelle, ce qui semble être un caractère d'ancienneté, puisque postérieurement au Cam- brien, on ne connait plus dans les Trilobites d'yeux ainsi organisés. Ce fait que tous les Trilobites de la zone à ?rotolenus ont les yeux constitués de même, indique une différenciation moindre entre tous les genres qu'on y rencontre, que celle qui existe le plus souvent entre les formes d’une même faune. De plus, plusieurs espèces semblent pré- senler des caractères embryonnaires de formes que l’on connaît dans des horizons plus récents. Tel est le cas pour les Aicmacca, qui seraient les ancêtres des Zacanthoïdes de la zone à Olenellus. 1 The Prololenus Fauna. Trans. New-York Ac. of Science, t. XIV p. 101, 1895. Certaines formes de Protolenus rappellent à la fois les Plychoparia par leur plèvres et les Solenopleura par leurs glabelles; l'Acadien. Un caractère d'ancienneté relative serait tiré encore des dimensions assez grandes des repré sentants des genres Æipsocephalus et Protolenus qui s’y rencontrent ; tandis que, dans les niveaux plus récents, les formes de ces mêmes genres ont une taille bien inférieure. Ilen serait de même pour les: Ostracodes dont les dimensions vont aller en se réduisant aux époques suivantes. Cette faune présente encore d’autres caractères qui, pour M. Matthew, indiqueraient un habitat pélagique. Les Gaslropodes comprendraient des formes de la famille des Zyohtidæ ; 1 y aurait même. un Hétéropode de haute mer appartenant au genre nouveau ?elagiella. Les Foraminifères se rapporte= raient aux genres Orbulina et Globigerina, qui vivent actuellement à de grandes profondeurs. De plus, 1 les Polypiers et les Spongiaires sont rares. Cette faune, à la fois ancienne et de haute mer, est, d’ailleurs, bien distincte de celle à Olenellus;. elle ne présente pas, notamment, l’association de genres de Trilobiles qui caractérise cette der- nière. L'ensemble de tous ces caractères ne suflil pas. pour affirmer l’antériorité de la faune à Protolenus par rapport à celle à Olenellus; mais, au cas où elle ne serait pas plus ancienne et où elle corres- pondrait bien à un faciès pélagique, elle offrirait, encore le grand intérêt de montrer qu’à l’époque cambrienne, il y avait non seulement une faune boréale et une faune méditerranéenne, ainsi que nous l'avons déjà dit dans notre premier article, mais encore des faunes correspondant à des faciès différents. Cette nouvelle notion viendrait à l'appui de ce que nous avons dit relativement à l'évolu= tion qu'aurait subie une faune antérieure à la faune cambrienne. En même temps que M. Matthew étudiait cette nouvelle faune, M. Barrois ! découvrait, dans les schistes de Lamballe, en Bretagne, à un niveau inférieur à la série cambrienne, des traces de Radiolaires. M. Cayeux, qui a poussé très loin leur étude micrographique, y a reconnu, en plus, des. traces de Spougiaires et de Foraminifères. D'après ce même auteur?, les Radiolaires de Bretagne appartiennent aux deux groupes des” Spumellaria et des Nassellaria, déjà connus pour être les plus anciens. Parmi lé premiers, ce sont. les Cenosphæra, les plus simples des Radiolaires, l Comples rendus, Ac. Sc., t. CXV (1892), p. 327. 2? Les preuves de l'existence d'organismes dans le terrain précambrien. Bull. Soc. géol. Fr., 3° s., t. XXII, p. 197. ces derniers genres seront représentés par un grand nombre de formes dans” { Q J. BERGERON — LES RÉCENTES ÉTUDES SUR LES FAUNES LES PLUS ANCIENNES qui sont les plus abondants; ce genre existe encore, - et il est représenté par plus de trente espèces dont * l'habitat est très variable. Mais ce serait, au dire d'Hæckel, la forme souche du groupe des Sphæ- roidea; il y aurait donc, dans cette faune, des types - ancestraux. Mais, à côté, dans les mêmes souches, se trouveraient d’autres Radiolaires déjà très dif- férenciés, témoignant d'une évolulion avancée, comme c’est le cas pour certains Sphæroïdea. Parmi les espèces précambriennes de Lamballe, il y en a plusieurs qui vivent encore, mais à de grandes profondeurs. C’est là un fait qui avait été déjà signalé par MM. Rüst et Hinde, pour les Radio- laires paléographiques, et qui montre la persis- tance des organismes les plus simples. Les mêmes couches de Lamballe renferment encore des spicules appartenant aux quatre or- dres d'Éponges siliceuses actuellement vivants !. Enfin, M.Cayeux a cru reconnaitre, dans des orga- nismes de forme sphérique, des Foraminifères mul- tiloculaires? qui,pour lui, seraient déjà très évolués. Comme conclusion de ses travaux sur les Proto- zoaires du Cambrien de Lamballe, M. Cayeux est amené à admettre que les faunes de Radiolaires, de Spongiaires et de Foraminifères de ce niveau témoignent d’un tel degré de développement, qu'elles ne peuvent être les formes les plus an- ciennes; elles aussi sont le résultat de l’évolution de faunes antérieures plus simples. La série précambrienne de Bretagne renferme encore dans les lentilles calcaires des débris de tiges d’encrines dont M. Barrois* a signalé l’exis- tence depuis longtemps, mais dont il vient de pré- ciser l’âge d’une façon définitive. Il semble, d’après les travaux que nous venons d'analyser, que ce soit la Bretagne qui ait, jus- qu'ici, présenté la faune la plus ancienne. On ne peut encore, en effet, être bien sûr que le niveau à Neobulus, rencontré par M. Nœætling' dans le Salt Range (Inde), soit inférieur aux couches à Olenellus. La faune en est d’ailleurs très pauvre et ne renferme aucune forme qui puisse donner quelque idée de ses caractères phylogénétiques, ni des conditions de milieu dans lesquelles elle a pu vivre. En résumé, les découvertes paléontologiques récentes, loin de modifier les conclusions que j'avais émises il y a cinq ans, sont venues les confirmer. Il en est de même pour ce que j'avais dit du 1 Annales Soc. géol. du Nord, t. XXII, p. 52. 2 Comples rendus, Ac. Sc., t. CXVIII, p. 1433. — Ann. Soc. géol. du Nord, t. XXII, p. 116. 3 Le calcaire de Saint-Thurial (Ille-et-Vilaine), Ann. Soc. géol. du Nord, t. XXIIT, p. 38. 4 On the cambrian formation of the castern Solt Range, Records geol. Surv. of India, vol. XXVII, pl. 3, p. 11, 1894, 261 mélamorphisme. Le voisinage de la faune primor- diale et des couches cristallophylliennes avait été invoqué à l'appui de l'opinion que cette faune était la plus ancienne, puisqu'elle se rencontrait pour ainsi dire dans les premières couches franche- ment sédimentaires. Les partisans du métamor- phisme répondaient que la série cristallophyl- lienne ne devait pas être la première croûte produite par le refroidissement progressif de la Terre, mais qu’elle devait être constituée par une série de dépôts sédimentaires, transformés en roches cristallines sous l'influence d'agents encore mal connus (pression, chaleur, contact de roches éruptives). En conséquence, il aurait pu exister, dans ces terrains mélamorphisés, d’autres faunes plus anciennes que la faune cambrienne, mais dont toute trace aurait disparu par suite de la cristallinité des assises. Or, j'ai constaté récem- ment, dans la Montagne-Noire ‘, le passage par mé- tamorphisme des schistes et calcaires cambriens à des gneiss, des micaschistes, des amphibolites et des pyroxénites ; M. Termier a montré, de son côté, que le métamorphisme pouvait atteindre les assises permiennes*® el peut-être même les assises tertiaires *. Dès lors, comment douter qu’une bonne partie des sédiments précambriens aient pu être tota- lement métamorphisés, eux qui ont eu à subir tant de dislocations, el qui ont été traversés par tant de roches éruptives depuis l’époque de leur dépôt ? Si notre conclusion esl encore qu'il y a eu pro- bablement bien des faunes avant l'apparition de celle que l’on considérait autrefois comme la plus ancienne, il nous faut aussi reconnaitre que les preuves de plus en plus nombreuses de la géné- ralité du métamorphisme viennent nous ôter toute espérance de pouvoir remonter bien haut dans la connaissance des êtres de la série paléontologique. Nous ne semblons donc accumuler tant de preuves de l'existence de faunes antécambriennes et de leur évolution, qu'au moment où nous nous ren- dons mieux compile que la faune précambrienne ou même cambrienne, suivant les points, pourrait bien être primordiale, ainsi que le pensaient nos prédécesseurs, mais seulement de fait. Cela ne veut pas dire cependant que nous n’ayons fait aucun progrès par rapport à eux, car c'est déjà une supériorilé que de savoir pourquoi nous ne voyons pas plus loin. J. Bergeron, Professeur de Géologie à l'École Centrale des Arts et Manufactu Sous-Dir. du Laboratoire de Géologie à la Sorbonne. 5 1 Comples rendus, Ac. d. Sc. Séance du 9 Décembre 1895. 2 Bull. Services. Carles Géol. de la Fr., n° 44, t. VII, p. 51. 3 Comptes rendus, Ac. Sc., 1895. — C. R. des Séances de la Soc. Géol. Fr.,t. XXIII, p. 202. 262 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES ACTUALITÉS 1 SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES LES NOUVEAUX TOUEURS A ADHÉRENCE MAGNÉTIQUE DE M. DE BOVET 3 On sait que depuis 1856 est immergée dans la Seine, une chaîne destinée au service du touage. Cette chaîne va actuellement de Montereau à Rouen, ce par- cours total étant exploité par 3 compagnies distinctes. Des bateaux à vapeur remorquant des convois de marchandises prennent appui sur cette chaîne pour remonter le courant, on les désigne sous le nom de toueurs. La chaine simplement posée sur le lit du fleuve se relève pour passer sur le pont de chaque toueur; vers le milieu de la longueur de ce pont elle s’enroule sur un treuil mû par une machine à vapeur, et, à con- dition qu'il n’y ait pas de glissement, la rotation du treuil produit l'avancement du bateau. Pour des raisons que nous allons indiquer, le défaut tion qui ne laisse pas d’être dangereuse en temps de hautes eaux et qui est toujours laborieuse, surtout si chacun des toueurs remorque un convoi. Comme, de plus, la descente d’un convoi derrière un toueur, quand lecourant est rapide, est très difficile et peut devenir impraticable, les entreprises de touage en étaient venues, en général, à n’employer leurs toueurs qu’à la remonte. Ceux-ci descendaient à vide, s’employant uniquement à replacer la chaine déviée par les convois montants, et laissant, à tout le moins, pour la conduite des bateaux avalants, la place libre à la concurrence des remorqueurs. L’utilité de pouvoir rendre un bateau à volonté loueur ou remorqueur se concoit dès lors facilement. RARES Fig. 1, — Vue d’un loueur-remorqueur à adhérence magnétique. principal de ces bateaux provenait de la facon dont il avait fallu jusqu'ici construire le treuil de touage pour arriver à réaliser entre lui et la chaine l’adhérence nécessaire. Il y a trois ans M. de Bovet, directeur de la Compagnie du Touage de la Basse Seine et de l'Oise, ap- portait à cette industrie un perfectionnement considé- rable en remplacont ce système de treuil par une simple poulie aimantée. L’Ampère, construit sur les plans de l'inventeur et mis en service en 1893, fut le premier bateau de ce type. Les essais en furent suivis avec d'autant plus d’in- térêt qu'il y avait là, d’une part, la solution d’un problème fort intéressant pour l'industrie du touage et depuis longtemps à l’étude en Allemagne et en France, la réalisation d’un bateau à la fois toueur et remorqueur, et, d'autre part, la première application à la grosse mécanique de l’attraction magnétique. Sans entrer dans des détails d'ordre un peu trop spécial, nous rappellerons que les toueurs des anciens systèmes portant 50 mètres de chaîne enroulée sur leurs treuils sont absolument rivés à cette chaîne. Ne la pouvant pas quitter, quand ils descendent, ils ren- contrent les toueurs montants, et le croisement, de quelque façon qu’on le fasse, donne lieu à une opéra- Elle ne consiste pas à améliorer le rendement des anciens appareils, rendement qui était déjà très bon. mécaniquement ; mais elle aboutit à une utilisation infiniment meilleure d’un matériel donné en permet tant de faire avec une seule chaîne un service à deux voies. Ë La solution du problème dépendait uniquement de la découverte d’un moyen permettant d'obtenir une adhérence suffisante entre le toueur et la chaine, tout M en n'ayant sur l'appareil de touage qu'une longueur de cette chaîne ne dépassant pas 3 à 4 mètres. | M. de Bovet a réalisé ce desideratum en employant” comme organe principal de touage un électro-aimant circulaire de 1*,200 de diamètre, sur lequel la chaîne fait 3/4 de tour, ce qui suffit à assurer une adhérence de 6,000 à 10.000 kilos, selon le degré d'usure de la chaîne 1, | Il est à remarquer que, si la force nécessaire pour provoquer le glissement entre la chaîne et la poulie ————_—_—_—_—_—— 1 La chaîne employée par la Compagnie de Touage de la Basse Seine pèse neuve 15k500 le mètre. Elle est retirée du service lorsque son poids descend à 9 kilos environ le mètre. Lin + atteint, comme on le voit, un chiffre très élevé, celle qui peut produire l’arrachement normal d’une maille est, au contraire, très faible, 150 kilos environ. On peut dès lors décoller la chaine de la poulie princi- pale, au point où elle doit la quitter, en se servant d’un second galet aimanté très légèrement et d'où la chaîne, à son point de sortie, se détache d’elle-même en raison, justement, de cette faible aimantation. C’est proprement un procédé par approximations suc- cessives. L’Ampère, sur lequel ces moyens ont été mis en usage pour la première fois, fait depuis trois ans un excellent service, Dès le début, les résultats furent assez satisfaisants et le progrès réalisé assez important pour faire ac- corder à la Compagnie de Touage de la Basse Seine et de l’Oise la prolongation de concession qui lui était nécessaire afin qu'elle püt aborder la transformation Hélice Fig .3.— Disposition d'ensemble du double embrayage de l'hé- lice. — V, volant de la machine à vapeur; A, M, D, pièces de l'embrayage mécanique ordinaire ; C, rainure circulaire de la pièce À, renfermant une bobine reliée aux prises do courant &, b, et portant les deux mâchoires ce, d, de l’em- brayage magnétique. complète de son matériel. Cette transformation est en voie d'exécution : deux nouveaux toueurs-remorqueurs viennent d'être achevés et ont été, le 20 novembre dérnier, l’objet d’essais inauguraux en présence d’un groupe de nombreux ingénieurs et électriciens. Le Paris et le Conflans fonctionnent d’après les mêmes principes que l’Ampère, mais présentent, par rap- port à ce dernier, de nombreuses et très ingénieuses modifications sur lesquelles il nous paraît utile d’ap- peler l'attention. La figure { donne une vue d'ensemble de ces nouveaux bateaux. La machine motrice principale actionne, à volonté, au moyen de deux embrayages, l’hélice qui sert pour le remorquage en descente, ou l'appareil de touage qui sert pour la traction, en remonte. La figure 2 donne la disposition schématique de l’ensemble de l'appareil de touage : À est la poulie principale de touage, excitée par un courant de 35 ampères au maxi- mum, correspondant à 28.000 amp. tours; B est la poulie de décollement, qui arrache la chaine de la poulie principale. La transmission de mouvement de À à B se fait par deux roues dentées montées sur les arbres respectifs de ces poulies ; ces roues existant, il n'en coùtait que peu d’en ajouter une troisième sur l’arbre de la poulie d'entrée C et de rendre ainsi cette dernière motrice. La poulie C peut alors être aimantée fortement, si en très grosses eaux on a besoin d’un supplément d’adhé- rence, ou très légèrement quand le toueur doit faire une assez longue marche en arrière pendant laquelle la poulie C joue le rôle de poulie de décollement. IL est nécessaire, pour faire du touage avec des toueurs passant sur la chaîne toujours dans le même ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES sens, de pouvoir conserver à bord momentanément et évacuer progressi- vement le mou qui se produit dans la chaîne au moment où on entre en cour- be. Ce mou s’accu- mule dans le puits à chaîne D par l’ac- tion du frein ma- gnétique en forme de gouttière placée en E et dont l'effet peut être réglé par la graduation du brayage magnéti- que. — V, volant dela machine à vapeur; B, manchon mobile de l'embraya- ge. courant qui lui estenvoyé. Au moyen d’un système de relèvement par vis sans fin, ce frein peut être mis juste sur la ligne de la chaîne, quand il doit agir, ou être abaissé de façon à réduire à rien le frotte- ment dans la période où il n’agit pas. Nous insisterons sur une innovation des plus heu- reuses, l’addition à l’em- brayage mécanique de l’hélice d’un embrayage magnétique. Quand le bateau mar- che sur l’hélice, cette der- nière est embrayée à la faconordinaire; la dynamo eststoppéeeton n’a besoin d'aucun courant, Quand le [l 1 Les fm 1 LEZ 1 Le 2 ==} k- l AE IISE | RON ei) ls eRiice ro LL LM TRRSE LEE LL Tate rouler eiltanaenc JE QE CE PR VA PL AR LE BE RES Fm LS IE AILE 4} va qq pie ps T =: ; 2 ESP PER CPE PS PSS PA EE ER Sms meme mom e-demmmmenm— mme que = mm ——— = he qe "TT a NRTE 263 lement; C, poulie d’entrée, pouvant eco oulie de d B, p E, frein magnétique. uage puits à chaîne; ière; D, , poulie principale de to de décollement dans la marche en arriè à adhérence magnétique. — A fonctionner comme poulie un baleau toueur-remorqueur . — Coupe longitudinale d’ 264 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES bateau est sur Ja chaîne, l'embrayage mécanique est ! débrayé ; mais alors, soit qu’on veuille momentané- ment faire marcher l’hélice pour augmenter l’action du gouvernail arrière, soit que, la chaîne cassant, il faille vivement mettre l'hélice en marche pour tenir le convoi et éviter un désastre, il suffit aucapitaine de tourner un bouton pour que, sans faire stopper la machine ni même avoir à prévenir le mécanicien, l'hélice soit embrayée. La figure 3 indique la disposition d'ensemble du double embrayage de l’hélice. — V est le volant de la machine à vapeur. À l’extrémité de l’arbre de l’hélice on voit toutes les pièces de l'embrayage mécanique AMD, dans sa forme habituelle. Toutefois, la pièce A est évidée suivant une rainure circulaire C dans la- quelle est placée une bobine de fil aboutissant aux bagues de prise de courant a et b et portant solide- ment fixées les deux mâchoires € et d de l'embrayage I] se compose essentiellement, pour une remorque; d'un double tambour à gorge sur lequel elle vient s’enrouler. Ces deux tambours étant montés fous sur leurs axes sont maintenus par le moyen d’un frein à lame, dont la disposition particulière constitue l’origi= nalité du système, j Comme on le voit sur la figure 5, les extrémités libres des deux lames aboutissent à une tête de bielle sur laquelle elles viennent s’articuler, qui est elle- même mobile autour d'un axe vertical 4 et peut pren-… dre cependant un certain jeu dans le sens de la tan gente commune aux deux poulies de frein. De cette facon la lame serre dans le sens conve- nable sur chacun des tambours et il y a toujours compensation spontanée, si les sabots des deux lames s’usent inégalement. Le serrage se fait progressivement pendant le démarrage d’un convoi au fur et à mesure que les bateaux successifs se mettent en route. Len au convoi Fig. 5. — Disposilion schématique du boulard des toueurs à adhérence magnétique. — La partie supérieure représente, en plan, la partie inférieure en coupe. magnétique. Le manchon mobile de ce dernier est logé contre le volant de la machine, rappelé en arrière par quatre paquets de rondelles disposées comme l’in- dique la figure 4, et produisant l’entraînement, en cas d’aimantation, au moyen de deux tenons G (fig. 3), venus de fonte et entrant dans des fenêtres ménagées dans des renforcements du voile. M. de Bovet a introduit sur ces bateaux une autre innovation des plus importantes : ce sont des bou- lards! spéciaux permettant l’usage comme remorques de cordes en acier minces et légères. Jusqu'ici on employait comme remorques pour atteler le convoi de très grosses cordes en chanvre d’un poids énorme (55,500 le mètre) coùteuses et surtout très laborieuses à manœæuvrer, aussi bien pour les hommes du convoi que pour l’équipage du toueur. Si, notamment, au dé- marrage, il se produit à la machine un à-coup brusque, ce qui est toujours à craindre, ces cordes lourdes ab- sorbent, pour effacer leur flèche, une quantité énorme de force vive. Elles font volant et, à leur défaut, le toueur n'étant pas du tout dans le cas d’un remorqueur dont l’hélice peut barboter et devant avancer de la quantité de chaîne qu’il enroule, des remorques lé- gères transmettraient aux péniches, d'ordinaire peu solides, un choc qui les casserait inévitablement. . Le boulard imaginé par M. de Bovet supprime cet inconvénient en faisant intervenir son élasticité pro- pre et réglable à volonté. 1 Le boulard est la pièce sur laquelle est fixée la remor- que reliant le bateau toueur au convoi. fonctionnement est très doux et donne toute la sécu- rité désirable. x Les tambours à frein, ceux sur lesquels vient s'em-, magasiner au delà du frein la partie inutilisée de la remorque sont logés à bâbord et à tribord sous le pont (seuls les premiers font une légère saillie de 0,15 environ). Le tout est manœuvré au moyen de quatre. volants portés sur colonnes à la portée du pilote, à, côté de la roue de gouvernail avant. Sur le poste du capitaine se trouvent : la roue du gouvernail arrière, l'appareil de relèvement du frein, les poignées des rhéostats pour le réglage du cou- rant dans les poulies A et B (fig. 2), dont les bobines sont en série, et dans le frein, et le bouton de com- mande de l'embrayage magnétique de l’hélice. | Le tableau de distribution et la manœuvre éventuelle du courant dans la poulie C se trouvent dans la chambre des machines. Le mérite principal des diverses dispositions que nous venons de décrire réside en ce que, pour ingé- nieux qu'ils soient, tous ces appareils ont un fonction: nement d’une sûreté et d'une simplicité qui ont beau- coup frappé les visiteurs. Il n’y a même pas d'ouvrier M électricien à bord, et au bout de trois ans de service de l’Ampére le besoin ne s’en est jamais fait sentir. Les très nombreux perfectionnements de détail réalisés sur ces nouveaux toueurs achèvent et com= plètent la transformation de l'industrie du touage, commencée avec l’Ampére. $ E. Avril, Ingénieur civil. ë 7 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Vogt (H.), Ancien élève de l’École Normale Supériewre, Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de Nancy. — Leçons sur la résolution algébrique des équa- tions, avec une préface de M. Jules TAnNERY, Dürecteur des Etudes scientifiques à l'Ecole Normale Supérieure. { vol, grand in-8° de vii-201 pages. (Priæ : 5 francs.) Nony et Cie, Paris, 1895, Par sa démonstration de l'impossibilité de la résolu- tion algébrique des équations générales de degré su- périeur. au quatrième, Abel mit fin aux nombreuses et vaines recherches des géomètres de son époque. On se limita alors à la détermination des classes d’é- quations résolubles algébriquement, et, dans ce do- maine, il convient de rappeler en première ligne les travaux de Galois qui, grâce au développement qu'il sut donner à la théorie des substitutions, ouvrit une voie nouvelle aux recherches des algébristes. La théorie des substitutions joue aujourd’hui un rôle important dans l'Algèbre supérieure ; elle a été réunie par M. Jordan en un traité, quirestera une œuvre ma- gistrale, mais qui n’est guère accessible aux commen- cants, Dans son Algèbre supérieure, Serret donne bien un exposé de cette théorie avant d'aborder la résolution algébrique des équations ; cependant, depuis une tren- taine d'années, grâce surtout aux travaux de Kronec- ker, on a réalisé dans ce domaine des progrès si im- portants qu’un ouvrage, tel que celui que vient de publier M. Vogt, est appelé à rendre de grands services. « Ce livre, dit M. J. Tannery dans la Préface, vient prendre une place qui était vide et que l’on sentait vide. » L'auteur débute par un exposé élémentaire de Ja théorie des substitutions, pour étudier ensuite les fonctions rationnelles de plusieurs variables et les rela- tions algébriques entre de telles fonctions; puis il aborde l'étude du domaine de rationalité et la réducti- bilité des fonctions entières, en s'inspirant particuliè- rement des résultats obtenus par Kronecker. C’est ainsi qu'il se trouve conduit aux fonctions rationnelles des racines d’une équation aux résolvants et au groupe d’une équation algébrique. Ces préliminaires une fois exposés, M. Vogt peut entreprendre l’étude des équa- tions du deuxième, du troisième et du quatrième degré, puis le problème général de la résolution algébrique des équations. Il termine par un examen desdifférentes classes d'équations résolubles algébriquement, C’est là que l’on trouve, en particulier, les équations abélien- nes et les équations de la division du cercle. Ce qui fait le mérite de cet ouvrage, ce n'est pas seulement la clarté avec laquelle il est écrit, mais c’est aussi la concision du langage. Le Kvre de M. Vogt ne s’adresse pas seulement à tous ceux qui sont appelés à enseigner les premiers éléments de l'algèbre supé- rieure, mais il est même à la portée des élèves qui sortent des classes de Mathématiques spéciales. H. Fer. Delassus (Et.), Ancien élève de l'École Normale Supé-. rieure. — Sur les équations linéaires aux déri- vées partielles à caractéristiques réelles. (Thèse de Doctorat présentée à la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8° de 67 pages. Gauthier-Villars et fils, imprimeurs-libraires, 55, quai des Grands-Augustins. Paris, 1895. Soit H une équation aux dérivées partielles, linéaire et d'ordre n, entre une fonction inconnue z et deux va- riables indépendantes, + et y. Supposons z et les déri- vées, jusqu’à l’ordre x exclusivement, données sur une courbe GC, c’est-à-dire données comme fonctions de la seule variable æ, y étant lié à æ par l'équation de C. Si Cest prise au hasard, on pourra calculer, comme fonctions de + sur C',les n +-1 dérivées d'ordre n. Le cal- cul devient impossible pour certaines courbes caract é- ristiques C, intégrales d’une équation différentielle or- dinaire du premier ordre. M. Delassus s'attache aux fonctions analytiques réelles, de variables réelles, et étudie les relations de pareilles intégrales F de H avec les caratéristiques C. Une attention particulière est apportée aux lignes L singulières essentielles. (Voir pour la définition, par exemple, mon compte rendu de la thèse de M. Borel, dansla Revue du 30 juillet 1895.) Lorsque les courbes G sont imaginaires, les lignes L des intégrales F peuvent être quelconques; mais, si les G sont réelles, alors les Lsont, ou des courbes fixes, ou des caractéristiques. Signalons une application des fonctions « majorantes » introduites récemment par M. Poincaré, dans ses « Méthodes nouvelles de la Mé- canique céleste.» et une notion spéciale, le « Domaine d’un arc analytique ». Passant au cas de trois variables indépendantes ou, si l’on veut, du plan à l’espace, l’auteur parle de sur- faces caractéristiques, singulières, essentielles, etc. ; plusieurs des résultats précédents ont leurs analogues dans l’espace. ; Une méthode ingénieuse, due à Riemann, ramène l'intégration de certaines équations À du second ordre, à la construction d’une solution particulière, où figu- rent deux paramètres arbitraires, Le procédé estétendu par l’auteur à un ordre quelconque, par une appli- cation de la méthode des « approximations succes- sives » introduite par M. Picard. A une pareille équation H est associée une autre adjointe de même nature ; si l’une des deux se laisse traiter par le procédé de Rie- mann, l’autre est résolue immédiatement, Bref, très intéressante thèse sur une question neuve et difficile. Léon AUTONNE. 2° Sciences physiques. WVullner (Adolph), Professeur de Physique expéri- mentale à l'Ecole Technique supérieure d’Aix-lu-Cha- pelle. — Lehrbuch der Experimentalphysik. Es- ter Band : Allgemeine Physik und Akustik. Zweiter Band : Die Lehre von der Wârme. 5° édition. — 2 vol, gr. in-8° de 1000 pages et 936 pages avec 32 el 431fig. (Prix: 15 fr. le volume). B. G. Teubner, édi- teur, Leipzig, 1895-96, Les deux premiers volumes d’une nouvelle édition du classique « Traité » de Wullner viennent de pa- raître. L'ouvrage est trop connu pour que nous en fas- sions une analyse détaillée; nous nous bornerons à signaler les principales modifications que l’auteur y a introduites, en rappelant que, dans ce livre, la place principale est occupée par la relation des recherches expérimentales, sans que, cependant, les conceptions théoriques aient été négligées. Dans l'édition actuelle, un nouvel ordre de ma- tières a été suivi. Le premier volume est, comme pré- cédemment, consacré à la Physique générale et à l’A- coustique; le second volume renferme maintenant l’é- tude de la Chaleur; le troisième traitera de l’Electri- cité; enfin, la Lumière qui, auparavant, formait la ma- tière du second volume, sera le sujet du quatrième, car l’étude préalable de l'Electricité était nécessaire 266 pour exposer la théorie électromagnétique de la Lumière. Le premier volume qui, malgré la tendance géné- rale du livre, est forcément resté un peu théorique, renferme peu de changements. Toutefois, les travaux de Boltzmann sur le frottement interne des corps, les recherches d’Amagat sur la compression des fluides, les nouvelles méthodes de détermination des cons- tantes capillaires de Quincke, Volkmann, Sondhaus, la théorie de Stefan sur la diffusion des gaz, les théories de Van der Waals, de Van’t Hoff, d’Arrhenius sur la constitution des gaz et celle des solutions, ont été l’ob- jet de nouveaux chapitres. Le second volume contient un grand nombre de nouvelles recherches, parmi lesquelles nous signale- rons : l'application des éléments thermo-électriques à la mesure des très hautes ou très basses tempéra- tures, les travaux d’Amagat sur la compression des gaz à diverses températures, les expériences de F. We- ber sur la conductibilité et le rayonnement, l’étude du calorimètre à vapeur Joly-Bunsen, la méthode de Pfaundler pour la détermination des chaleurs spéci- fiques par le courant électrique, le résumé des nom- breux travaux publiés en ces dernières années sur les points de congélation et d'ébullition des solutions, etc. Le troisième volume,qui traite de l’Electricité et con- tiendra un grand nombre de nouveaux chapitres, doit paraître prochainement. Louis BRUNET. Conférences de Chimie faites au Laboratoire de M. Friedel. Quatrième fascicule, 1893-1894, — Un vo- lume in-8° de 340 pages. (Prix : 12 francs.) G. Carré, éditeur, 3, rue Racine, Paris, 1896, Ce volume de conférences de Chimie, faites au la- boratoire de M. Friedel, à la Sorbonne, que vient de publier M. G. Carré, est certainement des quatre vo- lumes parus jusqu’à ce jour le plus important, si ce n'est par la valeur même de chaque conférence, tout au moins par leur nombre. — Ce fascicule, de 340 pages, ne réunit pas moins de quinze conférences, traitant des sujets les plus divers de laChimie physique, miné- rale, organique, pharmaceutique, physiologique, ete. C'est M. Wyrouboff qui a ouvert la série des confé- rences en entretenant ses auditeurs de la Nature des phénomènes de polymorphisme et d'isomorphisme. Ce su- jet extrêmement délicat, dont le champ d'action se trouve aux confins mêmes des domaines de la Chimie et de la Physique, est traité d’une facon très claire, très concise et surtout très explicite, ce qui est diffi- cile en pareil cas. — M, C. Combes parle ensuite des différents système de Régénération du soufre. On sait que, dans le procédé Leblanc pour la préparation du carbonate de soude, il reste sous forme résiduelle des quantités considérables de soufre à l'état de charrée de soude, soit sulfure de calcium. M. Chance a trouvé le moyen de transformer ces sulfures en sulfhydrates qui, décomposés par de l'acide carbonique, donnent, d'un côté, du carbonate de chaux, et, de l’autre, de l’hy- drogène sulfuré, qui, par combustion, peut être dé- composé en vapeur d’eau etsoufre régénéré. M. C.Charpy examine l’état actuel de nos connaissances sur la Théo- rie des solutions. Puis M. A. Werner, professeur à l'Uni- versité de Zurich, fait une conférence sur là Sféréo- chimie de l'azote. M. Werner, élève et collaborateur de M. Hantzsch, a publié, soit seul, soit avec M, Miolati, de Rome, d'importants travaux sur les isoméries des oximes. M. Werner, parlant de la stéréochimie de l’a- zote, se trouve donc sur un terrain qui lui est familier, et expose son sujet d’une facon extrêmement complète. M. R. Lespiau traite de la Tantomérie et de la desmoiro- pie. M. G. Meillère parle de la Vératrine, alcaloïide em- ployé en thérapeutique, M. R, Engel fait une confé- rence des plus captivantes sur les Formules de M. Thomsen pour la chaleur de combustion des carbures. M. L. Grim- bert parle de la Fermentation anaérobie produite par le bacillus crthobutylicus ; puis M. Em. Bourquelot étudie BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX le Maltose et le Tréhalose, deux principes sucrés très ré- pandus chez les êtres vivants. M. Leduc examine La loi des volumes moléculaires, M. Ch. Moureu étudie la série des Azols, corps renfermant une chaîne fermée com- posée d’un ou plusieurs atomes d'azote, série à laquelle appartient l’antipyrine, le fébrifuge bien connu. M. Paul Freundler présente une étude très complète de la Sté- réochimie du carbone et de ses applications. M. G. Griner examine certains Cas d’isomérie dans la série en CS, puis M. Thomas-Mamert parle de l'Application de la Sté- réochimie aux réactions internes entre les radicaux éloi- gnés d'une même molécule.Enfin,M. A. Béhal fait l'exposé de ses travaux sur les Créosotes officinales, recherches pleines d'actualité, étant donnés les divers emplois que les créosotes officinales ont trouvés dans notre thé- rapeutique moderne. George F. JAUBERT. 8° Sciences naturelles. Bernard (Augustin), Ancien élève de la Facullé des Lettres de Paris, Professeur agrégé d'Histoire et de Géographie. — L’Archipel de la Nouvelle-Calé- donie. — 1 vol. in-8° de xxiv-458 pages avec #7 gra- vures et 2 cartes. Hachette et Cie. Paris, 1895. La Nouvelle-Calédonie présente, sous le rapport de la géographie physique, d’intéressantes particularités. D'autre part, son climat en fait une terre salubre pour nos colons. On y a aussi tenté une expérience de colo- nisation pénale, qui a duré maintenant assez long- temps pour qu'on puisse la juger. Enfin, du dévelop- pement que prendra cette île, dépendra en grande partie l’influence de la France dans le Pacifique occidental. La Nouvelle-Calédonie soulève donc de multiples problèmes géographiques et coloniaux. M. Bernard à consacré plusieurs années à les élucider. Son ouvrage lui fait grand honneur, et l’on conçoit qu'il ait été accueilli avec faveur par les Professeurs de la Faculté des Lettres, devant lesquels il était présenté comme thèse de doctorat. La méthode de travail employée par l’auteur est celle que, à plusieurs reprises déjà, nous avons ex- posée devant les lecteurs de la Revue : analyse critique des sources de tout genre, récits de voyageurs, ef surtout, dans le cas présent, mémoires de géologues, d’anthropologistes, d’économistes, puis synthèse géo- graphique des données recueillies. La Nouvelle-Calédonie n’est pas simplement un ilof, comme on le croit souvent par habitude de la voir représentée sur des cartes à petite échelle, Elle a 16.250 kilomètres carrés : superficie double de celle de la Corse, sextuple de celle de la Réunion. Sa forme rappelle celle d’un long fuseau. Elle est ceinte d’un anneau de récifs, d’une ligne de brisants de corail, « sur lesquels la mer gémit sa plainte éternelle », La Nouvelle-Calédonie est une île essentiellement montagneuse. On pourrait la définir : « Un système de montagnes émergeant de l'Océan. » Plus du sixième de sa surface dépasse 500 mètres. Ce relief est complexe. Le sud de l’ile est occupé par un plateau, le centre par un enchevêtrement de som- M mets éruptifs et de massifs isolés, le nord par deux chaînes de montagnes encadrant la vallée du Diahot. Le climat est d’une extrême variabilité. Le vent, la pluie, la température varient d’un point de l'ile à l’autre, et,en un même lieu, d’un jour, d’un mois, d'une année à l’autre. J Avec de pareilles conditions orographiques et cli- matériques, on concoit que la végétation ne soit pas uniforme dans toute l'ile. On rencontre sur le littoral des cocotiers, des palétuviers, des mangliers; la forêt tropicale s’épanouit dans les vallées; les collines jus= qu'à 100 mètres sont caractérisées par la présence du niaouli, Varbre calédonien par excellence; les pla= teaux sont couverts d’une végétation rabougrie ; sur. les flancs et sur les sommets baignés d'humidité, on retrouve la forêt tropicale, 6 > BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 267 Le fond de la population de l'ile est composé de Mélanésiens, dolichocéphales, noirs, à cheveux crépus. A cet élément primitif sont venus s'ajouter, dans des proportions assez faibles, des Polynésiens mésaticé- phales, à peau plus claire, à cheveux presque lisses. Les ressources alimentaires, que la flore et la faune de l'île fournissent spontanément aux Canaques, sont très pauvres. Les indigènes n'ont pas assez de vivres pour leur propre subsistance, disait Cook, il y a plus d’un siècle. . Ils ont suppléé de leur mieux à ce manque de res- sources, par la pêche, par la calture de l'igname et d'un farineux, qu'on nomme le taro. Néanmoins leurs conditions de vie sont précaires et le contact des Européens leur a été fatal. Ils sont décimés par la phtisie pulmonaire, par les affections cutanées, par la lèpre et par une maladie encore mal définie, qu'on nomme Tonga. La Nouvelle-Calédonie a seulement été découverte dans la seconde moitié du xvnire siècle. Bougainville en 1768 avait pressenti son existence. Cook y aborda en septembre 1774. Frappé de sa res- semblance avec certaines parties de l’Ecosse, il la baptisa Nouvelle-Calédonie. Le contre-amiral Febyrier-Despointes en prit offi- ciellement possession au nom de la France en sep- tembre 1853. Par nécessité de posséder un établisse- ment pénitencier, par désir d’avoir un poste militaire et commercial dans le Pacitique, le gouvernement du Second Empire avait jeté son dévolu sur la Nouvelle- Calédonie. La principale richesse de l’île consiste en mines de nickel, de cobalt, de chrome. La pêche est aussi une ressource importante. Les poisssons pullulent dans les viviers naturels, dont les récifs de coraux et la côte forment les parois. La superficie de terres utilisables n’est pas très étendue. Aussi les grandes exploitations rurales sont-elles impossibles. La Nouvelle-Calédonie doit devenir un pays de petits propriétaires, « une sorte d'Auvergne ou de Bretagne d'au delà les mers, à population assez dense, combinant la pêche et la culture ». Il faut supprimer la colonisation pénale. Trois catégories de colons forcés ont été débarqués : les déportés politiques, les relégués récidivistes, les transportés. Les premiers, persuadés — et l'événement a justifié cette conviction — qu'ils reviendraient en France, n’ont rien voulu entreprendre. Les seconds «à la volonté etau corps également usés », sont inultilisables pour la co- lonie. Quant aux troisièmes, les condamnés aux tra- vaux forcés, ils ont coùté excessivement cher (plus de 100 millions), mais ils n'ont en aucune facon aidé les colons libres, ni préparé leur venue, comme on le supposait. L'expérience de colonisation pénale a échoué, « L’Eden des forcats doit devenir l’'Eden des honnètes gens. » De la sorte, on résistera avec succès aux prétentions annexionnistes des Australiens. Comme on le voit, ce livre n’est pas simplement un exposé de l’état actuel des connaissances sur la Nou- velle-Calédonie. C’est plus que cela. L'auteur est pé- nétré de la gravité des questions qu'il agite. De la facon dont sera compris le régime colonial de la Nouvelle- Calédonie dépendront des milliers d’existences hu- maines. Des millions de francs, de nos francs, seront dépensés en pure perte, ou d’une facon profitable pour la communauté francaise. M. Bernard a examiné les faits sans passion. Sou- vent il est en désaccord avec les idées régnantes. Il n’en soutient pas moins ses conclusions avec fermeté, je dirai presque avec courage. L'auteur a rattaché à son sujet beaucoup de déve- loppements généraux, que nous avons forcément omis dans notre analyse. Peut-être en est-il un peu pro- digue. L'introduction, traitant de l'origine et de la classification des iles, estintéressante en soi. Mais elle ne nous semble pas faire pénétrer le lecteur dans le sujet et justifier son titre. Nous sommes devant un repas assez copieux, pour négliger les hors-d’œuvre, Telle nous semble la principale critique à adresser à cet ouvrage, en admettant, toutefois, que reprocher à un auteur l'abondance de ses idées générales soit lui faire une critique. Henri DERÉRAIN. Ferrouillat (P.), Professeur de Génie rural à l'Ecole Nationale d'Agriculture de Montpellier, et Char- vet (M.), Répétiteur de Génie rural à la même Ecole.— Les Celliers. Construction et Matériel vinicole. — 1 vol, grand in-8° de 518 pages avec 108 figures et 46 planches hors texte. (Prix: 18 fr.) C. Coulet, 5, Grande-Rue,à Montpellier et G. Masson, 120, boulevard Saint-Germain, à Paris, éditeurs, 1896. L'ouvrage que viennent de publier MM. Ferrouillat et Charvet, est assurément le plus complet qui ait été composé sur un sujet rempli d'actualité. Jadis, le terme de « cellier » évoquait l’idée d’un local sombre, mal- propre,où,parle moyen d'outils grossiers, s’accomplis- sait une besogne peu ragoütante. Le phylloxera, dont les ravages ont bouleversé les conditions de la culture de la vigne, n’a pas moins transformé Part de faire et de conserver le vin. Supposons donc qu’un propriétaire désire construire une eave pour desservir un vignoble récemment créé. MM. Ferrouillat et Charvet lui apprendront d’abord à choisir un emplacement, une orientation, un plan et des dimensions convenables, Tous ces points réglés, notre viticulteur devra se préoccuper des terrasse- ments et maconneries, Il percera ses ouvertures — portes et fenêtres — et organisera ses dispositifs accessoires de facon à assurer une ventilation conve- nable, la fraicheur étant d’une nécessité indispensable à la bonne fermentation, surtout dans le Midi, Puis viendront les questions des revêtements du sol et con- solidations, des drainages et citernes. Les planchers d’étage se construisent continus ou partiels, et le livre explique longuement les avantages ou inconvénients propres aux deux systèmes. Puis nos auteurs étudient l'installation des couvertures, combles et fermes. Le viticulteur achèvera de s’éclairer en méditant un chapitre court, mais intéressant, consacré aux devis. Une fois le cellier construit, il faudra le meubler. On emploie plusieurs systèmes également curieux et pratiques pour hisser le raisin jusqu’au niveau de l'orifice supérieur des récipients où s’opère la fermen- tation. Suivant les circonstances, ces derniers se font en bois, en maconnerie, en ciment. Maïs, au contraire, en ce qui concerne les fouloirs, pressoirs et pompes, l’accord s’établit actuellement, et presque partout, des types à peu près semblables s'imposent dans les exploi- tations bien outillées. Dans la seconde partie de leur travail les auteurs montrent comment ont été mis en pratique les indica- tions théoriques développées dans la première. Le lec- teur voit défiler sous ses yeux une série de curieuses monographies illustrées des celliers de France et d'Algérie, Ce sont d'abord les caves de la région médi- terranéenne destinées à emmagasiner pendant quelques mois seulement de véritables flots de vin; puis les celliers des régions bordelaises, moins savamment outillés par respect des anciennes traditions, puis ceux du Beaujolais. Les caves de Bourgogne, en général, intéressent le technicien moins que le gourmet; celles d'Anjou ne manquent pas de pittoresque, mais les caves champenoises, principalement les vastes maga- sins de la maison Moët et Chandon, méritent une longue description. On n’ignore pas combien une téem- pérature trop élevée nuit à l’évolution d’une fermen- tation régulière : la description des celliers algériens et tunisiens qui clôture l’ouvrage, montre comment cette grave difficulté, inhérente au climat du littoral nord africain peut être atténuée par des dispositions intelligentes propres à refroidir la vendange ou à rafraîchir la cave. ANTOINE DE SAPORTA. 268 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4° Sciences médicales. Broca(A.). Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, Chirurgien des hôpitaux, et Maubrace (P.), ancien Prosecteur de la Faculté de Médecine de Bor- deaux. — Traité de Chirurgie cérébrale. — 1 vol. gr. in-8° de 533 pages, avec figures. (Prix 12 francs.) G. Masson, éditeur. Paris. 1896. L'originalité du livre de MM. Broca et Maubrac ré- side tout entière dans la netteté des conclusions qui y sont formulées. Le lecteur a la rare fortune de trou- ver, sur une matière aussi controversée, des opinions précises, basées à la fois sur une expérience déjà étendue et sur un nombre considérable de documents et de faits cliniques. Sans doute, sur beaucoup de points, la discussion reste ouverte; mais le mérite des auteurs est de l’avoir circonscrite, eu fixant clairement la conduite à tenir en présence de chacun des cas si divers qu'embrasse la chirurgie cérébrale. L'ouvrage se divise en deux parties. La première comprend les généralités, anatomie des circonvolu- tions, topographie cranio-cérébrale, étude des locali- sations, indications générales, manuel opératoire et dangers de l'intervention. La deuxième, plus intéres- sante, est consacrée à l'examen des cas justiciables de l’acte chirurgical. Ce sont d'abord les lésions traumatiques pour les- quelles l'intervention peut être indiquée primitive- ment, pour remédier à un enfoncement de la voûte cranienne par exemple, ou secondairement pour com- battre des accidents d'ordre infectieux, ou enfin pour traiter les complications tardives ou tertiaires consé- cutives aux traumas. Viennent ensuite les complica- tions intra-craniennes des otites moyennes suppurées, mé- ningite, phlébite des sinus, abcès encéphaliques, dont les indications opératoires sont discutées. Si l'inter- vention n'arrète pas toujours l'évolution de la ménin- gite, elle peut, dans les cas subaigus, amener .la gué- rison : elle est, par conséquent, justifiée. Mais elle est de règle pour la sinusite et doit être, dès le diagnostic posé, immédiate et radicale; le sinus thrombosé sera abordé par trépanation de l'apophyse et de la caisse, et ouvert après ligature de la jugulaire, Quant aux abcès encéphaliques, il faut distinguer trois cas. Il y a un signe extérieurement appréciable, et alors la conduite du chirurgien est toute tracée. Il y a un symptôme fonctionnel permettant de déterminer le siège de l’abcès dans l’encéphale, et, dans ce cas, on trépanera l'apophyse, l'antre et la caisse et on péné- trera dans le crâne en faisant sauter soit le plafond de l’antre et de la caisse, soit la paroi postérieure suivant le procédé Wheeler modifié. Ou il n’y a que des acci- dents encéphaliques diffus, et c'est encore à ce procédé qu'on aura recours. Le chapitre suivant est consacré aux fumeurs intra- craniennes, On est autorisé à trépaner dans les cas de tubercules ou de gommes syphilitiques toutes les fois qu'un traitement général sera resté inefficace. Quant aux sarcomes et aux gliomes « il faut confes- «ser que les succès complets, sinon définitifs, au « moins prolongés, sont rares, exceptionnels même... «Mais, dans de nombreuses observations, on constate « des améliorations, des résullats palliatifs, des gué- «risons temporaires suffisants pour démontrer que « l'opération doit être conseillée, » Au surplus, l'opération peut être simplement palliu- tive, les résultats du trépan décompresseur, « encore «qu'ils ne soient que transitoires, sont cependant « assez beaux, pour qu'on ne soit plus autorisé à refu- « ser une intervention à un malade atteint d’une tu- « meur du cerveau. » Par contre, l'hémorrhagie cérébrale, le ramollissement, la méningite tuberculeuse, la paralysie générale, l'épilepsie essentielle, échappent au chirurgien, Il en est de même des enfants hydrocéphales qui, quelquefois temporaire- ment améliorés par la trépanation, lorsque leur crâne est ossifié, succombent rapidement, lorsqu'il est encore membraneux. Les auteurs condamnent encore l'intervention chi- rurgicale dans la mivrocéphalie : « Transformer un «idiot en un demi-idiot est une mauvaise besogne :" «il reste pour la société une charge inutile, et, sil « peut rentrer dans la vie commune, il-devient dan- « gereux par sa capacité à fournir une progéniture « presque fatalement défectueuse. » ; Bien d’autres sujets (troubles fonctionnels divers, psychoses, céphalalgies rebelles, encéphalocèle) sont encore traités dans ce livre, dont les quelques extraits M que nous avons cités dans cette courte analyse, per- mettent d'apprécier la valeur et l'intérêt. D: Gabriel MAURANGE. De Buck (D' D). — Traité de Thérapeutique - physiologique.— Avec une préface de M. le D' Lé-« pine, 2° édition.— 1 vol. gr. in-8° de 304 pages. (Priæ : 7 fr. 50.) De Erven FE. Bohn, à Haarlem et O, Doin, à Paris, éditeurs, 1896. Ce livre présenté au public médical par M. le Pr Lés pine (de Lyon) a pour but de grouper les notions de M physiologie nécessaires pour comprendre l’action des substances médicamenteuses et pour raisonner leur emploi. Il est donc essentiellement pratique, Comme prétention scientifique, M. de Buck n’en a qu'une : celle d’avoir choisi avec soin chez les auteurs les plus u autorisés les documents utilisés. E Après quelques considérations et définitions géné- rales, l’auteur étudie la vie de relation, les propriétés. du système nerveux, les facultés psychiques, morales, … les fonctions motrices. Dans ces pages se trouvent exposés sommairement les faits généraux les plus importants; puis l’action comparative des divers poi- sons du système nerveux, morphine, atropine, strychnine, curarine, cocaïne, de certains autres alca- loïdes (brucine, etc.), des bases (ammoniaque), de cer- tains métaux (ammonium). A l’occasion de l'étude du système musculaire et de ses poisons, l’auteur formule cette loi physiologique que l’action de tout médica- ment dépend de son électivité pour un organe ou un groupement organique. Cette électivité repose sur la différenciation des divers organes. À doses suffisantes et dans des conditions données le poison finit par atteindre les diverses variétés du protoplasma. Les chapitres relatifs à la sensibilité sensorielle et à la sensibilité générale forment un résumé intéressant M des notions anatomo-physiologiques actuelles des centres nerveux. | La partie de l'ouvrage réservée à la vie végétative, aux fonctions générales calorifique, sécrétoire, tro- M phique, aux divers systèmes et appareils cardio-vascu- laire, respiratoire, digestif, uro-génital, est traitée avec la même recherche du rôle physiologique des. organes. ; L'ouvrage se termine par un résumé de Chimie, biologique. Dr A. LÉTIENNE. # 5° Sciences diverses. ë La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des. Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses figures intercalées dans le texte et planches en cou- leurs. 542° livraison. (Prix de chaque livraison, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes. à La 542° livraison renferme une biographie très dé" taillée du grand réformateur Martin Luther, par M, G." Pfender; une étude de M. H. Saint-Marc sur le luxe; des articles médicaux de M, H. Fournier sur le lupus M et de M. A. Couston sur la luvation; la monographie du. Grand-Duchéde Luxembowrg et de la Lydie par M. A. Ms Berthelot; enfin une étude sur les lycées, leur histoire, leur administration et les principes qui président à leur. construction, par M. Ch. Lucas. ; ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 269 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 10 Février 1896. M. le Président donne lecture de la lettre annonçant à l’Académie la mort de M. Jules Reiset, membre de la Section d’Économie rurale, et se fait l'interprète des sentiments de l’Académie. 1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. Maurice d'Ocagne expose la recherche de l’abaque de l’équation des marées diurnes et demi-diurnes : h = cos20 + Æcos (9 — à), où À représente la hauteur, 0 l'heure réduite en angle, k et « des paramètres variables avec le lieu et l’époque, — M. E. Blutel développe quelques théorèmes con- cernant les surfaces à lignes de courbures sphériques: 1° Lorsque le point M décrit une ligne de première courbure sphérique S, le rayon de seconde cour- bure p' varie proportionnellement à la distance du cen- tre de seconde courbure à un plan variable seulement avec S; 2 dans les mêmes conditions, le centre de seconde courbure se déplace sur une surface du second degré de révolution circonscrite à une sphère qui est elle-même inscrite dans la développable nor- male à la surface suivant S. — M. X. Stouff donne une généralisation de. la formule de l’aire du triangle sphérique dans l’espace à n dimensions. — M, Paul Toulon a continué l’étude de la résistance des pou- tres droites à travées solidaires sur appuis élas- tiques. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Dongier expose une nouvelle méthode très sensible de la mesure de la biréfringence en lumière monochromatique. Un faisceau parallèle de lumière circulaire et monochro- matique, tombant normalement sur une lame cristal- line parallèle à l’axe, se tranforme en lumière ellip- tique dont les axessonttoujourslesbissectrices desaxes de la lame. Si une deuxième lame, quart d'onde pour la lumière utilisée, a son axe à 45° de la précédente, la lumière, qui en émerge, est polarisée rectilignement, L’azimuth de la vibration rectiligne est variable avec l’excentricité de l’ellipse et dépend, par suite, de la différence de marche introduite par la lame cristalline sur les ondes ordinaires et extraordinaires qui la tra- versent. Le dispositif expérimental indiqué par l’auteur permet la mesure rapide d’une double réfraction accidentelle lorsque la cause ne peut être maintenue pendant longtemps ; il peut être utilisé par la mesure précise de l'épaisseur d’un quartzparallèle à l'axe, etc. — M. l'abbé Leroy adresse une note sur quelques phénomènes d’induction électrostatique. — M. Dau- brée fait hommage d’une notice : « Copernic et Les découvertes géographiques deson temps.» —MM.Lan- nelongue et Oudin adressent une communication sur l'application des rayons de Rüntgen au diagnostic chirurgical. Les auteurs ont pu photographier le système osseux d’une cuisse et d’un genou. — M. Maurice Meslans a étudié l’opacité de divers corps chimiques aux rayons X. Le carbone et les composés qu'il forme avec l'hydrogène, l'oxygène et l'azote pen une transparence particulière tandis que ‘introduction d'éléments minéraux dans la molécule, et, en particulier, le chlore, le soufre, le phosphore et surtout l’iode, donnent une opacité considérable aux corps.— M. Albert Londe présente la photographie, faite à l’aide des rayons de Rôntgen, d’un aileron de fai- san tué à la chasse, — M.Charles Henry montre qu’il est possible, en enduisant de sulfure de zinc phospho- rescent des corps absorbants pour Les rayons de Rünt- gen, de rendre visibles sur la plaque photographique des objets situés derrière ces corps et invisibles autre- ment. Le même auteur a pu vérifier une hypothèse émise par M. Poincaré, à savoir :que tous les corps dont la fluorescence est suffisamment intense émet- tent, outre les rayons lumineux, les rayons X de Rünt- gen. — M. Ch. V. Zenger adresse quelques épreuves photographiques obtenues par les rayons X. On obtient la plus grande netteté possible en mettant la plaque sensible en contact direct avec l’objet et faisant usage -de fortes tensions. — MM. Gossart et Che- vallier signalent un champ de force mécanique qui se manifeste à l’intérieur du radiomètre de Crookes lorsqu'on place ce dernier en face d’un tube de Crookes; en outre le champ ainsi produit est mo- difié par les corps électrisés, statiquement perturbé par un aimant et modifié par les courants, surtout par celui de la bobine excitatrice du tube de Crookes.— Le P. M. Dechevrens signale les hautes pressions atmo- sphériques du mois de Janvier en Angleterre, en France et dans le centre de l’Europe. Suivant l’auteur, le même fait se reproduirait périodiquement en Jan- vier à peu près tous les dix-neuf ans sous l’action combinée du Soleil et de la Lune, celle-ci étant alors dans les conditions de distance à la Terre et de décli- naison qui entrainent pour elle un minimum de force attractive. — M. Vigouroux à préparé un sili- ciure de cuivre cristallisé SiCu? en chauffant au four électrique des mélanges convenables de silicium et de cuivre; c’est un corps très dur, cassant, gris d'acier sur une section, fraiche de densité 69.— M. Henri Mois- san a préparé le carbure d'uranium en chauffant au four électrique l’oxyde vert en présence d’un excès de carbone; c’est un composé défini et cristallisé, de formule CUr?. Ce nouveau composé se décompose au contact de l’eau froide et donne environ le tiers de son carbone sous forme d’un carbure gazeux riche en méthane. L'autre partie du carbone produit un mélange de carbures liquides et solides et de matières bitumineuses. — M. A. Haller a reconnu que la campholide CH!60? prend naissance quand on réduit par l’amalgame de sodium à 5 % une solution alcoo- lique d’anhydride camphorique maintenue acide au moyen de l’acide sulfurique étendu. La campholide possède une odeur camphrée ; elle fond à 210° et se sublime facilement à la manière du camphre; elle paraîtprésenter vis-à-visdel’anhydride camphorique les mêmes relations quelaphtalide vis-à-vis de l’anhydride phtalique : M. Bésson, en faisant agir le gaz bromhydrique sec sur le chlorure de thionyle SO CP, a pu préparer deux corps nouveaux, le chlorobromure de thionyle SO CIBr et le bromure de thionyle SOBr? bouillant l’un vers 1159 sous la pression normale, l'autre vers 68° sous une pression réduite à 4 centimètres de mercure. — M. A. Granger, en faisant passer de la vapeur de phosphore sur du bisulfure d’étain chauffé au rouge sombre, a obtenu un sulfophosphure d’étain cristal- lisé en écailles brillantes dont l’aspect rappelle loli- giste micacé des volcans. Sa formule est Sn#P?S. Dans les mêmes conditions les sulfures d’antimoine, d’or, de cadmium, de plomb ne donnent rien, — M, A. Tas- silly a fait l’étude des oxyiodures de zinc; il a pré- paré les composés : Zn1°,9Zn0,24H20 ZnE,5Zn0,11H°0 PUR 3Znl°, 5 AzH°, 3H°0. Les iodures ne peuvent pas, comme les chlorures, être considérés comme des générateurs d’oxyiodures. — M. Raoul Brullé recommande de prendre la den- sité des beurres à 100° pour déterminer leur degré de pureté au moyen du densimètre; cette détermination doit être précédée de la séparation de l’eau contenue à l’aide de substances desséchantes. — M. L. de Lau- nay discute les diverses hypothèses formulées pour expliquer la formation des minerais aurifères du Wiswatersrand (Transwaal), L'auteur admet la forma- tion contemporaine de l’or et des sédiments; l'or et le sulfure de fer en dissolution commune dans l’eau se seraient trouvés triturés et roulés avec des frag- ments de quartzen même temps que cessubstances se seraient précipitées chimiquement. — M, E. Cumenge a réalisé synthétiquement la formation de conglomé- rats aurifères identiques à ceux du Transwaal en faisant agir une solution d’aurate alcalin sur le silicate de soude, puis précipitant par l’acide carbonique. Le précipité chauflé après addition de petits cailloux de quartz constitue une masse représentant assez bien le conglomérat aurifère du Rand. — M. Ferdinand Gon- nard donne létude minéralogique de quelques formes nouvelles ou rares de la calcite des géodes du calcaire. à entroques de Couzon (Rhône). G. Marrenon. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. d’Arsonval et Char- rin présentent à l’Académie les résultats de l’action des courants à haute fréquencé sur les toxines bacté- riennes. Le dispositif employé est celui que M, d’Ar- sonval a déjà signalé en 1893. En soumettant la toxine diphtéritique à l’action de ces courants, on l’atténue complètement. Il en est de même avec la toxine pyo- cyanique. Il est mème permis d'espérer que l’atténua- tion pourra être faite directement dans l’organisme humain. De plus, les toxines, après électrisation, de- viennent des substances immunisantes, c’est-à-dire des vaccins. Elles augmentent la résistance des animaux auxquels on les injecte. — M. Lannelongue et Achard ont fait des recherches sur les associations microbiennes et les suppurations tuberculeuses, Ils montrent que l'association de microbes pyogènes au bacille tuberculeux est la règle dans les foyers ouverts (5 fois sur 5); elle est au contraire l'exception dans les foyers fermés (6 fois sur 57) et a toujours coïncidé en ce cas avec des phénomènes d’acuité; mais ceux-ci n'impliquent pas toujours la présence de microbes pyogènes surajoutés, puisqu'ils existaient dans quel- ques cas (8 fois) ou le pus n’était point cultivable, — MM. Marcel Bertrand et Ritter démontrent que le mont Joly près Saint-Gervais (Haute-Savoie) n’est point un îlot sur lequel les plissements n’avaient pas eu de prise, mais que ses 1,000 mètres d'épaisseur de schistes noirs superposés ne sont qu'un « réarrangement des bancs ». Au lieu d’une succession régulière, le mont Joly présente un véritable empilement de plis rabattus jusqu'à l'horizontale. Une même couche se retrouve jusqu’à six et sept fois à différents niveaux. — M. A. Charpentier fait une étude de la stroboscopie réti- nienne. — M. Cuénot montre par des expériences que le rejet de sang est un moyen de défense employé par quelques sauterelles.—M.Künckel d'Herculais com- plète, sur certains points, les observations de M. La- boulbène sur l’ampoule frontale des Insectes diptères de la famille des Muscides. — Dans une note sur la signification de la fécondation chez les Urédinées, M. Sappin-Trouffy établit qu'il y a réduction des chromosomes, et que, par suite, la fécondation chez ces Champignons est absolument comparable à celle des plantes et des animaux supérieurs.—M. Bonnier, dans des recherches sur la miellée des feuilles, montre qu'il existe des miellées d’origine végétale, qui diffèrent des miellées de pucerons parleur mode de production, leur variation diurne et leur composition chimique. — M. Ray aflirme de nouveau l'exactitude de ses obser- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES > vations concernant le Mucor et Trichoderma. —M. Dou- villé étudie les couches à Hippurites dans la partie moyenne de la vallée du Rhône. On peut à présent paralléliser les diverses faunes à Hippurites, grâce à leur détermination rigoureuse, car ils se sont modi- liés assez rapidement dans la période du Crétacé supé- rieur, pour fournir des indications précises sur l’âge des couches où on les rencontre.— M, Cayeux signale et étudie les nombreux Radiolaires du Tithonique supé- rieur de l’Ardèche. J. MARTIN, Séance du 17 Février 1896. 5; 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan adresse ses observations des comètes Perrine (a 1896 et c 1895) faites à l'Observatoire de Paris, équatorial de la tour de l'Ouest. — M. L. Picart communique ses observations de la comète Perrine faites au grand équatorial de l'Observatoire de Bordeaux. La comète faible est encore facilement observable. — M, Le Roy considère l'équation : aU aU AU+a + b 2 +cU—=0 où a, b, c, sont trois fonctions continues, et construit une intégrale de cette équation, contenue dans une aire limitée par un contour fermé Cet prenant sur Q des valeurs données, æ en n’employant que des mé- thodes susceptibles de s'appliquer encore si le pro- blème d'intégration est posé dans l’espace. — M. W. Bougaief donne l'expression du théorème de Taylor avec l’approximation du troisième degré. La méthode appliquée permet d'obtenir une approximation de degré quelconque. — M. A. Miller présente quelques remarques sur la recherche des groupes de substitu- tions. L'auteur a déterminé tous les groupes transitifs que l’on peut former avec 14 éléments, Le nombre total est 295. Le nombre des groupes transitifs de degré 12 est supérieur à la somme des nombres des groupes transitifs de degré inférieur à 12. 29 SGIENCES PHYSIQUES. — M, le Secrétaire perpétuel signale un mémoire de M. L. Bertin sur la Marine des Etats-Unis. — M. W. Goldschild adresse un mé- moire ayant pour titre : Chaleur et Lumière, — M. E. Bouty a continué l’étude des flammes sensibles. La forme circulaire de l’orifice est de beaucoup la plus favorable. L’organe sensible des flammes cylindriques « 8 y de gaz d'éclairage est situé à la base. L’hydrogène pur fournit une grosse flamme presque invisible et dont la sensibilité est très faible ; mais il suffit d'ajou- ter un gaz inerte,en proportion suffisante, pour obtenir une flamme grêle de grande sensibilité. L'auteur donne l'interprétation de ces divers phénomènes, — M. R. Swyngedauw a reconnu que les radiations X abaissent les potentiels explosifs suivant les mêmes lois générales que les radiations ultra-violettes élec-" triquement actives. {° En mesurant l’abaissement des potentiels explosifs dynamiques par la méthode de deux excitateurs dérivés, on peut déceler avec beau- coup de netteté les radiations X. 2° Les radiations de M. Rüntgen abaissent les potentiels explosifs dyna- miquesdansdes proportions beaucoup plus grandes que les potentiels statiques. — M. A. Righi a effectué, en même temps que MM. Benoist et Hurmuzescu, des études sur la dispersion des charges électriques pro duites par les rayons de Rüntgen.Les résultats obtenus sont en partie d'accord avec ceux des savants précé- dents. — MM. Borgmann et Gerchun ont fait des expériences démontrant, contrairement aux conclu- sions de J, J, Thomson, que les rayons émanant d'un tube de Crookes peuvent communiquer aux conduc- teurs une charge négative, Les mêmes expériences établissent que les rayons X comme les rayons ultra- violets augmentent la distance explosive d’une décharge statique.— MM. L. Benoist et D. Hurmuzeseu démon- trent: 4° que les rayons de Rüntgen se propagent dans 2 " + “ l'air en suivant la loi du carré des distances, ce qui établit la transparence de l'air pour ces rayons. 2 Les rayons X sont hétérogènes, et leur production par un tube de Crookes est un phénomène analogue à celui de la production des rayons calorifiques et lumineux, pour des sources à température plus ou moins élevée. — MM. Augusteet Louis Lumière ont étudié l’action des rayons X sur les substances sensibles des plaques photographiques. 1° Les plaques sensibilisées pour le rouge, le jaune ou le vert, donnent exactement la même impression. 2° Le rapport des sensibilités des plaques photographiques pour la lumière blanche se conserve pour les rayons X. 3° Les rayons ont une pénétrabilité extraordinaire et une absorption extrêmement faible pour les préparations sensibles, lesquelles peuvent être utilisées pour la recherche de ces rayons dans une source lumineuse quelconque, L'application de cette méthode à l'arc électrique, au bec Auer, à la lampe à pétrole, n’a jamais indiqué la présence des rayons X. — M. de Heen établit que les rayons émanent non pas de la cathode, mais de l’anode et sont des rayons anodiques, — MM. Imbert et Bertin- Sans adressent des photographies de cas pathologiques intéressants obtenues par les rayons de Rüntgen. Les tissus œædématiés ne donnent pas de bons résultats; on améliore cesderniers en se servant de diaphragmes. — M. G. H. Niewenglowski établit que les radia- tions émises par certains corps phosphorescents possèdent la propriété de traverser quelques corps opaques à la lumière solaire, puis précise certains points des expériences de M. Le Bon qui semblent in- diquer que les rayons constituant la lumière noire seraient absorbés par le verre de l'objectif. — M. Gustave Le Bon fait une longue communication sur la nature et les propriétés de la lumière noire. Les vibrations de la lumière noire constitueraient, d’après l'auteur, un mode d’énergie intermédiaire entrela lu- . mière et l'électricité et possédant avec chacune d’entre elles certains points communs, avec des effets diffé- rents. L'auteur expose des photographies montrant que la lumière noire permet d'obtenir des sections successives d’un objet photographié. — M. Briançon adresse deux photographies obtenues dans l'obscurité, qui établissent qu’un corps primitivement exposé à la lumière impressioune une plaque sensible. — M. Du- cla adresse une note ayant pour objet de démontrer que le produit du volume moléculaire de la plupart des corps simples solides par leur coefficient de dila- tation cubique et par leur température absolue de fusion est égal à l'unité. —M.Henri Moissan a étudié les combinaisons du carbone avec les métaux de la cérite. Le carbure de cérium préparé au four élec- trique a pour formule C?Ce; il est attaqué avec incan- descence par le fluor, lechlore, le brome, l'iode, l’oxy- gène, le soufre, etc.; l'azote et le phosphore sont sans action. La réaction la plus caractéristique est son action sur l’eau; il se décompose en donnant un mélange d’acétylène, d’éthylène, de méthane, variable avec la température et avec l'acide qu'on peut ajouter à l’eau. En outre 3 à 4 % du carbone combiné se retrouvent sous forme de carbures liquides saturés et non saturés. — Le même auteur donne l'étude du carbure de lithium. C’est un réducteur d’une très grande énergie, et le carbure le plus riche en carbone préparé jusqu'ici; il prend feu à froid dans le fluor et le chlore, à une température peu élevée dans les va- peurs de brome et diode. Il est décomposé par l'eau en donnant du gaz acétylène pur : 1 k. de ce carbone donne 587 litres d’acétylène. — MM. Engel et Ber- nard exposent un nouveau procédé de dosage de l’ar- senic permettant d'opérer rapidement et en présence de traces de ce corps ; il repose sur les deux réac- tions suivantes : 1° Les composés oxygénés de l’arsenic en solution dans l’acide chlorhydrique concentré sont totalement réduits à l'état d'arsenic métalloïdique par l'acide hypophosphoreux. 2° L'iode en solution trans- forme l’arsenic métalloidique en acide arsénieux avec ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 271 formation de petites quantités seulement d'acide ar- sénique tant que la liqueur reste acide; dans une liqueur rendue alcaline par les bicarbonates, la trans- formation en acide arsénique est totale. Le dosage peut être effectué en présence de tous les métaux du troisième, du quatrième et du cinquième groupes. — MM. Barbier et L. Bouveault se sont proposé de décider entre leur formule du lémonal et celle de M. Tiemann par des procédés synthétiques. En partant de la méthylhepténone naturelle, les auteurs ont pu produire l'acide géranique qui dérive immédiatement du lémonal. Cette synthèse partielle établit nettement l'exactitude de la formule suivante pour le lémonal : f CH? CH | | CH? COH N CH Il C M. Ch. Gassmann donne le mode de préparation et les propriétés de quelques dérivés de l’eugénol : les acides eugénolacétique : CSH3(CH?2—CH=CH2) (OCH3) (OCH2CO2H)4, isoeugenolacétique : C5H3(CH=—CH.CH3)t (OCH*)5 (OCH?2CO2H)i, et vanilline-acétique : CSHY(COH): (OCH?} (OCH?CO2H)i, M. Th. Schlæsing a fait des études analytiques soi- gnées sur la composition du grisou provenant des diverses mines grisouteuses francaises. L’acide carbo - nique y est toujours en très faible proportion. L'azote est contenu en quantités très variables et souvent fort élevées; mais cet azote provient de l'air atmosphé- rique, car il est accompagné d’argon dans les propor- tions connues; on ne peut attribuer sa présence à la décomposition des matières azotées de la houille. La portion combustible du grisou ne renferme guère que du méthane; dans quelques cas rareson y trouve cepen- dant une proportion faible, mais sensible d'hydrocar- bure étranger. — M. Guéroult propose d'appliquer la photographie à la reproduction des différentes phases d'un mouvement trop lent pour être sensible à notre vue et à la synthèse de ces différentes phases modi- fiées en fonction du temps à l’aide du phénakisticope. En photographiant une plante, par exemple à inter- valles égaux, on verra la croissance de la plante s’opé- rer graduellement. — M. Charles Henry donne l’ex- plication de la production des couleurs par le disque tournant de Charles Benham et fait des applications de cet appareil à la tachymétrie et à l’ophtalmologie. C. MATIGNON 3% SCIENCES NATURELLES. — MM. Comte et Regnault font l’étude critique de la marche et de la course en flexion, dans le but de voir si la marche usuelle peut, avec avantage, être modifiée pour obtenir avec la même dépense de travail un meilleur rendement. — M. A. Charpentier signale un nouveau phénomène qui montre un second mode de propagation de l'im- pression lumineuse : lirradiation ondulatoire. — M. P. Vuillemin ajoute quelques considérations à celles de M. Le Dantec sur l'assimilation et l’activité — M. Yung décrit une épidémie de pneumonie ver- mineuse du Lièvre, causée par le Sérongylus retortæ- formis Zeder. — M. Cuénot étudie l’appareil lacunaire et les absorbants intestinaux chez les RO de mer. . MARTIN. AP IETT LI Priest} ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 11 Février 1896. L'Académie procède à l'élection de deux Associés nationaux. MM. Renaut (de Lyon) et Lépine (de Lyon) sont élus. — M. Jaccoud insiste sur les conclusions qu’il a déjà formulées au sujet de l’origine hospitalière de la tuberculose; cette origine ne doit jamais être affirmée, car nombreux sont les cas de bacillose pré- existante dans l'organisme. —= M. Ch.-A. François- Franck communique sés recherches relatives à l’action du système nerveux sur la circulation pulmonaire à l’état normal et pathologique; il établit, d’une facon très nette, l’existence de nerfs vaso-moteurs pulmo- naires. — Dans une introduction à l'étude de la prophy- laxie médicamenteuse du paludisme, M. J.-V. Laborde formule en principe la proposition suivante, basée sur de nombreux faits : Toute substance médicamenteuse végétale ou minérale, véritablement active, dont ona déterminé, expérimentalement, l’action éleclive sur un élément anatomique et sur sa fonction, et dontona déduit, par suite, les indications rationnelles au trai- tement de la maladie constituée par cette fonction trou- blée, est douée d'une action préventive à l'égard de cette maladie, de même qu'elle possède l’action curative. Séance du 18 Février 1896. M. Simon Duplay fait un rapport sur un mémoire du Dr P. Delbet relatif au traitement des kystes hyda- tiques de l'abdomen. Le procédé consiste à ouvrir lar- gement le kyste, puis, après lavoir capitonné et en avoir fermé l’ouverture, à le réduire dans l'abdomen et à suturer la plaie abdominale. Ce traitement ne pré- sente pas les inconvénients de la méthode ordinaire, c’est-à-dire la lenteur de la guérison et la persistance de fistules intarissables. — M. H, Marty analyse un mémoire du Dr Jeannel (de Villefranche-sur-Mer) dans lequel l’auteur cherche à démontrer que le déboise- ment est une cause puissante de dépopulation, — M. Ferrand cherche à établir l'influence prépondé- rante de l'hérédité vis-à-vis de la contagion dans l'étio- logie de la tuberculose. — M. Péan cite deux cas d’ané- vrysmes des os, accompagnés de tumeurs angioma- teuses des parties molles avoisinantes, et traités par ablation complète. — M, le D' Kirmisson lit un mé- moire sur le spina bifida, Séance du 25 Février 1896. L'Académie procède à lélection d'un membre titu- laire dans la III° Section (Pathologie chirurgicale). M. Pozzi est élu. — M. Ferrand fait un rapport sur un mémoire du Dr Pize (de Montélimart) dans lequel l’au- teur signale l'avantage qu’il a trouvé à utiliser l’action analgésique du gaïacol appliqué sur la peau pour obte- air l’anesthésie de la surface cutanée d’une région loca- lisée, et pouvoir ensuite exercer sur cette surface la cautérisation ponctuée, sans provoquer la douleur qu'entraîne toujours avec elle cette petite opération. — M. Hérard analyse un travail du Dr de Valcourt dans lequel l’auteur signale la bonne influence des bains de mer pris à Cannes pendant l'hiver par les enfants serofuleux de l'Hôpital Dolfus. — M. Weber présente le rapport de la Commission nommée pour étudier la valeur de la tuberculine, comme moyen de diagnostic de la tuberculose bovine. La Commission conclut que la tuberculine est un moyen précieux de diagnostic et qu’il y a tout avantage à en recommander l'emploi, — MM. les D: Grasset et Vedel commu- niquent le résultat de leurs recherches sur le diagnostic précoce de la tuberculose humaine par de faibles doses de tuberculine.fls ont reconnu la complète innocuité des injections hypodermiques de tuberculine aux doses de 2 à 5 dixièmes de milligramme eton reconnu ainsi la tuberculose chez des malades dont le diagnostic noso- logique était impossible, — M. le Dr Galliard lit un mémoire sur le traitement de certaines céphalées rebelles par le calomel, ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du T Février 1896, M. Bouty, président, annonce le décès de M. Mas sieu, ancien professeur à la Faculté des Sciences de Rennes. C'est lui qui avait introduit en Thermodyna mique les fonctions caractéristiques, dont Helmholtz a tiré plus tard un si grand parti. — M. Moulin expose. une nouvelle théorie de la transformation de l'état des: corps. Admettant que les molécules sont des sphères dont les centres occupent les sommets d’un réseau de cubes, l’auteur exprime que l'équilibre existe entre” trois forces : les deux premières, qui sont exercées par les seules molécules les plus voisines de celle qu’on considère, sont, l’une répulsive et en raison. inverse de la distance, l’autre attractive et en raison inverse du carré de cette distance; enfin la molécule, étant élastique, sera capable d’extension à la manière des gaz et supportera une pression à sa surface qui sera en raison inverse du volume moyen, c’est-à-dire. du cube de la distance des centres de deux molécules vosines. L'auteur montre comment on obtient ainsi l’équation des isothermes et retrouve le théorème des élats correspondants, — M. Perrin expose les parties essentielles du mémoire de M. Rüntgen sur les rayons X, en indiquant les expériences qu'il a réalisées lui-M même ! et projette plusieurs clichés. Il lit une lettre de M. Joubin, qui a produit des rayons de Rôntgen en faisant passer dans le tube de Crookes les courants de haute fréquence obtenus par un dispositif de Teslan Un alternateur de fréquence 54 envoie dans le primaire d’un transformateur un courant de 10 ampères, sous” 50 volts; la tension secondaire est de 5.000 volts. Sur chacun des pôles du secondaire on intercale un con- densateur de 0,1 microfarad avec une distance explo- sive de 5 centimètres entre les bornes d’un micromètre à étincelles. Le courant à haute fréquence provenant de la décharge est envoyé dans un transformateur à huile dont le secondaire est fermé sur un tube de Geissler. La durée de la pose est réduite à 30 secondes. —M. Violle indique comment il a pu obtenir des pho- tographies en excitant la fluorescence dans une lampe. à incandescence à l’aide de courants de Tesla; les électrodes sont extérieures : la cathode entoure la base de la lampe, l’anode est une bande de papier d’étain collée sur l’équateur de l'ampoule. — M. Pfaundler, professeur à l’Université de Gratz, adresse une épreuve de la photographie de la main d'une jeune fille montrant la position d’un morceau d’ai- guise enfoncé dans les chairs depuis trois ans. La pose a uré quinze minutes. —M.Chappuis donne lecture d’un mémoire de M. Dufour (de Lausanne)?, L'existence des rayons X est liée intimement à celle de la fluorescence verte ; la fluorescence bleue ne donne rien. L'emploi des courants de Tesla permet de réduire la pose de moitié; l'interrupteur rapide de M. Deprez donne de meilleurs résultats que celui de Foucault. Les rayons X déchargent très rapidement un corps électrisé ;, l'expérience a été faite avec des lames d'aluminium ou. d’or collées sur ébonite et reliées à un électromètre; M la tension initiale était 1.500 volts; on pouvait mesurer à 20 volts près. La déperdition est totale en quelques se- condes; elle se ralentit quand on interpose divers” corps sur le trajet des rayons ; on peut ainsi mesureI les opacités relatives. — M. Raveau rappelle que les théories de la dispersion de Helmholtz, Ketteler et Dunle conduisent à des formules qui donnent, commen valeur limite de l'indice de tous les corps pour less radiations de période extrêmement courte, l'unité. Ces radiations ne pourraientainsiseréfracter ni se réfléchi et présenteraient les caractères les plus saillants des ! Voir dans la Revue générale des Sciences du 30 jan= vier 1896 (pages 66 et 67) l’article où M. Perrin a exposé en détail ses recherches. 1 2 Voir dans la Revue générale des Sciences du 29 fé vrier 1896 (pages 191 à 193) la reproduction ir exlenso Au mémoire de M. Ch. Dufour. ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 273 rayons X; il semble donc prématuré de conclure, avec M. Rüntgen, à l'impossibilité de considérer ceux-ci comme des vibrations transversales de l’éther. — M. Broca pense qu'il ny a qu'une différence de degré entre les rayons de Rüntgen et les rayons de Lenard et qu'il serait nécessaire, avant de conclure, de déter- miner plus exactement les conditions dans lesquelles ils se produisent. —M. Violle présente un étalon photo- métrique à l’acétylène. I fait une étude rapide des diffé- rents étalons employés jusqu'ici. Le platine doit être employé à une température élevée, sans quoi sa cou- leur est rouge. Pour le charbon, il n’est pas bien cer- tain qu'un courant déterminé produise toujours le même rayonnement et il-est difficile de limiter la sur- face utile, Le rayonnement des toiles telles que celle du bec Auer varie beaucoup, en raison de l'influence considérable qu'exercent de petites quantités de divers oxydes et l’inégale volatilité de ces corps. L’étalon le plus employé jusqu'ici est la flamme. L'emploi d’un combustible solide doune des résultats très variables; la lampe Carcel a le grand avantage de brûler sans à- coups, mais elle varie constamment et il est impossible de baser une correction sur la variation du poids d'huile consommée. Il faut s'adresser aux gaz ou aux vapeurs ; le {az d'éclairage, brûlant dans un bec muni d’un régulateur Giroud et d’un écran de Metven, peut donner de bons résultats dans une grande ville où la composition du gaz varie très peu. La lampe à acétlate d’amyle de Siemens n'est, à la vérité, qu'une lampe à alcool bien construite, mais la combustion d’une va- peurdeconstitution chimique constante qui vient brûler à l'extrémité d’un tube de diamètre fixe, fournit un bon étalon ; les inconvénients sont la faiblesse de l’in- tensité (une bougie) et la teinte rouge de la flamme. Le pentane, employé dans l’étalon Vernon Harcourt, n’est pas assez volatil et le débit varie beaucoup avec la température du laboratoire. L’acétylène se prête très bien à la fabrication d’un étalon pratique, comme M. Violle l'avait déjà indiqué à la Société de Physique ! le 21 juin dernier. Le gaz, comprimé dans une bombe, sort sous une pression de 30 centimètres d’eau; il passe par un petit orifice conique, facile à remplacer, entraine l'air nécessaire à la combustion et vient brù- ler dans un bec du type Manchester. On à déterminé par le photomètre et la photographie la région de la flamme en papillon obtenue ainsi qui présente un éclat uniforme, La flamme est entourée d’une double enve- loppe métallique qui la met à l’abri de l'influence de l'air environnant; on limite la partie utile par deux diaphragmes situés de part et d'autre : l’un, en iris, est mû par une tige graduée en bougies, l’autre peut por- ter des ouvertures de diamètre connu. On obtient ainsi des sources variant de 5 à 20 bougies ; la flamme totale représente 100 bougies et on peut aller jusqu’à 125 en augmentant la pression. On peut faire varier la couleur de la flamme et par suite son degré d’incan- descence : quand on augmente la pression, la flamme se frange d’une teinte rose, que l'on observe dans la combustion des carbures lorsqu'elle s'effectue à haute température. À une observation de M. Le Chatelier, M. Violle répond qu'il a pris toutes les précautions pour que l’ajutage conique restàt parfaitement lisse et de diamètre constant; on le change facilement et on peut le nettoyer à l’aide d'un fil calibré; l'acier est la matière qui convient lemieux.—M. H. Le Chatelier si- gnale l’inexactitude des mesures faites en vue de déter- - miner la température des flammes à l’aide d’un couple thermo-électrique; la soudure prend une température intermédiaire entre celle de la flamme et celle du milieu vers lequel elle rayonne. Il indique aussi que le pouvoir éclairant dépend essentiellement de l'intensité du bec; on brûle 1,5 litre d’acgtylène dans an bec . d’une bougie et la consommation n’est plus que de 1 litre à partir d’une intensité de 5 bougies. C. RAVEAU. 1 Voir la Revue générale des Sciences du 15 août 1895, p.762. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES SCIENCES PHYSIQUES J. Normand Lockyers F. R. $S.: Sur le nouveau gaz obtenu de l’uraninite (5° note). — J'ai essayé de montrer, dans mes dernières notes !, que le spectre du gaz de la brôggérite est celui d’un mélange de gaz. Dans le but de prouver cette hypothèse, j'ai fait récemment de nouvelles observations, basées sur les considérations suivantes : 4° Dans un gaz simple comme l'hydrogène, quand la tension du courant électrique croit, premièrement, par interposition dans le circuit d’une bouteille de Leyde, puis par celle d'un inter- rupteur à air, l’effet est de faire croître l'éclat et la largeur des lignes, l’éclat et la largeur étant les plus grands quand l'interrupteur à air le nlus long est em- ployé. 2° Inversement, quand nous avons affaire à un gaz composé connu : à la plus basse tension, nous pouvons obtenir le spectre complet du composé sans la moindre trace de ses constituants, et nous pouvons ensuite, en augmentant la tension, passer aux lignes des constituants, jusqu’à ce que, quand la dissociation est complète, le spectre du composé disparaisse com- plètement. En me basant sur ces faits, j'ai étudié le spectre de l’étincelle passant, à la pression atmosphé- rique, à travers le ou les gaz distillés de la brüggerite. Le premier résultat est que toutes les lignes ne sont pas égales comme elles devraient l'être, s’il s'agissait d’un gaz simple. Le second résultat est que, à basse tension, la ligne 667 est relativement plus brillante que les autres lignes; en augmentant la tension, C et D, augmentent beaucoup d'éclat, 667 devenant plus faible, pendant que 447, vu facilement comme une étroite ligne à basse tension, s'élargit jusqu’à devenir invi- sible dans quelques tubes, ou, dans d'autres, s'élargit en devenant plus brillante (fig. 1). Ces observations D+ € 4471 587. 6563667 de 2. furent faites avec une batterie de 5 éléments de Grove ; une réduction de 5 éléments à 2 n’eut d'autre influence sur le phénomène que la diminution de l'éclat. Il semble donc évident que l'effet d'une haute tension est de détruire un ou plusieurs composés, dont C, D, et 447 représentent les éléments constituants, tandis que 667 est la ligne des composés qui sont simulta- nément dissociés. L’inégale manière de se comporter de ces lignes a été observée dans d’autres expériences, dans lesquelles les produits de distillation de la brüg- gérite furent observés dans un tube à vide et photo- graphiés à différentes périodes. Après le premier échauffement, D, et 4471 étaient larges, avant qu'aucune ligne, autre que celles du carbone et de l'hydrogène, eut apparu. En continuant à chauffer, 667, 5016 et 492 apparurent, quoiqu'il n’y eùt aucune augmentation notable de l’éclat de la ligne jaune; un chauffage nou- veau introduisit les lignes 5048 et 6347. Ces change- D; 447 492501. 5876 634 667 ments sont représentés graphiquement dans le dia- gramme de la figure 2. On reconnut plus tard que la 2 SRE RTE SE ER EE PES 1 Voir la Revue des 30 oct. 1895 (p. 952), 15 nov. 1895 (p. 991), 15 janv. 1896 (p. 41). 214 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX EE: — ligne jaune D, diminuait par moments, tandis que les autres lignes s’élargissaient. Les lignes observées par Thalen dans le bleu à à — 4922 et 4715 n'ont jamais été vues dans ces expériences; cela vienf probablement de ce que le minéral n’a pas été chauffé assez pour pro- duire les gaz qui donnent ces lignes. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications récentes. M. James Dewar, F.R. S. fait une communication sur la liquéfaction de l’air et sur ses recherches aux irès basses températures. L'auteur, après avoir passé en revue tous les appareils dont on s’est servi pour la production des très basses températures, conclut que le meilleur et le plus économique est, en principe, celui dont Pictet s'est servi en 1878 dans ses célèbres expériences sur la liquéfaction de l’oxygène. Cepen- dant, au lieu d'utiliser deux circuits d’acide sulfureux et d'acide carbonique, il est préférable de prendre, d'une part, un circuit d’éthylène (Cailletet et Wro- blewsky), d'autre part, un circuit de bioxyde d’azote ou d'acide carbonique. En outre, au lieu de produire l'oxygène en chauffant dans une bombe de fer reliée au réfrigérateur du chlorate de potasse, procédé qui fournit la pression nécessaire à la liquéfaction, il vaut mieux se servir de gaz préalablement comprimé dans des tubes d'acier. Le robinet employé par Pictet pour produire l'expansion subite du gaz comprimé était placé en dehors du réfrigérateur ; il est également pré- férable qu'il soit placé en dedans. — M. J. Dewar pro- cède alors à la description d’un appareil de laboratoire basé, en partie, sur ces principes et destiné à produire la liquéfaction de l'oxygène ou d’autres gaz (fig. 1). Le corps réfrigérant est l'acide carbonique à la tempé- rature de — 79°, sans évaporation. L’oxygène gazeux, refroidi avant l'expansion par le passage à travers un serpentin de cuivre‘immergé dans l'acide carbonique solide, traverse une fine ouverture sous une pression de 100 atmosphères. Au bout d'un quart d'heure, l'oxy- gène liquide commence à couler. Le récipient est à doubles parois séparées par un espace vide d’air; lorsque la paroi intérieure est, en outre, argentée, l'isolement vis-à-vis de la chaleur est le meilleur et le plus économique. — L'auteur a cherché ensuite à pro- duire de l’air solide. Si l’on place dans un récipient globulaire argenté de J’air liquide, et qu'on le soumette à l’évaporation à basse pression, un demi-litre d'air solide peut être obtenu. Le solide est une gelée dure, transparente; dans le champ magnétique, de l'oxygène liquide se précipite vers les pôles. Ceci prouve que l'air solide est une pâle d'azote contenant de l’oxygène li- quide, L'air solide ne peut être examiné que dans le vide ou dans l'hydrogène; à l'air, il fond instanta- nément, en liquéfiant l’air qui est autour de lui. — Dans d’autres expériences, M. Dewar a liquéfé de l’air contenu dans des flacons scellés. Deux flacons d'air sec, dont l’un renfermait des traces d’acide carbonique, furent liquéfiés côte à côte; l’un donna un liquide parfaitement clair; l’autre était troublé par suite de Ha présence de 0,04 ,/° de CO,. Les flacons furent alors refroidis jusqu’à ce que le contenu en devint solide, puis on les brisa pour analyser l’air qui n’avait pas été condensé; l’une des prises donna 21,19 %, et l’autre 20,7 °/, d'oxygène, Ceci prouve, une fois de plus, que l'oxygène et l'azote de l'air se liquéfient simultanément, même en diminuant graduellement la pression, contrai- rement à l’opinion de M. Ramsay, qui pensait que l'oxygène, ayant le point de fusion le plus élevé, se Hquéfiait le premier, — Le bioxyde d'azote a déja été liquéfié par Olszewski, qui l’a décrit comme incolore. M. Dewar, en solidifiant du bioxyde d'azote préparé de différentes manières, a toujours obtenu un corps presque blanc, fondant en un liquide bleu. La couleur est plus marquée au point de fusion qu'au point d’é- bullition. — L'auteur s'est livré également à la déter- mination du poids spécifique d’un grand nombre de substances dans l'oxygène liquide: il en a déduit là densité de l'oxygène liquide. La valeur trouvée a été de 1,1375 (pression de 766"",5), en se servant des substances suivantes : cadmium, argent, plomb, cuivre iodure d’argent, spath calcaire, cristal de roche. La détermination directe donna 1,1378. Les résultats ont été corrigés d’après la loi de Fizeau sur la variation du x /Â000 /, , 0 oo CY LI 4 lig. 1. — Appareil de M. J. Dewar pour la liquéfaction des gaz. — À, entrée de l'air ou de l’oxygène; B, entrée de l'acide carbonique ; C, soupape pour la détente de l'acide carbonique ; D, serpentin pour la récupération du froid F, soupape pour la détente de l’oxygène ; G, tube renfer= mant le gaz liquéfié ; H, sortie de l'acide carbonique et de l'oxygène ; ©, tubes pour le passage de l'air; e, tubes pour le passage de l'acide carbonique. coefficient d'expansion des solides. Le corps qui montra la plus grande contraction fut un bloc d’iode comprimés — La densité de l’air liquide fut trouvée égale à 0,910; mais on n’est pas certain que les constituants de l'air liquide fussent dans la même proportion que pour l'air gazeux. En effet, si- on laisse de l'air liquide dans un tube à vide, le point de fusion s'élève graduellemen l'élévation étant à peu près proportionnelle au temp dans la première heure. Mais la densité de l'air liqui n’atteint pas celle de l'oxygène pur. — Un jet d'hydro gène allumé brûle à la surface de l'oxygène liquide; de même, un morceau de graphite ou de diamant : il se forme alors une grande quantité d'ozone. — On connaît, les expériences de Joule, Thomson, Regnault, sur l température des jets gazeux sortant sous de fortes “pressions dans un milieu à basse pression. M. Dewar a “cherché à obtenir une pression telle que l’abaissement “de température fût suflisant pour liquéfier une partie du jet azeux. L'appareil employé est représenté dans “la figure 2. C’est un tube renfermant un serpentin de 5 millimètres de diamètre, et de l'acide carbonique ou de l'air liquide pour refroidir le gaz avant l'expansion; A estun pelit trou qui termine un tube de cuivre ou d'argent. Si de l'acide carbonique à la pression de 30atmosphères, sortpar cette ouverture, un liquide peut être apercu à l'endroit où le jet frappe la paroi du réci- pient, Si de l'oxygène s'échappe sous une pression de 100 atm., et après avoir élé préalablement refroidi à — 790 dans le récipient C, un jet liquide est visible. Un jet d'air liquide peut ètre produitavec une pression de 200 atm., et un refroidissement préalable à — 79°. . La grande difliculté est de recueillir le liquide formé ; Il I] l © 6 © O0 © O0 © O © © 0 © 0 © Fig. 2. Fig. 3. Fig. 4. on peut en accroitre la quantité en opposant une plus grande résistance à Ja sorlie du gaz par le moyen du “serpentin B, Pour arriver à un meilleur isolement, le “serpentin peut être placé entre deux tubes à vide, - comme dans la figure 3. L'orilice de sortie est muni d'une petite plaque de verre qui facilite la production “ du liquide: Avec ce. simple appareil, sans refroidisse- “ment préalable et en usant d’une pression de 200 atm., « l’uir liquide commence à couler au bout de cinq mi- “nules. Dans la figure #, le serpentin est disposé en spires horizontales, laissant un espace central destiné - à l'introduction d'un lube, dont on pourra se servir «pour refroidir des corps ou examiner des gaz com- … primés. L'ouverture À pouvant se boucher, il est pré- « férable de la remplacer par un robinet mû du dehors par une vis. Le rendement de cet appareil est faible, “ mais il a de grands avantages; on peut atteindre de très basses tempéralures et il peut servir à refroidir - des corps. L'air liquide obtenu contient 50 0}, d'oxy= gène ; s'il y a eu refroidissement préalable par l'acide carbonique, La proportion d'oxygène s'abaisse à 40 0. — Des expériences analogues ont été tentées pour “lâcher d'obtenir une pelite quantité d'hydrogène li- - quide à son point d'ébullition. Pour cela on ajouta d'abord à l'hydrogène environ 2 à 5 °, d'azole; ce «mélange, refroidi à — 200°, sous une haute pression, el “soumis à la détente, produisit une bloc solide d'azote, - contenant évidemment de l'hydrogène, car le gaz qui “sen évaporait brülait violemment. En remplacant “l'azote par de l'air, on obünt un solide blane, baignant “dans un liquide de faible densité, et tellement volalil qu'il ne putètre recueilli. Del'hydrouène pur, refroidi à …200° et comprimé à — 140 alm., ne donne aucun jel “liquide; si l'hydrogène contient un peu d'oxygène, il se produit un liquide qui est de l'oxygène, contenant de l'hydrogène en solution, car les gaz quis’enéchappent sont explosifs. Si l'hydrogène, refroidi dans un bain 4 = + < à ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 9-8 d'air bouillant, se détend sous une pression de 200 atm., un ‘et liquide se produit au bout de quelque temps, et un liquide bouillonnant se rassemble au fond du tube, mais il ne s’accumule pas. M. Dewar eut l'idée de se servir de ce jet d'hydrogène comme réfrigérateur. Il le dirigea sur de l'air ou de l'oxygène liquide, placé au fond du tube; au bout de quelques minutes le liquide s'élait transformé en solides blancs, ressemblant à la neige d'avalanches, différent de la gelée solide obtenue par d’aulres procédés. L'auteur croit qu'on pourra se servir avec avantage de ce jet d'hydrogène liquide pour éludier les propriétés de la matière à 20 ou 30° du zéro absolu. Il est probable que, par cemoyen, on pourra arriver à liquéfier le fluor si l'énergie chimique de cet élément s'annule aux très basses tempéralures comme celle de beaucoup d’autres corps. — M. Ramsay an- nonce, d'après une leltre qu'il vient de recevoir de Cracovie, qu'on est parvenu à produire l'hydrogène liquide dans un état d'ébu lition tranquille. Le mé- nisque était très nellement visible, et on a pu déter- miner le point cerilique et le point d'ébullilion au moyen d'un thermomètre à résistante. — M. Blount donne quelques renseignents sur le procédé de Linde pour la liquéfaclion de l'air. ACADÉMIE ROYALE DES Séances de Janvier 1596. LINCEI 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Tacchini présente e résultat de ses observations sur la planèle Vénus, etles dessins qu'il en a faits à l’observaloire du Collège romain. M. Tacchini arrive aux mêmes conclusions que M. Schiaparelli, ayant reconnu que la rolation de Vénus s’accomplit en 224,7 jours. — M. Millosevich donne la continuation de ses observalions de la comète Perrine. — M. Zona établit la lalilude de l’observa- toire de Catane, et, dans une deuxième note, s'occupe de l'orbite de sa comète 1890, IV, — M. Pincherle: De la validité effective de quelques développements en séries de fonctions. — M. Levi-Civita : Sur la distribution de l’électricité, produite par induction, dans un cylindre indéfini, par un système de masses, 2, SCIENCES PHYSIQUES. — M. Sella : Mesures relatives à la composante horizontale du magnétisme terrestre sur le Mt Rosa, à Bielle et à Rome. -- M. Majorana : Aclion d’un rayon lumineux, périodiquement inter- rompu, sur le sélénium.— M. Garbasso : De la double réfraction des rayons de force électrique. — M. Zop- pellari décrit quelques phénomènes qu'ila observés dans la congélation des solutions diluées. Avec des solutions de permanganale potassique, de potasse chromique oubichromique, d’anhydride chromique, ila vu la substance en solution se recueillir au milieu du reste du solvant très pur, en forme de bäton couvert de piquants. M. Zoppellari rappelle que le même phé- nomène s’observe dans les blocs de glace artificielle, où les petites bulles d'air se réunissent au milieu du bloc: et il dit que la séparation du corps en sclulion, parait se produire d’une facon plus régulière et plus nelte pour les sels qui ne contiennent pas d'eau de cristallisation, — M. Paterno s'occupe de l’action du phéuol en cryoscopie. ps 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Pantanelli éludie, dans une note, quelques échantillons de cuivre et de mercure natifs, qui ont été trouvés dans les Apennins de l'Emilie. — M. Lovisato : Sur les grenats des iles de Caprère et de Sardaigne. — Mme Traube-Mensa- rini décrit plusieurs expériences qui démontrent que la peau, immergée dans son milieu physiologique, est imperméable. Ayant exéculé des recherches en mo- difiant la composition du milieu liquide, et ayant vu que les Prolozoaires se comportent comme les Mé- lazoaires, Mme Traube-Mengarini arrive à la conclusion ue la peau humaine doit obéir aux mêmes lois. — M. Tolomei a fait des recherches, dont il donne la description, sur un ferment soluble qui se lrouve dans le vin. Ernesto Mancinr. CORRESPONDANCE CORRESPONDANCE A PROPOS DES MUSÉES COLONIAUX Monsieur le Directeur, L'intéressante étude consacrée par M. Caustier, dans la Revue du 15 février dernier, au Musée Colonial de Haarlemetaux productions des Indes néerlandaises, en montrant aux lecteurs ce qu’on a pu faire dans un pays où les préoccupations coloniales tiennent depuis long- temps le premier rang, a dû leur faire penser aussi à ce que nous pourrions tirer de notre immense domaine colonial. Mais je crois qu’il est utile de compléter un renseignement fourni par l’auteur sur le budget de notre Exposition permanente des Colonies. Ce budget n’est pas affecté simplement au musée: l'Etablissement constituait, jusqu’à ces derniers jours, un Service déta- ché du Ministère, comprenant à la fois les Renseigne- ments commerciaux et la Colonisation avec l'Exposition proprement dite. Cette organisation, qui datait du 4er octobre 1894, a déjà produit, sans dépenses nou- ve'les, des résultats assez considérables pour qu'il ne soit pas inutile de les faire connaître. Le Service des Renseignements commerciaux s’est mis à la disposition des commerçants et des colons pour fournir aux uns et aux autres toutes les indications nécessaires, à la fois sur l’utilisation possible des pro- duits coloniaux par la métropole et sur les objets de fabrication française qu'il importe de faire connaître aux colonies; il a provoqué, de la part des administra- tions locales, des enquêtes minutieuses sur les produc- tions naturelles de nos possessions et sur les cultures qu’on y à tentées; le Bulletin de l'Exposition s’est transformé en une Revue Coloniale, organe important, malheureusement trop peu répandu, où se trouvent rassemblés les documents économiques intéressant les colonies françaises et étrangères. Le Service de la colonisation, de son côté, a été assailli d’une multitude de demandes émanant de compatriotes désireux de coloniser, et, pour guider ces émigrants volontaires, pour leur épargner les sou- cis de la première heure, il a publié et distribué gra- tuitement de nombreuses notices. Il a secondé, dans la plus large mesure, les louables efforts du gouverneur actuel de la Nouvelle-Calédonie pour provoquer la petite colonisation; et, par son intermédiaire, chacun des paquebots des cinq derniers mois a transporté une moyenne de dix familles pour- vues des capitaux nécessaires pour coloniser efficacement. En ce qui concerne le musée lui-même, les vitrines ont été, en partie, revues; des produits utiles ont pris la place d’objets sans utilisation possible, et, au mois d'avril dernier, une exposition spéciale des produc- tions de Madagascar attirait au Palais de l'Industrie un grand nombre de visiteurs. Ce sont là des’efforts et des résultats qu'il semble intéressant de signaler, On n’a pas cru devoir, il est vrai, modifier de fond en comble l’organisation du musée et le débarrasser du fatras d'objets inutiles ou sans intérêt qui l’en- combrent: c’est que,le Palais de l'Industrie étant menacé d’une prochaine disparition, il ne paraissait pas oppor- tun d’entreprendre une réorganisation nécessairement dispendieuse au moment où le transfert dans un autre local allait s'imposer. — Si l'Exposition perma- nente des Colonies n’est pas visitée comme elle devrait l'être ; si elle n’a pas toujours rendu tous les services qu'on était en droit d'en attendre, ne nous en pre- nons pas trop à ceux qui yont dépensé leurs efforts, mais bien plutôt à la singulière idée qu'ona eue d’ou- vrir une exposition sur une promenade déserte, dans un local des plus défectueux, en des salles immenses n'ayant d'autre dôme que l'immense vitrine du Palais de l'Industrie, exposées à la pluie, transformées en serres par le soleil d'été eten véritable glacière par les froids de l'hiver. C’est bien là l’image de notre sys- tème colonial : faire grand, ne jamais viser au pratique, Ces critiques, adressées surtout à l'installation maté-" rielle de l'Exposition elle-même, ne sauraient vouloir entraver une œuvre en voie de transformation, qui a, au cours de l’expérience récente dont nous venons de dire quelques mots, donnétant de preuves de sa vitalité; nous espérons qu’un local approprié sera enfin consacré à l'Exposition permanente et que le public y trouvera, autre chose que le plaisir des yeux, mais encore un véri- table enseignement, car l'Exposition doit être, avant tout, le tableau fidèle de la situation économique des colonies; les objets n’y doivent figurer qu'avec des notices détaillées sur leur production et sur leur emploi possible. Nous désirons y voir organiser des” conférences, des démonstrations techniques; nous voudrions voir l'Exposition devenir un véritable foyer de colonisation, un Institut Colonial !, si l'on veut, où viendraient se retrouver et échanger leurs vues les voyageurs, les colons, les commercants, les fonction- naires et tous ceux qui, de près ou de loin, s’inté- ressent à l’avenir des colonies francaises, et où vien- draient aussi converger tous les efforts des Sociétés de géographie et de colonisation qui, en conservant leur autonomie, rendraient d'autant plus de services qu’elles formeraient un faisceau plus compact et plus étroit. — Qu’importent quelques milliers de francs quand il s’agit d'assurer l’avenir économique de colo: nies qui nous ont coùté tant de sacrifices de toutes sortes ! Et c’est cet avenir qu’on a peut-être trop sacri- M fié jusqu'ici à des préoccupations d’ordre purement M politique. Un Institut colonial, tel que nous l’avons entrevu, créerait évidemment en faveur de nos colonies un cou- rant d’irrésistible intérêt; on apprendrait, sans doute, que les capitaux de la métropole peuvent affluer vers d’autres entreprises que des mines d’or imaginaires: De généreux donateurs ne manqueraient pas pour une œuvre d'intérêt si général ; les chambres de commerce et les municipalités préteraient un concours précieux; la presse ne ménagerait pas son appui ; et la Revue générale des Sciences, qui a déjà prouvé, en plusieurs occasions, l'intérêt qu'elle porte au développement économique de nos colonies, voudra être la première à faire germer l’idée de cet Institut Colonial. Veuillez agréer, etc. Henri LECOMTE, Docteur ès sciences, Professeur au lycée Saint-Louis, M ex-chargé de mission au Congos Lu Revue s'associe pleinement à ce souhait de M. H, Lecomte. En faisant connaître le rôle de la science dans, les services coloniaux de divers pays étrangers, son buts est d'appeler sur ces questions, — très négligées chez nous, — l'attention des savants. Leur intervention pour guider l'opinion publique, — si ignorante en ces matièress comme en lant d'autres, — sera d'autant plus efficace qu'elle S'affivmera plus hautement. Nous croyons savoün que le récent article de M. Caustier sur le Musée colonial de Haarlem a déjà très heureusement disposé l’admi= nistration compétente en faveur de la création d'un Insti tut Colonial à Paris. Louis OLIVIER, M _ dj i Notre éminent ami M. le Professeur Heckel, si dévoué à la cause coloniale, a déjà organisé à Marseille un Etablisses ment de ce genre avec l’appui éclairé, du grand commerc@ marseillais. Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 Le Directeur-Gérant : LouIS OLIVIER M 1° ANNÉE N° G 1 30 MARS 1896 REVUE GÉNÉRALE ES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 537,53 Deux hypothèses principales se disputent actuelle- ment l’explication du phénomène de Ræntgen. L'une voit dans les rayons X des vibrations ultra-violettes de très courte période; l’autre les considère comme une émission continue, analogue à la production du champ électrostatique, et les attribue, en conséquence, au flux ininterrompu d’une portion de l’éther !. Ne peut-on se demander si, à la limite de réduction de la période vibratoire, les deux modes de l'énergie — vibration et transport de masse, — se confon- draient. On aurait alors le passage complet et définitif du monde de la radiation ou de l’Optique ? au monde de l’Électricité. Déjà Hertz avait rattaché l'induction à la vibration. Mais le courant électrique, le champ électrostatique ne paraissaient pas relever d’une cause semblable, La transformation de la vibration en écoulement, vers la limite de réduction de la période vibratoire, relierait donc, pour la première fois, le domaine entier de l’Électricité à celui de la Lumière. Estil permis de poser ainsi la question? Peut-on, sans hérésie, songer à unilier, dans le sens que nous -venons d'indiquer, les deux hypothèses soulevées par la découverte des rayons X? Il semble intéressant de faire, sur ce point, appel à la compétence des physi- ciens-mathématiciens. A propos des mêmes rayons, nous voudrions aussi soumettre aux lecteurs la remarque suivante : On à beaucoup parlé de l'intérêt qu'offre, pour la Chirurgie, la méthode de Rœntgen. Mais jusqu’à pré- sent, — du moins à notre connaissance, — rien n'a été dit de la possibilité d'appliquer cette méthode à l'étude des infiniment petits. Nous croyons cependant que, si les rayons X se raccordent au spectre, comme les récentes expériences de M. H. Becquerel tendent à EE EEEa——Z—_—_—_——— "À 1 Voyez à ce sujet les articles de M. Raveau, du Professeur Lodge et de Lord Kelvin dans le dernier fascicule de la Revue. ? La Chaleur y étant comprise. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1806. A PROPOS DES RAYONS DE RŒNTGEN le démontrer!, ils apporteront à la micrographie un secours {rès précieux. La théorie de la Lumière autorise cel espoir. On sait que nous sommes arrivés à la limite du pouvoir sépa- rateur des microscopes, Quelques perfectionnements que l’on fasse subir à ces instruments, on n’augmen- tera guère la netteté avec laquelle ils nous permettent aujourd’hui de distinguer les plus petits détails des objets soumis au grossissement. La raison est celle- ci : un point lumineux géométrique donne pour image non pas un point lumineux, mais bien une petile tache. Au moyen d'une même source lumineuse homo- gène, produisons deux de ces petites taches, assez rapprochées pour qu'elles empiètent lune sur l’autre. Pour une même distance entre leurs centres, la gran- deur de cet empiétement est proportionnelle à la lon- gueur d'onde de la radiation employée. Donc, plus la lumière choisie pour éclairer le microscope sera réfrangible, autrement dit plus ses vibrations seront de courte longueur d'onde, mieux on distinguera les petits objets. La photographie, telle qu'elle est prati- quée actuellement, nous permet, pour cette raison, de déceler des détails qui échapperaient forcément au meilleur œil armé du meilleur des microscopes. Mais la découverte de Rœntgen semble promettre d’abaisser encore bien davantage la limite de petitesse des objets susceptibles d’être discernés au microscope. Si, en effet, les rayons X sont de l’ordre de l’ultra-violet actuel, mais d'onde encore beaucoup plus courte, ils pourront inscrire sur la plaque sensibilisée des détails notablement plus petits que ceux que la photographie ordinaire nous révèle. Mais, pour employer ces rayons, il faudra savoir les réfléchir et les réfracter, — ce que les expériences, en cours, de M. H. Becquerel pa- raissent être sur le point de nous apprendre. Alors la Biologie se trouvera dotée d'une nouvelle et très puis- sante méthode d'investigation. Louis OLivier. 1 La Revue a relaté lesconclusions du savant physicien dar dernière livraison. Les deux notes présentées par M. Becquerel à l'Académie des Sciences seront prochainement analrsées ici 278 L. BRUNER — LES FAUX ÉQUILIBRES CHIMIQUES : SURFUSION ET SURSATURATION SURFUSION ET $ L'état d'agrégation dans lequel doil se trouver | une masse donnée d'un corps est généralement défini sans ambiguïté par les conditions physiques qui lui sont imposées. Toutefois, ce principe admet quelques exceptions, évidentes lorsque le corps en question est susceptible d’éprouver des trans- formations non réversibles, et plus fréquentes qu'on ne serait tenté de le croire, même en l'absence d’une telle transformation. L'état physique qui existe à un moment donné se prolonge parfois au delà des conditions ordinaires dans lesquelles il s'établit ; il se produit un retard de transformation pendant lequel le corps se trouve dans un état de faux équilibre, suivant l'heureuse expression de M. Duhem. L'eau contenue dans un tube de verre très étroit, ou nageant dans l'huile à l’état de fines gouttelettes, peut être amenée à une température élevée sans entrer en ébullition. La transformation en vapeur se produit alors brusquement avec une pelite explosion. Inversement, la vapeur d'eau reste suspendue dans l'atmosphère lorsque le point de rosée est depuis longtemps dépassé; il suffit, pour cela, que l'air soit absolument privé de poussières. Dès qu'on mélange à de l'air ainsi sur- saturé de vapeur d'eau une petite quantité de gaz non filtré, chaque particule de poussière devient un centre de condensation, de telle sorte qu’un petit nuage ou même une véritable pluie en miniature se forme instantanément dans le récipient servant à l'expérience. Ce phénomène, étudié par M. Aïtken et par le regretté R. von Helmhoïitz, est si régulier, qu'on a pu s'en servir pour déterminer le nombre des poussières que l'air contient généralement en grande quantité. Parmi ces phénomènes de faux équilibre, il en est deux dont l'examen est particulièrement facile et suggestif : nous voulons parler de la swrfusion et de la suwrsaturation, qui feront l’objet de cette étude. Ils ont, dureste, plus d'un caractère com- mun, et l'expérience ne peut pas toujours les isoler l’un de l'autre ; au contraire, ils s’enchevé- lrent si bien que, comme nous le verrons, c'est en utilisant convenablement l'un d'eux que l’on pro- duit l'autre dans la plupart des cas difficiles. [ La swrfusion, que l'expérience quotidienne ferait envisager comme un phénomène rare el excep- lionnel, est très fréquente au contraire lorsqu'on LES FAUX ÉQUILIBRES CHIMIQUES URSATURATION se place dans les conditions favorables à sa pro= duction. S'il est peu de corps qui permettent d'établir de grandes différences entre leur tempé rature de solidification normale et la températur la plus basse à laquelle on puisse les mainteni liquides, un très grand nombre, au contraire, pré- sentent ce phénomène avec une plus ou moins grande intensité. Quelques corps peuvent être amenés à l'éta liquide beaucoup au-dessous de leur température normale de solidification; nous citerons en particu lier l’eau qui se congèle, dans certaines condilions à— 34°; l'hyposulfite de soude (pointde fusion 48!) que l’on peut amener à une température inférieure zéro; le soufre (point de fusion 113°,6), qui rest liquide à 90°. Parmi les corps appartenant à la Chimie miné: rale, les sels poly-hydratés de sodium ou de cal cium (sulfate, hyposullite, chromate, phosphat de sodium, chlorure, nitrate de calcium) son ceux qui entrent le plus facilement en surfusion Nous citerons, parmi les corps organiques, quel ques acides de la série grasse [acélique, formiquem et les composés aromatiques ayant les caractères des alcools ou des cétones. Tels:ia benzophénones le thymol, le paracrésol. Les points de fusion dt ces corps sont respectivement à 49°, 49°,5, 34m tandis que les deux derniers peuvent ètre amenés à zéro, la benzophénone même à -— 15° sans pré senter des traces de solidificalion. Les circonstances dans lesquelles se produit surfusion exercent la plus grande influence su le phénomène. Les mouvements duliquide ont une action {rès« variable ; l’eau surfondue se congèle à la moindré vibration, Landis que le thymol reste liquide à unt température de 50 degrés inférieure à son poin de fusion normal, même lorsqu'on l’agite vigous reusemenL. La nature des parois est un autre facteur impo | tant de variation : Lel corps, que l'on maintien aisément surfondu dans un vase à parois lisses, di verre par exemple, se solidifie normalement dans un vase en platine, qui présente toujours quelq rugosilé. Les dimensions de la surface libre, la présence. de bulles d'air dans la masse, la quantité mêmede liquide sont autant de causes de variation du phé= nomène. 1 Les résultats les plus constants sont obtenus. L. BRUNER — LES FAUX ÉQUILIBRES CHIMIQUES : SURFUSION ET SURSATURATION 219 dans des tubes de verre étroits, presque capillaires, que l’on ferme à la lampe pour éviter le contact des poussières cristallines. Cette dernière circon- stance est, en effet, la plus importante, un corps, qui a résisté à toutes les tentatives de solidifica- lion, abandonnant l’état liquide dès qu'il se trouve au contact d’un cristal de même nature, ou au moins isomorphe, pour peu que sa température soit inférieure à celle de la fusion normale. Il La première question qui se pose, dans l’étude qui nous occupe, est celle de la limite de la surfu- sion; el, d'abord, existe-t-il une limite absolue, au-dessous de laquelle un corps donné ne puisse pas être maintenu à l’état liquide? S'ilenest ainsi, la imite en question est une nouvelle constante caractéristique des corps, au même titre que la température de fusion normale, ou la température critique. Cette dernière a été souvent nommée la lempérature d'ébullition absolue, et lon pourrait, par analogie, nommer /empérature de solidification abso- lue, celle au-dessous de laquelle un corps ne peul plus être maintenu liquide *. L'extrème variabilité du phénomène et la diffi- culté d'affirmer toujours que l’on a écarté toutes les causes possibles d’une solidification prématurée rendent la réponse quelque peu hésitante. Toute- fois, l'affirmative est infiniment probable, et l’on peut même, dans bien des cas, indiquer, avec une assez grande approximalion, quelle est cette | température. La méthode est fondée sur cette remarque, que la durée de conservation d'un corps surfondu dépend de sa température. Cette solidification se produit toujours, en effet, au bout d'un temps plus ou moins long *. Et, si l’on fait de nombreuses expériences dans des conditions semblables, on peut calculer la durée moyenne du phénomène. Cette durée diminue à mesure que l'on s'éloigne du point de fusion, de telle sorte que l’on peut, par un procédé d’extrapolation, déter- miner la température à laquelle lasolidification se produit instantanément. Le thymol, dont nous avons déjà parlé, reste liquide pendant plusieurs heures à 5° ou 6°, secon- gèle en vingt minutes à 0°, et, plongé dans un mé- lange réfrigérant, se solidifie instantanément, tandis que le thermomètre placé dans la masse ! Disons toutefois que l’analogie n’est pas parfaite, puisque les transformations autour du point critique sont réversibles, tandis qu’elles ne le sont pas autour du point de solidification absolue dans le cas de la surfusion. 2? Cette aflirmation est peut-être trop absolue. La glycérine, par exemple, reste liquide pendant un temps indéfini à une température bien inférieure à celle de sa fusion, à tel point qu'un heureux hasard seul a montré qu’elle est cristallisable. (Note de la Direction. | indique une température de — 3° à — 6e, Latempérature de congélation absolue du thymol est donc vraisemblablement —6°; de même, celle de l'acétate de plomb serait, d’après M. Gernez, de PAS La vitesse de propagation de la cristallisation dans un liquide surfondu est une antre caractéris- tique du phénomène, analogue, à plus d'un égard, à la propagation d’une onde explosive. Pour l’étudier, il est nécessaire d’enfermer le liquide dans un tube de verre étroit, de telle sorte que la surface de séparation du solide et du liquide s’avance parallèlement à elle-même. On provoque la solidification à l'aide d’un cristal. Les expériences faites sur le phosphore, le phé- nol, le crésol, ont démontré, tout d’abord, que, dans des conditions identiques, la vitesse de cris- tallisation est constante, et d'autant plus grande que la température est plus basse. Pour le soufre, étudié par M. Gernez, le phénomène est compliqué en raison, sans doute, des modifications allotro- piques que présente ce corps. IT Au moment de la solidification d'un liquide sur- fondu, la température s'élève, et c'est là le signe le plus évident de la surfusion. Lorsque la tempé- rature n’a été que peu abaissée, la chaleur dégagée suffit pour faire remonter la masse jusqu'à la fusion normale, auquel cas le corps conserve en partie l’état liquide; mais la masse entière peut aussi se solidifier si l'écart de température était suffisant. La quantité de chaleur dégagée pendant la soli- dification d'un liquide surfondu se déduit de la chaleur latente, dans les conditions normales, el des chaleurs spécifiques des corps solideet liquide, par une relation qui découle comme une évidence du principe de la conservation de la chaleur. Cette relation a été mise pour la première fois en lumière par Person, qui la déduisit de ses propres expé- riences, confirmées par toutes les recherches faites depuis lors sur celte question. Cette loi indique simplement que la chaleur dé- gagée au moment de la solidification d'un liquide surfondu est inférieure à celle qui est produite normalement, de la différence des quantités de chaleur dégagées pendant le refroidissement de la même masse du corps solide et liquide entre le point de fusion normal et la lempérature consi- dérée. Parmi les expériences récentes qui ont apporté un nouvel appui à la loi de Person, nous citerons les mesures directes de M. Petterson, et les re- cherches, beaucoup plus générales, de M. Berthelot, | consistant à dissoudre, dans l’eau d’un calorimètre, 280 L. BRUNER — LES FAUX ÉQUILIBRES CHIMIQUES : SURFUSION ET SURSATURATION un corps solide, ou bien la même quantité de ce corps à l’état de surfusion. IV Nous pouvons maintenant aborder la question à un point de vue général, et grouper les faits connus pour chercher à déterminer la constitution des liquides surfondus. Malheureusement, la seule propriété de ces corps qui ait été bien étudiée est leur chaleur spéci- fique !. Les résultats de l'expérience montrent que celte propriétése rattache, pourles corps surfondus, à sa vaieur à l'état liquide normal. Le point de fusion n’est marqué par aucune particularité de la courbe, qui présente, en cetendroit, tout au plus dans certains cas, un maximum peu accentué; nous en conclurons que, dans une masse surfon- due, la molécule a conservé les propriétés qu’elle avait dans le liquide normal. La solubilité des liquides surfondus va nous faire pénétrer plus intimement cette idée en même temps qu'elle nous conduira tout naturellement à l'étude de la sursaturation. La théorie nous dit qu'un liquide surfondu doit être plus soluble que le même corps à l’état solide. En effet, l’ensemble des phénomènes physico- chimiques conduit à une loi tout à fait générale, que l’on peut exprimer en disant que deux systèmes en équilibre avec un troisième sont en équilibre entre eux ; et, inversement, que deux systèmes quine sont pas en équilibre avec un troisième ne peuvent pas l'être entre euz ?. Or, comme le liquide surfondu n’est pas en équilibre avec le cristal qui se forme à ses dépens, l’un et l’autre ne peuvent pas être simultanément en équilibre avec le dissolvant. Le corps surfondu, étant à l’état instable, est forcément plus soluble, ce que l'expérience vérifie. Les expériences de M. Walker ont montré, en effet, que les courbes de solubilité de la para- toluidine dans l’eau, ou de la glace et de l'eau dans l’éther, présentent un point anguleux à la tempé- rature de fusion normale, de telle sorte que, sil'on prolonge la courbe correspondant à l’état liquide, elle passe au-dessus de celle qui convient à l’état solide (fig. 1). Le petit nombre des expériences que l’on pos- 1 Nous ajouterons que les quelques cas dans lesquels la dilatation a été poursuivie au-dessous du point de fusion, confirment absolument les arguments tirés de la chaleur spé- cifique. L’eau, par exemple étudiée par Isidore Pierre, MM. Weidner, Marek, P. Chappuis, continue à augmenter de volume jusqu'à —139, limite des expériences. 2 Si l'on prépare, par exemple, une solution aqueuse d'hydrogène sulfuré à une pression donnée du gaz, cette solution précipite, d’une solution de chlorure de zinc, la même quantité de sulfure de zinc que l’hydrogène sulfuré gazeux précipite sous la même pression. sède conduisent toutes au résultat prévu par la théorie ou déduit parl’extrapolation. Par exemple, l’hyposulfite de soude, préalablement surfondu, se M mélange à l’eau en toutes proportions. Il en est de même du thymol avec l'alcool. Jolubilire Z \E Al Temperature Fig. 1.— Diagramme de la solubililé du même corps, solide, fondu ou surfondu, en fonclion de la température. — Le courbes correspondant aux états fondu et surfondu s8 suivent sans aucune singularité au point de fusion. Ces observations nous permettent de donner la vraie théorie des expériences (rès intéressantes de M. Alexeief, que cet auteur avait interprétée d'une facon qui nous semble erronée. Dans ses recherches sur la solubililé réciproque des liquides; M. Alexeief observe que l'acide benzoïque et l'acide salicylique fondent dans l'eau à une température inférieure à leur point de fusion normal; la solu= tion saturée, qui s'amasse alors au-dessus des acides Fate est plus concentrée que la solution saturée des mêmes corps solides. La différence entre les deux solutions est assez considérable la concentration dans le premier cas est, pan exemple, de 8 °/,, dans le second, elle n’est que de 2,1 0. Pour rendre compte de ces phénomènes M. Alexeief suppose l'existence de solutions iso mères, dont les unes contiendraient de l'acide solide, les autres de l'acide liquide; les corps à l'état here seraient,en er purs solubles qu'à l’état solide. . Selon nos idées modernes, il ne “he pas possible d'admettre que Ja solution contienné soit de l'acide solide, soit de l'acide liquides pour que l’on püt affirmer l'isomérie des deux solutions, il faudrait démontrer d’abord que les propriétés sont différentes dans les deux cas. Or tout ce que nous savons porte à croire que less, propriélés sont identiques. 4 Le phénomène devient, aucontraire, trèsnalurelk, si l’on suppose que Pass liquéfié en présence d@ | l’eau, est à l’état sur rene el possède, par consé= REA une solubilité supérieure à celle de l'acide solide. L. BRUNER — LES FAUX ÉQUILIBRES CHIMIQUES : SUREUSION ET SURSATU RATION 281 \ Si les travaux sur la surfusion et le phénomène intermédiaire de la solubilité des liquides sur- fondus sont relativement peu nombreux, il n’en est pas de mème de la sursaturation, qui a été beau- coup étudiée depuis que Gay-Lussac la découvrit au commencement de ce siècle. Elle doit cette pré- férence au désir de vérifier les théories nombreuses et contradictoires émises pour en rendre compte. Si nous laissons de côté les travaux de Gay- Lussac lui-même, ceux de Loewel et de quelques autres physico-chimistes, c'est à M. Gernez que nous sommes redevables du plus clair de nos con- naissances touchant celte question. On a pensé, pendant longtemps, que la sursa - turation était propre aux sels hydratés, parce que les sels polyhydralés de soude et les aluns se dis- tinguent par leur facilité à produire ce phénomène. Mais on sait aujourd'hui, gràce aux travaux de M. Gernez, qu’il n’est pas limité à ce groupe de corps. Le nitrate d'argent, par exemple, entre facilement en sursaturation dans l’eau. L'intensité de la sursaturation varie d’un corps à l’autre; le sulfate et l’hyposulfite de soude, par exemple, se sursaturent fortement, le bichromate de potasse beaucoup moins. Les acides organiques, tartrique et citrique, le sucre de canne, le sucre de lait, donnent aussi des solutions sursaturées. Les solutions sursalurées peuvent être préparées aisément en partant de la propriété très fréquente des sels d'augmenter de solubilité à mesure que la température s'élève. Au besoin, on préparera la solution sous pression en vase clos, et on la lais- sera se sursaturer par le refroidissement. Lorsque ce procédé ne réussit pas, on peut aborder l'ex- périence avec succès en faisant distiller avec pré- caution une partie du dissolvant. Enfin, en se ser- vant de liquides surfondus, on peut pousser la sur- saturation jusqu'au quadruple ou au quintuple de la saturation. Dans ces opérations, on devra ob- server les mêmes précautions que dans la prépa- ration des corps surfondus, et pour les mêmes causes. Cen’est qu'après de patients et longs essais que l’on peut affirmer qu’un corps est incapable de fournir une solution sursaturée. On a réussi même à obtenir des solulions d'azotates de cad- mium, de cuivre et de cobalt dans l'alcool, de sul- fate de cuivre et de fer dans la glycérine, de soufre et de phosphore dans la benzine, le toluène ou le sulfure de carbone. Si le corps dissous ne présente pas de modifica- tion allotropique et ne peut entrer en combinaison avec le dissolvant, ce sera toujours le même corps unique qui se précipitera de la solution. Le phé- nomène change, si le sel dissous peut donner avec le dissolvant (l'eau) plusieurs hydrates différents. Chaque hydrate possède alors sa courbe de solubi- lité distincte, et, sil'on parle alors de sursaturalion, il est nécessaire d'indiquer celui d’entre eux qu’on a en vüe. M. Nicol a observé que les solutions très concentrées de sulfite de soude déposent le sel Na°SO*, 7H°?0, si on les met en contact avec un cristal heptahydraté, et par contre le sel Na°S03, 10H20, si le contact se produit avec un cristal décahydralé. Outre l'intérêt qu’elles pré- sentent par elles-mêmes, ces expériences nous fournissent de sérieux arguments contre la théorie des hydrates, puisque les solutions sursaturées déposent un sel qui ne dépend nullement de la modification employée pour les produire, et uni- quement du cristal qui provoque le précipité. Il parait done évident que l'hydrate ne préexiste pas dans la solution, mais qu'il se forme au moment où se produit le contact avec le cristal. Le sel dissous se précipile toujours lorsqu'on abaisse suffisamment la température, et, malgré le manque de données précises, on peut affirmer, avec une grande probabililé, qu'il existe une tem- pérature déterminée à laquelle chaque solution sursaturée cristallise immédiatement. Cette tem- péralure est aussi difficile à fixer que le point de solidification absolue des liquides surfondus. Elle dépend, en première ligne, dela nature particulière du corps dissous : une solution d’acétate de soude, contenant jusqu'à 200 °/, de sel ne cristallise pas, même à la température de —20°; les solutions d'alun cristallisent vers 0°, celles d’acétate de plomb vers 15°. Le degré de sursaluration joue aussi un rôle prépondérant: moins la solution est sursaturée, plus on peut abaisser la température sans craindre la cristallisation. Dans des solutions peu sursa- lurées, qu'on obtient, en général, avec des corps peu solubles, on arrive parfois à abaisser la tem- pérature jusqu'au point de congélation du dissol- vant ; si l'on opère avec des solutions aqueuses, il se forme de la glace, qui reste en fines aiguilles en suspension dans le liquide. La solution devient alors plus concentrée. A la tendance plus ou moins développée de cris- lalliser spontanément se raltache sans doute la vitesse avec laquelle la cristallisation, une fois commencée, se propage dans la solution. Les ré- sultats obtenus par M. Gernez sont très compliqués et prouvent que nous avons affaire à un phéno- mène dépendant de plusieurs facteurs. Pour une même solulion celle vitesse est d'autant plus grande que la température est plus basse; il est donc évident que, la température restant constante, la vitesse sera d’autant plus grande que la solu- tion est plus concentrée. 282 L. BRUNER — LES FAUX ÉQUILIBRES CHIMIQUES : SURFUSION ET SURSATURATION Comme les liquides surfondus, les solutions sursaturées possèdent des propriétés analogues à celles des solutions dans lesquelles le corps dissous n’est pas en excès dans le dissolvant. Les pro- priétés physiques des solutions traversent le point de saturation sans discontinuité. Plusieurs propriétés ont été ainsi suivies à tra- vers le point de concentration. La conductibilité électrique a été étudiée par M. C. Heim, les cha- leurs spécifiques et les densités par M. Bindel, la dilatation et la viscosité par M. Nicol. Dans ses recherches sur la chaleur de dissolu- tion, M. Bindel mesurait la différence des chaleurs dégagées soit en dissolvant un corps solide dans l'eau du calorimètre, soit en y ajoutant la même quantité de sel préalablement contenue dans une dissolution sursaturée. Cette méthode, analogue à celle qu'a indiquée M. Berthelot pour les sels surfondus, est d'une grande généralité. Il n’est pas inulile d'insister sur un détail de ces expériences qui, si l’on n’y prenait pas garde, conduirait à des erreurs plus ou moins grossières : la seule dilution d’un sel dans l’eau, à partir du point de concentration, est accompagnée d’un phénomène thermique, qui se superpose au déga- gement ou à l'absorption de chaleur produit par la dissolution ; on n’opère donc dans des conditions comparables que si l’on amène la solution finale à la même concentration. Le procédé le plus simple consiste à ramener les résultats à une dilu- tion infinie; ainsi, la chaleur de dissolution est toujours augmentée de toute la chaleur de di- lution. VI Arrivé au terme de notre étude, il convient de l’'embrasser d’un coup d'œil pour en dégager les traits généraux. Nous avons énuméré, au début, un certain nombre de ces phénomènes qualifiés par M. Duhem de faux équilibres. La Chimie nous en offre une profusion telle que, lorsqu'ils relèvent de son domaine, on ne les désigne par aucun nom par- ticulier. L'hydrogène et l'oxygène gazeux, par exemple, peuvent resler indéfiniment mélangés sans présenter la moindre trace de combinaison. Ce fait constitue un faux équilibre au même titre que la surfusion, la sursaturalion ou les retards d’ébullilion et de liquéfaction. Ces phénomènes ont été élucidés pour la pre- mière fois par M. Gibbs; nous ne pouvons qu’es- quisser ici l'idée fondamentale de sa théorie. Les changements d'état peuvent être envisagés comme des fonctions d'une certaine grandeur que l'on nomme le potentiel thermodynamique ': Si, pour des condilions extérieures données, une particule du corps possède le potentielF, onadmet, en général, qu'une masse M aura le potentiel MF. Ce principe ne serait exact que si les particules élémentaires étaient assez éloignées les unes des autres pour n’avoir aucune action mutuelle. Cette condition n'étant pas salisfaite en général, il est nécessaire d'ajouter à l'expression approchée du potentiel un termes qui dépend exclusivement du groupement des particules, et de leurs actions réciproques. Si M est très grand, le terme MF esL lui-même très grand parrapport à #, et les phéno- mênes sontnormaux. On constate, en effet, qu’il est impossible de sur- chauffer un quantité d’eau un peu considérable, de même qu'un liquide surfondu ne reste longtemps liquide qu’en quantité minime. La quantité o intervient pour modifier les condi- tions d'équilibre suivant les masses en présence; par exemple, une certaine masse d’eau et de vapeur n’est pas dans les mêmes conditions d’équi- libre que les mêmes corps réduits proportionnel- lement à des quantités infinitésimales. M. Duhem a démontré que, sous la pression de vapeur salurante, l'eau ne peut coexister avec sa vapeur que lorsque les bulles ont atteint un rayon suffisant; tant qu’elles sont plus petites, le liquide les absorbe, contrairement à ce qu’enseignent les lois élémentaires. Le retard d'’ébullition découle immédiatement de ce principe. C'est la même idée dirigeante qui donne la vraie raison de tous les retards dont la Nature nous offre de nombreux exemples. L'état d'un corps à un moment donné ne dépend pas seulement des condilions actuelles, mais beaucoup aussi de ses plus récentes transformations. Ce fait a élé étudié d’une façon très suivie dans la physique des corps solides, où on lui a donné le nom d’hystérèse ou relard de transformation. Nous venons de voir quelle est son importance dans les mélanges liquides ?. Louis Bruner. Chef des Travaux chimiques à l'Université de Cracovie. 1 Dunem: Introduction à la Mécanique chimique, p.169. 2? Les expériences personnelles de l’auteur sur la surfusion et la sursaturation ont été exécutées sous la direction de M. Berthelot, et dans son laboratoire du Collège de France. X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS 285 L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS 663.5 DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS EN FRANCE I. — MATIÈRES PREMIÈRES DE L'INDUSTRIE DES EAUX- DE-VIE ET LIQUEURS. L'alcool, base des eaux-de-vie et liqueurs, pro- vient de la distillation de diverses substances su- crées ou amylacées, dont les principales sont : Alcool de Vin. — Eau-de-| PRE : vie de Cognac,d'Armagnac, | Les Raisins.... donnant | 4e Montpellier, etc. Hau-[® de-vie de Marc........... 5 Les Ponunes el (Eau-de-vie de cidre el de\Z 1 BOreS nec » lPOITE Ne ee die eneoee mn Les Cerises, les \ " SE Kirsch; Quetsch......... © PR à jKü sch; Quetsch LE Les Cannes à ( : : <« à " 3 Rhum ; TOUR ere HER Les Betleraves. donnant Alcool de Belleraves....,.\. D Les Mélasses... » Alcool de Mélasses........ 5 Les Grains: ( 5 24 (Orge, Seigle, Alcool de Grains ......... £ mais, etc.... » | Œ Les Pommes de (ur : . 14 CO, min ne. Terre eh jAle ol de Pommes de terre & Les alcools qui des vins, cidres, proviennent de la distillation et liqueurs, forment deux classes bien distinctes, non seulement par leur origine, mais aussi par l'importance de leur production relative, par l’ou- tillage industriel dont ils nécessitent l'emploi, par leur répartition en France, etc. Bien différents aussi sont leur nature el leurs prix. S1. — Quantités et Proportion des deux sortes d’alcools employés comme matières premières. Avant 1850, on fabriquail annuellement en France environ 900.000 hectolitres d'alcool (ex- primé en alcool à 100), et cet alcool appartenait presque uniquement à la première catégorie : on comptait, en effet, plus de 800.000 hectolitres d’alcools naturels, dont la majorité élait de l’al- cool de vin (fig. 1). En 1853, la vigne ayant été altaquée par l'oi- dium, la production de l'alcool de vin tomba brus- quement et n’atteignit pas, pendant plusieurs an- nées, le cinquième de la production ancienne. C'est de cetteépoque 2200 à ] T Ï A T TAC] T T Ï T cerises, cannes, 200 TEE HE Hi EEE RH que date le dé- ete., possèdent 2000 LEE ÉÉÉPÉRERE EEE TRE EEE ER EE TEE EEE EEE veloppement de Hnaromeagréa- wow D ce CÉEEA ÈTEE,. l'alcool d'in - ble, qui les fait . 160 Le CT EEE RER sa ND dustrie, dont la rechercher par 7 me an | production, in- - KE lie l . . . les consomma- 7 l EÉ signifiante Jus- teurs. Nous les : F nt + que-là , devint désignerons © e FH Dire rapidement sous le nom mH T H bien plus im- i Ë 1 FE tant 1e commercial È LEE [ portante qu d'atcools nalu - à À it celle des al - Le Î rels. Ceux qui = EE É cools naturels. LR HET È . proviennent de DE De 1853 à 1857, la distillation & DEC EEE a [CO on fabriqua Æ S- à des betteraves, à = DÉFEEEEEE près de quatre des mélasses el à Errecon fois plus d’al- des grains, sont Em ! ET mu cools d’indus - produits in- À: [7 trie que d'al- dustriellement PERRET cools naturels. jeistetsteet 2 ps sur fe grande É 4 5 EN ’est à celle échelleetseront = °C£ époque que se désignés sousle modifient un 5 Fig. 1. — Tableau comparatif de la production des alcools en France. nom d'a/cools d'industrie. Ces alcools naturels et ces alcools d'industrie, qui sont les mutières premières de l’industrie des eaux-de-vie Alcools naturels. = Alcools d'industrie. grand nombre de distilleries en vue d'uti- liser la betterave à la production de l'alcool. De 1840 à 1850, on avait produit, en moyenne, 500 hec- 9 2 84 lolitres d'alcool de betteraves par an; de 1853 à 1857, on en produisit en moyenne 300.000 hecto- litres. Cette période de l’oïdium est donc carac- térisée par une brusque décrois- 3180-1500 Ga babis lraturels part, laquantité sancedanslapro- 1853-1857 IE Oidium En#/cv0/s d'industrie d'alcool pro - duction de l'al- Ê 1065 -1860f 7 7 auessuni duite a été sans cool de vinetpar a 1870-1875 2227 J/ABBÉÈBRRSSRE cesse croissant, l'extension non 277-1665 Je | LT LU PR M Pryoxre et que, d'autre $ 1685-1868 TL ET TE PRE ERREURS tes F moins rapide de la fabrication de l’alcool de bet- teraves. A la suite du traitement de l'oïdium, la produc- lion de l'alcool de vin s’accroit, et, dès 1865, la production annuelle des alcools naturels est d'en- viron 550.000 200 400 600 9 Fic. 800 Quantités en milliers d'hectolitres d'alcool à 100° — Produclion comparée des alcools naturels et des alcools d'industrie. 1 . ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS riodes de 1840 à 1893. IL a pour but de montrer comment ont varié pendant ces périodes la quan- lité et la nature des alcools produits : on cons- tale que, d’une part, la quan: tilé absolue et la proportion relalive d’al- cool naturel ont été sans cesse diminuant. Enfiu, de manière à indiquer l'importance rela- tive des diverses sources d'alcool, on a porté dans le graphique 1000 1200 1400 1600 1800 2000 2200 hectolitres. ‘rovenance des alcools des figures 3 Pendant ce 2 de etAla produc- oneabrens SS |Ciares et PoirésÿZ tion des al - S & É- 1 P 3 P <> | Maros et Lies 1 à duction des SE ER cools par na- alcools d'in - Divers -=-[[ ture de ma- dustrie s’est GE Pommes de terre||: i lières pre = ment Ê a mières. On a crue,semain- NS | Setteraves-- ER) ES RER choisi l’année tenant tou - Mélasses-- [PP RER ES ER SSI 1993 dan li : : 100 200 300 400 500 600 700 800 lle 1 JOUrS Supe - Quantité d'alcool à 100° en milliers d'hectolitres quelle la pro- rieure à celle des alcools raisins el des naturels, et étant environ double de celle-ci pen- | pommes, ayant été abondante, a délerminé un dant la période 1870-1877. relèvement sensible de la production d’alcools Depuis cette é- nalurels. On voil oqu HESTERTE Alcoo/s né i P' DE 4 nalurels Alcools d'industrie ue; APRES 4 dire depuis l’inva- | dans cette année sion des vignes 100 247 500 1000 | 2000 2476 exceptionnelle, la françaises par le Quantité d'alcool! à 100° en milliers d'hectolitres production des al ane 3 4 n - . « z 1 phylloxera, la pro Fig. 4. — Produclion lotale comparée des alcools naturels et des alcools cools naturels n'a duction desalcools naturels se réduit à une centaine de milliers d'hectolitres, tandis que celle des alcools d'industrie se développe considé- rablement et se maintient de dix- ZLL DO 7 CL |] 7 21 lruit à vingt fois plus importante de- 1850-1854 1855 —1859 1860-1864 puis 1880. 1865 1600 CCE _ deseaux-de-vieel inverse dans lan D re viron 1.700.000 fabrication des 3985-1889 /2 LLDDDD hectolitres (en al- deux sortes d’al- cools est mise en évidence dans la figure 1. Le graphique de la figure 2 représente la production moyenne des deux sortes d’alcools pendant les diverses pé- 1890-1893 200 400 600 600 Fig. aux droils de consommation Fig. 3. — Produclion des alcools en 1893 (s{alislique officielle). d'industrie en 1893. —— (LL LIT 00 7/2 EE SHe 000007 ra HER Quantités en milliers a‘hectolitres d'alcool à 100° — Quantilés d'alcool produites en France. Les quantilés soumises duction des été que la dixième partie de la pro- duction Lotale des alcools (fig. 4). La quantité d'alcool soumise au droit de con- sommation, c'est- à-dire celle qui est employée dans l'industrie cool à 100°). Le graphique de la fig. 5 indique les. variations des. quantités totales d'alcool produites annuellement et les quantités employées dans l’industrie des spiritueux. 1000 1200 1400 1600 1800 2000 2200 sont représentées en hachures. X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS 985 $ 2. — Qualités des matières premières suivant les origines, Lorsqu'on a fait fermenter les jus sucrés pro- venant des fruits ou des matières premièresindus- trielles, on a obtenu un liquide possédant un faible degré alcoolique (4 à 12°) et auquel on donne, en distillerie, le nom général de vin. Ce vin renferme des éléments fixes, qui resteront comme résidu de la distillation, et des éléments volatils, qui consti- tueront l’eau-de-vie. Ces éléments volalils sont formés, pour la plus grande partie, d'alcool éthylique et d’eau. Ils ren- fermentaussi quelques millièmes et souvent même moins d'un millième de produits volalils autres que l'alcool éthylique. Ce sont ces impurelés volatiles qui, même en quantité très faible, interviennent pour modifier les propriétés, l'arome, le goût et la valeur des diverses eaux-de-vie. Il importe donc de bien les examiner. Ces impuretés proviennent des matières premières, de la fermentation, enfin de la distillation. 1° Zmpurelés provenant des mutières premières. — Les fruits, les racines, les grains ont un goût spé- cial qui passe dans les produits de fermentation de leurs sucres. On retrouve le goût du raisin dans le vin, de la pomme dans le cidre, de la cerise dans le jus fermenté de ce fruit, de l'orange dans le vin d'orange, de la betterave dans le vin de bette- rave. Ces aromes spéciaux sont conslitués par des corps plus ou moins complètement volatils, qui passent, par conséquent, dans l’alcool après qu'il a élé distillé. 2° Zmpuretès dues à lafermentation. — On saitque la fermentation n’est pas un simple dédoublement de la molécule de glucose en alcool et en acide carbo- nique. C’est un phénomène très complexe, dans lequel, sous l’action vitale des levures, se forment, en dehors de ces deux produits principaux, une série d'autres alcools : glycol, glycérine, alcools propylique, isobulylique, amylique, etc. Il a été prouvé que la proportion et la nature de ces corps secondaires varient suivant les conditions de la fermentation (température, acidité, etc.), et sur- tout aussi suivant la nature des levures. 3° Impuretés dues à lu distillation. — Pendant la distillation se produisent d’autres modificalions : séparation des produits de volatilité différente, formation de certains corps — notamment de fur- furol — par suite de l’action de la chaleur. En résumé, les alcools obtenus par la distillation des divers vins contiennent : 1°del'alcooléthylique, el de l’eau (95 à 100 p. 100 ; 2° des impuretés vo- latiles. Au point de vue pratique les impuretés peuvent se classer ainsi : 1. Bouquels agréables des alcools naturels : Goût de fruit; Arome agréable des cognacs. kirschs, etc. 2. Mauvais goûts ou bouquets désagréables des alcools bruts d'industrie : k Arome désagréable des flegmes de mélasses. Goût de betterave. Goût d'huile de pommes de terre, etc. Les alcools bruts provenant de la distillation au premier jel ont donc un bouquet agréable ou re- cherché par les consommateurs, lorsque ce sonl des alcools naturels ; ils ont,au contraire, un bou- quet désagréable dans le cas des alcools d’indus- trie!. Il en résulte qu'on peut consommer les alcools provenant de la distillation simple des fruits. Une grande partie des eaux-de-vie de vin, le mare, le kirsch, etc., sont obtenus ainsi. Si l'on voulait purifier ces alcools, on leur ferait perdre lout ou partie de leur bouquet, par suite, lout ou partie de leur valeur. Maisiln'enestpas de même pour les alcools d’in- dustrie. Pour les convertir en liqueurs eten spiri- tueux quelconques, il faut d'abord les purifier, afin de les débarrasser du mauvais goût qui indique leur origine. Dansla fabricalion des alcools d'industrie, les alcools de premier jet se nomment les flegmes. Ces flegmes sont le produit de la première étape de la fabrication, la seule pour les alcools natu- rels. Les flegmes d'industrie et les alcools natu- rels peuvent donc se comparer au point de vue chimique. En fait, tous deux renferment les mêmes impuretés : aldéhydes, alcools supérieurs, furfu- rol, bases, etc. Ils différent simplement l’un de l’autre en ce que leurs propriétés organoleptiques sont agréables pour les alcools naturels et désa- gréables pour les flegmes. La fabrication des alcools d'industrie nécessite done une seconde phase la rectification des flegmes. Cette rectification consiste en une nou- velle distillation, mais celle-ci est fractionnée, de manière à profiter des différences de volatilité qui existent entre l'alcool éthylique et ses impu- retés. Celles-ci sont soit plus légères, — et consti- tuent alors les produits de tête (dont le type est l'aldéhyde), — soit plus lourdes, el sont alors dé- 1 [1 y alà une affaire personnelle d'appréciation, et tels bouquets qui sont considérés comme désagréables dans une région, sont appréciés dans une autre. Ainsi, tandis que le cognac a un bouquet agréable, recherché de la grande ma- jorité des consommateurs, d’autres spiritueux, — le marc de Bourgogne, l’eau-de-vie de cidre, le quetsch, — sont appré- ciés surtout par les habitants des régions quiles produisent. Autre exemple de ces faits : Nous considérons en France le bouquet de l'alcool de pomme de terre comme désagréable, alors qu'il est au contraire très apprécié en Suisse. Depuis que le monopole de l'alcool est établi en Suisse, les consom- mateurs se plaignaient de ce que l’eau-de-vie de pommes de terre était trop bien rectifiée : on a dü modifier cette ma- nière de faire et lui laisser une partie des impuretés aux- quelles cet arome était du. 286 X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS signées sous le nom de produits de queue (type : alcool amylique ou fusel). On conçoit donc que la rectification donne une série de produits dont le classement général est le suivant : etes CCD LEO: mauvais gouts de tête. cer ree eee moyens goûts de tête. Alcool alcool alcool alcool surfin. mauvais { moyen 4 bon gout ? alcool de cœur ou extra fin. goût gout / ou neutre | alcool surfin. ls mosdao6us moyens goûts de queue. ao nude mauvais “goût de queue. En somme, {tandis que, pour les alcools naturels, on obtient un produit unique, pour les alcools d'industrie on obtient trois classes de produits : 1° L’alcool bon goût, qui ne contient presque plus des impuretés des flegmes, qui est, en tous cas, entièrement débarrassé de son mauvais bouquet d'origine. C’est de l'alcool éthylique presque pur, eaux-de-vie el liqueurs. Il faut dire, d’ailleurs, qu'en raison de leur bouquet d'origine très pro- noncé, leur usage n’est pas des plus aisés, et qu'ils ne peuvent guère entrer dans la composition que de liqueurs à parfum pénétrant, telles que l'absinthe. Donc, les matières premières qu'utilisent les industries des eaux-de-vie et liqueurs, sont : les alcools naturels, d'une part, les alcools d'industrie BON GOUT, d'autre part. Etant donné leur mode de fabrication, il est facile de comprendre que la composition de ces deux classes de produits doit profondément diffé- rer. Alors que les alcools d'industrie sont presque purs, les alcools naturels contiennent une propor- tion plus ou moins grande d’impuretés. Le gra- phique de la figure 6 indique cette composition comparative. $ 8. — Mo- sans autre $ bouquetque Krsch— RD SE [80e | Surfin des d'ob> celui de get À [27,257 2 Lu re tention et alcool; d'ou © JE # ver En, È ER. o ,0gNaC------ LD d'a ne Fs Ê RON T ES £ LD — = matières fn LUS En DS Marc------ premieres fre. . c ee Z 00 500 500 7 LA en France. 2 L'alcool Quantité da’ impuretés volatiles contenues dans 1 hectolitre d'2/coo/ mauvais goût, .à 100° fe xprimée en g'ammes}) L'indus E dans lequel Fig. 6. — Composilion comparative des alcools nalurels et des alcools d'industrie. trie des al- se sont con- centrées la plus grande partie des impuretés des flegmes. Cet alcool est tellement infect qu’on ne peut, quelquefois, l'utiliser pour des usages indus- triels. 3° Enfin l'alcool moyen goût, qui ne devrait pas entrer dans la consommation, parce qu'il contient encore une trop forte proportion d’impuretés. Étant donnés ces faits, il est évident que la fa- bricalion des alcools d'industrie doit nécessiter une installation beaucoup plus complexe que celle des alcools naturels. Alors que les procédés restaient simples lors- qu'il s’agissail de l’obtention de ces derniers, on s’est efforcé de perfectionner les appareils de rec- lification des alcools d'industrie, de manière à obtenir un rendement aussi grand que possible en alcool bon goût. On peut dire qu’à ce point de vue l’industrie a réalisé des progrès considé- rables et que l’épuration physique, par les appa- reils de rectification, touche à sa perfection. On peut admettre que l'alcool d'industrie pro- duit annuellement se subdivise ainsi : ” { bontpoûterr. ere 71 Quantité des divers alcools À moyen goût....... 22 l mauvais goût...... 7 Total NE sc 100 Ce n’est que frauduleusement que les alcools moyen goût viennent àentrer danslafabrication des | portantes, cools nalu- rels est répartie entre un très grand nombre de producteurs, qui produisent chacun, en moyenne, fort peu. Les installations sont souvent peu im- les appareils employés, quelquefois rudimentaires. Au contraire, l’alcool d’indus- trie est produit par un nombre relativement très restreint d’industriels, dont les usines, en général vastes et bien aménagées, renferment des appareils distillatoires d’un fonctionnement parfait. Les distillateurs de profession, c’est-à-dire ceux qui sont surveillés par la Régie et dont la produc- | Lion est très exactement contrôlée, ont été, en 1893, au nombre de 5.924, sur lesquels 621 fabricants d’alcools d'industrie et 5.303 producteurs d’alcools naturels. Or, ces derniers, qui sont neuf fois plus nombreux, n'ont produit en tout que 89.387 hec- tolitres, alors que la production d’alcools indus- triels a été de 2.227.801 hectolitres, soit vingt-cinq fois plus considérable. En dehors de la produclion des bouilleurs de profession, il y a aussi la production des bouil- leurs de cru. On nomme ainsi les propriétaires ou exploitants ruraux qui distillent, chez eux, les produits de la récolte faite sur leurs terres. La loi du 11 décembre 1875 leur concède le droit de dis- tiller, ex franchise, c'est-à-dire sans payer l'impôt, les alcools naturels (ans, mares, cidres, prunes, X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS 287 cerises) provenant exclusivement de leurs récolles. X y a une dizaine d'années on estimait à 300.000 le nombre des bouilleurs de cru; aujourd'hui leur nombre atleint environ 800.000. La statistique des Contributions indirectes donne une simple évaluation des bouilleurs de cru et de leur production. En 1893, elle comptait 678.000 bouilleurs, dont 450.000 ayant travaillé et ayant produit 159.000 hectolitres. Mais celte évaluation est cerlainement beaucoup au-dessous de la vérité, car il faut tenir compte de la fraude consi- dérable que les bouilleurs de cru exercent sous le couvert de leur privilège. Beaucoup trouvent, en effet, le moyen de vendre clandestinement au de- hors les produits de distillation de leurs vins, cidres, poirés, etc. On a donné des évaluations très différentes de cette fraude, mais il est pro- bable qu'on est plutôt au-dessous de la vérité, en l'évaluant à 600.000 hectolitres d'alcooi par an. Quant à la répartition géographique générale de l'industrie des alcools naturels et des alcools d'industrie, elle est également bien différente. L'industrie des alcools naturels est répandue un peu par toute la France. Elle existe plus ou moins dans tous les pays de vignobles, mais surtout dans les départements du Sud-Ouest (Charente, Cha- rente-Inférieure, Gironde, Lot-et-Garonne, Gers, Landes), dans le Nantais, dans la région du Midi (Hérault, Gard, Aude), dans la Bourgogne (Haute et Basse-Bourgogne, surtout pour la distillation des marcs). L'industrie des eaux-de-vie de cidre occupe, en Normandie et en Bretagne, un assez grand nombre de distillateurs et un nombre consi- dérable de bouilleurs de cru. C’est une des régions où l’on estime que la fraude doit être la plus importante. Enfin, l'industrie des alcools de fruits à noyaux est prospère dans les dépar- tements de l'Est (Vosges, Haute-Saône, etc.). La production des alcools d'industrie est, au contraire, groupée dans la région du nord de la France (Nord, Pas-de-Calais, Aisne, Seine-Infé- rieure, Seine). Le département du Nord compte, à lui seul, 22 distilleries, ayant produit en 1893 584.000 hectolitres. IT. — CLASSIFICATION DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS. Les alcools naturels sont utilisés entièrement à la préparation des spiritueux et des liqueurs. Ils subissent d’ailleurs généralement peu de mani- pulations avant de passer de l’état brut à l’état où ils sont consommés. Mais il n’en est pas de même des alcools d'industrie. Nous avons dit que ceux- cine possèdent pas de bouquet; ils ne sont, en réalité, qu'une matière première que le liquoriste, le distillateur, réduit, coupe, parfume, colore à son gré, et qui entre dans la fabrication de toutes les sortes d’eaux-de-vie et liqueurs. Les produits livrés à la consommation par l'industrie des spiritueux comprennent des Eaux- de-vie, des Apéritifs et des Liqueurs. SAP — Eaux-de-vie. Les Ætux-de-vie proprement dites ne sont autre chose que les alcools naturels ou les produits de la distillation des fruitsou de la canne à sucre. Ces alcools sont amenés à un degré moyen de 45-50° pour la consommation. Parmi eux se distinguent particulièrement les eaux-de-vie de vin : les Cognacs et Fines Champagnes, produits de distillation des vins de la Charente et de la Charente-Inférieure ; les Armagnacs, pro- venant de la distillation des vins du Gers, du sud de Lot-et-Garonne et des Landes; les eaux-de-vie de Harmande, produites dans la région de la Gironde et de Lot-et-Garonne, de Marmande à Sainte-Foy etau Bec d'Ambez (le phylloxera ayant fortement alteint cette région, ces eaux-de-vie sont devenues fort rares) ; les eaux-de-vie du Nantais, de l'Anjou, du Poitou, employées surtout aux coupages; enfin les frois-six de Montpellier, provenant notamment de l'Hérault, du Gard et de l’Aude et obtenus de la distillation des vins peu susceptibles de se trans- porter. Dans les années de grande production de vins communs, ces rois-sir sont particulièrement abondantfs. A ces eaux-de-vie de vin se rattachent les eaux-de-vie de Marcs, qui résultent de la distillation des marcs de vin; le marc de Bourgogne, fait avec des marcs de raisin, est particulièrement appré- cié. A côté de ces eaux-de-vie dérivées des produits de la fermentation vinique, il faut citer celles qui résultent de la distillation des jus fermentés de divers fruits : le Calvados, dérivé du cidre, l’Zau- de-vie de Poire, le Kirsch et le Quetsch, faits l’un avec des cerises, l’autre avec des prunes. Viennent enfin le um et le Tujia, lesquels pro- viennent de la distillation des jus fermentés de la canne à sucre. De ces diverses eaux-de-vie, celles dont la consommation est la plus générale et la plus im- portante, sont : le Cognac, le Rhum, le Kirsch, le Marc, le Calvados. Les produits vendus sous ces dénominations devraient être formés uniquement d’alcools naturels. En réalité, une grande partie de ces eaux-de-vie ne sont que des alcools d'in- dustrie aromatisés artificiellement, de manière à leur communiquer un arome rappelant celui des alcools naturels. De là, une distinction à faire entre les eaux-de-vie naturelles el les eaux-de-vie de fantaisie. 288 $ $ 2. — Apéritifs. Les Apéritifs sont aromalisés avec des plantes auxquelles on attribue des propriélés excilantes et apérilives. Les principaux sont : L'Absinthe, à base d’alcool d'industrie fortement aromatisé par des plantes, dans lesquelles figure, pour une part importante, l'absinthe ; Les Bilters el Amers, dans lesquels l'écorce d'orange intervient comme parfum ; Les Vermouths, que nous rangeons dans cette classe bien que ce soient des vins vinés et non des spiritueux KK proprement dits. RSR A\\ di N NN INK S 3.— Liqueurs. Les ZLiqueurs renferment es- senliellement de l'alcool, du sucre et des parfums prove- nant soit de la distillation des plantes, soit de leur macéra - tion, soit des essences qui en sont extraites. Ces liqueurs varient à l’in- fini. Citons en- tre autres: 2 ig'eféutlle ———— “ ‘e : eo Bois ordinaif OO Yonnay-Charente Les digestifs : Chartreuse, Béné- dictine, Raspail, ec; L'Anisetle, le Curacao, la Men- RE RSS RSR OS SN the, etc.; NS NS Le Kummel : SS Le Cassis, le Cherry - Brandy ; Les Fruits à l'euu-de-vie (cerises, prunes), ete. Nous étudierons successivement la fabrication de ces produits, et nous insisterons principale- ment sur les Cognacs et Fines Champagnes qui, en raison de leur importance et des soins donnés à leur fabrication, offrent le type le plus parfait de l'industrie que nous avons à décrire. III. — Cocnacs ET FINES CHAMPAGNES. Les eaux-de-vie des Charentes, répandues el appréciées dans le monde entier sous les noms de Cognac et de Fine Champagne, constituent une des richesses de la France. Le commerce de Cognac peut être évalué à 300 millions de francs par an. Cette fabricalion des Cognacs et Fines X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS SEJean d'Ancély Fig. 7. — Région de Production des Cognacs et Fines Champagnes. Champagnes exige des précautions particulières, depuis le choix du cépage jusqu'aux procédés de distillation et de bonification. $ 1. — Cépages et Crus. Les vignes des Charentes couvraient autrefois 225.150 hectares produisant 14 millions d'hecto- litres de vin. En 1884, la moitié environ avait été détruite par le phylloxera. Depuis, la culture de la vigne américaine, porte-grefle, a pris une grande extension. Le Berlandieri parait s'être montré le plus propre à donner des hybrides avec les cépages. indigènes. Le cépage dominant des Charentes est la Folle-Blan- che ou Enra- geal.On cultive aussi le Colom- bar ou Semil- lon Blanc et le Saint-Émilion Les crus cha rentais se clas- sent générale-. ment dela ma- nière suivante (figure 7) : d En premier lieu, la Grande Champagne où Fine Champ = gne , produite dans un espace très restreint, sur la rive gau- che de la Cha- rente, avec Se- gonzac au Cen- tre. La Grande Champagne, qui ne comprend que 21 communes, est dans l'arrondissement de Cos gnac : elle est limitée au nord par la Charente, au sud par le Né, s'étend jusqu'à Saint-Mème e Bonneuil à l’est, et jusqu'à Gimeux, Salles et Ver= rières à l'Ouest; | La Folle-Blanche est le cépage de cette région qui a été le plus fortement alteintparle phylloxer et dont la reconstitution peu avancée a donné lieu bien des insuccès; La Petite Champagne, qui entoure la grande, s trouve partagée à peu près par moitié entre le départements de la Charente et de la Charente Inférieure. (Elle comprend 55 communes : 26 en Charente et 29 en Charente-Inférieure.) Elle est limitée au nord par la Charente, à l'ouest par le RRQ ANGQULÈME © : ROC &. NN ego ha PRE) \pase 7 s © / Le } D Bar N A É Reribus Q ie g0\° Ne Bon 7) N ETS : FR). { n : A Qi Su NRK ét X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS Seugue, s'élend à l’est jusqu'à Châteauneuf, et au sud jusqu'à Jonzac et Barbezieux. Les cépages cul- tivés sont la Folle-Blanche, le Colombar et le Saint-Émilion ; Les Borderies, produites sur un territoire très restreint sur la rive droite de la Charente, près de Cognac. Dans ce petit noyau de 8 à 9 communes, le cépage dominant est le Colombar ; Viennent ensuite les Bois, qui se divisent en : Fins- Bois, région à cheval sur la Charente, en- vironnant les deux Champagnes. Elle comprend 116 communes, dont 74 dans la Charente-Infé- rieure et 42 dans la Charente. Les cépages cultivés sont le Colombar, le Jurançcon blanc et le Saint- Émilion ; Les Pons-Bois, ré - gion plus étendue, en- tourant la première et s'étendant plus au nord et à l’est; Les Bois-Ordinaires, situés au nord des Bons-Bois el dans les- quels se produisent leseaux-de-vie d'Aigre- feuille et de Surgères ; Enfin les Bois-à-T'er- roir, aux environs de La Rochelle, aux iles de Ré et d'Oléron. S 2. — Choix des vins. Les vins des Cha- rentes, quidonnentpar la distillation deseaux- de - vie remarquables par leur finesse et leur bouquet, sont des vins blancs et légers, et paraissant avoir eux-mêmes peu de bouquet. De plus, on distille ces vins, pour ainsi dire, aussitôt après la récolle. Par consé- quent, il ne faut pas considérer la qualité des vins au sens propre du mot, c’est-à-dire leur arome, leur àge, pour en déduire la valeur des eaux-de- vie qu'ils produiront. Les vieux vins de Bor- deaux et de Bourgogne, infiniment supérieurs, comme vins, à ceux de la Charente, ne donne- raient pas une eau-de-vie aussi bonne. Celle-ci aurait un bouquet trop accentué, dû au terroir et au développement des éthers. Voici,suivant M.Jacquet, les qualités que doivent présenter les « vins de chaudière », comme on les appelle dans le pays. Ils doivent être sinon tout à fait neutres, du moins droits en goût, sentant peu ou point le lerroir, et leur arome, sans être exa- géré, doit être assez développé et assez fin. Les Fig. 8 — Alambic charentais du type ancien. — On voit ici deux appareils placés symétriquement ; les deux réfrigérants au centre sont surmontés d’entonnoirs pour l’évacuation de la vapeur produite par l’échauffement de l’eau. 289 vins blancs sont préférables aux vins rouges. Ces derniers, ayant cuvé avec les râfles et les pelli- cules, ont dissous trop d'huiles essentielles. On distille après la récolte, après avoir simple- ment séparé la grosse lie el sans chercher à rendre le vin bien limpide. Les achats ayant été faits en tenant compte du degré d'alcool, on n’en perd pas par la garde du vin, et on ne risque pas de le voir s’acétifier ou s’éthérifier partiellement, au détri- ment de la quantité et de la qualité de l’eau-de-vie à produire. Le vin doit être complètement fer- menté, c'est-à-dire être employé seulement quinze ou vingt jours après le décuvage, ou un mois après la mise en tonneaux, si la fermentation a eu lieu en dehors des mares. Si la fermentation n'é- tail pas bien terminée, on perdrail le bénéfice de l'alcool non encore formé, et l’eau-de-vie aurait moins de corps. S 3. — Distillation. Le procédé charen- lais ordinaire, celui qui parait le meilleur pour la production des qua- lités supérieures, con- siste à faire deux dis- tillations successives : c'est le système des « brouillis » avec « re- passe » où « bonne- chauffe ». C'est le pro- cédé ancien, que les Charentais considè - rent toujours comme le meilleur et qu'ils emploient lorsqu'ils veulent produire les bonnes eaux-de-vie. Pour obtenir les brouillis, on remplit de vin la chaudière de l’alambic, puis on chauffe avec ménagements. Les premiers produits qui passent à la distillation marquent 60 à 65° et ont l'odeur caractéristique de l’aldéhyde. Le degré monte très rapidement à 70-75°, el on poursuit la distillation jusqu’à ce que l’alcoomètre marque zéro. Ce résul- tat est obtenu quand on distille le tiers environ du liquide, et c’est le produit distillé qu'on nomme les browillis. Par exemple, pour distiller 10 heclo- litres de vin à 9-10°, il faudra environ 9 heures, et on obtiendra 300 à 350 litres de brouillis à 27-30°. Pour que la distillation se fasse dans de bonnes conditions, il estindispensable que lechauffage soit lent et régulier. Il faut aussi que l’eau du réfrigé- rant ne soit pas trop froide, de manière à éviter . 290 X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS une condensation brusque des vapeurs alcooliques. | Il suffit que le tiers inférieur du réfrigérant soit froid, le milieu étant tiède et la partie supérieure eau-de-vie, disent les négociants charentais, est celle que l’on faisait dans l’ancienne chaudière de nos paysans, à petit feu, sur les chenets:; cela mi- 14 TNT (PE (LT 13 LÉ TT (TN Et a TT Mie ce E TTE CE Il r-- TE (TON TIME jun TNT l TITRE EDS Fig. 9. — Appareil charentais, du lype ancien muni Lun réchaufje-vin. — 1, chaudière ; 5 chapiteau ; 17, col de cygne; 6, ré- chaufte-vin ; 11, réfrigérant. La vapeur va de la chaudière au chauffe-vin par le col de cygne117, puis de là au réfrigérant pal le conduit 16. Le vin qui s’est échautfé en 6 passe dans la chaudière 1 par le tuyau 9; 2, robinet de vidange de la chaudière. Jotait et faisait bon ». Il est certain que les vieilles Fines Champagnes ont été faites ainsi etontacquis cependant une grande valeur. Un perfectionnement de cet appareil charentais étant chaude. De cette manière on ne laisse pas échapper d'alcool, et la réfrigération est graduée. L'appareil représenté par la figure 8 est l’alambic charentais du modèle primitif. Il est chauffé au bois 10. — Appareil charentais à deux chaudières pour la production de l'eau-de-wie de 1°" jet (ancien modèle). — La vapeur produite par la chaudière 1! passe par le rectificateur 5’ et le tuyau 13 et vient barboter dans la chaudière 1. La vapeur de cette dernière chaudière traverse le rectilicateur 5, les tuyaux 12 et 6, le réchauffe-vin 20 et arrive dans le réfri= gérant 15. Le vin se rend du réchaulfe-vin dans la chaudière 1 par Île tuyau 9, et de là dans la chaudière 1’ parle tuyau 2: Le robinet 2'sert à la vidange. Les tubes 141 et 11’ font refluer dans la chaudière 1 une partie du liquide condensé. ou au charbon el ne comporte pas de réchauffe-vin. ; consisté dans l’adjonction d’un réchauffe-vin (fig. 9). La vapeur, avant de se rendre au serpentin, traverse le récipient 6, contenant une quantité de vin égale à celle qui distille. Quand la distillation est terminée, Fig. [Il fonctionne encore chez nombre de distillateurs qui ont la conviction que les appareils simples donnent les meilleurs résullats. « La meilleure X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS on vide la chaudière, et, en ouvrant le robinet 9, on fait arriver dans celle-ci le vin déjà chaud. On a reproché au chauffe-vin de prolonger trop long- temps le contact du vin chaud avec le métal, ce qui accentue le « goût de chaudière » de l’eau-de-vie. Mais cette critique n'estpas exempte d’exagéraltion, et on ne saurait négliger l'économie très notable de combustible que procure le réchauffe-vin. Les brouillis étant obtenus, on procède à la re- passe. La dimension de la chaudière restant la même, il faudra employer 3 brouillis pour une re- passe. Les memes pré- cautions «ue lenteur etré- gularité de chauffage, de température du réfrigé - rant,etc.,de- vront être observées. Les pro - duits de la distillation sont frac - lionnés . On commence parmettre de côté les pro- duits de tête, environ de 2 291 Une repasse de 450 litres de brouillis à 25°, sortant du réchauffe-vin, dure 12 heures et donne: 1°,115 à 120 litres d’eau-de-vie à 66-670; 20,125 à 130 litres de têtes et queues à 20-250, La comparaison de ces deux résultats montre qu’au point de vue de la quantité d’eau-de-vie produite dans le même temps, les grandes chau- dières sont préférables aux petites. Le système charentais, tel que nous venons de le décrire, présente l'inconvénient d'être long el d'exiger une dépense de combustible assez forte. Aussi a-{-on cherché à produire du premier jet les eaux-de-vie, au lieu de passerparles brouillis. Les appa- reils distilla- toires qui ont été employés dans ce but sont repré — sentés par les figures 10 à 12. L'appa- reil charen- ais ancien (fig. 10) est composé de à G litres par 10 hectoli - tres, puis on recueille les cœurs.Au dé- but l’alcoo- mètre mar - que 70 à 80°, Lorsque le degré tombe à 45-50°, on Fig. 11. — Appareil Egrol à deux chaudières pour la production des eaux-de-vie de Ler jet. — Les vapeurs produites dans la chaudière A vont barboter dansle conteuu de la chaudière B, où elles sont amenées par le tuyau G. De là, elles se rendent dans le rectificateur w, traversent ensuite le chauffe-vin M, pour se rendre au réfri- gérant R. Quand la chaudière À est épuisée, elle est vidée, remplie avec le contenu du chauffe-vin; et, en manœuvrant les vannes (et F, onintervertit l'ordre des chau- dières, la chaudière B envoyant maintenant sa vapeur dans la chaudière A. Le foyer est placé entre les deux chaudières. Le registre H permet d’envoyer les gaz chauds autour de l’une ou de l’autre chaudière. Les gaz chauds passent d’abord autour de la chaudière À, puis autour de la chaudière B. Lorsque la chaudière À est vidée, puis remplie avec le chauffe-vin, on manœuvre les registres de manière que ce soit la chaudière B qui recoive d’abord les gaz chauds, puis la chaudière A. deux chau - dières.Le vin à distiller passe succes- sivement du chauffe - vin (20) dans la chaudière 1. puis dans la chaudiere 1". Cet appareil cesse de recueillir l'eau-de-vie. Les produits qui | est actuellement de moins en moins ulilisé. distillent de 45-50° à 0° constituent les queues, qui, mélangées aux têtes, sont mises à part, soit pour èlre reclifiées séparément, soil pour être mélangées aux autres brouillis. Voici deux exemples de repasses, donnés par M. Jacquet, et qui indiquent la marche de l'opé- ration et les résultats obtenus : Une repasse de 10 hectolitres de brouillis à 30° sor- fant du réchauffe-vin, dure de 16 à IS heures et donne : 1° 360 à 380 litres d’eau-de-vie à 66-67°, pen- dant 10 à 11 heures, soit en moyenne 35 litres à l'heure ; 2° 200 à 225 litres de têtes et queues à 20-25° pendant 6 à 7 heures, Parmi les appareils modernes, nous citerons les appareils Egrot et Deroy : Dans l'appareil Egrot, les chaudières sont sépa- rées (fig. 11). La légende de la figure indique complètement le fonctionnement de l'appareil. Dans l'appareil Deroy (fig. 12), les deux chau- dières sont superposées (1 et 1'). Cette double chaudière est surmontée de la lentille de rectiti- cation du système Deroy (3) et les vapeurs lraver- sent le chauffe-vin (15). Cet appareil est d’un ma- niement facile et donne une économie de com bustible très importante. 292 X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS La distillation au premier jet présente des avan- tages el des inconvénients. Les avantages sont l’économie de temps et de combustible, qui se tra- duisent, en somme, par un abaissement du prix de revient. Mais la qualilé de l'eau-de-vie est in- férieure : c'est là l'inconvénient. M. Jacquet évalue à 2 francs, par hectolitre, l’é- conomie du prix de revient !. Bien que l’ancien procédé charentais soit moins avantageux comme prix de revient, il doit être 19 16 47 {1 NS \ \\\\ \\ \\t 4! A\ERSE \ \\ N\ . NAN AN TTL ENT UT TTENN LE Ï LULU) FT D A RER TT TR (TEE sève moins exquise, ont moins de finesse el de moelleux que celles obtenues par brouillis, et les bons dégustateurs charentais ne s’y trompent pas». Aussi beaucoup de distilleries charentaises em- ploient-elles l'ancien procédé, en particulier la maison Biscuit-Dubouché, dont la figure 13 nous représente la distillerie. Néanmoins, le procédé au premier jet rendra des services quand il s'agira de produire des eaux-de-vie moins fines, destinées simplement aux coupages. NN NN in NN qe) IS N AN N AAA CALLLA/ LL LL LL CLLLLL, S CL LL CL S\ NN AAA \\ a NN Fix. 12. — Appareil Deroy à double chaudière pour la produclion des eaux-de-vie 1% jet. — 1, °° chaudière; l', 2° chau= diére ; 3, lentille de rectification; 15, réchaufle-vin : S, réfr'gérant. — Le vin passe du réchauffe-vin dans la chaudière par le tuyau 17, puis dans la chau diére 1 par le tuyau 21.— Le vin épuisé se vide parle robinet 14.—La vapeur de la chau= dière 1 arrive dans le fond de la chaudière 1’ par le tuyau 23. — Le bac 25 sert à alimenter d'eau la lentille de rectification® préféré au premier jet pour la fabrication des eaux-de-vie supérieures. En effet, les eaux-de- vie faites au premier jet « sont plus sèches, d'une 1 I] létablit ainsi pour 1.000 hectos de vin à 10 degrés pro- duisant ordinairement 160 hectos à 60 avec alambic de 10 hectolitres : 10 Syslème des brouillis et bonne chauffe : 100 chautfes de vin de 10 h.chacune, soit : 1000 h. et à 95 k. houille, soit 9500 kgs. 43 chauff. de brouil- lis de 18h., soit: 714 h. et à180 k. houille » 1740 kgs. Total..,.,... 1714 heures et ou 13 journées $ 4, — Vieillissement naturel. Lorsque l'eau-de-vie vient d'être distillée, elle marque en général 65 à 68°. C’est alors un liquide 20 Syslème du 4° jet (114 chauffes de 11 h.) * soit 1254 h.ou : 52 journées et à 110 k. soit : 12540 kgs: 1700 kys. 21 journées L 35 fr. L, à 8 ir (1distil.etunaide) à 164 fr. 30 ee —— _0 322 fr. 50 pour 160 hectos Soit 2 fr. 0S par hectolitre 168 fr. * (Chaque chauffe étant faite avec 815 litres de vin et 125 litres de queues précédentes. L24 DL: X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS ———— — 293 . incolore, ayant le goût de chaudière, et qu’il est . absolument nécessaire de faire vieillir pour qu'il acquière ses qualités. Si l’on enfermait ce liquide dans des vases de verre, il conserverait sa couleur, son degré, et ne subirait que très peu de change- ments. Le vieillissement ne s'obtient que dans des récipients où l’eau-de-vie a un large contact avec l’air, et l'expérience a démontré que c'était dans des f'ulailles de chêne qu'il se produit le mieux. L'action est complexe. En premier lieu, on constate une diminution du volume total du 4- quide, pouvant atteindre 30 °/, en 25 ans. Cette déperdilion varie dans une grande proportion suivant la nature des fûts, leur dimension, la La déperdition est très différente suivant la dimension des füls dans lesquels sont logées les eaux-de-vie. Le vieillissement y est aussi plus ou moins rapide. Dans des fûts de petite dimen- sion la déperdilion est très grande, mais le vieil- lissement très rapide; au contraire, dans les fûts de grande dimension, le vieillissement est plus lent et la déperdition moins considérable. La dimension du fût adoptée en Charente, le /ercon de 5 à 6 hectolitres, parait réaliser une bonne moyenne. En dehors des variations de volume et de la déperdilion plus ou moins grande de l’eau et de l'alcool, le fût cède une certaine proportion de Fig. 13. — Distillerie Biscuil-Dubouché à Jarnac. — Les appareils distillatoires sont rangés de chaque côté; les réfrigérants sont surmontés d’un cône destiné à enlever la vapeur; à gauche se voit un réchauffe-vin. L’ouvrier du premier plan pompe le vin pour charger un alambic. température et l’état hygrométrique des chais. Elle se produit de deux manières différentes : par les parois du fût (filtration) et par la surface [éva- poration). Les douves éliminent surtout de l’eau, et par la bonde s'évapore principalement de l'alcool. Suivant que l’une ou l’autre de ces actions domine, le degré du liquide restant s'élève ou s’abaisse. Dans la pratique, c'est-à-dire dans les conditions où sont placées les eaux-de-vie charentaises,on constate un abaissement du degré alcoolique, dont les chiffres suivants donnent une _ idée. Les échantillons ont été pris dans deux chais _ différents : cHa1 À cat B Eau-de-vie de 1893 ............. 689 650 » AB de meme 68 63 » ROBIN AU nt. 60 61 » 1er arab 57 60 » DIS PATES ER 52 59 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. matières solides et, en particulier, de tanin à l’eau-de-vie, et celle-ci se colore. Quant aux actions chimiques qui se produisent, on admel généralement qu'elles sont de deux ordres : orydalions el éthérifications. IL est certain que les phénomènes d’oxydation doivent jouer un rôle important dans le vieillissement des eaux-de- vie. En effet, le vieillissement ne se produit pas quand l'eau-de-vie est enfermée à l’abri de l'air, dans des bouteilles, par exemple. D’un autre côté, les procédés artificiels d'oxygénation des eaux- de-vie permettent de les vieillir dans une certaine mesure. Ce que l’on peut constater nettement à l'analyse, c'est que les eaux-de-vie âgées sont plus riches en acides que les eaux-de-vie anciennes. Ce surcroit d'activité est dû, non seulement à la matière que l’eau-de-vie a pu extraire du bois, mais aussi à l'acide acétique formé par l'oxydation. ç* 294 X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS —_—__—_—…—…—…—…—…—………………….…..………——— Voici les proportions d'acide total {exprimé en grammes d'acide acétique par litre), que renfer- maient les eaux-de-vie des deux chais que nous avons déjà cités: CHAI À caat B Eau-de-vie de 1893.......... 0.06 0.31 » 111: PAPERS 0.06 0.43 : » IÉYIGE RE 605 0.19 0.48 » Flog neo 0.21 0.55 » ASS SERE 0.30 0.82 Ordonneau, qui avait également observé ce fait, avait indiqué qu'il se formait par le vieillissement environ un gramme d'acide acétique par heclo- litre et que la proportion d’acidilé pouvait, dans certains cas, donner des renseignements sur l'âge d’une eau-de-vie. Quant au phénomène de l’éthérification, il nous paraîl jouer un rôle moins important que celui qu'on parait généralement lui attribuer. En dosant les éthers dans des eaux-de-vie de diffé- rents âges, on n’observe pas que ceux-ci suivent une proportion croissante. Dans certains cas, même, on trouve moins d’éthers dans des eaux-de-vie vieilles que dans les mêmes eaux- de-vie jeunes. En résumé, les phénomènes principaux qui se produisent pendant le vieillissement paraissent être : la concentration du liquide, la dissolution des principes solubles du bois, l'oxydation, et une éthé- rification partielle. La qualité des futailles doit être une des plus grandes préoccupations des distillateurs charen- tais. Si l’on réfléchit, en effet, qu'un tierçon (5 à 6 hectolitres) d’eau-de-vie de qualité supé- rieure peut valoir 1.800 francs et tripler de prix en 10 ou 15 ans, c’est-à-dire valoir 5.400 francs, on voit que le distillateur a le plus grand intérêt à choisir très soigneusement ses fûts. Pour faire les douves des fûts, on prend des mer- rains, pièces de bois de chêne choisies pour cet usage et débitées spécialement. On doit prendre des bois parfaitement sains et rejeter les bois poreux ou les bois trop colorés. « Les merrains, dit M. Jacquet, de- vraient provenir, autant que possible, d'arbres de 40 à 50 ans au moins, être débités dans le sens du fil du bois, à la hache et non à la scie: on ne choisira que les pièces dépourvues d’aubier et de nœuds, sans pourriture ni vermoulure : le grain en sera fin et serré, la coloration assez claire et les fibres traversées de veines franches et brillantes; les douves devront prendre le poli sous le grattoir; enfin, elles ne seront faconnées en fûts qu'après un séchage en pile, de cinq ans au minimum; telles sont, en résumé, les conditions auxquelles doivent satisfaire les bois des- tinés à loger les eaux-de-vie. » Les bois les plus estimés en Charente sont les chênes du Limousin, que les négociants de Cognac recherchent et qu’ils paient cher. On utilise aussi le bois de chêne de l'Angoumois, du Berry, de la Bretagne, de la Gascogne, On importe aussi des merrains dont les plus utilisés sont ceux du Nord (Dantzick, Lubeck, Stettin, Riga). Les bois de Bosnie, Trieste, des bords du Danube sont moins esti= més, On emploie aussi des bois de Transylvanie, de Roumanie et de l'Amérique du Nord. Avant de se servir d’un fùt neuf, on doit enlever l'excès d’extractif du bois. Pour cela, on étuve à la vapeur sous faible pression jusqu'à ce que l'eau con- densée coule incolore, ou on échaude en versant plu- sieurs fois de suite de l’eau bouillante, qu’on laisse ensuite égoutter. | Après ce lavage, on avine le fût. Pour cela, on le remplit aux trois quarts de petites eaux, à 20-25°, et on les laisse séjourner quelque temps pour que le bois s’imprègne bien de liquide alcoolique. Le fût bien égoutté est alors prêt à recevoir l’eau-de-vie. ET Au bout de quelques années de fût, les eaux-de- vie sont rassises et leur degré s’est affaibli. Leur degré marchand est de 60°. C’est le degré sur lequel est établi le prix. Les degrés supplémen- taires, ou surforce, viennent s’y ajouter ?. Lorsque les eaux-de-vie sont suffisamment" vieilles pour que leur degré soit tombé au-* dessous de 60°, leur prix est établi à l'hectolitre” sans modification de moinsforce. + se" $ 5. — Vieillissement artificiel. Le vieillissement naturel est une opération fort coûteuse par l'importance des capitaux immo= bilisés pendant de nombreuses années. Le stock des eaux-de-vie dans les Charentes représente actuellement une valeur considérable. Aussi s’esls on ingénié à trouver un mode de vieillissement artificiel qui permit d'obtenir en peu de temps le. résultat d’une longue conservation. Les procédés de vieillissement artificiel qui ont été essayés, reposent sur l’action de la chaleur, du. froid, de l'électricité, de l’ozone et de l'oxygène La chaleur favorise les réactions qui se produisent plus lentement à la Lempérature ordinaire; mais le vieillissement obtenu est peu notable. | Pictet a fait agir le froid. En refroidissant unè eau-de-vie à 80°, on obliendrait un vieillissement équivalant à 12 ans. L'électricité a été également essayée, mais ces divers procédés, chaleur, froid et électricité n'ont. pas reçu une sérieuse applicetion pratique. Il n@ RP 1 Voici la dimension officielle de la futaille charentaise le liercon, le plus employé pour la conservation en chaiss 360 litres: la barrique, 280 litres; le quarteau, 140 litres Pour l'expédition on se sert aussi de petits fûts de 25, 35 45, 55, 65 litres, désignés sous le nom de barillage. 2 Soit D le degré effectif, le nombre de litres de surforce 4 100 (D — 6€) par hectolitre sera ne Supposons, par exemples 460 (67—60 À une eau-de-vie marquant 670. Elle aura ne = 111,60 de surforce, c’est-à-dire que 1 hectolitre à 67 représenter 1 hect. 1166 à 600, et, si l’hectolitre vaut 300 francs à 608 l'hectolitre à 67° vaudra 300%x1,1166— 334 fr. 98. X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS 295 0 semble pas, d'ailleurs, que ce soit là la véritable voie, et les procédés de vieillissement basés sur l’action de l'oxygène paraissent beaucoup plus ra- tionnels, l'oxydation jouant probablement le rôle prépondérant dans les phénomènes du vieillis- sement. M. Villon fait barboter de l'oxygène dans l'eau-de-vie maintenue à une température assez élevée. \ le W77 QU NT EQ N nl DIN WS | AN ® ? I E Léie, | Ë | 1 ET | Re H | 2 L VE = ES = pastille = 1 =] . $ | à SN El me à NE < CE JC À —_ | à] Ê Il \ jl \ | è ARE Pre à dl Èl ; ù UNE ( IE) AI | 211 LUS DE RSS ESS SPRL TT ; Big. 14. — Appareil St-Marlin pour le vieillissement des teaux-de-vie par l'oxygène. — À, liquide à traiter; B, tube . de l’oxygène; C, C, pompes à pression; D, boule à air; bE;-pulvérisateur; F, récipient; G, tonneau à recevoir les « liquides traités; H, H, manomètres; I, I, soupapes de sü- reté ; J, trou pour nettoyer le récipient; L, tube-niveau ; M, robinet pour recueillir les éthers; N, robinet de souti- “rage. - Dans l'appareil Saint-Martin (fig. 14), le liquide est refoulé de À en D, d'où, par deux tubes capil- laires, il arrive à un état d'extrême division en E en même temps que l'oxygène fourni par le cylindre B. De là il se rend dans le récipient F. Le robinet M sert à recueillir les éthers ; le robinet N fait passer le liquide dans le ton- neau Cr. $ 6. — Coupages et mouillages. Les négociants charentais achètent leurs eaux- de-vie aux distillateurs — quelquefois ils sont aussi distillateurs eux-mêmes. Ils emmagasinent, dans leurs chais, les eaux-de-vie jeunes et les font vieillir ; ils possèdent ainsi un stock d'eaux-de-vie vieilles, qui se chiffre par des sommes très impor- lantes dans les grandes maisons. Pour la préparation des eaux-de-vie qui por- tent dans la consommation les noms de Cognac et de Fine Champagne, ils commencent par faire des coupayes. Chaque eau-de- vie possédant un caractère spécial, soil finesse, moelleux, corps, etc., c'est par un mélange qui exige tout l’art des dé- gustateurs, qu’on crée un produit réunissant ces diverses qualités. Par le mouillage, on abaisse ensuile le degré à 48°, degré marchand. Afin de donner au liquide plus de moelleux, on le sucre avec du sirop à 36° Baumé. Le sürupage se fait à une dose variable, en général 1/2 à 1 1/2 %. Le collage se pratique soit avec du blane d'œuf, soit avec un litre de lait par hectolitre d’eau-de-vie. La filtration s'effectue sur de la flanelle, du feutre ou du papier joseph. Pour effectuer le mélange parfait des eaux-de- vie et les fondre ensemble, on pratique quelque- fois le #ranchage, qui consiste à chauffer en vase clos à 70-75°, puis à laisser refroidir lentement. à + S — Procédés d'amélioration et de sophistication, Nous avons indiqué le mode de fabrication en quelque sorte licite el régulier des eaux-de-vie. Les industriels et les négociants emploient aussi d'autres moyens dont les uns sont aussi parfaite- ment licites, mais dont certains autres le sont moins et peuvent même, en cerlains cas, devenir frauduleux. Un procédé d'amélioration consiste à faire les coupages des eaux-de-vie à fort degré avec des petites-eaux boisées. On oblient celles-ci en faisant séjourner sur des copeaux de chêne du Limousin, préalablement lavés à l'eau, des petites-eaux à 20-25°. On se sert aussi de « sauces » dans lesquelles entrent des feuilles de thé, des fleurs de tilleul, du bois de réglisse, du capillaire du Canada, de la ra- cine d'iris de Florence, de la vanille, des prunes sèches d'Agen, des raisins secs, des figues sèches. du brou de noix, du cachou, des coques d'amandes vertes torréfiées, etc. Pour donner du bouquet, on ajoute aussi des essences qui se vendent sous les noms d’ « Awile de vin », d’ « éther ænanthique », d' « essence de lie de vin » d’ « essence de cognac », d’ « essence de rui- sins », elc. Ces produits sont, en général, des solutions al- cooliques d'éthers gras provenant soit de la dislil- lalion des lies ou des pépins, soit d'une fabrication artificielle. Ces dernières essences sont principale- 296 X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS ment de provenance allemande. On en expédie notamment de Hambourg. Elles sont obtenues par l’éthérification d'acides gras divers; les acides gras fournis par l'oxydation des huiles de ricin et - de palme par l’acide citrique, paraissent être sur- tout employés. Ces éthers sont formés de caprate, caproate, caprylate d'éthyle ou d'amyle. Les essences fabriquées en France s’obtiennent surtout par la distillation des lies de vin ou des pépins. Ce sont les « Auiles de vin » ou les « essences de lie de vin ». Les essences et les sauces devraient être exclues de la fabrication des cognacs et être utilisées uni- quement à la fabrication des eaux-de-vie de #4n- taisie. $ 8. — Commerce. Le graphique ci-joint (fig.15) indique les quanti- tés d’eaux-de-vie de cognac produites et expédiées. Comme on peut le voir, jusqu’en 1878, époque de l'invasion du phylloxera, la quantité d’eau-de-vie produite a été bien supérieure à la quantité expé- diée, et la vente a suivi sensiblement les mêmes fluctuations que la production. À partir de 1879, la production devient inférieure à la vente. Celle- ci se mainlient à peu près conslante et s’alimente avec le stock des eaux-de-vie anciennes. Actuellement, il y a encore un stock considé- que] a 1100 ET Jun FE 1000 I l z T af T FT [| Bi T 900 2 mi Ben [1 Ï 1e Ï J 800 ! 1 [] [T Ï Î : E FE VU Ï T À 700 2; | Ê a LS] à 600 = AE EE) se S Î nnes … 500 E se fe) LS a ù = È 400 ; q sh HU a Ni HSE ï A % 300 ; \ PA EEUZ HAE | À JaEt H 2005: AT ] 100 50 IG Le SAT è Ê È a 83 Su Sc SN AR EDS LEE Années Fig. 15. — Quanlilés d'eaux-de-vie de Cognac produiles el expédiées de 1861 à 1891. Quantités distillées. = Quantités expédiées. On peut l'évaluer à plus de 5 millions d'hecto-… litres, d’après les données suivantes : De 1861 à 1880 on a brülé 88.813.124 hectolitres de vin Qui ont produit... ..... 12.682.246 hect. d’eau-de-vie Dont er Eure 5.921.480 hect. ont été expédiés Il reste donc un stock de 6.760.766 hectolitres 4 De 1881 à 1891 on a brülé 15.141.895 hectolitres de vin Quitont donné T7 1.692.441 hect. d’eau-de-vie Ontenva expédié rer 2.835.583 hectolitres Soit un déficit de........ 1.143.142 hectolitres Il resterait, en résumé, un stock de 5.617.624 he tolitres, auquel il faut joindre environ 500.000 hec- tolitres de stock antérieur à 1861. C'est grâce à ce stock de vieilles eaux-de-vie; véritable trésor de la Charente, que l’industrie de Cognac a pu supporter la crise du phylloxera eb conserver, en attendant la reconstitution du vis gnoble, son antique réputation. £ Les expéditions de Cognac se font par trois ports : le port de Tonnay-Charente auquel les fûts arrivent par bateau (environ 150.000 hecto litres d'eau-de-vie prennent cette voie); les ports | de Bordeaux et de la Rochelle, auquels ils accés | | dent par la voie ferrée. | IV. — ARMAGNACS, TROIX-SIX ET EAUX-DE-VIE DE MARCS. Au-dessous des Cognacs et Fines Champagnes e . X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS 297 produits de la fermentation vinique: Armagnacs, Troix-six et Marcs. $ 1. — Eaux-de-vie de l’Armagnac. Les eaux-de-vie de l’Armagnac sont produites dans les départements du Gers, de Lot-et-Garonne et des Landes. On distingue trois régions : Le haut “Armagnac, dans le département du Gers et com- prenant les cantons de Condom, Valence, Vic, Jeguin et Montesquiou ; Fezensac, le bas Arma- Big. 17. — Appareil Savalle pour la produclion des eaux- \dle-vie de vin. — Le vin, placé dans le bac supérieur, ar- rive au bas du chauffe- “vin, situé au milieu à gauche. Il s'écoule ensuite à la partie supérieure de la colonne de recbfication à plateaux et sort épuisé à la partie inférieure de celle-ci. gnac (cantons de Cazaubon et Nogaro, dans le Gers, et de Gabarret dans les Landes), enfin le Z'enurèze {cantons d'Eauze et de Montréal dans le Gers et de la partie sud du Lot-et-Garonne) (fig. 16). . Dans cette région on cultive la Folle blanche, qui y est connue sous le nom de Picpoul blanc. . Le degré marchand des eaux-de-vie de l’Arma- gnae est de 52°. $ 2. — Trois-six de Montpellier. En dehors des eaux-de-vie de vin produites dans les Charentes et dans l’Armagnac, on dislille des ins dans la région du Nantais, de l'Anjou et du Poitou et surtout dans le Midi. . L'industrie des eaux-de-vie a pris un grand dé- veloppement dans le Midi depuis le commence ment de ce siècle. En 1801, Adam breveta son ap- pareil de rectification qui permettait d'obtenir fa- cilement des produits d’un degré alcoolique élevé. Adam établit alors vingt grandes « bräleries » ou distilleries. Un grand nombre d'appareils de rec- tification basés sur les mêmes principes furent en- suite mis en pratique. Dans le Midi, notamment dans l'Hérault, le but de ces appareils est de produire du premier jet des alcools à haut degré. Fig. 18. — Appareil Deroy pour la production continue des eaux-de-vie. — 1, chaudié re; 8, 8, 8, plateaux de rectifica- tion, {1, col de cygne ; 13, réfrigérant : 12 et 19, boule et tuyaux pour la condensation d’une partie des vapeurs et le reflux du liquide formé ; 14, chauffe-vin; 17 et 18, tuyaux amenant le vin réchauffé sur les plateaux ; 22, éprouvette- jauge; #4, vidange. Le degré marchand des trois-six du Midi est de 85- 86° et les appareilsemployés dans cette région per- mettent d'obtenir du premier jet des alcools à 90°, On s’estefforcé, pour cette fabrication, de construire des appareils à grand rendement, car c'est là le moyen d’abaisser sensiblement le prix de re- vient. L'appareil Savalle (fig. 17) est d’un emploi cou- rant dans beaucoup de distilleries du midi de la France; c’est un appareil à colonne et à plateaux, muni d’un chauffe-vin. Il donne au Pier Jet des trois-six (85-86°). Les sn distillatoires continus ne parais- sent pas encore s'être généralisés dans les distil- leries; néanmoins leur usage serait très écono- 298 X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS mique pour la production des eaux-de-vie cou- rantes. Nous mentionnons ici les appareils construits par Egrot (fig. 19) et par Deroy (fig. 18) pour cet usage. Mais ces appareils ne peuvent être mis en œuvre que dans les installations importantes. Dans les petites brûleries, il faut employer des appareils Fig. 19. — Appareil Egrot pour la production continue des eaux-de-vie. — a, chaudière ; À, À, A, plateaux de recti- fication ; F, réchauffe-vin; G, réfrigérant ; N, N, tubes de retour des vapeurs condensées;.J, entrée du vin; K, tuyau amenant le vin chaud sur les .plateaux ; V, éprou- vette-jauge; b, vidange. plus simples. L'un des plus parfaits dans ce cas est l'appareil Deroy (fig.20) muni de sa lentille de recti- fication. Les vapeurs produites dans la chaudière 1 passent dans la lentille 16 avant de se rendre au réfrigérant. La lentille est recouverte d’une toile qu'on maintient légèrement imbibée avec l’eau un peu chaude qui s'écoule de la partie supé- rieure du réfrigérant. M. Egrot emploie un autre dispositif pour la reclification des vapeurs alcooliques. C’est une sphère U (fig. 22) : cette sphère est double; la parties intérieure] contient de l’eau à une température convenable et la vapeur alcoolique circule dans la partie annulaire. à Ces appareils simples donnent au premier jet. des eaux-de-vie marquant 60°; une seconde recti- fication donne des trois-six de 85 à 90°. Ils son soit fixes, soit montés sur roues et servent dans € cas aux dislillateurs ambulants qui parcourent les pays de bouilleurs de cru. Pour plus de commo dité, dans ces appareils distillatoires, la chaudière est souvent mobile et bascule sur pivot, ce qui facilite la vidange et le nettoyage (fig. 21). $ 3. — Eaux-de-vie de marcs. Les marcs provenant de la fabrication des vins retiennent toujours une certaine quantité de Fig. 20. — Appareil Deroy à lentille Arena pour production des eaux-de-vie (employé dans les petiles brà leries). — 1, chaudière ; 16, lentille de rectification; 8, ré frigérant; 10 et 10’, robinets d’écoulement de l’eau tiëdi provenant du réfrigérant et destinée à humecter la len tille etle sommet de la chaudière; 13, éprouvette-jauge 14, foyer. liquide alcoolique, quelle que soit la pression à laquelle ils ont été soumis. On retire l'alcool d ces marcs soit en les distillant directement, soit er les épuisant, au préalable, par l’eau, et distillam la piquette obtenue. La méthode de distillation directe, qui est celle employée en Bourgogne, donne une eau-de-vi très chargée en aldéhyde et en huiles essentielles dont l’odeur très pénétrante est fort appréciée d certains consommateurs. Par la distillation des piquettes de mare, 0 obtient, au contraire, une eau-de-vie plus neutr et plus comparable à l’eau-de-vie de vin. 4 En général, les marcs ne sont distillés que quel ques mois après la vendange. On les conserve dans des tonneaux ou dans des citernes, qu'on ferme X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS 299 aussi hermétiquement que possible, et où on les tasse fortement. Il pêcher l'accès de l'air, qui transfor- merait l'alcool en acide acétique ou en aldéhyde. Il faut cependant laisser une petite ouverture pour le dégagement du gaz acide carboni- que. La distillation peut s’opérer soit à feu nu, soit au bain-marie', soit à la vapeur : le pre- nier mode opéra- loire étant surtout employé pour les faibles quantités, et le dernier pour des opérations plus importantes. Pour la distilla- lion à feu nu, on peut uliliser les appareils simples en se bornant à mettre au fond de la chaudière u- ne grille de cuivre , une claie d’osier ou un lit de paille , afin que le marc ne brüle pas. On remplit ensuite la chaudière de marc et on y ajoute le tiers de son volu- me d’eau, si est, en effel, nécessaire d'em- Fig. 21. — Appareil mulliplex Egrol pour la production d'eaux-de-vie de 4er jet à 95 0/0. — À, chaudière; B, fourneau; C, chapiteau-couvercle; F, col de cygne; M, chauffe-vin; P, vidange du chauffe-vin dans la chaudière ; R, réfrigérant; E U, rectificateur; v, vidange; >», éprouvette de sortie de l’eau-de-vie ; x’, éprouvette de sortie des mauvais goûts. le marc a été si l’on veutobtenir de l’eau-de-vie de bonne qualité. Pour la distillation à feu nu, on adopte généra- lement des appa- reils dans lesquels le marc est placé dans panier perforé. De cette manière, la va - peur se trouve bien distribuée à travers la masse, et on n’a pas à craindre de sur- chauffer. On évite ainsi le goût de rincé ou de brülé si désagréable. Dans l'appareil Deroy (fig. 23), le panier porte au centre un tube éjecteur qui déter- mine un mouve- ment continu du liquide chaud à travers le marc . C'est une disposi- un tion analogue à celle des lessiveuses. Dans l’ap- pareil Egrot, c'est un sim- ple panier perforé à la partie supé - rieure. On sait qu'en Bour - gogne la pro- priété est très morcelée. Il y a un grand nombre de viticulteurs , el la produc- de cha- cun d'eux est relativement tion fortement faible. Aussi pressé, ou le le nombre de Fig. 22. — Appareil Egrot employé par les bouilleurs ambulants pour la fabrication SRE RO quart ou le des eaux-de-vie. — A, chaudière ; B, foyer; U, sphère de rectification; K, réservoir; bouilleurs de cinquième seulement de son volume, si le marc a été peu pressé. On a soin d'éliminer les produits de tête ou de queue, N, réfrigérant. cru y est-il considérable. En général, la distillation est faite par des indus- triels qui parcourent les communes avec leur ap- 300 X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS pareil et travaillent à facon pour les propriélaires. Aussi les appareils distillateurs sont-ils souvent montés sur roues. Afin de faciliter le nettoyage, les constructeurs Fig. 23. — Appareil Deroy à tube éjecleur central pour la distillalion des marcs. — 16, panier métallique contenant les marcs ; 18, pomme d'arrosoir ; 5, chapiteau ; 6, col de cygne; 8, réfrigérant; 13, éprouvette ;10, robinet amenant l’eau tiède du réfrigérant pour produire la rectification. ont adopté pour les petils alambics une chaudière basculante qui permet de vider aisément les marcs. Les paniers peuvent aussi s’enlever au moyen d’un disposilif mécanique simple. Dans la distillation à la vapeur, on se sert d'ap- Fig. 24. — Ballerie Deroy pour la distillation des marcs à la vapeur. — 1, générateur ; 8, prise de vapeur; 7, entrée de vapeur ; 2, 2, vases contenant les marcs; 4, récepteur; 9, 10, 11, cols de cygne; 12, réfrigérant ; 13, analyseur; 14, éprouvette; 16, arrivée d’eau ; 18, pompe à vapeur pour l’alimentation de la chaudière et du réfrigérant. pareils présentant la forme cylindrique. La vapeur arrive par la partie supérieure el {raverse le marc. On dispose une série de trois ou quatre de ces cylindres, ce qui constitue une batterie et permet de faire une distillation continue. Ces batteries peuvent être, comme les appareils plus simples, fixes ou transportables. La batterie figurée ici (fig. 24, est montée sur chariot, ce qui permet de la transporter aisément. L'appareil Sorel, construit par Savalle (fig. 25), permet de disliller économiquement de grandes quantilés de substances pàteuses et convient en particulier au {raitement des marcs des vignobles du midi de la France. La chaudière est horizon- tale et est munie d'un appareil malaxeur qui re- mue continuellement la substance à distiller. Il est facile de comprendre que la distillation à ; t PER TT . — RD TRS Sn à » Fig. 25. — Appareil Sorel-Savalle pour la distillation des marcs. — La chaudière horizontale est munie d’un appas reil permettant d'agiter la masse pâteuse; à gauche, on voit le chaufle-vin et le réfrigérant. la vapeur doit donner des eaux-de-vie moins ri- ches en huiles essentielles que la distillalion à feu nu. Ces eaux-de-vie sont moins aromatiques, mais plus fines. Cependant, bien des consommateurs bourguignons préfèrent l’eau-de-vie de mare pré-= parée par l’ancien procédé, c'est-à-dire par Jam distillation à feu nu. Ÿ 1 4 Les marcs donnent un rendement très variable en alcool. En général, 100 kilos de marcs donnent de 4 à 8 litres d'eau-de-vie à 50°. Les marcs riches en donnent jusqu'à 12 à 14 litres. a Lorsqu'on ne distille pas les marcs en nalure, on peut aussi les épuiser par l’eau et distiller en-m suite les piqueltes obtenues. Lelavage peut se faire en faisant macérer le marc avec une certaine quan- Lilé d’eau, et pressant ensuitela masse. Mais il vaut hs à noyaux ou . de la canne à . sacrée au Ci- X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS mieux opérer par lixivation méthodique (fig. 26). Le marc est entassé dans des cuves. On fait arriver lentement de l’eau à la partie supérieure de la première cuve. L'eau déplace le liquide alcoolique, qui surnage et vient s'écouler à la partie supé- rieure. On peut le faire arriver dans une deuxième et une troisième cuve. On peut ainsi obtenir des piquettes assez alcooliques, qui donnent de bonnes - eaux-de-vie, assez comparables aux eaux-de-vie de vin. V. — EAUX-DE-VIE NON DÉRIVÉES DU VIN. Ces eaux-de-vie proviennent du cidre, du poiré, des alcools résultant de la fermentation des fruits sucre. S 1. — Eaux- de-vie de Ci- dre et de Poiré. EL — La fabrica- tion du Cal- vados et de l'Eau-de-vie de Poiré de- vant être ex- posée par M. Lechartier 301 quer de l’eau-de-vie, qu'ils font distiller par des bouilleurs ambulants. Dans les installations plus importantes on trouve l’appareil distillatoire. La fabrication de ces eaux-de-vie peut se faire de trois manières : soit en laissant fermenter les fruils entiers, soit en foulant les fruits, les addi- Uüonnant d’eau tiède, puis extrayant le jus fer- menté, soit en extrayant des fruils le jus sucré el faisant fermenter celui-ci. Dans le premier cas on a à distiller une masse päteuse et, dans les deux autres cas, un liquide. La première méthode est, en quelque sorte, la méthode. campagnarde, {ant sa mise en œuvre est simple. On jette les fruits dans un tonneau ou ARE dans une cuve etonleslaisse entrer en fer- mentation dans un local ni trop chaud ni trop froid. La tempéra- ture la plus favorable est de 15 à 25%, en moyenne 20°. Le lende- main le surlendemain la masse en- ou tre en activité dans une mo- nographie ul- térieure con- dre et au Poi- dans l’appareil distillatoire situé à droite. _ré,nousne la + mentionnons que pour mémoire dans le présent article. $ 2. — Eaux-de-vie de fruits à noyaux. Les fruits à noyaux, notamment les cerises etles - prunes, sontles malièrespremières de la production d'une eau-de-vie très estimée sousles noms de 4rsch 1 et de qguetsch. Ondistille aussi des pêches el des abri- - cots, mais en quantité beaucoup moins importante. Cette industrie est principalement localisée dans les départements de l'Est, surtout les Vosges et la “ Haute-Saône (fig. 27). En réalité, la région de pro- -duction est divisée par la chaine des Vosges : une partie importante se trouvant en France dans ces départements, l’autre se trouvant en Lorraine et plus à l'Est encore dans la Forêt-Noire. De même qu’en Bourgogne, la distillation des fruits est très répandue : le nombre de bouilleurs de cru est considérable. Presque tous les culti- vateurs utilisent l'excédent de leurs fruits à fabri- Fig. 26. — Distillerie de marcs par livivalion. — À à A5, cuves contenant le marc. L'eau contenue dansle réservoir D déplace le marc des cuves. Le liquide alcoolique s'écoule dans une citerne et est envoyé par la pompe P dans les réservoirs E F, d'où il passe et l'acide car- boniquese dé- gage. Il faut de 12 à 15 jours pour que les cerises soient bien fermentées el un mois à un mois et demi pour les prunes. Pour les cerises on recommande de retirer d'abord les queues, qui donnent de l’amertume au produit fermenté et quiinfluent sur le goût de l’eau-de-vie. Si on ne doit pas distiller de suite, ce qui est le cas général, on bouche soigneusement pour éviter les fermentations secondaires. La masse étant de consistance pâteuse, il esl bon, pour faire la distillation dans de bonnes con- ditions, de mettre un peu d'eau. Il faut aussi prendre des précautions pour que, si le chauffage a lieu à feu nu, la matière ne se brûle pas au contact des parois chauffées, ce qui communi- querait un très mauvais goût à toute la masse de l’eau-de-vie. Les procédés appliqués à la distil- lalion des marcs peuvent donc rendre les mêmes services dans la distillation des fruits (fig.28 et 29). C’est une opinion assez répandue que le kirsch préparé par distillation à feu nu est meilleur que 502 le Kirsch distillé à la vapeur. En lout cas, faut-il que les plus grandes précautions soient prises quand on utilise le premier procédé. Un second procédé de fabrication consiste à fouler les fruits, mais en évitant, autant que pos- sible, de casser les noyaux, qui renferment un principe nuisible à la marche de la fermentation. On arrose la masse pulpeuse d’un peu d’eau tiède, puis on laisse fermenter. Au bout d'un temps suffisant, on soutire le Jus, et on presse le marc. Le liquide alcoclique est soumis à la dislil- lation dans des appareils ana- logues à ceux qu'on utilise pour la fabri- cation de l’al- cool de vin. Les marcs distillés don - nent une eau- de-vie de qua- IKIKISIKK NS NIK KR KK LD LL lité plus ordi- NN Bains oRemiremont un peu spécia naire. KR FE d _—_-- oPlombières le. L'eau-de- Enfin, un NN Aillevilifers® \ 2JeVal d'Ajol vie de premier lroisième pro- Fougerolles". jet obtenue va cédé de fabri- EEE rie de 60 à 78, cation , mais suivant les d'un usage pays. Les Mar- moins courant, consiste à faire macérer les fruits dans l’eau, puis à ex- traire, par pression, le jus sucré. Celui-ci, marquant de 4 à 8° Baumé, est mis à fermenter, puis on distille le liquide alcoolique obtenu. De quelque manière que le kirsch ou le quetsch aient été produits, on emmagasine ces liqueurs dans des bonbonnes de verre, qu’on laisse débou- chées. C’est de cette manière que le vieillissement s'opère. Aussi, ces eaux-de-vie sont-elles toujours incolores. Le kirsch est produit à 52-54 et ramené à 50°, C'est là le degré marchand. Les kirschs naturels étant des produits relative- ment chers, on prépare des kirschs de fantaisie en aromalisant, au moyen d’essences, des alcools d'industrie. Les essences employées sont presque loutes à base d'essence d'amandes amères ou aldéhyde benzoïque. On emploie presque toujours des alcools d'industrie bon goût. De manière à abaisser encore les prix de vente, surtout X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS NX Fig. 21. — Région el principaux centres de production des kirschs. dans les villes pourvues d’octrois, on donne à ces produits un dégré alcoolique plus faible : 459-400, M quelquefois même 35° seulement. $ 3. — Rhums et Tañas. Les Æhums et Tafias se préparent soit au moyen du jus de canne à sucre (vesou ou melado), ou de la mélasse de canne (miel ou mieles). On mélange trois parties environ de vesou ou de mélasse avec trois à quatre parties d’eau et six à huit parties de vinasse refroidie à 25 ou 30°, puis on laisse fermenter. L'emploi d'un levain préparé avec des rai- sins secs donne un bon résul- tat. 1 La distilla = tion s’opère dans un alam- bic d'une forme. NN NN N NSNSISSN >>> tinique mar- l queront 62° en H viron, les Ja- maïque 10-719, les Demerara mere L'eau-de-vie distillée est mise dans des fûts de chêne NS SN ERCR blanc où un séjour de quelques années lui fait acquérir le goût et la couleur et en abaisse le Litre à 555 55-56°, litre commercial des Marti= nique. Le Havre est le port principal d'importation des rhums provenant de notre colonie de la Murti= nique. L'importalion du rhum est annuellement d'environ 4ä0.000 heclolitres. Ce rhum est amené au titre de 50°, pour la consommalion. Le rhum est une des eaux-de-vie qui se prêtenb le plus aisément aux manipulations plus ou moins, licites. Une foule de « sauces » sont préparées pou faire du rhum de fantaisie. Il serait extrèmemenb utile que la Régie et les Bureaux d'Hygiène pris= sent souvent la peine de faire surveiller la fabri=« cation de ces produits et les alléralions ultérieures que le Commerce leur fait subir. # X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS 303 VI. — LIQUEURS APÉRITIVES. Les liqueurs apéritives dont la consommation est le plus répandue sont : Les wbsinthes, les vermouths, les bilters et amers, les vins apéritifs, vins de quinqui- na, etc. La consommation de l’absinthe est d'environ 200.000 hectolitres par an; celle des bitters 50.000, des vermouths 250.000 à 300.000 hectolitres. $S {. — Absinthes. Les absinthes de qualité supérieure contiennent 72°/, d'alcool pur ; les absinthes plus ordinaires n’en contiennent que 65 °/,, les absinthes com- munes n’en contiennent souvent que 50 °/,. L'esprit parfumé, obtenu par la distillation des plantes dans l'alcool, est incolore : c’est l’absinthe blanche, dont la production est très faible. Les con- sommateurs préfèrent l'absinthe verte, oblenue en colorant l'esprit parfumé et incolore avec des feuilles vertes qui lui cèdent leur chlorophylle. On cultive l’absinthe en Suisse, dans les mon- L'absinthe est obtenue par la distillation de | {agnes du Jura; actuellement celte culture se TNT Fig. 28. — Appareil Egrot à disliller les fruits. — A, chaudière; M, panier contenant la masse pâteuse ; H, poignée de basculage; U, sphère de rectification; R, réfrigérant. diverses plantes en présence de l'alcool. La for- mule des absinthes varie suivant les fabricants et constitue un de leurs secrets de fabrication : néanmoins il y entre toujours certaines plantes, plantes fondamentales, telles que la grande ab- sinthe, l’anis vert, le fenouil, l’hysope, la mélisse , Voici, par exemple, une formule d’absinthe de bonne qualité : POUR À HECTOLITRE D'ABSINTHE ( Grande absinthe 2k5 Anis vert 8k | Fenouil 4k | { Petiteabsint.1k à 1k,2 Servant pour-la coloration.......... ‘ Hysope 0k,3 à 0k,5 | Mélisse 0k,2 à 0k,25 Matières entrant dans la fabrication HEBRAICODIAE A Sn dre nee Les absinthes varient non seulement suivant la qualité, la nature, la quantité, l'association des plantes, mais aussi suivant le degré alcoolique : pratique sur une grande échelle dans le département du Doubs. C'est dans ce dépar- tement que la fabrication des absinthes a pris une grande extension. Pour les autres malières premières, on fait venir l'anis d’Andalousie, du département du Tarn. Le fenouil est très cultivé en Ilalie et dans le Fig. 29. — Appareil Eyrot. — La chaudière est basculée à la fin de l'opération pour être vidée et nettoyée. midi de la France ; le fenouil du Gard est très réputé. On distingue les absinthes ordinaires, demi fines et fines, et les absinthes spéciales: absinthe suisse, absinthe de Pontarlier, absinthe de Montpellier, absinthe de Lyon. Pour la fabrication de l’absinthe (fig. 30 et 31), on place dans la chaudière de l’appareil distilla- toire les plantes et l'alcool. On emploie soit de l'alcool de vin, soit plus généralement de l'alcool d'industrie de bonne qualité. On fait macérer pen- dant quelque temps, puis on distille lentement à la vapeur et on recueille l’esprit ou alcoolat par- fumé. Une partie de celui-ciest envoyé dans le colo- rateur. On place dans celui-ci de la petite absinthe, des feuilles de mélisse et d’hysope, qui macèrent dans l'esprit parfumé. Le temps et la température 30% X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS de la macération varient suivant les fabricants. La température de 60° parait favorable et produit en même temps le tranchage de la liqueur. Pendant la macération l’absinthe se colore el achève de prendre son bouquet. L’absinthe, sortant des colorateurs, est placée dans des füls où elle abandonne des dépôts assez considérables. Le vieillissement de l’absinthe est | À lu | I 1 il | AN ji { null ET IN position des eaux-de-vie ou des liqueurs à goûl [NII | Les plantes quiont servi à la coloration sont exprimées soit dans des presses ordinaires, soit dans des fillres-presses de manière à en extraire la plus grande partie de Pabsinthe. Les absinthes ordinaires serventsouventà l’écou- lement des alcools d'industrie moyen goût, qui ne sont pas assez rectifiés pour entrer dans la com- ELITE LUTTE EEE } LONOMENNNNNTTNTTS Fig. 30. — Appareil Egrot pour la fabricalion de l'absinthe. — A gauche en haut, la sphère de rectification, le réfrigérant et, tout à fail indispensable pour que celle liqueur ; acquière les qualités qui la font apprécier. Il faut que ee vieillissement soit d'au moins six mois. Dans ce but, les grandes fabriques d’absinthe possèdent de vastes caves de réserve où l'ab- sinthe estemmagasinée dans des foudres (fig. 32). Certains fabricants font passer l’absinthe dans une série de fûts communiquant entre eux. dépôt se fait dans les premiers fûts et le Lirage de l’absinthe claire peut s'effectuer à l'extrémité de la série (fig. 33). Le droite, la chaudière contenant les plantes et l'alcool ; à au-dessous, le colorateur. alténué. L'arome développé et pénétrant de l'ab- - sinthe masque ces défauts de l'alcool. Il paraïtrait même que l’on aurait été jusqu'à employer des alcools dénaturés pour la fabrication de lab=\ sinthe. $ Parmi les fraudes de l’absinthe on peut ci= ter celle qui consiste à ajouter du benjoin ou une résine soluble dans l’alcool, qui donne le trouble blanc quand on ajoute de Peau. On à quelquefois ainsi coloré l’absinthe artificielle- ment. td né Fig 31. — Distillerie de l’usine Pernod fils (Pontarlier', — Les alambic à la vapeur, sont réunis sur des tables métalliques, et les réfrigérants sont disposés parallèlement nl | | (ni Fig. 32, — Disposition des foudres en cave pour la mise en réserve et le vieillissement naturel de l'absinthe, à l'usine Pernod fils (Pontarlier). 306 X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS $S 2, — Bitters et amers. Les bitters et les amers sont des liqueurs pré- parées en partie avec des alcoolats parfumés ob- tenus par distillation et avec des infusions aro- matiques. Ils ont, en général, comme base l'écorce d’oranges amères et renferment aussi de l'orange, de la mandarine et divers parfums. Les amers de bonne qualité sont préparés sur- tout avec des alcoolats. Le quinquina en infusion alcoolique y in- tervient pour une part. La for- mule de ces li- queurs peul va- rier à l'infini sui- vant les vins, les alcools, les plan- tes que l’on fait intervenir. $ 3. — Vermouths. Lesvermouths sont des vins blancs addilion- nés d'alcool el dans lesquels on fait infuser des plantes apériti- ves et stomachi- ques. En géné- ral, le vermouth français le plus réputé est à base de vin blanc de quoriste réside principalement dans l’association des parfums qui entrent dans les liqueurs qu'il, prépare. Les substances parfumées entrent dans la com- position des liqueurs sous les formes suivantes : Les esprits parfumés où alcoolats, produits obtenus par la distillation des plantes ou des graines par- fumées avec l'alcool; Les essences obtenues par distillation directe des fleurs, des graines et des feuilles; Les infusions obtenues par macération à froid des fruits, par exemple l'in- fusion de cassis, l'infusion de ce- rises , elc: on! prépare aussi des infusions de curaçao, vanille, iris etes; Les teintures obtenues par! macération à. froid (benjoin , ambre). Il est assez difficile de faire une classifica - tion rationnelle: des liqueurs : la composition de ces produits va- rie suivant les fabricants, et on Picpoul. De 33. — Soulireuse mé Houque Borel. — L'absinthe arrive dans l'appareil par sait qu'ilen exis- £ : e tuyau communiquant avec la cuve de droite. L’ouvrière placée au 1° plan DE La macération prend les bouteilles vides qui se trouvent à côté d’elle et les place dans les te des variétés se fait dans un ts APRES de la A EC L’appareil pivote autour de son axe et les bou- considérables. Ê < : teilles remplies sont prises par les deux b L : vin très alcooli- : ë : GrRonenenses Pourlesliqueurs que, à 50 ou 60° par exemple. Les plantes, choisies et mélangées dans la proportion convenable, sont mises en macéralion dans ce vin alcoolisé, La teinture très parfumée, obtenue ainsi, est ajoutée en quantité variable, au vin viné à 15° environ. Le produit final obtenu marque en moyenne 17%. Le vieillissement exerce aussi sur le vermouth une action améliorante très marquée. VII. — LIQUEURS. Les liqueurs sont toutes à bases d'alcool, de sucre et de subslances parfumées : elles varient par la dose des deux premières substances et par la nature des substances odorantes employées pour les fabriquer. Le talent du distillateur li- proprement di- tes, qui n’ont pas de marque spéciale, telles que l’anisette, la vanille, le curaçao, etc., on distingue, en général, les liqueurs ordinaires, demi fines, fines et surfines qui varient les unes des autres par Ja proportion d'alcool, de sucre et de parfum : Liqueurs ordinaires renfer- SUCRE LIQUEUR A mant 25 lit. d’alcol à 850. 12k,5 p. hectol. 210 Liqueurs % fines renfer- mant 28 lit. d'alcool à 850. 25k p. hectol. 240 Liqueurs fines renfermant 32 litres d’alcool à 850... 43k,75 p. hect. 970 Liqueurs surfines renfer- mant 38 lit. d’alcoo!l à Sùo 32° 56k p. hectol, Le matériel de fabrication des liqueurs se com- pose d’un générateur de vapeur, fournissant la va- peur nécessaire pour chauffer les appareils, d’alambics pour distiller les produits végétaux | | ; À | « 4 X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS 307 parfumés en présence de l'alcool, de bacs ou fûts pouremmagasiner les esprits ou alcoolats parfumés obtenus dans celle opération, de bassines pour faire fondre le sucre et préparer le sirop de sucre à 36° Baumé, de bacs à alcool, d'appareils distilla- loires pour préparer l’eau distillée, d'un conge de fabrication pour faire le mélange des diverses ma- lières premières, de fûts pour emmagasiner les liqueurs préparées et de filtres pour les clarifier. $ 1. — Liqueurs communes. Au lieu d'employer des alcoolats parfumés, cbtenus par distillation des plantes avec l'alcool, Fig. 34. — Préparation des alcoolals pour la fabrication des liqueurs aux usines Félix Polin. — A gauche, un ouvrier placé devant une bassine prépare le sirop de sucre. A sa droite sont placés les alambics produisant les alcoolats parfumés, qui sont envoyés par une canalisation spéciale dans la salle de réserve des alcoolats. Au fond et en haut, alambic pour la production de l’eau distillée. A droite et en bas, on voit la série des tuyaux amenant le sirop, l'alcool, l'eau distillée et les alcoolats parfumés. Le mélange se fait dans le conge (réservoir) placé au coin à droite. on emploie, pour la fabrication des liqueurs com- munes, les essences, qu'on fait dissoudre au préalable dans l'alcool. La fabrication des liqueurs donne lieu aux ma- nipulations suivantes : Pour l’alcoolat (fig. 3%),on place,dans la chaudière de l’alambic, la quantité calculée du mélange des plantes aromatiques avec de l'alcool à 50°, on dis- tille et on recueille un premier alcoolat parfumé marquant environ 75°. Pour obtenir un produit plus fin, on rectifie cet alcoolat en l’addilionnant d’une certaine quantité d’eau et en le redistillant. Les alcoolats sont emmagasinés dans des fûts qui leur sont chacun spécialement affectés. Le sirop de sucre se prépare dans une grande bassine à double fond, chauffée à la vapeur. On fait fondre 100 kilos de sucre blanc en pains avec 53 litres d’eau, on obtient ainsi 110 litres de sirop marquant 36° Baumé à froid. Le mélange des diverses matières premières (alcoolats, sirop de sucre, eau distillée, alcool pur) se fait, avons-nous dit, dans le conge de fa- bricalion. Celui-ci est un cylindre gradué dans lequel on fait arriver successivement les diverses matières premières. On y ajoute aussi la colle destinée à clarifier la liqueur. On brasse le tout, puis on envoie la liqueur brute sous colle dans des fûts. Il est avantageux d'employer des fûts placés Fig. 35. — Décantalion méthodique des liqueurs aux usines Félix Polin. — Les liqueurs provenant du conge de fabrica- tion sont envoyées par canalisation dans les füts de la partie supérieure de cette salle. La même liqueur passe succes- sivement dans les deux füts placés au-dessous; elle se dé- cante du troisième au deuxième et se filtre du deuxièmeau premier. Elle est tirée de ce dernier et mise en bouteilles. sur trois rangs verticaux (fig. 35). La liqueur brute arrive dans Je fût.supérieur. On y laisse déposer la plus grande partie de la colle, puis on décante dans le fût inférieur. Entre celui-ci et le fût du bas on installe un filtre dans lequel se clarifie entièrement la liqueur. S 2. — Liqueurs dites digestives. Les liqueurs dites digestives, telles que la Chartreuse, la Bénédictine, la Htiqueur Raspail, l’élixir Combier, elc., elc., sonl préparées comme les liqueurs ci-dessus, c'est-à-dire avec des esprits ou alcoolats parfumés obtenus en dislillant des plantes avec de l'alcool, avec du sirop sucré, de l’alcool et de l’eau distillée. Ces liqueurs sont, en général, à degré alcoolique élevé et elles sont très sucrées. Elles se dislin- 308 suent surtoutentre elles par la nature de l’alcoolalt parfumé qui entre dans leur composition. C’est là le secrét de la Chartreuse, de la Bénédictine et des liqueurs des diverses marques qui sont, comme on le sait, très nombreuses. Dans ces diverses liqueurs il entre une douzaine de substances dontla nature, la qualité, la proportion ont une influence considérable sur le bouquet dela liqueur, à tel point que de faibles modifications apportées dans le mélange des plantes aromatiques peuvent ame- ner des différences considérables dans le parfum X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS ment le cassis. — Les baies de cassis récoltées au moment de la malurité sont broyées et placées dans des cuves ou dans des foudres où on les addi- tionne d'alcool. On ajoute de l’alcool à 85° et om obtient un premier jus alcoolique, que l’on nomme infusion première ou infusion vierge. Sur le résidu on verse à nouveau de l'alcool, mais cette fois à degré moindre (58°) : on obtient une seconde infu= sion, moinsparfumée (infusion deuxième). Quelque= fois on prépare de l'infusion troisième en versant sur le résidu de l’infusion seconde de l'alcool à 489: Fig. 36. — Décantalion, fillralion el mise en réserve de la Bénédictine à l'usine Legrand et Cie à Fécamp. — C'est dans les cuyes de réserve représentées ici que s’opère le vieillissement. de l’alcoolat obtenu. La nature de l’alcool employé exerce aussi une grande influence sur la qualité des liqueurs. Dans la composition de la Char- treuse, de la Bénédictine entrent des eaux-de-vie d'excellente qualité. Le vieillissement des li- queurs (fig. 36), les soins donnés au soulirage (fig. 37) età l'embouteillage (fig. 38), exercent aussi une grande influence sur la valeur des produits. Par l’âge, elles acquièrent le moelleux, le fondu, le parfum, toutes qualités qui les font apprécier. $ 3. — Liqueurs obtenues par infusion. Cerlains fruits, parfumés ou sucrés, servent à préparer directement des liqueurs : citons notam- Pour préparer le cassis (fig. 39) on fait fondre dans l'infusion la quantité de sucre appropriée et on dilue le liquide avec de l’eau distillée de ma nière à ramener le titre alcoolique à 20°. $ 4. — Commerce des liqueurs. | Les liqueurs françaises sont très appréciées à l'étranger, notamment nos liqueurs digestives (Chartreuse, etc.), nos diverses liqueurs (ani- selte'; notre exportation atteintenviron 30.000 hec- tolitres par an. We Parmi les liqueurs que nous recevons de l’étran- ger, le Curagao (Hollande) et le Æämmel (Russie) paraissent être les plus appréciées. Fig. 317. — Soulirage el mise en bouleilles de la Bénédictine à l'usine L egrand el Cie à Fécamp. — Au centre, cylindre métallique recevant la liqueur préparée et filtrée. De chaque côté de ce cylindre, 2 soutireurs automatiques, Fig 38.— Eliquelage el emballage des bouteilles de Bénédicline à l'usine Legrand el Cie à Fécamp REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4896. 6°* 310 X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS production des eaux-de-vie de vin et, en particulier, pour les eaux-de-vie de qualité supé- rieure de la Charente dont la réputation est universelle. Elle occupe également une place très honorable dans l'in dustrie des liqueurs. Les exportalions d’eaux-de= vie et de liqueurs sont bien plus considérables que les im= portalions (fig. 40). Est-ce à dire qu’elle ne doive. craindre aucune concurrence et qu'elle ne doive pas surveiller" avec soin cette industrie impor: L'importation des liqueurs avait subi une hausse notable en 1887, la modification appor- tée au tarif général des doua- nes sur les alcools et eaux-de- vie n'ayant pas été appliquée aux liqueurs. L’ancien droit appliqué aux liqueurs était de 40 francs au tarif général (10 franes de plus par hectolitre que lesalcoolspourtenir compte de la plus-value de la main- d'œuvre) et 30 francs au tarif conventionnel. Lenouveau droit est de 80 francs au larif géné- ral et 710 francs au tarif con- Fig. 39. — Préparation du cassis (Usine ventionnel. Félix Potin). — L'infusion alcoolique de tanLe? 3 Ïl ya, en France, environ | issisestiplacée;dans Tes fûts 3 droite: Non, au contraire : d’autres, 2) S # Les ouvriers de gauche font dissoudre oi à 4 25.000 fabriques de liqueurs. le suc cristallisé dans l’infusion. pays viticoles s'occupent acli= 600 —— DE TT TT TT : = LE À 2 EE A A A 2 + L- | = = ! she L L ee en ! Le) JE) î | ] Ie Il | + | 500! 1! 2 je 1 : s F- 1 Î Te à | T Î 1f T 1F D [ES |l JE ei | | | | 4 | | S | mn F 1 Ÿ 400 + es l | à L | S k- | | j — È | L = | % CHE E [Al] : IP RE ME) fe Ï [ ! | Ë Tri | | S 300 | À | fl \ | | | A | Ê Sen ve RE pri À Ÿ Re en nn | 1 | & h fi VA | | Î Î À À & à LUE ALE Nate EN PAR EAES 0 F IE — 1/ + + [ L 0 | | | 1 1 g & 200 ——- SEE 2 | je il = | LE 1 | IEA Î 1 Î \ 4 à ln 1 Tone DE / \ à M Pa] Re] 1! | NEC a \ N > R 11] ï| | | ICS al | | fa n. ÉCOLE Diet M rt] | I | += (A Ke Ù | À troie] TANT À À 100 | nié - : 41 ! - Mn 7 Ce A+ F SR : 80) | ji | RE LA RÉNANIERR A 1 A DS ER _ 1 \/ 2 60 + Î ’ A ES PARTS ÿ \] art 4 TJ Re TOR RUN E Et 2 = ! 4 20 / ne LE SERRE k ie f f de | e-+"1 15 3 l (Elle J 1850 1855 1860 1865 1870 1875 1880 1885 1890 1893 Années Fig. 40. — Importalion et exportation des eaux-de-vie et alcools. Exportation -------- Importation vement de la distillation des vins. En Italie, par exemple, la loi du 11 juillet 1889 a donné beau= coup de facilité aux Italiens pour la production La France occupe inconteslablement Ja première | et le travail des eaux-de-vie façon cognac. Ces place dans l’industrie des eaux-de-vie de consom- | facilités sont relatives à la production intérieure mation. Elle est, entre toutes, hors de pair pour la | (35 °/, de réduction sur la taxe de fabrication) VIII. — IMPORTATIONS ET EXPORTATIONS DES SPIRITUEUX. X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS et à l'exportation (il est rendu 90 °/, de la taxe aux exportateurs). Aussi la production de l'eau-de-vie façon cognac a-t-elle fait en Italie de véritables progrès depuis deux ou trois ans et les produits italiens menacent- ils de s'introduire chez-nous ou de nous supplanter ailleurs. Nous sommes incontestablement des mieux placés pour resler à la tête de cette industrie, mais il est nécessaire que nos industriels veillent sans cesse à maintenir la qualité et le bon renom des produits français. Il ya dans les modes de fermentation, de dis- lillation et de vieillissement, des progrès à réa- liser et dont la science a montré la voie. Il y en a encore trop peu d'applications et il ne faut pas nous laisser devancer. IX. — HycrÈwe. La quantité d'alcool qu'on consomme en France a élé sans cesse croissant : elle a plus que triplé depuis une quarantaine d'années ; le tableau sui- vant montre clairement cette progression : CONSOMMATION MOYENNE par habitant (en alcool à 1000) HDMSS 0 PE Ne ne 1 lit. 46 HT EPS EU EL LIN SE à lit. 27 ME DR Me 3 lit. 64 HER fe nsre RU en 4 Lit. 56 Les hygiénistes se sont émus de cet accroisse- ment si rapide de la consommation de l’alcool. Is ont rapproché ce fait des progrès, croissants aussi, du crime et de la folie, et ils ont dénoncé l'alcoolisme comme une plaie sociale qui abätar- dit non seulement l'individu, mais, ce qui est bien plus grave, la descendance. On boit trop d'alcool. C’est un fait que per- sonne, je crois, ne conteste, et, si la plupart des hygiénistes, des médecins, sont d'avis que l’alcool à dose modérée est un stimulant utile, tous pen- sent que l'abus de l'alcool est nuisible à l'individu, néfaste à la société. L'alcool, absorbé sous quelque forme que ce soit, produit l'excitation et détermine par l'abus les accidents de l'alcoolisme. A ce point de vue, la division que l'on fait entre les boissons dites hygiéniques et les eaux-de-vie résulle d’une appréciation erronée. On devient aussi bien alcoolique en abusant du vin qu'en abusant du Cognac, les principes constituants de ces deux liquides étant les mêmes. Cependant, on peut dire que les boissons alcoo- liques sont d'autant plus capables de déterminer Valcoolisme qu'elles sont plus riches en alcool. Nous avons dressé l'échelle alcoolique des princi- 311 pales eaux-de-vie et liqueurs afin qu'on puisse les comparer entre elles au point de vue de leur teneur en alcool (fig. 41). Ce qu'il faut surtout éviter, c’est l'usage des boissons alcooliques riches en alcool, principa- lement lorsqu'elles sont absorbées à jeun. Mais la teneur en alcool d’une boisson alcoo- lique n'est pas la seule chose à considérer au point de vue de son action physiologique. IL y a dans les boissons alcooliques, outre l'alcool, des substances qui forment deux classes principales : les impuretés et les bouquets. Ces impurelés et ces bouquets sont les alcools d'une atomicité supé- rieure à&celle de l'alcool éthylique (alcools propy- lique, butylique, amylique), les éthers, les aldé- hydes, les hydrocarbures, etc. Voici, à ce point de vue, comment on peul classer les eaux-de-vie et liqueurs qui entrent dans là consommation : 1° EAUX-DE-VIE. — à) Eaux-de-vie de fantaisie (cognac, kirsch de fantaisie), préparées avec de l'alcool d'industrie de bonne qualité, et dont le bouquet est obtenu avec des sauces ou des es- sences et un léger coupage d’eaux-de-vie natu- relles (presque pures; elles ne contiennent souvent pas plus de 0,2 pour 1.000 d’impuretés). b) Baux-de-vie naturelles de vin et de fruits rec- tifiés avec soin par les bouilleurs de profession — Cognac — fine champagne — armagnac — kirsch de bonne qualité — rhums bien rectifiés — eau-de-vie bien préparée. (Elles renferment de 0,5 à 2 millièmes d'impuretés. Ces impuretés ne sauraient être diminuées dans une forte propor- tion, sans que le bouquet fût diminué également. En un mot, le bouquet fait corps avec les impu- retés. c) Bauz-de-vie naturelle des bouilleurs de cru. Eaux- de-vie de fruits, de cidre, de mares etc. Elles con- tiennent souvent une forte proportion d'impuretés, parfois de 2 à 5 millièmes et même plus. — Ces impuretés ne sont pas nécessaires pour le bouquet. Bien au contraire ; ces eaux-de-vie gagneraient en finesse el en valeur à être rectifiées. Les bouilleurs de cru ne sont pas outillés et instruits pour opérer cette rectification; de plus, ils ne veulent rien perdre de leur alcool. 2° Lioueurs. — Les liqueurssont parfumées avec des plantes aromatiques dont les principes essen- tiels parfumés sont des hydrocarbures. D'une manière générale, les liqueurs sont plus chargées en substances étrangères à l'alcool éthylique que les eaux-de-vie, puisqu'elles renferment, en plus de ces dernières, les essences aromatiques prove- nant des plantes. On peut les classer ainsi : a) Liqueurs préparées à base d’eau-de-vie natuz 312 relle (eau-de-vie de vin) contenant : bouquets et impuretés des eaux-de-vie naturelles, plus essences des plantes employées. b) Liqueurs préparées à base d'alcool d'indus- trie bonne qualité contenant : trace d’impuretés, plus essences des plantes employées. c) Liqueurs préparées à base d’alcool d'indus- trie mal rectifié, contenant impuretés des alcools d'industrie mal rectifiés, plus essences des plantes employées. Les liqueurs 74° très parfumées, et notamment 2:44 d'industrie ; : 962 174 l'absinthe, ren- 95? ferment jusqu’à 15 pour 1.000 de substances vola- tilesétrangères à l'alcool éthyli- que. Les substan - ces organiques volatiles autres que l’alcooléthy- lique , c’est-à- dire les impure- tés et les bou- quets dont nous venons de par- ler, ont toutes une action phy- siologique plus active que l'al- cool éthylique . L'alcool amyli - que est plus no- cif que l'alcool éthylique : l'al- déhyde a une aclion très ra- 54{ num pide sur le sys- tème respiraloi- re, le furfurol est un convulsivant ettousleshydro- carbures, essences d’anis, d’absinthe, elc., qui forment les bouquets des liqueurs, ont une action très sensiblement différente de l'alcool éthy- lique. ; Mais, quoi qu'il en soit, il ne faut pas perdre de vue que, dars les eaux-de-vie et liqueurs, c’est l’alcool éthylique qui forme la partie la plus imporlante du liquide et la partie la plus active. Un autre point aussi est assez intéressant à exa- miner, c'est la manière dont l'alcool se consomme. On peut dire qu'il y a deux espèces de consomma- 902 802 20e) Rhum de Demerare 7o2 bol £au dervte de dre ou Calvados 524 Fau de vie de Mare de Bourgogne so%üsch, Cenicore hmmel Armay 1fac. Fig. 4. Lauzx de ve des 10 tion : malion au cabaret. sommé en France : Débitants de boissons..... Simples consommateurs... Consommation de Paris... 50° Âérseh, Cenicvre, Aumnmel, Armagrac 7 Cognac Jicil Armagnac seine (rar TUE rictertie 45°) Pilters,Cenieüre. Cognac 43 Chartreuse jaune, Bencdrclire 404 Aners, Menthe verte. Pruelle 394CUTaçao Sec 371 Chartreuse blanche 364 Curaçao dou £ 35° : 34 Ziqueur Raspatl, Cherry Brandy LQUCLT'S SUIFINCS Anzsetle de Hollande nisette Prier. Li gueurs feres aits à l'eau de vie Lig'de vanille iqueurs je fires 12 \/'ermoutle 0° — Echelle de la richesse alcoolique des boissons alcooliques. — Les produils soulignés n'entrent pas dans la consommation directe. la classe ouvrière. X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS la consommation en famille, la consom- Il y a, en France, environ 450.000 débits aol Der dont 30.000 à Paris. Voici, relevés officiels de l'Administration des Contribu= tions indirectes, comment se réparlit l'alcool con= d'après led 1.189.934 hect. (alcool à 109 162.265 3 164.728 » » Il est certair que la consom- mation est consis dérable dans les débits, et qu’elle l'emporte de beaucoup sur la consommation familiale. Les chiffres ci-dessus ne peuvent mal heureusement, être exacts, can. la statistique ne. peut faire figurer. la « vente à em: porter », qui esb comptée dans le chiffre des débi- tants. 4 Si la consom: mation de famil= le ne donne p lieu à de regrets tables constata: tions, il n’en esb, pas de même de la vente au dé: tail; c'est dans cette absorption continuelle dé petits verres d’eau-de-vie au cabaret, absorbs tion de tous les instants, el sous vent à jeun, qu'il faut voir une des causes prin= cipales de l’envahissement de l'alcoolisme dans Si l'on examine la manière dont se répartit 8 en France la consommation de l'alcool (fig.42), on res marquera, d'abord, que c’est dans la région Nord que l'on boit le plus d'alcool, etdans la région Sud- Ouest qu'on en boit le moins. La consommatiof : s'élève considérablement dans les grandes villes, et surtout dans les grands centres ouvriers et dans les ports de mer. On retrouve toujours là une X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS 313 preuve que c'est la consommalion au cabaret qui | que l'État demande, dans tous les pays, une part importante de ses recettes, En France, sur un bud- ‘domine la consommation familiale. ARNNGULCESANENRAREE LONDRES A Va 7 LL 77 CID A p A, C4 DO US ps P ; ÿ NS SZ 4 AE E. OBERLIN el Fig. 42. — Carte montrant la répartilion et la consommation de l'alcool en France. De Consommation par tête et par an FRE moins de 2 litres d'alcool à 100 7 ZA de 2 à 5 litres d'alcool! à 100° X. — MESURES LÉGISLATIVES. - L'alcool, qui joue un rôle si considérable au point de vue hygiénique, en joue un non moins important au point de vue financier. C'est à lui NT NN de 5 à7litres d'cool à 1000 #4 plus de 1 litres d’alcool à 100° get total d'environ 3.500 millions, l'alcool figure aux recettes pour 280 millions, soit environ un douzième, et la totalité des boissons alcooliques vin, bière, cidre, alcool), pour 460 millions, soil près du septième. 314 X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS Le projet de loi adopté par la Chambre des Dé- putés et relatif à la réforme des boissons porte sur les points suivants : 1° Adoption du monopole de la rectification de Palcool. 2° Surtaxe de l'alcool : le droit de circulation de l'alcool, perçu par l'Etat, étant porté de 156 fr, 26 (prix actuel) à 275 france. 3° Maintien du privilège des bouilleurs de cru : li- mitation à 20 litres d'alcool absolu — soit 40 litres d’eau-de-vie à 50° — de la quantité concédée. #° Surtaxe de 70 francs par hectolitre sur les li- queurs. 5° Dégrèvement des boissons dites hygiéniques. 6° Suppression de l’exercice chez le débitant. Examinons rapidement chacun des points ci- dessus, en nous plaçant au double point de vue hygiénique et fiscal : $ 1. — Question du Monopole. En votant le monopole de la rectification de l'alcool, la Chambre a obéi à des considérations d'ordre hygiénique. On lui a présenté l'alcool d’in- dustrie comme un alcool loxique et impur, sur le compte duquel il fallait mettre tous les méfaits de l'alcoolisme. Elle a pensé alors que la meilleure manière de mettre la population française à l'abri de ce fléau était de faire l'État seul rectificateur d'alcool. — La Chambre a commis là une grande erreur, mais elle à été mal renseignée. L'alcool d'industrie ! est pur; il est plus pur que tous les alcools naturels; nous avons insislé déjà sur ce point dans la première partie de ce travail. On a constaté que l’alcoolisme s'était aceru dans des proportions considérables quand les alcools d'industrie étaient venus prendre dans la consom- malion la place des alcools naturels, et l'on en a conclu à la plus grande toxicité des alcools d’in- dustrie. Mais il faut bien remarquer qu'en même temps que cette substitution avait lieu, la pro- duction et la consommation totale augmentaient. C'est l'augmentation de la consommationd'alcool et non son changement de qualité qui ont déter- miné l’accroissement de l’alcoolisme. D'ailleurs, il y a une garantie très sérieuse de la pureté de l'alcool d'industrie : c’est l'intérêt du fabricant. L'alcool mal rectifié n’est pas marchand, ou, du moins, perd une part importante de sa va- leur. Ajoutons à cela que, si l'État est un excellent vérificateur, 1l est presque toujours un mauvais fabricant. Nous avons, d’ailleurs, un exemple frappant des inconvénients que présente le monopole de l'alcool. Ce système a élé adopté en Suisse et a donné des 1 Nous parlons, bien entendu, de l'alcool bon goût, le seul entrant dans la consommation. résultats bien peu encourageants. En premier lieu, le rachat des fabriques existantes a coûté beau- coup plus cher qu’on n'avait supposé. Que serait-ce donc en France, où l'industrie de l’alcool est des plus développées? D'autres inconvénients se sont montrés lors de l'exploitation. La Régie suisse, qui avait adopté un type d'alcool rectifié contenant un maximum d'impuretés, a été obligée de changer ce type et d'introduire dans son alcool une plus grande quantité d’impuretés pour contenter sa clientèle et pour ne pas faire de son monopole une opération financière désastreuse. L'État francais devenant fabricant pourrait-il en être réduit à jouer ce rôle peu moral de fraudeur officiel? $ 2. — Question des Bouilleurs de Cru. Un des plus graves reproches que nous fe= rions au projet esl de maintenir le privilège des bouiileurs de cru. Ce privilège est injuste, puis= qu’il affranchit cerlains consommateurs au détri= ment des autres ; il est mauvais pour le trésor, aus, quel il fait perdre chaque année une somme considérable; enfin, il est néfaste au point de vue de l'hygiène, car les produits fabriqués par les bouilleurs de cru sont, en général, mal préparés et infiniment plus impurs que les alcools natures produits par les bouilleurs de profession. $ 3. — Question de la Surtaxe. Le projet comporte une surlaxe importante des droits sur l'alcool. Il serait certes très inté* ressant d'arriver à diminuer la consommation ! de l’acool tout en augmentant le revenu annuel qu'il fournit à l'État, ou, tout au moins, sans dimis nuer ce revenu. Ce serait là un bon résultat tant au point de vue hygiénique qu’au point de vue finan- cier. Mais est-il prudent de faire brusquemenk cette surtaxe ? Ne va-t-on pas porter la perturbas tion dans une grande industrie? Ne vaudrait-il pas mieux laréaliser en plusieurs fois etavec prudence Ce sont là des points fort délicats, et, tout en étant fermement partisan d'une élévation des droits sun l'alcool, nous hésilerions à apporter d’un seul coup une modification aussi importante dans le régime économique de cette industrie. Il ne faut pas, perdre de vue non plus que, toutes les fois qu'on augmente les droits supportés par ce produit, on augmente aussi la fraude dont il est l’objet. La surtaxe sur les liqueurs est des plus dis= cutables. On se base, pour la proposer, sur des considérations hygiéniques. Chose curieuse, ces considérations, —écartées lorsqu'il s’agit des bouils leurs de cru, qui sont un véritable fléau au point de vue fiscal et hygiénique, — reprennent aux yeux de la Chambre toute leur importance quand il s’agit des liqueurs, dont la fabrication occupe | | X. ROCQUES — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES EAUX-DE-VIE ET LIQUEURS 315 _ en France une place importante. Nous l'avons _ déjà dit : à degré alcoolique égal, les liqueurs chargées en essences sont plus actives que les _eaux-de-vie. Est-ce une raison suffisante pour les surtaxer? N'y a-t-il pas lieu de craindre qne cette nouvelle complication apportée dans le fonctionnement des opérations de la régie ne vienne jeter une perturbation dans une industrie prospère? Ne va-t-on pas faire le jeu de la fraude? Ces diverses raisons nous feraient écarter ce projet de surtaxe. $ 4. — Classification des Boissons. - On a classé les boissons alcooliques en boissons hygiéniques et boissons non hygiéniques. Cette classification a-t-elle quelque valeur? Nous en dou- tons beaucoup. Nous l’avons dit déjà : on devient alcoolique en buvant trop d'eau-de-vie, mais on devient aussi alcoolique en buvant trop de vin. La classification est illusoire. Dès lors, pourquoi dé- grever une classe et grever à nouveau l’autre? Est- il prudent, d’ailleurs, au point de vue hygiénique, de se priver, de gaieté de cœur, d’un revenu impor- tant et d'espérer le remplacer par l’augmentation d'un autre revenu, augmentation qui peut ne pas avoir l'importance qu'on se plait à lui attribuer. Nousle répélons, c’est là une imprudence au point de vue fiscal et peut-être aussi une faute au point de vue hygiénique. $ 5. — Licence des Débitants. La suppression de l'exercice chez le débitant est une mesure fiscale qui sera bien accueillie du commerce. Enfin le dernier point porte sur la non-augmen- tation de la licence des débitants. Nous sommes de ceux qui voient dans la consommation du ca- baret le mode le plus dangereux de consomma- tion. Toutes les mesures qui tendraient à la dimi- nuer seraient bonnes. Ce n’est pas le cas de la mesure proposée. $ 6. — Conclusions. Pour concilier les intérêts opposés de l'hygiène et du fisc et pour conserver à l’industrie de l’al- cool la place importante qu'elle a su acquérir, il nous semble que les mesures les plus justes et les plus pratiques consistent dansles points suivants : 1° Supprimer le privilège des bouilleurs de cru. Ce sont eux qui produisent les plus mauvais alcools, et, de plus, ils ne paient rien à l’État. 2° Augmenter les droits sur l'alcool, mais avec modération et progressivement, de manière à ne pas apporter de trouble dans l’industrie et le com- merce des spiritueux. On pourra ainsi arriver à enrayer sensiblement la progression de l’aug- mentalion de l'alcool, sans porter atteinte aux reve- nus de l'État. 3° Diminuer par tous les moyens possibles la consommation du cabaret, c'est-à-dire la plus né- faste de toutes. 4° Quant à la production de l'alcool d'industrie, nous avons dit que l'intérêt du fabricant était de produire des alcools de bonne qualité. Rien n'est plus aisé d’ailleurs que de surveiller étroitement cette industrie,puisqu'elle est actuellement sous le contrôle de la Régie. Si V'application de ces mesures avait pour ré- sultat de faire sensiblement baisser la consomma- tion de l'alcool, on aurait obtenu, au point de vue de l'hygiène, un résultat excellent. Mais celui-ci serait acquis aux dépens d’une industrie jadis pros- père, sil'on ne facilitait l'usage de l'alcool et son emploi industriel. Un grand nombre d'industries chimiques ne peuvent acquérir l'importance qu’elles onl prise en Allemagne parce que l'alcool, malière première indispensable de ces industries, est d’un emploi coûteux. N’y aurait-il pas un beau résultat industriel, économique et hygiénique à obtenir en donnant en franchise à l’industrie chi- mique une part de cet alcool dont l’abus abâtardit actuellement notre race‘ ? X. Rocques, Ingénieur-Chimiste, Ex-Chimiste principal du Laboratoire Municipal de Paris. 1 Il nous semble extrêmement important d'insister sur l'énorme préjudice causé à plusieurs de nos industries par notre législation, qui frappe à la fois l'alcool destiné à être bu et l'alcool intervenant dans la préparation des pro- duits chimiques et surtout pharmaceutiques. Cette dernière industrie est en train d'émigrer de France au profit de l'Allemagne, par la faute de nos législateurs. On nous ré- pondra que, pour protéger nos produits francais, la qui- nine, par exemple, contre la concurrence d'importation, on frappe la quinine allemande d’un droit d'entrée équivalant à l'impôt que paie, chez nous, l'alcool intervenu dans la fa- brication de ce produit. Mais n'est-il pas évident que ce régime n'est compensateur que pour notre commerce inté- rieur? Il laisse absolument désarmé notre commerce d’expor- tation. Toute l'Amérique du Sud, — Mexique, Brésil, Chili, République argentine, etc. — nous échappe : nos produits en sont chassés par ceux de l'Allemagne. Il n’est que temps de remédier à cette désastreuse situation. Si l'Etat francais maintient un impôt élevé sur les spiritueux, il est de toute nécessité qu'il dégrève l'alcool destiné à l'industrie. Nous pensons d'ailleurs que le fisc arriverait à trouver son compte, au grand profit de l'hygiène publique, en dégrevant sensiblement les alcools et en frappant d’un impôt énorme ce personnage malfaisant qu’on appelle le marchand de vin. (NoTE DE LA DIRECTION.) 316 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES LES TORPILLEURS SOUS-MARINS ET LE & GOUBET » — UN NOUVEAU DENSIMÈTRE Les premières tentatives, réellement sérieuses, de navigation sous-marine, ne remontent guère qu'au com- mencement de ce siècle. Toutefois, la navigation sous- marine n’est entrée dans une voie définitivement pra- tique que depuis une trentaine d'années seulement, avec le Plongewr de MM. Bourgois et Brun. Les essais faits avec ce bateau à Rochefort, en 1863 et 1864, per- mirent d'espérer une solution pratique à bref délai, Malheureusement, on les abandonna à la suite d’un léger accident survenu au cours des expériences !. Bien qu’à l'Étranger on ait, surtout en ces dernières années, exécuté une série de bateaux-cigares sous- marins ?, en France on laissa cette fort-intéressante question assoupie jusqu’en 1886, époque à laquelle l'arrivée, au Ministère de la Marine, de l'amiral Aube, remit en honneur les idées nouvelles et donna un cer- tain essor etune vigoureuse impulsion à l'emploi d’u- nités de combat de petite importance : torpilleurs, croiseurs, sous-marins, etc. Ce fut à cette époque que l’on mit sur chantier le Gymnote, d'après les plans de M. Gustave Zédé, le dis- ciple et ami de Dupuy de Lôme, l’éminent ingénieur de la Marine, auquel on est redevable de la construc- tion d’un grand nombre de cuirassés. M. Zédé chercha à mettre en pratique les idées et les théories de son illustre prédécesseur à la Direction des Constructions Navales. A la même époque, fut également commandé à l’in- dustrie privée, sans aucune ingérence du Ministère de la Marine, le Goubet, du nom de son constructeur, qui en avait soumis les plans à l’amiral Aube. A peu d'années d’intervalles de là, on vit apparaître un nouveau sous-marin : la Sirène, construit, comme le Gymnote, sur les plans du regretté Gustave Zédé et par les soins de l'ingénieur de la Marine Romazotti, torpilleur qui s'appelle aujourd’hui le Gustave Zédé. Ces trois sous-marins français, de même que le Morse, qui est encore à l’état de projet, offrent une très grande analogie entre eux, ayant été construits suivant un 1 En 1858, le capitaine de vaisseau Bourgois adressait au Ministre de la Marine et des Colonies, l'amiral Hamelin, un mémoire dans lequel il exposait l'idée d’employer,! à la dé- fense des ports, des bateaux sous-marins müs par des machines à air comprimé et dans lesquels lair, après avoir servi de puissance motrice, aurait servi également à la respi- ration de l'équipage. Le ministère communiqua ce mémoire au corps des Ingé- nieurs de la Marine, les invitant à lui soumettre des projets debateaux sous-marins établis sur les idées émises par le capitaine de vaisseau Bourgois. Parmi les projets présentés, les plans de M. Brun, ingénieur de 1re classe, recurent l'appro- bation du Conseil des Travaux et du Ministre de la Marine et servirent à la construction du Plongeur. MM. Bourgois et Brun, morts l’un amiral et l’autre séna- teur, bien qu'ayant été l’un et l’autre ministres de la Marine, ne semblent pas avoir tenté d'autres essais dans cette voie. Le Plongeur désarmé et déchu, se trouve réduit, croyons- nous, à l’humble rôle de bateau-citerne dans l’arsenal de Ro- chefort. 2 Exemples : Le David, le Roœber, l'Intlelligent Whale, le Mortensen, le Peace Maker, le Tuck, le Baker,le Holland et le Schwahn, aux États-Unis; Le Gurelt, le Nordenfell, le Chapman et Brin, le Wad- dington et le Campbell en Angleterre ; L’Ictineo et.le Péralen Espagne ; Le Bauer et l'Ollo Vogel en Allemagne; L'Audace, la Palla Nautica et le Pullino en Italie; L'Alexandrowski et le Drzewiecki en Russie; ete.,etc. ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES { même programme. Ils ont pour puissance motrice ] l'électricité fournie soit par des accumulateurs, soit par des piles électriques. î L’habitabilité est assurée par de l'air comprimé mé langé ou non d'oxygène. L’immersion se produit soit par l'introduction d’eau formant water-ballast ou poids lesteur, soit par la manœuvre de gouvernails horizon= $ taux, La direction est donnée par des gouvernails ver= ticaux, sauf pour le Goubet, qui la recoit de son hélice même, mobile horizontalement, grâce à un judicieux emploi du joint universel. L'orientation est obtenue soit par un tube optique, comme dans le Gymnote et le Goubet, soit par un périscope, appareil imaginé, dès 1872, par le major belge Daudenart et dont le Gustave Zédé a été pourvu. A une profondeur d'immersion supé= rieure à la longueur du tube optique, le lieutenant de vaisseau Baudry de Lacantinerie a cherché à utiliser le gyroscope, mais l'emploi de cet appareil est fort délicat et nécessite une très grande attention. Les essais que l’on effectue en ce moment en Seine, près d'Argenteuil, sur un nouveau modèle de sous= marin, construit récemment par M. Goubet, dans less ateliers de MM. Muller et Roger, attirent actuellement sur ce petit navire, l'attention du public. Le secret, très absolu, observé par le constructeur sur les disvon sitifs appliqués dans son bateau, ne nous permet pas de le décrire aussi complètement que nous l’aurions” souhaité. Nous pouvons cependant, dès à présent, faire connaître quelques intéressants détails. 3 Ce torpilleur (fig. 1),exécuté pour le compte d’un Etat de l'Amérique du Sud, diffère peu, quant aux principes; du premier modèle construit en 4887. La coque, fon= due en trois pièces : deux cônes à génératrices curvis lignes et un anneau médian, est en bronze de 25 milli=" mètres d'épaisseur pour la partie centrale et des 8 millimètres aux extrémités. Ses dimensions sont ‘+ peu plus grandes que le premier modèle, car il mesur 8 mètres de longueur et 1 m. 75 de diamètre au maître-couple. La coquille a la forme d’un fuseau als longé, obtenu par la révolution d’un arc de cercle au- tour de sa corde comme axe, forme qui, dans les pré= cédents essais, a été reconnue comme la plus favorabl à une bonne stabilité et à un facile déplacement, Pour lui donner une plus grande stabilité, deux aileronss. horizontaux, venus de fonte avec la coque, se trou de chaque côté, au milieu. F4 A la partie supérieure, un trou d'homme ovale donne accès à l’intérieur du bateau. Cette ouverture est fer mée hermétiquement par un dôme étanche, à cha nière, offrant une saillie de 25 centimètres et présen tant, à sa périphérie, 7hublots garnis de glaces épaisses. permettant d'explorer tout l'horizon quand le bateau navigue à fleur d’eau. :. Au-dessus des ailerons horizontaux se trouvent, symétriquement placés, deux tubes-carcasses, destinés. à recevoir des torpilles automobiles, dont le lance=" ment s’effectue de l’intérieur en agissantsur un simple, levier de manœuvre. Par cette manœuvre de déclen chement, on dégage les torpilles du doigt quiles retient prisonnières. Elles s'échappent alors, sous leur propre action, de la ceinture qui les encadre et les maintient car, du même coup, on obtient la mise en action du moteur à air comprimé qui commande toute torpillen automobile. Comme, pendant ce mouvement initial, ces torpilles sont guidées à frottement doux, sur la moitié de leur longueur, elles prennent une direction paral: lèle à l’axe même du torpilleur, direction qu’elles con= | ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 317 servent facilement. Cela n’a pas lieu par les procédés ordinaires de mise à l’eau, par l'emploi des tubes ou des cuillers lance-torpilles, qui déterminent des plon- gées et des embardées fort préjudiciables à la justesse et à la précision du tir. Ce qui caractérise Le Goubet et le différencie essen- tiellement des autres sous-marins similaires, c’est son absence totale de gouvernails tant horizontaux que verticaux. Le changement de direction est obtenu par le déplacement de l’hélice elle-même, qui est rendue mobile, dans le plan horizontal de son axe, grâce à une heureuse application du joint universel articulé, imaginé dans un tout autre but par M. Goubet, il y a une vingtaine d'années. L La première application de cette disposition a été faite par Ræber en 1866. M. Drzewiecki l’a également appliquée en 1851 sur des torpilleurs sous-marins nœuvre d’un levier. En lâchant prise, le bateau remonte aussitôt avec une très grande force ascensionnelle. On n’emploie, du reste, ce dernier moyen qu’en cas de péril extrème, Le bateau, lorsqu'il est immergé, étant toujours par- faitement équilibré pour l'altitude à laquelle il est appelé à manœuvrer, il faut une force très faible pour le faire déplacer dans un sens quelconque. Quelques gouttes d’eau, introduites ou chassées, le font monter ou descendre; quelques coups d’aviron ou quelques tours d’hélice le font avancer ou reculer. Aussi, n'est-il pas surprenant de le voir évoluer, avec la plus grande aisance, à une vitesse de 2 à 3 nœuds à l'heure, sous la simple impulsion des rames, ou marcher à une vi- tesse de 7 à 8 nœuds avec un petit moteur de 2 che- vaux seulement. L'immersion est obtenue par l'introduction d’une Fig. 1. — Vue extérieure du bateau torpilleur sous-marin « Le Goubet ». imaginés et construits par lui, pour le gouvernement russe, sous les ordres du général Boreskoff. Cette disposition donne au bateau une très grande sensibilité et lui permet d'évoluer très rapidement sur place ; mais cet avantage offre, paraît-il, comme contre-partie, l'inconvénient d’affoler ou du moins de trop précipiter le mouvement de virage et par consé- quent de rendre difficile le réglage de la direction. Il semble, en effet, que l'adjonction d’un gouvernail ver- tical ne serait pas chose superflue, car elle permet- trait d'obtenir plus de précision dans les mouvements d'évolution en agissant à la manière d’un régulateur- compensateur de marche. Sur les côtés et au-dessous des ailerons horizontaux se trouve une paire de rames actionnées intérieure- ment par desleviers. Ces rames ont des palettes articu- lées qui, grâce à des charnières spéciales, permettent l'inversion du mouvement, à volonté, pour obtenir, au gré du commandant, la marche en avant ou en arrière, 11 suffit pour cela d’agir à l’intérieur sur une tringle de commande munie d'une goupille d’arrétpour rendre invariable la position choisie. Enfin, sous la quille du bateau se trouve un poids lesteur en fonte, de 1.200 kilogrammes, dit poids de sécurité, dont on peut se débarrasser par la simple ma- certaine quantité d’eau, distribuée automatiquement dans une série de petits compartiments placés au fond du bateau et permettant de répartir uniformément la charge dans toute l’étendue du bateau. Le déplacement vertical s'obtient, de la sorte, toujours parallèlement à lui-même, sans jamais s’écarter du plan normal de flot- taison, que de quelques centimètres seulement, à l’avant et à l'arrière, On prévient ainsi le déplacement trop rapide du centre de gravité, qui pourrait avoir pour conséquence fâcheuse le redressement de la poupe ou de la proue. Ce résultat, très appréciable dans la pratique, est obtenu grâce à une très ingénieuse disposition d’équi- libre par compensation qui commande automatique- ment et alternativement les pompes remplissant ou vidant les compartiments de water-ballast, M. Goubet, grâce à ces immersions et ascensions ver- ticales graduelles, évite le mouvement de tangage, sou- vent fort accentué, quelquefois dangereux même, que l’on éprouve dans les bateaux à gouvernails horizontaux. En effet, lorsque ceux-ci s’immergent, ils subissent, comme dans les torpilles automobiles, un mouvement ondulatoire longitudinal, par suite des déplacements alternatifs du gouvernail et des inclinaisons variables qu'il en recoit, avant d'atteindre la position horizon- 318 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES tale définitivement assignée par la stabilité de route. Son équipage n’est, du reste, composé que d’un offi- cier et de deux hommes. L’officier est placé au centre sur un siège à pivot qui lui permet d’explorer l'horizon par les hublots du dôme, quand on navigue à la sur- face, et par le tube optique quand le bateau est im- mergé. Ce tube optique est muni de prismes à réflexion totale fixés aux extrémités de tubes à extension téles- copique pouvant se développer sur une longueur de 4 mètres, ce qui permet au bateau de rester immergé de 3 mètres à 3,50. L’officier a à sa portée la commande de l’hélice-gou- vernail et sous ses pieds le levier permettant de déclen- cher le boulon d’attache du poids de sécurité pour remonter immédiatement à la surface en cas de péril. Vers l’arrière se trouve l'homme chargé du moteur électrique etdes piles. Celles-ci peuventfournir la force motrice pour une cinquantaine d'heures et actionuent la dynamo qui tourne à 1.000 tours. La transmission, faite par engrenages, communique à l’héliceune vitesse de 250 tours, qui donne une marche d’environ 6 nœuds à l'heure, L'homme placé à l'avant manœuvre les rames avec lesquelles on peut obtenir une vitesse de 2 à 3 nœuds. Il a au-dessus de sa tête une sorte de robinet à hois- seau permettant de transmettre des lettres ou menus objets, grâce à des étuis-flotteurs que l’on y introduit et que l’on abandonne à leur force ascensionnelle. Au moment d’une attaque, pour lancer les torpilles, l'officier commence par explorer l'horizon, soit en navi- guant à la surface, soit en restant immergé, s’il est trop rapproché de l'ennemi. Une fois l'objectif repéré et la distance appréciée, le torpilleur s'immergé à la profondeur voulue, — environ 4 mètres pour frapper un cuirassé dans ses œuvres vives, — et met le cap dessus. Arrivé à proximité, le moteur est arrêté, et l’on manœuvre à la rame pour éviter de déceler sd pré- sence par les trépidations et le bruit de l’hélice. Une fois bien en direction et à bonne distance, on lâche les torpilles. Aussitôt après, le sous-marin bat en retraite à toute vitesse. En terminant ce rapide exposé nous n’aurions garde d’omettre les noms des constructeurs qui ont collaboré à l'exécution du Goubet. La coque en bronze de canon pesant environ 6.700 kilos a été fondue en trois mor- ceaux dans les ateliers de MM. Muller et Roger, les grands fondeurs parisiens bien connus par leurs nom- breux et grands travaux exécutés pour le compte de l'Etat et des grandes administrations. Les mécanismes, du poids de 600 kilos, ainsi que les tubes-carcasses, lance-torpilles, sortent des ateliers Piat, dont l’excel- lente fabrication est également bien connue et appré- ciée de tous les ingénieurs. Les piles, du système Schauschieff, et la dynamo pèsent ensemble 860 kilos. Avec de tels éléments de succès, le Goubet ne pourra que réussir, Quoiqu'il en soit et bien qu'il ne nous ap- partienne pas de discuter les mérites d’un tel engin ni de préjuger des avantages ouinconvénients qu'il pourra offrir dans les guerres navales de l'avenir, il nous est permis néanmoins d'affirmer qu'un champ nouveau s'ouvre à l’activité humaine et que, les progrès des sciences mécaniques aidant, l’évolution nouvelle qui se produit nous permet d'espérer, dans un avenir très prochain, l'exploration des profondeurs inconnues des océans, G.-L. PEscer, Ingénieur des Arts et Manufactures Tout appareil permettant de déterminer rapidement, el avec une assez grande approximation, la densité d’un liquide, est susceptible de rendre de grands ser- vices dans la pratique courante. C’est ce qui nous a engagé à décrire dans les colonnes de cette Revue le principe d’un nouveau densimètre. branches inégales ouvertes m pr, n gs, dontles extré- mités r etn entrent dans l'intérieur d’un ballon B, muni d'un robinet R et communiquant directement avec une poire en caoutchouc G. Les tubes en U sont gradués et les quatre 0 de la graduation sont situés sur la même horizontale NN. Pour mesurer la densité d’un liquide, on ouvre le robinet R et l’on verse dans l’un des tubes de l’eau, dans l’autre du liquide en expérience, de telle facon que les quatre niveaux s'arrêtent au 0. On ferme alors le robinet R et on presse la poire G; la pression augmente dans le ballon B et les niveaux des deux liquides s’abaissent, mais inégalement, dans les deux branches courtes du tube en U (fig. 3). Il est L'appareil (fig. 2) se compose de deux tubes en U, à Hal | a 3 JE ET NS SENS ER PEUR EU MEUTUSE | < S 127 È s > Il œ PA D D D NORD mg 9 - NN (NE LOT TEL TO TT TT ET ET TT TUTO EL TT OT OT TETE TT TT TT TETE TNT) Fig. 3. aisé de voir que les abaissements respectifs sont inversement proportionnels aux densités des deux liquides, En effet, soient H la pression atmosphérique initiale, H + à la pression augmentée, a, et a, les abaissements des niveaux des liquides, et d, et d, les densités respec- tives des deux liquides. On aura, en égalant les expres- sions des pressions exercées sur les sections prises au même niveau : (4} H +d,.2%a = H+A (2) H + d:.245 =H + ou H + d,.2a, = H + ds.2@ d’où di.) = d.@. Dans le cas où d, — 1, c'est-à-dire où l’eau est un des deux liquides, comme dans notre expérience, « on à : [44 di — =, a La détermination de la densité se réduit donc à deux lectures simultanées et à une simple opération arithmétique, Stanislas BourFaLL. | Stagiaire à la Faculté de Dorpat. " BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 319 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Stackel (Paul), Professeur à l'Université de Künigs- berg et ÆEngel (Friedrich), Professeur à l’Univer- sité de Leipzig. — Die Theorie der Parallellinien von Euklid bis auf Gauss. — 1 vol. in-8 de X-325 pages avec 145 figures et le fac-simile d’une lettre de Gauss. (Prix : 11 fr. 25). B. G. Teubner, Leipzig. 1895. Il ya environ 30 ans que, par la publication de la thèse de Riemann et du mémoire d’'Helmholtz : Sur les faits qui sont à la base de la Géométrie, la Théorie des Lignes parallèles est devenue l’objet d’un intérêt gé- néral et soutenu. À peu près à la même époque, on découvrit que Gauss lui même avait reconnu la possi- bilité et la justification d’une Géométrie basée sur l’axiome des parallèles, et c’est alors que les travaux de Lobatschevsky et de Bolyai, dans lesquels cette géo- métrie avait recu un développement systématique, furent arrachés à l’oubli dans lequel ils étaient tom- bés, Gauss, Lobatschevsky, Bolyai devinrent les créa- teurs de la Géométrie non-euclidienne, dont le dévelop- pement fut repris par Riemann et Helmholtz. Mais, en 1889, M. Beltrami montrait que, déjà en 1733, un mathématicien italien, G. Saccheri, en cher- chant à prouver la cinquième proposition d’Euclide, était arrivé à une série de théorèmes semblables à ceux de Lobatschevsky et de Bolyai, et contenus dans son ouvrage : Euclides ab omni naevo vindicatus. En- suite, en 1893, M. Stackel trouvait, dans le journal peu connu : Magazin fur reine ünd angewandte Mathematik, de J. Bernoulli, une Theorie der Parallellinien de J. Lambert (1786), dont l’examen le conduisait à considé- rer l’auteur comme un précurseur de Gauss, Lobats- chevsky et Bolyai. C’estalors que les auteurs concurent le plan de l’ou- vrage qu'ils publient aujourd’hui, Ils rassemblèrent les écrits anciens les plus importants sur la théorie des lignes parallèles et en constituèrent une contribu- tion à l’histoire de la Géométrie non-euclidienne. L’ou- vrage renferme des écrits d’Euclide, Wallis, Sacche- ris, Lambert et Gauss, auxquels sont venus s’ajouter, pendant le cours de l'impression, ceux de Schweinkart et d’un de ses neveux, Taurinus, qui, déjà en 1826, avant Lobatschevsky et Bolyai, avait publié une Trigo- nométrie non-euclidienne. Les mémoires de chaque auteur sont précédés d’une notice explicative. Nous croyons que ce livre rendra d’utilesservices aux personnes qui désirents’inilier aux problèmes de la Géo- métrie non-euclidienne :car la compréhension de ces théories, au premier abord si paradoxales, devient certainement plus facile en suivant le développement historique des conceptions qui leur ont donné nais- sance. L. BRUNET. Moucheron (Comte de). — Les derniers Cadrans solaires du Perche. — Plaquette extraite de la Revue Normande et Percheronne, 1896. Nous signalions récemment la brochure consacrée par notre collaborateur et ami, M, Raphaël Blanchard, aux Cadrans solaires du Briañconnais. De cette curieuse publication, il est intéressant de rapprocher la des- cription que M. de Moucheron vient de donner des anciens cadrans du Perche. Ces quelques pages, fort agréables à lire, appellent très utilement l'attention sur l'opportunité de ne pas laisser perdre, comme on le fait trop souvent, les instruments qui ont rendu tant de services à la vie de nos pères; il serait, comme le remarque l’auteur, très important de réunir dans nos musées ces documents si précieux pour l’histoire de l’Astronomie. L, O. Boulvin (J.), Ingénieur des Constructions maritimes de l'Elat Belge. — Cours de Mécanique appliquée aux Machines, professé à l'Ecole du Génie civil de Gand. 5e fascicule, Machines à vapeur. — 1 vol. in-8° de 298 pages, avec 3 planches et 280 figures dans le texte. (Prix: 10 fr.). E. Bernard et Cie, éditeurs, Paris, 1896, Le savant professeur de Gand continue et achève dans ce fascicule l'étude de la machine à vapeur, qu'il avait déjà envisagée au point de vue thermique dans les fascicules précédents : trois volumes sont donc con- sacrés en réalité à la génération de la vapeur et à l’ac- tualisation de son énergie ; un quatrième volume sera réservé aux locomotives et aux machines de bateaux et complétera le remarquable travail de M. Boulvin. Le présent fascicule est attribué plus spécialement à l'étude organique des moteurs d’usine et à la descrip- tion des types «dont les dispositions présentent un intérêt de principe »; l’auteur s’excuse de ne pas men- tionner «bien des machines qui ont acquis, par la capa- cité, des maisons qui les construisent, une réputation justifiée, » alors qu'il s'occupe de machines industriel- lement moins importantes. Nous trouvons, en effet, avec lui qu’il eût été inutile, par exemple, de décrire par le détail tous les modèles de distributions par dé- clenchement imaginés par des inventeurs désireux de faire de l’inédit quand même, mais nous estimons d’au- tre part qu'on eût pu du moins les mentionner et carac- tériser d’un mot leur nouveauté et leurs avantages, s'ils en possèdent, et dire leurs défauts s'ils en ont. M.Boul- vin a l'autorité scientifique nécessaire pour distribuer la critique aussi bien que l'éloge. Ce livre comprend six chapitres, dont un est con- sacré aux servo-moteurs, qui ne méritaient peut-être pas cette distinction; les autres sont relatifs aux dispo- sitions d'ensemble, à la théorie dynamique, aux dis- tributions de vapeur, aux régulateurs et aux conden- seurs, Ils sont tous intéressants, mais l'attention se porte de préférence sur le chapitre deuxième, réservé à la théorie dynamique des machines à vapeur, Il comprend sept articles : 1. Machines monocylin- driques; 2. Forces d'inertie du mécanisme; 3. Ma- chines de Woolf; #4. Machines Compound ; 5. Machines à triple et quadruple expansion; 6. Rendement orga- nique; limite de la détente; 7. Cylindres et enve- loppes. On voit que, dans ce chapitre, la dynamique est mêlée avec la théorie générique et la théorie expéri- mentale ; nous reconnaissons que cela ne nuit en rien à la lucidité de l'exposé, qui est remarquable, mais le mode d'exposition inauguré par Hirn a tant d’avan- tages que nous regrettons toujours de ne pas le voir adopté par tous. Le chapitre des distributions est très documenté et parfaitement exposé. M. Boulvin emploie les méthodes graphiques à l’exclusion du calcul, même pour la théorie des coulisses et les corrections dues aux obli- quités ; il fait remarquer avec raison que ces méthodes sont d’une précision égale à celle de l'exécution des organes, quand les épures sont tracées en vraie gran- deur, et qu’il est inutile de rechercher une approxi- mation supérieure à celle que donnent les mesurages sur le papier. Le fascicule que nous venons d’analyser succincte- ment ne sera pas le moins apprécié de l’œuvre consi- dérable entreprise par M. Boulvin; la correction du tirage et la bonne venue des nombreuses figures qui illustrent le livre fera aussi honneur à ses éditeurs. A. Wirz. 320 2° Sciences physiques. Lefèvre (Léon), Préparateur de Chimie à l'École Poly- technique. — Traité des Matières colorantes orga- niques artificielles, de leur préparation indus- trielle et de leurs applications. Avec une préface de M. E. Grimaux, de l'Institut. — 2 vol, in-8° con- tenant 1648 pages, 31 figures inédites et 261 échantillons teints ou imprimés sur soie, laine, coton, papier et cuir. (Prix de l'ouvrage relié : 100 franes). G. Masson, éditeur, Paris. 1896. Ce remarquable ouvrage comble une lacune impor- tante dans la littérature chimique française. Je ne saurais mieux le faire ressortir, qu’en citant un pas- sage de la Préface que M. Ed. Grimaux, membre de l'Institut, a écrite pour le livre de M. Lefèvre : « L'histoire des matières colorantes organiques arti- « ficielles forme aujourd’hui un ensemble considérable, « qui occupe une grande place dans la Chimie orga- « nique. Aussi, dès leur origine, a-t-on pensé à expo- « ser l’état de la question, en réunissant les données « éparses dans les brevets et les publications diverses; « de là, les articles d'Emile Kopp dans le Répertoire de « Chimie appliquée, l'article Aniline de Lauth dans le « Dictionnaire de Wurtz, le Traité des dérivés de la « houille de Girard et de Laire, les rapports faits à la « suite des Expositions universelles par Hofmann, « Girard, Wurtz, Lauth, la traduction, par Emile Kopp, « du Traité de Bolley, etc. Toutes ces publications sont « anciennes; comme œuvre récente, nous n'avons que « l'ouvrage de Girard et Pabst, où se trouve seulément « l'histoire de l’indigo, de l’alizarine et des dérivés du « triphénylméthane. ls « La littérature allemande est plus riche en livres de « ce genre que la littérature francaise, et il nous faut «avoir recours aux publications de Mühlhaeuser, « Friedlaender, Schultz, Julius, Nietzki, ete... 1 « IL était à désirer cependant qu'un ouvrage complet « existât en France, pays d'origine de la grande indus- « trie des matières colorantes artificielles, C’est l’œuvre « importante à laquelle s’est consacré M. Léon Lefèvre, «Il a voulu donner au public un Traité des matières « colorantes dans lequel aucun point ne serait laissé « dans l'ombre. » Dans un avertissement, M. Lefèvre expose ses vues personnelles sur quelques points que je crois utile de signaler pour mieux préparer le lecteur à l’étude de cet ouvrage et le familiariser avec la pensée de l'au- teur. Ce sont d’abord la question de la détermination des formules et celle de la nomenclature à adopter. Les matières colorantes artificielles étant générale- ment des corps fort complexes, l’auteur a jugé que, pour en éclairer l’étude, il valait mieux donner une formule développée qu’une forme brute, la constitu- tion du colorant füt-elle même incertaine, quitte, tou- tes les fois qu'il y avait un doute, à le signaler par un point d'interrogation. Quant à la nomenclature, toutes Les couleurs artifi- cielles dérivant de noyaux benzéniques, le système qu'a adopté M. Lefèvre, et qui a le mérite de s’appli- quer à toutes les classes de couleurs, consiste à faire suivre le nom générique des corps des groupes qui se trouvent dans les divers noyaux, ceux-ci étant dési- gnés par la première lettre de leur nom, accompagnée d’un indice qui indique leur place. Pour la bibliographie technique, l’auteur renvoie presque toujours aux brevets allemands. On sait que la législation de ces brevets, établie en 1877, est basée sur l'examen scientifique et pratique de la demande de brevet, faite par une commission spéciale de savants et de techniciens. Aussi, la garantie obtenue s’étend jusqu’à celle de l'Etat. Ces brevets allemands ont du reste presque tous paru dans l’excellent Moni- teur scientifique du D' Quesneville, ainsi que les brevets francais des deux ou trois dernières années, En Alle- magne, un ouvrage spécial en deux volumes, avec texte in extenso, leur a été consacré par Friedlaender, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX compte de ce que les couleurs aziniques s’obtiennent de 1877 à 1891, Un troisième volume doit paraître in’ cessamment. Le traité de M. Lefèvre comprend vingt chapitres, correspondant chacun à un classe de matières colo- rantes,. La classification en est basée sur la théorie émise par O. N. Witt en 1876, des noyaux chromogènes, que l'introduction de chromophores transforme en mMa- tières colorantes, Ce sont ces chromophores qui carac- « térisent chaque classe. Le premier volume est réservé aux couleurs dont les chromophores renferment presque exclusivement de l'azote. Les matières colorantes nitrées sont les plus simples de cette famille. Puis viennent les couleurs azoxy, azoïques et hydrazoïques, qui en dérivent par des réductions ménagées successives. Cette quadruple série est parallèle à celle du nitrobenzène et de ses” produits de réduction. On arrive alors aux couleurs qui peuvent se rattacher à la diphénylamine, les indamines, indophénols ou indones, les oxazines, les oxazones, les thiazines et les thiazones, La classe des couleurs aziniques, renfermant les eurhodines, les safranines et les indulines, termine le premier volume. Cet ordre est parfaitement rationnel, si l’on tient CR RS ET 1 AE Ent avec les couleurs azoïques et plus simplement avec les indamines, et que les safranines se changent en indulines sous l’action de l’aniline, dans certaines conditions. Les colorants étudiés dans le second volume peu- vent pour la plupart être considérés comme dérivant d’un carbure, Les principaux groupes sont les conleurs du naphtalène, des bases quinoléiques, du diphényl et triphénylméthane et de leurs homologues, de l’anthra- cène et homologues. Enfin, viennent les quinone- oximes, qui ne dérivent pas d’un carbure unique, mais se distinguent, comme Îles colorants de l’anthracène, par leur caractère quinonique et la position ortho des groupes 0 H; l'indigo et certaines couleurs n’apparte- nant à aucune série, ou de constitution inconnue, Tous ces chapitres sont conçus sur un plan uniforme. Ils débutent par un historique détaillé, suivi de géné- ralités sur la constitution de la classe de colorants spécialement envisagée. S'il y a lieu, les relations entre les corps colorés et les corps incolores de la \ LE " 4 même classe, ou entre les formules des couleurs et M leurs nuances sont indiquées. Puis viennent les mé- thodes générales ‘de préparation, l’action des divers agents chimiques, la résistance à la lumière, etc... Tous les colorants connus de la série ayant été dé- crits avec ordre, en allant du simple au composé, la technique de la préparation en grand est exposée avec le plus grand soin, pour ceux qui ont obtenu la su- M prême consécration de l’application industrielle : des planches facilitent l'intelligence des appareils, ou don- nent des vues d'ensemble des ateliers spéciaux. Généralement, les ouvrages sur les matières colo- rantes ne renferment que de vagues et douteuses in= dications sur leur mode d’emploi, comme si l'intérêt d'une nouvelle couleur se limitait à la satisfaction toute platonique de son obtention. Par une exception, tout à fait digne d’éloge, les applications, d’une si grande utilité pratique, non seulement ne sont pas négligées, mais sont étudiées avec détails dans le Traité de M. Lefèvre et décrites, suivant les cas, pour la laine, la soie, le coton, les tissus mixtes, le jute, la ramie, le cuir et le papier. Les 261 échantillons, géné- ralement très réussis, encartés dans le texte, sont le plus souvent relatifs à des colorants de date récente. Ce livre me semble donc devoir être utile, non seule- ment au chimiste qui s'occupe spécialement des ma- tières colorantes, mais encore au teinturier et à l’im- primeur sur étoffes, Enfin, l’ensemble des données qui précèdent sur la préparation, les propriétés et l'emploi des matières co- lorantes se trouve résumé dans des tableaux qui présen- tent une importance considérable pour les recherches. ; BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 321 Nous examinerons ceux qui se rapportent aux déri- _ vés du triphénylméthane et de ses homologues. Ils portent huit colonnes !, avec les en-tête suivants : 4° Formules des couleurs ; 2° Amine, phénol, carbure, hydrol ou cétone ; 3° Amine ou phénol; 4 Corps four- nissant le carbone central ; 5° Oxydant, agent de con- densation ou réactif; 6° Nom commercial ; 7° Littéra- ture ; 8° Observations. La première colonne renferme la formule du colo- rant (vert malachite, par exemple), puis la simple déno- mination de dérivés chlorés, bromés, iodés, cyanés, carboxydés, etc. La formation d’une leucobase ou de la matière colo- rante elle-même a lieu par la combinaison deux à deux des corps des colonnes 2, 3, 4 qui sont en regard dans une même rangée horizontale, avec ou sans l’in- tervention de ceux de la cinquième colonne, dont l’en- tête spécifie suffisamment le rôle. Quelquefois, pour les leucobases à carbone asymétrique, par exemple, un corps entre en jeu dans les trois colonnes (P. 1226). La quatrième colonne ne comprend que des corps capables de fournir uniquement le carbone central, ou en même temps un des trois noyaux benzéniques, en donnant naissance soit à la leucobase, soit à la matière colorante elle-même (par ex. CHGI et C Cl ou C6 HS CHO et C6H5 CCI) ?. La colonne des Observations renferme des détails sur les particularités propres aux leucobases ou aux cou- leurs elles-mêmes : aspect physique, nuance, réactions, emploi en teinture et en impression, pouvoir colo- rant, etc... Dans chaque chapitre, la série des tableaux est sui- vie d’une Bibliographie très complète des mémoires originaux, indiqués dans le texte par un chiffre spécial entre parenthèses, et par une liste des brevets d’in- vention, avec le nom des inventeurs et le titre ou une courte analyse du brevet. A la fin de l'ouvrage se trouve une table vénérale, par ordre chronologique, des brevets et des demandes de brevets refusées ou retirées par leurs auteurs, et cités dans le texte, Enfin, une table générale des ma- tières, où figurent en particulier les noms de tous les colorants, vient clore cet immense ensemble de docu- ments. On voit que M. Lefèvre, après avoir réuni, discuté et classé tant de faits, n’a rien omis pour rendre la lec- ture de son Traité aussi simple et aussi facile que possible. Les découvertes marchent si vite aujourd’hui, qu'au cours de l'impression il a dù ajouter un supplé- ment au deuxième volume, Nous souhaitons que son beau livre soit tenu à jour par des suppléments pério- diques analogues. En regard du travail colossal, que lui a coûté cet ouvrage, ce ne sera pour lui que jeu d'enfant, et nous aurons chaque fois l’occasion de lui renouveler nos félicitations et l’expression de notre gratitude pour le service rendu à la Science et à l’In- dustrie. Maurice PRUD'HOMME. 3° Sciences naturelles. Repelin (J.), Préparateur à la Faculté des Sciences de : Marseille. — Etude géologique des environs d'Or- léansville. (Thèse pour le doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). — Un vol. in-4° de 198 pages avec figures et planches de coupes. Barlatier et Barthelat, imprimeurs, 19, rue Venture. Marseille, 1895, M. Repelin qui était, depuis quelques années, attaché au service de la carte géologique de l'Algérie, a choisi comme sujet de thèse pour le doctorat ès sciences na- turelles, l'étude géologique du grand massif monta- 1 Pour les phtaléines, le nombre des colonnes se réduit à sept. ? C’est propablement par suite d’une erreur d'impression que, page 1246, on trouve O et AzO2?Na dans la quatrième colonne, au lieu de la cinquième, gneux de l’Ouarsenis. IL a eu à y étudier des terrains assez variés mais le plus souvent fort ingrats et d’une déterminaison malaisée. Le système jurassique y est représenté seulement par des affleurements peu considérables, disséminés au milieu de la masse des terrains crétacés. La description des roches du Lias et de l'étage oxfor- dien ne présente qu'un intérêt relatif et nous apprend peu de choses que n'aient fait connaître déjà, en substance, les travaux d’autres géologues. Les terrains crétacés jouent, dans la constitution de la région, un rôle beaucoup plus important. Presque tous les étages de cette formation ont été rencontrés par M. Repelin. Ils sont loin, cependant, d'offrir, dans les environs d’Orléansville, le même intérêt que dans certaines régions voisines, En dehors de quelques zones du Crétacé inférieur, les autres étages sont de composition très uniforme, monotones, très pauvres en fossiles et souvent d’un âge bien peu certain, Le Néocomien et le Barrémien se présentent sous la forme de marnes à ammonuites ferrugineuses, commé nous les connaissons dans les environs de Constantine. Ils forment des bandes et des lambeaux restreints et sont bien déterminés par les fossiles que cite l’auteur. C’est avec l’Aptien et l’Albien que commence l'in- certitude. Les fossiles y sont d’une extrême rareté, C’est donc, principalement, d’après la position relative des assises que M. Repelin leur attribue cette place dans l'échelle stratigraphique. Ilnous semble qu'il eùt pu s’aider, à ce sujet, par une comparaison avec des assises très similaires déjà signalées dans d’autres régions de l'Algérie. L’étage Cénomanien, si développé et si riche dans les hauts plateaux et même dans des régions très voi- sines de celle d’Orléansville, est, au contraire, ici, bien mal représenté. Il se réduit à une masse marno- calcaire, que quelques rares fossiles permettent à peine de classer. Un fait intéressant à rapprocher de certaines obser- vations déjà faites dans le Tell par M. Ficheur, c’est l'absence de l’étage Turonien et la transgression des assises Sénoniennes sur les dépôts plus anciens. Ces dernières assises, d’ailleurs, n’ont rien qui appelle autrement l’attention. Ce sont des marnes très uniformes, d’une épaisseur considérable, dont la stra- tification est très confuse et qui sont d’une pauvreté extrème en restes organisés. La partie la plus intéressante du mémoire de M. Re- pelin est celle qui traite des terrains tertiaires. Le système Miocène, plus particulièrement, est bien dé- veloppé à Orléansville et, comme la classification des diverses assises de ce système est très discutée en Alzérie, il importait de savoir si les observations de M. Repelin confirmaient ou infirmaient les conclu- sions de M. Welsch, Il résulte de ces observations que, sur plusieurs questions au moins, les conclusions du savant pro- fesseur de la Faculté de Poitiers sont justifiées. On peut donc regretter que M. Repelin ne les ait pas rappelées plus amplement, Il est permis de ne pas partager sur tous les points la manière de voir de M. Repelin au sujet du synchro- nisme de certaines assises, fort difficile d’ailleurs à établir. Quelques détails peu importants de son mé- moire nous paraissent en outre donner prise à la cri- tique, mais ce qu'il faut louer entièrement c’est la clarté et la méthode avec lesquelles les faits sont exposés, la précision et la multiplicité des coupes relevées qui dénotent une dépense considérable de travail et enfin la logique des déductions qui en sont tirées, Ce qui nous paraît louable encore c’est que l'auteur se soitaffranchi des classifications purement locales et qu'il ait su heureusement faire rentrer les horizons tertiaires qu’il a cbservés dans le cadre de la nomen- clature générale. à BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Il nous paraît d'autre part très regrettable que M. Repelin n'ait pas annexé à son mémoire une carte géologique à petite échelle de la région d'Orléansville. Cette carte eût singulièrement facilité la lecture des coupes et l'intelligence du texte. A: PÉRON, Léger (Maurice). — Recherches sur la Structure des Mucorinées. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). — # val, in.-8° dr 152 pages avec 21 planches hors texte. E. Druinaud, éditeur, 6, rue de la Mairie, Poitiers. 1895. L'histoire des Mucorinées dans leur morphologie, dans leur systématique, était faite; d'illustres savants, O. Brefeld, Ph. Van Tieghem, y ont apporté tous leurs soins. Pourtant l'étude de la structure, l'étude des phénomènes de la reproduction présentait encore bien des points obscurs. M, Léger en éclaircit quelques- uns par l'examen approfondi d'un certain nombre de représentants des diverses tribus de Mucorinées. Il nous expose d'abord ses méthodes d'observation (fixations, teinture, coupes) très simples, qui lui ont permis de formuler les résultats dont nous donnons un bref résumé : Le thalle des Mucorinées renferme dans son proto: plasme un nombre considérable de noyaux. Quand les spores se forment dans le sporange, le protoplasme se divise en petites portions polyédriques contenant chacune plusieurs noyaux, et s’entourant bientôtd'une double membrane. Les chlamydospores sont consti- tuées de même, sauf qu’elles ont une enveloppe de plus, qui est la membrane du filament d'où elles dérivent, Les gamètes qui s'unissent pour former la zygospore ont en elles beaucoup de noyaux; on retrouve ces noyaux dans la zygospore jeune, et ils y disparaissent, la zy- gospore devenant une sorte d'éponge pleine d'huile. En même temps se développent les membranes de Pœuf, qui sont au nombre de trois : l’extérieure cuti- nisée appartenant aux filaments primitifs, les deux autres cellulosiques, produites par le protoplasme. Mais des coupes montrent aux deux bouts du tonnelet deux amas de petites sphères, dites embryogènes, pro- venant soit des noyaux précédents, soit d'un proto- plasme de choix ; dans chaque amas, les petites sphères se fusionnent en une sphère creuse contenant del’huile, la sphère embryonnaire. Puis on passe à une période de vie latente. Outre les zygospores, il y a des azygospores qui ont exactement la même constitution qu’une moitié de la zygospore; elles ont une sphère embryonnaire unique, La rencontre de deux moitiés pareilles pour donner une zygospore n'a donc probablément qu’un intérêt secondaire dans la formation de cette spore. A côté de tout cela, M. Léger a constaté le fait nou- veau que, dans la zygospore, apparaît de la mucorine; il suppose que c’est une réserve pour le développe- ment ultérieur. Les autres spores n’en contiennent pas. Arrivons à la germination des spores : les sporan- giospores et chlamydospores germent de la même ma- nière; M, Léger a suivi l’évolution des noyaux; ils subissent dans la spore une etune seule bipartition indirecte, puis gagnent le tube germinatif où ils se divisent par le mode direct, La zygospore, qu'elle donne un thalle ou un sporange, se comporte de la facon suivante : les sphères embryonnaires augmentent de volume, remplissent la cavité, et forment une masse unique, où l’on voit naître des noyaux; le fila- ment germinatif apparaît, les noyaux se divisent comme précédemment et s’y rendent. Done, à part les sphères embryonnaires, spéciales aux zygospores et azygospores, le développement est le même dans tous les cas. Tels sont les résultats du travail de M. Léger: comme il a examiné des types très variés, on peutcroiré pour le moment à leur généralité. Julien Ray. 4° Sciences médicales. Brocq (L.), Médecin des Hôpitaux de Paris, et Jac- quet (L.), Ancien interne de Saint-Louis. — Précis élémentaire de Dermatologie. Maladies en parti- culier : III. Dermatoses inflammatoires. — 1 vol, in-18 de 190 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, dirigée par M. H. Léauté. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) G. Masson et Gauthier-Villars, éditeurs, Paris. 1896. Ce volumees le quatrième du Précis de Dermato- logie que publient MM. Brocq et Jacquet dans la col- lection susindiquée, Composé par MM. Jacquet et Bo- din, il renferme l'étude des dermatoses vésiculeuses (eczémas, herpès, zona), des dermatoses bulleuses (pemphigus), des dermatoses squameuses (psoriasis, pilyriasis, affections suderales), des affections sébacées (acnéiques, séborrhéiques) et enfin des érythèmes et des xanthomes, Ce précis, d’une extrème clarté, donne une description symptomalique sommaire de chaque affection, des indications sur Les lésions, sw la nature et les causes quand elles sont connues ou soupcomnées, enfin un exposé thérapeutique net, avec les principales formules à employer s’il y a lieu, Ces qualités font de … utilité indiscutable. ce manuel un livre pratique d’une : Dr A. LÉTIENNE. Desgrez (A.), Docteur en médecine. — Contribution à l'étude des sérums. — À brochure in-4° de 48 pa- ges. Gauthier- Villars, éditeur, Paris. 1895. Dans ce mémoire, M. Desgrez étudie principalement l'influence des injections des sérums sur la nutrition en évaluant les variations de certains éléments uri- naires, du poids du corps et les lésions produites dans les organes, Des expériences ont été faites ayec trois espèces de sérums : un sérum d’ascite, un sérum de pleurésie, et le sérum antidiphtéritique de Roux. In- jJectés dans la veine auriculaire de lapins, ils détermi- nent, d'après M, Desgrez, des phénomènes de dénutri- tion, une diminution notable du poids, une augmen- lation de l’excrétion de l’urée, du chlore et quelquefois du phosphore et la production de lésions intestinales. D' A. LÉTIENNE. Estor (D° E), Professeur agrégé à la Faculté de Mé- decine de Montpellier. — Du cathétérisme rétro- grade de l’urèthre. 1 vol. in-12 de 340 pages, avec figures (Prix : 4 francs). C. Coulet, édileur à Montpellier et G. Masson, éditeur à Paris, 1895. Dans ce mémoire très étudié et auquel la Société de Chirurgie a décerné le prix Laborie, M. Estor insiste sur la nécessité de ne pas prolonger outre mesure, dans les cas de rupture de l’urèthre, surtout compli- qués de fractures des os du bassin, les recherches ayant pour but de trouver le bout postérieur dn canal, en raison du danger qu'elles font courir au malade. On devra sans hésiter recourir promptement au cathé- térisme rétrograde, qui est une opération bénigne, ef- ficace et facile; car seule elle permet d’arriver sûre- ment au résultat visé. Et c’est encore à lui qu’il faudra s'adresser d'emblée si le périnée contient des trajets fistuleux ou s’il est envahi par d’épaisses callosités, En terminant, l’auteur recommande une sonde dont le but est de simplifier l’acte opératoire. Dr Gabriel MAuRANGg. 5° Sciences diverses. Beauregard (H.)., Assistant au Muséum. — Nos Bêtes. Animaux utiles et nuisibles. — Ouvrage paraissant en livraisons les 5 et 20 de chaque mots. Chaque livraison contenant 8 pages de texte et une planche en couleurs, est vendue 90 centimes. A. Colin, éditeur, 5, rue de Mézières, Paris, 1896. La description des animaux utiles se termine dans la 23° livraison qui vient de paraître par l'étude du brochet, de l'anguille, de l’écrevisse, du cachalot, de la morue, de l'esturgeon, de la sangsue et de la seiche. Vantage RS nee “r SA LL, 7 OL ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 323 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 24 Février 1896. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Le Cadet adresse ses observations de la nouvelle comète Perrine (1896 fév. 15) faites à l’équatorial coudé 0 m. 32 de l'Observatoire de Lyon. — M. F. Rossard communique ses observations de la comète Perrine (1896 fév. 15) faites à l'Observatoire de Toulouse à l’équatorial Brünner de 0 m. 25. — M. Maurice d'Ocagne adresse une brochure intitulée : «Note sur la machine à ré- soudre les équations de M, Torres». —M. Emile Picard adresse une note sur les équations aux dérivées par- tielles du second ordre à caractéristiques imaginaires pour le cas où il y a trois variables indépendantes. — M. Ch. Legrand adresse la résolution d’une identité algébrique signalée par Catalan. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Henri Becquerel a re- produit les recherches de M. Niewenglovski en rem- placant le sulfure de calcium phosphorescent du com- merce par les sels d’urane dont la phosphorescence est de faible durée. Ces substances émettent des radia- tions invisibles, traversent les corps opaques.—M. Per- rotin résume l’ensemble des observations de la pla- nète Vénus, faites au sommet du mont Mounier à 2741 mè- tres d'altitude, dans des conditions atmosphériques très favorables, La planète tourne sur elle-même avec une extrême lenteur; en outre, la durée de la rotation est égale à celle de la résolution sidérale. Elle éprouve un phénomène analogue à la libration de la lune en latitude, ce qui prouve que l’axe de rotation de la planète ne se confond pas avec la perpendiculaire à l'orbite. — M. Champomier adresse un mémoire sur les moyens de prévenir les catastrophes dues aux ruptures de barrages de retenue d’eau. — M. le Se- crélaire perpétuel signale un volume de M. de Lappa- rent intitulé : « Lecons de Géographie physique. » — M. Ch. V. Zenger admet que dans la production des silhouettes de M. Rüntgen, il n’y a là qu’un phéno- mène d'induction électrique produisant la phospho- rescence de la gélatine et enfin la fluorescence de l’air ambiant comme dans le cas de la décharge en aigrettes de l'électricité. —MM, Abel Buguet et Albert Gascard utilisent la transparence que manifestent vis-à-vis des rayons de Rôntgen les différentes variétés du carbone et la plupart de ses combinaisons non miétal- liques pour différencier nettement le diamant de ses imitations faites de substances de grande opacité; le même procédé peut être utilisé pour distinguer le jais naturel de ses imitations minérales. Les pierres pré- cieuses peuvent être ainsi éprouvées même dans leur monture et sans courir aucun risque. — MM. Dariex et de Rochas ont recherché quel est le degré de perméabilité des milieux transparents de l'œil (cornée, humeur aqueuse, cristallin, corps vitré) pour les rayons de Rüntgen;ils ont reconnu que ces milieux sont très peu perméables aux rayons X, ce qui donne l’expli- cation de leur invisibilité. — M. Georges Meslin expose des expériences conduisant à admettre que les rayons actifs de Rüntgen semblent provenir de la partie du verre rendue fluorescente sous l'influence de l’électrode. — M. H. Dufour a étudié l’action des rayons X sur les corps électrisés. Les radiations acti- niques qui émanent de la surface des tubes de Crookes et agissent à travers des corps opaques (opti- quement) sur une plaque photographique, paraissent avoir une origine électrique; elles constituent un phénomène analogue à l’effluve électrique et agissent comme elle sur une plaque photographique. La per- méabilité des corps varie avec leur constante diélec- trique et leur conductibilité électrique; elle paraît être sans relations avec Jeurs propriétés optiques. — M. Piltchikof remplace le verre des tubes de Crookes par une substance fluorescente ; dans ces conditions la durée de pose photographique par les rayons X peut s’abaisser à 30 secondes. — M. Gustave Le Bon expose quelques expériences nouvelles sur la lumière noire. —MM. Auguste et Louis Lumière ont essayé de reproduire les expériences de M. Le Bon sans y réussir; ils concluent de leurs nombreux essais que la lumière noire ne serait que de la lu- mière blanche à l'abri de laquelle on ne se serait pas placé d’une facon suffisamment rigoureuse. — M. J. Durot adresse la description d’un appareil pour les opérations de la galvanoplastie auquel il donne le nom de Balancier referendum, galvano-grammètre automatique. — M. Henri Moissan donne la prépa- ration du carbure de manganèse Mn°C däns le four électrique; il peut se produire entre 1500 et 3000. Lorsqu'il est pur, il décompose l’eau à la température ordinaire en donnant un mélange à parties égales de méthane et d'hydrogène d’après l’équation suivante : CMn-+6H20 =3Mn(0H)2+CHi+H2. Le même auteur a préparé les borures de nic kel et de cobalt par l'union directe du bore et du métal, soit au four électrique, soit au four à réverbère ordinaire chauffé au moyen du charbon de cornue. On les obtient facilement cristallisés à partir de 12000. Ces nouveaux composés ont des propriétés analogues à celles du borure de fer décrit précédemment, Ils per- mettront de faire passer le bore dans un métal tel que le fer, puisque, à haute température, le bore et le sili- cium déplacent le carbone d’une fonte à fusion. — M. Armand Gautier à propos de la communication de MM. Engel et Bernard sur le dosage de l’arsenic, rappelle la méthode qu'il a proposée en 1875 el qui répond à tous les désiderata. — M. A. Haller a réalisé la synthèse partielle du camphre droit en partant de l'acide camphorique droit. Le campholide traité par le cyanure de potassium donne le sel de potasse de l'acide cyanocampholique. La potasse caustique trans- forme cet acide et ses éthers en acide homocampho- rique dont le sel de plomb est décomposé par une décomposition ménagée en camphre et carbonate de plomb. Ces résultats d’une grande importance fixent définitivement la partie de la molécule camphre sur laquelle s'est portée l'oxydation dans la transformation de ce composé en acide camphorique; ils établissent l'existence d’une double fonction carboxylique dans les acides camphorique et homocamphorique; ils montrent enfin que le groupement, le noyau fonda- mental, auquel le camphre doit sa propriété de dévier la lumière polarisée, n’est pas atteint par sa conversion en acide camphorique, campholide, acides cyanocam- pholique et homocamphorique. — M. Ad. Carnot pro- pose une méthode susceptible de fournir une analyse volumétrique d’un mélange de chlorure, de chlorate etd’hypochlorite, mélange qui se forme dans l’action du chlore sur les solutions alcalines ou dans Ja dé- composition électrolytique d'une solution de sel marin, Les opérations exécutées sur une seule prise sont les suivantes : 1° Dosage de l'hypochlorite par le procédé de l’arsénite de sodium, 2° Détermination du chlorate, après acidification par l'acide sulfurique par réduction à l’aide du sulfate ferreux dont on titre l'excès par le permanganate. 3° Dosage du chlore total par l’azotate d'argent et Le sulfocyanure d’ammonium. 324 Le même auteur expose une méthode d’analyse d’un mélange de chlorures, de chlorates et de perchlorates. Le chlorate et le chlorure sont dosés comme s'ils étaient seuls, le perchlorate est ramené ensuite à l’état de chlorure. — M. Guntz communique une note sur les propriétés des métaux retirés de leurs amalgames ; ces métaux, qui sont généralement dissous dans le mercure à l'état atomique, peuvent être mis en liberté sous une forme de polymérisation seulement partielle par la distillation du mercure à basse température. Cette différence d'état chimique entraine une diffé- rence d'énergie dans les réactions. — M. A. Besson expose les résultats de l’action de l'hydrogène sulfuré, des acides bromhydrique, iodhydrique et de l'hydro- gène phosphoré sur le chlorure de sulfuryle SO?2CI?, — M. Ernest Barillot s'est préoccupé d'indiquer les rendements produits par la carbonisation du bois en vase clos dans les conditions rationnelles que l’on doit aujourd'hui adopter. Il existe de notables différences entre les rendements en alcool des différents bois; et l’on doit préférer par ordre décroissant, le mélange pelard hêtre et charme, la moulée ronde ou fendue, le hêtre fendu. Au point de vue de la production du charbon, les bois blancs doivent être rejetés. Les rendements maxima s'obtiennent par une distillation lente et régulière. — M. Chesneau a déterminé approximativement la tem- pérature des étincelles produites par l’uranium; elle est supérieure à 10000. Ces étincelles enflamment le gaz d'éclairage, des mèches de coton imprégnées de liquides combustibles, l’ouate, etc. — MM. C. Marie et R. Marquis ont pu former les nitro-prussiates à partir des ferrocyanures en éliminant une molécule d'acide cyanhydrique et substituant un groupe Az0 à un atome d'hydrogène. — M. Georges Baugé signale la préparation et les propriétés du carbonate chro- meux ammoniacal : COCr.CO#(AzH#)?H20. C’est une poudre jaune cristalline constituant un réducteur énergique. — M. Ch. Moureu signale une base nou- velle, la vératrylamine : AH? (1) N(OCH3)2 (3,4) qu'il obtient en réduisant le nitrovératrol qui prend naissance lui-même dans l’action de l'acide nitrique sur le vératrol. — M. Paul Rivals fait connaître les chaleurs de formation de l’acide orthochlorobenzoïque, du chlorobenzoate de potassium et du chlorure de chlorobenzoyle. Dans l’aldéhyde acétique, la substi- tution du chlore, soit à l'hydrogène fonctionnel, soit dans le radical CH*, dégage à peu près les mêmes quantités de chaleur; au contraire, la substitution du chlore dans le noyau est comparable à la substitution dans le radical CH3, mais la présence du noyau modifie le caractère du groupement aldéhydique, et la substi- tution du chlore à l'hydrogène fonctionnel donne lieu à un dégagement de chaleur d’un ordre de grandeur tout différent. — M. A. Trillat a résolu le problème de la transformation d'une solution de formaldéhyde en vapeurs pour la désinfection. La solution de formal- déhyde chauffée dans un autoclave sous une pression de 3 à 4 atm., laisse dégager des vapeurs sans forma- tion de produit polymérisé. On peut ainsi saturer, par des vapeurs aldéhydiques pures, de grands espaces sans y introduire de gaz délétère comme l'oxyde de carbone et atteindre en les détruisant les germes pathogènes Les plus divers, — MM. Léon Dufour et Lu- cien Daniel combattent le noircissement du cidre par l’addition d’un acide : 10 à 15 grammes d'acide citrique ajoutés par hectolitre, suffisent généralement; mais on peut, dans tous les cas, ajouter jusqu’à 50 grammes sans donner au cidre une acidité désa- gréable au goût. C. MATIGNON. 30 SCIENCES NATURELLES, — M. Ranvier montre, par des coupes transversales de l’artère auriculaire mé- diane du lapin, et des lymphatiques qui en suivent la ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES direction, qu'une sorte d’hyaline est élaborée par les cellules endothéliales des lymphatiques à l’état nor- mal. — M. Chauveau démontre que le travail muscu - laire n'emprunte rien de l’énergie qu'il dépense aux matières albuminoïdes des humeurs et des éléments anatomiques de l’organisme.— M. de Lacaze Duthiers fait connaître les résultats obtenus par l’observation d'un coralliaire ayant vécu dans les aquariums du Laboratoire Arago. — M. d’Abbadie donne une notice sur le procédé employé pour conférer l’immunité contre le venin des serpents, d’après les documents fournis par M. de Serpa Pinto. — M. Depéret signale l'existence de Dinosauriens, Sauropodes et Théropo- des, dans le Crétacé supérieur de Madagascar. Ces mêmes genres se retrouvent dans l'Inde. C’est un ar- gument de plus à ajouter en faveur d’une jonction, à l’époque secondaire,entre la grande ile de Madagascar et le continent indien. — M. A. Viré expose les modi- ficationsapportées aux organes de relation et de nutri- tion chez quelques Arthropodes, par leur séjour dans les cavernes. — M. Joannes Chatin montre que, chez les huitres, la phagocytose ne doit pas être rapportée à l'intervention des globules sanguins, mais bien aux cellules conjonctives, qui, sous la moindre irritation du tissu ambiant, tendent à passer à l’état dynamique — M. Mesnard étudie l’action combinée de la lumière et de l’eau dans le dégagement du parfum des plantes, et montre que c’est la lumière et non pas l'oxygène qui est la principale cause de transformation et de destruc- tion des substances odorantes. ' J. MARTIN. Séance du 2 Mars 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Rossard adresse ses observations de la comète Perrine (1895 c) faites à l'Observatoire de Toulouse, à l'équatorial Brünner. — M. H. Poincaré répond à une publication de M. Hill sur la divergence des séries de la mécanique céleste et établit qu'il n’y a pas de contradiction entre les résultats de M. Hill et les siens. — M. Levasseur, à propos des groupes d'opérations, énumère les groupes d'ordre 8 p, p étant un nombre premier impair. Û 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M, G. Bigourdan donne un moyen de reconnaître les plus petites variations de marche des horloges astronomiques. L'auteur conclut que, par la comparaison d’une horloge à un pendule libre battant à peu près la seconde et oscillant dans le vide, et à température constante, on peut, à tout instant, reconnaître les variations irrégulières de l'horloge ; on peut aussi les évaluer avec une incerti- tude à peu près proportionnelle au temps, et qui, au bout de vingt-quatre heures, ne dépasse pas 0,03. — M. le Président présente un volume de M. A. Mon- merqué intitulé : Contrôle des installations élec- triques au point de vue de la sécurité. — M. Jaumann adresse une réponse aux observations de M. Poincaré sur la théorie des rayons cathodiques. Il admet que les rayons ne suivent pas les lignes de force et qu’il n'ya aucune raison pour qu'ils ne soient pas déviés par l'aimant, — M. Poincaré fait remarquer que l’expé- rience est en désaccord avec les conclusions théoriques de M. Jaumann. — M. d’Arsonval a fait quelques observations permettant d'expliquer la cause des désaccords obtenus avec la photographie à la lumière noire, Tous les corps qui émettent des radiations fluorescentes de couleur jaune verdàtre peuvent im= pressionner la plaque photographique à travers les corps opaques; le rôle des rayons cathodiques dans les expériences de Rüntgen semble se borner à exciter la fluorescence du verre spécial composant l’ampoule de Crookes. — M. Henri Becquerel a continué l'étude des radiations invisibles émises par les corps phos- phorescents, radiations qui traversent divers corps opaques pour la lumière ; des feuilles de papier noir, des plaques d'aluminium, de cuivre, etc. Les expé- riences faites avec des lamelles cristallines de sulfate double d’uranyle et de potassium: L RE ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOH{UU)K + H20. mises à l'abri de l'excitation des radiations incidentes et maintenues à l'obscurité, produisent encore les mêmes impressions photographiques. — M. le Secré- taire perpétuel signale parmi les pièces imprimées : 1° un volume de M. René de Kerallain intitulé : « La jeunesse de Bougainville et la Guerre de Sept ans. » 2 Le 7° volume des « Annales de l'Ecole nationale d'Agriculture de Montpellier. » — M. Londe présente diverses épreuves photographiques obtenues au moyen “des rayons X. La plume et le poil ne sont pas un obstacle pour reproduire l’ossature d'un animal quel- conque; en outre, les rayons X ne s’échappent pas seulement du point de rayonnement des rayons catho- äques, mais de toute la surface de l’ampoule. — M. Gustave Le Bon répond aux critiques de MM. Lu- mièe qui niaient l'existence de la lumière noire et à celles de M. Zenger qui nie à la fois la lumière noire et les rayons de Rôüntgen. — MM. A. Imbert et H. Sertin-Sans ont reconnu que, si les rayons X se réfléthissent régulièrement dans les conditions de nos expéiences, ils ne le font qu’en très faible proportion; éontre ils peuvent être diffusés en assez grande quantité et l'intensité de la diffusion parait dépendre péaucoup plus de la nature que du degré de poli du corps diffusant, Ce fait conduirait à attribuer aux nouveaux rayons une longueur d’onde très petite et telle qu'il ne nous est pas possible à réaliser le degré de poli nécessaire pour en déterminer la réflexion régulière. Les clichés obtenus révèlent, en ce qui concerne le liège et le quartz, des degrés différents de transparence pour les rayons diffusés par les différents corps employés. — M. J. Carpentier, à l’aide des rayons X, a pu obtenir la représentation photogra- phique du relief d'une médaille ne dépassant pas 8/100 de millimètre. — MM. Blamard et Labesse ontétudié le passage des rayons de Rôntgen à travers les liquides. L'eau se laisse traverser facilement, les solutions de bromure de potassium, de chlorure d’antimoine, de bichromate de potasse offrent une résistance considé- rable, tandis que les solutions de borate de soude, de permanganate de potasse se laissent plus facilement traverser. — M. Pierre Delbet annonce la découverte et l’extraction, grâce à une photographie de Rüntgen, d’une aiguille implantée dans la main. — MM, Ch. Gi- rard et F. Bordas appliquent les rayons X pour re- connaître la composition d’un explosif contenu à l'intérieur d’un engin métallique, — M. Léo Vignon adresse une note relative à l’action chimique produite par les radiations qu'émettent certaines sources d'énergie obscures. — M. Guillery de Meens envoie un mémoire relatif à la nécessité de mesures légales pour prévenir les inhumations et les autopsies préci- pitées. — M. G. Fabre donne la description de l’ob- servatoire définitivement installé au sommet du mont Aïgoual, sommet culminant des Cévennes, à l'altitude de 1567 mètres. — MM. Ph. Barbier et Bouveault sont parvenus à extraire du rhodinol de l'essence de pé- largonium et de Lessence de roses et à identifier les deux produits obtenus. La composition est représentée par la formule C10H20; son acétate constitue un liquide incolore, d’une odeur très agréable, bouillant à 145° sous la pression de 10 mm. La proportion de ce rhodinol dans les deux essences ne dépasse pas 20 %. — M. Ch. Combes donne un procédé commode de préparation du silicichloroforme par l’action de l'acide chlorhydrique sec sur le siliciure de cuivre porté à la température d'ébullition de la diphénylamine et expose l’action de l’aniline et du benzène monobromé sur le silicichloroforme. Ces deux réactionsne conduisentpas à la production de paraleucaniline, où l'atome de car- bone central serait remplacé par un atome desilicium. — M. Charon a repris avec soin la préparation de laldéhyde carbonique et reconnu que le produit obtenu est un produit unique et non un mélange de deux stéréo-isomères possibles. L'auteur fixe quelques- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. 32 © unes des conditions de l’oxydation de cet acide. — M. Aug. Charpentier expose une série de faits tendant à établir que les oscillations constatées par lui dans des recherches antérieures sont dues à des vibrations transversales des éléments rétiniens constitués par les parties terminales des cônes et des bâtonnets; l'amplitude des oscillations n’a jamais dépassé au maximum une dizaine de 4 dans chaque sens. C. MATIGNON. 3° SCIENCES NATURELLES, — MM. Chauveau et Conte- jeau démontrent, par la méthode expérimentale (ali- mentation carnée etalimentation à la gélatine), que les matières quaternaires qui sont à incorporer, c’est-à- dire celles que l'alimentation vient d'introduire dans l’organisme, sont inaptes à servir directement de po- tentiel énergétique pour la création du travail muscu- laire. On a vu qu'il en était ainsi chez l'animal en état d'inanition ; autrement dit, les combustions azo- tées ne sont pas plus accrues par le travail que dans le cas d’'inanition. — M. Le Dantec, à propos de lassi- milatiôn fonctionnelle et répondant à une note de M. Vuillemin, conclut en disant que le fonctionnement d'un organe est un gain de substances plastiques, que le résultat du repos d’un organe est une perte de sub- stances plastiques. — M. Valéry Mayet à trouvé, dans les tubes de Malpighi des larves de plusieurs Céram- bycides, une sécrétion calcaire qui sert à la fin de la vie larvaire à fabriquer l’opercule de la loge dans la- quellé elles se chrysalideront. — M. Roze signale la présence de bactériacées qui mortifient les cellules du parenchyme de la pomme de terre. C’est un micrococ- cus, M. nuclei, qui produit cette maladie. Un autre micrococcus, M. imperaloris, attaque la partie centrale du tubercule, et le rend impropre à la consommation, sans que rien à l'extérieur ne trahisse l’alfération. — M. P. Vuillemin a découvert dans les aiguilles de pins deux champignons parasites, que l’auteur considère comme les représentants d’une famille nouvelle (Hy- postomacées) de l’ordre des Ustilaginées, et rappelant à certains égards les Ascomycètes etles Hÿphomycètes. — M. Ficheur a étudié le renversementdes plis sur les deux versants de l'Atlas de Blida (Algérie). L'axe des schistes primaires de la Chiffa paraît avoir formé une zone de résistance contre laquelle la poussée simul- tanée du nord et du sud a donné lieu à l'étirement des plis en sens inverse et à la production d'une deuxième zone de plis en éventail, au sud de la pre- mière.Ces actions orogéniques paraissent avoir eu leur maximum d'intensité après le dépôt du Pliocène in- férieur et avant l'Helvétien. — M. Nicklès a étudié les terrains secondaires des provinces de Murcie, Almeria, Grenade et Alicante (Espagne). J.. MARTIN. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 3 Mars 1896, M. P. Berger fait une communication sur la rhino- plastie par la méthode italienne. Il est peu d'opéra- teurs qui aient recours à l’utilisation de la méthode italienne pour les autoplasties de la face. L'éloignes ment que ce genre d'opération paraît inspirer au plus grand nombre tient probablement à ce qu'on s'exagère la difficulté et les inconvénients de la fixa- tion du bras à la tête, fixation qu'elle nécessite pen- dant un certain nombre de jours. Ces difficultés, ces inconvénients sont inévitables; mais l’auteur les a amoindris dans une notable mesure en perfectionnant les appareils qui maintiennent le membre supérieur fixé à la tête; il décrit les pièces dont se composent ces appareils et en indique la disposition et le mode d'application. — M. Le Dentu présente deux em- bryons provenant d’une grossesse tubaire gémellaire à sacunique.—M.J.V.Laborde montre, par l'examen d’un très grand nombre de faits, que l’action préventive, prophylactique, de la quinine dans le paludisme ne saurait être mise en doute. — M. le D° Calot (de + GES 326 Berck-sur-Mer) lit un mémoire sur la possibilité d'arriver à la guérison de la luxation congénitale de la hanche par l'intervention sanglante. Séance du 10 Mars 1896. M. Dumontpallier fait une communication sur le traitement de certaines tumeurs de la bouche au moyen de chlorate de potasse, appliqué principalement en poudre fine sur toute la tumeur; il a obtenu des gué- risons qui semblent persistantes. — M. P. Reclus croit que le chlorate de potasse n’a quelque efficacité que dans les seuls cancroïdes de la peau; il est sans etlet durable sur les cancers des muqueuses et en particulier sur les épithéliomas de la bouche. — M. J. V. Laborde termine son étude sur l’action pré- ventive de la quinine dans le paludisme en examinant sous quelle forme la quinine doit être administrée, — M. le P' Dieulafoy présente une étude sur l’appendi- cite. L’appendicite est toujours le résultat de la trans- formation du canal appendiculaire en une cavité close; cette transformation peut se faire en un point quel- conque du canal appendiculaire et par différents mé- canismes (formation de calcul, infection locale, rétré- cissement fibreux), Les symptômes n'éclatent que lorsque la transformation en cavité closeest constituée; alors les microbes normaux de l’appendice, jusque-là inoffensifs, pullulent et exaltent leur virulence, Cette virulence est parfois si considérable que le malade peut succomber du fait même de son appendicite infec- tante; d’autres fois, l'infection se fait de l’appendice vers le péritoine sans perforation; enfin, dans la ma- jJorité des cas, il y a perforation de l’appendice et pé- ritonite. Le traitement médical est nul ou insuffisant: le seul traitement rationnel est l’intervention chirur- gicale pratiquée en temps opportun. — M. le D' A, Broca lit un mémoire sur trente-sept opérations pour luxation congénitale de la hanche. — M. le D: Guermonprez (de Lille) lit une note sur la conta- “ion professionnelle du cancer, SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 1er Février 1896. M. d’Arsonval communique à la Société les princi- paux points de la découverte du professeur Rôntgen. — M. Rénon a observé un cas d’aspergillose pleurale chez un lapin quiavait été inoculé dans les veines avec des spores virulentes d’Aspergillus fumigatus. — MM. Charrin et d’Arsonval ont reconnu que les cou- rants à haute fréquence agissaient sur les toxines en leur enlevant leur nocivité; ce phénomène est dû aux vibrations, mais non à l’électrolyse. — M. P. Bonnier a constaté l’exaltation du réflexe rotulien dans des cas d'insuffisance labyrinthique brusque, et, au contraire, la diminution et même la suspensionde ce réflexe dans des cas d’irritation auriculaire, — M. de Sinéty a plu- sieurs fois constaté que l’épididymiteblennhorragique, même unilatérale, entraînait la stérilité. — M. Beau- regard communique ses recherches sur la circulation du cœur chez les Balénéoptères. — M. Moty signale un cas d'infection urinaire par le bacille pyocyanique, Séañce du 8 Février 1896. M. Laborde relate ses expériences sur l'effet pré- ventif et curatif du curare vis-à-vis du tétanos strych- nique. — M. H. Claude à constaté deux cas d’hé- morragies de Ja vésicule biliaire chez des lapins in- jectés avec des toxines microbiennes, Ge fait pourrait se produire chez l’homme et donner lieu à des coliques hépatiques, ou servir de point d’appel à des dépôts de sels biliaires et constituer le noyau de certains cal- culs biliaires — MM. d’Arsonval etCharrin ont constaté queles microbes ne semblent pas impressionnéspar l’ac- tion électrique des courants à haute fréquence.—MM.Ro- ger et Gilbert montrent que la tuberculose aviaire et la tuberculose humaine s'inoculent aux mêmes animaux; lesrésultatsne différent que dansleurfréquencerelative, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES aussi ne doit-on voir dans ces deux variétés de tuber- culose que les manifestations de deux races d’une même espèce. — MM. François-Frank et Hallion ont institué une méthode particulière pour étudier lin= fluence du système nerveux sympathiquesur l'intestin; ils communiquent les résultats qu’ils ont obtenus pan cette méthode. — MM. Gilbert et Fournier relatent leurs recherches sur le rôle des microbes dans la genèse, des calculs biliaires. — MM. Déjerine et Thomas ont recherché la limite inférieure des faisceaux pyramida dans les autopsies de malades présentant des dégéné: rescences descendantes. — M, Richet établitque l’oxy: gène est le principal facteur de l'énergie musculaire; la fatigue des muscles est indépendante de la cireula= tion. — MM. Mairet et Bosc ont trouvé que la toxici du sang des épileptiques, en général peu prononcégn est plus forte pendant les accès. — M. Hoche {de Nancy) envoie une note relative à l’influence de lasais gnée sur la circulation lymphatique. SOCIETÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 21 Février 1896. M. Villard a étudié les effets de mirage et les diffe- rences de densité qu'on observe dans les tubes de Natterer L'expérience classique de la disparition du ménisque» dans les tubes de Natterer est en contradiction ave ce qu’on déduirait de la considération du réseau d’iso» thermes de Van der Waals. En chauffant à volume con: stant, on devrait voir le liquide disparaître totalement ou occuper le volume complet du tube, suivant que ce volume est supérieur ou inférieur au volume critique de la masse qu’il renferme. On ne devrait observer la persistance simultanée du liquide et de la vapeur que pour une quantité de matière bien déterminée, et, pan suite, impossible à réaliser pratiquement. En réalité,s comme l’a remarqué M. Gouy, la compressibilité de- vient infinie au voisinage de l’état critique, et il est nécessaire de tenir compte de la variation très rapide de densité qui se produit d’un bout à l’autre du tube; on peut observer le niveau crilique dans des tubes con= tenant des quantités de matières qui peuvent varier jus= qu'à 7°/,.Mais cette remarque ne suffit pas à expliquer pourquoi, dans les tubes de Natterer du commerce; qui sont remplis sans aucune précaution, on oil presque toujours le liquide et -la vapeur persister sis multanément jusqu'à la disparition du ménisque. M. Gouy a observé que l’état réalisé dans l'expérience ordinaire est très différent de l’état final qu'on obtient en maintenant pendant très longtemps le tube dans un bain à température constante, après agitation. M. Villard a étudié directement la distribution des tem= pératures dans un tube de Natterer de 8 millimètres de diamètre, dans l’axe duquel sont soudés deux thermo= mètres dont le réservoir est à l'intérieur du tube; le corps employé est de l’éthylène très pur, préparé pan l'alcool et l’anhydride borique, qui bout à —80° sans laisser aucun résidu; le point critique est voisin de 10°, On remplit à une température un peu plus élevée, et on plonge l'appareil dans la glace fondante; puis; quand les deux thermomètres ont pris la même tem pérature, on le transporte dans un bain d’eau de 12 litres maintenu à la température constante de 429; on voit alors se produire la disparition du ménisque dans les conditions ordinaires, mais on constate que l& température du thermomètre supérieur, qui est plongé dans la vapeur, croît d’abord beaucoup plus rapide= ment que celle du thermomètre inférieur; l'écart at= teint 1° au bout d’un quart d'heure, puis redevient nul au bout d’une demi-heure; dans l’air l'égalité n’est at teinte qu'au bout de plusieurs heures et la différence peut aller jusqu’à 3°, Pendant tout ce temps le liquide se vaporise avec une extrême lenteur ; on peut parce procédé obtenir la disparition du ménisque en un point arbitrairement choisi du tube. Quand ce résultat est obtenu, le fluide estloin d’être homogène, l’exa=n men du tube montre l'existence d’une couche de tran- Mn TEL ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 327 … sition dans laquelle la densité est rapidement va- - riable; il en est de même de la température. Si lon —…. lracait sur le plan des pv le lieu des points qui repré- sentent les divers états du fluide depuisle bas jusqu’en haut du tube, on aurait une courbe qui comprendrait un segment de l'isotherme critique, au-dessus du point critique, une partie presque parallèle à l’axe des v, et quise raccorderait à une isotherme voisine. En — inclinant le tube, on diminue l'épaisseur de la couche “ intermédiaire et on la rend plus nette; M. Villard — répète l'expérience avec un tube maintenu préalable- …_ ment à la température de 1%, c’est-à-dire à 2° au- — dessus de la température critique, et dont il échauffe … l'extrémité supérieure avec la main; les parois sem- -blent se briser vers le milieu, et le phénomène est de plus en plus net à mesure qu'on incline le tube; enfin … ?s apparences deviennent très semblables à celles que —…._ ,Ssenterait un tube contenant deux fluides véritable- — mnt séparés; on voit des stries qui sembleraient in- —…. qiuer l'existence d’un liquide au fond du tube. En … réailé, les effets de mirage, les différences de densité, les négalités de condensation se produisent et cessent en aême temps que la différence de température entre lesdeux parties du tube, même avec des gaz très purs ; Jecalcul montre que, quand la température est parfai- - .ement uniforme, la variation d'indice qui résulte de la ” grande compressibilité au voisinage du niveau critique est trop faible pour donnerlieuàdeseffetsappréciables, Les phénomènes s’observent avec une facilité particu- lière au-dessus de la température et de la pression cri- tiques (c’est dans ces conditions qu'Andrews avait ob- servé les stries). Tous les faits s'expliquent ainsi sans qu'onait à admettre aucune autre hypothèse que celle de la continuité de l’état gazeux et de l’état liquide, émise par Andrews. En terminant, M. Villard annonce qu'il a pu, comme il l'avait fait prévoir récemment, arriver, avec la collaboration de M. Jarry, à liquéfier l'oxygène à l’aide du froid produit par l’évaporation de la neige carbonique dans un vide de 5 ou 6 millimètres de mer- cure, — M. Lamotte présente le planimètre de M. Pe- tersen. L'appareil se compose d’une tige OA tournant autour d'un point fixe O et à l'extrémité de la- quelle est articulée une tige BAC, dont l'extrémité B - décrit le contour de l'aire à mesurer. En C, très près de A, passe une tige MN qui peut glisser entre des ga- “ lets, perpendiculairement à BC; en M et N sont deux roues à bords très aigus qui ne permettent pas à la tige MN de se déplacer suivant sa longueur; elle ne peut que tourner ou avancer perpendiculairement à son axe. Lorsque B décrit le contour, MN suit son sup- port C tant que le mouvement de celui ci n’a pas de composante perpendiculaire à BC; au contraire, “dans ces mouvements MN reste immobile sur le papier met se déplace par conséquent sur son support. Quand le contour se ferme, les points ABC reprennent les — mêmes positions, mais MN qui a repris la même direc- tion, s’est déplacée, dans cette direction, d’une cer- taine quantité. C’est cette longueur qui mesure l’aire “enveloppée par le contour, si ce contour ne renferme pas le point O et si MN dans son mouvement n’a pas … décrit un tour complet. ONE # C. RAVEAU. d SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS % Séance du 14 Février 1896. —._ M. Moureu, en réduisant le nitro-dérivé corres- «pondant, a préparé la vératrylamine : 4 /AzH2 (1) CGHS—OCH3 (3) NOCHS (4) Cest une base fondant à 85°-86°, soluble dans l’eau, Par diazotation en présence de cyanure cuivreux, on passe au nitrile et à l'acide vératrique dont la consti- tution est connue ; cette réaction permet d’en déduire celle de la base. En diazotant en présence de poudre de cuivre et d'acide bromhydrique, on obtient le bro- movératrol : liquide huileux distilant à 2500-254°, — M, Urbain a étudié les acétylacétonates des terres rares. L'acétyl- acétonate de thorium est soluble dans l’eau, l'alcool, le chloroforme, l’éther ; il fond à 165° et se sublime dans le vide. La détermination du poids moléculaire de ce corps par la méthode cryoscopique, en employant comme dissolvant le bromure d’éthylène, donne comme résultat 630, ce qui conduit à attribuer au corps la formule : Th(C*H702)4. M. Urbain croit que la recoloration par les aldéhydes de la fuchsine décolorée par l'acide sulfureux est due à la formation d’une matière colorante, par conden- sation du groupe aldéhydique avec la fonction amine, La recoloration est, en effet, la même, si la fuchsine a été décoiorée avec l’acide chlorhydrique, et, de plus, la teinte est variable avec les différentes aldéhydes, — M. Lachaud a reconnu que le noir animal, au point de vue de l'absorption des produits colorants et autres, se conduit comme la terre végétale, les carbonates alcalino-terreux, l’alumine, elc. — M. Maumené ap- plique sa théorie générale aux bisulfites d'aldéhyde et au fluobromure de molybdène, -- La fermentation du xylose, à l’aide du pneumobacille de Friedländer, a donné à M, Grimbert de l'alcool éthylique, de l’a- cide acétique et de l’acide succinique. Celle de lara- binose, dans les mêmes conditions, donne de l’a- cide acétique et de l’acide lactique gauche. Avec un bactérium coli, M. Grimbert a obtenu de l'acide succinique avec la lactose, et de l'acide lactique gauche avec la glucose. — M. Rosensthiel adresse une note relative à quelques réactions propres aux fuchsines et aux carbinols amidés, Dans celte note l’auteur diseute les idées émises par M. Prudhomme sur les mêmes questions. — MM. Dupont et Charabot ont réussi à extraire de l'huile d'olives de provenance certaine, une matière sulfurée analogue à celle que fournit l’huile de coton. Cette substance est entraînée par la vapeur d’eau. L’eau ayant distillé est légèrement trouble et cède à l’éther un produit huileux, d’odeur désagréable, qui, par oxydation, donne de l'acide sul- furique. Donc, l'huile d'olives, comme celle de coton. renferme une matière sulfurée, et la réaction au ni- trate d'argent dans l’analyse de l'huile d'olives est de peu d'importance. — Il a été déposé, en outre,une note de M. Secrétant sur l’action du perchlorure de phos- phore sur l’hydroquinone et sur la résorcine, et une note de M. G. Perrier sur la propylnaphtylcétone. E. Caro. SECTION DE NANCY Séance du 19 Février 1896. M. Haller communique ses recherches sur la trans- formation de l'acide camphorique droit en camphre droit. Il chauffe en tube scellé du campholide à 230- 240° avec la quantité théorique de cyanure de potassium pur. Il se forme, dans ces conditions, du cyanocampho- late de potassium : CH? CH:CAz CSH147 NO + CAzK — CH N co À COOK Ce cyanocampholate, chauffé pendant quelques heures avec une solution à 30 °/, de potasse caustique, donne naissance à l'homocamphorate de potassium : 7CHECEZz CH?COOK AH CSH\à KHO+H?20—CSH14 AzH3. \C00K * NCOOK Par double décomposition avec l’acétate de plomb, 328 CORRESPONDANCE Fhomocamphorate dé potassium fournit de l’homo- camphorate de plomb qui, calciné avec précaution, donne naissance à du camphre droit, comme la montré M. Haller dans sa conférence faite à la Société chimique de Paris, le 2 juin 1887: CH?2—CO00 CH? CSS NS Pb—Pb0+C02+CSHU4S | NCo NN CDI Le camphre ainsi obtenu possède les propriétés du camphre droit ordinaire, — Dans ses recherches sur l'acétyleyanacétate d'éthyle, M. Held a obtenu, par l'action de l’ammoniaque sur cet éther, deux corps, l’un, l’éther amidoacétylcyanacétique : CH CH5—C—CH/ | Ncooc2Hr, AzH? l’autre, dont il n’a pu encore déterminer la constitution répond à la formule CTH5A720?, dans lequel seule la présence d’un groupe CAz a été constatée. Ce dernier jouit de propriétés acides (rès prononcées et donne naissance à des combinaisons salines déjà étudiées. En traitant le dérivé sodé de ce corps par une disso- lution d’iode dans l'iodure de potassium, on obtient, non pas un produit d’addition, mais un produit de substitution répondant à la formule CTHSIAz-0?, ca- pable de fournir des combinaisons salines bien dé- finies. Les sels d'argent, de sodium, de plomb, le sel ammoniacal ont été analysés. Tous ces composés sont très instables et perdent de l’iode à des températures peu élevées, variables avec chacun d’eux. Par ébullition avec l’eau, l'acide CTH° Az?0? perd tout son iode et il se forme un nouveau dérivé, ayant encore des propriétés acides, mais moins accentuées. Il n’a pas encore été possible de Le purifier suffisamment pour l’analyse. Par hydrogénation, le dérivé iodé régènèra l'acide primitif CTH6AzZ20?. Ce dernier paraît identique avec celui obtenu récemment par M. Guareschi (Atti. d. Acad. di Turino I, t. 46) en faisant agir l'am- moniaque sur un mélange d’éther acétylacétique et d’éther cyanacétique et sur lequel M. Held reviendra dans une prochaine communication. — MM. Meslans et Girardet ont repris l’étude des fluorures d'acides. Ils ont vérifié la généralité des procédés de formation de ce corps indiqués précédemment par M. Meslans. Ils décrivent le fluorure de propionyle et le fluorure de benzoyle, qu'ils ont obtenus avec des rendements presque théoriques en faisant réagir sur le fluorure de zinc les chlorures d'acides correspondants. Les fluorures d'acides sont plus stables que les chlorures en présence de l’eau. Ils réagissent plus vivement que ceux-ci sur le gaz ammoniac pour donner l’amide qui leur correspond. — M. Güntz indique quelques pro- priétés des métaux retirés de leurs amalgames à basse température. Il montre comment on peut expliquer leurs réactions si énergiques, en supposant que les métaux qui, d’après les expériences de Ramsay, sontà l’état atomique en dissolution dans le mercure, y restent quand le départ du mercure se fait à basse température. Ce fait présente une grande importance pour les réactions thermiques. — M. Férée prépare l’amalgame de molybdène par électrolyse d'une so- lution d'acide molybdique dans l'acide chlorhydrique. Il emploie pour cela l'appareil qui lui a servi pour obtenir l'amalgame de chrome, appareil composé d’une cloche à douille dans le fond de laquelle on a placé du mercure qui constitue le pôle négatif. L’ano@ est formée par une tige de platine. Comme pourte chrome, l’expérience ne réussit bien que dans &r- taines conditions. M. Férée n’a pu obtenir d’amalne avec une électrode négative de 9c%?5 et 27 ampires soit 2e%%8% par centimètre carré d’électrode. Aucçon- traire, il a préparé une certaine quantité d'amalgme avec un courant de 5 ampères par centimètre Cæré. Les rendements sontloin d’être théoriques. Cet am]- game est très peu altérable à l’air, M. Férée espèn en donner prochainement la formule. Distillé dans le vide, à 2500, il laisse un résidu noirâtre de molybdène, pyrophorique à froid. Le produit d’oxydation est éga- lement-une poudre de mème aspect dont la formules sera donnée prochainement. — En soumettant à des cristallisations successives du succinate de bornéol provenant d’un bornéol artificiel (ae 8)", M. Minguin obtient des cristaux dont les points de fusion varient de +65° à +799 et les pouvoirs rotatoires corres- pondants de —1° à.£35°. Ces résultats sont conformes à ceux de M. Haller ?.Ce même succinate de bornéol, soumis à l'action de l'acide chromique, donne de l’eau et de l’acide carbonique. Le succinate de bornéol restant, saponifié, fournit du bornéol de pouvoir rota- toire + 36°. Dans les mêmes conditions, un. acétate de bornéol de pouvoir rotatoire sensiblement nul, fournit du bornéol de 350. On n’a jamais pu isoler l’acétate d'oxyisocamphol de Schrütter #. Il résulte de ce qui précède que les éthers 8 sont plus solubles que les éthers +, que le point de fusion des éthers 6 est moins élevé que celui des éthers «, et que la vitesse d’oxydation 8 est plus grande que celle des éthers 4. Faisons remarquer aussi que cette oxydation des” éthers permet d'obtenir du bornéol droit stable exempt de bornéol instable, A. HALLER. CORRESPONDANCE ; SUR LA FAUNE PRIMORDIALE Au sujet de son récent article sur la faune primordiale, notre collaborateur et ami M. J. Bergeron nous écrit : Je regrette vivement que mon article du 15 mars ait paru avant que mes corrections ne vous soient parve- nues, car, outre quelques erreurs typographiques que je rectifiais, je faisais encore quelques modifications à ce que j'avais dit relativement aux Protozoaires du Précambrien de Bretagne. Quand j'ai écrit, ily a plu- sieurs mois, l'article tel que vous l'avez imprimé, j'étais encore sous le coup des découvertes toutes récentes de M. Cayeux. Mais, depuis, les paléontolo- gistes compétents ont émis quelques doutes sur la va- leur, comme organismes de ces soi-disant Protozoaires. MM. Munier-Chalmas, Schlumberger et Douvillé, après un examen attentif des préparations deM.Cayeux, n'ont pas partagé sa manière de voir sur tous les points Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 et, s'ils n'ont rien publié sur la question, c'est que connaissant la facon consciencieuse dont M. Cayeux travaille, ils pensaient qu'il serait amené de lui-mêmen à modifier ses premières opinions, Mais, à l’'Etran- ger, les critiques n'ont pas tardé à-paraître et l'excès d'ardeur qui avait entrainé notre jeune confrère um peu trop loin a été jugé avec moins de bienveillance qu'en France. ul Quoi qu'il en soit des Protozoaires du Précambrien« de Bretagne, les conclusions que j'ai émises, si elles sont moins générales que je ne pensais tout d'abord, n'en subsistent pas moins, | J. BERGERON. 1 Deuxième supplément du Dictionnaire de Wurtz, p. 856: ? Deuxième supplément du Dictionnaire de Wurtz, p. 867: 3 Mon . Chimie 2.224. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER N° 7 15 AVRIL 1896 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 586,42 L'APPAREIL DU D' HAMPSON POUR LA LIQUÉFACTION DE L'AIR ET DES GAZ On a souvent proposé d'abaisser la température d’un gaz comprimé en recourant au froid dû à la décompression d’une portion de ce gaz. Néan- moins, aucun avantage pratique n’a été obtenu par ce seul procédé, jusqu’à la publication — en oc- tobre dernier — de la liquéfaction de l'air, par M. Linde. On s'aperçoit, maintenant, que Linde n'est pas le premier à avoir appliqué le principe avec succès. Le samedi 21 mars dernier, l’expé- rience en a été faite à l'usine d'oxygène de Brin, à Londres ; il s'agissait de montrer la construction et le maniement d’un nouvel appareil inventé par le D' William Hampson, un Anglais, qui avait pris un brevet le 23 mai 1895, plusieurs mois, par con- séquent, avant que l'invention de Linde fût connue du public. L'appareil de Hampson (fig. 1 et 2) se compose de trois spirales concentriques, formées chacune d’un tube de cuivre et contenues dans une boîte de métal. Ces spirales sont disposées de façon à être mises successivement en rapport l’une avec l’autre. Le gaz oxygène, par exemple, arrive en A (fig. 1) à une pression de 120 atmosphères et entre en B dans la spirale extérieure, placée dans l’espace annulaire YZ; il en sorten C pour passer en D dans la seconde spirale qui s’enroule dans l’espace VX ; enfin, il sort en E pour entreren F dans la Spirale intérieure ; celte dernière est entourée par } un manchon de verre, dans lequel on a fait le vide, | | | (manchon semblable à ceux décrits par Cailletet ou Dewar). Les deux spirales extérieures sont séparées REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, par une division verticale de la boîte ; les spires de la spirale intérieure sont séparées par une feuille de cuivre plate enroulée en hélice (fig. 2.) Le gaz arrive en G à l’extrémité de la spirale intérieure et s'échappe par un petit orifice d’une construction particulière (4, fig. 2); il est formé par le rapprochement de deux lames de couteau ser- rées l’une près de l’autre ; en les traversant, le gaz se trouve instantanément décomprimé. Le gaz, refroidi par la détente, traverse successivement lescompartimentsannulairesentourantlesspirales, depuis H jusqu’en Q(fig.1),etilsortenR, après avoir abaissé la température sur tout son chemin. Le gaz entrant est donc refroidi, pendant qu'il est en- core sous pression; par conséquent, il est encore plus froid au moment de l’échappement. Il en ré- sulte une réfrigération progressive, limitée seule- ment par la liquéfaction du gaz, en admettant que l'enveloppe contenant les spirales est, au moyen de substances non conductrices, mise à l’abri d’un apport de chaleur venant de l'extérieur. L’appareil exposé mesure 70 centimètres de hauteur et 17,5 cent. de diamètre; lorsqu'il est refroidi jusqu’au degré suffisant, c'est-à-dire pen- dant environ une demie-heure, il donne de l'oxy- gène liquide, à raison de 7 centimètres cubes par quatre minutes environ. Ni acide carbonique, ni oxyde nitreux, ni autre agent artificiel réfrigérant n'est employé, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de l'appareil. Les expériences du D° Hampson, répétées en 1 330 W.-A. TILDEN — NOUVEAU PROCÉDÉ POUR LA LIQUÉFACTION DE L'AIR ET DES GAZ Fig. 1. — Schéma de l'appareil du Dr Hampson. — Le gaz, arrivant en À, entre en B dans la spirale extérieure ; il en sort en C pour passer en D dans la deuxième spirale; en- fin il sorten E pour entrer en F dans la spirale intérieure ; arrivé en G, il se détend, et s'échappe par les chambres H, let suivantes, J, K, L et suivantes, M, N, O, Pet suivantes, Q et le tuyau R. présence d’un grand nombre de savants célèbres, sont les premières de ce genre faites en Angleterre: elles démontrent l'efficacité du procédé, la re= marquable puissance réfrigérante de la seule dé= tente du gaz, sans le concours d’une réfrigération artificielle étrangère. Cette application ingénieuse d’un principe bien. connu ne peut manquer de recevoir une impor= LOU a = a = TU ÿ 7 NA FÈÈ SZ BÈÈ SY2 ZÈÈ ZÏT CR NA 7È PARA ANA 4 à À SU 7 KR 2 CS TZ Fig. 2. — Détails de la partie où se produit la détente (partie G de la figure 1). — Le gaz arrive par la spiral intérieure «, b, c, d,e, f, g et se détend en sortant de l'o= rifice L; de là, ils'en va par les espaces annulaires à, ÿ=m diatement réalisables, s'annonce comme immi- nente la liquéfaction de l'hydrogène, en quantité suffisante pour permettre l'étude, aujourd’hui incomplète, des propriélés physiques de cet élé ment à l'état liquide, peut-être à l'état solide. E s’en suivra la possibilité d'arriver très près du zéro absolu, peut-être même de l'atteindre tout à fait, résultat sur l'importance duquel il serait su- : perflu d’insister. William A. Tilden, De la Société Royale de Londres, … Professeur dé Çhimié 4 au Royal College of Sciences (Londres). P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE 391 _ 621,33 UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE l vÉ AL LE TRAMWAY CLARET-VUILLEUMIER NE x + 7 Il est devenu banal de gémir sur l'insuffisance | employer que des voitures reliées à Lune beé D 0 des moyens de locomotion dans Paris, notamment | ratrice par deux conducteurs, ou même un plus sur l’absence de tout tramway électrique actionné | grand nombre. l'un des conducteurs peut être par une usine centrale, alors que ce système a pris | constilué par les rails. L’aulre conducteur doit - tant de développement dans d’autres villes. Le | être en l’air ou sous terre. Le conducteur aérien charme va enfin être rompu : Paris va avoir son | présente un coup d'œil des plus disgracieux, sur- ARS RTNNSE ee à X et | D RARE ï ESS & HR SST ; ESS ex 1 > 5 ? ANT im 2 Got ME \eeA NX IC 1 EC em RU D a EN AUS “Fig. 1. — Carte du tramway de Paris à Romainville, à l'échelle de 1/80.000. — Le gros trait plein représente la double voie; le trait interrompu représente la simple voie avec garages. U, Usine génératrice; A, Avenue de la République; B, Ave- nue Gambetta; C, Place de la République ; D, Rue de Turbigo; E, Grands Boulevards; F, Boulevard Magenta; G, Bou- levard Voltaire; H, Boulevard Richard-Lenoir ; I, Avenue Parmentier. premier tramway électrique avec stalion centrale. | tout aux croisements, bifurcations, courbes accen- Par décret du 4 avril 1895, la concession de la ligne | tuées. On l’a qualifié avec juste raison de cage à Place de la République-Romainville (voir la carte | poulet, toile d'araignée, etc. Il n’a pas été admis de la fig. 1) aété accordée à M. Claret; les travaux | jusqu'ici dans Paris et ne doit pas l'être sous peine sont eu grande partie terminés, et l'inauguration | de défigurer les voies publiques. Le fil souterrain, ne peul se faire attendre longtemps. avec contacts glissants se réunissant à la voiture Parmi les causes qui ont retardé l'essor de la | mobile, a été employé plusieurs fois sous des traction électrique dans Paris se trouve la sui- | formes diverses, et a fait ses preuves. Ila failli ètre vante. En dehors des accumulateurs, on ne peut | adopté il y a trois ans, lors de la première conces- 392 sion de la ligne de Paris à Romainville. C’est son prix de revient un peu élevé qui a contribué à en enrayer le développement. Des deux systèmes, fil aérien, fil souterrain, aucun n’est ainsi arrivé à s'implanter dans Paris. Le système nouveau inventé par M. Vuilleumier, adopté par le concessionnaire M. Claret, ne com- porte aucun fil aérien, aucun caniveau souter- rain à visiter et à nettoyer couramment, aucun fil tout le long duquel il faille assurer le contact, aucune fente qui, malgré toules les précautions, risque parfois de se fermer mal à propos et n’est jamais sans inconvénient pour la circulation géné- rale. Au niveau de la chaussée, en outre des rails du tramway, lesquels sont d'un type quelconque, on ne voit aflleurer que des pavés reclangulaires en métal, posés dans l’axe des voies, à 2"50 l'un de l’autre. Lorsqu'on peut les toucher, ils ne sont jamais électrisés. Ces pavés, qui s'useront moins vite que les pavés en pierre et surtout queles pavés en bois, serort un peu génants pour la circulation générale, mais dans une mesure à peine sensible. La construction est peu coûteuse, un peu plus que celle du tramway à fil aérien, mais bien moins que celle du caniveau souterrain. Nous semblons ren- contrer ici le tramway urbain idéal. Seulement. Seulement, ce qu'on ne voit pas est terriblement compliqué. Nous avons souvent entendu définir le système Claret-Vuilleumier : Des tas de courants qui passent, comme is peuvent, dans des las de fils. C'est exactement l'impression que nous avons éprouvée quand, pour la première fois, nous l'avons exa- miné.Malgré sa complication, il a fonctionné à l’Ex- position de Lyon pendant l'été de 1894, le long des quais du Rhône, etles résultats ont été, en somme, satisfaisants. D’une expérience de quelques mois pendant la belle saison, on peut tirer des présomp- tions favorables, mais non une certitude pour une exploitation de longue durée et par tous les temps. Plusieurs points d'interrogation se posent encore. Sur l’avis d'une commission spéciale, le Ministre des Travaux publics, prenant en considération l'in- térêl réel que présente ce système, en a autorisé l'exploitation ; mais, vu les doutes qui subsistent sur bien des points, il n’a été donné qu'une auto- risalion provisoire, valable pour deuxans, après quoi une décision définitive sera prise d’après les résultats de l’expérience. L’essai de Lyon a suggéré bien des perfection- nements. Certains dispositifs, admissibles à Lyon pour quelques mois, ne l’étaient plus à Paris pour de longues années : aussi nous trouvons-nous en présence d'une nouvelle édilion, revue el considé- rablement augmentée. L'inventeur est plein de foi dans son système, et nous ne pouvons que lui souhaiter bon succès. P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE I. — DESCRIPTION THÉORIQUE DU SYSTÈME. $ 1. — Disposition d'ensemble. Les rs de la dynamo-génératrice G (fig. 2" communiquent, l’un avec les rails, dont l’ensemble est représenté schématiquement en R, l’autre avecm un cäble isolé K. Ce câble communique avec des distributeurs espacés de 100 mètres environ, eb dont deux D, D' sont représentés sur la figure. | Le distributeur comporte une couronne de vingt : touches métalliques a-1-2 ...-18-19, et trois autres touches 0-b-20. Dans l’axe de la voie, ae ranl à la surface du pavé, sont placés, à des dis tances de 2 m. 50environ, des plots métalliques, re liés électriquement deux à deux par un fil isolé pas sant sous la chaussée, formant ainsi des paires ‘4 contacts numérotées 15-16-17, elc., sur la figure 2: La touche 0, les touches 4 à 19, et la touche 20 de chaque distributeur sont reliées électriquement par desfils soigneusementisolés les uns des autres,» aux paires de plots successives numérotées de 0 à 20. Mais les paires de plots 19 et 20 d’un ais tributeur sont les paires de plots 0 et 1 du distri=" buteur suivant dans le sens du numérotage. Il y aenoutre communication électrique entre les touches « et b. Quatre frotteurs À, B, C, H, isolés électrique-. ment, mais mécaniquement solidaires, peuvent se mouvoir autour de l’axe du distributeur. Le frotteur A est relié en permanence, par un contact glissant E, au cäble K et à l’un des pôles de la dynamo. Il être successivement en Con= tact avec une des touches 4-1-2... 18-19. Sa kel est telle qu’il est toujours en contact au moins avec une touche el n’en quitte une qu'après atteint la suivante. Les frotteurs Bet C peuvent arriver au contact de mêmes touches, mais sont moins larges. Un point Z de chaque distributeur est mis en communica tion permanente, par l'intermédiaire du rail, ave un des pôles de la génératrice. Grâce à un dispo sitif non représenté sur la figure 2 et sur leque nous reviendrons plus loin, l'établissement d'u courant entre Cet Z fait avancer d'un cran dan le sens du numérotage l'ensemble des frotteurs. De même, un courant entre B et Z fait avance d'un cran en sens inverse. Le frotteur H peut venir au contact des touche 0-b-20. Ses dimensions sont telles qu'il peut éta= blir une jonction électrique entre à et 0 ou entres b et 20, mais jamais entre les trois touches à la fois. » | La voiture, représentée en V, et V,, dans deu positions successives, porte un moteur relié d’une part aux roues et par là aux rails, d'autre part à un frolteur représenté en F,, F,, assez long pour hier P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE D 333 être toujours en contact avec au moins l’un des plots placés dans le pavé. Supposons la voilure avançant dans le sens du numérolage et se trouvant dans la position V,F, en contact avec la seule paire de plots16, le frotteur A étant de même en contact avec la touche 16.11 y a un circuit fermé passant par G,K, E,A, la touche 16, les plots 16, F,, V,, R, G. La voilure avance; le distributeur ne bouge pas tant que le frotteur n'atteint pas un des plots de la paire suivante, ainsi qu'il est représenté en F,. À ce moment, en En cas de mouvement de la voiture dans l’autre sens, le mouvement inverse du distributeur serait oblenu avec le frotteur B. L'arrivée du courant à la voiture se trouve ainsi assurée dans quelque sens qu'elle marche, et tous les plots sont isolés sauf la paire, ou les deux paires, en contact avec le frotteur. Voyons maintenant comment s'opère le passage d'un distributeur à un autre. Lorsque le frotteur, dans sa position analogue à F,, aborde la paire de plots 19-0',on voit qu'il y a Fig. 2. — Schéma de la distribution électrique au tramway. — G, dynamo génératrice; K, cäble isolé; D, D’, distributeurs ; À, B, C, H, frotteurs mobiles, mécaniquement solidaires, et isolés électriquement entre eux. — A, B, C peuvent venir au contact destouches fixes a-1-2..,.. 18-19; H peut venir au contact äes touches fixes 0, b,20; A est en communication per- manente avec K parle contact glissant E ; 15, 16, 17 plots métalliques affleurant le pavé, réunis deux par deux entre eux et avec les touches des distributeurs par des fils isolés; 19-0', 20-14’, paires de plots reliés à deux distributeurs. (Dans le distributeur D’ les organes analogues à ceux du distributeur D sont désignés par les mèmes lettres ou chiffres avec accent.) — R, ensemble des rails; V,, V,, voiture représentée dans deux positions successives; F,, F,, frotteur de la voiture, représenté dans les deux positions correspondantes. — Pour éviter la confusion par la superposition de F, et F, on a légèrement relevé ce dernier. F, doit être supposé au contact avec les deux plots du couple 16, et F», au contact avec un plot du couple 16 et un plot du couple 17. — Les organes du distributeur D sont dans une des positions de fonctionnement, ceux du distributeur D’ dans la position de repos. même temps que le courant principal qui passe par la touche et les plots 16, pour actionner la voiture, il se forme uae dérivation entre les plots 16, le frotteur F,, les plots et la touche 17, le frotteur C, le point Z et le rail. Comme nous l'avons dit, ce courant a pour effet de faire avancer le distributeur d’un cran et d'amener le frotteur À sur la touche 17. Aucun courant ne passe plus par la paire de plots 16, et rien n’est changé lorsque le frotteur abandonne complè- tement celte paire, restant en contact avec les seuls plots 17; nous nous trouvons dans une si- tuation semblable à celle du début, voiture et distributeur ayant avancé l'un avec l’autre, contact électrique suivant G,K,E,A, 18, 18, F?, les plots 19-0', touche 0'. Mais là le cireuit est inter- rompu, les frotteurs A',B',C',H', élant dans la po- silion du repos, c’est-à-dire A' en contact avec 4". Le frotteur À passe de la touche 18 à la touche 19 et l’alimentation de la voiture se fait toujours par le distributeur D, la touche 19 et les plots 19-0". Lorsque À est sur 19, H forme jonction entre 20 et b, par suite entre 20,4, 4, et le frotteur GC à ce moment arrive sur 4. Lorsque le frotteur F aborde la paire 20-1", il s'établit une double dérivation de courants entre ces plots et le rail, l’une par 20,H,4,4,C,7Z, l’autre par la touche 1',C',Z'. Les deux distributeurs 334 P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE avancent d’un cran. Celui de gauche arrive dans la position de repos telle qu'elle est représentée sur la figure 2 pour le distributeur D', et par suite n’envoie plus aucun courant à la voiture. Cette dernière reçoit alors le courant par le frotteur A', la touche 1' avec laquelle il est en contact, et les plots 20-41", En cas de mouvement inverse, il est facile de se représenter la transmission du courant inverse et le mouvement des distributeurs au moyen des frolteurs B'et B. Ainsi l’alimentalion de la voiture est assurée quel que soit le sens de la marche, el qu'on reste ou non sur la section d'un même distributeur. Lorsqu'une voiture quille la section d’un distri- buteur, elle laisse ce dernier dans la position de repos. Pour que le système marche, il faut qu’en un moteur à poids déclenché électriquement, A Paris le premier projet comportait un moteur élec- trique déclenché électriquement. Le type finale- 5 ment adoplé est plus simple et indiqué dans la figure 4. Les mêmes lettres représentent les mêmes organes que sur lafigure 2, mais avec des positions différentes pour plus de commodité. Les nombres 15, 16, 17, 18, indiquent quatre des vingt touches rangées en couronne. Le frotteur À est en communication permanente avec un des pôles de la dynamo génératrice. Les frotteurs BetC sont en communication avec quatre touches fixes %,, n,, »,, n,, comme l'indique la figure. Ces liaisons entre les parties fixes et les parties mobiles ont lieu au moyen.de contacts glis- sants non représentés sur la figure. Sur l'axe de lappareil peuvent tourner : » R P PP PPPPP > pp PSE RE D D D PR TT pe op = mr === M7 ne — ns | 4 R PPPPP > pp > [] SPA D RENTE PRE D 0 LES R Fig. 3. — Schéma donnant l'ensemble de la distribulion éle ratrice ; K, cäble isolé; D, D, D, D, distributeurs : R,R,R, de la figure précédente); Q, Q, D: ares de pie réunis à de doit supposer chaque paire ‘de plots D ou Q réunie au dist permis de représenter distinctement tous les fils. abordant la seclion d’un distributeur on trouve ce dernier dans cette même position de repos; € qui implique l'obligation de n'avoir jamais qu'une voiture dans la section d'un distributeur. L'écartement des plots doit être tel que le frot- teur F soit loujours en contact avec l’un d'eux au moins. La figure 2 indique la distance maxima com- patible avec une dimension donnée au frotteur, mais, lorsque des circonstances spéciales le de- mandent,rien n'empêche de la diminuer beaucoup, etmême, dans certains cas, de remplacer les paires de plots par un plot unique. La figure 3 donne une vue d'ensemble, toujours schématique, mais cependant plus voisine de la réa- lité que la figure 2. On a accolé deux distributeurs, un pour chaque voie. C'est une disposition com- mode et généralement suivie, mais nullement obligatoire. ce $S 2. Mise en mouvement du distributeur, Le dispositif faisant avancer les frotteurs du distributeur a notablement varié. À Lyon c'était clrique pour mue portion de double voie. — G, dynamo Et R, rails; P, P, paires de plots ordinaires, (15, 16, 17, 18, ux distributeurs (19-0' et 20-1' de la figure précédente). — où ributeur par un fil isolé. Les dimensions de la figure n'ont pas 1° une roue portant 20 dents et solidaire des frot- teurs À, B, CG ; — 2° une a portant deux frot- teurs mé crane isolés X,, X,, deux armalures en fer doux ,,4,, pouvant re es par les électro- aimants L,, L, ; — 3° deux rochets indépendants l’un de lautre et qui, en temps normal, sont écartés de la roue. Le point Z, qui communique d’une part avec les rails et un pôle de la génératrice, communique avec les deux électros L,, L,, et de là avec les frotteurs X,, X.. A l’état de repos il y a contact entre X, et »,, entre X, et ”,. Suivant que la tige qui le porte sera déviée par l’un ou l’autre des électros, X, peut venir au contact de 7», et», à la fois, au contact de », seul, ou hors de tout contact avec », el, De même pour X.. Soit les frotteurs À, B, C dans la posilion indiquée par la figure 4, n° I, et le frotteur de la voiture en contact seulement avec la paire de plots n°16 etpar suite avec la touche 16. Les touches 15 et 17 sont isolées, et aucun courant ne peut traverser les P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE 339 électros. La voiture avançant aborde la paire de plots 17, ce qui a pour eftet d'établir la jonétion électrique entre les touches 16 et 17, par l'inter- médiaire des plots correspondants et du frotteur de la voiture. Celle jonction est figurée en abrégé par un trait poinlillé entre les touches 16 et 17. La figure montre qu'un circuit est formé à travers l'électro L, qui, attirant &,, fera tournez la tige PQ) Fig. 4. — Schéma du dispositif de mise en marche du dis- tribuleur. — À, B, C, G, 15,16, 17, 18, même signification que dans la figure 2; M, 71, M, n°., Contacts fixes, reliés aux frotteurs mobiles A, B, C par des contacts glissants non représentés ; Li, L», électro-aimants ; w,, æ, leurs ar- matures; X,, X», contacts mobiles en communication per- manente avec la dynamo G par les fils des électros. Ils peuvent venir toucher les contacts m,n1, M, 2, par suite du mouvement de la tige X, &, & X, autour de son milieu. — Suivant que cette tige se meut dans un sens ou dans l’autre, clle pousse l’un des cliquets >, ou »,, l'enfonce dans une dent de Ja roue dentée et fait avancer dans un sens ou dans l’autre cette roue ainsi que les frotteurs À, B, C, qui lui sont mécaniquement reliés. Les numéros Il, III, IV, V représentent les organes mobiles dans leurs positions suc- cessives. X, 2, «, X, dans le sens de la flèche. La tige ve- nant buter contre le cliquet,, l'enfoncera dans une dent de la roue dentée, et, à parlir de ce mo- ment, l'attraction de L, fera tourner tout d'une pièce la tige X, à, 4, X,, lecliquet r,, laroue dentée etles frotteurs À, B, C. Ces derniers et le frotteur X, occuperont successivement les positions indi- quées dans la figure 4 (N° I, Il, HIT, IV, V). Pen- dant tout ce Lemps, un courant envoyé par la génératrice passera à travers L, soit par G—A—16—117— C — m — X)—I, —Z —G, soit par G—A—16—B—n —X; — LL; —Z—G. Avant que le frotteur B n’ait atteint la touche 16 le frotteur X, se sera éloigné de », etn,; L, ne sera donc actionné à aucun moment. Les positions [, Il, IT, IV, V sont occupées suc- cessivement en moins d'une seconde, et la voiture, d’après ce qui est indiqué figure 2, reçoit ensuite son courant par la touche 17. Lorsqu'elle continue à avancer, le frotteur quitte définitivement le plot 16, le circuit qui passait par L, est rompu, L, cesse d'attirer l’armature et la tige X, &, «, X, revient à sa position primitive N° I, ainsi quele cliquetr, mais la roue dentée et les organes liés avec elle conservent la position acquise. La voiture a passé d'une paire de plots à la suivante, et le distribu- teur se trouve en fin de compte dans une situation pareille à celle de la figure 4, N° 1, mais avec une avance d’un cran pour les frotteurs A, B, C. En cas de mouvement inverse de la voiture, le mouvement inverse du distributeur serait produit par l’électro L,. $ 8. — Traversée de voie. La traversée de voie est ce qu'il y a de plus simple. On s'arrange pour placer un plot au centre LA jo % OA Fig. 5. — Schéma d'un croisement de voie. — Les longs traits indiquent les rails ; les carrés figurent les pavés mé- talliques reliés deux à deux. Le pavé correspondant au croisement est relié avec un des pavés voisins sur chaque voie. de la croisée (fig. 5); onle considère comme fai- sant partie des deux lignes et l'on fait le groupe- ment des plots deux par deux entre eux el avec les touches du distributeur en trailant chaque ligne comme si l’autre n'existait pas. Lorsque le plot de croisement vient à être élec- trisé par le frotteur d’une voiture, il électrise la touche correspondante des distributeurs de l’une et l’autre ligne. Pour la ligne parcourue par la voiture, le frotteur B ou C (fig. 2) se trouve dans la position voulue et transmet le courant aux or- ganes de mise en marche du distributeur. Pour l'autre ligne, à moins qu'une voiture n'arrive simultanément au point de croisement, le frotteur Bou C ne se lrouve pas dans la posilion corres- 336 pondante, aucun courant ne sera transmis dans le distributeur et ce dernier ne bougera pas. Il faut seulement éviter que le plot de croise- ment n’occupe sur l’une ou l’autre ligne la position limite 19-0' ou 20-1' (fig. 2). $S 4. — Aiguillage. Reportons-nous à la figure 2. Supposons qu’en suivant le sens du numérotage on prenne l’ai- guille en pointe, c'est-à-dire qu'on aille du tronc commun vers les deux branches. Le distributeur D, les plots, jusqu’à la paire 19-0', et les fils de communication, jusqu’au fil de la touche 19, res- contraire, on devra teront ce qu'ils sont. Au dédoubler le dis- tributeur D', les plots depuis la pai- re 20-l'et les fils depuis celui de la - touche 1'. Quant aux filsdestouches 20 et 0", ils seront bifurqués, leur ex- trémité gauche restant unique et leur extrémité droite élant dé - doublée. C'est ce que représente la figure 6; les pai- res de plots et les distributeurs ré- duits à leurs trois touches extrèmes sont indiqués par les mêmes dési- gnations que sur la figure 2; les chiffres double - ment accentués représentent le dédoublement des organes correspondants indiqués en chiffres simple- ment accentués. Entre les plots 19-0'-0" et les trois touches correspondantes la communication élec- trique est permanente; de même entre les plots 20-1'et la touche 1', et entre les plots 20-1"et la touche 1”. Au contraire, la touche 20 ne peut com- muniquer qu'avec l’un ou l’autre des plots 20-1' ou 20-41”, grâce à un commutateur, sorte d’aiguille électrique, Y. Soit une voiture prenant l'aiguille en pointe, marchant dans le sens du numérotage et suivant, par exemple, le chemin 18, 49-0'-0”, 20-1”, 2”, et la communicalion élablie par Y entre la touche 20 et les plots 20-1”. Le frotteur de la voiture aborde les plots 49-0'-0” ; nous avons vu que, malgré l’exis- tence du fil allant à la touche O' le distributeur D' ment accentués. On n’a représenté simplement des plots, touche 20 avec les plots 20-1', P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE Fig. 6. — Schéma d'un aiguillage. — Yes lettres et chiffres ont le même sens que dans la figure 2. Leslettres et chiffres doublement accentués indiquent le dédoublement des organes représentés par des lettres ou chiffres simple- ni dynamo, distributeurs, et fils de. communication réduits aux parties qui intéressent l’aiguillage. Y, ou 20-1", ne bouge pas. De même le distributeur D”. Le frotteur aborde les plots 20-1”, el par la touche 4! met en mouvement le distributeur correspondant; grâce à l'interruption établie en Y du côté de 20-44, aucun courant ne pourra aller par la touche altaquer l’autre distributeur. Le fil de la touche 20 remplit son office habiluel pour ratnener le distri buteur D à la position de repos. Ki Soit une voiture prenant l'aiguille en talon el suivant le chemin 2', 20-1', 19-0'-0", 18. Le frot teur de la voiture arrive sur 20-1'. Dans quelque sens que soit faite l'aiguille Y, aucun courant ne peut passer de 20-1' en 20-1” pour manœuvrer in tempestivement D”. De même, la touche 20 étant #4 ce moment isolée, aucun courant ne. viendra manœu=— vrer le dis teur D, quelle quen soit la directio® a l'aiguille Y . Le frotleur arrive en 19-0'-0". Par les” ; touches 19 et (IE + les distributeurs DM et D' sont action- nés, D pour son premier, D' pour son dernier mou-" vement, D partant. de la position de repos et D' y reve nant. Quant à D", bien que la touche 0" soil en commu nication électri = que avec 19-0'-0”, il ne. peut être actionnés ne se trouvant pas dans la posilion voulue. LB chose ne serait possible que si D'et D’se trou vaient dans la même posilion, c'est-à-dire si deux voitures, marchant de front sur les deux voies pa- rallèles, FonBiont simultanément prendre l'aiguille en Ébn: Nous avons vu que la position de l'aiguille Y n'a d'importance que pour la voiture prenant en pointe l’aiguille proprement dite. Dans la plupart, des cas, la voilure venant en pointe prenant lous jours la même direction, on peut laisser l'aiguille électrique habituellement fixée sur celle direction sans s'occuper des voitures venant en talon. Tels sont les principes sur lesquels est basé le fonctionnement du tramway électrique Clarel- Vuilleumier ; nous allons maintenant en étudier la réalisation pratique, ni rails, ni voitures, mais commutateur joignant à volonté la — Vue du tramway en cours d'exécution. — Le béton est fait, les rails posés, le pavage n'est pas encore fait. Les pavés métalliques seuls sont en place. On voit la canalisation longitudinale, les fils qui relient les pavés entre eux et avec cette canalisation. En pointillé les canalisations transversales qui passent sous le béton, et vont rejoindrela boite sous trot- toir contenant deux distributeurs. ig, 9, Vue d amway achevé, — Il n’y a plus, comme organes visibles, que les rails, les pavés métalliques, et, sur la Fig, 9 Vue du lramway acl Il n'y lus, g bles, que 1 ls, les ] talliq t 1 gauche les trappes des boites de distributeur, 338 IT. — DÉTAILS DE CONSTRUCTION. Les figures 7 et 8 (page 337) montrent la voieen construction et la voie achevée (Avenue de la Ré- publique); les figures 9 et 10 représentent des coupes transversales de la voie. P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE que les fils de connexion avecles plots, les rails et le câble principal, n’élaient pas encore placés. A l’état de repos, aucun des cliquets n’est en prise. On peut donc manœuvrer à la main les frotteurs mobiles, les amener dans la position Maintenant, nousallonssuivrepasàpaslecourant ; voulue, soil au début, soit après un accident. depuis son départ de l'usine jusqu'à son retour à celle $ 4. — Logement du distributeur. mêmeusine,enindi- quant au fur et à mesure les divers détails de construc- lion du système. Fig. 9. — Porlion le coupe transversale de la voie à grande échelle. — À A,rails; B, plot métallique ; C, D, canalisations transversale et longitudinale contenant les fils de communication ; E, fil de communica- tion entre deux plots accouplés. noyé dans une rainure pratiquée dans le béton, et remplie de mastic isolant. Un fil part du fil E, rejoint les cana- lisations D, C et va par là au distributeur. $ 1. — Génératrices. Ces machines, coneues en vue d’a- limenter une dis- tribution en dérivation sous 500 volts avec courants continus, n'offrent aucune particularité tenant au système de tramway. $ 2. — Câble principal. C'est un câble armé, posé en tranchée sous trottoirs et en fourreau à la traversée des chaus- sés. Il est calculé en vue d’une densité de courant A Lyon, les dis- tributeurs étaient logés dans des fos- ses sous trottoirs : ils ont eu quelque peu à souffrir de l'humidité; la visite n’était pas des plus commodes. À Paris, la première idée a été de les placer en élévation. On a vile renoncé à des édicules spéciaux plus ou moins analogues aux boites-bornes postales dernièrement établies, qui auraient encombré el enlaidi le trottoir. Nous avons cherché, de concert avec le concessionnaire, à loger les distributeurs dans le socle, soit de can- délabres à gaz, soit de candélabres électriques ; mais il a élé impossible de trouver un modèle de = Re de us num Errere de 0007 p!metre mr Fig. 10 — Coupe transversale de la voie.— A À, trottoir; B,B, plots métalliques dans l’axe de chaque vois; D, distributeur; C, boite contenant deux distributeurs (un pour chaque voie); E,E' canalisations transversales (une pour chaque voie) par= ticllement superposées sur la figure, contenant les fils de communication entre les distributeurs et les plots. de 0,7 ampère par mm.? et baisse de potentiel de 20 volts environ à l'extrémité de la ligne ; aucune particularité tenant au système de tramway. $. 8. — Distributeur. Nous donnons, figure 11, une vue du distribu- teur : c’est un bâli circulaire, ayant 0",50 de dia- mètre. La légende jointe à la figure explique suf- fisamment le rôle des diverses parties. Pour ne pas trop compliquer le dessin, nous avons supposé socle à la fois gracieux et assez vaste pour les be- soins. Nous nous sommes retournés vers les banes des avenueset avonscherché à placer les appareils sous le siège. Comme modèle, on n'a pu arriver qu’à des sortes de cercueils d'aspect lamentable; de plus, on n'élait pas absolument garanti contre la possibililé d'une brusque décharge à 500 volts de tension, éclalant sous le siège et surprenant les flâneurs paisiblement assis. Finalement, on est revenu à la fosse sous le sol. Mais à Paris, l'étan- her M rhi SR . à P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE 339 chéité est assurée. Les distributeurs, groupés par deux, comme l'indique la figure 3, sont logés dans une caisse en fonte, fermée par deux trappes éga- lement en fonte, avec interposition d'un ruban de caoutchouc pour oblurer complètement le joint. Comme mesure de sécurité, on a adopté un dis- positif qui rompt la com- municalion en- tre le distribu- leur et le cäble principal,avant qu'on ne puisse ouvrir les trap- pes et toucher cedistributeur. On garanlil ain- si contre toute décharge les ou- vriers qui au- raient à visiter ou réparer cel appareil. $ D. — Canali- sation entre le distribu- teur et les plots. De chaque caisse, perpen- diculairement au rail, parlent deux canalisa- tions en fonte eûle à côle dans la même tran- chée, une pour chaque distri - buteur. A l'inté- 7,9et10 montrent l’ensemble de la canalisation, la figure 12, le détail des tubulures deraccordement. Tousles joints de la canalisation sont oblurésavec une bague de caoutchouc. Les tuyaux en fonte présentent beaucoup plus de solidité que le canal rectangulaire en bois projeté tout d’abord. Tant au point de vue du tramway lui- même , qu'au point de vue de Ja conservation de la chaussée, ils sont infini- ment préféra - bles. L'eau qui pourrait, d'une façon acciden- telle , s’intro - duire dans les tuyaux, S'écou- jera par la pen- te nalurelle , jusqu'à la ca- nalisation transversale la plus voisine, el de là dans les caisses des dis- tributeurs où il sera facile de l’enlever. Les fils réu - nissant les tou- ches du distri- buteur aux doubles plots sont de simples fils de cuivre, isolés au caout- chouc et à la rieur de chaque Fig. 11. — Distributeur. — (Diamètre : environ (”,50). — A, B, C, E, H,0, b,20, toilecaoutchou- : : frotteurs et touches représentés par les mêmes désignations sur la figure 2 T, T £ cé ol railèle- ART I SEMESTRE RE UOTE Te s N RUE; pa allèle touches indiquées en ga, 1,2, ..... 18, 19 sur la figure 2; V V, pièces métalliques iée,; posés les ment au rail, court une cana- lisation longitu- dinale égale - ment en fonte; des tubulures en T relient cette cana- lisation aux canalisations transversales ; des couver- cles mobiles, boulonnés, avec joints de caoutchoue, permettent de manœuvrer les fils à l’intérieur. Au droit de chaque double plot, la canalisation pré- sente un manchon spécial, avec couvercle mobile pour les visites ou les manœuvres, et tubulure per- mettant la sorlie du fil. Des manchons à deux tubu- lures sont placés au droit des plots Q (fig. 3) qui | doivent être reliés à deux distributeurs. Les figures | | | communiquant chacune avec une des touches T et portant des trous où pourront uns à côlé des s’insérer les fils de communication avec les plots métalliques placés sur la voie. M, N, contacts glissants assurant la jonction électrique des pièces mobiles B, C et des pièces fixes M, M», n1, 1 (fig. 4.) autres dans les tuyaux de fon- te. Leur diamè- tre, isolant compris, est de 8 millimètres. Ils sont logés au nombre de 20 dans les tuyaux transver- saux el au nombre de 42 au plus dans les tuyaux longitudinaux. Ils y sont assez à l'ise pour qu'on puisse au besoin tirer et remplacer l'un d’eux. A la sortie de la tubulure (fig. 12), le joint est fait avec un bouchon de caoutchouc, analogue à ceux qui servent à fixer des tubes sur des flacons dans les laboratoires de chimie. Le joint est encore recouvert de toile caoutchoutée. 340 D'après la marche du système, chaque fil ne doit recevoir le courant que pendant quelques secondes, le temps pendant lequel la voiture reste en contact avec le même double plot. Aussi a-t-on admis une densité de courant très élevée, 1 ampères par millimètre carré. Fig. 12.— A. Tubulure joignant les canalisations longi- ludinale et transversale. — B. Tubulure pour la sorlie du fil allant de la canalisalion à chaque paire de plots. $ 6, — Plots de contact. A Lyon, on avait des plots continus de 3 mêtres de long, séparés par des intervalles de même longueur. Cette disposition nécessilait sur une grande surface un isolement toujours difficile à obtenir et facilitait les pertes à la terre. De plus, elle était peu admis- sible sur une voie fréquentée. On sait quel incon- vénient présentent les rails de tramway pour la circulation générale et le bon entretien des chaus- sées. Malgré tout, il faut s’y résigner; mais les P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE plots allongés de Lyon présentaient sans néces- sité absolue un inconvénient supplémentaire du même ordre. Aussi, à Paris, ne laisse-t-on affleurer au niveau du sol que les deux extrémités du plot, Fig. 13. — 4. Plotsde Lyon. — B. Plotsde Paris. — S, sur= face du sol; 1-2-3, positions successives du frotteur de la voiture. Le frotteur se déplace horizontalement ; pour évi- ter la confusion sur la figure, on l’a relevé de hauteurs dif férentes. En A, le frotteur est en contact électrique avecle ou les contacts fixes longs, au-dessus desquels se trouvent ses deux extrémités. En B, le frotteur est en contact élec= trique avec le ou les contacts courts au-dessus desquelsil se trouve. En A, les contacts longs sont espacés d'une quantité égale à leur longueur et reliés au distributeur cha- cun par un fil spécial. En B, les contacts courts sont équi- distants, reliés électriquement deux à deux comme il] est indiqué sur la figure 2. sous forme de deux pavés métalliques; la partie # Aéro. HS TRE ver as ep pr nee aver Q - vs intermédiaire est un simple fil de cuivre placé sous le sol et réunissant les deux extrémilés au r 100 - Fig. 144. — Plot de contact. — AB, direction des rails; D bague tronconique en cuivre servant à l’assemblage du plot avec le fil de cuivre C. L'autre extrémité do ce fil s'insère de même dans un autre plot; les plots sont réunis deux par deux. Sur ce fil de jonction vient se sous der un autre fil qui réunit la paire de plots au distributeus (fig. 2 et 3). Le trait pointillé indique le massif isolant, dans lequel est noyé le plot métallique. Les dimensions sont indiquées en millimètres. point de vue électrique. Une transformation inverse a élé opérée sur les frotteurs de la voitures A Lyon, les frotteurs étaient réduits aux portions extrêmes; à Paris, ils sont continus. La forme des deux organes a été inversée; électriquement, le résultat est le même (fig. 13). . P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE 341 EEE Chaque plot (fig. 1%) est formé de deux parties planes horizontales réunies par deux nervures en croix. Il est facile de lui donner des dimensions concordant avec celles des pavés employés pour la chaussée. Les bords supé- rieurs sont chanfreinés de façon à donner au milieu . de la face supérieure une | saillie de 5 millimètres sur D 7 2: = pr ap LÉ = mn FL cs {+ maintenus et les pavés métalliques placés indiffé- remment dans l’un ou dans l'autre. Du reste, sui- vant les prescriptions du cahier des charges, la zone occupée par les voies est fondée en béton sous le pavage, soit en pierre ou en bois. = 4, $ 7. — Voitures. Les moteurs et appareils Fig. 15. — Plots, frolleurs, voiture. — Les carrés noirs < le reste du pavage et assu- indiquent les plots, groupés deux par deux. — F, Servant à leur manœuvre ; frotteur ; sa longueur est telle qu’il touche toujours 2 # rer un bon contact avec soit un, soit deux plots. — V, caisse de la voiture; ne présentent aucune LE les frotteurs. Les pavés de- vaient être en acier fondu. Par suite de diverses cir- constances, le concessionnaire a été amené à les faire en fonte. Espérons que les voitures lourde- ment chargées ne les briseront pas trop souvent. À la partie inférieure est fixé le fil de cuivre qui réunit les deux pa- vés conjugués. L'as- semblage est fait sans soudure au moyen d’u- ne bague tronconique en cuivre fortement chassée dans un trou fraichement alésé. Le fil est un simple fil nu ; il est logé dans une rainure pratiquée dans le béton de fon- dation et remplie en- suite avec un mélange de brai et de bitume. Le même mélange est employé pour remplir les vides entre les ner- vures du pavé métal- lique et entourer ce dernier, par dessous et sur le côté, d’une couche isolante d'un centimètre d’épais - seur. A Lyon, pour mieux assurer l'isolement, une bande de pavage en bois avait été éla- blie autour des plots dans l’axe de chaque voie, laissant entre elle et les rails deux bandes de pavageen pierre. Une chaussée aussi bigarrée était inacceptable à Paris, et il fallait un revêtementuni- forme,au moins dans toute la largeur occupée par la voie et l’entre-voie. Le constructeur a jugé inutile de s'imposer un type spécial de revêtement ; les pa- vages existants soit en bois, soit en pierre, ont été sa longueur est telle qu'elle recouvre toujours en en- tier la paire ou les paires de plots dont le frotteur F touche même un seul plot. Fig. 16. — Joint des rails. — R,R, deux rails voisins; J, joint des rails; E, éclisse; K, fil de cuivre formant jonction électrique entre les deux rails; BB, bague tronconique en cuivre servant à assembler le fil F avec le rail; F, fil de cuivre courant tout le long de la voie et soudé au fil F, ticularité propre à ce sys- tème de tramway. D’après la description générale du système, on a vu que les doubles plots sont normalement isolés, sauf ceux (au nombre de un au moins et deux au plus) qui sont en contact avec le frotteur. La figure 15 correspond au cas le plus défavorable , celui de deux doubles plots électrisés simul- tanément. Elle montre que, dans ce cas, tous les plots électrisés sont recouverts par la voi- ture , et, par consé- quent, hors de l'at- leinte des passants. Il suffit que la voiture ait une longueur quelque peu supérieure au tri- ple de l’écartement de deux simples plots, le frotteur étant exacte- ment au milieu de la caisse. Le frolteur, comme nous l'avons déjà vu, est continu et a une longueur légèrement supérieure à l’écarte- ment de deux plots. Il doit être assez souple pour pouvoir appuyer sur les plots malgré de légères irrégularités de la surface pavée. La voiture porteentin aux extrémités un con- tactdesüreté, frottantsur les plots, réuni électrique- ment aux roues, et par là aux rails. Supposons que, pour une cause quelconque, le distributeur ne fonctionne pas : sa manelte ne suit pas le mouve- ment de la voiture et maintient indûment en com- munication avec le câble d’amenée le double plot que le frotteur vient d'abandonner. Le distribu- 342 teur ne pourra désormais plus avancer. La voiture seule avance, en vertu de la vitesse acquise; elle découvrirait un plot électrisé, et, par suile, dangereux. Mais, auparavant, le contact de sûreté passant sur ce plot établira un court-circuit entre le câble principal d'amenée et les rails, le courant atteindra une intensité anormale et fondra un plomb fusible disposé sur la canalisation, entre le càble principal et le distributeur. Le circuit inter- rompu, toute électrisation cessera sur les plots, et, par suite, tout danger. La voiture, ne recevant plus de courant, s'arrêtera au bout d'un instant, et le mécanicien sera ainsi averti qu'il faut visiter et remettre en état le distributeur. Des plombs fu- sibles de rechange, mis à la disposition du per- sonnel des voitures, pourront être très vite posés à la place de celui qui aura élé fondu. $8. — Voie. Au point de vue mécanique, la voie est absolu- ment quelconque. Le concessionnaire à employé P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE voie avec un plus ou moins grand nombre de fils zigzag réunit les 4 files de rail (fig. 17). Dans la simple voie, les connexions sont analogues mais le nombre et la section des fils courant parallèlement aux rails sont augmentés et, à chaque joint de rail, il y a deux ponts en cuivre au lieu d’un. Nous avons calculé la résistance d'une semblable | voie dans diverses hypothèses : voie sans aucun fil parallèle aux rails, ne comportant comme cuivre que les ponts sur les éclisses et les jonctions transversales réunissant 1/3 des ponts entre eux" parallèles au rail; voie avec les joints d'éclisse et d'entretoise HR mes conducteurs ; voie avec joints complètement défectueux, le évate ne passant de rail à rail que par les ponts en cuivre. Sans entrer dans le délail des calculs nous en donnerons les résultats principaux : En ajoutant un fil parallèle courant le long [4 À “= rails et ayant une seclion de 50 millimètres carrés diminue la résistance électrique que on ne Fig. 17. — Connexions Hein de l’ensemble de la voie. — Lesgros traits indiquent des pièces en acier entre lesquelles R, rails; E, éclisses: T, entretoises. — Les traits fins indiquent les fils de cuivre. On admet une bonne connexion électrique soit entre eux soit entre l’un d’e ES et le rail : fil courant le long d'un rail et soudé à un certain nombre de fils F; fil réunissant les quatre files de rails. Il existe en outre un fil joignant les rails à Fr distributeur (voir fig. 2 le si aboutissant au point Z); ce fil est généralement lié au fil F” la connexion électrique est supposée imparfaite : rails contigus; F', le Lype Broca ; il eût pu en employer un autre. Au point de vue électrique, la voie sert de con- ducteur de retour. Dans une ville comme Paris, il importe que la continuité soit parfailement assurée, le retour du courant ne devant, sauf quelques pertes négligeables, se produire que par les rails et non par la terre sous peine d’en- dommager les conduites de gaz, d'eau, etc. Les rails d'une même file sont reliés par des éclisses, et ceux d'une même voie sont reliés transversale- ment par des entreloises, mais ces jJonctions peuvent laisser à désirer au point de vue électrique à cause de l'oxydation des surfaces en contact. Aussi chaque paire d’éclisses (fig. 16) est doublée par un pont en fil de cuivre de 8 millimètres de diamètre réunissant les deux rails voisins et assemblé avec eux comme les plots de contact avec le fil de cuivre qui les unit deux à deux. Un fil de cuivre de même section suit l'un des rails inté- rieurs el est soudé avec un pont sur deux; il est réuni par un fil {ransversal avec 1/3 des ponts du rail intérieur de l'autre voie. En outre, au droit de chaque distributeur, un fil transversal posé en F, fil joignant deux fil réunissant deux voies; F',4 ë dans une proportion insensible (2 °/, environ En passant du cas des joints parfaitement conducteurs au cas des joints défectueux, la résis= lance se trouve presque doublée. Dans le cas qui nous occupe, en admettant une intensité Lotale de 300 ampères débilés par l'usine dans la direction de Paris, en admettant que les fuites de courant du rail dans le sol soient négli= geables relativement au courant tolal, on trouve; entre l'usine et la place de la République, un différence de potentiel de 4,0 ou 7°,5 suivant que les joints d’éclisses et d’entretoises sont bons 0 mauvais conducteurs. III. — CRITIQUE DU SYSTÈME. Il est difficile de faire une critique a priori nr | que l’expérience ait prononcé. Nous croyons, cependant utile de présenter les observations suggérées par l'étude détaillée que nous avons élé amené à faire de ce système. Il est bien entendu que nous parlons avant expérience et faisons; une fois pour Lloules, les réserves que comporte celle circonstance. Les avantages sont dès main- 4 P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE 943 tenant visibles et certains ; sur les défauts nous ne pouvons guère avoir que des craintes; il est bon néanmoins de les mettre en évidence aussi nettement que possible, en raison même de l’in- térèt qui s'attache au système et des perfectionne- ments auxquels on pourrait être conduit. C'est ce que nous ferons au risque d’être accusé de zèle exagéré dans le rôle ingrat d'avocat du diable. Nousserons d’ailleurs heureux de voir l'expérience retoucher les parties de notre tableau qui seraient trop poussées au noir. $S !. — Circulation générale: entretien de la chaussée ; aspect des voies publiques. A lous ces points de vue, le système étudié nous parait équivalent aux meilleurs des autres systèmes électriques, c’est-à-dire aux tramways à caniveau souterrain avec fente placée dans la gorge d’un des rails. Le bel aspect des voies pu- bliques est absolument respecté; et la présence des plots, déjà posés depuisplusieurs mois, n’ajoute qu'un infiniment petit aux inconvénients qu'offre tout tramway soit pour l'entretien des chaussées, soit pour la circulation générale; elle nous parail plus que compensée par l’absence de toute fente le long de la voie. Il faudrait seulement exiger que les plots avec leur enduit isolant aientexactement la largeur d'un pavé, ou, si c’est insuffisant, la largeur de deux pavés. Cette condition n’ayant pas été suffisamment bien observée, il en est résullé quelque gène dans l’appareillage des chaussées. Dans du pavage en bois posé directement sur béton, sans matelas de sable, il serait bon que le plot, y compris la couche isolante inférieure, ait même hauteur que le pavé. La trop grande hauteur donnée aux plots a obligé le constructeur à entailler le béton pour les encastrer; la dépense est augmentée et la solidité de la fondation diminuée, sans aucun avantage en compensation. Peut-être les frotteurs de la voiture, suivant tou- jours la mème piste, arriveront-ils à la longue, à scier le pavage. Il y aurait intérêt à pouvoir les déplacer latéralensent de quelques centimètres, ce que la largeur des plots permet de faire. $ 2. — Effet des pertes de courant dans le sol. Elles sont dues à l'emploi du rail comme conduc- teur de retour et à l’imperfection inévitable de son isolement, et ne sont nullement spéciales à ce sys- tème de tramway, bien d’autres employant encore le retour par les rails. Mais, dans le système à trolley aérien ou souterrain, c’est chose relative- ment facile que d'employer deux conducteurs sem- blables, un pour l'aller, l’autre pour le retour du courant. Au prix d’une légère complication et d'une légère augmentation de dépense, on sup- prime {out courant dans les rails el Lout danger d'électrolyse dans le sol. Avec le tramway que nous éludions ici, le retour par les rails, sans faire absolument partie inhérente du système, ne saurait être supprimé sans de fort grosses compli- cations. Il faudrait une deuxième rangée de plots afleurant au niveau du pavé, de nouvelles canali- salions pour les relier aux distributeurs ; ceux-ci devraient présenter en double une bonne partie des organes du distributeur actuel. Tout cela n’est pas impossible, mais parait pour le moment peu pratiqueetaugmenterait notablement les dépenses; aussi devons-nous regarder le retour par les rails comme une conséquence pratiquement obligatoire du système. Une première atténuation des effets nuisibles consisterait dans l'adoption du système dit à trois fils, le rail formant fil milieu. Si les voitures marchent à 500 volls, les génératrices devraient donner 1.000 volts et communiquer avec deux conducteurs isolés, l’un à + 500 volts, l’autre à — 500 volts; un pôle des dynamos motrices com- muniquerail pour une moitié des voitures avec le càble positif, pour l'autre moitié avec le câble négatif. Dans le cas extrême où les voitures ab- sorberaient la même intensité de courant et seraient régulièrement intercalées, le rail ne rece- vrait que sur de faibles longueurs un courant au plus égal à celui qui traverse une voiture, au lieu de recevoir en chaque point un courant égal à la somme de ceux qui traversent les voitures depuis le point considéré jusqu'au terminus. Avec la double voie, il suffirait de brancher sur le càäble positif les distributeurs de l’une des voies, sur le cäble négatif ceux de l’autre. Avec la simple voie il serait plus difficile, mais non impossible, de divi- ser la ligne en troncons alternativement branchés sur l’un ou l’autre câble. Dans tous les cas on au- rait à doubler le conducteur isolé ainsi que la force électro-motrice totale de l'usine et à modifier lerégime des machines. Dans un autre ordre d'idées, on peut allénuer les dangers d’électrolyse sans modifier le Lype de distribution adopté pour le tramway de Romain- ville. Le rail ne serait plus en communication di- recte avec la dynamo. De cette dernière, partirait un conducteur isolé communiquant avec les rails et des points convenablement déterminés par des branchements de résistance convenablement cal- culée. Le rail serait mis à la terre en un point con- venablement déterminé. Nous ne pouvons ici qu'indiquer la solution sans entrer dans le délail. Dans tous les cas, lorsque les rails servent de conducteur de retour, il faut assurer leur bonne conductibilité et leur bon isolement par rapport aux conduites pouvant être endommagées. 344 L’isolement se trouve naturellement favorisé par l'éloignement entre les rails et les conduites. Les premiers sont posés dans le milieu de la chaussée, les secondes en général sous trottoirs, les conduites de gaz posées en tranchée, les con- duites d’eau le plus souvent en égout. La fonda- tion en béton sur laquelle repose la voie, le pavage en bois là où il en existe augmentent encore cel isolement, Il avait été question un moment de placer sous trottoir un fil de cuivre supplémen- taire de 50 ou 100 millimètres de surface, relié aux rails de distance en distance. Cette mesure a été motivée par l'incertitude où l’on était sur la façon dont le premier fil de cuivre se comporterait au contact du mortier. Le constructeur songeait à le doubler par un autre fil placé simplement en terre et à l'abri des attaques du mortier, à supposer qu'il y ait là quelque danger de corrosion. Une pareille mesure aurait été mauvaise suivant nous et finalement on y a renoncé. Le fil aurait augmenté, dans une faible mesure (2 °/, environ), la conductance de la voie. Mais il mettait cette der- nière en communication électrique avec des points du sol très rapprochés des conduites, et spécia- lement des conduites de gaz. Dans l'intervalle il n'y avail plus ni béton, ni pavage en pierre ou en bois, mais simplement de la terre humide; le dan- ger de corrosion était fortement augmenté, à moins que le fil ne fût protégé mécaniquement et isolé électriquement, c’est-à-dire remplacé par un càble armé. La dépense eût été hors de proportion avec les bénéfices à espérer. La conductance de la voie est assurée, comme nous avons vu plus haut, par un fil courant paral- lèlement aux rails, par des ponts en cuivre sur les joints d'éclisse et par quelques jonctions {rans- versales entre les points des diverses files de rail. Dans le cas le plus défavorable, on arrive à une différence de potentiel de près de 8 volts entre l'usine et l'extrémité de la ligne. Avec des lignes plus longues, on dépasserait les limites admis- sibles. Le fil courant à côté des rails n’augmente pas sensiblement la conductance de l’ensemble. Pour qu'il ait un effet sensible, il faudrait que la section soit comparable à celle des rails. À con- ductance égale, le cuivre a une section sept fois plus faible que le fer, mais le prix par mètre courant diffère peu. Il est dès lors aussi avantageux d'augmenter la section des rails et de donner en même temps à la voie un supplément de résis- lance qui n’est jamais nuisible. .. Par contre, toute l’attention doit se porter sur les joints électriques de rail à rail. Avec le sys- tème adopté, un pont a sensiblement la même résistance qu'un rail; prenons-la pour unité. Dans le cas défavorable où les jonctions fer contre P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE fer sont absolument défeclueuses au point de vue électrique, le courant doit franchir successivement, en série, la résistance du rail et celle du pont, soit au total une résistance égale à 2. Si la résis- tance du pont est réduite à 1/2, 1/3, 1/4, la résis- tance totale sera réduite à 1 ee 1 + = 1 + : Cette diminution peut s’obtenir sans grands frais en augmentant soit le nombre de ponts pour un même joint, soit la section du pont, en diminuant la longueur de ce pont entre les points d'attache sur le rail. Dans les parties en simple voie, où la conductance de la ligne est réduite de moilié, on a | établi deux ponts à chaque joint de rail. C’est, à : notre avis, dans cet ordre d'idées qu'il y a à cher cher des perfectionnements. Rappelons enfin que toute augmentation de | voltage dans la distribution entraine, à égalité Ÿ d'énergie dépensée, une diminution du courant et par suite une diminution de la différence de potentiel entre deux points du rail. Elle ne peut à donc que diminuer les dangers d’électrolyse dans le sol. Nous avons à signaler le rôle spécial de Ia canalisation en fonte qui sert à loger les fils des plots, court parallèlement aux rails et se ramifie transversalement vers les distributeurs. Les tramways à trolley souterrain ou aérien n’offrent M rien d’analogue. Malgré le goudron qui couvre les tuyaux et les anneaux de caoutchouc qui ferment les joints, la canalisation forme un conducteur plus ou moins parfait. Elle passe à très peu dem distance sous les entretoises et, par elles, peut. être en communication avec les rails. Suivant le cas, son rôle pourra être ulile ou nuisible. Si l'isolement du rail est du même ordre de grandeur par rapport à la canalisation et par rapport aux points attaquables, conduites de gaz, etc., la canalisation fonctionnera comme un drain, cap= tera les fuites de courant échappées du rail eb protégera les points attaquables ; sa section étant grande par rapport au courant qu’elle aura débiter, le potentiel sera sensiblement nul sur toute la longueur. Au contraire, si le rail et lan canalisation sont mal isolés l’un de l’autre, le potentiel sera sensiblement le même sur l’un et sur l’autre. L'augmentation de la section totale contribuera à l’abaisser, mais, par les branche- ments transversaux, ce potentiel sera transmis aux boites de distributeurs, c’est-à-dire en des points voisins des conduites attaquables et séparés d'elles seulement par une faible épaisseur de terre humide; les corrosions seront facilitées. Al est difficile de prédire entre ces deux effets con= traires, lequel l’'emportera. Tout ce que nous pou= vons dire pour le moment, c’est que, dans des P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE 349 cas semblables, il faut veiller au bon isolement de la canalisalion par rapport aux entreloises et aux rails, isoler autant que possible les boiles de dis- tributeurs et les parties transversales de la cana- lisation par rapport à la partie longitudinale, assurer, au contraire, une bonne communication électrique entre les tuyaux posés longitudinale- ment dans la voie. Pour ne rien omettre, nous devonsencore signa- ler la possibilité d'un court-circuit entre les plots et les rails, soil par la chute d’un corps conduc- teur touchant l’un et l’autre, soit par suite de l'existence d'une épaisse couche de boue ou de neige salée. Il ne peut y avoir d'effet fâcheux que si le fait se produit au moment où le plot est lui- même électrisé, c'est-à-dire pendant des inter- valles de temps très courts. Le courant supplé- mentaire qui pourrait être ainsi lancé dans les rails, esl limité par le plomb fusible situé entre le distributeur et le cäble d'amenée. Il pourra être égal, par exemple, à cinq fois le courant maximum que peuvent absorber les moteurs d'une voiture, mais ne sera jamais qu'une faible fraction du cou- rant {otalmaximum qui cireule normalement dans les rails. L'élévation du potentiel dans ces derniers cas et, par suite, l’augmentation des risques de cor- rosion nous paraissent négligeables. S 3. — Fonctionnement du système. Au point de vue de la marche régulière du tramway,nous n'avons aucune observation spéciale à présenter sur l’usine génératrice, sur les moteurs des voitures, sur les conducteurs d’amenée, sur le retour du courant par les rails. Les courts-cireuits entre les plots et les rails paraissent devoir être trop rares el trop peu imporlants pour compro- mettre la marche du tramway. En admettant que tous les mécanismes et con- lacts fonctionnent régulièrement, la marche régu- ière pourra être troublée si une voiture s'engage Sur une section de voie (portion commandée par un même distributeur) occupée par une autre voi- ture. Elle ne trouvera pas les balais du distribu- leur dans la posilion dé répos el, par suite, né recevra pas de courant. Lorsque les balais revien- dront à la position du repos, la voiture, en vertu de la vitesse acquise, aura dépassé les plots cor- respondants et ne recevra toujours pas de courant. Le block-système aulomalique, gage de sécurité pour les chemins de fer à grande vitesse, n'a pas ici d'utilité. 1 n'augmente pas la gène inhérente à la simple voie, mais ne peut que nuire à la facile exploitation d'un tramway à double voie et à dé- parts fréquents. L'itinéraire théorique, qui com- porte en chaque point de la ligne des passages ré- gulièrement espacés, ne peut être suivi qu’à peu REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. près, et il n’est pas rare de voir deux ou trois voi- tures se lrouver immédiatement l'une devant l’autre, quoique parties à quelques minutes d'in- tervalle. Avec le système Claret, ces voitures de- vraient s'arrêter à 400 mètres l’une de l’autre. Il \ a là, pour une exploilation intensive comme doit l'être celle d'un tramway parisien, une cause de gène spéciale au système, et nécessitant l'at- tention du mécanicien. En cas de fausse ma- nœuvre, celui-ci devra aller remettre les balais du distributeur sur la touche correspondant au plot sur lequel se trouve la voiture. Sur la ligne qui vient d'être construite, l'inconvénient parait peu redoutable. Les besoins du public ne nécessiteront pas de départs trop fréquents, et la circulation générale n’est pas assez intense pour occasionner trop souvent des arrêts ou ralentissements du tramway. Mais nous aurions des craintes assez sérieuses, le jour où l’on voudrait établir ce sys- tème en plein cœur de Paris, sur des voies telles que la rue de Rivoli, le boulevard Sébastopol ou la rue de Turbigo. On a songé, pour ce cas, à ré- duire la longueur des sections et à augmenter le nombre des distributeurs. La construction serait plus coûteuse et plus compliquée. Néanmoins, pour les voies très fréquentées, nous conseillerions volontiers cette modification. Le bon fonctionnement du tramway exige une marche absolument correcte des nombreux dis- tributeurs échelonnés le long de la ligne. Avec une vitesse de 12 kilomètres à l'heure ou 330 par seconde, l'espace de 5 mètres séparant les parties correspondantes de deux doubles plots voisins sera franchi en 1”,5. Les mouvements du distributeur devront se succéder à des intervalles de temps de 1”,5. Un arrêt, un simple retard, un contact qui rate, interrompent la marche du tramway, et le mécanicien est, Loul au moins, obligé de venir à la main rectifier la position du distributeur. À Lyon, le nombre d'interruptions dues à ce motif a été infime, mais les distributeurs n'ont élé que quelques mois gg service, et l'on n est pas sûr de ce qui en adviendra après plu- sians anvées, En toul cas, on doit avoir en maga- sin quelques distributeuts (le réserve, le plus près possible de la ligne, et, s’il survient une avarie. un distributeur peut être enlevé et remplacé en quel- ques minutes. Du distributeur aux plots, nous avons des fils isolés au caoutchouc et posés les uns à côté des autres dans la conduite en fonte. Ils v sont assez au large pour qu'on puisse tirer facilement l’un d’entre eux, après avoir toutefois démonté le pa- vage au-dessous des tubulures pour ouvrir les petits regards, Ce sera toujours là une manœuvre peu commode; le remplacement ou la réparation 7" 346 P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE d’un fil interrompront-le service pendant plu- sieurs heures. Les réparations seront-elles fré- quentes? Comment se comporteront à la longue ces fils qui restent au contact de l’air et de l'hu- midité dans la conduite et qui ne seront jamais visités qu’en cas d’'avarie ? Entre la conduite et les plots, les conducteurs noyés dans le mastic isolant, pris lui-même dans le béton, sont complètement à l’abri de l'air et de l'humidité et paraissent plus en sûreté. Par contre, si une avarie se produit, elle sera plus longue à réparer, nécessitant le dépavage sur Loule la lon- gueur du conducteur. L'assemblage des fils avec les plots, une fois bien exécuté etnoyé dans le massif isolant, parait à l'abri des accidents ; mais s'il s’en produit, les réparations seront encore longues et inlerrom- pront pendant plusieurs heures le service du tram- Way. Le contact des plots avec les froiteurs de la voi- ture est un des points délicats, et ici, nous nous trouvons dans des conditions différentes de Lyon, {ant par la forme des plots que par la nature du pavage qui les entoure, pierre ou bois tour à tour au lieu du bois exclusivement employé à Lyon. Le pavage en pierre donne une surface bien moins ré- gulière, et les frotteurs de la voiture devront être particulièrement souples pour s'appliquer malgré tout surdes plots aussi étroits. La boue desséchée, les feuilles d'arbre, des morceaux de papier Lom- bés sur le plot, elc., pourront faire manquer le contact. La voiture, en vertu de la vitesse acquise, continuera à avancer sans que le distributeur la suive; et, une fois arrêlée, ne pourra plus être remise en marche que si le mécanicien va à la main rectifier la position de ce distributeur. En résumé, nous sommes exposés à deux sortes d'accidents pouvant troubler l'exploitation : 4° Arrêt ou ralentissement du distributeur, con- tact raté sur le distributeur ou sur les plois,arrivée d’une voiture sur une section déjà occupée. Tous ces menus incidents ne peuvent interrompre que la marche d'une voiture pendant quelques minu- tes. On peut éviter certains d’entre eux en visitant soigneusement le distributeur pendant les heures de nuit où le tramway est arrêté. Une avarie grave survenant à un distributeur n'aurait même pas de conséquences trop fâächeuses si l’on a à portée un distributeur de rechange. | 2° Avarie aux fils de distribution entre le distri- buteur et les plots, destruction de l’isolant qui les sépare, mauvais contacts aux points de jonc- tion. Aucune visite préalable ne permet de prévoir ct prévenir de semblables avaries. Elles seront rares, mais interrompront complètement la cir- culation de toutes les voitures de tramway en ce point. La réparalion, comportant dépavage et repavage, exigera plusieurs heures, sinon davan- M lage. Ë $ 4. — Prix de revient. Nous ne nous hasarderons pas à donner ici des chiffres. Que nous examinions la partie élec- trique seule ou l’ensemble de la ligne, bien des circonstances particulières ont contribué à mo- difier le prix de premier élablissement, et ce prix, füt-il exactement connu, ne saurait servir d'exemple. Même après l'expérience de Lyon, nous sommes encore à un début, el, toutes choses égales d’ailleurs, pour une nouvelle ligne on n’au- rait plus à constater les incertitudes, les Lätonne- ments inévitables pour la ligne de Romainville et se traduisant par une augmentalion de dépense, Enfin, quelle que soit l'expérience du construc- teur, la situation de la chaussée sur laquelle il vient s'établir influe dans une large mesure Sur le prix de revient, aussi bien pour la partie pure- ment électrique que pour la voie proprement dite. Nous pouvons en donner un exemple. Avenue (Grambetla, on se trouvait sur du pavage ÿ en pierre, dans un état passable,simplement fondé: sur sable. Le concessionnaire a pris à sa charge le dépavage, la fondation en béton, le repavage avec fourniture de quelques pavés neufs pour parer aux déchets ; mais, faisant son bélon à neuf, il a pu, en le coulant, ménager le logement des canalisations | en fonte. — Avenue de la République, le pavage en bois était fait avec sa fondation de béton. Les. pavés en bois se prèlant mal à un réemploi, sur- tout dans une voie de tramway où la chaussée doit ètre particulièrement soignée, le concession= naire a dû payer le dépavage et repavage en pavés neufs pour toute la zone occupée par les voies; sauf déduction de la valeur des vieux pavés esti= més au 1/3 du prix du neuf. Il a profité de la fondation en béton, mais a dù l’entailler au pic pour y loger soit la canalisation en fonte, soit l’extré= milé inférieure des rails, et cette main-d'œuvre est assez onéreuse. — Sur la même avenue, si le con- cessionnaire s’élait présenté deux ans plus tôt, il se trouvaiten présence d’un pavage provisoire en pierre, la Ville ayant décidé mais non encore exé- cuté le pavage en bois. Dans ces conditions, il bé= néficiait des travaux que la Ville allait faire, pou= vait ménager en coulant le béton tous les loge ments qui lui élaient nécessaires el n'avait à payeL finalement qu'une légère plus-value, la différence de prix de revient entrela chaussée simple proje-. tée par la Ville et la construction avec les sujélionss spéciales dues au tramway et à ses accessoires. — Sur une chaussée empierrée ou grossièrement, pavée, et où aucun travail d'amélioration ne serait PS SUR P. LAURIOL — UN NOUVEAU MODE DE TRACTION ÉLECTRIQUE projeté, un tramway d’un Lype quelconque pour- rail passer sans grosses modifications. Le tramway Claret exige au contraire une chaussée assez unie dont il devra payer entièrement les frais, sauf les subventions qui pourraient lui être gracieusement accordées en raison de l'amélioration des routes ou rues. Pour les motifs que nous venons d'indiquer, et dont l’effel est bien plus sensible avec le type Claret qu'avec les autres Lypes, il pourra y avoir dans le prix de construction des variations atteignant 80 francs par mètre courant de double voie. Nous pouvons en résumé dire une seule chose, c’est que le prix doit s'approcher du prix d'un tramway à fil aérien de construction soignée tel que ceux du Havre, Marseille, etc., mais rester en dessus. Il doit être notablement inférieur au prix d'un tramway à conducteur souterrain. Le rendement et les frais d'exploitation doivent être sensiblement les mêmes pour le tramway Claret-Vuilleumier que pour le tramway à conduc- teur aérien ou souterrain. $ 5. — Résumé et conclusions. Là où le tramway à fil aérien est admissible et où la question d'esthétique peut être mise de côté, le système Claret-Vuilleumier ne nous parait pas un concurrent redoutable. Plus coûteux, difficile à éta- - blir surtout dans une chaussée empierrée ou gros- sièrement pavée, el plus sujet à interruption, il ne peut guère évincer son rival plus rustique. Mais rien n'empécherait les deux systèmes de vivre en bonne intelligence, de s’alimenter à la même usine cen- trale, et de s'établir sur les deux tronçons d'une mème ligne où les exigences ne seraient pas les mêmes. La même voiture avec le même moteur pourrait servir; il suflirait qu’elle fût munie de frotteurs de chaque type entrant en action à volonté. Dans les villes importantes, les intransigeants, en fait d'esthétique, veulent bannir rigoureuse- ment le fil aérien ; nous sommes absolument de leur avis, notamment pour Paris qui, jusqu'ici, a fort sagement confiné sous terre toutes les cana- 347 lisalions électriques grandes ou petites, fils télé- graphiques, téléphoniques ou cäbles pouréclairage et transport de force. Nous nous trouvons donc em présence de deux systèmes : 1° le tramway Claret- Vuilleumier, 2° le tramway à caniveau fendu et fil souterrain. Ce dernier se présente sous bien des formes; certaines ont fait leurs preuves et se sont montrées tout à fait satisfaisantes tant au point de vue du tramway proprement dit qu’au point de vue de la circulation générale, entretien de la chaussée, etc. Le système nouveau qui vient leur faire concurrence nous parait présenter les avan- tages ou désavantages suivants : Equivalence au point de vue du coup d'œil : Equivalence comme rendement mécanique ; Equivalence comme facilité d'exploitation de l'usine centrale ; Prix de revient moindre ; Sujétion moindre comme entretien ; pas de ea- niveau à visiter régulièrement et à nettoyer; Interruptions et réparations plus fréquentes, ou au moins aussi fréquentes en admettant les ré- sultats de l'expérience aussi favorables que pos- sible. Obligation à peu près absolue de conserver le retour par les rails, et par suite augmen- tation des chances de corrosion par électrolyse sur les conduites de gaz et autres ; Supériorité au point de vue de la circulation gé- nérale et de la conservation de la chaussée par suite de l’absence de toute rainure. En résumé, nous avons devant nous un système qui présente un très grand intérêt comme tram- way urbain. De notre mieux nous avons tâché d'en mettre en évidence les bons et mauvais côtés, indiquant sans les résoudre les questions que l'expérience seule peut résoudre. Une grosse épreuve va être tentée. Tous ceux qui s'intéressent au problème de la locomotion mécanique dans les grandes villes feront bien de la suivre. P. Lauriol, [ugénieur des Ponts et Chaussées attaché au Service municipal de Paris. D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE 613 L'Hygiène est une science si complexe qu'il est impossible de songer dans une revue annuelle à rapporter toutes les découvertes qui intéressent celte science appliquée, et nous avons cru devoir nous borner à résumer les travaux parus depuis deux ou trois ans sur cerlaines questions primor- diales. Nous avons négligé intentionnellement trois points fort importants, mais qui ont été ou seront lrailés avec plus de développement dans la Aevue : la sérumthérapie el l’imimunité, l’alcoolisme, l'hy- giène industrielle et administralive. AREA UE $ 1. — Purification spontanée des eaux. La question de l'eau est toujours dominante en hygiène, soit qu'il s'agisse d'obtenir pour l’alimen- lation une eau potable, ou bien encore de préser- ver de la contamination les cours d’eau qui pas- sent à proximité des aggloméralions humaines. On eoncoit facilement qu'il ne s’agit d'ailleurs que des deux faces d’un même problème. Il est inäiscutable que toute rivière, après un certain trajet, a forcé- mentélé polluée, et cependant les micro-organismes ne vont pas en augmentant progressivement de la source à l'embouchure. La purification spontanée des eaux des fleuves est un fail bien acquis et la Revue a déjà signalé les observations intéres- santes qui ont été failes sur ce sujet par Pel- ienkoffer, etc. !. Néanmoins les travaux récents sur cette question nous forcent à y revenir. Signalons lout d'abord sur ce sujet une excellente revue eritique de M. Duclaux *. Le fait entrevu par Pet- lenkoffer reste indéniable, mais le mécanisme même de la purification est loin d'être bien élucidé. Il est évident que des facteurs mulliples entrent en jeu : action chimique, par précipitation succes- sive, suivant le mélange d'eaux différemment chargées en sels et en gaz, et entrainement méca- nique des bactéries; actions biologiques, — la lutte entre les microbes amenant la destruction d’un gertain nombre d’entre eux; enfin et surtout l’oxy- dation des matières organiques en suspension dans eau. Mais, de tous les agents, celui qui aujourd’hui parait le plus puissant, c'est la lumière. Nous n'insisterons pas sur ce phénomène qui & fait l’objet d’un travail spécial dans cette Revue”. 1 Voy. Revue générale des Sciences, 1591, p. 183. 2 E. Ducraux: La purification spontanée des eaux des fleuves (Annales de l'Institut Pasteur, février et mars 1894) 3 Lepoux-LEBaArp: L'action de la lumière sur les microbes. Revue générale des Sciences, 1894, p. 446. REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE Nous devons cependant signaler quelques re- cherches nouvelles sur cette question. C’est ainsi que Frankland', tout en admettant le rôle de la lu- mière, a remarqué que l’action stérilisante de la lumière solaire cesse à une profondeur de quel- ques centimètres. Kruse ?, qui déclare à la fin de son mémoire que la lumière est l'agent de désinfection le plus puissant et le plus généralisé (universaliste), convient cependant que plus un milieu est riche en germes, moins les effets bactéricides de l’insola- tion y sont rapides. Pour expliquer l’action bactéricide, Richardson, Dieudonné *, -R. d'Arcy et Hardy * admettent la production de bioxyde d'hydrogène à la surface des milieux insolés, et on connaît la valeur anti- seplique de ce corps. Dans un travail d'ensemble, Arnouldÿ a bien exposé l’état actuel de celle queslion ; nous devons signaler encore un mé- moire de Piazza © qui confirme les recherches de Roux et Yersin sur l'action alténuante de la lu- mière sur la toxine diphtérique au contact de l'air, et montre, en outre, que cette aclion est due essen- tiellement aux rayons extrêmes du spectre. $. 2. —- Service des eaux. La dernière épidémie de fièvre typhoïde à Paris a appelé de nouveau l'attention sur le mode de captage des eaux de la Vanne *. Or, il résulte d'un simple examen des conditions dans lesquelles se font les prises d’eau, que nous ne pouvons nulle- ment compter sur la pureté des eaux amenées à Paris. Les eaux de la Vanne proviennent, en effet, d'une double origine. Certaines sources sont cap- tées à des étages différents, sur la rive gauche de la vallée de la Vanne, sur un trajet de 25 à 30 kilo- mètres, et sont recueillies dans deux collecteurs reliés entre eux par des siphons. Ce captage parait être fait dans de bonnes conditions. Malheureu- 1 FRANKLAND : On the conditions affecling bacterial life in Thames water. Proced. of the R. S., n° 345, 1895 et Revue générale des Sciences, 1895, p. 764. ? Kruse: Ueber die hygienische Bedeutung des Lichtes: Zeitsch. f. Hyg., 1895, fas. 2. 3 Dreuponné: Ueber die Bedeutung des H?20? fur die bactez rientüdtende Kraft des Lichtes. Arbeil. der Kais. Gesund= heilsamte, (894. p. 537. 4 D'Arcy et Harpy : Note on the oxydising power of dif= ferents regions of the spectrum in relation to the bactericidal action of light. Journal of Pathol., 1894. 5 ArnouLn: De l’action de la lumière sur les animaux: Revue d'Hygiène, juin et juillet 4895. 6 Prazza : Influenza della luce sulla tossina difterica. Annali d'Igiene sperimentale, 1895, p. 571. 7 Vauun: Epid. de fièvre typhoïde à Paris. Rev. d'Hygiène; 20 avril 1894. RL CE RS LT EE D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE sement les ingénieurs chargés d'amener les eaux à Paris, voulant augmenter la quantité de liquide, ont cru devoir uliliser l'eau qui apparaissait en nappe peu épaisse, mal délimitée, dans le voisi- nage de l'aqueduc. L'Administralion admil que ces eaux pouvaient équivaloir à de l’eau de source, qu'elles n'élaient point le résultat d'infillrations venant de la surface du sol, et qu’elles avaient parcouru dans les terrains un chemin suflisant pour assurer leur purification; en conséquence elle décida de les utiliser. Toutefois le mélange de ces eaux de double origine ne se fait pas immé- diatement ; elles sont recueillies dans des canaux de drainage spéciaux qui les conduisent aux réservoirs des machines elévaloires ; mais ià elles sont remontées et refoulées dans l’aqueduc col- lecteur. On voit le point défectueux du système. Déjà, du temps de Belgrand, on avait suspecté ces eaux. . L'épaisseur du fillre terrestre qu'elles doivent traverser est peut-être absolument insuflisante, et les dernières recherches tendent à démontrer qu'il en est ainsi. M. Miquel, en faisant l'analyse bactériologique des eaux de la Vanne, a montré les variations considérables que ces eaux présentent en richesse bactérienne (50 bactéries par centimètre cube le 15 janvier 1894, 3.200 le 23 janvier). Depuis cette époque, l’eau des appareils de drainage n'étant plus envoyée dans le collecteur, le nombre des bactéries est tombé à moins de 1.000. Les considéralions théoriques, confirmées par les analyses bactériologiques, tendent done à établir que le service auxiliaire de captlation des eaux de la Vanne est loin de présenter les garanties néces- saires. Il y à eu, en un mot, erreur grave dans ce travail de prise d'eau. Si le lecteur veut bien se rappeler que l’année dernière, en avril et en mai, on notait quatre cas de fièvre tvphoïde, suivis de deux décès, dans la commune de Rigny, — préci- sément à proximité des terrains drainés, — il lui paraitra diflicile de ne pas penser à une corréla- tion entre cette épidémie, suivie d’un été très sec, et la contamination des eaux de la Vanne après la foute des neiges en janvier 1894. La loi du 28 juillet comprend, dans un crédit de 117 millions, 50 millions pour l’achèvement de la distribution d’eau, y compris les travaux de déri- vation des eaux du Loing et du Lunain à Paris. Depuis longtemps déjà, les sources situées entre Nemours et Moret avaient été achetées par la Ville de Paris, mais on avait dû, par suite des néces- sités budgétaires, retarder les travaux de captage et d’adduction, les sommes disponibles des em- prunts précédents élant ulilisées pour l'adduction 249 110.000 mètres cubes d’eau pure: lout fait es- pérer que, dans deux ans, viendront s'ajouter les 91.000 mètres cubes du Loing et du Lunain. Ces eaux sortent de la craie blanche, après avoir élé recueillies par des terrains tertiaires ; aussi leur litre hydrolimétrique est-il très bon : 20 à 22. Elles doivent arriver à Paris à la même hau- teur que celles de la Vanne, c’est-à-dire que leur réservoir sera placé à 80 mèlres au-dessus de KR mer. Ur, pour l'Avre, on avait ce grand avantage que, les sources de Verneuil étant situées sur ur plateau assez élevé, il n’y avait qu'à utiliser les lois de la pesanteur pour les réunir dans le réser- voir de Montretoul ; alors que, pour le Loing, dont les sources ne sont situées qu'à 55 mètres d'alti- tude, ii est nécessaire d'utiliser des machines éléva- toires. Toutefois, les différentes sources étant à des alliludes différentes, on pourra uliliser les plus hautes pour élever au moyen de turbines les eaux inférieures et concentrer toutes ces eaux à une allitude de 57 mètres. Une machine à vapeur de 320 chevaux les prendra alors pour les élever à 92 mètres, niveaa de l’aqueduc de la Vanne, qui se trouve à quatre kilomètres environ de ces sources. Les deux aque- ducs, celui de la Vanne et celui du Loing, seront placés l’un à côté de l'autre pendant une partie des 75 kilomètres du trajet. On renonce en effet à la construction des arcades comme celles qui per- mettent la traversée de la vallée de la Bièvre, et partout le système des siphons en tôle d'acier, déjà utilisé dans les travaux d’adduction de l’Avre, remplacera les ouvrages à découvert pour le pas- sage des dépressions du sol. L’aqueduc est construit avec une section de 2758, ce qui lui permet de livrer passage à 180.000 mètres cubes d’eau par jour, alors que le débit des sources captées ne dépasse pas 50.000 mètres. Mais fl faut prévoir que d’autres prises d’eau seront néces- saires et, en cas d'accident de l’aqueduc de la Vanne, on pourrait utiliser la nouvelle voie. Le projet de M. Humblot, directeur du Service des Eaux de la Ville, comporte une dépense totale de 25 millions, dans lesquels il faut faire entrer > millions d’exproprialions et d'indemnilés aux usines qui pourraient souffrir de la dérivation. Mais, dans le cas des eaux du Loing et du Lunain, ce préjudice esl beaucoup moins considérable que lorsqu'il s'agissait d'enlever 110.000 mètres cubes d'eau à la petite rivière industrielle de l’Avre, qui fait marcher un grand nombre de tréfileries. On peut constater, d’ailleurs, que l'agitation qui avait signalé les premiers travaux autour de Verneuil ne parait pas devoir se reproduire dans les envt- rons de Nemours. Du reste, grâce aux sages dispo- des eaux de l’Avre. Déjà, l’Avre envoie à Paris ses ! silions prises par le Parlement, conformément à 390 D: P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE fa proposition Gadaud, les populations riveraines | qu'ici, par plusieurs Compagnies particulières, et M de l’Avre semblent n'avoir point eu à se plaindre. Les agglomérations formées autour de Paris, et qui vont en s’accroissant sans cesse, se trouvent également fort embarrassées pour se procurer de Veau potable. Renoncçant à la captalion et à l’ad- duction d'eau de sources qui sont pour ainsi dire monopolisées par la Capitale, le Conseil général de la Seine avait conclu avec la Compagnie géné- rale des Eaux une convention pour la distribution de l'eau de la Seine, rendue inoffensive par le sys- tème Anderson, à toutes les communes du dépar- tement de la Seine, à l'exception de Saint-Denis. Pour des raisons que nous ne connaissons pas, celte ville a refusé jusqu'ici d'adhérer à la con- xention. Le système Anderson qu’on va appliquer a déjà élé utilisé avec succès à Anvers et à Lon- dres : il repose sur le pouvoir purificateur du fer à l'état spongieux ; pour obtenir un mélange intime, un brassage énergique, l’eau passe dans des cylindres tournants renfermant la masse fer- rugineuse. Ces revolvers sont actionnés par des lurbines de faible énergie; car il suffit d’une force relativement très minime pour obtenir la rotation irès lente (un demi-tour par minute) des purifica- ieurs rotatifs. Du revolver l’eau passe dans une série de bassins de décantation où elle dépose le fer en excès el les matériaux qu'elle tenait en sus- pension, puis elle se rend à des filtres de sable. Les filtres, installés par la Revolving Purifer C’, d'accord avec la Compagnie générale des Eaux, à Boulogne-sur-Seine, sont au nombre de trois, ayant chacun 71 mètres carrés de superficie. Deux sont en activilé pendant que le troisième est en nettoyage. Ces filtres sont constitués par des lits de gravier et de sable de 0",45 d'épaisseur. Les filtres fonctionnent depuis le 20 juillet 1893 ; si la stérilisation n'y est pas absolue,elle est au moins très satisfaisante, puisque le nombre des mi- erobes tombe de 18.000 à 50. Nous croyons qu'il est prudent cependant d'admettre ce chiffre comme an minimum rarement oblenu. Enfin, en avril dernier (1895), le Conseil muni- eipal a décidé la construction, à l'usine de Saint- Maur, de grands bassins de décantation et de fil- tation, pouvant produire 20.000 mètres cubes, par jour, d’eau potable, puisés dans la Marne. C’est l'application du système suivi à Berlin età Londres, el qui, jusqu'ici, avait élé rejeté, comme insufli- sant, par nos ingénieurs. Comme Paris, et plus encore peut-être que lui, Londres éprouve de grandes difficultés à assurer lalimentalion en eau de son immense population !! -Le service des eaux de Londres est fait, jus- * The Water supply, Sanilary Record, 2 août 1895. il donne lieu à de nombreuses réclamations. Aussi le London County Council est-il sur le point d’expro- prier ces diverses Compagnies pour administrer directement cet important service. Toutefois c’est là une transformation considérable, et les avis sont très partagés sur cette mise en régie, mais on peut constater, par contre, l'opinion unanime en ce qui concerne l'augmentation de la quantité d’eau à distribuer dans la grande métropole. La Commis- sion royale instituée récemment conclut à la né- cessité de porter de 645.000 mètres cubes, chiffre actuel, à 1.550.000 mètres cubes, l'amenée d’eau quotidienne pour 1931. Les Compagnies concessionnaires ont proposé de prendre 1.130.000 mètres cubes à la Tamise, pour réaliser le chiffre demandé. Mais la Commis- sion royale considère comme impossible la filtra- tion d’une telle masse d’eau, filtration d’autant plus nécessaire et difficile, que la vallée de la Ta- mise ayant, ou devant avoir bientôt une popula- tion supérieure à { million, les eaux sont déjà très polluées. Les grandes villes anglaises renoncent presque toutes à purifier l'eau des rivières, et vont cher- cher l'eau non contaminée : Manchester à Thi- merle; Liverpool au lac Vyrmoy; Birmingham dans le Wales, etc. La Commission londonienne, composée de MM. Binnic, ingénieur du County Council, Seymour, Rumble, Hassard et Dacon, s'est arrêtée à un gigantesque projet. Les dépenses prévues atteignent 950 millions. Il s’agit d'amener à Londres l’eau du South Wales: il serait facile de capter dans cette région les eaux de l’Usk, de l'Urfon, de l'Edw, de l’Ithon et de la Wye. La formation géologique de la contrée, la disposition des vallées permettraient d’établir fa= cidement des barrages, et de constituer ainsi des réserves pouvant fournir 4.564.000 mètres cubes: Deux aquedues principaux, d'une longueur respec- tive de 150 et 170 milles, amèneraient cette masse d’eau, l’un au sud, l’autre au nord de la métro= pole. C’est pendant la session de 1897 que le bill doit être présenté au Parlement. Jamais un tel travai n’a encore été proposé, mais il suflit de connaitre le développement prodigieux de Londres, la quan lité d’eau que l'hygiène réclame, pour justifier un projet de cette envergure. $ 3. — Purification artificielle des eaux. La difficulté, toujours plus grande, de s’appro- visionner directement à des sources explique les. tentatives faites pour utiliser les eaux de rivière. Quelques travaux intéressants ont paru sur cette question. D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE 351 Moritz Traube ! préconise le chlorure de chaux, qui, à la dose de 0 gr. 00043 par litre, suffirait à sté- riliser, après un contact de deux heures, un litre d’eauriche en bactéries. En versant cette eau sur des milieux nutritifs, il n’a obtenu aucune culture. Cette eau renferme un excès de chlore qu'il faut neutra- liser. Ilsuffit alors d'ajouter 0 gr. 0002 de sulfite de soude, qui, après un contact prolongé, se trans- forme en sulfate de soude; mais la quantité ainsi formée, — moins de 4 milligramme par litre, — ne saurait être reconnaissable au goût. On voit que, pour stériliser un million de mètres cubes, il suffirait de 85 quintaux de chlorure de chaux et 40 de sulfite de soude. Ces produits étant très bon marché, la stérilisation du mètre cube d’eau serait très économique. Traube prenait de _ l’eau additionnée de jus de viande en putréfaction ’ depuis huit jours; cette eau présentait une richesse de 0,2 en matière organique par litre. Le traite- ment par le chlorure de chaux et le sulfite de soude ne modifiait pas la teneur en matière orga- nique, bien que détruisant les bactéries. Ces recherches présentent un réel intérêt : elles auraient cependant besoin, en raison même de leur importance, d'être reprises avec de nom- breuses expériences. Ainsi, Traube n'a pas pour- suivi ses recherches avec les bactéries pathogènes. Bien qu’« priori on puisse admetire qu'un procédé qui arrête tout développement dans une eau ren- fermant les micro-organismes de la putréfaction doit agir aussi efficacement sur le bacille typhique ou le bacille virgule, il élait fort intéressant de le démontrer. Or Sickenberger et Kaufmann ont montré que l'on pouvait, au moyen de l'hypochlorure de soude, détruire le vibrion cholérique en suspension dans les eaux du Nil. Bassenge ?, après avoir constaté que le bacille virgule était tué en cinq minules, en versant 10 centimètres cubes par litre d'une solu- tien de chlorure de chaux au centième, a reconnu ensuite qu'il fallait une dose triple pour le bacille typhique : il conseille de substituer le bisulfite de chaux au bisulfite de potasse recommandé par Traube. Comme méthode pratique de stérilisation, Bassenge indique ce procédé très simple : verser dans cinq litres d’eau une pincée de chlorure de chaux en poudre, agiter, attendre 15 minutes, puis verser goutte à goulte une solution de bisul- fite de chaux jusqu’au moment où le goût et l'o- dorat ne font plus sentir le chlore. Le permanganate de potasse, préconisé par M'° Schipiloff, et le permanganate de chaux, pro- 1 Morirz Trau&e : Einfaches Verfahren Wasser in grossen Mengen keimfrei zu machen. Zeilsch f. Hygiene, 1894, p.149. 2? Bassece : Zur Herstellung keimfreien Trinkwasser durch Chlorkalk. Zeifsch. f. Hygiene, 1895, p. 227. posé par Bordas et Girard, constituent peut-être les meilleurs stérilisateurs de l’eau. Dans un article de la Presse Médicale (4 mai 1895), nous recommandions son utilisation pour les (roupes en campagne. Outre, en effet, son action bactéricide intense, ce sel agit encore puissamment sur les alcaloïdes, les toxines qui peuvent être contenus dans l’eau, et l'excès de permanganate est facilement réduit avec une matière organique quelconque : charbon, al- cool, infusion de thé, etc. Nous devons une mention spéciale à la stérili- sation des eaux par l'ozone. L'action antiseptique de l’ozone a été fort discutée, et les recherches de Christmass étaient peu en faveur de cet agent, puisqu'il n'avait pu arrêter la putréfaction dans une atmosphère renfermant 5 milligrammes d’o- zone par litre, taux où l’air devient difficilement respirable. Il est vrai qu'à la même époque, Ohlmuller apportait le résultat de ses expériences, tendant à démontrer la stérilisation possible de l’air humide et de l’eau par lozone produit en quantité. En faisant passer, pendant dix minutes, cinq litres d'air contenant 15 milligrammes d’ozone par litre dans de l’eau riche en spores, il obtenait une stérilisation parfaite. La seule condition de réussite était la faible teneur,en matières organiques, de l’eau à stériliser. La Compagnie hollandaise pour la fabrication de l'ozone a organisé, près de Leyde, une usine en vue de stériliser l’eau au moyen de l'air ozonisé, et le docteur van Ermengem!, dans un Rapport au Ministre de l'Agriculture de Belgique, émet des conclusions très favorables. L'eau du Vieux-Rhin, très souillée de matières organiques, est d’abord filtrée au sable, puis traitée par l'air ozonisé fourni par les puissantes machines élec- triques de Frœhlich et de Siemens, qui peuvent dégager 3 à 9 milligrammes d'ozone par seconde et par cheval-vapeur. Non seulement l’eau est sté- rilisée, mais encore les toxines sont détruites, d’a- près les recherches faites avec des toxines téta- niques. Reste à déterminer le prix de revient de cette stérilisation. II. — NuISANCES. $ {. — Egouts. En 1893, la Revue signalait le vœu platonique du Parlement qui invitait le Gouvernement à pro- poser les mesures nécessaires pour assurer le prompt achèvement des travaux d’assairissement de Paris et de la Seine; la loi à été enfin promul- guée à l'Officiel le 25 juillet 4894, et va permettre de poursuivre rapidement le Tout-à-l’égout. Ce 1 Van ERMENGEM: De la stérilisation des eaux par 1 Ozone. Annales de l'Instilul Pasteur, sept. 1895, p. 67. 392 D: P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE système en effet ne pouvait être mis en pralique que si la Ville de Paris disposait. d'une part, de champs d'épandage suffisants et, d'autre part, d’une quantité d'eau telle que le service des appa- reils de chasse fût absolument assuré. Sur les 147 millions que la Ville de Paris est aulo- risée à emprunter, 31 millions sont deslinés à la réalisation de l’épandage sur les terrains d’Achè- res. Ce n'est pas sans difficulté que cette loi a pu passer à la Chambre. Les députés de Seine-et-Oise ont vainement protesté contre « le poison parisien ». Il semble cependant bien dé- montré aujourd’hui que la population de Genne- villiers n’a nullement souffert des eaux d’épan- dage. Bien mieux, alors que le nombre des habi- tants augmente chaque année (4.445 en 1886, 5.810 en février 1894),le nombre des décès tendrait plutôtà diminuer d'une année sur l’autre (131 décès en 4892, 111 décès en 1893). Il est vrai qu'en 1892 il y a eu une légère épidémie cholériforme dans la banlieue de Faris et que Gennevilliers a eu 13 dé- cès, mais ce chiffre n’est pas supérieur à celui des autres communes de l'arrondissement de Saint- Denis. On ne saurait trop le répéter, l'utilisation des terrains d'Achères et de Saint-Germain ne cons- titue encore qu’un moyen palliatif. Il ne faut pas oublier, en effet, que le débit des eaux d’égout pour Paris seul est appelé rapidement à atteindre 760.000 mètres cubes; dans ces conditions, les ter- rains actuels seront notoirement insuffisants et il faudra alors, suivant l’idée émise jadis par Bel- grand, poussant plus loin encore la canalisation, utiliser les autres boucles de la Seine (Poissy, Ver- neuil, les Mureaux, etc.), dont le terrain sableux se prêterait facilement à cette irrigation. Mais il n’est pas nécessaire à cet égard de laisser l'imagination s'envoler bien loin. D'ici une vingtaine d'années, si l'attraction vers les grands centres continue à exercer son action, l'expansion de Paris doit continuer, et sur la rive gauche, par exemple, il est fort probable que le débit du collecteur Marceau (2m°,410 par seconde) sera presque doublé. Nous arrivons ainsi à un chiffre de 1.000.000 de mètres cubes par jour. Ce n’est plus 2.800 hectares, comme aujourd'hui, mais 8.000 hectares qui seront nécessaires. Nos estima- tions sont bien supérieures à celles de M. Lauriol!, et cependant nous croyons que nous sommes au- dessous des obligations auxquelles devront obéir les hygiénistes du vingtième siècle. Nous n’a- vons eu en vue que l'agglomération parisienne telle qu'elle est limitée par l'enceinte forlifiée; mais la banlieue subit, elle aussi, la marche ascen- 1 Laurior.: L'assainissement de Paris. Revue générale des Sciences, 15 janvier 1896. dante : la disparition certaine de l'enceinte, la créalion de nouvelles voies de communication, peut-être même, s’il s’agit d'une trentaine d’années; l'établissement du métropolitain, opéreront la réu- nion du département de la Seine presque tout entier avec Paris. Dès aujourd’hui, ces communes représentent un million d'habitants : il faudra certainement songer, pour elles aussi, à l'évacuation de leurs nuisances: Aussi le projet, proposé en 1886 par Camille Ras=" pail, d'un canal de Paris à la mer, avec prises laté- rales pour les communes, qui pourraient utiliser les millions de kilogrammes de matières azotées ainsi charriées, revient-il en discussion. En pravince, nous rencontrons le même pro- blème. A Bordeaux, la question soulève des difficultés considérables !. La ville de Bordeaux veut diriger les produits de ses égouts directement dans la Garonne, me- sure qui rencontre une opposition formelle de la part de l'Administration des Ponts et Chaussées, soutenue par le Comité Consultatif d'Hygiène. Une décision cependant s'impose : sur 32.000 maisons, 18.000 ont des fosses, la plupart assez perméables pour n'avoir pas besoin d'être vidangées, et on peut admettre que le sous-sol absorbe annuelle- ment le tiers des excreta des Bordelais. Un autre liers est enlevé par la Compagnie des Vidanges. Enfin, le troisième tiers, muni de fosses Mouras, système presque spécial à Bordeaux, déverse sa vidange à l'égout et de là à la Garonne. Le grand argument invoqué contre le déversement direct au fleuve est le reflux produit par la marée. Mais, d'autre part, les membres mêmes du Conseil d'Hygiène envoyés en enquêteurs ont reconnu la difficullé, sinon l'impossibilité, de trouver une sur- face propre à créer des champs d'épandage; il ne reste donc comme solution possible, que la déna- luralion et la désinfection des matières avant leur déversement au fleuve. C’est à une solution analogue qu'il faudra abou- tir pour Toulon *. lei également l’épandage sans désinfection préa- lable, sur un sol rocailleux ou argileux, avec des fissures profondes en communication avec la nappe d’eau souterraine, est impossible; le déversement direct à la mer des 13.000 mètres cubes d’eau vanne soulève des protestalions énergiques des vu en à orpuntdthgé nd Var Blngind ar ete che pire pete Mn tee en Dé Pte d hp rm her D de pes à habitants de la Seyne *. Aussi le Comité consultatif a-t-il mis à l'élude la désinfection préalable. 1 Lanpe : Le régime des Eaux, la pollution de la Garonne et la question de l'épandage. Rapport au Conseil municipal de Bordeaux, 1895. 2 Carrier. L'Hygiène à Toulon. Brochure 1894. 3 DrouINEau. L’Assainissement de Toulon. Revue d'Hy- giène, août 1895. D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE 393 Celle étude de la désinfection préalable des matières usées est une de celles qui intéressent certainement le plus les hygiénistes. Il ne faut pas oublier en effet que l’épandage, même quand il est possible, soulève de vives critiques. Iles, il est vrai, énergiquement défendu, et nous pouvons cilerles mémoires récents de Bechmann!, de Launay, de Vallin ?, de Schlæsing et Riche ?, de Ræchling *. D'après M. Bechmann, quand les 1.00) hectares d'Achères serontutilisés, la moitié de l’afflux pari- sien sera épuré. Nous avons vu plus haut quelles réserves il fallait faire sur l’avenir. Le Comité d'Hygiène de la Seine, sur les conclu- sions d'un rapport de MM. Schlæsing et Riche, a émis un avis des plus importants. On avait jus- qu'ici acceplé comme un dogme la nécessité de cultures sur les champs d'épuration, et les règle- ments en vigueur prescrivaient cette mise en cul- ture. Or, d’après la décision nouvelle, cette mise en cullure n’est pas nécessaire, et les rapporteurs admettent même que l’épandage des eaux rési- duelles en terrain nu est de beaucoup préférable au point de vue des émanations. Cette opinion avait jadis été soutenue par Alphand, qui ne l'avait abandonnée officiellement que pour obtenir devant les Chambres le vole nécessaire à l’assai- nissement de Paris. Enfin les partisans de l’épandage, après avoir invoqué surtout les résultats des champs d’épura- tion de Berlin, citent encore l’exemple de Leicester qui, après avoir tenté la clarification de ses eaux d'égout par la chaux et divers agents chimiques, s’est décidé à la purification par le sol; ils invo- quent encore l'opinion de M. Santo Crimps qui, après avoir coopéré à l'installation de l’épuration chimique des eaux d’égout de Londres, conclut cependant en faveur de l'épandage. Les conserva- teurs de la Tamise exigent l’épuration par le sol des eaux d'égout avant tout déversement dans lefleuve en amont de Londres et,sur 39 localités, 38 ont dû l’adopter 5. Etant données, d'une part, les difficultés que l’on rencontre pour multiplier les champs d’épandage autour des grandes villes, et, d’autrepart, l'impos- sibilité absolue qui existe pour certaines villes de trouver des terrains convenables, tels les cas cités plus haut de Toulon et de Bordeaux, force est de recourir à la purificalion des eaux d’égout. En ! Becnmanx : Sur le fonctionnement des champs d’épura- tion de Paris et de Berlin. Revue d'Hygiène, décembre 1893. VazLuIN : La mise en culture des champs d'épuration. Revue d'Hygiène, février 1896. 5 Seacæsinc et Rice : Rapport au Conseil d'hygiène de la Seine, janvier 1896. ? RœcaziG: Tonnen und Spülabortein ihren Verhalten zum Typhus abdominalis. Gesundheits Ingenieur, 15 déc. 1895. 5 Engineering Record, nov. 1895. Dans ce but, la Société allemande d’Agricul- ture avait demandé à un certain nombre d'Ins- lituts d'Hygiène d'étudier : si le traitement par la poudre de tourbe est capable de tuer les ger- mes des maladies contagieuses dans les maliè- res fécales, notamment les germes du typhus et du choléra ; s’il est possible d'assurer mieux la des- truction des germes par l'addition à la tourbe de substances qui ne puissent nuire à la végétation ou même qui la favorisent. MM. Stutzer, Burri !, C. lrankel, Klipstein? ont fait paraitre les résultats assez concordants de leurs recherches. Si la tourbe détruit rapidement en 3 ou 4 heures le bacille du choléra mélangé seul avec elle, cette action est fort atténuée quand des urines ou des matières fécales sont ajoutées. C’est l'acidité de la tourbe qui opère la désinfection ; il y a donc lieu de proserire l'emploi de la chaux et de tous les alca- ins et d'ajouter au contraire des acides. Les superphosphates, qui sont excellents comme engrais, augmentent l’action bactéricide * de la tourbe par leur acidité; c’est donc, de toutes les substances, la plus favorable. Néanmoins, la lec- ture attentive de ces travaux montre que la dé- sinfection par la tourbe est loin de mettre absolu- ment à l’abri de la contagion. Vincent *, qui s’est livré à une étude métho- dique des désinfectants usuels au point de vue de la désinfection des matières fécales, arrive à celte conclusion, que le sulfate de cuivre à la dose de 5 grammes par litre, le crésyl à la dose de 6 grammes suffisent pour détruire les germes tvphiques et cholériques. 11 est inulile, dit-il de poursuivre la stérilisation absolue et intégrale des selles ou des vidanges ; la dépense serait trop grande; il suffit de détruire les germes de la putréfaction, le coli-bacille et surtout les germes pathogènes. La chaux ne lui a donné que des résullats fort médiocres ; 100 grammes de lait de chaux par 1.000 grammes de selles étaient néces- saires pour détruire le bacille typhique. Parmi les procédés préconisés pour purifier les eaux d’égout, il en est un dont il a été beaucoup parlé, gràce surtout à la réclame organisée dans la grande presse, la méthode Hermile. Hermite utilisait l’action électrolytique pour décomposer l'eau de mer et mettre en liberté du chlore. Une machine de 250 ampères et 6 volts était susceptible de charger en cinq heures 1 mètre cube 1 Srurzer et Burt : Untlersuchungen uber die Einwirkung von Torfmull. Zeilch.f. Hygiene, p. 453. 1893. 2 FRANKEL ET KLIPSTEIN: Versuche uber das Verhalten der Cholera, etc. in Torfmull. Zeilsch. f. Hygien., p. 333. 1893. 3 GAERTNER : Torfmull als Desinfektionsmittel von Käka- lien. Hygienische Rundschau, janv. 1895. ci 4 VincenT : Recherches sur la désinfection des matières fécales, etc. Bull. de l'Académie de Méd., 1894, p. 451. 354 d’eau, de 0"75 pour 1.000 de chlore libre. Mais il est impossible dans la pralique de faire une telle dépense d'énergie et avec une teneur moindre en chlore.Roscæ et Lunt ! ont toujours constaté que si les matières fécales traitées par celte eau chlorée étaient désodorisées, les bacilles conservaient leur virulence. C’est ainsi qu'à Worthing, après des essais suivis, le procédé a dû être abandonné. La oi de la précipitation des eaux d’égout par les sels de fer a donné lieu à de nouvelles recherches. D’Arley ? cite les résultats praliques obtenus dans le district de Heaton- Mersey avec l’'oxyde de fer magnétique. Les eaux à épurer, 1 million de litres par jour, recevant les déjections de 6.000 habitants, sont d’abord précipitées par l’alun, puis traversent trois filtres dont le dernier comprend une couche de magnétite mêlée à quel- ques cailloux. L'eau sort claire « comme de l’eau de source » et complètement privée de matières organiques. Ce filtre présente un double avantage sur les filtres à sable : fillration rapide et régéné- ration constante. ; Dans le système mis en pratique par Conder * à Chichester, la purification se fait à la sortie de chaque habitation. Une solution de sulfate de fer est versée automaliquement dans les eaux domes- tiques à l’aide d’un instrument, le ferrometer, que nous ne pouvons décrire ici. La dépense annuelle en sulfate de fer n’atteindrait pas 60 centimes par habitant; quant aux résultats, les analyses don- nées ne portent que sur la teneur en malière or- ganique et non sur des recherches bactériolo- giques. Le système d’Howatson, qui fonctionne dans plusieurs villes anglaises et à Boulogue-sur-Mer, repose également sur l'emploi de sels de fer : le ferozone et la polarite. Le ferozone est constitué par un mélange de sulfate de fer et d'aluminium, dans des propor- tions qui varient suivant la nature et la prove- nance des eaux à épurer. Le polarite est un composé d'oxyde de fer magnétique, de silice, de chaux, d’alumine, de magnésie el de substances alcalines. Les filtres spéciaux sont composés de sable, de silex concassé avec du polarite. Ce procédé est sur le point d'être appliqué à Rouen; les expériences entreprises à la maison de Nanterre ont donné, d’après Ponchet', des résultats 1 Roscæ er Lunr: Ucber das Hermitesystem der Abflus reinigung. Hygienische Rundschau, 15 juillet et 15 déc. 1895 ? D’Arrey : On the purification of Sewage by means of the magnetic filter (Journ. of the Sanitary Instilul, janv. 1895). 3 Conper's Sulphate of iron process forthe precipitation of sewage. Sanilary Record, 24 maï 1895. 4 Poncner : Épuration des eaux d’égout, Annales d'Hy- giène, dèc. 1895. D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE ‘quide étant stérilisé, et l’utilisation des matières \ plutôt favorables ; toutefois le directeur du Labo- ratoire du Comité consultatif ne veut pas se pro noncer avant d’avoir répété quelques recherches complémentaires. Dans le même ordre d'idées, nous devons si- gnaler les recherches poursuivies actuellement à Anvers par M. de Harven. Les fosses de vidanges sont divisées en deux parlies : fosse À et fosse B: Les vidanges, arrivant directement dans la fosse A}! laissent déposer les matières solides; le trop-plein: liquide se déverse dans une petite fosse B qui, dans le dernier projet, est réduile à un mètre cube au plus, où il subit une désinfection au moyen d'un appareil automatique versant de la créoline ou tout autre désinfectant. Le liquide désinfecté passe de cette fosse B directement à l'égout par unsi= phonage automatique; dans ce projet, l’auteur vise à la fois etlanon-contamination des rivières, le = solides. D’après des calculs faits pour Anvers, là vente de ces matières azotées suflirait pour cou vrir et au delà les frais d'installation et les dé» penses de désinfectant. $ 2. — Destruction des gadoues. La question de l'utilisation des ordures ména= gères de Paris est loin d'être résolue; elle est pourtant, au point de vue hygiénique, a première nécessité. La banlieue se plaint, avecraison, d'êtres le dépotoir de la Capitale, et celle-ci est loin d'êtres débarrassée ?. M. Du Mesnil croil trouver un remède à cet état de choses dans le transport au loin à prix réduit : “ appuie sa proposition sur les résultats obtenus à Marseille. M de Montricher a eu l’idée de remettrém en cullure les terrains de la Crau. Sur ces terrains il amène par le chemin de fer, à prix réduit, les" ordures ménagères et les matières de vidange de Marseille, qui sont ensuite mélangées aux eaux dérivées de la Durance. En retour, les wagons emportent les cailloux qui recouvrent la surface de la Crau et vont servir à l’empierrement de Ma seille, dont les environs, grâce à cette exploitationy commencent à être assainis. — Celle expérience pourrait être tentée dans les terrains infertiles de Sologne et de Champagne. Paris y trouverai peut-être le placement de son trop-plein. La question peut encore être étudiée au point de vue de l'incinération. Depuis dix années, déjà ce système fonctionne à Londres, à Liverpool à Leeds, à Nottingham, à Bradford, à Glasgow mais dans des conditions d’exploilalion très onés reuses, et ne suflisant même pas. Ainsi, à Glasgow; sur 197.000 tonnes d’ordures recu (1886), RP RE PR RENE PEUR en Res RE 1 Do Mesxiz : Les ordures ménagères de Paris. Annales d'Hygiène publique el de Médecine légale. (Décembre 1893.) D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE 30.000 avaient élé incinérées et 2.400 cullivateurs avaient acheté le reste. À Paris on se heurterait à deux difficultés: à l'énorme quantité de détritus qu'on aurait à incinérer, el à la nature mème de ces détrilus, qui, contenant des parties vertes en abondance, sont plus difficiles à brûler. Il nes'agi- rait plus ici de 6.000 (onnes de résidus à dé- truire, comme à Londres, ou de 197.000 tonnes comme à Glascow, mais de 1.025.033 tonnes (1892). Pour arriver à l’incinération de cette énorme quantité de détritus, il faudrait installer au minimum 200 fours, soit 20 usines de 10 fours, dont le coût, à raison de 300.000 fr. chacune, serai de 6 millions de francs. La dépense annuelle de ces appareils en aclivilé a été calculée par un ingé- nieur, M.Jonnut. En Angleterre elle revient encore à 1 fr. 50 la tonne, 1 fr. 45 à Leeds, 1 fr. 95 à Bradford, 1 fr. 75 à Newcastle. Mais à Paris le chiffre serait supérieur, étant donné que les ma- tières contiennent moins de substances combusti- bles et que, n'employant pas les résidus à faire du morlier vendable à Paris, on serait obligé de les envoyer à la décharge; d'où une dépense de 0 fr. 50 par tonne apportée. Le prix de revient peut donc s'établir ainsi : Enlèvement et transfert au dépôt... 2 fr. GEÉMARONE SE 2 Re À 1 » Enlèvement des scories........... 1 50 Motal "25h50 Soit, pour 1.025.000 tonnes, 3.587.500 francs, alors que la Ville de Paris n’a dépensé, en 1892, que 1.898.419 francs. En Angleterre, cependant, les « destructions » se développent de plus en plus!', et chaque jour on voit préconiser de nouveaux appareils dans lesquels on cherche, à la fois, et la destruction des immon- dices, et la récupération des forces vives que ces matières renferment sous forme de calorique. Signalons à ce propos le Zivet furnace, d'Halifax, dont les hygiénistes anglais font le plus grand éloge ?. Cet appareil utilise la chaleur produite par la combustion des déchets et la transforme en lumière électrique. Le succès du Zivet furnace vient _ de la disposition de ses tuyaux d'échappement construits de façon à utiliser des volumes décrois- sants des gaz de combustion qui parcourent leurs tubes. Cette disposition active le tirage, et toute la chaleur des gaz est cédée à l'appareil. Le Zivel system d’'Halifax actionne des dynamos capables de fournir 40.000 lampes à incandescence de 10 bougies (20 candles) brûlant six heures par jour, par la combustion de 3.000 tonnes par an, représentant un tiers environ des déchels de la 1 AnniscoTT: Refuse disposal «nd offensive trades. The Sanilary Record, 20 déc. 1895. ? The Sanilary Record, 17 décembre 1894. ville. Si tout était employé, l'appareil donnerait assez d'énergie pour alimenter, pendant troisheures et demie, une lampe par habitant. Nous signalons aussi un autre appareil ingé- nieux de M. Smithson, de Heckmondroike, qui a été décrit par MM. Ranson et Smithson au meeting de la Yorkshire Section de la Society of Chemical Industries, tenu à Leeds, le 4 décembre 1894. Cet appareil est conslitué par une série de lamis montés sur cylindres rotateurs qui permettent de faire le triage des déchets, mettant de côté tout ce que l’agricul- ture peut utiliser comme engrais el envoyant direc- tement dans des foyers les parties combustibles. Ici encore la chaleur produite est ulilisée pour alimenter des machines à vapeur. L'observation que nous faisions plus haut, sur la moindre combuslibilité des gadoues de Paris comparée à celle de Londres, trouve sa confirma- tion dans les expériences faites à Berlin!, où l'ona essayé, avec les sytèmes anglais, de brûler les or- dures ménagères sans addition de combustible. La température dans les chambres de chauffe n'a jamais, même avec addition de coke, dépassé 2009. En Amérique ?, où l'incinération des gadoues est très répandue, parmi les procédés employés, nous citerons, pour son originalité, le système Merz. Il consiste à extraire les graisses des gadoues en les arrosant d'essence de benzine; ce mélange passe dans un récipient chauffé à 95°; les vapeurs de benzine se dégagent et se condensent pour servir denouveau, les graisses s’écoulent au dehors, et les gadoues desséchées sont vendues comme engrais. Bien qu'au point de vue de l'hygiène, la destruc- tion par le feu soit l'idéal, on ne doit pas oublier, ainsi que le faisait remarquer M. Grandeau, qu'à Paris seulement, les déchets représentent une valeur de 28 millions. III. — ASSAINISSEMENT DES VILLES. Déjà dans la Revue d'Hygiène de 1892, il avait été question de l'assainissement de quelques vil- les, notamment de Marseille et de plusieurs cités italiennes. Nous croyons devoir revenir ici sur quelques observations touchant les progrès ac- complis dans d’autres villes. À Paris, dans ces quatre dernières années, il a été fait beaucoup pour l'hygiène publique; on conçoit d’ailleurs qu'en ce qui concerne les effets des mesures administratives, il est nécessaire de laisser s’é- couler un certain temps pour juger des effets de leur application. Nous n'avons pas à revenir ici sur la loi dile de 1 Die Mullverbrennungs versuche der Stadt Berlin. Gesund- heils Ingenieur, 15 juillet 1895. 2 Errere : Combustion des gadoues en Amérique. Génie civil, 6 octobre 1894. 390 l'assainissement de Paris el de la Seine qui ordon- nait les travaux nécessaires pour conduire à Achères les eaux d’égout. Mais il nous faut signaler en outre l’organisation d’un « Service d'inspection générale de l’Assainissement et de la Salubrité de l'habitalion », qui, sous la directionde M. A.-J.Mar- tin, a déjà rendu de très grands services. D'autre part, l’arrêté préfectoral du 8 août 1894, fixant les conditions du règlement relatif à l’assai- nissement de Paris, prescrit une série de mesures réclamées depuis longtemps par les hygiénistes, existant dans les villes d'Angleterre, mais mécon- nues en France. Les appareils de chasse et les obturateurs siphoïdes sont désormais obligatoires pour tous les cabinets d’aisances. L'évacualion des matières de vidange sera faite directement à l'égout publie avec les eaux pluviales et ménagères, une laxe spéciale devant être payée par les propriétaires, débarrassés désormais des frais de vidange. Les effets heureux de toutes les mesures prises se sont déjà fait sentir, ainsi que le fait ressortir le rapport de M. Deschamps au Conseil Municipal (28 déc. 1894). La mortalité en 1894 est tombée à 48.000 décès, soit 20°/,,, alors qu'en 1880 on comp- tait encore 55.706 décès ou 25 °/,,. Ce qui est sur- tout intéressant et encourageant, c'est que celte diminution a élé graduelle, en corrélalion directe avec les mesures prises, l'épidémie d'influenza de 1889-1890 ne parvenant même pas à enrayer la marche descendante du tant pour cent des décès. En prenant la proportion d’un décédé pour 12 malades, on peut admettre 50.000 malades de moins. Le bilan de 1895 n’esl pas moins favorable, ainsi que l'a montré A.-J. Martin ‘. La mortalité a con- tinué à baisser même sur l’année précédente, et celle diminution porte essentiellement sur les maladies contagieuses, ainsi que le montre le ta- bleau suivant : Nombre de décès survenus à Paris en : Fièvre Rou- Scar- Coque- Diphté- typhoïde Variole geole latine luche rie 1880-1889 moy.ann. 1.590 544 1.188 236 433 1.840 IREemar eme ec 271 17 679 118 419 135 Ces affections, qui entrainaient jadis le 1/10 des décès, n’amènent plus en 1895 quele 1/25, et ce pro- grès constitue, presque à lui seul, la diminution de la mortalité générale. Un fait intéressant à signa- ler est la durée de plus en plus courte des épidé- mies et leur localisation dans un quartier, quel- quefois même dans une rue. Alors qu'il y a quinze ans, toutes les épidémies, même bénignes, persislaient un certain nombre de semaines, se Lerminaient en lysis; actuellement 1 A.-J. Marin: Prophylaxie sanitaire à Paris. Revue d'Hygiène, février 1896. D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE les petites épidémies observées disparaissent brus- quement. Il faut sans doute attribuer en partie cette modi- fication heureuse au Service de la désinfection (39.000 en 1895); notons encore la tendance des particuliers à réclamer d'eux-mêmes les employés du Service sanitaire. L'Adminislralion a pris en outre une excellente mesure. Chaque maison aura désormais son casier sanitaire, où seront inscrites toutes les particula= rités intéressant l'hygiène : système de vidanges; couretles, élat du sol, des murs, etc. En outre chaque cas de maladie contagieuse éclatant dans» l'immeuble sera porté à une colonne spéciale, el les cas de récidive pourront appeler ainsi l’attens tion du Service sanilaire. Nous trouvons des résultats analogues à Berlin: Depuis 1869, la mortalité générale a diminué dans une proportion parallèle à l’augmentalion des: amenées d’eau et à l'établissement du système du. tout-à-l’égout. Il faut signaler la diminution énorme de la mortalité des nouveau-nés, qui, de 589 pour 1000, en 1871, tombe, en 1890, à 321 pour 1000. La mortalité totale par fièvre typhoïde est tombée successivement de 19 à 13, puis enfin à 1°/,.. La tuberculose aurait également diminué et c'est à la stérilisation du lait que Weyl attribue ces heureux effets. Par contre, les affections cancéreuses ont subi une augmentation appréciable (25 °/, environ de différence entre 1870 et 1892). Au sujet de la dimi= nution de la mortalité des nouveau-nés, nous devons cependant signaler l’objection d’Oldendorf, objection qui n’a rien de spécial à Berlin : La mor= talité des nouveau-nés diminue surtout parce que le nombre des naissances diminue également. À Berlin cette diminution serait sur les dix dernières, années de 45 ‘/,,, (2 °/, dans le Brandebourg). Ces qui caractérise surtout l’œuvre sanilaire accomplie à Berlin, c’est la rigueur méthodique appliquée a l'exécution du plan conçu il y a vingt ans” Aujourd’hui, 2.300 maisons sont reliées à l'égouLè Si de Berlin nous passons en Russie, nous conss tatons encore les mêmes résultats encourageants A Odessa, la transformation sanitaire de la villes s'est opérée radicalement en vingt ans : Amenée d'eau potable, système complet d'égouls avec champs d'épandage, abattoirs, laboratoire d'hy- 1 Wevz-Gurrsrapr : Del’influence des mesures hygiéniques, sur l’état sanitaire de Berlin Sociélé de Médecine berlinoise, déc. 1893 et janv. 1894. 2 F, Launay : L'Assainissement de la ville de Berlin. Rap= port au Préfet de la Seine, 1895. 3 L'Assainissement progressif de la ville d'Odessa. Comptle- rendu de l'Observatoire météorologique d'Odessa, 1894 Diarroporr : Valeur hygiénique du système d'épandage à Odessa. Analyse in Revue d'Hygiène, avril 1895. giène, organisalion médicale pour les pauvres, elc. Les résultats statistiques sont des plus nets. De 1874 à 1878 la mortalité était de 32.49 0/5 1878 à 1883 — 30.42 1884 à 1888 — 26.14 1889 à 1893 — 26.60 La chute brusque observée entre les deux pério- des quinquennales 1878-83 et 1884-88 correspond précisément à l’amenée de l’eau potable et à la mise en service du système du tout-à-l’égout.Ajou- (ons encore qu'autrefois Odessa, continuellement “en rapport avec l'Orient, était toujours menacée d'une épidémie de choléra et qu'en 1872 il y avait “encore 1.615 cholériques;iln'yena plus euque86en 1892, bien que la population ait exactement doublé en vingl ans (340.000 au lieu de 180.000). En 1893 "el 1894 il n'a élé signalé aucun cas suspect. En Amérique, Buenos-Ayres ‘, aprèsles cruels averlissements donnés par les épidémies de cho- léra et de fièvre jaune qui frappèrent, en 1871, un sixième de la population, évaluée alors à 80.000 habitants, s'est décidé à poursuivre un assainisse- ment méthodique. Avant 1870, l’eau pure était apportée dans des tonneaux et la consommation n'atleignait pas 2,3 litres par têle d'habitant. En 18714, Baleman, reprenant un projet proposé en 1827 par Pellegrini, entreprit l'amenée d’eau po- table. Seule la Parana, avant son confluent avec la Plala, pouvait être utilisée, mais ses eaux sont chargées d'argile. Il fallut creuser des puits spé- ciaux où l’eau élait recueillie, puis élevée par une pompe puissante jusque dans des bassins de décan- lation où elle perd 70 à 80 % des malières en sus- pension. De là elle passe dans des bassins de filtra- “lion continuels sur le même plan que ceux de “Londres. À l'heure actuelle, la filtration parait lrop rapide pour être complète ; en outre, l’eau continue à tenir en suspension un peu d'argile fer- “rugineuse. Les égouts se déversent daus l'estuaire de la Plata, mais une partie des matières solides sont séparées dans l'égout principal el utilisées . comme engrais. En terminant cette revue de l'assainissement des villes, nous devons signaler certaines résistances étranges que l’on trouve quelquefois parmi les administrateurs de nos cités. La question de l’assai- nissement de la ville de Rouen est à l'élude depuis longtemps. Depuis 1887 surlout, commissions, projets, rapports se multiplientsans amener aucun résultat. Et cependant Rouen est une des villes où Ja mortalité est la plus élevée, 33 à 35 °/,,, alors que la mortalité est de 21 à Paris, de 20 à Londres. Les décès excèdent de 770 les naissances. Or le Projet d'assainissement, tel qu'il est soulenu par | | | ! Emile Cor: Assainissement de Buenos-Ayres. Paris, 1895. D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE 9397 ni PU 7 yet, NS Vallin !, par le D' J. Hue?, comporte une dépense de 7 millions, permettant d'achever et de parache- ver le réseau des égouts, d'établir 600 réservoirs de chasse et d'organiser un terrain d'épandage à Oissel. Ce chiffre très faible, étant donné les travaux nécessaires, s'explique par la proposition faite par un ingénieur intelligent de prendre à sa charge les terrains d'épandage sous condilion qu'on lui assure le produit de ces terrains fertilisés par les déchets de la grande ville. Or, M. Le Villain 3, adjoint de la ville de Rouen, s'oppose à ce projet en évoquant des raisons au moins étranges. «Il est sage, dit-il, d'attendre que la science ait dit son dernier mot, qu'un système ail fait ses preuves, c’est-à-dire ait amené la dis- parition presque complète des épidémies, pour entreprendrel'assainissement de Rouen. » Plus loin, il émet cetaphorisme : « Lesépidémies ne prennent Jamais naissance dans l’intérieur de nolre ville; elles nous sont transmises des communes voisines par leurs malades, par leurscours d’eau. » Enfin, comme conclusion superbe : «Ne nous reposons que sur nous-mêmes du soin de nolre santé el prolégeons- nous contre la maladie parla sobriété et l'hygiène.» Vallin, dans une critique spirituelle de ce rapport, fait remarquer qu'on ne parlait pas autrement à l'école de Salerne en l'an de gràce 1200. Nous trouvons une opposilion du même genre à Marseille. Dans la dernière revue d'Hygiène, M. Oli- vier exposait les travaux immenses entrepris à Marseille; mais, depuis cette époque, la municipa- lilé a été modifiée et le Conseil actuel, ne pouvant revenir sur les traités signés, après avoir enrayé la marche des travaux s'est arrêté actuellement à celle idée ingénieuse de rendre inulile un système d'égout ayant coûlé 30 millions, en se refusant à assurer, par une canalisation appropriée, le déver- sement à l'égout des fosses d’aisances *. Grâce «u mauvais vouloir de la Municipalité marseillaise, celte ville a encore aujourd’hui une mortalité de 32 °/,, (Londres 19 °/,,) et la variole, par exemple, qui a fait à Paris 17 victimes en 1895, délermine 130 décès par mois à Marseille. li est intéressant de signaler, à côté de celteincu- rie qui caractérise les administrateurs de Rouen et de Marseille, l'activité remarquable de l’Admi- nistration municipale havraise. L'épidémie de cho- léra qui a éclaté au Havre a permis de montrer avec quelle rapidité on pouvait circonscrire et 1 Vazzin : Les projets d’assainissement de Rouen. Revue d'Hygiène, 20 janvier 1895. 2 Hue : Rapport sur l'assainissement de Rouen. 1894. 3 Le Vizzai : Etude personnelle sur l'assainissement de Rouen. Rouen, 1894. 4 Genis : Assainissement de Marseille. Revue d'Hygiène, avril 1896 (inédil). rouen, 395 éteindre le ‘fléau en utilisant les mesures hygié- niques aujourd'hui recommandées : organisation d'un Bureau d'hygiène centralisant les services de renseignements el de désinfection ; isolement ra- pide des malades. Et cependant le Havre est dans de mauvaises conditions sanilaires; le bacille de la fièvre typhoïde foisonne dans le sol !, certains quartiers présentent un état hygiénique déplorable, et la mortalité y atteint le chiffre de 110 ?/,,. Mais ici la Municipalité qui connait le danger est désar- mée par l'insuffisance des crédits dont elle dispose el il faudrait que l'Etat intervint. IV. — DÉSINFECTION. 11 est impossible de résumer, même succincte- ment, les travaux parus depuis deux ans sur l’ac- tion bactéricide d'une série de substances, parmi lesquelles un certain nombre ne sont que des pro- duits industriels, mélange d'agents divers, auquel on donne un nom spécial el dont on vante les pro- priélés merveilleuses. Nous devons cependant signaler quelques tra- vaux importants sur la désinfection des apparte- ments. Cette question estd’autant plus intéressante que, d’après le projet de loi voté par la Chambre des Députés et soumis actuellement au Sénat, la désinfection sera désormais obligatoire pour les cas des maladies épidémiques, l'exécution de cette mesure étant confiée aux Municipalités pour les villes de plus de 20.000 habitants et à un Service départemental dans les autres communes. En France, la désinfection des linges, de la literie se fait autant que possible avec les étuves à vapeur sous pression, alors qu'en Allemagne les étuves à vapeur fluente sans pression paraissent avoir la préférence. Il faut reconnaitre d’ailleurs une certaine ten- dance même en France à l'emploi de ces éluves à basse pression. Parmi les derniers modèles proposés, on peut citer l’étuve de Vaillard et Besson”, qui est un pro- grès incontestable sur les types allemands, puis- qu'on opère à la fois et sous un courant de vapeur et avec une tempéralure de 115°. On peut même, quand il s’agil de tissus de soie, par exemple, qui ne peuvent supporter cettetempérature, supprimer le premier el agir avec la vapeur fluente seule, mais dans ce cas légèrement phéniquée. Les épreuves bactériologiques ont montré la sécurité de l'appareil qui offre sur les grandes étuves avec 1 Grsert: Des conditions hygiéniques de la ville du Havre. Bull. Acad. de Médecine, 10 avril 1894. — Bureau municipal d'hygiène. Relevé général de statistique. Un grand atlas in-4. ? VarzLaRD et Besson : Etuves à désinfection par circula- tion d’un courant de vapeur sous pression. Annales de l'Ins- lilut Pasteur, déc, 1894. D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE pression le double avantage d’êlre beaucoup moins coûteux et d’un maniement plus facile. M. Drouineau!, recherchant, pour la désinfec- tiondes vêtements des hôtes passagers des asiles de nuit, un type d'appareil facile el rapide, se loue d’une étuve par la vapeur fluente à très basse pression, construite dans ce but par M. Fouché; de la maison Genesie et Herscher, qui permet d'opérer la désinfection en une demi-heure. La température ne dépasse pas 100°; mais elle parail suflisante. Nous pourrions encore signaler les étuves de MM. Putzeys ? en Belgique, de MM. Despagnet ets Valois * en, France, ces derniers employant de la vapeur surchauffée sans pression. Le surchauffeur est réalisé par un serpentin enroulé au-dessous, de la chaudière génératrice; la vapeur arrivant en suite dans l'étuve proprement dite peut donne une température de 160°. E Quels que soient en réalilé les appareils utilisés. la stérilisation des objets de lilerie par la chaleum peut être considérée comme résolue. Il n’en est pass de même quand il s’agit de la désinfection des locaux contaminés. L'administration de l’assais nissement de Paris emploie, dans ce but, des pul= vérisations d’une solution de sublimé au millième après addition d'acide tartrique, d'acide chlorhy- drique ou desel marin. Cette méthode présente quelques inconvénients: la pénétration de la substance antiseptique pulvérisée et non vapo= risée n’est pas certaine; en outre, la valeur anli- septique du sublimé est elle-même fort contestée depuis les travaux de Geppert. Seclavo et Manuelli* soutiennent même qu'étant donnée l’action réductrice des Lissus végétaux el animaux sur le sublimé, la désinfection par celte substance est tout à fait incertaine. | Enfin Mürner* dresse un autre grief contre l’em= ploi du sublimé. D'après lui, le sublimé, par suiles même des réductions qu'ilasubies, donnenaissancer à du mercure dont les vapeurs peuvent être dan= gereuses. Il a trouvé du mercure dans les ten= tures des pièces désinfeclées au sublimé, et attri= bue à des émanalions de ce métal les troubles: digestifs observés dans un asile préalablement désinfecté au sublimé et dans lequel la présence nt TE te PE PP ER RP SRE 1 DrounEeau : Désinfection dans les asiles de nuit. Reuwe d'Hygiène, fèv. 1895. 2: Purzeys : Nouveau système d'étuve à désinfection par la vapeur fluente. Mouvement hygiénique, sept. 1894. 3 Despacner. Etuve à vapeur surchauffée sans pressions Revue d'Hygiène, oct. 1895. ä Secavo et ManueLui: Sulle cause che determinano nella pratica delle desinfezioni la scomparsa del mercurio dalle soluzioni di sublimato. Revisla d'Igiene, oct. 1894. 5 Mônner : Einige Beobachtungen über das Verdampfen von Queksilber in den Wohnraumen, Zeitsch f. Hygiene; t. XVIII, p. 251. «Ke à D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE 399 du mercure élait encore décelée six mois après la désinfection. Les recherches doivent donc porter sur ce pro- blème : dégager dans la pièce infectée une substance antiseplique sous forme de vapeur ou de gaz, non dangereuse à respirer, d’un grand pou- voir de pénétralion, à odeur non persistante. Les recherches récentes sur l’action de l'acide sulfureux montrent que son action, quoique réelle, est encore trop aléatoire. En Angleterre, cepen- dant, depuis l'emploi de récipients d'acide sulfu- reux liquéfié, qui simplifient le maniement en éloignant tout danger d'incendie, on parait reve- nir à son utilisation. Les fumigations de chlore (chlorine, euchlorine) sont également employées ; les recherches de Delépine et de Ransome, rela- tives aux effets antiseptiques de ces vapeurs sur le bacille tuberculeux, sont cependant peu favo- rables. Des papiers de tentures, imprégnés de cul- tures virulentes, étaient placés dans la pièce remplie de vapeurs de chlore, puis des cobayes étaient inoculés avec les raclures des papiers mêlées à du bouillon stérilisé. Sur seize animaux inoculés, huit devinrent tuberculeux. Dans tous les cas, ces vapeurs sont corrosives, abiment les tentures et rendent la pièce inhabitable plusieurs jours. L'aldéhyde formique, étudié par Læw, Trillat, Miquel :, Cambier*, Van Ermengem“, Zwiback, pa- rait jusqu'ici répondre le mieux aux desiderata des hygiénistes. C’est à lui que Miquel donne la préfé- rence dans son travail sur la désinfection des pous- sières sèches des appartements. Les vapeurs d’aldéhyde formique en solution à 4 /,, suflisent pour détruire à la longue la spore charbonneuse; mais avec des solutions plus fortes, à 1 % par exemple, celle action bactéricide est beaucoup plus rapide et là où l’acide sulfureux à haute dose, les pulvérisalions de sublimé à 1 °/,, ont échoué, l’aldéhyde formique dilué a sufli pour 'aseptiser la pièce. C'est qu'outre leur pouvoir microbicide si éner- gique, les vapeurs d’aldéhyde formique possèdent la propriété précieuse d’être très pénétrantes, c’est- “à-dire d'aller détruire les microbes dans la profon- deur des sédiments accumulés sur une grande épaisseur. Comme technique, rien de plus simple ; on peut charger une pièce de vapeurs d'aldéhyde : ZE] _— 1 Decépine et RaNsomE: À report on the desinfection of tubercle infected houses. Analyse in Revue d'Hygiène, juin 1895. > Miquez : Sur la désinfection des poussières sèches dans les appartements. Un vol. in-8. Carré, 1895. 3 CAMBIER : Sur la désinfection des locaux par l'aldéhyde formique. Revue d'Hygiène, fév. 1895. Vax ERMENGEM : Recherches sur la valeur de la Forma- line. Arch. de Pharmacodynamie, 1891. 1° En aspergeant el arrosant le plancher avec une solution à 1% ; 2° En exposant les solutions d’aldéhyde{1 à 5 %) dans des cuvettes de bois, de porcelaine ou de grès. 3° En utilisant la réaction classique de Hofmann pour la production de l’aldéhyde formique, com- bustion incomplète de l'alcool méthylique au con- act del’air et du platine incandescent. Nous n'avons pas ici à entrer dans la discussion de prio- rité sur l’utilisation de ce procédé, ni à disculer la valeur comparative du brûleur de Cambier el Bro- chet ou de la lampe formogène de Trillat. Tous ces appareils fournissent en quantité des vapeurs d’al- déhyde formique, mais, malheureusement aussi, une certaine quantité d'oxyde de carbone. Dans les expériences poursuivies par Cambier sous la direction de Gréhant, on a trouvé, dans le sang des animaux placés dans les piècessoumises à la désin- fection, les bandes d'absorption caractéristiques de l’hémoglobine oxycarbonée. Il est vrai que Trillata répondu à cette objection en montrant qu'avec quelques précautions très simples on évitait cette formation d'oxyde de car- bone. Sous le nom de Formaline, de Formol, on vend dans le commerce des solutions d’aldéhyde formique à 40 % qui ont donné de bons résultats entre les mains de Van Ermengem, de Zwiback, ete., résullats concordant avec ceux obtenus par Miquel. De plus, après la désinfection par le formol, il persisterail pendant quelque temps une odeur désa- gréable, prenant à la gorge, odeur qui, dans cer- tains cas, dépasserail la pièce désinfectée et attein- drait les pièces ou les logements voisins. Mais, d’après Trillat, on peut éviter sûrement cet ennui en n’utilisant que de l'alcool méthylique rigoureu- sement pur à 95 degrés et en aérant largement immédiatement après la désinfection; de la sorte, de deux à quatreheures après la désinfection, toute odeur aurait disparu. Parmi les désinfectants préconisés dans ces der- nières années, nous relevons, un peu au hasard, il faut l'avouer : les solutions alcalines de goudron et de vinaigre de bois qui, d’après Goriansky!, exer- cent une action bactéricide énergique sur le ba- cille tuberculeux, principalement le vinaigre de bois! Il suflirait de deux heures avec ce dernier en solution très concentrée pour stériliser les cra- chats. Potapoff ? recommande certaines variétés de naphie qu'il désigne sous les variétés I et Il 1 Gortraxsky : De la désinfection des crachats tuberculeux par le vinaigre de bois. Thèse de St-Pétersbourg, 1895. Revue d'Hygiène, mars 1895. 2 Poraporr : Propriétés désinfectantes de quelques dérivés du naphte. Thèse de St-Pétersbourg, 1894. Revue d'Hygiène, mars 1895. 360 D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE comme désinfectant énergique des selles cholé- riques. Il suffit, d’après lui, de 15 ‘/,, de naphte I pour tuer en 15 minutes les bacilles cholériques. Cette action serait donc presque aussi puissante que la créoline, admise par Vincent commele meil- leur désinfeclant dans l'espèce : 6 °/,,. Ces naphtes ont en outre l'avantage du bon marché, au moins en Russie, puisqu'elles proviennent des déchets de la distillation des pétroles. La vulgaire lessive de ménage constitueun excel- lent agent antiseptique et les récents travaux de Max Jolles viennent confirmer les résultats anté- rieurement signalés. Du linge, imprégné par une culture de bacille typhique, traité par une eau de savon à 10 %, est stérilisé en 15 minutes : aussi Netter, en analysant le travail de Max Jolles !, arri- ve-t-il à cette opinion rassurante que le lessivage au savon est le procédé de désinfection le plus sûr etle plus naturel du linge, nous pourrions ajouter : et des mains. Néanmoins, et quelle que soit notre confiance dans le savon, nous ne pou- vons blàämer les chirurgiens qui s'ingénient à trou- ver de puissants et efficaces antiseptiques et nous devons signaler les recherches de Monod et Ma- caigne ? sur l'oxycyanure de mercure qui, à la dose de 5°/,,, serait bien supérieur au sublimé sans avoir l'action de ce dernier sel sur les instru- ments. V. — MALADIES CONTAGIEUSES. Nous serons très courts sur ce chapitre, car nous pouvons dire qu'en dehors de la sérumthé- rapie, qui tend de plus en plus à devenir une mé- thode générale de trailement, il n’a rien été fait de bien important dans ces dernières années, et les recherches sur la désinfection des selles de typhiques, des crachats des tuberculeux ayant été signalées ailleurs, nous ne croyons devoir insister que sur quelques fails nouveaux concernant la malaria, la malléine et la variole, $ 1. — Malaria. Le mode de transmission de la malaria esl tou- jours discuté. Nous devons signaler un intéressant travail de Di Mattei *. Il réussit tout d’abord à reproduire chez deux individus sains, el n'ayant jamais élé exposés aux effluves malariques, le type quart, en injectant sous la peau 2 centimètres cubes de sang veineux d'un individu atteint de ce type. Les hémato- | ! Max Jorres: Untersuchungen uber Desinfectionsfahigkeit yon Seifenlüsungen. Zeilsch. f. Hyg. 1895, p. 130. ? Moon et MacaIGNE : Valeur antiseptique de l'oxycyanure de mercure. Presse médicale, 13 novembre 1895. 3 Dr Marre : Beitrag zum Studium der experimentellen malarischen Infeklion an Menschen und an Thieren. Arch. [. Hygiene, t. XXII, f. 3, p. 131. zoaires, reconnus chez l'individu malade, furent retrouvés aux différents stades de leur dévelop- pement, chez les sujets injectés. La période d'in- cubalion avait été de onze et dix-sept jours, et la température qui atteignit 40° Lomba sous l'in- fluence de la quinine. Des observations expérimentales analogues furent obtenues en prenant le sang d'individus alteints de la maladie de Laveran, et les corps en croissant furent retrouvés chez les sujels injectés puis ces corps disparurent. Quant à la transfor« mation d’un type en un autre lype, observée par Gualdi, Angelini, Antolisei, Mattei l'explique par la présence de plusieurs espèces différentes dans le sang, et qui agissent à des moments différents. Il n’admet pas, en effet, l’unité spécifique de l’a- gent malarique, mais soutient l'existence de plu- sieurs espèces essentiellement différentes, quoique susceptibles de se présenter suivant leur stade de développement sous des aspects variables. Dans ses expériences sur les pigeons, Di Maltei est arrivé à des résultats fort différents. Jamais il n’a pu transmettre la maladie d’un oiseau à l'autre; soit en mettant en contact les animaux atteints de parasites et les animaux sains, soit par des injec- tions sous-cutanées ou intra-veineuees. On ne lrouve, d’ailleurs, aucune élévation ther- mique chez l'oiseau, dans le sang duquel les hé- matozoaires abondent, el l'injection de ce sang à l’homme n'amène aucune perturbation. Di Matlei rejette donc l'identité que Danilewsky veut établir entre les hématoparasites des oiseaux et ceux ob= servés chez l’homme atteint de la malaria. Mais le 2] savant russe ‘ n’abandonne pas son idée de l’u- nité de l'infection paludéenne. D'après lui, si Di Mattei n’a pas trouvé chez les pigeons les symp-« tômes ordinaires du paludisme : température fé brile, action tutélaire de la quinine, etc., c'est que ses observations ont porté sur des oiseaux atteints d'affection chronique, et qu’il en est tout autre- ment quand on observe des accidents aigus. Dans un tableau très développé, il montre que le polimile flagellé, observé dans le sang des oiseaux, sé com porte comme celui trouvé dans le sang des palu- déens : même vie intra-cellulaire, même segmen- lation et désagrégalion, formation identique deh mélanine, ete., etc. L'impossibilité jusqu'ici de culliver ces héma- E tozoaires ne permet pas de trancher celte question de l’unité de la malaria. Nous reparlerons plus loin de la prophylaxie” du paludisme à propos de l'hygiène coloniale. Signalons encore cependant un (travail de Le- PR PR 1 Danizewsky: Théorie unitaire de l'infection paludéenne chez l’homme et les animaux. Arch. russes de Pathol. de Mé- decine el de Bactériologie, 1896, n° 1. moine ‘ qui affirme avoir reconnu les hémato- zoaires de Laveran dans le sang des paludéens du … Tonkin et de l’Annam. —_ Jusqu'ici, les recherches faites dans ce but avaient élé infructueuses, et nous devons dire, — d'après l’auteur lui-même, que ses parasites n’ont «pas été reconnus dans les préparations qu'il avait “adressées à Paris, à « des experts compétents ». “Toutefois, cet échec n’est pas démonstratif. Tous ceux qui ont étudié les hématozoaires connaissent leur fragilité et leur faible résistance aux réactifs. $ 2. — Variole. Les recherches bactériologiques sur la lymphe vaccinale ou les humeurs varioliques se mulli- plient sans amener de résultats démonstratifs, el “le microorganisme spécifique de cette maladie, «qui, longtemps avant Pasteur, avait eu son vaccin, “est encore inconnu. En 1892, Guarnieri, à la suile - d'inoculations varioliques ou vaccinales, dans la cornée du lapin, avait signalé l'existence de cer- lains parasites, qu'il désigna sous le nom de cito- ryctes el qui se fixaient au voisinage des noyaux des cellules épithéliales. … En189%, Pfeiffer confirme les observations de -Guarnieri; d'un autre côté, Piana et Galli-Valerio, «Clarke, admettent l’existence de sporozoaires, de corps ellipsoïdes avec ou sans pseudopodes, avec ou sans noyaux, qu'ils ont trouvés dans des prépa- “ralions histologiques de pustules purulentes ou de “cornée alteinte de kératile ulcéreuse variolique; “toutefois, en Italie mème, Ferroni et Massari “hésitent à reconnaitre dans ces corpuscules de “vrais parasites, el ils croient qu'il s’agit soit de “centrosomes, soit d'éléments leucocytaires. — Les recherches récentesde E. Pfeiffer, faites sous l'instigation de Butschli à Heidelberg, sont en con- “firmation avec ses travaux antérieurs. Les corpus- “cules de Guarnieri n'existent en eflel qu'après “l'inoculalion de la vaccine dans l'œil; on ne les “trouve pas quand on détermine l’inflammation “par un agent chimique. —._ Ogata?, en éludiant la lymphe vaccinale huma- “nisée, la vaccine de génisse et la lymphe vario- “lique, a trouvé spécialement des protozoaires, “notamment des grégarines, se ratlachant au genre “Clepsitriana; malgré quelques différences obser- “vées dans les trois humeurs étudiées, différences portant sur la forme et sur la coloration, Ogala “croit qu'il s'agit de parasites identiques, mais su- 2 TUE PCT SE & 1 Lemoine : Notice pour servir à l'histoire du paludisme “intertropical. Arch. de Méd. navale, mars 1896, p. 217. 2 Ocara : Ueber die Sporozoa der Vaccinelymphe und de- en Bedeutung fur die Krankheït. Miltheilungen der. med. Fak. des K. J. Universilat. Tokio 1895,t. II, fas. 2. Analyse in Hygienische Rundschau, 5895, p. 1093. REVUE GÉNERALE DES SCIENCES, 1996. D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE 361 bissant, sous des influences diverses, des modifica- tions morphologiques. En Amérique, Stephen Martin! aurait obtenu de la lymphe vaccinale des cultures pures d’un mi- crobe ressemblant (antôt à un bacille, tantôt à un microcoque. Cullivé dansle sérum, ce microbe, inoculé ensuite chez le veau, aurait donné lieu à des pustules vaccinales dont la lymphe a pu servir à vacciner. Martin a obtenu chez l'enfant une pus- tule vaccinale typique par l’inoculation directe d’une culture pure de quatorzième passage de ce bacille. Le Dantec *, ayant trouvé, dans le sang et dans les viscères des varioleux, un streptocoque spécial, n'a pas hésilé à le désigner sous le nom de variolo- coque « pour plus de commodité, dit-il, et sans rien préjuger de sa spécificité ». Il aurait peut-être été plus prudent d'attendre la confirmation de ses recherches avant de Jui donner un nom aussi spécifique. Ce microorganisme, que Le Dantec a trouvé à peu près partout chez les varioleux, a été cultivé par lui sur agar, facilement quand on l'a recueilli dans le sang, plus difficilement, et après passage en milieu liquide à l'abri de Pair, quand il provient des pustules. Le virus provenant des pustules serait, en effet, comparé à celui du sang, un virus atténué, beau- coup moins actif et, par suite, exigeant pour se développer quelques précautions spéciales. $. 3. — Morve. La découverte de la malléine en 1891 à permis de déceler certains cas de morve latente etlarvée, qui, par le fait même qu'ils passaient inaperçus, étaient des plus dangereux. Un certain nombre de cas de morve éclatant sur des individus n'ayant pas été en contact avec des chevaux malades, en apparence du moins, s'expliquent par l'existence chez ces animaux d'une morve larvée. L'injection de la malléine, se comportant, sur les animaux en puissance de morve, comme la tuberculine sur les animaux infectés par le bacille tubercu- leux, c’est-à-dire déterminant une réaction fébrile caractéristique, permettrait d'éliminer tous les animaux malades. Mais cette injection de contrôle rencontre, parmi un cerlain nombre de vétérinaires, une résistance considérable. Les séances de la Société de Médecine vétérinaire, dans lesquelles on a discuté la question, ont été nom- breuses et agitées *. 1 Stephen Marnix : Du microbe de la vaccine. Troisième Congrès des médecins américains. Washington, 25 mai 1894. 2 Le Danrec : Etude bactériologique de la variole. Presse Médicale, 1°" décembre 1894. 3 Bulletin de la Sociélé de Médecine vélérinaire, 20 avril, 30 mai 1893 ; 30 janvier, 28 février, 15 mars, 30 mars 1894. + [l \ 362 Leblanc, s'appuyant sur les expériences faites au dépôt de Montoire, combaltait la mailéine comme diagnostic utile et cerlain de la morve, el soule- vait, per suite, qu'on n’avaitpas le droit d'imposer aux propriétaires l'injection de la malléine, ni celui “e déclarer morveux un animal ayant réagi à la malléine et qui pouvait n'être que suspect; il n’admeltait pas en outre la curabilité possible de la morve. À cette opposition, Nocard répond par des arguments et des exemples intéressants : l'in- jeclion de malléine détermine chez les animaux morveux, outre la réaction fébrile, l'existence de lubercules translucides; or chez quelques animaux abattus après avoir résisté à la malléine, n’ayant présenté aucune réaclion caractéristique, on re- lrouve quand même ces tubercules signanaléli- ques : Nocard explique l'absence de réaction par la guérison. Ces animaux n’élaient plus morveux, les tubercules ne renfermaient plus que des cada- vres de bacilles. Quoi qu'il en soit, l'injection de malléine n'est pas encore rendue obligatoire ; toutefois les grandes Compagnies qui emploient une sorte de cavalerie, tenant compte des dures leçons de l'expérience passée, n’admettent plus de chevaux, s'ils n'ont subi heureusement l'épreuve de la malléine; il serait utile que cette mesure se généralisàt égale- ment dans l’armée. Outre la valeur des chevaux abattus, dans les épidémies de morve, il faul en- core tenir compte des dangers auxquels sont exposés les palefreniers, les cavaliers, etc. En restant sur ce sujet de la morve, signalons les recherches de Nocard'! et de Cadéac* sur la transmission de la morve par les voies digestives. Les résultats de ces deux expérimentateurs sont d’ailleurs opposés, mais l’animal d'épreuve élant différent, on ne saurail conclure; alors que Nocard a pu communiquer la morve à un àne en lui faisant manger une carotte renfermant des cultures de morve, Cadéac a échoué sur 12 cobayes nourris pendant longtemps avec de l'avoine arrosée de liquides très morveux, alors que ces mêmes ani- maux se tuberculisaient très rapidement quand on les nourrissait avec des malières riches en bacilles de Koch. En Allemagne, d’ailleurs, nous lrouvons un cer- tain nombre d'auteurs qui contestent encore l'ac- tion spécifique de la malléine. C'est ainsi que Schutz ?, expérimentant sur 56 chevaux, a trouvé chez 15 d’entre eux une réaction fébrile de plus de 1°5, une réaction entre 1 et Lo, chez 7 autres Pathocëénie de la morve. Recueil de Médecine 1894, 1 NoCARD : vélérinaire, avril 2 Cawxac: sransmission de tives. Lyon médical, avril 1894. 3 Scnurz : Malleinyersuche. pra Thierheilkunde, t, XX, la morve par les voies diges- wissenseh. und Archiv. f. 5, 64895. D: P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE alors qu'à l’aulopsie aucun d’eux ne présentait de lésions caractéristiques ; il conclut qu'il est im- possible de faire de celle réaction fébrile un symptôme caractéristique. Pélers' aboutit aux mêmes conclusions à la suite de ses observations faites pendant une épidémie de morve dans en district de Bromberg : chez les jeunes chevaux; au-dessous de quatre ans surtout, le diagnostics rêvé est tout à fait impossible. C'est encore la même conclusion, plus or encore, que nous trouvons dans un travail très. abctmente de Prus?; ce dernier insiste prinei palement sur l’action lymphagogue de la malléine: L'injection sous-cutanée de malléine détermin une poussée énergique de lymphe dans le torren sanguin, d'où une leucocylose très nette. Il existe rait toutefois une différence fondamentale dans] réaction présentée chez les animaux sains et les animaux morveux. Chez le cheval sain, les Jeucos cyles sont mononucluéés, alors qu'ils sont polynu cléés chez les chevaux malades. 2 Avec Engelen * nous trouvons plus d’hésilations; puisque, tout en paraissant se rallier aux idées de Schulz, de Prus, il n'ose donner une conclusion» formelle et se contente de dire que de nouvelles recherches sont nécessaires pour pouvoir affirmer la valeur ou la non-valeur de la malléine comme agent de diagnostique. | En Russie, la malléine est plus en faveur, eb Semmer‘ n'hésite pas à déclarer, après avoir expé= rimenté sur 952 chevaux, qu'elle constilue le meil= leur de tous les réaclifs de la morve. VI. — HYGIÈNE COLONIALE. -4 L'expédilion de Madagascar a de nouveau atliré, l'attention sur cette branche importante de l'hygiène, el malheureusement les enseignemen que l’on devait tirer d’un passé assez récent nm paraissent pas avoir élé mis à profit par l’'Admini tration de la Guerre. | Nous n'avons pas encore aujourd'hui de rensei= gnements suflisamment précis sur l’organisati sanitaire à Madagascar pour juger avec connais sance de cause les erreurs commises là-bas. To tefois les résultats connus suffisent pour démo trer l'insuflisance des moyens mis en cuil L'expédition antérieure du Dahomey, malgré : ques erreurs de détails, avait permis d'espéreb 1 Peters : Das R otztilgungsverfahren mit Einschluss der Malleinimpfung im Bromberg. Berl. 1herarztk Wochens: 1594 no 40-41. Le > Prus : Ueber die Wirkung des Malleins auf das Blut und uber seinen diagnostischen W “es Œsterr, Zeilsch. f. Wis= sench. Velerinarkunde, t. IV, ? ExceLen : Das Mallein Fe ca thierarstlichen Praxis Deutsche Thierarztkunde Wochens. 1895, n° 1. i SemMER : Sur la valeur diagnostique de la malléine. Ar- chives russes des Sciences biologiques, 1894, t. II, n° 2. D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE 3 DD QS _ quenos soldats ne seraient plus victimes des vices … d'organisalion qui avaient amené les désasires sanilaires de Kelung et des iles Pescadores, sans … parler des fautes commises au Tonkin. Pour la campagne du Dahomey, nous trouvons, — en effet, de précieux renseignements dans le rap- port de Barthélemy. Il nous montre d’abord l’en- — durance supérieure des hommes de la Légion « étrangère comparés aux lroupes de l’Infanterie de … marine. Il y a là une indication précieuse pour l'or- — ganisation future de nos troupes coloniales. Le ser- vice de trois ans ne doit plus permettre d'utiliser “ les troupes du contingent. Toutes les recherches “ médicales montrent, en effet, que c’est entre 27 et « 30 ans que la résistance aux fièvres des pays chauds est la plus grande. Or, nos soldats ont généralement “22 ans quand ils peuvent être tirés des dépôts d'instruction. On ne fail pas campagne dans les pays tropicaux avec des hommes de cet âge. La Légion étrangère, au contraire, est composée d'hommes d'une trentaine d'années environ, en- lrainés déjà par le climat d'Afrique, les rudes campagnes du Sud-Algérien, quelques-uns même comptant un cerlain séjour au Tonkin. La plupart sont, dans une certaine mesure, aguerris.contre la fièvre. Les récidivistes paludéens résistent mieux que les nouveaux venus. Celte résistance des hommes de la légion est d'autant plus instruetive que la grande majorité des légionnaires est de race germanique. Or, cette race, ainsi que le dé- montrent nos stalisliques algériennes, a toujours présenté, dans celte contrée relativement lempé- rée, une tendance à l’acclimatement faible et pour ainsi dire nulle. Les colons français, surtout ceux du sud de la France, sont plus aptes à s’acclimaler. Les observalicns faites au point de vue des ré- sultats oblenus par quelques mesures hygiéniques sont intéressantes à signaler. La question de l’eau, qui se présente chaque fois “qu'il s'agit d'hygiène, se pose surtout en malière “d'expédition coloniale. Si la contagion du palu- disme par l'eau rencontre encore des sceptiques, il n'en est pas moins vrai que les plus incrédules, les adversaires les plus décidés de la Zrinkwas- Sertheorie reconnaissent la nécessité de purifier Veau. Et il est désormais hors de doute que les germes de la dysenterie, qui décime les troupes en -marche dans les pays tropicaux, se trouvent, en partie du moins, dans l’eau. Au Dahomey, le service d’eau fillrée avait élé organisé avec beaucoup de soin dans tous les postes situés sur le littoral et la distribution régu- lière d’une eau pure, fraiche et en quantité sufli- Sante, a certainement contribué au maintien du 1 BaRTHÉLENY : La œuerre du Dahomey. Rapport médical. Arc. de méd. navale, 1894. p. 161. bon état sanilaire relevé dans nos établissements de la côte. Mais, en colonne, les difficultés croissent à mesure que l'on s'avance, surtout lorsqu'il n'existe aucune roule lracée et que les moyens de transport font défaut. Tant que le corps expédi- tionnaire put remonter l’'Ouémé et se maintenir en contact permanent avec les bases de ravilaille- ment par les canonnières qui faisaient le service entre la colonne et la côte, l’état sanitaire se maintint bon. L'eau du fleuve élait abondante, claire, et il était faule de la filtrer avec les filtres Chamberland. Remarquons à cet effet que des deux types emportés : 1° batterie de 25 bougies pe- sant 75 kilogrammes, et 2° ballerie de 15 bougies pesant 30 kilogrammes, le dernier seul est sus- ceplible d'utilisation dans les conditions d'alors, c'est-à-dire quand tous les transports doivent se faire à dos d'hommes. Malheureusement, c’est quand les filtres devin- rent surlout nécessaires que leur fonclionnement fut arrêté. Quand la colonne quitta les rives de l'Ouémé pour se diriger vers Abomey, dans cette marche épouvantable, si bien décrite par M. d'A- becca’, elle ne rencontra plus qu'une eau limoneuse, chargée d'argile et de détrilus organiques, et les filtres, rapidement encrassés, devinrent bientôt inutilisables. On essaya bien, il est vrai, de re- courir à l'alunage, qui permettait une précipitation des matières minérales et rendait la filtration théo- riquement possible. Mais il est indispensable, dans ces condilions, de procéder à la décantation, et c’est là une complication de plus, qui demande et des ustensiles et du temps, toutes choses qui man- quaient à la colonne en marche. Cette question de la purification de l’eau en campagne doit certainement fixer l'attention. Les appareils de Genesle et Herscher, applicables aux troupes européennes, au besoin même aux en- droits desservis par une route et surtout par un cours d’eau navigable, sont trop encombrants pour une colonne en marche. Les filtres Maignen, conslilués par une toile d'amiante, recouverte d’une composition spéciale de charbon mélangé de chaux et que l'inventeur désigne sous le nom de carbo-calcis, sont cerlainement beaucoup plus portatifs, plus faciles à netioyer, et donnent un bon débit. Toulefois, malgré le rapport favorable du Professeur Laveran?, et, bien qu'à Panama, dans le chantier d'Orispo, ils paraissent avoir convenablement fonctionné #, l'emploi de ces appa- reils ne s'est pas répandu. Il n’est donc pas inulile de rappeler ici la désin- DÉPRNE NET CHENE PAU 1 L. D’Agecca : Tour du Monde. 1894. ? Laveran: Les filtres Maignen. Arch. de Méd. milit., sep- tembre 1886. 3 NicoLas : Terrassements en chantiers paludéens, p. 407 364 D' P. LANGLOIS — REVUE ANNUELLE D'HYGIÈNE feclion par le permanganale de polasse à la dose de 1 gramme pour dix litres d'eau, avec précipita- tion ultérieure de l'excès d’antiseptique par un peu de sucre ou d'alcool. Ce procédé, combiné avec l'alunage et un filtrage grossier, parait, jusqu’à présent, être le plus pratique ‘. Il est un fait certain, c’est que la dysenterie, — qui avait laissé presque indemne la colonne expé- ditionnaire depuis son débarquement, — fit son apparition précisément au mois d'octobre, alors que les troupes, cenfoncées en pays marécageux, ne pouvaient plus boire de l’eau filtrée. Au moment de l’expédilion de Madagascar et malgré les objurgations des gens compétents, le Ministre de la Guerre réclama la direction de l'expédition, et l’utilisation des troupes prises dans les garnisons de France. Plus de six mois furent consacrés à la mobilisalion des troupes ; on pouvait espérer que toutes les dispositions étaient prises el bien prises. Or, dans les bureaux de la guerre, on avait cal- eulé pour l'approvisionnement des hôpitaux sur une moyenne de 12 °/, de malades. Quelques chiffres suffiront pour montrer l’écart formidable qui devait se produire entre les évaluations faites dans les bureaux de la rue Saint-Dominique et la réalité. La 11° compagnie du génie est réduite en 47 jours à 7 hommes sur un effectif de 150 au dé- part. Le 1% bataillon du 200°, en juillet, deux mois après son débarquement, n'avait plus que 45 vali- des; 755 soldats étaient morts ou malades. A la fin de septembre le 200°, le 40‘ chasseurs à pied, l'esca- dron de chasseurs d'Afrique avaient complètement disparu, et c'est avec les troupes d'Infanterie de marine, de la Légion étrangère et des balaillons indigènes d'Haoussas et de Malgaches que le géné- ral Duchesne put entreprendre l’héroïque équipée de la marche sur Tananarive. Nous avons vu qu’au Dahomey, la Légion étran- gère avait beaucoup mieux résisté que l’Infanterie de marine. À Madagascar, nous voyons cette der- nière se maintenir encore quand les troupes de la guerre ont disparu. Les causes sontles mêmes; l’In- fanterie de marine compte aujourd’hui beaucoup de rengagés, tous ses cadres ont fait campagne aux colonies et connaissent par suite les condilions d'existence de ces pays, les mesures d'hygiène usuelles qu'il faut prendre. L'expédition de Madagascar peut se résumer en trois lignes : 25 °/, de morts, 50 °/, de malades, 25 °/, de valides, si une telle désignation peut ètre notée aux simples fiévreux qui ont pu faire leur service jusqu'au bout. Celle mortalité exceptionnelle trouve son ex- 1 P, LanGLois : De la filtration de Veau en campagne. Presse médicale, juin 1895. plication dans les fatigues imposées aux soldals par suite de la mauvaise organisation de l’expédition. La campagne de 1885 aurait dû renseigner les bureaux sur le peu de cas que l’on pouvait faire de l'élément indigène local; nos prélendus protégés } Sakalaves se sont dérobés avec rapidité, et les porteurs et travailleurs ont fait défaut. Cette question des porteurs est capitale dans les expéditions coloniales. La guerrelà-bas est toute dif=s férente des guerres européennes, où chaque homme estun combattant. [nous faut, au contraire, revenir aux pratiques des époques anciennes, où chaque guerrier spartiate trainait avec lui six ilotes. Les Anglaisontadmirablement compris cette néccessité morale et hygiénique. Aux Indes, aucune corvée. n’est faite par les soldats; les domestiques blancs sont rigoureusement interdits ; mais, à chaque régi= ment européen, sont attachés des domestiques indigènes, native follewers, en nombre considérable: Reynaud ! insistait, déjà en 1893, sur la nécessité d’épargner tout terrassement aux troupes blanchess « Au Soudan, à Diego-Suarez, partout on note la même observation : la morbidité et la mortalité on été considérablement augmentées par les travaux exécutés pour les élablissemenis des postes. ». L'emploi de la quinine comme moyen préventil des accidents palustres a encore été vivement dis= cuté à propos de cette expédition. Il semble bien établi, malgré quelques opposants parmi lesquel nous devons citer Le Roy de Méricourt, Navarre; Raynaud, que l'usage de la quinine prise à dose suffisamment élevée (0 gr. 30 tous les jours où 0 gr. 60 tous les deux jours) (Laveran ?), s’il n'as* sure pas l'immunité complète contre le paludisme prévient au moins les accès pernicieux, contre les- quels le médecin est le plus désarmé *. Quant au rapatriement des malades, nous avons insisté, dans un article de la Presse Médicale *, Su lPincurie criminelle qui a présidé à celte opération: Les 2375 affectés aux hommes à bord des cargo: boats nolisés dans ce but, étaient absolument ins suffisants, et la Marine ou la Guerre n’a pas su ut les magnifiques transports-hôpitaux du type de l’Annamile. Enréalité, laseulemesure prophylactique sérieuse est la création d'une armée coloniale, constituée pa des hommes faits et servis par des indigènes. D' P. Langlois, Chef du Laboratoire de Physiologie 4 à la Faculté de Médecine de Pamss liser 1 Reynaup : Armée coloniale au point de vue de l'hygiène pratique. Archiv. de Méd. navale, 1893-1894. J 2 Laveran : Emploi de la quinine contre le paludismes Revue d'Hygiène, 20 mars 1896. 3 Quennec, Frurrer, ManIN, etc.: Mémoires et "apres D | divers in Arch. de Méd. navale, 1893- 1896. 4 P, LanGLois : Le Rapatriement des troupes de Madagas= : ar. Presse Médicale, 6 nov. 1896. ACTUALITÉS SCIENTYFIQUES ET INDUSTRIELLES 305 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES LA ROUE HYDRAULIQUE P£ELTON Les descriptions des nombreuses installations hy- dro-électriques qui ont été faites en Californie pendant ces dernières années, montrent que l'emploi d’une roue un peu négligée en Europe, la roue hydraulique Pelton, est très répandu aux Etats-Unis. Il y a quelques mois, le Franklin Institute, sur le rapport de l’un de ses comités, a décerné à M. Pelton la Elliot Cresson Medal. Aussi, bien que l'invention ne soit pas absolument ré- cente, croyons-nous devoir appeler l'attention de nos lecteurs sur l'intérêt qu'elle présente. En France; les roues de ce genre ne sont que peu ou point utilisées; elles semblent avoir cependant de sérieuses qualités, approximative d’une cuiller. L'eau est amenée à ces roues au moyen d'une conduite spéciale et, par son choc sur les palettes, détermine le mouvement. La ver- ticalité de l’axe est un avantage lorsqu'il s’agit de la conduite des moulins, puisque les roues peuvent alors être directement accouplées aux meules, Mais tous ces genres de moteurs ont des rendements très défectueux, Nos pères n’en connaissaient pas suffisamment la théo- rie; le guide qui leur aurait été nécessaire dans les recherches de perfectionnement n’apparut que vers le milieu du xvrm siècle. C’est alors que Bernouilli, Borda, ÆEuler,entreprirent les premières études sérieuses surles Fig.1. — Roue Pellon. — Cette roue, calée sur le même arbre qu’une poulie située à gauche de la figure, est installée sur une charpente en bois très grossière et très simple. Au premier plan en bas, on voit l’ajutage qui sert à amener l'eau sur la roue, et le volant de fermeture de l’ajutage. que l’histoire rapide des moteurs hydrauliques va nous permettre de mieux apprécier. Connus depuis très longtemps, c’est seulement à la fin du siècle dernier qu'ils commencèrent à faire quelques progrès. Les anciens les employaient déjà. On lit, dans l'ouvrage de l’architecte romain Vitruve, * la description d’un moulin mù au moyen d’une roue à palettes planes disposées dans le prolongement des rayons ; elle était établie en plein courant. D'autre part, nous trouvons, dès le xvn*siècle, unautre type deroues fort employées dans le midi de la France, mais qui ne valent guère mieux au point de vue du rendement que celle de Vitruve: ce sont les roues à cuillers et les roues à cuves. Elles ont un axe vertical, et leurs palettes sont des surfaces courbes, ayant la forme roues hydrauliques. Ils reconnurent que, pour obte- nir le rendement maximum, il faut que l’eau entre sans choc dans la roue et qu'elle la quitte sans vitesse. Ces deux conditions, qui n’étaientnullement respectées par les anciens types, comme on peut facilement le constater, sont excessivement importantes, Des considérations pratiques empêcheront toujours qu'on y satisfasse d'une manière parfaite. Mais les moteurs seront d'autant meilleurs qu'ils les rempliront mieux. Les études des savants que nous avons cités ne recurentpas, à notre connaissance, d’application im- médiate. Elles furent continuées en 1819 par Navier et d’Aubuisson et, vers 1824, l'ingénieur en chef des mines Burdin construisit, d’après les principes énon- cés, une roue à axe vertical à laquelle il donna 366 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES lenom de twrbine; elle fut reprise et perfectionnée quelques années plus tard par son élève Fourneyron. De son côté, et à la même époque que Burdin, Ponce- let fut conduit à l'étude des roues utilisant la force vive de l’eau. Dans ses conférences, faites à l'Ecole d’Artillerie de Metz, en 1826, il donna la théorie et la description de celle qui porte son nom. Elle tourne, comme l’on sait, autour d’un axe horizontal. A partir Fig. 2. Fig. 2. Chemin suivi par un jet d’eau frappant une surface plane. En A naissent les chocs et les bout Fig. 3. Chemin suivi par un jet d'eau frappant une surface courbe. En B naissent les chocs et les bouillonnements. ,. Jet d'eau frappant une surface théoriquement parfaite. La forme de cette surface est celle qui a été adoptée pour la roue Pelton. C, arête du double auget; D, partie courbe de l’auget, que l’eau ne doit jamais frapper direc- — Fig. tement. de ce moment, l'attention des ingénieurs fut constam- ment atlirée vers les moteurs hydrauliques et les perfectionnements se succédèrent rapidement. Chose curieuse, ilsontété en grande partie réalisés avant l'époque des applications industrielles de l'électricité. Les turbines ne pouvaient avoir cependant que de rares applications, puisqu'elles imposaient un empla- cement déterminé à lusine qui les utilisait, les transmissions télédynamiques étant très peu répan- dues et ne pouvant être employées que dans un faible Fig. 5. — Exemple de quatre roues Pelton calées sur le même arbre el conduisant une seule dynamo. — Les deux roues de gauche sont cachées par leur couverture métallique. La couverture des deux roues de droite a été enlevée de manièrë à les laisser à découvert. rayon. L’électricité permettant, au contraire, le trans- port de l'énergie à de très grandes distances, l'usage des turbines devait inévitablementse propager. Mais ces machines ont, dans ce cas, un inconvénient assez grave : c’est la verticalité de leur axe; pour faire tourner la dynamo, on est obligé d’avoir recours à un renvoi de mouvement à angle droit ou de donner à la dynamo elle-même un axe vertical. Ces deux solutions sont également défectueuses. Par la première, on introduit un organe de transmission supplémentaire et assez délicat; par la seconde, on surcharge démesurément le pivot de la turbine, dont le bon entretien dans les | circonstances ordinaires est déjà si difficile. On a | recours, il est vrai, à des équilibreurs hydrauliques ou électromagnétiques, destinés, en supportant une par- tie du poids de la dynamo, à soulager ce pivot. Mais ce sont là des complications qui ne vont pas elles- mêmes sans quelques inconvénients. D'autre part, on ne peut guère, dans notre cas, songer à employer les Fig. 3. lonnements. — roues ordinaires à cause de leur faible vitesse de ro- tation. De plus, elles ne sont pas applicables aux chutes supérieures à 10 ou 12 mètres. IL résulte de ce qui précède qu'il est très impor- tant de posséder un moteur hydraulique ayant les avantages des turbines, capable, par suite d’un tracé rationnel de ses augets, d'utiliser aussi par- faitement que possible la force vive de l’eau, tout en étant à axe horizontal. La roue Pelton, telle qu’elle est décrite, possède ces avantages ; elle aurait mème sur les turbines, outre la direction de son axe, le mé rite d'être mieux appropriée aux chutes très élevées eb d'être d’un entretien beaucoup plus facile à cause de sa grande simplicité. C’est, si l’on veut, une roue à palettes, mais les palettes ont la forme tout à fait partis culières de doubles augels, ainsi que le montre notre figure 1, Voici quelles sont les raisons qui ont conduit à adopter cette forme : le travail produit par une masse d’eau qui traverse la roue croit comme la différence V°— v”, V étant la vitesse d'entrée et v la vilesse de sortie. On a donc toutintérèt à faire en sorte que cette i …. eS * ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES 307 dernière soit la plus faible possible. Il est évident que . (lig. 6). Une autre solution consiste à disposer sur le l’action de l’eau par choc ne permettra que de satis- faire très mal à cette condition. Après avoir agi par chocsurune paroi, une molécule est loin d’avoir perdu toute sa vitesse; de plus, en revenant elle- même, elle gène l’arrivée de nou- velles molécules : il se produit des bouillonnements qui sont autant de pertes de force. On dé- montre que, pour éviter tout choc, la vitesse de l’eau, à son entrée dans la roue, doit être tangente au premier élément qu'elle rencontre. Cette règle à été formulée par Borda. D'autre sur mème arbre 2, 3 et même # roues. La figure 5 offre un exemple de ce dernier cas, appliqué à la conduite d'une dynamo; afin d'éviter les projections d’eau qui peuvent quelquefois se produire et de protéger le corps même de la roue, on en- toure celle-ci d’une cage métal- lique : c’est ainsi que sur la figure 5 les deux roues de gau- che sont cachées par leur cou- verture. La roue de la figure 7 est de même entièrement ca- chée, On voit seulement ‘rès dis- tinctement les détails du régula- teur, Selon que la vitesse est au- dessus ou au-dessous de la vi- part, si nous cherchons les con- dilions pour que la vitesse v de sortie de l’eau soit nulle, ce qui serait le cas le plus favorable, nous trouvons qu'il faut : {° que la vitesse relative du liquide soit égale, en valeur absolue, à la vitesse circonférientielle de la roue; 2° que l'élément de sortie soit tangent à la surface exté- rieure de la roue, Mais le même calcul fait voir que, si cette der- nière condition était rigoureu- sement satisfaite, l’eau ne pour- rait sortir du moteur. On devra donc se contenter sur ce point d’une approximation aussi gran- de que possible. Voyons maintenant ce qui se passe lorsqu'un filet d’eau frappe une surface quelconque. Notre figure 2 montre le cas d’une surface plane, Il est évident que l’utilisation de la force vive est très mauvaise. Le li- quide frappe perpendiculairement l'élément qu'il rencontre. Il en résulte, dans la partie A, des chocs et des bouillonnements; en outre, l’eausortper- pendiculairement au mouvement de la roue et avec une vitesse en- core considérable. Le dispositif montré par la figure 3 est meilleur, en ce sens qu'il satis- fait aux secondes con- ditions que nous avons énoncées plus haut; mais il se produit en B des chocs nuisibles. Le dispositif de la fi- gure # est théorique- ment parfait; c'est ce- Jui qui a été adoplé pour la roue Pellon. Il est susceplible de ré- pondre, aulant que la pratique le permet, aux conditions d'entrée et de sortie de l’eau. Mais il faut évidemment pour cela que l’arète C soit perpendiculaire à l'axe de rotation de la roue, sinon, par suite du mouvement, l'eau viendrait successivement frapper toutes les parties de lauget, et, en frappant en D, par exemple, elle cesse- rait de satisfaire aux conditions d’entrée. L'eau est amenée sur la roue Pelton, qui est enlière- ment métallique, au moyen d’un ajutage visible à la partie inférieure de notre figure 1. On peut, si le débit l'exige, en disposer un certain nombre de manière que l’eau vienne frapper plusieurs augets à la fois à la fois. l’autre des précédentes. Fig. 6. — £xemple d'une roue Pellon disposée de manière à recevoir l’eau par trois ajulages Fig. 7. — Réqulaleur de la roue Pellon. — La roue est entièrement cachée par son enveloppe métallique. Le régulateur à boules agit par l'intermédiaire d’un train d’engrenage sur un quadrant denté S, visible en avant ct vers le milicu de la figure, et qui, selon qu'il tourne dans un sens ou dans l'autre, ouvre ou ferme l'ajutage ; «, b, petites poulies tronconiques faisant corps avec le manchon #7 du régulateur; C, grande poulie mue par l’une ou tesse normale, l’une ou l’autre des deux petites poulies tron- coniques « et b, vient frotter contre une troisième C, laquelle par un train d’engrenages, fait tourner un secteur denté S qui commande une valve intérieure du conduit d'arrivée de leau. D'autres modèles de régulateurs sont également employés. Mais nous croyons inutile de les dé- crire. Ce que nous voulions si- gnaler surtout, c'était le prin- cipe de celte roue, qui, si elle n’est pas totalement inconnue en Europe, y est certainement peu répandue. ; Elle est, au contraire, fort employée aux Etats-Unis. Nous pouvons citer à Virginia City, Nevada, d’une part, un groupe de 6 roues en bronze phosphoreux, ayant 1 mètre de diamètre, pesant 100 kilos chacune, déve- loppant, à la vitesse de 900 tours par minute, 125 che- vaux sous une chute de 604 mètres; d'autre part, un- groupe de36rouestour- nant à la vitesse de 1150 tours par minute sous une chute de 630 mètres. Ces dernières ont un corps en acier et des augets en bronze phosphoreux. Un au- tre exemple important nous est offert par The Roaring Work Electric Light and Power Com- pany à Aspen, Colora- do. Cette compagnie emploie 8 roues Pelton de 60 centimètres de diamètre, développant chacune 175 chevaux à la vitesse de 1000 tours par minute sous une chute de 246 mè- tres.L'installation com- plète pèse à peine un peu plus de 2 kilos par cheval développé. Un rapport écrit par le lieutenant F.-J. Hæ- seler et publié par le U. S. Naval Institute, montre que, dans une série de 7 essais, les rendements varient de 82,9 pour cent à 86,59. La moyenne est de 84,91. IL y à peut-être quelques réserves à faire sur ces cyaluations, mais les nombres que nous avons cités n’en ont pas moins leur éloquence !. A. GAY, Ancien élève de l'Ecole Polytechnique 1 Lesfigures intercalées dans notre texte ont été empruntéces au journal de The Franklin Instilule. 368 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ‘ ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Poincaré (Henri), Membre de l'Institut, Professeur de Physique mathématique à la Faculté des Sciences de Paris. — Théorie analytique de la propagation de la Chaleur. Lecons professées pendant le 1°* semestre 1893-94, rédigées pu MM. Rouyer et Baire. — Un vol, grand in-8° de 320 pages avec figures. (Prix : 12 fr.) G. Carré, éditeur, Paris, 1896. « La Théorie de la Chaleur de Fourier est un des pre- « miers exemples de l’application de l'Analyse à la « Physique; en partant d'hypothèses simples qui ne « sont autre chose que des faits expérimentaux géné- « ralisés, Fourier en à déduit une série de conséquences « dont l’ensemble constitue une théorie complète et « cohérente. Les résultats qu’il a obtenus sont certes « intéressants par eux-mêmes, mais ce qui l’est plus « encore est la méthode qu'il a employée pour y par- « venir et qui servira toujours de modèle à tous ceux « qui voudront cultiver une branche quelconque de la « Physique mathématique. J'ajouterai que le livre de « Fourier à une importance capitale dans l’histoire des « mathématiques, et que l'analyse pure lui doit peut- « être plus encore que l’analyse appliquée. » C’est par ces lignes que débute le livre de M. Poin- caré. Il est consacré à l'exposition des problèmes qu'a traités Fourier; il aborde, en outre, plusieurs ques- tions connexes d'un grand intérêt. Aux mathématiciens, il présente la démonstration rigoureuse d’un certain nombre de résultats, que Fourier a plutôt devinés qu'établis ; aux physiciens, il signale des rapproche- ments instructifs entre l’équation de la chaleur et d’autres équations aux dérivées partielles, telles que l'équation des télégraphistes : aux uns et aux autres, il rend plus familière la grande œuvre de Fourier. « Les causes primordiales ne nous sont point con- « nues, déclare Fourier au début de son Discowrs préli- « minaire, mais elles sont assujetties à des lois simples « et constantes que l’on peut découvrir par l’observa- «tion, et dont l'étude est l’objet de la Philosophie « naturelle. » Quand on relit ce Discours préliminaire et la Théorie analytique de la Chaleur, on est frappé de voir à quel point le grand géomètre apportait, dans son analyse, des préoccupations de physicien. Ce qu'il a toujours en vue, c'est « décomposer le mouvement général de la chaleur en autant de mouvements particuliers dont chacun s’accomplira comme s'il était seul », c'est obtenir des intégrales «qui représentent de la manière Ja plus distincte l'effet naturel qui est l’objet de la question », condition sans laquelle « les résultats du caleul ne nous paraîtraient que des transformations inutiles ». Dans le cas de l’armille, si la distribution initiale de la température est représentée par la fonction sinu- soïdale simple A : sin ñ. 2 x 7 totale de la bague, æ la distance de la section consi- dérée à une section fixe, et n un entier quelconque, — la loi du refroidissement est extrêmement simple, Dans un milieu extérieur à température 0, la température V sera devenue au temps t : — l étant la longueur VA DI= AA ET SE . Le problème revient à décomposer la distribution initiale, donnée par une fonction périodique de æ ayant pour période /, en une série de la forme : N: Ansinn2r — Bicosn 2 (a: D TE Er n COS N. r<). Chacun des « harmoniques » s’amortira avec une ra- pidité propre, d'autant plus grande que sa « longueur d’onde » est plus faible. C'est d’ailleurs à propos d'un autre problème qu’on rencontre pour la première fois le développement d'une fonction périodique d'une variable en série tri- gonométrique : c’est à l'occasion du problème des tem- pératures stationnaires dans une barre métallique chauffée. à un bout. (Chapitre 111 de M. Poincaré.) Dans le cas d’une sphère de rayon R, si on suppose que la température ne dépend que de la distance x au centre, il faudra de même décomposer la distribution initiale en une série de distributions telles que : 1 4 T — An Sin Un .2r — ci 9] ni assujetties chacune à la condition de se conserver sem- blable à elle-même dans le refroidissement. Mais on trouve ici que le coefficient u, doit être, non plus len- tier n, mais la niè% racine réelle de l'équation trans- cendante tg y = Cu. Il s’agit donc de développer une fonction en série procédant suivant les sinus se b. 2r © y 22, elc., les quantités RS TR NS TR ES RE FE Ss étant les racines d'une équation transcendante. M. Poincaré rappelle très justement que Fourier a admis sans démonstration la possibilité d’un pareil développement, Et il consacre trois chapitres (cha- pitres x1, xit et xu1) à la méthode de Cauchy pour développer une fonction arbitraire en série de forme déterminée, — méthode fondée sur l’étude des valeurs asymptotiques des fonctions. Si les dimensions du corps ne sont pas finies, si l'on a un fil de longueur infinie, au lieu du fil dont les bouts se rejoisnaient pour former l’armille, — ou encore un solide indéfini dans tous les sens, — on ne peut plus donner à la distribution initiale la forme d’une série. Mais « lorsque, dans les séries conver- gentes que lanalyse fournit, on donne aux quantités qui désignent les dimensions une valeurinfinie,chacun des termes devient infiniment petit et la somme de la série n’est autre chose qu’une intégrale. » Les chapitres v, viet vu de M. Poincaré indiquent, avec tout le délail nécessaire, comment on peut passer de la série de Fourier à l'intégrale de Fourier. Laplace avait donné au coefficient différentiel qui figure sous le signe f une forme différente; et Fourier avait déjà démontré l’équivalence des deux modes de calcul. M. Poincaré établit cette équivalence par les propriétés des fonctions elliptiques. S'agit-il enfin d’un corps solide limité d2 forme quel: conque, ou d’une sphère dans laquelle la distribution. ne soit pas uniquement fonction de la distance au centre, le problème se complique. Fourier affirme qu’on peut le résoudre en généralisant la méthode employée dans le cas d’une variable unique. On décom-= posera la distribution initiale en une série de distribu- tions représentées chacune par une fonction harmonique des coordonnées à l’intérieur du solide. Pour savoir ce qu'est devenue l'une de ces distributions élémentaires. au bout du temps t, il n’y a qu'à multiplier la fonction harmonique initiale par l’exponentielle e—", % étant naturellement un coefficient particulier à chacune des distributions. « Ici, dit M. Poincaré (chapitre xiv), nous de y, 2x BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 309 perdons en rigueur ce que nous gagnons en généra- lité. » Et c’est vrai, surtout si l’on se reporte au livre de Fourier. Pour le cas de la sphère ayant au début une distribu- tion quelconque et pour le cas du cylindre limité à deux sections droites, M. Poincaré établit d’une facon générale la possibilité du développement d’une fonc- tion quelconque des coordonnées en série de fonctions harmoniques. Il indique à cette occasion les propriétés des harmoniques sphériques et de la série de Laplace. Ce cours, très clairement et soigneusement rédigé par MM. Rouyer et Baire, offre donc, comme l’œuvre même de Fourier, l’avantage de faire passer en revue à peu près toutes les questions d'analyse qui intéressent la Physique mathématique. Dans le cours de M, Poin- caré, seulement, les mêmes questions sont abordées avec les ressources et avec la rigueur de l'analyse con- temporaine, BEerNarD BRUNHES. 2° Sciences physiques. Guillaume (Ch. Ed.), Docteur ès sciences. — Les ra- diations nouvelles. Les rayons Xet la photogra- phie à travers les corps opaques. — Un volume in-8° de 123 pages avec 21 fig. et 5 planches. (Prix : 3 fr.) Gauthier- Villars et fils, Paris, 1896. Voici un livre de haute actualité, très rapidement et cependant très mûrement écrit. Tous ceux, et combien ils sont nombreux, qu’intéresse, même à titre de sim- ple curiosité, la question à l’ordre du jour : les rayons X et la photographie à travers les corps opaques, vou- dront lire l'exposé substantiel et lucide que présente l’auteur, de toutes les recherches sur le sujet, de celles datées d'hier comme de celles datées d'aujourd’hui ; et quant à ceux qui désirent pénétrer plus avant dans la connaissance des faits et des.théories, qui cherchent à être mis au courant des nombreux travaux encore peu connus en France et dont la parenté avec la bril- lante découverte du professeur Rôntgen est incontes- table, ils ne sauraient souhaiter un guide meilleur ou mieux renseigné. L'ouvrage renferme deux parties. La première est consacrée à l’étude d’un certain nombre de faits géné- ralement peu connus et qui présentent avec plusieurs particularités de la décharge dans les gaz ou avec les propriétés des radiations découvertes par le physicien de Würzbourg des liens très étroits; elle renferme {rois chapitres intitulés : l’état gazeux, la lumière, l’électrolyse. Dans le chapitre consacré à l’état gazeux, l'auteur rappelle sommairement les principes de la théorie cinélique des gaz; dans celui consacré à la lumière, il insiste plus particulièrement surles phéno- mènes de réfraction anomale, sur la propagation de la lumière ultra-violette, sur les phénomènes de phos- phorescence et de fluorescence; dans le chapitre de l’électrolyse enfin, on trouvera un très intéressant résumé des travaux récents, relatifs à la question peu connue encore de l'électrolyse des gaz. M. Guillaume a parfaitement compris qu'il était très utile de bien mettre toutes ces questions au point; elles doivent, en effet, être présentes à l’esprit de ceux qui veulent sui- vre avec profit les discussions auxquelles à donné naissance le mémoire de Rüntgen et saisir la véritable portée des hypothèses qui ont été émises un peu par- tout. Au milieu de la confusion du premier moment, dans le grand retentissement de la découverte, à la- quelle on était d'autant moins préparé que l'étude des questions auxquelles elle semble se rattacher était un peu négligée en France, bien des choses ont été dites, bien des idées ont été publiées qui trahissaient surtout une connaissance un peu insuffisante des faits déjà acquis et des théories antérieurement émises. La pre- mière partie du livre de M. Guillaume permettra de prendre un facile apercu d’une foule de questions que l'on ne peut plus ignorer maintenant. La seconde partie commence par une étude bien conduite et bien ordonnée des principaux travaux ef- fectués depuis Faraday sur les décharges lumineuses dans les gaz; là, encore, l’auteur redresse en passant bien des erreurs communément répandues; il résume avec autorité les expériences faites par Crookes el Goldstein après les découvertes de Hittorf, et retrace toutes les péripéties de la lutte encore poursuivie au- jourd’hui entre les physiciens anglais et les physiciens allemands, pour ou contre la théorie du bombarde- ment ; il rappelle enfin les derniers travaux de Hertz et de Lenard. À mesure que l'on avance dans cette étude de la décharge, on pressent de plus en plus la découverte de Rôntgen, et M. Guillaume nous montre clairement, par des citations précises, que Goldstein et Lenard ont signalé des faits singuliers sur lesquels aujourd’hui le doute n’est pas possible : ces physiciens se trouvaient en présence des fameux rayons; mais la gloire de les isoler, de les étudier, de signaler leurs propriétés extraordinaires, était réservée à un autre; il serait injuste toutefois d'oublier les précurseurs de l’heureux et perspicaice physicien. L'auteur aborde enfin le travail désormais historique de Rüntgen, et il examine les principaux mémoires qui ont, depuis trois mois, été publiés dans tous les pays sur la question ou sur des sujets connexes ; mais cette partie de l'ouvrage n’a pas besoin d’être expliquée en détail aux lecteurs de la Revue qui ont été mis si vite et si bien a courant de tous les progrès effectués, de tous les faits nouvellement acquis. On trouvera dans le livre de M. Guillaume tous les renseignements nécessaires sur les divers procédés de technique expé- rimentale, sur les applications aux études les plus variées, et enfin le résumé des importants travaux de M. Becquerel et d'autres expérimentateurs francais sur les phénomènes analogues produits par les substances phosphorescentes et fluorescentes; il importe ici de bien remarquer avec l’auteur que, si la physique fran- caise s'était un peu désintéressée des études qui ont conduit à la decouverte sensationnelle de Rôntgen, elle a depuis brillamment regagné le temps perdu et considérablement augmenté le trésor commun. Vers la fin du livre, M. Guillaume consacre un cha- pitre aux essais de théorie qui ont été proposés ; il les expose impartialement et finit par donner son opi- nion personnelle; jusque-là, il s'était contenté d’ex- poser scrupuleusement les faits, ne laissant percer son idée qu'en quelques endroits. M. Guillaume pense, et l'on estimera sans doute qu'il agit fort sagement, qu'il est préférable de ne pas recourir à des hypothèses nouvelles aussi longtemps que l’on n'aura pas démon- tré complètement l'insuffisance des anciennes ; ainsi, par exemple, n'est-il pas d’une bonne prévoyance de garder en réserve les ondes longitudinales encore in- connues de l’éther pour expliquer, au moins provisoi- rement, les découvertes fulures, puisque, aussi bien, dans le cas actuel, de telles ondes ne semblent pas ab- solument nécessaires à invoquer. L'auteur, par une critique très fine, démontre qu'aucun des arguments que l’on oppose à l’idée que les rayons de Rüntgen sont dus à des vibrations transversales de très faible longueur d'onde, — les radiations invisibles des corps phosphorescents formant la transition entre elles et les radiations ultraviolettes ordinaires, — n’est actuel- lement irréfutable: signalons, en particulier, la très adroite réfutation qu'il fait des arguments que l’on pourrait tirer de la loi de Stokes et les ingénieuses comparaisons avec les phénomènes connus en acous- tique des sons de combinaison et de différence. Le livre de M. Guillaume est d’une lecture facile : ai- mablement écrit, il! plaira à tous; certes, il présente l'inconvénient de tous les livres écrits sur les sujets trop actuels: quelque admirablement renseigné que soit l’auteur, demain peut-être son œuvre paraitra bien vieillie; mais n'ayons aucune inquiétude à ce sujet, une seconde édition rapidement rendue nécessaire par le succès de la première per mettra de remeltre les choses au point. , Lucien PoINGARE. 370 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Simon (Louis), Préparateur à la Faculté des Sciences de Paris. — Action des amines aromatiques pri- maires sur quelques composés cétoniques dissy- métriques. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 brochure in-8° de 106 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs, Paris, 1895. Dans ce travail, M. Simon a cherché à étendre nos connaissances relatives à l’isomérie stéréochimique des composés renfermant le groupe : R NC = A7R", R'/ parmi lesquels se trouvent les oximes et les hydra- zones, On sait que l’on n'est pas encore fixé sur les causes de l’isomérie signalée dans ces derniers corps; il y avait donc intérêt à la rechercher chez d’autres, de constitution analogue. M. Simon s’est adressé aux dérivés de l’acide pyru- vique et de l'acide phénylglyoxylique qui, par leur fonction d’acétone, doivent nécessairement donner, avec les amines aromatiques, des combinaisons répon- dant à la formule précédente; le sujet avait été effleuré par Bôltinger en 1877, et l’on savait déjà qu'il enest réellement ainsi dans le cas de l’aniline et de l'acide pyruvique. Dès le début de ces recherches, M. Simon s'est aperçu que l’acide pyruvique pur est susceptible de cristalliser : c’est en réalité un corps solide, fusible à 14°. Avec l’aniline, il donne l'acide anilpyruvique ou phénylimino-propanoique : CH5 ŸC = AzCtH;, CO’H transformable par Ja chaleur ou les dissolvants froids (eau et alcool) en acide aniluvilonique ou quinaldine- carbonique, ainsi que l'acide phénylamino-4-phénylünino- 2-pentanoique. C°H°AzH ÀCH—CH?-C CH , AzC5H® \coH dont la constitution n'avait pas encore été établie. Les toluidines, la métaxylidine et la 8 naphtylamine se comportent de la même manière ; seule l’x naphtyl- amine semble ne pas réagir. Les éthers pyruviques, que M. Simon obtient par éthérification directe, et dont on ne connaissait avant lui qu'un seul représentant, le pyruvate d’éthyle, se condensent également avec l'aniline; mais la molécule devient plus complexe, et on obtient en général des corps répondant à la formule : C"H'Az SC CO=CH2=C CHI AzC ‘H5 \ CO?R L’acide phénylglyoxylique réagit aussi sur les amines aromatiques ; mais, chose curieuse, il com- mence par donner un sel, qui peut être redissous et cristallisé dans l’eau sans altération, et que la plupart des autres dissolvants, surtout l'alcool méthylique, transforment en dérivé anilé. ke Ce corps peut d’ailleurs être ramené à son état ini- tial par la seule action de l’eau; il y a là un phéno- mène de migration des plus curieux qui montre l’an- tagonisme des deux fonctions de l'acide phénylgly- oxylique, antagonisme qui n'est pas sensible chez l'acide pyruvique, puisque jamais on n’a pu isoler le pyruvate d’aniline. Seule, parmi les bases essayées, l’x naphtylamine fait, comme ci-dessus, exception, c’est-à-dire qu'elle ne donne pas de combinaison naphtylée. M. Simon examine enfin l’action de l’aniline sur le phénylglyoxylate d'éthyle; dans ce cas il se produit a une réaction inattendue : Féther se change en un sel d'aniline, Il nous est impossible de suivre ici l’auteur dans les discussions auxquelles donnent lieu les résullats ob- servés par lui : nous remarquerons seulement que, dans tout le cours de ces recherches, M. Simon n'a jamais pu constater la moindre manifestation d'isomérie, com- parée à celle des oximes ou des hydrazones: c'est sa conclusion finale. Quelle peut donc être la cause déterminante de celle-ci ? Il nous faut encore attendre de nouvelles données pour avoir le droit d'émettre à ce sujet une opinion quelconque. | Le mémoire de M. Simon est clair, précis; il est rempli de faits bien observés et bien décrits, de don- nées expérimentales intéressantes à tous les points de vue ; c'est, en un mot, une bonne entrée dans la science, et nous ne pouvons que souhaiter à notre ancien élève de marcher toujours et longtemps dans la voie qu'il s'est tracée lui-même. L. MAQUENNE. 3° Sciences naturelles. 3 Glangeaud (Ph.), Agrégé de l'Universite. — Le Ju- rassique à l'Ouest du Plateau central. Contribu- tion à l’histoire des mers jurassiques dans le bassin de l’Aquitaine, (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8, de 26% pages aveen 46 fig. Baudryet Cie, éditeurs, Paris, 1896. Depuis Elie de Beaumont et Dufrénoy, personne n’as vait tenté d'entreprendre une étude d'ensemble des dé- pôts jurassiques de l’Aquitaine, quoique les observaz tions straligraphiques aient, depuis cette époque (1848), beaucoup gagné en précision et en exactitude, et bien que la conception des facies ait introduit dansla science un élément important dont n'avaient pas tenu compte les illustres auteurs de la carte géologique de France. M. Ph. Glangeaud a pris pour sujet de sa thèse de doc- torat le Jurassique à l'Ouest du Plateau central; il à exploré plus particulièrement la portion de cette bor- dure sédimentaire située dans les départements de la Charente et de la Dordogne, mais il a étendu aussi ses recherches vers la Vienne et la Vendée, Il a pris égale- ment en considération, pour établir ses comparaisons, lesnombreux travaux que ses devanciersontfait paraître sur diverses parties isolées de son champ d'études. M. Glangeaud s’est placé à un point de vue très inté= ressant, et les résultats qu'il nous présente dépassent notablement, en portée générale et en clarté, ceux qui avaient été publiés jusqu'à ce jour sur la région. Les limites de ce compte rendu ne nous permettent pas de suivre l’auteur dans son analyse détaillée des fucies que présente chaque étage. Des profils, des cartes eb des nombreux schémas permettent de suivre aisémenb les modilicalions des dépôts, soit latéralement, soib dans le sens vertical. É Un grand nombre de faits remarquables sont signas lés : tels l'absence de la Gryphée arquée et des Cardi- nies dans le Lias inférieur, la transgressivité très nelle du Lias moyen, l'absence du niveau classique à PosisM donomya Bronni à partir du Lot, ete. M. Glangeaud nous fait connaître la répartition exacte des trois es: pèces caractéristiques du Toarcien de l'Ouest : Cryphaea Beaumonti (pictaviensis), Pecten pumilus et Rhynchonella cynocephala, et insiste sur le caractère peu méditerra= néen de toutes les faunes liasiques de la région. + Pour le Jurassique moyen, les facies divers sont sois gneusement étudiés, ainsi que la transgression b«jocienne et les restes que la décalciltication des calcaires à silex, de cet étage a laissés assez avant sur le Plateau cenz tral sous la forme d'argile rouge à silex. Le Bathonien, oolithique et son équivalent saumätre à Cyrena, Sphe= nia et Corbules font l’objet: de chapitres intéressants, où l’auteur insiste particulièrement sur l'étendue con= sidérable (400 kilomètres) occupée par ces formations submarines, qui se relient aus. E. au Bathonien lacustre delarégion des Causses. Les caractères des différents facies que revélent Les BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 371 étages callovien, oxfordien, rauracien et séquanien sont également détaillés et révèlent des faits nouveaux et remarquables, tels, par exemple, que le recul pro- gressif des récifs coralligènes vers le Sud. L'activité corallienne dans les mers de celte époque fait, du reste, l’objet d’un chapitre spécial. L'analyse de la faune permet à M. Glangeaud de con- clure., avec M. Munier-Chalmas que, pendant les temps jurassiques, les courants « devaient se faire à travers le détroit poitevin, du bassin de Paris dans le bassin de l’Aquitaine ». C’est l'inverse de ce qui à eu lieu à l’époque crétacée. L'auteur fait remarquer aussi que les principaux changements de facies dans le bassin de l’Aquitaine se font sensiblement à la même lati- tude. Quelques anticlinaux sont décrits, ainsi que les failles qui découpent en partie la portion marginale du Plateau central. L'auteur discute et critique sévère- ment les résultats obtenus par M. Welsch; le réseau de plis orthogonaux, signalé par ce géologue dans le Poitou, paraît très hypothétique à M. Glangeaud. Ces données tectoniques conduisent à la conclusion que « le bassin de l’Aquitaine est un bassin d'efondrement ». M. Glangeaud nous fait espérer une suite à l’intéres- sant mémoire que nous venons d'analyser trop briè- vement. Il nous promet notamment une monographie paléontologique des fossiles si nombreux cités dans sa description stratigraphique. Qu'il nous soit permis de souhaiter qu'ilnous donnealors les tableaux de parallé- lisme permettant desuivre, malgré les changements de facies, les zones paléontologiques qu'il a reconnues. Nous pensons que M. Glangeaud discutera dans la partie paléontologique qu’il prépare, non seulement la valeur de certaines de ces zones, mais aussi les synonymies des espèces cilées, qu'il en précisera les délermina- tions, souvent un peu vagues, et qu'il nous fera con- naître des types intéressants et nouveaux. En complé- tant ainsi ! le travail que nous avons sous les yeux et en y joignant l’étude des derniers élages jurassiques qu'il n’a pas abordée, M. Glangeaud rendra à la géologie francaise un nouveau service. W. Kiran. Lenhossék (Michael von), Professeur à l'Université de Würlzhouwrg. — Der feinere Bau des Nerven- system; im Lichte neuester Forschungen. — 2e édition. 1 vol. in-8° de #10 pages avec 60 fig. et 6 planches. (Pric : 12/fr.50) H. Kornfeld, éditeur, 15, Karlstrasse, Berlin, 1895. C'est bien uu nouvel ouvrage que nous donne M. v. Lenhossék dans cette seconde édition de son livre, un travail d’une haute originalité, et dont l'esprit critique est constamment à la hauteur de la science. Après un chapitre d'Introduction, traitant de l'influence des pro- grès de la technique sur le développement de notre connaissance des éléments du système nerveux, et un exposé de la méthode de Golgi et de la théorie erronée des réseaux nerveux diffus des centres nerveux, ré- seaux qui ne sont, en réalité, qu'un feutrage très complexe (neuropile de His),sorte de « forêt vierge dont les fourrés impéuétrables seraient formés de branches et de rameaux qui, pour être étroitement entrelacés, n'en sont pas moins distincts », l'éminent disciple de Külliker insiste sur la fhéorie du contact, de Ramon y Cajal, qui « apporta la lumière, la vie et le mouvement» dans les schémas de Golgi. « On ne peut faire valoir, dit-il, comme un postulat de la physiologie la conti- nuilé des éléments nerveux entre eux, au contraire. » L’anatomie a partout substitué, en effet, à l'hypothèse de la continuité de substance des réseaux protoplas- miques ou cylindraxiles, le fait d'observation du con- tact ou de la contiguité des prolongements des cel- 1 C'est probablement par erreur que l’auteur cite Ostrea acuminata parmi les espèces qui font défaut dans le Batho- nien de la vallée du Rhin. Cette huitre est abondante dans le Vésulien d'Alsace. lules nerveuses dans l'explication physiologique des courants nerveux. L'onde nerveuse ne se propage plus par une voie unique; elle prend fin déjà, dans sa forme initiale, à l'arborisation terminale du premier neurone et provoque, dans le second, par une sorte d'induction,la manifestalion d’excilations spéciales qui peuvent n'être pas de nature identique à celles du neurone antérieur. Le courant nerveux peut varier ainsi de forme spécifique en traversant la chaîne des neurones, et la propagation de ce courant rappelle tout à fait les phénomènes d’induction, ce qui s’ac- corde mieux avec le caractère compliqué des processus nerveux que l'hypothèse d’une voie directe, conduisant l'excitation nerveuse, de son point de départ à son point d'arrivée, sans modificalion ni changement. Le système nerveux central des Invertébrés est con- struit sur le même plan. Grâce aux travaux de Retzius, de Biedermann, de Bürger, d’Allen, etc., sur des Crustacés, des Vers et des Mollusques, exécutés avec la méthode d’Ehrlich au bleu de méthylène, ainsi qu'avec le procédé de Golgi, on sait que les cellules nerveuses de la chaine ventrale et des ganglions de ces êtres, de beaucoup les plus nombreux sur cette planète, quoique appartenant surtout au type unipo- laire, ne laissent pas de présenter des cellules bipo- laires et multipolaires (Crustacés et Vers). À s'en tenir à la forme unipolaire, on voit que le corps cellulaire, d'aspect piriforme, émet un fort prolongement oui se divise quelquefois en forme de T, analogue à ce qu'a vu Cajal chez des Vertébrés; mais, presque toujours, ce prolongement s’infléchit indivis dans une des ra- cines nerveuses et quitte la moelle, sortant ainsi direc- tement des cellules nerveuses du cordon ventral pour se rendre aux muscles. Or, de sa cellule d’origine jus- qu'à sa sortie du ganglion abdominal, ce prolongement (Stammfortsatz) émet des collatérales (Nebenfortsätze), courtes ou longues, qui se terminent par de libres ar- borisations, constituant, non un réseau nerveux cen- tral, mais un feutrage. « La connexion physiologiaue des différents éléments a donc lieu,chez les Vers aussi, par contact, non par continuité, par réunion directe des prolongements » (Retzius). Lorsque l’on compare les cellules ganglionnaires des Invertébrés avec les cellules nerveuses du cerveau et de la moelle épinière des Vertébrés supérieurs, une question difficile se présente, celle de la nature des collatérales : 1° On peut considérer ces collatérales comme les analogues des dendrites, sortant ici, non du corps cellulaire, ainsi que chez les Verlébrés, mais du tronc du prolongement nerveux (Retzius et Cajal); 2° on peut aussi supposer que ces collatérales ne correspondent pas aux den- drites, mais doivent être rapprochées des fibrilles de ce nom qui, chez les Vertébrés, partent du prolonge- ment nerveux ou cylindraxile des cellules. Chez les Iuvertébrés, il n’y a point de dendrites : c’est l'opinion de Waldeyer. Après y avoir bien réfléchi, von Lenhos- sek estime qu'il ne convient pas de rien affirmer d'absolu pour toutes les cellules des ganglions abdo- minaux et que chaque cas doit être examiné à part, mais il incline pour la première des deux manières de voir, celle de Retzius et de Cajal. Ces collatérales se- raient donc des manières de dendrites, Ajoutez que, chez les Vertébrés, les dendrites et les fibrilles laté- rales sont des organes de réception des excitations, le cylindraxe et ses collatérales des organes de trans- mission et d'émission des excitations; la direction du courant nerveux, cellulipète chez les dendrites, est cel- lulifuge dans le cylindraxe et dans ses collatérales (axon et paraxon). Or, si nous considérons comme mo- trices pour la plupart les cellules unipolaires des ganglions centraux des Invertébrés, supposition qui s'appuie sur le fait de la localisation dans la peau d’unepartie considérable des cellules de sensibilité, on doit admettre que l'excitation qui détermine d’une manière réflexe l’activité de la cellule piriforme et la production du mouvement musculaire arrive à celte cellule par les collatérales de son cylindraxe; celles-ci, 372 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX par le tronc du prolongement de la céllule, conduisent l'excitation, apportée par les terminaisons libres, des nerfs sensitifs, au protoplasma de la cellule, où la sensation perçue se transforme en impulsion motrice, nouveau courant d’excifation qui se propage jusqu'aux muscles par le prolongement cylindraxile du même élément nerveux. La direction du courant nerveux des collatérales de ces cellules unipolaires est donc cellulipète : ces collatérales des Invertébrés sont des organes de réception des stimuli partis dela périphérie, el, au point de vue physiologique, un rapprochement peut être fait entre elles et les dendrites ou, selon une hypothèse de v. Lenhossék, les fibres latérales de l'origine du cylindraxe des Vertébrés. Cette conception toutefois, ne vaut, suivant l’auteur, que pour les cel- lules motrices de la chaine ganglionnaire. S'il y a aussi, dans le système nerveux central des Inver- tébrés, des cellules de sensibilité, et il en existe, quoi- que relativement en petit nombre, ainsi que des cellules d'association (Schaltzellen), et si ces éléments nerveux sont construits d'après le type régulier, les collatérales de leur prolongement nerveux ont néces- sairement une fonction différente de celle des axoden- drites des cellules motrices: elles doivent ressembler aux collatérales des Vertébrés, dont le courant nerveux est cellulifuge. Nous ne pouvons que signaler les chapitres du livre de von Lenhossek consacrés à l’hislogenèse du système nerveux, à la structure cellulaire des cellules nerveuses (cellules des cornes antérieures de la moelle, cellules des ganglions spinaux), aux cellules de soutien de ia moelle épinière, enfin aux éléments nerveux de cette grande province du névraxe. On lira avec le plus grand intérêt un chapitre nouveau du livre: l’histologie et la physiologie du neurone. J, SouRY. 4° Sciences médicales. Capitan (L.). — Les maladies infectieuses. Causes et Traitements, — Un petit vol. in-8 de 354 p. (Prix : 3 fr.). Rueff et Cie, éditeurs, Paris, 1896. Tirer, des découvertes récentes sur l’origine des ma- ladies infectieuses, des principes rationnels et appli- cables à leur traitement; écarter les notions empiri- ques, qui ont si longtemps guidé la thérapeutique, pour leur substituer des règles scientifiques fondées sur la connaissance de l’étiologie morbide, tel est, en dernière analyse, le but vers lequel tendent les efforts de la médecine actuelle, et l’on peut dire qu’ils sont déjà en partie couronnés par les beaux travaux de Behring et de Roux. Mais, à côté de l’hémo et de la sérothérapie, dont le domaine pratique est, jusqu'ici, limité au traitement de la diphtérie, n’y a-til pas encore place pour la thérapeutique médicamenteuse proprement dite? Dans quelle mesure celle-ci peut-elle être utilisée ? Quelles sont les indications de son emploi? C'est ce que le petit volume de M. Capilan à pour objet de nous ap- prendre. Dans la première partie de ce livre sont traitées les causes des maladies infectieuses, avec quelques notions sur la biologie générale des microbes pathogènes et sur la sérothérapie. La seconde partie est consacrée au traitement des affections parasitaires : des cha- pitres spéciaux abordent successivement l'étude de la médication antiseptique, externe et interne ; celles de la médication antithermique, de la médication tro- phique, etc.; enfin de l'hygiène générale et de la pro- phylaxie des maladies, Un paragraphe spécial énu- mère les principaux médicaments nouveaux pou- vant être appliqués au traitement des processus infectieux, et indique leurs doses respectives. Voilà, semble-t-il, un ensemble imnosant de maté- riaux,et c’est déjà un véritable mérite que de les avoir très clairement condensés en un peu plus de trois cents pages. On serait même tenté de regretter cette brièveté, si l’auteur ne s’en excusait par avance en disant qu’il n’a eu d’autre dessein que « de contribuer, pour une faible part, à vulgariser les données actuelles de la médecine touchant les maladies infectieuses ». A ce titre, il n’est pas douteux que cet ouvrage ne remplisse le but que s’en est proposé son auteur. D: H. VINCENT. OEuvres de Léon Le Fort, Professeur de Cli- nique chirurgicale à la Faculté de Médecine de Paris, Chirurgien de l'Hôtel-Dieu, publiées par le D° Félix Lejars, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. — Tome I : Hygiène hospitalière. Démographie. Hygiène publique. — 1 vol. gr. in-8° de 932ÿ pages avec figures (Prix : 20 fr.). — Tome IL: Chirurgie militaire. Enseignement, avec une préface du D’ Du- jardin-Beaumetz. — | vol. in-80 de 932 pages (Priæ: 20 fr.). F. Alcan, éditeur, Paris, 1896. M. Lejars a voulu rendre à la mémoire de Léon Le Fort un pieux hommage en réunissant en trois vo- lumes, dont deux seulement ont paru, l’ensemble des mémoires, publications et discours qui composent l’œuvre du maitre. Le tome premier est consacré aux travaux se rap- portant à l'hygiène hospitalière, à la démographie et à l’hygiène publique. Le tome second est réservé à la chirurgie d'armée et à l’enseignement. Le lecteur trouvera, dans ces deux volumes, une quantité de documents du plus haut intérêt, attestant un labeur puissant et continu. IL y revivra les polé- miques ardentes dans lesquels Léon Le Fort, toujours au premier rang, combattit avec une rare éloquence pour les grandes causes qui le passionnèrent toute sa vie et qui furent : en hygiène, l'assainissement des ma= ternités et la propagation de la vaccination, en démo- graphie, l’accroissement de la population, en chirurgie d'armée, l'autonomie du corps de santé. IL y relira eufin ces récits attachants, véritables pages d'histoire, que renferment ses études sur les guerres de Crimée et d'Amérique, la guerre d'Italie, la guerre de 1870. U ne pourra que s’incliner devant la merveilleuse fécondité de cet esprit qui fit de Léon Le Fort l’un des maîtres écrivains de la littérature médicale. Dr Gabriel MAURANGE. Clado (D'), Chef des Travaux de Gynécologie!à l’Hütel= Dieu, — Traité des tumeurs de la vessie, avec une préface du P* S. Duplay. — 1 vol. in-8° de 160 pages avec 126 fig. el 18 tableaux. (Prix : 16 fr.) Sociélé d'E= ditions scientifiques, Paris, 1895. Sous ce titre l’auteur a réuni un grand nombre de documents, dont quelques-uns originaux, pour servir à l’histoire des tumeurs vésicales, Il a tenté, après bien d’autres, de donner une classification rationnelle de ces néoplasmes, basée sur l’histologie et l'anatomie pathologique, et a entrepris de fixer leur symptomaz tologie et leur étiologie. C’est un travail consciencieux, rempli des idées générales chères à son maitre, le pro= fesseur Verneuil, où l’on trouvera,en outre, un intéres- sant chapitre relatif à la cystoscopie, et une revue d'ensemble des procédés chirurgicaux appliqués au traitement de ces tumeurs, D° Gabriel MAURANGE. 5° Sciences diverses. La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses figures intercalées dans le texte et planches en cou=" leurs, 543° livraison. (Prix de chaque livraison, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes. 1 La 543 livraison termine la lettre / avec des articles, de M. Ch. Debierre sur le système lymphatique; du D' P, Langlois sur la /ymphe; une monographie de la ville de Lyon par MM. Berthelot, Guige et Vollet et la biographie du célèbre écrivain anglais Bulwer-Lyttons M La lettre m commence avec une étude sur les Ma caques par M. E. Trouessart. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 313 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS 9 Mars 1896. 1° SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré, à pro- pos de la divergence des séries trigonométriques, adresse une réponse au travail de M. Hill, et donne des preuves nouvelles de la divergence des séries de M. Lindstedt, — M. Hugo Gylden signale une erreur de calcul dans sa dernière note qui modifie les résul- tats sans toutefois les altérer essentiellement. —M.L. Picart adresse ses observations des comètes Perrine (1895, ce) et Perrine-Lamp (1896, a) faites au grand équatorial de l'Observatoire de Bordeaux. La comète est ronde, sans condensation bien sensible. — M. J. Guillaume communique ses observalions du Soleil faites à l'Observatoire de Lyon(équatorial Brunner) pen- dant le quatrième trimestre de 1895. La distribution des taches continue à être irrégulière et leur marche décroissante présente des fluctuations de plus en plus marquées. Le groupe des facules augmente et ce nombre reste plus grand au nord qu’au sud. — M. E. Goursat reprend les formules de M. Lelieuvre qui donnent les coordonnées d’un point d’une surface rap- porté à ses lignes asymptotiques et montre qu'il est possible de faire disparaître de ces équations les signes des quadratures dans un nombre illimité de cas. — M. L.Mirinny adresse une note sur la synthèse ma- thématique. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. le Secrétaire perpétuel signale un volume de M. Scheurer-Kestner intitulé : Pouvoir calorifique des combustibles solides, liquides et gazeux. — M. Henri Becquerel adresse une lon- gue communication sur quelques propriétés nouvelles des radiations invisibles émises par divers corps phosphorescents. Divers sels d'uranium, mis à l’abri de la lumière depuis plusieurs jours, déchargent les corps électrisés soumis à leur rayonnement, En particulier l’électroscope de M. Hurmuzescu, qui reste chargé pendant des mois entiers, perd son électricité en deux heures : L'auteur a mis aussi en évidence la réflexion de ces radiations invisibles à la surface d’un miroir plan d'acier ou d'une calotte d’étain poli; il a com- paré, en outre, l'intensité relative des radiations invi- sibles émises par diverses substances et la durée de l'émission à l'obscurité. L'air ne paraît pas absorber d'une manière notable les radiations sous une faible épaisseur. — M. Troost établit que la bleude hexago- nale artificielle, qui acquiert une belle phosphorescence sous l’influence de la lumière solaire, est susceptible de remplacer les ampoules de Crookes pour les expé- riences avec les rayons X. — M. J. Macé de Lépinay expose les recherches qu'il a entreprises pour fixer la valeur de la masse du décimètre cube d'eau distillée, privée d'air, au maximum de densité. Cette masse est égale à 0 k. 999954, avec une erreur maxima égale à six unités du dernier chiffre caractéristique, — M. R. Colson expose le rôle des différentes formes de l’éner- gie dans la photographie au travers des corps opaques. 1° L'action mécanique, pression, frottement, donne au développement des traits noirs. 2 Certaines actions chimiques pouvant se produire à sec insensibilisent la couche par oxydation et ménagent des clairs au déve- loppement. 3 La chaleur sèche est capable de déter- miner le travail préliminaire que le révélateur com- plète en noircissant le cliché. 4° Les radiations infra- rouges suffisamment intenses impressionnent la pla- que comme les radiations visibles. — M. Auguste Righi a constaté que les rayons X agissent sur les diélectriques comme sur les conducteurs, c’est-à-dire Séance du qu'ils produisent la dispersion des charges élec- triques et leur donnent toujours à la fin une charge positive. La dispersion dans l'air devient de plus en plus faible lorsque la pression diminue de plus en plus. L'auteur termine en exposant une méthode utilisable pour mesurer l’intensité de ces rayons X au moyen de leur action sur les corps électrisés. — MM. A. Battelli et Garbasso adressent quelques réclamations de priorité au sujet de l’étude des rayons X et de leurs propriétés. — M, V. Chabaud a soumis quelques échantillons de verre à l’action desrayonsX. Les verres à base de soude, de potasse et de chaux sont les plus perméablesauxrayons; le cristal estopaque;ies verres d’urane sont moins perméables que les pre- miers, et les verres les plus foncés sont les plus réfrac- {aires. — MM. Ch. Girard et F. Bordas, en poursuivant leurs études sur l'application des rayons Rüntgen à la détermination de cértains produits entrant dans la composition des engins, ont reconnu que les rayons émauent de la cathode et de l’anode et que la fluores- cence produite sur la paroi du tube de Crookes n’agit que faiblement sur les plaques sensibles, — MM. A. Imbert et H. Bertin-Sans donnent des détails pra- tiques sur la technique de la photographie par les rayons X.— M. d’Arsonvalexpose cerlaines facons d'opérer qui permettent d’utiliser indéfiniment une même ampoule de Crookes, — MM. B. Galitzine et de Karnojitzky concluentde leurs recherches sur les rayons X : 1° La surface d'émission est très petite. 20 Le centre d'émission ne correspond pas à la surface du tube mais se trouve à l’intérieur, à quelques mili- mètres de la paroi. 3° L'’anode et la cathode paraissent constituer deux centres distincts d'émission. — M. Abel Buguet adresse quelques résultats concer- nant la direction des rayons X. —M.Georges Adolphe Richard obtient d'excellents résultals dans la photo- graphie des couleurs en perfectionnant le procédé Du- cos du Hauron. L'auteur substitue à l'argent réduit des trois clichés élémentaires certaines couleurs orga- niques; la superposition des trois monochromes donne toutes les finesses de ton du sujet. Quant à la substi- tution d’une couleur organique à l'argent réduit, on la réalise : 4° par la transformation chimique du dépôt ar- gentique en un sel capable de fixer ou de précipiter la couleur que l’on veut employer, 2 par la transforma- tion de l'argent en un sel capable de réagir sur les dérivés de la houille pour former sur place des cou- leurs organiques artificielles. — M. Chapel adresse une note sur un point de lathéoriecinétiquedes gaz. — M. Vaysse communiqueun travailsurla photographie à travers les corps par les courants électriques. —M. Ar- magnac signale quelques expériences confirmant ses assertions précédentes sur la photographie à travers les corps opaques. — M. Hauser adresse une notesur une cause probable de l'explosion des bolides dans l'atmosphère terrestre. — MM. Armand Gautier et M. Hélier se sont proposés d'étudier les conditions qui règlent les combinaisons gazeuses en opérant d'a- bord à basse température sur des mélanges d'hydro- gène et d'oxygène. La méthode utilisée repose surle prin- cipe que, quelles que soient les petites quantités de gaz qui s’unissent dans des conditions déterminées, en parti- culier au moment où l’on atteint la température mi- nima de combinaison, ces quantités, insensibles si l’on opère sur une masse limitée, deviennent aussi grandes que l’on voudra sila masse gazeuse se renouvelle tout en restant dans des conditions invariables. Les quan- tités centésimales de gaz qui s'unissent par seconde sont à peu près proportionnelles aux temps jusqu’à la ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES treizième seconde de chauffe; à partir de la treizième et jusqu'à la dix-septième, la combinaison croît brusquement et atteint un maximum de 38 millièmes pour la température de 300° ; il existe donc une limite de combinaison dans des conditions de tempéralure et de milieu où la dissociation classique de Ja vapeur d'eau ne peut-êlre invoquée. — MM. Henri Moissan et Etard indiquent un procédé rapide, pour séparer l’yttria des terres rares qui l’accompagnent, oxydes d’erbium, de,holmium, de thulium, etc, puis donnent les propriélés et les modes de préparalion des car- bures d’yttrium et de thorium. L'yttrium donne un carbure C?Y qui peut être obtenu en cristaux transparents, décomposables par l’eau froide, avec formation d’un mélange gazeux, riche en acély- lène, contenant du méthane, de l’éthylène et une pe- tite quantité d'hydrogène. Le thorium donne, de même, un carbure cristallisé et transparent C?Th qui donne aussi avec l'eau des carbures gazeux renfer- mant moins d’acélylène et plus d'hydrogène libre. — M. V. Thomas, en étudiant l’action du peroxyde d'azote et de l'air sur le chlorure de bismuth, a obtenu dans le premier eas un composé liquide de formule Bi CI3 Az0?, et dans le second un oxychlo- rure BiOCI, poudre jaune rougeàtre très bien cris- tallisée et facile àreproduire.— M. J. Coquillon expose les modifications qu'il a apportées à son grisoumètre pour le rendre plus simple et plus pratique. L'appareil est d’une grande exactitude pour de petites propor- tions de gaz combustibles; sa gradualion est facile à vérifier en introduisant un mélange connu, le soumet- tant à l’action du fil et observant la diminution de vo- lume., — MM. Th. Schlæsing fils et Jules Richard ont effectué des recherches sur l'argon contenu dans les gaz de la vessie nalatoire des poissons et des phy- salies. Ce zaz est présent dans l’organisme d'animaux vivant à des profondeurs qui dépassent 1300 mètres et s’yrencontre en proportions à peu près du même ordre par rapport à l'azote que dans notre atmosphère. -- M. Paul Rivals a déterminé les chaleurs de combus- tion des amides chloracétique, tri-chloracétique et orthochlorobenzoïque en même temps que la chaleur de neutralisation de ces mêmes acides par l’ammo- niaque. Cette étude conduit à différencier les acides acétique et benzoïque et à les rapprocher des acides formique et oxalique, c’est-à-dire des acides forts. — M. Scheurer Kestner établit que l'acide pyroligneux brut renferme jusqu’à 17 pour 100 de son acide acé- tique total sous forme d’acétate de méthyle et une quantité de composés phénoliques dont les pro- priétés acides sont supérieures à celles des quantités d'acide acétique éthérilié. La titration directe par une liqueur alcaline donne des résultats exagérés ; l’auteur indique une facon d'opérer donnant des résultats exacts. — M. Ferrand a obtenu une nouvelle série de sulfophosphures, les thiophosphites, en chauffant, sui- vant la méthode de M. Friedel, des mélanges de soufre, de phosphore rouge et de différents métaux. L'auteur décrit les thiophosphites cuivreux, de fer, d'argent, de nickel, de chrôme, de zinc, de cadmium, de mercure et d'aluminium. — M. Charles Combes, en faisant agir le tétrachlorure de silicium ou le silicichloroforme sur la diméthylanilime parabromée en présence du so- dium, a pu préparer le tétrapnénylsilicoprotane : Si[CSHiA7/CHE)2|t et le composé : HSi|C'HiAz(CH5 2}, En oxydant ce dernier corps par l'azolate mercureux, on oblient le corps : OHSi[CHAz(CH3)2)3 dont la solution dans les acides ou le chlorhydrate so- lide lui-même est incolore. Le remplacement du car- bone des rosanilines méthylées par le silicium paraît donc supprimer le pouvoir colorant, — MM. G. Bou- chardatet Tardy donnent les résultats définitifs de leur étude sur l’essence d’anis de Russie, A côté de l'énorme proportion d’anéthol C2H!003 qu'elle ren- ferme, il existe de très pelites quantités d’aldéhyde anisique, d’acétone anisique C2 HO, d’acide ani- sique, de camphre anisique ou feuchone C2H160?, de divers carbures de formules C*H°* et enfin de ma- lières goudronneuses ; toutes ces substances atteignent au plus le 1/20 du poids de l’anéthol. — M. Eodin ex- plique la formation des conglomérats aurifères en ad- mettant que cette formation n’est autre chose que le bassin d’alluvion d’un grand fleuve dévonien, constitué par un synclinal dont la dépression s’accentuait pro- gressivement à mesure que les dépôts s’accumulaient. L’affaissement progressif du synclinal explique la puissance des alluvions dans la région centrale du Witwatersrand, leur horizontalité dans cette région et leur redressement vers les bords du bassin. C. MaTiGNoN. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ranvier signale l’aber- ration et la régression des lymphatiques en voie de développement. Ceux-ci au moment de leur formation ayant une végétalion très active, se produisent dans des organes où on peut en saisir la signification fonc- lionnelle, dans le grand épiploon par exemple. Cette aberralion est suiviede régression. —M.Lannelongue fournit une note sur la nature et la pathogénie des malformations de la hanche (luxations congénitales des auteurs) et montre que beaucoup de déformations congénitales de la jointure de la hanche ne sont pas caractérisées par un déplacement temporaire ou per- manent de la tête fémorale sur l’os du bassin; il n’y aura donc jamais de luxation. Dans d’autres cas la- nomalie congénitale consiste dans un rapport anormal de la tête fémorale avec le cotyle; il y a là luxation. — M. Arloing montre l'influence de l’exanthème vaccinal sur les localisations microbiennes (infection concomi- tante et infection secondaire). — M. Ménard signaleun cas de division de la moelle et d'exostose du rachis, chez un sujetatteint despina bifidalombaire . —M. Dou- mer a recherché l'influence de la franklinisation sur Ja menstruation. Les périodes menstruellesavancent sous l'influence de la franklinisation.— M. Lignierexplique la fleurs des Fumariées d’après son anatomie. Elle comprend cinq verticilles alternes de feuilles opposées etrépond à la formule S2, L2 +2, E2, C?, MM.Vallot et Dupare étudient la constitution du Mont-Blanc et montrent qu'il est composé au centre de roches s chis- teuses, gneissiques, micacées, plus ou moins injectées de protogine passant même au protogine-gneiss. — M. Dupare donne une note sur les roches éruptives d la chaine de Belledonne. ; J. MARTIN. Séance du 16 Mars 1896. M. le Président annonce à l'Académie la perte qu’elle vient de faire dans la personne de M. Sappey, membre de la Section d'Anatomie et Zoologie. — L'Uni- versité de Glascow invite l’Académie à se faire repré- senter à là célébration du cinquantième anniversaire du professorat de lord Kelvin à cette Université. — MM. Guyon et Hatt sont présentés pour une place de membre Litulaire du Bureau des Longitudes. 1° SGtENCES MATHÉMATIQUES. — M. le Secrélaire per- pétuel signale un ouvrage de M. E. Goursat et le premier fascicule du tome XX des « Acla mathema= tica ». — M, Laussedat présente un traité del’ «Art de lever les plans par la photographie » publié en anglais par M. Deville, — M. Maurice Hamy étudie les erreurs causées par les varialions de température dans les instruments astronomiques. L’échauffement communiqué aux lunettes par les lumières installées dans les salles méridiennes modifie leurs caractères géométriques et peut provoquer des altérations de plusieurs secondes d'arc dans les mesures, L'influence perturbatrice de l'observateur ne peut pas être négli- ! + F | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 373 gée à priori dans des recherches de haute précision. — M. F. Tisserand a étudié la marche de la pendule des caves de l'Observatoire de Paris par les observa- tions des passages de belles étoiles fondamentales faites au grand cercle méridien. La température reste invariable pendant l’année ou du moins ne varie pas de plus de 0001 ou 0202; mais, malgré les précautions prises pour rendre élanche la caisse de la pendule, les variations de la pression almosphérique s'y font sentir et l'expérience permet d'isoler facilement leur influence. — M. Paul Painlevé éludie les fonctions uniformes æ, y, de deux variables w,v, définies par l'inversion de deux différentielles totales : P (x, y) dx + Q (x, y) dy = du P, (x, y) dæ + Q, (x, y) dy = dv où P, P,, Q, Q, sont algébriques en x et y. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Alexis de Tillo envoie les «Tables fondamentales du magnélisme terrestre » qu'il vient de publier ; ces tables représentent un inventaire, emprunté aux sources les plus autorisées, des observations magnétiques failes à la surface du globe. — M.Aug. Coret soumet au jugement de l’Aca- démie un mémoire sur un loch à indications instan- tanées. — M. A. Crova donne les résultats de ses observations actinométriques faites en 4895 à l'Obser- valoire de Montpellier. On retrouve celle année, comme dans les onze années précédentes, les deux maxima principaux du printemps et de l'automne séparés par une très notable diminution en été; leur date seule est sujette à varier avec les conditions météorologiques de l’année. — M, Charles Henry üu observé que les froids intenses empêchent l'émission lumineuse par les corps phosphorescents, émission qui peut continuer quand le corps reprend une tem- pérature convenable. L'auteur propose d’appliquer ces fails à la construction d'un dispositif permettant d'emmagasiner la lumière solaire et de la restituer dans la nuit, à l'heure voulue. — M. P. Garrigou Lagange examine les relations entre les ondes baro- métriques lunaires et la variation séculaire du climat de Paris. L'action combinée du nœud et du périgée conduit à la considération d’un cycle de 186 années solaires, comprenant 10 révolutions du nœud et 21 du périgée, au bout desquelles le nœud et le périgée reprennent, à peu près identiquement, la même position par rapport à une commune origine. Ce cycle de 186 ans paraît correspondre à la grande variation signalée par le P. Dechevrens, non seulement pour la pression, mais encore pour la température et la pluie. D'après cela, la pression etla lempérature moyenne doivent augmenter et la pluie diminuer jusque vers la fin du premier tiers du siècle prochain. — M. A. Ponsot a effectué des recherches cryosco- piques sur des dissolutions très étendues, Les matières organiques n'ont pas toutes pour abaissement molécu- culaire limite un nombre voisin de 18,5 et les sels minéraux de même constitulion chimique n’ont pas rigoureusement le même abaissement moléculaire limite, — M. Chapel adresse une deuxième note sur . un point de la théorie cinétique des gaz. — M. Gino Campos envoie une note relative à quelques expé- riences destinées à montrer que les radiations émises par les corps fluorescents présentent les propriétés de rayons Rœntgen. — M. Ellinger confirme les résul- tats obtenus par M. Le Bon sur la lumière noire. — M. Paul Masson envoie un mémoire sur un bolide représenté par Raphaël dans le tableau connu sous le nom de « Madone de Foligno ». — M. Miguel Mérino donne des détails sur l'apparition du bolide en Espagne le 10 février 1896; il adresse les photogra- phies de quelques fragments recueillis dans les envi- rons de Madrid. — M. Winchell a commencé l'étude de la météorite tombée le 9 avril 489% près de Fisher (Minnesota). Elle est constituée par de l’alivine et de l'enstalite, une petite quantité de fer mélallique et de troilite et par certains minéraux incolores et peu denses, la tridymite, la maskelynite, — MM.H. Mois- san et Lengfeld ont préparé un nouveau carbure de zirconium, Cr, de couleur grise, d'aspect métallique ne se délitant pas dans l’air sec ou humide même à 100° ; il raie le verre et le quartz avec facilité. Le zirco- nium se sépare ainsi du thorium dont le carbure est facilement décomposé par l’eau froide avec production d'éthylène, d'acétylène, de méthane et d'hydrogène. — M. Georges Charpy a continué l’élude de la struc- ture et de la constitution des alliages de cuivre et de zinc, de composilions variées : 1° Les alliages de 0 à 35 °/, de zinc présentent tous les mêmes caractères; le mélal est formé par l’agglomération de longues aiguilles dendritiques dont les ramifications sont sou- vent à angle droit; au delà de 35 °/, de zinc, la struc- lure change : le métal fondu est formé de ceristallites à bords arrondis et sans ramifications dendritiques. 2° Les propriétés physiques indiquent nettement l’exis- lence des composés Cu/n?, Cu?Zn. — M. Léon Appert établit le rôle de l’alumine dans la composi- tion des verres : 1° Elle empêche ou retarde la dévi- {rification. 2 Elle permet d'augmenter la proportion de chaux au détriment de la soude et de la potasse ; le verre est plus solide et plus élastique. 3° On peut la substiluer en partie à la silice; on obtientun verre plus fusible, 4% Elle augmente la coloration des verres en faisant passer les impuretés ferrugineuses à l’état d'oxyde au minimum. — MM. Barbier et Bouveault, en oxydant le rhodinol parle mélange sul- fochromique, ont obtenu : 1° le rhodinol, CI0H!S0 ; 2 l’acide rhodinique, composé huileux, C!0H1SO?, susceptible de fixer une molécule de brome; 3° une huile neutre, C2H360?, le rhodinate de rhodinyle, Le rhodinol extrait de l'essence de pélargonium est iden- tique à celui de l'essence de roses; sa formule est celle d’un dihydrolémonol : (CH3)?C=CH—CH—CH?—CH—CH?—CH:0H dus C. MATIGNON. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Ligner explique la fleur des Crucifères d’après son anatomie, Elle com- prend quatre verticille de feuilles opposées et alternes; elle répond à la formule S2,(S + P)2, E2, C2.—M Dou- ville examine la constitution géologique des environs d'Héraclée (Asie-Mineure). C'est un ensemble de couches formées: 1° du calcaire carbonifère, 2° du terrain houiller, recouvertes directement en discordance par le Crétacé formé de l’Argovien, de l’Albien. J. MARTIN. ACADÉMIE DE MÉDECINE 17 Mars 1896. Le Président annonce à l'Académie la perte qu'elle vient de faire en la personne de M. Sappey. — M. François-Frank donne lecture du discours qu'il a prononcé aux obsèques du défunt, — La séance est ensuite levée en signe de deuil. Séance du 1896. M. G. Meillère envoie une note sur les peptones physiologiques. 11 pense qu'à l'emploi des sucs orga- niques, péniblement el incomplètement extraits des Lissus, il serait avantageux de substituer celui des peptones produites par digestion arlificielle de ces tissus au moyen de ferments appropriés. — M. Lance. raux analyse un mémoire du D' P. Lemaistre inli- tulé : « Sclérose pulmonaire des ouvriers en porce- laine ». L'auteur, après avoir étudié les lésions pro- duites par les diverses poussières dans les poumons, indique les mesures prophylactiques propres à pré- server les ouvriers de ces affections : 4° Rendre les ateliers spacieux et les ventiler suffisamment; 2° 1u- struire les ouvriers du danger des boissons alcooliques ; Séance du 2% Mars 376 3° refuser, dans les fabriques, les enfants malingres, débiles, scrofuleux. — M. J. Renaut (de Lyon) indi- que un nouveau traitement de la bronchite diffuse infantile par la balnéation chaude systématique, — MM. Linossier et Lannois étudient l'absorption des médicaments par la peau saine. Les corps volatils peu- ventêtreabsorbés par la peau saine bien audelà des doses thérapeutiques usuelles. Cette absorption régulière permet d'employer à doses massives certains médica- ments qu'on ne saurait administrer par l'estomac sans risquer de compromettre les fonctions digestives. En particulier, l’usage des applications de salicylate de méthyle pourra être substitué avec avantage, dans bien des cas, à l’usage externe du salicylate de soude. — M. Le Dentu présente quelques remarques sur l'ap- pendicite et son traitement, 1° S'il est vrai qu’un très grand nombre d’appendicites doivent être traitées chirurgicalement, il en est dont la guérison définitive ou provisoire peut être obtenue par les moyens médi- caux; 2° Il y a des appendicites qui marchent réguliè- rement vers la constitution d’un abcès; dans ces cas, l'intervention précoce n’est pas sans danger; 3° L’inter- vention devient opportune et nécessaire dès que l'on présume que le foyer a été constitué; 4 Lorsque le foyer est profond, l'opération est plus délicate et sur- tout plus dangereuse; 5° Lorsque la maladie prend d'emblée les allures d’une péritonite générale, ou lorsque la dépression revêt certaines formes particu- lières, l'intervention doit être aussi hâtive que pos- sible; 6° IL y a danger à s'abstenir de toute interven- tion lorsque les accidents se sont manifestés plus d’une fois. — M. le D' A. Mossé lit un mémoire sur la nata- lité, la mortalité et l’immigration dans la ville de Toulouse, de 1875 à 1895, SOCIETE DE BIOLOGIE Séance du 15 Février 1896. M. P., Bonnier signale un cas de crampe profes- sionnelle symptomatique de la maladie de Bright; la crampe disparut sous l'influence du régime lacté. — M. P. Carnot et Mille C. Deflandre font une commu- nication sur l’évolution des greffes pigmentées. Une greffe noire, transplantée sur de la peau blanche, grandit et s’étale peu à peu; un lambeau blanc, greffé sur un épiderme noir, finit au contraire par être résorbé. Les cellules pigmentées semblent donc plus actives que les autres. — M. Dumas a étudié la tension artérielle et le pouls capillaire dans les différents états mentaux ; il divise ces maladies en deux grands grou- pes, les unes présentant de l’hypotension artérielle, les autres de l'hypertension. — M. Grimbert a étudié l’action du pneumobacille de Friedlaender sur le xy- lose et l'arabinose; le premier est décomposé en al- cool éthylique, acides acétique et succinique; la seconde donne de l’acide acétique et de l’acide lacti- que lévogyre. M. Grimbert a frencontré, en outre, un coli-bacille se comportant comme le pneumo-bacille de Friedlaender, — M. Déjerine signale les altérations trouvées à l’autopsie d’un homme atteint autrefois de paralysie des quatre membres, et qui en guérissait progressivement. — M. Gréhant relate ses expériences sur un chien, empoisonné par l’oxyde de carbone et ramené à la vie par la respiration artificielle, les trac- tions rythmées de la langue et l’insufflation d'oxygène. — M. Contejean est élu membre de la Société. Séance du 22 Février 1896. M. Chantemesse rappelle les précautions qui doi- vent être prises dans le diagnostic de la fièvre typhoïde et relate ses expériences sur le traitement sérumthé- rapique de cette affection; les résultats obtenus sont très encourageants, — M, J. Babinski a observé, dans un certain nombre de cas d’hémiplégie ou de mo- noplégie crurale, une perturbation dans le réflexe cutané plantaire, — M. L. Dubois indique les détails de préparation d’un bon milieu de culture pour le ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES bacille de Koch. — M, Mongour (de Bordeaux) envoie une note sur un cas de lithiase intestinale, déterminée probablement par une entérite muco-membraneuse, — MM. Hallion, Le Franc et Poupinel signalent un nouvel antiseptique, le silicofluorure de mercure, qui, dans les expériences, s’est montré plus actif et moins toxique que le sublimé. — M. Comte signale un nou- vel appareil d’auscultation très perfectionné, le pho- nendoscope, inventé par MM. Bianchi et Bazy. — M. Kauffmann expose une nouvelle méthode pour l’é- tude des transformations chimiques de l’organisme et la recherche de l’origine de la chaleur animale, — MM. Gley et Charrin présentent un lapin montrant les lésions osseuses du rachitisme; il provient d'un père et d'une mère qui avaient recu des toxines diphté- riques avant sa naissance. Séance du 25 Février 1896. M. Kauffmann a continué ses recherches sur le dia= bète pancréatique ; l’extirpation totale du pancréas chez le chien est infailliblement suivie de glycosurie, qui ne disparait pas par le jeûne ;quand la glycosurie est'sen- siblement influencée parle jeûne, la dépancréatisation n’est pas complète. — M. G. Marinesco a étudié les lésions de la substance grise à la suite de la ligature de l'aorte abdominale chez le lapin. — M: Sabrazès (de Bordeaux) a trouvé de la substance glycogène \ dans un polype fibrolipomateux de la cavité buccale, au niveau des foyers de régression du lipome et dans la bordure épithéliale de la tumeur; il croit pouvoir conclure que ce glycogène provient d’une transfor- mation de la graisse à l’intérieur des leucocytes. — MM. Dastre et Floresco ont étudié l'influence d’une solution intra-veineuse de glycérine sur la coagulation M du sang; le sang tend à se coaguler immédiatement après l’émission, mais si on a injecté auparavant une solution de peptone, l’action de la glycérine ne se traduit pas. — M. Pillet explique la pathogénie de certains fibromes que l'on trouve dans l'utérus, au pourtour des conduits des trompes, par une inflam- mation périglandulaire. — M. Phisalix à constaté l’atténuation des venins par le passagedes courants à hautes fréquences; en outre, ces venins alténués pos- sèdent une action vaccinante. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 28 Février 1896. M. Maumené discute quelques applications de sa théorie générale. — M. Charles Combes rappelle les résultats qu'il a déjà publiés sur la réaction du silici- chloroforme sur l’aniline. Il a obtenu les composés : HCISi(AzHCEH5)?, HSi(AzHCSH5)5. Dans ces combinaisons, la molécule aniline est ratta- chée au silicium par l’azote. M. Combes est parvenu à réaliser la soudure par le carbone, en partant de la diméthylaniline parabromée, Avec le tétrachlorure de silicium on obtient : Si[CCH4Az(CH3)2]4 et avec lesilicichloroforme, l’analogue silicée de la leu: cobase du violet hexaméthylé, soit : HSi[CSH1Az(CH3)215. Ce dernier produit oxydé par l'azotate mercureux donne le silicol : HOSi[CSH{Az(CHS)?]5. Ce composé est incolore ainsi que ses sels, quoiqu'il ne diffère des matières colorantes correspondantes que par le remplacement du carbone central par le silis ciure, M. Combes décrit, de plus, l'appareil et le pro= cédé qui lui a permis de préparer de grandes quantis tés desilicichloroforme. Il se sert, pour cet objet, de cili- cium de cuivre, préparé au four électrique Héroult: ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 371 M. Combes est parvenu, par le même procédé, à préparer de notables quantités de silicibromoforme, quoique le rendement soit moins bon; il a constaté, de plus, que dans les mêmes conditions il ne se forme pas de sili- ciiodoforme. En communiquant ces résultats, il critique une communication récente de M. Vigouroux sur le siliciure de cuivre et ses dérivés. — MM. Marquis et Marie, en faisant réagir lacide azoteux sur les ferro et ferricyanures, ont obtenu les réactions : FeCySHt-+Az02H=FeCy5(Az0)H24CAzH-LH20 et Fe?Cÿl2H6LAz02H+H20—2(FeCy6H 4) + AzOSH ; on peut passer ainsi des hexacyanures aux pentacya- nures. Les auteurs considèrent ce fait comme difficile à expliquer si l’on admet la constitution cyclique des hexacyanures. — M. Maquenne décrit un appareil très ingénieux qu'il a disposé pour la préparation de l'argon, en absorbant simultanément l'oxygène et l’a- zote de l'air par un mélange de magnésium en poudre et de chaux vive, — M, Moureu a obtenu la méthylène pyrocatéchine : (0) CH NN CHE \o/ par l’action de l'iodure de méthylène sur la pyrocaté- chine disodée, C'est un produit huileux, insoluble dans les alcalis, de densité 1,203, bouillant à 1720-1330, — M. Colson à obtenu des photographies par influence électrique. En même temps qu’il présente ses épreuves, l’auteur donne le résumé des résultats curieux qu'il a déjà obfenus et dont il poursuit l'étude. — M. Carnot a déposé deux notes : 1° Analyse par les procédés vo- lumétriques d'un mélange de chlorures, d’hypochlo- rites et de chlorates ; 2 Analyse d’un mélange de chlo- rures, de chlorates et de perchlorates. E. CHARON. SECTION DE NANCY Séance du 18 Mars 1896. MM. A. Haller et Michel ont observé que, lorsqu'on chauffe de la benzine renfermant du thiophène avec de petites quantités de chlorure d'aluminium anhydre (0,5 à 1 °/), ilse produit un dégagement d'acides sul- fhydrique et chlorhydrique et que la benzine après distillation et lavage à la soude, ne donnait plus la réaction colorée de l'isaline en présence de l'acide sul- furique. Ils préconisent donc ce traitement des benzines thiophéniques chaque fois qu'il s’agit d'obtenir une benzine pure, Ils ont constaté, en outre, que des benzines ainsi puriliées ne noircissent plus en présence de l'acide sulfurique et ne donnent plus de produits visqueux et incristallisables dans les condensations effectuées avec ce carbure en présence du chlorure d’aluminium, Il en est ainsi de la préparation de l'acide benzoylbenzoïque, du diphénylphtalide, du ditolylphtalide, etc. Le toluène se prête à la même réaction et peut être débarrassé du thiotoluène qu'il renferme. Il est toutefois à remarquer qu'avec ce der- nier carbure, il y a une perte notable qui peut aller jusqu’à 30 °},, suivant la quantité de chlorure d’alumi- nium employé. Il se forme dans ces conditions des produits de condensation, de phénylméthane, triphé- nylméthane, etc. — M. Guyot a poursuivi les travaux commencés en collaboration avec M. Haller sur la diphénylanthrone et ses dérivés. IL décrit la prépa- ration et les propriétés de quelques homologues mé- thylés, dans lesquels les groupes méthyle semblent occuper la position para vis-à-vis du carbone tétra- phénylé. La phényltolylanthrone CéH5 C6HiCHS > C CoH1/ Ney Nco” s'obtient par condensation du phényloxanthranol ou REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, de son chlorure avec le toluène. Petits cristaux blancs fondant à 2090, La ditolylanthrone : (CHIC HE)? C4 C cHi/ Due Nco s'obtient par condensation du chlorure d’anthraqui- none avec le toluène. Elle cristallise dans la nitro- benzine en gros prismes transparents fondant à 235° et qui appartiennent au système clinorhombique. La phénytolyl et méthylanthrone : SH E\ciHicrs CHA TTNNN Penn \ CSES CH CO est isomérique avec la précédente et se forme par condensation du loluène avec le phénylméthyloxan- thranol, Petits cristaux difficilement sublimables, fon- dant à 176°. La ditolyl Bméthylanthrone : _(CSHiCH:)2 \ Z C CH como: \co” a été trouvée parmi les produits secondaires de la préparation de la ditolylphtalide. Elle se forme encore soit par condensation du toluène avec le tolylméthyloxanthranol, soit par condensation du même carbure avec la modilication du tétrachlorure de phtalyle fondant à 88°. M. Guyot fait remarquer que ce dernier mode de formation vient à l'appui de la formule de constitution dissymétrique proposée par M. Haller et par lui pour ce tétrachlorure. Cette anthrone se présente en petits cristaux, fondant à 217 et difficilement sublimables. — M. Férée a analysé l'amalgame de molybdène solide qu’il a obtenu par voie électrolytique. Cet amalgame, soumis à des pressions différentes, abandonne du mercure et donne des corps stables pour des pressions déterminées. Il a préparé ainsi des amalgames correspondant aux formules suivantes : MoHgeë, MoHg? et Mo?Hpgs. Par distillation de ces amalgames, on obtient du molybdène pyrophorique qui décompose à froid l'acide sulfureux en devenant incandescent, Ce molybdène est sans action sur l’azote et l'acide carbonique ; mais, chauffé au rouge sombre, il réagit sur l’oxyde de car- bone avec un grand dégagement de chaleur, M. Férée se propose d'étudier les produits formés dans ces réactions, ainsi que d’autres propriétés de ce métal. — M. Meslans a entrepris l’étude des fluorures de soufre. Outre l’action directe au fluor sur le soufre ou ses oxydes, la double décomposition entre les dérivés chlorés du soufre et divers fluorures, et plus particu- lièrement le fluorure de zinc anhydre, lui ont permis de préparer plusieurs de ces composés, dont quelques- uns sont gazeux, M. Meslans décrit plus spécialement lun d’entre eux, le fluorure de thionyle SOFP:; c’est un gaz incolore qui ne se liquéfie qu'au voisinage de 30° en un liquide mobile incolore. La densité de ce gaz est de 2,9. Introduit dans les voies respiratoires, il provoque une suffocation très pénible, comme l'oxychlorure de carbone; sec et pur, il n’attaque ni le verre, ni le mercure. L'eau le détruit lentement en donnant un mélange d'acides sulfureux et fluorhy- drique. Le gaz ammoniac réagit de suite en donnant un mélange de thionamide SO (AzH?) et de fluorure d'ammonium. M. Meslans poursuit l'étude des autres fluorures, dont il fera connaître les propriétés dans , une prochaine communication. A. HALLER. CET: | 3178 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Communications récentes. M. Campbell Swinton montre diverses photogra- phies obtenues par la méthode de Rüntgen. — M. Scott présente divers instruments géométriques imaginés par M. Monticolo et lui. L'un de ces instruments sert à tracer des ares de cercle de rayons trop grands pour qu'on puisse employer le compas. Les autres sont des planimètres qui présentent divers perfectionnements. — M. Burton lit une communication de M. Everett sur les « tons résultants »., L'auteur expose la théorie de Helmholtz, les objections qu'il lui adresse, et sa propre théorie. Elle est fondée sur cette considération, que si l'on analyse en série de Fourier une courbe périodique composée de deux mouvements harmo- niques simples de fréquence m etn, on n’obtientque ces deux termes. Si l’on a commis, à l'origine, une erreur en ajoutant ensemble les deux harmoniques simples, cette erreur sera répétée pour chaque onde, et, outre les deux lermes de fréquence n et m, on aura à l'a- nalyse, un terme de fréquence f, f étant le plus grand commun diviseur de net m». C'est ce terme de fré- quence f que l'auteur appelle le terme fondamental commun des tons n et m. L’ « erreur » est dans la pro- duction d’une courbe composée, et l’auteur suppose qu’elle est produite durant la transmission du sou par les osselets de l'oreille. A l’appui de ces idées, l’auteur trouve que dans le violon, où l'âme, comme les osse- lets de l'oreille, transmet les vibrations d’une partie de l'instrument à une autre, il est aisé, en pinçant deux cordes à la fois, d'obtenir une combinaison de sons dont la fréquence est d'accord avec celle qu’exige la théorie. Ainsi, avec la sixte majeure (5 : 3), la seconde majeure (9 : 8) ou la septième mineure (9 : 5), on en- tend clairement le son fondamental (1) et il est percu également par la main qui tient l'instrument. L'auteur a réussi encore à déceler ce son résultant, en tenant un résonateur de Helmhol{z en contact avec le corps du violon. M. Burton estime que la théorie de M. Eve- rett est préférable à la théorie acceptée d'ordinaire, mais il lui reproche d'attribuer trop exclusivement le rôle prépondérant au premier terme, dans une série de Fourier. Elections annuelles : Le capitaine Abney est élu pré- sident; vice-présidents: MM.Shelford Bidwell,Festing. Perry, Johnstone Stoney ; secrétaires : MM. Blakes- ley et Elder; trésorier : M. Atkinson ; « demonstra- tor » : M. Vernon Boys. MM. Ramsay et Eumorfopoulos : Sur la détermi- nation des hautes températures par le #eldomètre. Le meldomètre, instrument inventé par M. Joly, de Dublin, consiste en une bande de platine, qui peut être chauf- fée par le passage d'un courant électrique. De petits fragments d'une substance solide sont placés sur la bande de platine, et la température à laquelle elles fondent (mielt) est déduite de la longueur de la bande de platine, qui a été préalablement calibrée au moyen de corps solides dont les points de fusion sont connus. Les auteurs ont employé l'or pour calibrer l'appareil, et ont pris le nombre de M. Violle, 1045° GC. pour le point de fusion de l'or, On a fait de nombreuses me- sures de points de fusion : de sels de sodium,de lithium, de strontium, de baryum, de calcium et de plomb. Les résultats diffèrent beaucoup de ceux qu'ont obtenus Heycock et Neville, sans que les auteurs aient pu dé- terminer la cause de ces différences. M. Ramsay pense que le principal avantage de cette méthode est qu’elle n'exige qu'un très pelit fragment de matière pour la mesure. ce qui permet d'assurer l’extrême pureté de l'échantillon, —]M. Ramsay montre un petit spectro- scope à vision directe, dans lequel l’oculaire se meut dans un plan perpendiculaire à l'axe de l'instrument, au moyen d'une vis micrométrique. Cette forme de spectroscope est trouvée être d’une grande utilité pour la vérification de la position des raies du spectre. Sir D. Salomons montre quelques expériences avec des lampes à incandescence, Un grand électro-aimant est excité par un courant continu tandis qu’un courant alternatif passe dans la lampe à incandescence. En ap- prochant la lampe de l’aimant, Le filament se met en vibration, et, si la lampe est assez près de l’aimant, le filament peut se briser, Le nombre et la position des nœuds formés dans le filament en vibration ne dé- pendent pas de la période naturelle du filament, mais de la fréquence du courant alternatif. — MM. S. P. Thompson, Ayrton et Perry présentent diverses observations. — MM. Fleming et Petavel : « Etude analytique de Parc à courant alternatif. » On a étudié la distribution de la lumière dans les diverses régions rayonnantes de l’arc, quand on a une puissance élec- trique donnée, une période donnée, et une différence de potentiel entre les charbons également donnée. La puissance se mesure avec un wattmètre bifilaire ; pen- dant que, par le moyen d’une série de miroirs et d’un disque tournant porté par un moteur à courant alter- natif synchrone, on peut comparer la valeur moyenne de la lumière provenant d’une partie de l’are avec la valeur instantanée de la lumière émise par la même partie de l’are, et émise à une phase fixée d’avance de la période. L’are lui-même est alors son propre étalon, et l’on élimine les difficultés dues à de petites varia- tions dans la lumière moyenne de l'arc. Les faits observés peuvent se résumer ainsi : La lumière pour- pre du véritable arc subit une variation périodique, et autant que l’œil en peut juger, elle s’éteint complète- ment durant un certain intervalle, à une certaine phase de la période; elle a des valeurs maxima égales durant la période, à des instants qui suivent de très près les instants où ily a maximum de dépense de puissance dans l’arc. D’un autre côté, l’éclat du cra- tère de charbon varie entre une valeur minima et deux valeurs maxima inégales; le maximum le plus grand se produit quand le charbon est positif et à un instant suivant de très près l'instant du maximum de dépense de puissance. La seconde partie du mémoire consiste en une comparaison entre le rendement de l’are à courant alternatif considéré comme source lu- mineuse et le rendement de l'arc à courant continu qui absorbe la même puissance, On a employé deux arcs pouvant représenter les types des arcs employés dans la pratique et comparé l'intensité moyenne sphérique, pour une égale dépense de puissance ; et on a trouvé que, pour l'arc à courant alternatif employé, l'intensité moyenne sphérique a toujours été moindre que celle de l’are à courant continu. En abaissant la fréquence, il semble qu’on diminue le rendement de l’arc à cou- rant alternatif. — Une discussion s'engage, à laquelle prennent part MM.Ayrton,S.P.Thompson,Blakesley. MM. Ayrton et Thompson insistent sur l'influence de la qualité des charbons et de la longueur de l'arc sur le rendement de l’are, et estiment que nos connais- sances ne sont pas encore suffisantes pour qu’on puisse se prononcer encore sur la question de savoir si l'arc alternatif peut être rendu aussi bon que l'are continu. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Récentes communications. f M. Vivian B. Lewes : Sur la théorie de la lumière de l'acétylène. L'auteur s'élève contre les objections élevées par Smithells contre cette théorie basée sur les considérations suivantes : les hydrocarbures non sat rés sont, dans la partie intérieure de la flamme, con: vertis pour la plupart en acétylène avant qu'il y ail production de lumière; l’acétylène produit de là lumière lorsqu'il est chauffé dans un tube de verre à il n’y a pas d’air; la température nécessaire à la dé- composition de l’acétylène avec production de lumière nest pas suffisante pour produire l’incandescence du charbon mis en liberté par cette décomposition; dans les flammes lumineuses produites par des hydrocars bures l'intensité dé la lumière varie directement Suis à | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES vant la teneur en acétylène, — MM. J.-B. Cohen et W. H. Archdeacon en partant de l’ortho et paracé- totoluide, de l’& et B-acétonaphtalide, benzanilide, for- manilide et les traitant avec des solutions de méthy- late et éthylate de sodium, ont obtenu des corps analogues à celui obtenu en partant de l’acétanilide et qui a pour formule : Ph Az Ac.CH,ONa. — M. Thomas Ewans : Sur la conductibilité électrique de la forma- nilide et thioformanilide. — M. J. Henderson : Action du sucre sur une solution de nitrate de cuivre ammo- niacal, — M. W,J. Humphreys conclut à la suite de nombreuses expériences que la solution et la diffusion des métaux dans le mercure ne diffère pas essentiel- lement de la solution des corps solides non métal- liques dans les liquides. Le cuivre et l'argent se dissolvent dans le mercure en assez grande quantité, mais diffusent très rapidement, — MM. Percy-Frank- land F. R. S. et John Mac Gregor publient leurs recherches stéréochimiques sur quelques éthers sels des acides glycériques actif ou inactif dans lesquels ils ont fait entrer les groupes monobenzoyl, dibenzoyl, diphénylacétyl et dipropionyl, — MM. Percey-Fraïk- land F,R.S. et R. H. Pickard ont étudié les varia- tions du pouvoir rotatoire du dibenzoyl-glycérate de méthyle en le dissolvant dans le benzène, le nitro- benzène, le dibromure d’éthylène et l’acide acétique. — M, J. C. Caïn : Action de l'acide chlorhydrique sur l’alcooléthylique.— MM. J. Walker etJ.R.Appleyard : Transformation des cyanates d’ammonium alkylés en leurs urées correspondantes. — M. Lloyd Snape décrit le sel de m. et p. phénylène de l'acide phénylènethio- carbonique obtenus le premier en partant du phényl- cyanate et dithiorésorcinol, le deuxième au moyen du phéayleyanate et du dithioquinol. — M, T. B. Woord donne les résultats de quelques analyses relatives aux quantités de potasse contenues dans quelques terrains. M. le professeur Fitzgerald F.R. S. présente un mémoire sur Helmoltz dont il étudie les œuvres spé- cialement au point de vue chimique. Au nom de la Société, le Président lui adresse des félicitations. MM. W. A. Tilden et R. E. Barnett ont fait une série de déterminations de la densité de vapeur de l’anhydride phosphorique ; à une température élevée, cette formule devient Pi O0 au lieu de P? 05. D’autres recherches sur la densité de vapeur de l'acide méta- phosphorique, il résulte que ce corps est partiellement dissocié par la chaleur en eau et anhydride. Cet acide a comme formule H?P?206, — MM. A. Hutchinson et W. Pollard donnent les propriétés et la préparation du tétracétate de plomb. Leurs recherches sur les acétates thallique et manganique leur ont montré que ces sels avaient des propriétés analogues à celles du tétracétate de plomb. — M. Alfred H. Allen expose une nouvelle méthode pour la détermination de l’urée par le procédé de l’hypobromite. L'auteur a trouvé qu'en ajoutant une petite quantité de cyanate de potas- siumavant d'ajouter l’hypobromite,on obtient 99.80/0 de lazote total au lieu de 91 à 97 obtenu par la méthode habituelle. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 29 Février 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M.J. de Vries s’oc- cupe d'une relation entre les ovales de Descartes et l'hyperboloïde à une nappe. Si l’on représente par P,q,rles distances d’un point quelconque à trois points P, Q, R d’une droite et par f, g, hles distances QR, RP, PQ de ces points entre eux en valeurs abso- lues, on a : LP° — gg? + lu? = fyh (théorème de Stewart); cette relation représente un hyperboloïde à une nappe, si l'on considère p, g, comme les coordon- nées rectangulaires d'un point de l'espace, Pour chaque courbe de Descartes dont ap + bg + c—=0 319 est l’équation en coordonnées bipolaires, on peut trouver un troisième pôle R de manière que cette équation représente en même temps la projection d’une droite de l'hyperboloïde trouvé sur le plan POQ; cette droite est donc une représentation des ovales de Descartes. Comme les projections de cette droite sur les plans POR et QOR sontrectilignes en même temps, le point R a pour la courbe de Descartes la même si- gnification que P et Q (troisième foyer de Chasles). Ainsi les deux systèmes de génératrices de l’hyper- boloïde correspondent aux deux systèmes d'ovales de Descartes à trois foyers communs. Cette représenta- tion des ovales de Descartes dans l’espace fait défaut quand R coïncide avec P et Q; alors on trouve des limaçons de Pascal. Un plan par l'origine peut couper l'hyperboloïde de manière que la projection de la sec- tion sur POQ ait l'équation pq — constante. Donc les courbes Cassiniennes se représentent par une équation tripolaire linéaire et homogène. Le pôle du troisième rayon vecteur est un troisième foyer. Même il y a un quatrième foyer, symétrique de ce troisième par rap- port au centre de la courbe. Pour la lemniscate ces nouveaux foyers coïncident avec le centre; pour les courbes à une branche unique ils sont imaginaires, — M. P. H. Schoute fait une communication sur les courbes gauches de la surface romaine de Steiner, représentée par : Y2z? + 3272 xp? — D'abord il démontre que cette surface Si n'admet pas de courbes d'ordre impair (théorème de Cremona et de Sturm) ; sa démonstration diffère totalement de celle de M. Cremona, elle est plus rigoureuse que celle de M. R. Sturm. Ensuite il s’occupe des quartiques Ré de seconde espèce situées sur S#, de leurs cônes proje- tants à sommet O, de l’involution des couples des courbes R$ qui se trouvent sur la même quadrique et des couples correspondants de cônes projelants, des quartiques R? de première espèce à point double qui forment des cas particuliers de R#, etc. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Mulder présente la seconde partie d’un travail commun de lui-même et de M. J. Heringaintitulé : Recherches sur un peroxy- nitrate d'argent. — M. $S. Hoogewerff présente la thèse de M. A. R. van Linge « Ueber die Einwirkung von Kaliumhypobromit in alkalischer Lüsung auf Amiden » (Sur la réaction de l’hypobromite de potassium en solution alcaline sur des amides). 3° SCIENCES NATURELLES, — M. W, F. R. Suringar fait une communication sur des Mélocactus recus depuis peu de l’île Saint-Martin, Ils appartiennent au groupe | des Mélocacti communs et se rattachent de plus près au M. communis var. macrocephalus, décrit par Link et Otto. Ils représentent deux types que l’auteur distingue par les noms de M. (communis) Linkii et M. (communis) croceus, le nom entre parenthèses désignant la souche commune. La comparaison de ces objetsavec d’autres que l’auteur a rapportés lui-même de l'ile de Saint-Eus- tache, etavecla figure et la description d'objets dumême genre de l'ile Saint-Christophore par Hooker, apprend que, dans ces iles très rapprochées l’une de l’autre. il s’est développé des formes différentes et constantes de la souche commune, En outre l’auteur a rassemblé toutes les données anciennes sur le genre, depuis Lo- belius en 1576 jusqu’à la monographie de Miquel en 1840, En altendant qu'une illustration plus générale que l’auteur prépare, puisse paraître, il présente une « quatrième contribution à la connaissance du genre » faisant suite à celles qui ont été publiées en 1885,1889, 1893 et contenant le résultat de ses dernières recher- ches. Elles ont rapport aux Mélocactus à épines cro- chées, auxquels appartiennent le M. de Lobelius et de Besler, et dont l’auteur a récolté plusieurs espèces dans l’ile d'Aruba, et surtout au groupe des M, com- muns, appartenant aux Antilles septentrionales, de- puis Cuba et la Jamaïque jusqu'à Névis. Deux planches accompagneront le traité.— M. N. W. P. Rauwenhoff 2kæyz. 180 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES présente un travail de M. H. F. Jonkman intitulé : « Embryogénie de l’Angiopteris et de la Marattia. » Dans son Handbuch der systematischen Botanik (t. I, Cryptogames, p. 582) Luerssen communique qu'il a obtenu quelques rares embryons unicellulaires et quelques jeunes plantes de la Marattia, mais qu'il n’a pu en suivre le développement ultérieur, ses cultures ayant péri. Lors de son séjour dans l'ile de Ceylan, Farmer (Annals of Botany, t. VI, n° 23) recueillit autant de prothalles que possible de l'Angiopteris, dans l’in- tention d'étudier le développement . du sporophyte. Ainsi il lui a été possible de faire quelques communi- cations intéressantes au sujet de l'embryon de l’An- giopteris evecla Hoffm. Dans ses excursions bota- niques dans les îles Hawaï, Campbell (Ann. of Bot. t. VIIL, n° 29) trouva un grand nombre de très jeunes plantes de la Marattin Douglasii Baker, ainsi que quelques prothalles avec des embryons, ce qui lui permit d'étudier les phases principales du développe- ment de ces plantes, Gependant le matériel dont il dis- -posait ne lui permit pas de jeler un peu de lumière sur les premiers cloisonnements de l'embryon. Après ‘avoir semé à plusieurs reprises des spores de diffé- rentes espèces des deux genres, M. Jonkman a réussi à étudier leur embryogénie. IL y a quelque temps, il en avait déjà étudié la génération sexuée (Arch. Néerl., t. XV, p. 199) en commencant par la germination des spores et finissant par la formation des anthérozoïides et des oosphères, Après que l’anthérozoïde a pénétré dans l’oosphère par l'endroit de la tache claire, celui-ci s’entoure d’une membrane de cellulose et forme un nouvel individu, l'embryon, qui se développe-tout de suite en sporophyte. Aussi bien pour l’Angiopteris que pour la Maraltia, le premier cloisonnement de l'em- -bryon se fait autrement que pour le reste des fougères. La cloison basale qui divise l'embryon en deux cellules à peu près égales, est sensiblement perpendiculaire à l'axe longitudinal de l'archégone, tandis que chez les fougères leptosporangiates celte première cloison est parallèle à l’archégone. Par suite de la position de la cloison basale, les Maraltiacées diffèrent de toutes les autres fougères connues, quant à la position des organes quise développent de l’embryon.Par la première cloison l'embryon est divisé en une moilié épibasale et une moitié hypobasale. La dernière est tournée du côté du col, alors presque fermé, dé l’archégone, tandis que la première est tournée du côté du prothalle, Ensuite chacune de ces moitiés se subdivise en deux cellules par une cloison médiane perpendiculaire à la cloison basale et parallèle à l'axe longitudinal du prothalle ; ‘dès lors, l'embryon se compose de quatre cellules en forme de fuseaux rectangulaires. Immédiatement après, quelquefois mème avant cette transformation, dans chaque cellule il se forme de nouvelles cellules à l’aide d’une cloison transversale perpendiculaire aux cloi- sons existantes etau prothalle, de sorte qu'alors lem- bryon se compose de huit cellules à peu près égales. Ensuite la formation de cloisons se fait d’abord presque simultanément dans les huit parties. Mais bientôt on constate des différences, les cloisonnements ne se ré- pètent plus dans l’ordre régulier, si facile à suivre dans les fougères étudiées jusqu'ici. Cette irrégularité apparente doit être attribuée à l’absence de cellules terminales, d’où procède chez les autres fougères tout développement ultérieur. La cloison basale détermine la position des organes dans l'embryon; la partie épi- basale fait naître le cotylédon et la tige, tandis que la partie hypobasale produit la racine et le pied. Mais la position de ces organes dans l’archégone diffère chez l'Angiopteris et la Marattiu de celle dans les fougères -leptosporangiates, Chez ces derniers le cotylédon se ‘développe de cette partie de la moitié épibasale qui ‘touche au col de l’archégone, tandis que dans les deux -espèces étudiées le cotylédon naît d'une partie de la so Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 moitié épibasale, tournée comme le cotylédon du côté du prothalle, Aussi le cotylédon, au lieu de paraître à la partie inférieure du prothalle, se montre à la partie supérieure après avoir percé le prothalle. Ce change- ment de position entraîne une position différente des autres organes. Et, de sphérique qu'il était, l'embryon devient ellipsoidal dans ses développements ultérieurs. Par l'intermédiaire du pied, l'embryon reste en contact avec le prothalle, Grâce à des cloisonnements nou- veaux, ce pied continue à se développer. Au moyen de cet organe, l'embryon recoit du prothalle la nourri- ture nécessaire, Ce prothalle est encore en évidence dans les plantes déjà très développées; au contraire, l’auteur n’a jamais réussi à constater près de la racine une cellule terminale. Il se présentait toujours quatre cellules, d’où se développe la racine; on se trouve donc en présence d’une croissance tenant le milieu entre celle des fougères leptosporangiates (cellule terminale) et celle des phanérogames à méristème. Dans la crois- sance du cotylédon il n’est non plus question de cel- lule terminale. D’abord il croît dans le sens de la partie supérieure du prothalle, ensuite il se courbe, La tige ne se développe non plus d'une seule cellule terminale, mais par un méristème à petites cellules, de sorte qu’aussi sous ce rapport les Marattiacées se trouvent placées entre les phanérogames et les autres fougères. Au moment où le cotylédon commence à se eourber, on voit dans l’axe de l'embryon le premier développe- ment d’un faisceau vasculaire, les premières trochéides se forment, et déjà l'on constate la présence de cellules contenant de l'acide tannique avant que l'embryon sorte du prothalle.Peu de temps après, la première racine est visible, et en même temps le cotylédon se fraie un che- min à travers le côté supérieur. C'est encore par la manière dont le cotylédon se fait jour que les deux espèces étudiées se distinguent : car dans les autres fougères le cotylédon et la tige sortent du côté infé- rieur, La seconde feuille paraît presque en face de la première,et la troisième se produit à côté du cotylédon. La structure de chaque nouvelle feuille devient plus compliquée. Les deux premières feuilles n’ont pas de stipules. Les pétioles, les feuilles et la tige sont cou- vertes de cellules à acide ftannique. A la base de chaque feuille il se forme d'abord d'ordinaire une seule ra= cine; chez les plantes plus vieilles les racines sont sou= vent plus nombreuses que les feuilles. Le cotylédon, de l’Angiopteris est spatulé et possède une nervuré médiane; celui de la Marattia est un peu lobé et montre une nervure ramifiée. Après les recherches sur l’ana= tomie de ces plantes, l’auteur s’occupera de leur pa- renté avec d’autres groupes. Il lui semble qu’elles se rapprochent, sous plusieurs rapports, plus des hépa- tiques (Anthécérotées) que les autres Ptéridophytes, et qu’elles présentent des points de ressemblance frap” pants avec les Phanérogames.— M. Th. W.Engelmann présente un travail de M. H. J, Hamburger sur l'in: fluence de la pression intra-intestinale sur la résorp= tion dans les intestins. Sont nommés rapporteurs, MM. Engelmann et T, Place. * . P. H. ScHoure. RECTIFICATION Notre collaborateur, M. A. Péron, nous priede porter à la connaissance des lecteurs de la Revue la petite rectification suivante : ] Dans l'analyse de la thèse de M. Répelin, publiée dans le dernier numéro (page 321), M. A. Péron ex- primait le regret que l’ouvrage ne fût pas accompagné d'une carte géologique des environs d'Orléansville, qui eût facilité l'intelligence du texte. Ê Or le mémoire de M. Répelin est réellement ac= compagné d’une carte, mais elle avait été omise dans l’exemplaire adressé à notre collaborateur. L Le Directeur-Gérant : LouIS OLIVIER N°8 30 AVRIL 1896 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENC PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 536,44 Il est extrèmement désirable, pour un grand laboratoire de physique, qu'une partie soit spé- cialement affectée aux recherches concernant les basses températures. En France, aucun établisse- ment officiel n’a, que je sache, réalisé ce déside- ratum, alors qu'à l’Étranger de grands efforts, couronnés de succès, ont été fails dans celte di- reclion. J'ai, en effet, dans un article récent !, signalé aux lecteurs de cette Aevue l'existence en Hollande, en Allemagne, en Angleterre, d'instal- lalions pour la production continue des basses températures. La plus remarquable paraît être le Laboratoire cryogène de Leyde, œuvre du P' Kamer- lingh Onnes. Ce savant l’a décrit dans un mémoire résumé succinctement ici même *. Mais une courte analyse ne saurait donner une idée suffisante des résultats obtenus. C'est qu'il y a, dans ce cas comme dans beaucoup d’autres, une très grande distance entre la théorie et la pratique, entre l’idée et les multiples opéralions requises pour la réaliser. Le mémoire même de l’auteur ne divul- guerait pas les secrets d’une installation qui a coûté au savant membre de l’Académie des Sciences d'Amsterdam dix années d’efforts non interrompus. Presque tout l'intérêt est, en effet, dans les détails des instruments, les connexions et la disposition relative des appareils, détails et arrangements que seuls des plans et des dessins cotés peuvent indiquer. LE LABORATOIRE CRYOGÈNE DE LEYDE A ma demande, M. le P' Onnes a bien voulu réserver à notre pays la publication de ces dessins el de ces plans. Qu'il me soit permis de le remer- cier de la preuve de haute sympathie qu'il veut bien donner ainsi à la science française et de faire bénéficier les lecteurs de la Aevue générale des Srienres d’une véritable primeur scientifique. I, — PRINCIPES DE LA- PRODUCTION DES BASSES TEMPÉRATURES. On ne peut, d'emblée et d’une façon durable, obtenir des températures très basses. On n’y arrive que progressivement, par des chutes successives de température. Lorsque les chutes sont produites par des corps différents, elles constiluent le pro- cédé dit de la cascade". ] - Un premier gaz liquéfié, facile à se procurer, se refroidit fortement par son évaporalion rapide sous l’action d'une pompe et fournit, par rapport à la tempéralure ambiante, une première chute de température. Le bain réfrigérant formé par ce liquide permet de liquéfier, sous une pression de quelques almosphères, un second gaz à tempéra- lure critique beaucoup plus basse. L'ébullition rapide de ce second gaz liquéfié abaisse encore sa température et fournit une nouvelle chute, et ainsi de suite. La cascade peut comprendre deux, trois, quatre... gaz liquéfiés, choisis de façon que leurs températures critiques forment elles-mêmes une 1 Revue générale des Sciences, n° 1#de l’année 1895, 1Les bassestempératures produites par la détente des gaz p. 617-619. comprimés (méthode de M. Caïlletet pour la liquéfaction des 2 Revue générale des Sciences, n° 2 de l'année 1895, p. 86. | gaz)ont été utilisées récemment par MM. Hampsonet Linde. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1816. 8 LL, AC \ 7 c 382 cascade de tempéralures. On obtiendra évidem- ment la plus basse lempérature possible par l'em- ploi d'une cascade ayant pour dernier échelon le | gaz dont la température critique est la plus basse de toutes. Cette méthode serait très onéreuse siles vapeurs résultant de l’ébullition des liquides étaient perdues : car il faudrait disposer d'énormes masses de gaz liquéfiés et le maintien de la tempéralure la plus basse ne serait possible que pendant le lemps correspondant à l'épuisement de l'un des liquides de la cascade. La méthode serait tout à fait impraticable pour des expériences de longue durée. Si, comme M. Raoul Pictet l'a fait le premier dans ses expériences sur la liquéfaction de loxygèneet de l'hydrogène, on élablit une cireu- lation continue de chacun des liquides, les vapeurs produites par l'ébullition étant aspirées par une pompe, puis comprimées jusqu'à leur retour à l'état liquide et ainsi de suite, il en est tout aulre- ment. Chacun des corps de la cascade parcourant un cycle fermé d'opérations, les différentes chutes de température et en particulier la dernière peuvent, grâce au fonctionnement régulier des pompes, êlre maintenues aussi longtemps qu'on voudra. Dans ces conditions, la dépense des gaz est faile une fois pour loutes, et les fuites inévi- tables qui se produisent avec les appareils les mieux clos ont pour seule conséquence d'exiger, de temps en temps, le remplacement du gaz qui s'est échappé. La méthode suivie à Leyde pour l'obtention des basses températures est celle de M. R. Pictet, c'est-à-dire l'emploi de lu cascade combiné à une cireu- lation complète de chacun des corps qui en constituent les échelons. Ceux-ci ont été choisis en s'inspirant des travaux des savants passés maitres dans l’art de manier les gaz liquéfiés : M. L. Cailletet et ses émules, MM. Wroblewski et Olszewski. M. K. Onnes emploie trois chutes de tempé- ralure, fournies par le chlorure de méthyle, l’é- thylène et l'oxygène ; d'où trois cycles de transfor- mations que nous allons étudier successivement el dont les causes de perfection sont : L'échelonnage raisonné de la cascade ; Le minimum de la conductibilité des parois et de leur équivalent calorifique; Le maximum de contact des cycles avec le mi- nimum de substances; La suppression automatique des différentes causes de dangers. La réalisation d'un triple cycle est une des ca- ractéristiques du Laboratoire cryogène de Leyde. M. R. Pictet, dans son installation de 1878 comme dans son installation récente de Berlin, n'emploie E. MATHIAS -— LE LABORATOIRE CRYOGÈNE DE LEYDE ——— que deux cycles. Il en est de même du P°J. Dewar- dont les mémorables recherches sur la liquéfae- « tion de l'air, analysées récemment dans ces co lonnes ‘, alors que le manuscrit de cet article était déposé, ont été faites avec un double cycle, com posé d'éthylène et de bioxyde d'azote ou d'acide carbonique. à L'ensemble de l'installation de Leyde est donné par le schéma de la planche hors texte ?, dont” { … toutes les parties sont figurées aus de leur gran- deur naturelle. Chacun des cycles est caracté | par une teinte plate différente :le chlorure de thyle par du bleu, l'éthylène par du rouge, l'oxygène par du verl. Il est donc aisé de les dis=. tinguer, d'autant plus que le sens de la circulation. des liquides ou des gaz est indiqué par des flèches. à simple fer pour le premier cycle, à double fer pour le second, à triple fer pour le troisième et. dernier cycle (oxygène). La moitié supérieure du … schéma montre les trois circulations; la moilié inférieure comprend à peu près exclusivement les … pompes. E” II. — CYCLE CHLORURE DÉ MÉTHYLE.. Ce gaz élant livré sensiblement à l'état de pureté 4 par l'industrie, il n'y a rien à dire de sa pré- paration. IL est contenu dans un corps mélal- lique À (pl. 1) # suffisamment résistant pour sup- porter la tension de vapeur du chlorure de méthyle à la température du laboratoire. De A, après avoir passé dans un indicateur de ni- | veau (F”, PL I et fig. 1, n° 2), le liquide se renddans. une sorte de boîte creuse B ‘ et forme bain autour … du tube à éthylène liquide. Un robinet R, à poi- gnée isolante, sert à régler le courant de chlorure de méthyle liquide, dont un appareilfiltrant(fig. 4, … n° 3) arrête les impuretés au moyen de laine de verre. En B, le chlorure liquide est en pleine ébulli=. tion ; ses vapeurs, aspirées par la pompe P,passent dans le régénérateur G, où elles entourent un sers pentin dans lequel circule e sens contraire l'éthy= lène sous pression. «1 De C, les vapeurs de chlorure de méthyle, ramentes à la température ambiante par l'éthylène, vont à la, \ | Revue générale des Sciences, n° du 15 mars 1896, p. 2 2 Cetteplanche, ainsi que les autres dessins (sauf la fig: We appartient à un mémoire en cours de publication et destiné, à l’Académie des Sciences d'Amsterdam. ë # À (condenseur du chlorure de méthyle dans le premuie cycle) est le condenseur ordinaire des machines frigorifiques à acide sulfureux fabriquées par la « Société genevoise de Construction ». L'eau passe par les tubes et le gaz comprim se condense dans la chaudière. La caisse, dans laquel plonge le tube de sortie, est remplie de glace pour que le. tube indicateur du niveau puisse fonctionner, sans quoi le liquide y serait en ébullition constante. PANNE 4 Best le condenseur réfrigéraleur de R. Pictet : il pros \ vient de la Société genevoise de construction. . 0) REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (Numéro du 30 Auril 4896). | é Planche |. LZnp Erhard. = Disposition schématique des appareils destinés à liquéfier l'oxygène au Laboratoire cryogène deheyde. (Echetle : 1/30.) À, réservoir contenant le chlorure de méthyle; B, boite creuse daus laquelle le chlorure de méthyle liquide entoure le tube &éthylène; C, réfrigérateur dans lequel les vapeurs de chlorure de méthyle entourent un serpentin renfermant le gaz éthylène; P, pompe aspirant et comprimant le chlorure"de méthyle ; Q, pompe semblable pour l’éthylène : E, arrêteur d’huile; F, F', f, appareils filtrants; H, vase à ébullition de l'éthylène liquide; r, robinet à pointeau pour er le courant de l’éthylène; D, réservoir de sûreté pour l’éthylène; S, compresseur Cailletet modifié; T, compresseur auxiliaire; I. bouteille contenant de l’oxygèn , boite à ébullition de l'oxygène; J, verre à ébullition de l’oxygène; 7’, robinet à pointeau pour régler le courant de l'oxygène; L, sacs de caoutchouc. : Le cycle parcouru par le chlorure de méthyle est figuré en bleu, le cycle de l'éthylène en rouge, celui de l'oxygène en vert Fa LP ini nn, ids si FT , +p | À \ SSSR æ LL 7 IIS NS P> SN CD Z LU 3 ISSSSÉSS EEE EEEERERNEET LL C2 YYNVIVINN SSSR TE SSGç&GÇçÇçÇçÇKÇç«çu«uNuNS AN 13 (ten N SN SS k p2 LS 4 4 g NN RSSSSSGEÇçÇç«CÇÇx Z (fig. 4, n° 7), qu'on peut manœuvrer de l'extérieur sans amener de chaleur, permet de régler avec précision le courant de l’éthylène liquide. ; Le vase à ébullition H est l'appareil dans lequel la température très basse, produite par l’ébullition de l’éthylène dans le vide, permet de liquéfier ‘l'oxygène sous faible pression ; il est entièrement … en cuivre. Il se compose, à la base, d’une chambre 2 n . + ES Tr SJ 724 SEA F LLLLLZ LILI 2) ER F Loupe suwant ef. es SES ë 1 Er [= EX Fig. 3. — Boîle à ébullition de l'éthylène. — À, tube d'arrivée de l'oxygène; B, chapeau obturateur; C, raccord reliant le vase à ébullition au tube d’arrivée A; D, tube conduisant l'oxygène au serpentin F; E, tube de laiton mince renforcé par des anneaux dans lequel les vapeurs d’éthylène commencent À refroidir l'oxygène ; G, revêtement isolant; H montre la section de la tige du pointeau régulateur de l'arrivée de l’éthylène, dont la poignée isolante est en R et l'extrémité en L ; J, raccord reliant le tube I dans lequel se meut la tige du robinet R avec le tube d'arrivée K de l’éthylène liquide ; M, tube de sortie de l'oxygène refroidi; N, boîte filtrante ; O, tube de sortie de l'oxygène liquéfé. 386 cylindrique de 22 centimètres de diamètre et de 5 centimètres de hauteur, remplie d’éthylèneliquide bouillant. Au-dessus, pour amortir le ressaut-du gaz, est une chambre conique, eflilée, de 25 centi- mètres de haut, surmontée d’une chambre cylin- drique de même hauteur et d'environ 11,5 de diamètre. Les vapeurs d’éthylène s’échappent par un tube cylindrique E (fig. 2) de 3 centimètres de diamètre et de 60 centimètres de long environ, dont l’axe est occupé par le tube de cuivre D qui amène l'oxygène en sens inverse. Enfin, les vapeurs d’éthylène, sous l'aspiration de la pompe Q (PI. I), retournent à celle-ci où elles sont de nouveau com- primées avant de retourner dans la circulation. L'oxygène traverse le vase à ébullition dans un serpentin de cuivre F (fig. 2) qui fait suite au tube d'arrivée D. Ce serpentin utilise : dans la chambre cylindrique supérieure, le pouvoir refroidissant des vapeurs d’éthylène (surface de contact — 0220); dans la chambre conique, le pouvoir refroidissant des gouttelettes (surface de contact —0®?15); dans la chambre inférieure, le froid du liquide en ébulli- Lion (surface de contact — 0"?15). La surface déve- loppée par le serpentin est calculée de façon à uti- liser aussi complètement que possible la puissance de réfrigération de l’éthylène. S'il en est ainsi, les vapeurs d’éthylène doivent sortir de la boite à ébullition sensiblement à la température ordi- naire. On oblient ce résultat remarquable avec une circulation qui, en deux heures, fait passer dans la boile à ébullition un peu plus d’un litre d’éthylène liquide, qu'on fait bouillir sous une pression de deux ou trois centimètres de mercure. Il faut avoir grand soin d'éviter la condensation de la vapeur d’eau sur le vase à ébullition et, en général, tout apport de chaleur extérieure par con- vection, conductibilité ourayonnement.M.K.Onnes y arrive en enveloppant le vase d’anneaux de feutre alternant avec des intervalles remplis de laine G, le tout recouvert d'une couche mince de papier, de coton et de vernis soutenue par un treil- lage tressé en bambou. La boite à ébullition est portée par un pied en bois. Tout danger d’explosion, provenant de l’em- prisonnement à un cerlain moment d’une grande masse de gaz dans un petit espace, est évité par ce fait que l’arrêteur d'huile E, le serpentin à con- densation C, la pompe Q, le vase à ébullition H peu- vent, d'eux-mêmes, se décharger à travers des sou- papes de sûreté dans un grand réservoir D aussitôt que la pression dépasse une valeur donnée. Ce ré- servoir D(PI.T), dit réservoir de sûreté, a une capacité de 600 litres, et tout l'éthylène encirculation peut y distiller sans excéder la pression que ses parois peuvent supporter. La pureté du gaz peut être contrôlée, à chaque instant, dans toutes les parties E. MATHIAS — LE LABORATOIRE CRYOGÈNE DE LEYDE du cycle éthylène, par des manomètres qu'il est utile de consulter constamment. Cette observation s'applique, d’ailleurs, aux deux autres cycles. IV. — CYCLE OXYGÈNE. L'oxygène, comprimé dans un compresseur Cail- letet modifiéS ou provenant d’une bouteille I (PI. I), passe d’abord dans trois appareils purificateurs F' et de là dans le vase à ébullition H de l’éthylène où il arrive à la température ordinaire. Il est refroidi par la vapeur, puis par les gouttelettes et prend enfin la température de l’éthylène bouillant dans le vide. De là, l'oxygène traverse une soupape qui empêche son retour en arrière et, par un tube très bien protégé contre la température extérieure, coule dans la boîte à ébullition K et enfin dans le verre à ébullition J (fig. 3). Le jet d'oxygène liquide, filtré, est dirigé contre la paroi intérieure d’un tube de verre presque obturé à sa partie supérieure par les spirales du tube qui amène l'oxygène ; au bas, ce tube se termine par un bec de cuivre très mince par lequel l'oxygène coule. La vapeur d'oxygène, s’échappant entre le jet et le tube extérieur, circule autour de l'appareil en formant che- mise de vapeur. Dans le verre J, d’un diamètre de 4 centimètres, l'oxygène bout sous la pression normale ou réduite (produite par la pompe T ‘, qui peut jouer si on le veut le rôle de compresseur auxiliaire) et sa tempéra- ture s’abaisse au voisinage de — 200° C?.A sa partie supérieure, le verre J est renflé latéralement pour recueillir les gouttelettes projetées par l’ébullition. Il est fermé par un double couvercle de cuivre dans lequel passent deux tubes de verre; dans l’un, qui est la continuation du verre à ébullition, on introduit les corps à refroidir : c’est le puits frigorifique O (fig. 3); dans l’autre tube est une soupape d'aspiration. Le verre à ébullition est supporté par un pelil vase de verre mince près du fond duquel l'oxygène évaporé s'échappe. Le verre à ébullition est en- touré d’un boîte de cuivre mince ou boite à ébullition bien protégée contre la chaleur extérieure; l'oxygène évaporé est entrainé dans le haut de cette boîte et passe de là dans la pompe T qui fait 1 La pompe T, verticale comme la pompe S, est cons- truite par la Société genevoise. La plus haute pression à laquelle on règle la soupape de sûreté est de 8 atmosphères. Les dimensions du piston sont les suivantes : DIAMOP EEE ---preee 49 millimètres. (Giiiisnahoransaomantee 120 2? La température de l’oxygène bouillant sous la pression atmosphérique, mesurée avec un thermomètre à hydrogène, a donné — 1820,4 sous la pression de 768 millimètres de mercure. La température la plus basse mesurée ainsi a été — 184 degrés. Cependant, en faisant le vide, M. K. Onnes est descendu à 8 millimètres de tension, ce qui, pour l'oxygène liquide, correspond à — 200 degrés centigrades environ. Fig. 3. — Boîle à ébullilion de l'oxygène. — A, support latéral servant à guider un tube; B, corps du pointeau qui com- mande l’arrivée de l'oxygène liquide et dont la poignée isolante esten R; C, revêtement isolant (ouate); D, tube d’arri- vée de l'oxygène liquide; J, bain d’oxygène liquide; K, espace annulaire existant entre le vase à ébullition proprement dit T J Oetla boîte à ébullition ; L, M, compartiments cylindriques fermés par des glaces de verre et dont l'air est desséché par de l'acide phosphorique placé dans des verres de montre; N, anneau métallique fermant en avant par une glace le compartiment M dans lequel on peut faire circuler uu courant d’air sec et chaud par les ajutages Ü et V; U', V', méme signification que U et V à l’autre extrémité des fenêtres ovales; P,tube traversant le bouchon qui ferme le puits frigorifique O et permettant l'introduction d'appareils divers; Q, soupape d'échappement des vapeurs d’oxygène sous la pression atmosphérique ; S, tube desortie de ces vapeurs: T, tube de verre mince contre lequel coule le jet d'oxygène liquide; X, plaques de feutre formant le fond dela boîte à ébullition et protégées, comme la partie supérieure, par un chapeau de caout- chouc maintenu pe des brides annulaires; Ÿ, robinet de verre à deux voies continué par un caoutchouc à vide Z per- mettant de faire le vide dans la boîte à ébullition; « 8, axe des fenêtres ovales. 388 le vide, puis dans la pompe $S qui le comprime de nouveau, etc. (à moins qu'il ne soit renvoyé dans _les sacs de caoutchouc L [PI. I]. Dans ces condi- tions, la pompe T fait 100 tours par minute et la pompe S, 25 seulement. La boite à ébullition possède quatre fenêtres opposées deux à deux. La paire supérieure, ronde, sert pour observer le jet d'oxygène liquide et le régler au moyen du robinet (PI. I) ou R (fig. 3), qui se manœuvre de l'extérieur au moyen d’une poignée isolante. La paire inférieure, ovale et plus grande N (fig. 3), permet de suivre les expériences dans le bain d'oxygène liquide; on constate ainsi que, lorsque l'oxygène est suffisamment refroidi, il s'évapore par sa surface sans présenter l’ébulli- tion tumultueuse mentionnée par Olszewski et Dewar. Les fenêtres consistent en compartiments successifs à travers le plus extérieur desquels on peut, s’il est nécessaire, faire passer de l'air chaud desséché par de l'acide phosphorique pour éviter le dépôt de givre ou de rosée. V. — COMPRESSEURS. Les paragraphes précédents font connaitre le triple cyele employé par M. K. Onnes. Mais l'emploi des gaz liquéfiés exige, en outre, que l'on ait à sa disposition une pompe servant à la liquéfaclion en grand des gaz purs. La pompe que M. L. Cailletet a décrite el fait construire dès 1882 fig. 4), caractérisée par un piston plongeur À, agissantde bas en haut, et dont l'extrémité est recouverte de mercure pour supprimer tout espace nuisible, est une très belle solution de la question, en ce sens qu’elle permet, sans grande dépense de force, de liquéfier rapidement de no- tables quantités de gaz. M. K. Onnes a perfectionné ce compresseur de facon qu'il ne perdit rigoureu- sement pas de gaz, qu'il conservät celui-ci dans sa pureté première et qu'il pût rester longtemps inutilisé sans cependant s’abimer. Le cylindre dans lequel le gaz est comprimé (fig. 5) communique, par un tube en U rem- pli de mercure, avec un cylindre de compres- sion droit I où se meut un piston plongeur J agissant de haut en bas. Les étoupes du barillet, qui dans le compresseur primitif étaient en contact avec le mercure et laissaient entrer de l'air dans le gaz à comprimer, sont cette fois au-dessus du mercure dont elles sont séparées par de la glycérine servant en même temps à lubrifier. Le robinet oscillant est remplacé par une soupape d'aspiration laissant entrer librement le gaz dans le barillet de la pompe, même à une très légère différence de pression, bien qu’elle puisse ultérieurement supporter sans fuite une pression de 100 atmosphères. On main- tient un excès de mercure dans le tube à pression E. MATHIAS — LE LABORATOIRE CRYOGÈNE DE LEYDE au moyen d’un tube capillaire, à robinet régula- teur E, qui peut laisser écouler le mercure sous pression plus élevée, qui forme le fond du vase où le gaz est comprimé. Ce compresseur, où le gaz n’est jamais en contact qu'avec le mercure ou des solides, est parfait pour conserver la pureté des gaz et pour liquéfier des gaz coûteux ou rares. Comparé au compresseur Cailletet et aux pompes industrielles, il leur est inférieur sous le rapport A Fig. 4. — Pompe Cailletel primilive. — À, piston plon- geur en acier à extrémité recouverte de mercure; B, pa- rois du barillet: &, b, cuirs emboutis; R, robinet d’acier oscillant; O, arrivée du gaz; S, soupape tronconique en ébonite; Tl', tube de sortie da gaz auquel est soudé un tube de cuivre flexible relié à la bouteille plongée dans la glace où s’accumule je gaz liquéfié. de la quantité de gaz liquéfiée dans un temps donné. On augmente, toutefois, sa capacité de travail en lui fournissant, au moyen du compresseur auxiliaire T, les gaz sous pression plus élevée. VI. — DURÉE DES EXPÉRIENCES. L'exposé du fonctionnement des trois cycles serait incomplet si l’on n'avait une idée du temps qu'exige l’abaissement de la température. Cette. lacune est comblée par l'extrait suivant du procès- verbal de l'expérience faite le 22 mai 1894 : 9 h. 145 minutes. — On commence à mettre en œuvre le premier cycle; MEL EN ‘spraaedde saxqnv.p Sup Jedjue o4tey af no stssa Sap o1tey anod s1042p NE JI0S ‘g AWOP Of SUVP Juejsixo uorssoad ve] aonbrpur 1ssne qnod mb ‘oxeurourtut un r J10$ ‘208 of jueuou SanapnquStp SJeutqOr MAMAN {91107 dou 350 uotssord ®] enbsxot UOISO[AX9 JUESIEF OIAINO 9p OOUTU onberd oun Jed opuuoy gjoans op 9170q “O 5 euwrduros ze8 np onaos op oqui ‘4 {N OIUBI 21104 ef SUEP 262 of Juestnpuoo oqu} ‘JU ‘euudwoo zu 97 dec auremque oanodeut np onaed opuras snjd ey esodop os no saytoq © ‘T : gunduoo 228 np o1j10s op oqn°Y fowop np e8zegrop ep Jourqor Y ‘AIIMEQ NP MIO 28A8 4 OWOP NP OMNOMUT OT OAIIdEO aq unp oMErpPoUUT | Ed : brunuuwoo questey jourqox ‘4 {Joqpueq of arproaJox anod ne9,p uOrenoato ® 1048 a[qnop ‘( {9 1erraeq of Sup dessed ap Juear ‘oaremixue anassarduoo np qjueuoa € duuoo ou 0,1 SINUMOIE,S NO ITOAMOSSE “L "agy/1pou 791e7p109 eduvq À — “ogarpreo eduod rç ejoaae uo puenb eumur oatetpixne anossoiduwu09 0j dogoeuu desste] qnod uo,nb quez tnb 09 ‘uonexrdse,p oqny 0 sup essedoz 78 a 19 0p99 10-0109 ‘edednos e] ap amttutp ef ossedop uotssoadiuoo ej 1$ ‘Jney ua 290e[d gjoans ap edednos eun <2948 onbrunurwoo % uorssorduos 9p aoduço 97 ‘sadn09-assoad np out190{[8 9p SQ9x9,1 aJu809p os no asea fn ÊÀ xnoo uoistd np sednojo-ossoud oj dossteiS p j49s aepinbry 0j quop eue5£xo | aed eouuduroo eumo94[$ e epprenoq X ‘19721189 anossoadu0 of suep ossed 9199ssap Ja eurad -u109 ou984xo | poubor aed eqn3 ‘{ f exuos ap joutqoz ‘y ‘ expique enbrioydsoud opror ‘A ‘ X aJue499ssap e}10q e[ sUep 1108 ‘OTQuOUU NE JI0S VA 7 OP JUEUOA QT eUgBAXO uo aed oqn3 ‘X (2 aed quos 19 9 aed aarmae mb neo,p queanoo un ojnoato no) À xnoxo uoysrd ef aed gurrduo9 358 au95 4x0] RO Jerrreq g ‘uorssordwoo op jodepo ‘» ‘ uorwardse,p jodejo ‘2 {ze oj eugure mb onoyoqnoeo ep oqn} np qjueueaoad oxgtssnod ef quarjox mb ‘oueS4xo,1 oattae no aed ‘ojeno & 9370 M ‘0DIenD ANn2SSaUW0D — ‘sunassauduon — *G ‘SA 72297/109 A119SS310U07 7 7) CZ by 3 À | Ur & 7777775 2110171700 1AN9SS9 10107 PASS N ELA 74 ë NN N N \ À SSSR ININSINVYSÉE eee SÉRIE ho 2 W > Z NN N AN ANA IIS 7 SSSR SSSR UILILLLL2 ie AN A7 y LE qu 1 td HZ LL PO OL LL SKIISSSSISISYSYSIIIININN S f NET EN IR d EN NN PINZR 2 À 7 NZ CAM ZE R ZÀ SZ NN Z ; NZ 7 NN) À | n 11 2 À # 7 SS y 727727} 14 ZZZ ZZZ RSS es Zyz hChChCOhOoOOQOOQQQQQQGSGOGSTSTSFIFIFKK SSSR SSSSSSS — % TD IS RNNNNNN 7 NS NN SSSR È où * A! 5111970291 Ss2(] 0 772 Go rer e ms #, G 390 10 heures, — On commence à condenser l’éthylène dans le deuxième cycle ; 10 h., 37 minutes. — Il y a de l’éthylène liquide accumulé dans le flacon à ébullition; 11 h. 50 minutes. — La quantité maxima d’éthylène liquide dans le flacon H est obtenue: la tension des vapeurs est 150 millimètres, on commence à abaisser la température ; 12 h, 9 minutes. — La tension de l'éthylène bouil- lant est de 70 millimètres: 12 h, 15 minutes. — On introduit l'oxygène com- primé dans la spirale du troisième cycle; 12 h. #4 minutes. — On obtient un jet liquide dans le verre d'oxygène; 1 h. 32 minutes. — On obtient le bain d'oxygène liquide à la pression atmosphérique; 2 h. 10 minutes, — Le bain est dans la condition normale pour travailler; 4h, 45 minutes, — On finit. D'ordinaire, le temps nécessaire pour atteindre la température de l'oxygène bouillant sous la pression atmosphérique est de 4 à 5 heures pour le bain normal. Arrivé à ce point, il ne faut que quelques minutes pour parvenir à l'oxygène bouil- lant dans le vide. VII. — EcoNoMIE Du PROCÉDÉ. Ce qui caractérise et rend tout à fait remar- quable le laboratoire cryogène de Leyde, c’est l’écon omie qui a présidé à son installation. Il ne faut pas perdre de vue que M. K. Onnes n’a guère eu à sa disposilion que le budget annuel de son laboratoire, à part quelques dépenses extraordi- naires soldées par l'État néerlandais. Aussi s'est-il appliqué à avoir des circulations parfaitement closes, de façon à conserver purs ses gaz età annuler sensiblement la déperdition de gaz aussi coûteux que l’éthylène !. Dans les appareils à ébul- lition C, B, H, le pouvoir refroidissant du chlorure de méthyle et de l’éthylène est entièrement utilisé : ! Le prix de revient d’une expérience est très minime. On ne dépense en réalité que la force motrice de quelques chevaux-vapeur, quelques mêtres cubes d’eau, un peu d'huile pour le graissage et un peu d'acide phosphorique pour dessécher les appareils. Il faut y ajouter les pertes de gaz par les fuites. Or c’est l'éthylène le plus coûteux : un mètre cube vaut 80 francs ; si on perd 200 litres de gaz en travaillant toute une journée, cela ne fait que 16 francs ; le chlorure de méthyle et l'oxygène coûtent beaucoup moins cher. Voici d’ailleurs la mise de fonds pour les trois cycles : Chlorure de méthyle. 8 kilogr. 50 francs NIOTOS-Hohoueose 1,5kilogr. 450 — Oxygène ere. 2 kilogr. 40 — 240 francs E. MATHIAS — LE LABORATOIRE CRYOGÈNE DE LEYDE aussi, tandis que les recherches de Dewar! exigeaient la préparation d'un quintal d'éthylène, au laboratoire de Leyde la quantité employée n'excède pas ordinairement ”## Hilo et demi ?, la quantité d'oxygène liquide produite étant de un quart à un demi-litre, ce qui est largement suffisant pour la plupart des expériences. Si l’on veut arriver rapidement aux basses tempé- ratures, l'installation de M. K. Onnes exige une puissance de 6 à 8 chevaux-vapeur; dans un tra- vail régulier, les compresseurs n'exigent pas autant. Si l’on rapproche ce fait de la conclusion de M.R. Pictet que, « pour opérer normalement et travailler expérimentalement avec de l'air atmosphérique liquide, il faut disposer d’une force d’au moins 30 à 40 chevaux-vapeur actionnant 6 à 7 compresseurs * », on verra avec quelle perfection est éludié le laboratoire cryogène de Leyde et quel honneur il fait à son créateur! Né du désir de poursuivre à de très basses lem- pératures l'étude des isothermes de l’hydrogène, que Wroblewski n’a pas eu le temps de mener à bonne fin, le Laboratoire cryogène de Leyde à permis au D' de Vries de mesurer l’ascension capillaire de l’éther à la température de l’éthylène bouillant; le compresseur Cailletet modifié (resté inédit jusqu'ici et dont la Revue générale des Sciences a la première description et le premier dessin) à servi successivement aux D" Stoel, Siertsema el Kuenen, soit pour la préparation de leurs thèses, soit pour d’autres travaux de recherches. L'idéal, dans l'installation de Leyde, serait d’avoir pour dernier échelon de la cascade l'hydrogène liquide coulant dans un vase à ébul= lition comme le font l'oxygène et l’éthylène! La résolution de ce problème exige de nouvelles éludes et des appareils plus puissants que ceux. qui viennent d’êlre décrits. Nul doute qu'avec de la persévérance M. le P' Kamerlingh Onnes ne triomphe des nouvelles difficultés comme il a eu raison des anciennes, en quoi il aura vraiment bien mérité de la physique et des physiciens. E. Mathias, Professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Toulouse 1 The Eleclrician, 17 juin 1892, p. 169. ? Toutefois, les appareils peuvent sans effort produire, aü besoin, 6 kilos d’éthylène. 3 Comptes rendus de l'Ac. des Sciences, t. CXIV, p. 1245: 537,53 A quelles causes tiennent l'universelle admi- ration et la curiosité impatiente qu'a excilées la découverte du P° Rüntgen? L'importance scienti- fique de ces belles recherches ne saurait être dis- cutée, mais elle ne se manifestera complètement que le jour où nous serons fixés sur la nature du nouvel agent et sur les conditions de sa produc- tion ; d’ailleurs, ce n’est pas à la portée d’une dé- couverte, à la nouveauté ou à l'étendue des points de vue qu'elle nous ouvre dans le domaine de la science pure que se mesure l’enthousiasme qu'elie inspire, ni dans le monde savant, à part un petit nombre d'initiés, nisurlout dans le grand public. … Si le nom de Rüntgen, depuis longtemps fort “honorablement connu des physiciens, est devenu, - enun jour, populaire — on peut employer ce mot sans exagération — laraison en est avant toul - que les rayons X ne sont pas exclusivement une … curiosité de laboratoire, que chacun peut les pro- duire et qu'il suffit d’une installation très simple pour obtenir la photographie du squelette d’un “membre ou celle d'un objet enfermé dans une boîte à parois épaisses. Ces épreuves resteront un -sujet de distraction ou une cause d’étonnement jusqu'à ce que l’accoutumance ait émoussé l’ad- miration et que ces merveilles soient devenues banales ; un jour prochain viendra où personne ne trouvera qu'il soit plus étrange de oi un objet, ou tout au moins d'obtenir la reproduction de ses contours, à travers une planche de bois de plusieurs centimètres d'épaisseur, que d'entendre, à Paris, la voix d’un interlocuteur qui parle à Bruxelles; l'ensemble des idées courantes et les opinions vulgaires au sujet de la transparence et de l’opa- | cilé auront changé, en même lemps qu'une modi- fication correspondante se sera produite dans les mœurs du monde civilisé. Avant que l’appareil producteur de rayons X soit entré dans la pratique courante et soit devenu un appareil d'investigation commun ou même un jouet d'enfant, il est probable que quelques per- sonnes, en essayant de s’en servir, éprouveront des mécomptes. La simplicité du dispositif n'exclut pas la nécessité de certaines précautions, et c’est simplement faute de les avoir prises que quelques photographes amateurs ont pu connaitre les in- succès. Nous nous proposons de rappeler briève- ment ici dans quelles conditions il est nécessaire d'opérer. C. RAVEAU — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L'IN VISIBLE 391 LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L’IN VISIBLE I. — MODE OPÉRATOIRE SANS CHAMP MAGNÉTIQUE Une ampoule de Crookes (fig. 1), où le vide par- tiel a été fail, est reliée par deux fils métalli- ques, qui y pénètrent, ÿ TR ÉLIRE. À / \ / / à une bobine de Ruhm- korff; celle-ci est ac- tionnée par un courant électrique continu, four- ni, de préférence, par A ; une batterie de piles à | treuil (fig. 2 et 5), ou en- | core par un accumula- \ teur. C’est au moyen de ce dispositif fort simple que l'on fait aujour- d'hui, d'une facon cou- rante, la photographie Fig. 1. — Ampoule de Croo- kes pour la production des rayons de Rüntgen. de l'invisible. ] La forme la plus fréquente de l’ampoule est celle d’une poire d’une quinzaine de centimètres de longueur (fig. 1 et 2). Le pôle négatif ou cathode est constitué par une calotie ou un disque d’alu- minium C (fig. 1), perpendiculaire au grand axe du tube. La position du pôle positif ou wnode A n’exerce aucune influence sensible sur le trajet des rayons dits cafhodiques (émanés de la cathode), dont le choc sur le verre en B engendre les rayons X. 11 faut que la lame métallique C, fixée dans la partie allongée du tube, fongtionne comme cathode ; l'aspect des lueurs phosphorescentes renseigne immédiatement sur ce point. Si c’est le fil À qui sert de pôle négatif, le tube paraît rempli à peu près en entier d'une lueur qui passe, suivant les points, du jaune verdâtre à un bleu gris clair; si l’on tourne le commutateur de la bobine, la lueur se concentre sur la paroi B du tube, et elle a généralement une teinte vert jaunâtre, plus in- tense que dans le premier cas. C’est des points du verre où se manifeste cette lueur, causée par les rayons cathodiques, que partent les rayons X. La source des radiations actives est ainsi con- stituée par une surface notable de verre, qui envoie des rayons dans toutes les directions. Ce fait élabli, les règles à suivre pour les utiliser aussi com- plètement que possible pour la photographie s’in- diquent d’elles-mêmes. Si l’on veut reproduire un objet de dimensions moyennes, ne dépassant pas celles de la main par exemple, il y aura avantage à Rappelons d’abord les chéma de l'expérience : | placer ceLobjet et la plaque aussi près que possible xt ie pu. 392 C. RAVEAU — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L'IN VISIBLE de la source des rayons; on suspendra alors le tube verticalement, la cathode étant en haut, et on le maintiendra à deux centimètres environ au- dessus du dos de la main !, posée à plat sur le | châssis positif fermé. C'est la disposition que re- présente la figure 2. La figure 3, qui est la repro- duction d'un cliché obtenu par M. Londe, montre avec quelle netteté on peut distinguer les os du ou des électro-aimants convenablement disposés, M. Meslin a montré comment on pouvail con- centrer les rayons cathodiques ; on lira plus loin l’arlicle de ce savant sur celle question. Son élude fournit un moyen très ulile d'accroître le rendement des tubes de Crookes; il sera néces- saire de se pénétrer des règles qu’il indique, car l'emploi non raisonné d'un aimant risquerait de carpe et de l’avant-bras. On pourra, sans aucune fournir un résultal exactement opposé à celui que à ‘mm à eh jet de + ; Fig. 2 on voit une batterie de six piles au bichromate avec treuil; Rhumkorff, en passant par-un ampére-mètre, destiné à n rant se rend par deux fils aux deux électrodes du tube dt main à photographier est placée au-dessous du tube et re figure est la reproduction d’une photographie faite aux burt difficullé, photographier également les os de la jambe 4). Il y a évidemment intérêt, pour accroître la netteté des images, à réduire lé- fig. tendue de la source d'où émanent les rayons. On pourra y parvenir en se servant d'un champ magnélique, produit par des aimants permanents ! On trouvera chez les constructeurs de tubes le support nécessaire. Beaucoup d'ampoules de Crookes, construites sim- plement dans le but de répéter les expériences sur les rayons cathodiques, portent un petit tube de verre latéral, destiné à s'adapter dans un trou pratiqué dans un support en bois: l'axe de l’ampoule est horizontal. Cette disposition serait moins commode pour la photographie de la main. alors — Disposilif employé pour la photographie d'une main au moyen des rayons de Ronlgen. — À droite et sur le sol le courant qu'elle fournit se rend aux pôles d’une bobine d@ iesurer l'intensité du flux électrique. De la bobine, le cou » Crookes, en forme de poire, visible au centre de la figure. Ba ose sur un chässis renfermant une plaque sensible. — Cette aux de la Revue générale des Sciences. l’on cherche. C'est par l'emploi d’électro-aimantS que M. Meslin est arrivé à obtenir, avec cinq secondes de pose, une photographie telle que celle que représente la figure à (p. 395). À quoi reconnait-on qu’un tube fonctionne bien? La plupart des expérimentateurs ont observé que la production de rayons actifs semble liée à l'exis= tence de la fluorescence verl-jaunâtre déjà indiquée: Il faut remarquer avant tout que, si l'existence de celle fluorescence est une condilion nécessaire, elle n'est certainement pas suffisante. Les rayons X prennent naissance sur la surface interne du tube; Fig. 3. — Squelette; d'une main, photographié au tra — Ceite photographie a été obtenue par_M. Albert Londe au Laboratoire e la Société l'Oplique. 394 ils doivent donc traverser le verre avant d'arriver dans l'atmosphère. Le passage sera plus ou moins facile suivant la nature du verre; les constructeurs savent aujourd'hui choisir la matière la plus trans- parente, mais il ne faudrait pas s'étonner de ren- contrer de beaux Lubes de Crookes, donnant une fluorescence très vive, qui ne fourniraient qu'une très petite quantité de rayons X; c’est, en parti- culier, le cas de tous les tubes de cristal. Le verre du tube étant convenablement choisi, on Fig. 4. devra chercher à obtenir la plus grande intensité de phosphorescence possible; on y parviendra en réglant la décharge au moyen du trembleur, sur lequel on agira constamment. Bien entendu, cette surveillance n’est pas indispensable, et il sera par- faitement loisible à l'opérateur d'abandonner la bobine à elle-même une fois qu’elle marchera bien, lorsqu'il s'agira de prendre la photographie d’une pièce métallique, qui peut sans inconvénient poser quelques minutes. Pour photographier des objets étendus, il faudra placer le tube plus loin ; il sera alors nécessaire de diaphragmer la source, par exemple, au moyen — Dispositif employé pour la photographie des os de la jambe. — Ce dispositif est semblable à celui de la figure 24 La personne assise à droite s'occupe de la manipulation des piles. L'ampoule de Crookes employée ici est sphérique: (Reproduction d’une expérience faite aux bureaux de la Revue générale des Sciences.) C. RAVEAU — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L'INVISIBLE d’une lame de plomb percée d'un trou. La durée de la pose devra naturellement être augmentée, eb il faudra la prolonger d’autant plus que l’on dia= phragmera plus fortement; cet inconvénient sera# compensé par une netteté plus grande de l’épreuve: Pour certains objets, il pourra y avoir avantage à uliliser une source étendue dans un sens, telle que l’est une fente lumineuse ; M. Meslin a donné\le moyen d'obtenir ce résultat. La durée totale des tubes, tels qu’on les fabrique actuellement, est de sept ou huit heures environ: On observe souvent qu'ils commencent par s’amé=| liorer à l'usage, puis qu'ils deviennent moins bons; | et finalement qu'ils cessent de produire des rayons actifs. Cette détérioration tient à deux causes : d'abord, la paroi de verre qui reçoit les rayons cathodiques éprouve une modificalion… d'ordinaire elle prend une teinte bleuàtre ; la fluo= rescence s'atténue considérablement et finit par disparaitre. On peut remédier à cette altération en déviant par un aimant les rayons cathodiques, de façon qu'ils viennent frapper un autre point de la surface du tube. L'autre inconvénientestplus grave C. RAVEAU — LA TECHNIQUE DE Vétat de l'atmosphère du tube varie à mesure qu'il netionne : la résistance au passage augmente, _ finalement, il devient impossible d'obtenir décharge. On a constaté qu'un tube main- u pendant quelques heures dans une éluve probablement au dégagement des gaz qui, comme l’a montré récemment M. Gouy, sont ocelus dans le verre pendant la décharge. Si la méthode réussit pour tous les Lubes, elle rendra de grands 00° reprend ses propriétés initiales; ce fait serait | LA PHOTOGRAPHIE DE L'INVISIBLE 395 M. Rôüntgen n'ayant pas donné de renseigne- ments sur la facon dont il a procédé pour obtenir les tubes qui lui ont fourni les résultats qu'il à décrits, force a été aux physiciens de reprendre l’étude des conditions dans lesquelles on oblient le meilleur rendement. M. Perrin, qui soude ses tubes lui-même,obtient de bonsrésultats en faisant passer d’une façon continuelle la décharge, pendant tout le temps qu’ils sont en relation avec la trompe à mercure. Les Lubes se recouvrent d’un léger dépôt, “vices. Je signalerai aussi d’autres procédés : on ient de bons effets en renversant pendant quel- e temps le sens de la décharge dans un tube nt le rendement commence à baisser. M. Car- ntier met en dérivation sur le tube l’excitateur incelles, maintenu à une distance explosive le, de 1 centimètre par exemple. Au bout d'un rain temps, on peul augmenter progressivement te distance, et le tube reprend son fonction- ! On réalisera ce procédé en fixant aux deux pôles de la bo- bine deux fils rectilignes qu’on pourra déplacer: il est bon : 5. — Squelelle d'un poisson, photographié à travers les chairs. — Cette photographie a été obtenue par M. Meslin au Laboratoire de Physique de la Faculté des Sciences de Montpellier après cinq secondes de pose et en utilisant le procédé “de condensation des rayons de Rüntgen par un champ magnétique. mais cette circonstance ne détruit pas leurs quali- tés, et leur durée est beaucoup plus grande que celle des tubes ordinaires. M. Roiti et M. S. P. Thompson viennent de publier des recherches fort intéressantes sur la facon dont varie le rendement en rayons X avec le degré de vide atteint au moment de la fermeture ; ils ont, l’un et l’autre, suivi la marche du phénomène à l’aide d’un écran fluorescent; il sera facile à tous les expérimenta- teurs de les imiter et d'atteindre le point voulu de raréfaction. D'après M. Roiti, qui a étudié avec un RE explosive assez faible, les décharges trop fortes fatiguant rapidement le tube. Fig. 6. — Squelelle d'un val, photographié à lravers les chairs. (Photographie de M. Albert Londe. Fig. 1. — Squelelle d'un pigeon, photographié à bravers les chairs el les plumes de l'oiseau. (Photographie de M. Albert Londe.) REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. 398 C. RAVEAU — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L'INVISIBLE soin particulier les détails du phénomène, le ren- dement maximum en rayons X est obtenu quand la deuxième partie du rayonnement cathodique, celle qu’on appelle « espace obseur », atteint les parois du tube !. Les rayons X prenant naissance en tous les points où tous les rayons cathodiques (ou tout au moins certains d’entre tombentsur un eux Corps solide, il n’est pas néces- saire de pren- dre pour source une partie de la paroi du tu- be; on pourra, comme cela a élé proposé de divers côtés , placer, à l'anti- rieur de l’am- poule,un corps quelconque qui servira de sour- ce.M.W.Kænig a construit un tube sphérique ‘fig. 4)avecune cathode égale- ment sphéri- que et concen- trique; les ra- yons cathodi - ques conver- gent au centre et tombent sur de plaline quisert une lame de source; on réalise ainsi un foyer "presque ponctuel ei très puissant ?. Di- Fig. 8. autres = verses dispositions plus ou moins analogues ont été indiquées, et les tubes à foyer (focus tubes) se trouvent couramment ! On sait que M. Goldstein a montré que l’ensemble des rayons Cathodiques était constitué par divers rayonnements qui'se pénètrent mutuellement et présentent une intensité lumineuse variable, de telle facon que l'un ou l'autre soit visible suivant les points. Dans l’espace sombre on voit en 1éalité, en se mettant à l'abri de la lumitre étrangère, une lueur bleu ciel ; d après M. Roili, c'est cette radiation qui donnerait naissance aux rayons X. ? I n'y a pas de phosphorescence visible avec le platine. — Pholographie d'une main oblenue d'après le procédé de M. Jodko-Narkievicz. dans le commerce en Angleterre ; il est à désirer que les constructeurs français s'efforcent rapide- ment de les réaliser; ils auront peut-être l’avan- tage de supprimer l’occlusion des gaz dans le verre, et certainement celui d'éviter la fusion du tube aux points où il est frappé par des rayons cathodiques intenses !, produits par une forte bobine. Les recher- ches de M. Lon- de et de MM. Lumière ont montré que les plaques Îles plus sensibles aux rayons lu- mineux sont aussi celles qui exigent les po- ses les moins longues avec les rayons X: on doit actuel- lement se con- tenter de celle indication. Peut-être essais répélés amèneront-ils la découverte d'une émulsion extrêmement sensible qui, avec l'emploi de tubes très aclifs, permel= trait la photo- graphie instan- tanée.Quandece vœu sera réali= sé, une des ap: plications plus intéres = santes sera Ces tainement lé tude photo= chronographi= que du mouvement ; la reproduclion directe du squelette permettrait l'élude du cliché sans quil soil besoin, comme dans cerlaines expériences des 5 a re é” ‘ {f'44 L'ONTT les acluelles, de fixer sur le corps des repères don on déduit la position des membres. La finesse des photographies 6 et 7 qui représentent un ral el un pigeon montrent à quoi on peut espérer arrivels 1 Quand un tube fonctionne énergiquement, il risque de fondre au bout de quelques secondes; si on cmploieune bobine très forte, il faudra interrompre sa marche fréquemment: C. RAVEAU — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L'IN VISIBLE 399 Il La découverte des rayons X a, comme l'on sait, rappelé l’attenlion des physiciens sur les impres- sions des plaques pholographiques obtenues à l’aide de la décharge. Ces impressions peuvent se classer en deux catégories: les unes sont dues purement et simplement à l’action de la lumière des aigrettes ou des lueurs qui s’'échappent des divers points d’un corps électrisé, surtout des arêles vives; les autres sont peut-être attribuables à une action spécifique de ces mêmes aigreltes ou de la décharge invisible sur la matière sensible des plaques. En tout cas, rien ne nous autorise, quant à présent, à supposer que le mé- canisme de la décomposition chi- mique qui se produit dans ce cas soit le même que"pour les rayons X. et surtout qu'il soit déterminé par le même agent. Cette distinc- lion ne diminue en rien la valeur pratique du résultat, et les ama- teurs qui auront fait l’acquisi- tion d’une bobine de Ruhmkorff pour reproduire les expériences de Rüntgen trouveront aussi quelque intérêt à reproduire ces curieuses expériences, M. Boudet, de Paris, a obtenu le premier la reproduction d’une pièce de monnaie en plaçant celle- ci sur une plaque au gélatino- bromure d'argent, et la meltant ainsi entre les armatures d’un condensateur. Cette méthode, indiquée par M.Boudet de Paris, ne diffère pas sensiblement de celle que vient de retrouver récemment M. Jodko-Narkievicz et qui lui a fourni les deux photographies que nous re- produisons ici (lig. 8 et 9). L'une des armatures du condensateur est conslituée par la main de l’opé- rateur, le pôle correspondant de la bobine étant simplement mis au sol. L'autre pôle est relié à une lige métallique, maintenue par un bouchon de caoutchouc à l'intérieur d’un tube de verre rempli d'eau. On place le tube sur une table: on metau-dessus la plaque sensible eLon pose la main sur la plaque. De tous les points partent des ai- grettes et, quand celles-ci sont suflisamment fines, on peut ob- lenir, avec une grande fidélité, la reproduction de tous les des- sins de l’épiderme (fig. 9). Quelque temps après la décou- verte de M. Boudet de Paris, M. Tommasi a annoncé que la décharge obscure pouvait donner lieu à des impressions photogra- phiques ; si l’on place entre les peignes d’une machine électro- statique une plaque photogra- phique siluée parallèlement à la direction de la décharge, on peut, dans l'obscurité, obtenir une photographie au bout d'une pose de quelques minutes. La brièveté dela description des expériences en relation avec un des pôles d'une machine de Voss (on pour- rait employer tout aussi bien une Fig. 9. — Photographie d’un doigt oble- nue d'après le procédé de M. Jodko- Narkievicz. On y remarque surtout la reproduction des plis ou lignes de la ne permet pas de décider si les actions observées sont, ou non, de même nature que celles que bobine d’induction}, tandis qu'il peau. promenail autour de la pièce une tige métailique, “reliée au second pôle, de facon à faire jaillir les | étincelles de tous côtés. Il n'est pas nécessaire d'opérer sur un corps métallique ; on peut obtenir la reproduction d’un dessin quelconque, tracé à la plume ou imprimé, en le plaçant sur la plaque sensible; on recouvre le papier d’une feuille d’étain et on fait éclater la décharge sur toute la périphérie ; il est préférable | de produire la décharge en aigretles. L'effet semble uniquement être dû à la lumière ; on l'augmente notablement en plaçant un miroir sous la plaque sensible. Enfin on peut mettre une feuille d'étain d'un côté de la plaque, en la reliant à l’un des pôles de la bobine et laissant l’objet à reproduire (ou une | Seconde feuille d'élain sur lequel.il est appliqué, quand il s'agit d’un dessin) en communication avec l’autre pôle ; la plaque sensible se trouve nous venons d'étudier, et s’il faut nécessairement les attribuer, comme le pensail M. Tommasi, à des rayons électriques particuliers. Une expérience récemment décrite par M. Mo- reau semblerait indiquer, comme nous l'avons dil- au début de ce paragraphe, que l'impression ob- servée lient à une action spécifique de la dé- charge : la plaque est disposée comme dans l'expé- rience de M. Tommasi, mais on ulilise la décharge en aigrettes d'une bobine de Ruhmkorff, action- née par un courant moyen de Gampères; l'objet à reproduire et la plaque sont renfermés dans une boite de carton entièrement élose et la photogra- phieest prise à travers bois. Des aigreltes nor- males à la boile n’ont aucune action sensible; les aigreltes parallèles donnent des épreuves netles el intenses. Il n’est pas prouvé que les rayons de Rüntgen interviennent dans le phénomène, mais il parait établi que la lumière seule ne joue pas le rôle essentiel. 300 . RAVEAU — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L’INVISIBLE services que nous sommes d'ores et déjà en droit d'en attendre dans cette voie et ceux que nous Si les physiciens doivent féliciter M. Rônt- pouvons espérer, il sera bon de rappeler que gen de sa découverte, l'humanité tout entière | les rayons X auront maintes occasions d’être III CL. RE ] A B Fig. 10. — À. Photographie de deux carlouches par le procédé ordinaire. — B. Photographie des mêmes cartouches par les rayons de Rünlgen. On apercoit distinctement la poudre, les balles et les bourres qui se trouvent à l’intérieur. La photo= graphie de droite est, en raison du dispositif employé, à plus grande échelle et en sens inverse de la photographie de gauche. doit lui être reconnaissante d'avoir mis entre | utiles dans les circonstances les plus diverses. les mains des chirurgiens une méthode admi- En nous annonçant sa découverte vers le com- À B ne A 3 PTT ER ET END nc le nn + . ; , Fig. 11. — A. Pholographie extérieure, par le procédé ordinaire, d’une boîle en bois envoyée par la poste. — B. Phologræ phie de la méme boîle au moyen des rayons de E ME eh tüntqen. On voit distinctement le contenu de la boîte et l'ombre de corde servant à l’attacher. — L'échelle des photographies est un peu diflérente, conséquence du dispositif employé. rable qui laisse loin derrière elle tous les pro- | mencement de l’année, le professeur Rüntgen &; cédés connus d'invesligation. Celle application | lui aussi, offert « ses étrennes aux honnêtes gens» à la chirurgie est celle qui a excilé de toutes | Tout le monde connait déjà l'application de dla parts le plus vif inlérêl; avant de détailler les | méthode qu'a faile M. Girard à l'étude des C. RAVEAU — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L'INVISIBLE 401 paquets suspects, Lels que le fameux missel explosif; les figures10 (A el B) qui repré- sentent la photogra- phie et la radiogra- phie de deux cartou- ches, donnent une | idée du procédé et des résultats. Les ravons X serviront probablement à sa- tisfaire bien des cu- riosités illégitimes, mais ils auront aussi le mérite d’aider à dévoiler bien des fraudes. Les deux fi- gures 11 (A et B) qui représentent une boi- tecontenantune mon- tre photographiée d'abord, à la lumière, ensuite aux rayons X, indiquent un pro- cédé qui a été déjà employé en Angleter- re, par l’Administra- tion des Postes, pour découvrir les objets non déclarés. La pré- À Fig- 13. — A. Pholographie extéri ‘une vis faisant saillie. — B,. J la vis qui faisait saillie, et on a et ne pouvaient se voir dans | sence d’un objet métallique quelconque, même au Sein d'une pièce de bois épaisse, est facile- Fig. 12. — Photographie du poignet d'un enfant de S ans mon- trant l'état de l'ossificalion.— Photographie obtenue par MM. Im- bert et Bertin-Sans au Laboratoire de Physique médicale de la Faculté de Sciences de Montpelier. ment trahie A et B). On sait que les dia- manis vrais arrêtent d'une façon notable les rayons X, tandis que la radiographie d'une parure en dia- mants faux ne laisse voir que la monture métallique. La pé- trographie a égale- ment utilisé les dif- férences d'opacitédes diverses substances. La préparation de certaines pièces ana- tomiques permettra d'étudier le système circulatoire ; on a déjà essayé d’injecter dans les veines de grenouilles du mer- cure ou des solutions de sels de chaux des- tinées à ossifier les vaisseaux et à les rendre opaques ; il est probable qu'on pourra aller très loin dans cette voie,quand fig. 13 B de Crookes; M. eure d'une pièce de bois par le procédé ordinaire. On apercoit la tête et l'extrémité ’holographie de la même pièce de bois par le procédé de Räntgen. On voit entièrement percoit, en outre, deux autres vis plus petites qui pénétraient entiérement dans le bois à figure A. — Les deux photographies sont à échelles différentes et de sens inverses. on saura mieux diriger la fabrication des lubes S. P. Thompson a constaté, en 102 C. RAVEAU — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L'INVISIBLE effet, que le contraste entre les os et les chairs varie avec le degré de vide. Les os eux-mêmes finissent par devenir transparents quand les rayons sont très intenses ; on peut espérer qu'une étude systématique permettra d'arriver à distinguer les divers tissus , si- non par une seule opération, au moins par une sé- rie d'essais conve- nablement con- duits; les épreu- yves qu'on à vues ci-dessus et la fi- gure 1% montrent déjà des différen- cialions notables. La figure 12 repré- sente le poignet d’un enfant de 8 ans; les épiphyses du eubitus et du radius ne sontpas encore soudées aux diaphyses ; on ne percoil pas l'ombre du pisi- forme, qui doit ètre encore très petit et caché par le pyranoïdal. Le British Medi- cal Journal à pu- blié la photogra- phie du squelette d'un enfant de trois mois; la pose avait duré qua- torze minutes. L’ampoule utili- sée était un « tube à foyer » (focus tu- be), qu'on trouve maintenant dans le commerce en Angleterre ; il était placé à 925 centi- mètres environ du corps. La différenciation des tissus est assez nette; on distingue parfaitement la silhouette du cœur et celle des poumons; on voit aussi les circonvolu- tions intestinales, au-dessus desquelles une plaque plus claire indique la position de l'estomac. Les parties ossifiées de la main et du bras donnent des ombres bien définies; les cartilages sont à peine visibles. Fig. 14. — Squelelle d’une grenouille, vu à travers les chairs. — La tache blanche vue à droite de la colonne vertébrale indique un poumon gonflé; l'autre poumon était flasque. (Photographie de MM. Waymouth Reid et J.-P. Kuenen dans le journal anglais Nature.) Un des inconvénients du procédé Rünlgen est de ne fournir que des silhouettes sans indication de relief; il est facile d'y obvier en prenant successi- vement deux photographies d’un même objet, avec les positions de la source légèrement différentes (on pourra dépla- cer la région utile à l'aide d’un ai- mani) ;en laissant aux pénombres une étendue nota- ble par l'emploi d'une source de grande surface,on pourra obtenir deux images lé- | gèrementdifféren- tes dont l'examen dans un stéréos- cope donnera l’im- pression du relief. Sans recourir à ce. procédé.ilestelair qu'une construc - tion de triangles ou un calcul très simple permettra de déduire la po-. sition absolue d'un corps métallique, des dimensions de l'ombre et de lan pénombre qu'il projette. Cette recherche des corps élran- gers introduits. dans l’organism la plus facile dela radiographie ; figure 16 représ= sente un lapin de garenne dont Ja patte gauche avai été brisée par um coup de fusil; om voit nettement les. plombs dans la patte droite. Les figures 15 A et 1ÿ, B nous montrent un aileron de faisan avec une fracz, ture et la position de la balle. Des applications plus, utiles ont déjà été faites par plusieurs chirurgiens; qui sont parvenus à extraire des balles de revolver de petit calibre sans avoir à pratiquer une palpation douloureuse et qui, dans certains cas, fût restée sans succès ; des fragments d’aiguille introduits C. RAVEAU — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L’IN VISIBLE 103 sous la peau et qui avaient cheminé loin du point où ils avaient pénétré, de telle sorte que leur trace élait complètement perdue, ont été retrouvés. Il n’est pasinutile d’insistersur le fait que la pho- tographie par les rayons X n’est pas le seul moyen qu'ils nous offrent de sonder l'intérieur du corps, que la phosphorescence, avec des rayons suflisam- ment énergiques, fournit des images visibles direc- tement, évitant ainsi les manipulations photogra- phiques : elle permettrait de suivre à chaque instant la posilion d'un instrument dans une opé- ration chirurgicale ; il est à désirer vivement que les constructeurs arrivent à fournir des tubes assez naitre la posilion des appareils chirurgicaux placés à demeure ou temporairement. Les exemples abondent, dans la chirurgie moderne, de pièces métalliques destinées à remplacer certains or- ganes; nous cilerons seulement les tubes intro- duits dans la trachée-arlère. Dans les lavages de l'estomac, il serait intéressant de savoir à quel point exact s'arrèle l’extrémilé du tube par lequel on verse l'eau. C'est surlout l'étude des lésions osseuses qui est actuellement le plus directement abordable, surtout quand ces lésions se produisent dans les extrémités. MM. Lannelongue, Oudinet Barthélemy A B Fig. 15. — A. Pholographie par le procédé ordinaire, d'une aile de faisan tué à La chasse. — B. Photographie de la méme aile avec les rayons de Rüntgen. On voit les fractures des os et la balle qui les a produites. — Ces deux photographies sont à échelles différentes et de sens inverses. parfaits pour permettre d’apercevoir au moins l'image des os du bras sur un écran phospho- rescent ; le platinocyanure de baryum a été recom- mandé d'abord par M.Rüntgen; M.S.P.Thompson conseille l'emploi du sel de potassium; enfin Edison a trouvé que le tungstale de calcium donne une phosphorescence beaucoup plus intense que tous les autres corps, en très grand nombre, qu'il a éludiés. La cause de la phosphorescence produite par les rayons lumineux résidant d'ordinaire dans la présence de légères quantités d'impuretés, il est possible que ce résullat n’ait rien d’absolu; en tout cas, le tungstate de calcium a l'avantage de coûter beaucoup moins cher que les platinocyanures. Outre les corps étrangers introduits paraccident dans l’organisme, il sera utile de pouvoir recon- ont déjà étudié, soit sur des pièces anatomiques, soit sur des membres vivants, l'ostéomyélite, et l’ostéite tuberculeuse. La figure 17, obtenue par MM. Imbert et Bertin-Sans, représente la main d'une maiade ayant subi la résection du pouce; on y constate la présence de plusieurs points d'os- sificalion. Un cas intéressant qui s’est présenté tout ré- cemment: c’est celui d’une femme qui se plaignait de douleurs dans la hanche el affirmait que la souf- france partail du gros orteil. Ajoutant peu de foi à ces affirmations, les médecins lui firent subir — sans succès — le traitement de la coxailgie, jus- qu'au jour où la comparaison des radiographies des deux orteils montra que l'extrémité doulou- reuse élait atteinte d'ostéite. 10 *Y ‘AN 28 onuo1qo a1yd Sojoy 4) lOMAAUNSIP NOA UO — ‘auuaunb ap uidny un,p aydoaborpny — 106 C. RAVEAU — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L'INVISIBLE C’est surtout dans le cas de fractures que l'ap- plication de la méthode s’indique le plus naturel- lement : on l'a déjà employée plusieurs fois; la radiographie permet de constater aussi les pro- grès de la gué- rison et la re- prise des os fracturés. Les malfor- mations congé- nitales ou ac- quises ont déjà pu être élu- diées dans cer- (ins eecas à Vienne, le pro- fesseur Mosetig a pu détermi- ner la position et la nature du pied d'une fem- me; avec les procédés ac - luels, qui ne permettent guère de dis- tinguer entre les diverses parties molles, la partie de la maladie attri- buable aux os est tout au moins immé - diatement mise en évidence; le genou se lais- sera bientôt traverser assez complètement pourpermettre d'étudier l’an- kylose. On ar- rivera bientôt à déceler dans les extrémités ou les articula- tions la pré- sence de ces cristaux d'acide urique ou d’urates provenant du rhumatisme et de la goutte; on peut même espérer les voir bientôt dans le rein. En effet, The Lancet a donné, dans un de ses derniers numéros, la radiographie d'un singe mort, dans le rein duquel on avait introduit des calculs biliaires et des calculs d'acide urique:; les premiers ne se distinguent que difficilement, mais | Fig. 17. — Photographie de la résection d'un pouce par les rayons de Rüntgen. — On voit les nouveaux points d'ossification qui se sont formés. — Cette photo- graphie a été obtenue au Laboratoire de Physique médicale de la Faculté des Sciences de Montpellier par MM. Imbert et Bertin-Sans. l'acide urique est très visible. Le rein esl d'une transparence presque parfaite: on voit très nette- ment l'épine dorsale et les côtes. Nous ne savons pas encore produire les rayons de Rüntgen a- vec une inten- silé suffisante pour pouvoir traverser ainsi le corps entier d'un homme adulte; quand nous y serons arrivés , une application des plus intléres - santes se pré- sentera, c'est celle qu’on pourra faire de la radiogra - phie à l'obsté- trique; il est inulile d'insis- ter sur tous les services que pourrait ren- dre la nouvelle méthode dans l’étude du déve- loppement du fœtus el dans l'artde l’accou- chemenl. Merveilles déjà réalisées ou miracles promis, résul- tats lLangibles ou espérances prochaines, les rayons de Rünt- gen nous ap- portent tout à profusion. Que diraient au- jourd'hui les timides et les sceptiques qui, au xvr' siècle, voyantuneacadémie italienne prendre le lynx pour emblème, la taxaient de présomption ou de folie ? La Science voit mainte- nant à travers les murailles et, ce qui vaut mieux, ses regards plongent à l’intérieur du corps humain pour y apercevoir et en chasser les causes de la souffrance et de la*maladie. C. Raveau, Préparateur à la Sorbonne. G. MESLIN — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L'INVISIBLE 107 II. — RÉDUCTION DU TEMPS DE POSE PAR L'EMPLOI DE CHAMPS MAGNÉTIQUES NON UNIFORMES La photographie à l'aide des rayons de Rôntgen ne peut devenir réellement pratique que si l’on parvient à diminuer notablement la durée de la pose que l’on a généralement employée jusqu'ici. On peut songer à atteindre ce but, soit en accrois- sant la sensibilité des plaques, soit en augmen- tant l'intensité du rayonnement ; mais, à cause de la nécessité d’avoir des ombres nettes, on ne peut employer plusieurs tubes de Crookes comme cela a élé proposé, ni étendre la surface fluorescente d’où émane le rayonnement; il faul, au contraire, diminuer cette surface et en augmenter l'éclat ou le rendement en rayons X. On peut, en effet, abréger d'une façon considé- rable la durée de la pose en se servant d'un élec- lro-aimant ou même d’aimants permanents pour créer un champ magnélique dont la direction moyenne soit perpendiculaire aux rayons catho- diques dans l’intérieur du tube. Par ce procédé, on déplace d'abord la tache fluorescente d’où émanent les rayons X, ce qui permet, dans les dif- férentes expériences, d'utiliser successivement les diverses régions du tube sur lesquelles on produit la tache active. Ce résultat a déjà une certaine importance, car, lorsqu'on emploie toujours la même région, cette tache, qui était d’abord verte, devient peu à peu jaunâtre au furet à mesure qu'il se forme un léger dépôt brun qui finit par rendre cette région inac- tive ; on peut alors,en déplaçant très peu l’électro- aimant, utiliser chaque fois une partie nouvelle. Mais il y a, en outre, un second avantage plus considérable : c’est qu’on ‘peut, en ne prenant pas un champ magnétique uniforme et en se ser- vant d'une partie convenable de ce champ, condenser la tache fluorescente en augmentant alors son éclat. Pour faire comprendre la possibilité d'obtenir un tel résultat, j'envisagerai successivement deux cas : celui où l’action magnétique s'exerçant loin de la cathode, c’est-à-dire près de la calotte qui lui est opposée, la tache est déplacée d’une petite quantité et renvoyée sur le haut ou sur le bas de cetle calotte; puis, en second lieu, celui où les rayons cathodiques, subissant l’action du champ au voisinage de leur origine, sont rejetés sur la paroi latérale du tube. On peut remarquer qu'en général, les rayons cathodiques, rencontrant un champ non uniforme, ne seront pas tous déviés du même angle ; ils se- ront donc dispersés ! les uns par rapport aux autres, ec on peut meltre à profit cette dispersion, pour obtenir, par un emploi judicieux du champ, une condensation plus favorable. 1% Cas. — Figurons le cylindre de rayons catho- diques AB ab (fig. 18), qui viennent former en «b la tache fluorescente sensiblement homogène; ce cylindre pénètre, en AB, dans un champ magné- tique créé par deux pôles placés l’un en avant, l’autre en arrière du plan de la figure, à la hauteur Fig. 18. — Figure schématique montrant la condensation des rayons calhodiques. — À B C, cylindre de rayons catho- diques se projetant normalement en 4 b; un champ magné- tique uniforme déviera également tous les rayons, qui iront se projeter en a’ b', formant une tache à peu près égale à a b ; unchamp magnétique non uniforme, allant en croissant de À vers B, déviera plus fortement les rayons passant par B et produira une tache condensée «!' b". de AB. Ce champ est supposé perpendiculaire au plan du tableau; il produit une déviation que nous localiserons, pour simplifier, dans la tranche AB, et qui rejette, par exemple, le faisceau vers le haut. Si le champ est uniforme, les rayons tournent du même angle et la tache «'b' aura les mêmes di- mensions que AB ou «b (en négligeant les varia- tions d’obliquité de la paroi). Mais, supposons, au contraire, que le champ ne soit pas uniforme el qu'il aille en croissant de À vers B; le rayon qui passe par B sera plus énergiquement dévié, c’est- à-dire plus rejeté versle haut, et la tache «b" sera plus condensée ; si le champ allait en décroissant de À vers B, la déviation du rayon B serail moindre et la tache serait dilatée. 1]ly a une certaine analogie avec les propriétés d’un faisceau lumineux hétérogène, pour lequel il importe de dis- tinguer la déviation et la dispersion; ces deux phénomènes sont, jusqu’à un certain point, indépendants l’un de l’autre, et on sait que cette indépendance permet à la fois la vision directe des prismes et l’achromatisme des lentilles ou des prismes. L’analogie est plus grande encore avec les miroirs plans et les miroirs courbes. 408 Si l’on renvoyait les rayons vers le bas, on arrive- | rait dans chacune des hypothèses précédentes à la conclusion inverse. On voit donc que, sil'on rejette les rayons vers le haut, il faut, pour avoir une con- densation, employer un champ décroissant vers le haut; si on les rejelte vers le bas, il faut un champ diminuant de haut en bas. En résumé, il faut un champ décroissant du côté où l’on renvoie les G. MESLIN — LA TECHNIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE DE L’INVISIBLE jours perpendiculaire au plan médian, car les Fig. 19. — Disposition schémalique des pôles magnétiques pour la condensation des rayons de Rüntgen. — a, b, tache produite par les rayons cathodiques normaux; 4" b", tache produite par les rayons quand ils sont déviès parles pôles à N'; a! L'!, tache condensée due à l’influence des pôles N; Ni. rayons ; dans le cas contraire, on aurait une dila- lalion. L'expérience vérifie entièrement ces prévisions: il suffit, pour le constater, de disposer deux pôles en Net N'au-dessous de l’axe du tube, comme il De B Fig. 20. — Dévialion des rayons calhodiques À B sur la pa- roi latérale du lube en a b, au moyen de deux pôles placés près de la cathode. estindiqué dans la figure 19, où le tube est supposé vu de face, etde mesurer le diamètre de latache dans le plan médian dans lequel se fait le déplacement; le diamètre vertical « b présente une contraction qui peut êlre accompagnée d’une dilatation trans- versale !, et qu’on peut d’ailleurs réduire en met- tant deux autres pôles sur le côté gauche, en N, N',, de façon à rejeter la tache en a'!'b'!", On réa- lise les différentes circonstances précédemment indiquées en déplaçant le tube de haut en bas, dans le champ, de façon à avoir ensuite un champ L A cause d'effets à ceux étudiés dans le deuxième cas. analogues constant, puis un champ croissant vers le haut: 2° Cas. — Supposons que le champ magnétique agisse à une petite distance de la cathode, de ma nière que la tache soit rejetée sur la paroi laté rale (fig. 20). Elle sera plus ou moins étalée dans le plan médian suivant que la déviation sera plus ou moins grande et, en outre, suivant la varia= tion du champ étudié dans le cas précédent; mais, ce résultat n’a {rail qu'à ce qui se passe dan le plan médian. Dans le plan perpendiculaire; l’étalement serait le même si le champ était tou rayons calhodiques situés sur une même horizon= tale pivoteraient de la même quantité et garde raient entre eux un écartement constant. Mais il Fig. 21. — Schéma montrant comment on peut utiliser un champ magnélique pour obtenir une condensation des rayons cathodiques dans le sens transversal. — N N, pôle produisant un champ magnétique figuré par ses lignes de force. En (1) les rayons cathodiques sont déviés perpendis culairement aux lignes de force, c’est-à-dire parallèles ment à eux-mêmes; il n’y a aucune condensation. En (2) les rayons cathodiques sont déviés perpendiculairement au tangentes aux lignes de force et vont en divergeant. E (3), au contraire, ils vont en convergeant. est facile de voir qu’on peut utiliser la variation de direction du champ pour produire une condensa= tion dans le sens transversal. Pour cela, considérons ce qui se passe dans] plan perpendiculaire où nous localiserons la dévia lions; figurons le champ (fig. 21) produit par le poles Net N', et envisageons successivement € qui se produit quand le cylindre de rayons catho= diques est dans les trois positions (1) (2) et (3). Dans la posilion (1) les rayons qui arrivent e m,n, 0 tournent de la même façon, comme il été dit, et suivent des directions qui se projetten suivant les lignes en pointillé, qui partent d m,neto; ces lignes sont parallèles et la largeu transversale n’est pas modifiée. Dans la position (2), le champ n’a pas la mêm direction en »#', en »' et en 0';la déviation ne se produira pas dans la même direction en ces trois … points, elle aura lieu suivant des droites qui se … projetteront comme il est dessiné en pointillé ; ces lignes vont en divergeant, et la tache aura une dila- lation transversale. Dans la position (3), au contraire, les rayons sont envoyés dans des plans qui sont obliques les uns par rapport aux autres et qui vont en se rap- prochant; il y aura donc une condensation trans- versale et production d’une ligne lumineuse paral- lèle à l'axe, comme on le constate aisément : le champ magnétique joue alors le rôle d’une lentille cylindrique pour les rayons cathodiques et par conséquent pour les rayons X, auxquels ils don- nent naissance et surlesquels on ne pouvait guère agir directement. Si l'on renversait le champ pour renvoyer les rayons vers le bas, les conclusions seraient exac- tement inverses. On se trouve donc amené, pour avoir une con- traction transversale, à mettre le tube dans la position (3), c'est-à-dire dans un champ déerois- sant vers le bas, ce qui produit une dilatation longitudinale; cela n'a pas d’inconvénient si l'on veut avoir une ligne lumineuse. Mais, si l'on veut produire une condensation dans tous les sens, on y parviendra en augmentant la valeur moyenne du champ, ce qui accroitra la déviation et fournira pour la dimension & b de la tache dans le plan médian une valeur de plus en plus petite (fig. 20). En déplaçant le tube dans le champ et en fai- sant varier l'excitation de l'électro-aimant, on D' A. CHARRIN — LES DÉFENSES ANTITOXIQUES DE L'ÉCONOMIE 109 arrive rapidement à trouver les meilleures condi- tions. On peut même faire des mesures en se servant d'un photomètre à rayons X,que j'ai con- struit pour l'exploration du champ et dont la des- criplion a paru récemment dans le Journal de Phy- sique. En employant un de ces dispositifs, on. peut faire des photographies avec des poses très cour- tes. En me plaçant dans le premier cas (20 mars), j'ai oblenu en 25 secondes la silhouette des os d'une main d’adulte, assez nettement pour qu'on puisse y voir très bien la trace d’une fracture à la dernière phalange de l'index, fracture dont nous n'avions pas connaissance el que nous ne cher- chions pas; la personne sur laquelle nous avons opéré s’est rappelée qu'il lui était arrivé, il yatroisans, un accident, qui avait d’ailleurs laissé une cicatrice encore visible; elle avait eu Île doigt atleint par un engrenage et la blessure avait amené la chute de l’ongle. Depuis, j'ai refait celte photographie en utili- sant mieux la variation du champ et en envoyant la tache sur une partie où la courbure du tube favorisait la condensation, et j'ai obtenu le même résultat en cinq secondes (23 mars) !, ce qui fournit une démonstration de la possibilité de réduire d’une façon considérable la pose à l’aide de champs magnétiques convenables ? Georges Meslin, Professeur à la Faculté des Sciences à Montpellier, # - 612,4 LES HUMEURS ANTITOXIQUES ; LA Si l’on réfléchit au nombre, à la variété des mi- « crobes réputés capables de se montrer pathogènes ou dé le devenir, on est frappé de la multiplicité des dangers, à ne considérer que les processus infectieux qui menacent l'économie. On rencontre les bactéries dans les différents milieux ambiants, dans l’eau, dans l'air, dans le sol; on les retrouve sur les meubles, les parois, “les tentures, les livres, les instruments, les vé- tements, les linges, les objets les plus divers; on les décèle sur la peau, les muqueuses, dans ces parties de nous-mêmes, qui, suivant Cl. Bernard, continuent à appartenir au monde extérieur; par- fois, même, on les apercoit dans le sang, dans les Systèmes clos, contrairement à la loi de Pasteur qui proclame la stéritité des humeurs internes, stérilité fréquente, mais nullement constante. DÉFENSES ANTITOXIQUES DE L'ÉCONOMIE ORGANES ANTITOXIQUES Souvent, heureusement, le remède, pour ainsi dire, apparait placé au voisinage du mal. — Au sein de ces milieux extérieurs, par exemple, ces infiniment pelits subissent l'influence atténuatrice de l'ozone, de la pression, de l'oxygène, des tem- pératures basses ou élevées, du mouvement, Ge la sécheresse, de l'humidité, plus encore de la lumière, ete. Au moment où ils atteignent l’éco- nomie, leur vilalité est déjà amoindrie. Ils se fixent alors habituellement au niveau de L2 1 M. Meslin avait déjà obtenu des photographies avec des poses de # secondes (Comptes rendus, février 1896 s'agissait de découpures métalliques où l'opposition des diffé- rentes parties facilite l’opération ; ici, au contraire, il s’agit ; mais il de tissus qui exigeaient jusqu’à présent un temps bien plus long, pour différencier nettement les os et les chairs. 2 Ces expériences ont été faites à la Faculté des Sciences de Montpellier avec l'aide du préparateur, M. haudier. 410 l’une des portes d'entrée, en dehors de quelques conditions exceptionnelles, accidentelles, qui leur permettent de s’introduire d’emblée dans la pro- fondeur des viscères. — Or, là, au voisinage de ces portes d'entrée, ces parasites se heurtent à de nouveaux obstacles, à de nouvelles protec- tions. L'épaisseur de la peau, les couches de l’épiderme, les cellules des muqueuses constituent des dé- fenses mécaniques, physiques, propres à ralentir la marche des envahisseurs. À ces défenses anatomiques s'ajoutent des pro- cessus chimiques, toxiques. — Le mueus de la membrane de Schneider, par ses propriétés ger- micides, rend plus eflicace le rôle protecteur des vibrisses, des sinuosilés des fosses nasales; les corps gras, l'écoulement de la sueur, les acides du conduilureléro-vaginal, elc., complèlent les procé- dés de résistance accumulés à la surface de la peau, des organes génitaux, etc. Ces procédés de résistance sont encore plus développés dans toute la longueur du tube digestif; or, c'est par cette voie que pénètrent les plus redoulables bactéries. — La phagocytose s'exerce en nombre de peints, mais de préférence dans les amygdales, dans les agglomérations de tissu lymphoïde; les sucs de l'estomac, les liquides biliaire, pancréalique, ceux des glandes de Brun- ner, de Lieberkuhn, l’indol, le scatol, le phénol, principes anlisepliques, les composés ammonia- caux, les toxines des ferments putrides, l'absence d'oxygène pour les aérobies, tous ces éléments contribuent à amoindrir l’activité des bactéries. Dès lors, elles ne parviennent pas à s’introduire dans la circulation; les attributs nécessaires, la qualité, la quantité, leur font défaut. Si, parfois, elles réussissent à franchir les bar- rières, l'économie poursuit la lutte grâce aux propriétés bactéricides des sérosités, des plasmas, des solides, grâce aux énergies phagocytaires, grâce aux actions antiloxiques. Ï Au milieu de ce groupe imposant de défenses, qui permettent à l'organisme de résister en dépit de la multitude des assaillants, ces aclions anti- toxiques, bien que connues depuis peu, liennent une place des plus importantes. Plus que toute autre découverte, l'expérience de Behring a nettement mis en lumière la réalité de ces subslances,qui agissent sur les poisons micro- biens. Après des échecs sans nombre, dus en partie à l'emploi de la chaleur, les auteurs étaient arrivés à établir des différences manifestes entre les hu- meurs, les lissus des sujets normaux et celles ou D' A. CHARRIN — LES DÉFENSES ANTITOXIQUES DE L'ÉCONOMIE ceux des individus rendus réfractaires. — Les acti- vilés phagocytaires mises à part, on avait reconnu, à l'aide du virus pyocyanique, que, dans le sérum des immunisés, les germes n’évoluent pas aussi aisément que dans celui des animaux sains. — Ils se multiplient, mais moins promptement; leurs formes sont irrégulières ; leurs sécrétions moins abondantes, moins complètes : c'est là ce qui con- stitue ce qu'on désigne sous le terme, d’ailleurs, impropre, excessif, d'état, d'attributs bacléri-= cides. Behring a eu l’heureuse idée de rechercher l’in= fluence de ces humeurs, de ces lissus des vaccinés non plus sur les microbes vivants, mais bien sur leurs produits, sur les poisons dont ils se servent pour engendrer et les troubles fonctionnels et les lésions anatomiques. Il a constaté que les sérosités empruntées à ces vaccinés s'opposent à l’action de ces poisons ; un gramme de ces sérosités peut être capable de supprimer les propriétés d'une toxine,M de celle du bacille de Lüffler ou de Nicolaïer, par exemple, au point de détruire l’activité d'une quantité suffisante pour tuer de nombreux ani= maux. La première idée qui vient à l'esprit, c'est qu'il s’agit d'une sorte de neutralisation chimique,d’une opération où une proportion donnée d’un corps annule une autre proportion:il n’en est rien.—En effet, si, par exemple, après avoir mélangé 50 ou 100 parties de loxine à 2 ou 15 de sérum, on constate l’innocuité de l'injection de 1, de 3, de 5 centimètres cubes, on pourra en augmentant ces doses engendrer des accidents mortels; on pourra, voir, également, sans élever ces volumes, ce mé- lange cesser d'être inactif, si on remplace le cobaye par la souris, ou même le cobaye par un aulre cobaye, débilité à un titre quelconque.— Ces irré= gularités, la chose est claire, ne s'observeraient pas si le mécanisme de la neutralisation était réel. Des recherches poursuivies par Bouchard eb Charrin ! tendent à élablir que ces humeurs de réfractaires confèrent aux cellules une énergie nouvelle, leur permellant de résister aux attaques des bactéries, aux attributs de leurs sécrétions : le système nerveux, par exemple, réagirait contre la production d'une paralysie des centres dilatateurs; paralysie qui entraine l'impossibilité d’une sortie facile, rapide, et des plasmas nuisibles aux mis crobes ou à leurs principes, et des éléments ana tomiques mobiles, chargés d'ingérer, d’englobem les assaillants. Dans un remarquable travail, Denys ?, en collas 1, La Cellule, t. XI, 1°" fascicule. 2, Soc. Biol. 1888. Voir aussi Bouchard, Congrès Berlin, À août 1890. Voir également Trailé. méd. Charcot-Bouchardi 1er vol. article Infection, chapitre Immunilé, par Charrin: MA we D' A. CHARRIN — LES DÉFENSES ANTITOXIQUES S DE L'ÉCONOMIE A11 oration avec Leclef, élablit péremptoirement celte onception; il prouve que les leucocytes, en par- “ticulier, n’acquièrent leurs activilés phagocytaires ue sous l'influence des sucs des immunisés; celle aclivilé devient un phénomène absolument | econdaire, contingent. Certes, ce processus con- | serve sa valeur, son importance, mais il convient e le mettre à son rang. Nous n'avons pas dit autre chose, depuis 1888. — De: celle époque, nous avons reconnu, àx corpore, que, chez les vaccinés, dans les SÉVOSILES sous-cuta- _nées, les germesétaient modifiés avani l’arrivée des “éléments figurés, que cet afflux se réalisait en pré- “sence de parasites déjà affaiblis par les humeurs, que la phagocytose, que l’action des leucocytes étaient facilitées par cette influence humorale ; dès cette époque, nous avons proclamé que, éhèz ces vaccinés, le nombre des microbes allait sans cesse diminuant, contrairement à ce qui se passe chez les sujels normaux ; que, chez ces sujets normaux, on observail, à l'exemple de ce qui survient chez les réfraclaires, des accumulations cellulaires, mais en quantité infiniment moindre. Nous avons la salisfaclion de voir que toutes ces nolions sont en parfait accord avec la doctrine du Professeur Denys.— Cet auteur montre que peu importe l'origine du leucocyte, qu'il vienne d’un être sain ou immunisé, ce qui domine tout, c’est la provenance du sérum. Nous avons plaisir à le pro- elamer, ce savant va plus loin que nous : il apporte de nouvelles preuves ; il met en lumière cette donnée considérable, à savoir que les cellules liennent leur pouvoir directement des humeurs. * IL É: : £ X Tous les éléments analomiques concourent-ils à a formation de ces anliloxines, ou bien cette for- “mation est-elle l’œuvre exclusive de quelques-uns d’entre eux ? Dans le cas où ces principes dérive- |raient du fonctionnement de l’ensemble de ces “tissus, certains de ces tissus n'ont-ils pas, dans “celte création, une part prépondérante ? L'urée, le glycogène naissent un peu partout, quoique plus spécialement dans le foie. Pour ces principes, les choses se passeat-elles de cette façon ? Un organe -joue-t-il, dans leur genèse, un rôle plus important que celui des différents autres viscères ? Il est impossible, à l'heure présente, de formuler ‘des “réponses absolues à toutes ces questions pourtant capitales. - Denys, dans un mémoire antérieur à celui que la Cellule vient de publier, estime avec Havet, avec “Van der Velde, que les malières bactéricidess qui ont avec ces antiloxines {ant d’affinités, provien- nent des leucocytes ; elles augmentent, dans un exsudat, en suivant la même progression que ces organites ; peut-être ces organites sécrètent-ils ces antitoxines, comme ils sécrèlent les alexines, les substances nuisibles aux bactéries vivantes. Il semble que les progrès les plus récents s’accor- dent pour accroitre le rôle physiologique de ces leucocytes, conception en désaccord relatif avec les idées des anatomistes qui les tiennent pour des corps vieillis. Hankin, Kanthack, Hardy, attribuent aux cel- lules éosinophiles les propriétés accordées par d'autres aux globules blancs, aux globules lym- phaliques. -— Pourtant, les recherches de Mesnil sur les humeurs des poisons montrent que ces élé- ments fixateurs de l’éosine ne conslituent pas les sources uniques des substances défensives. De récentes expériences, tout en confirmant la participalion des leucocytes, me portent à penser que, dans certains cas, le foie intervient. On ne peut supprimer cet organe sans supprimer la vie; il n’est pas possible de lier la veine- porte, sans amener bien vite de graves accidents; toutefois, la section des nerfs, la ligature des lym- phatiques, de ces vaisseaux que Gley a si bien étu- diés, troublent la physiologie de l'organe, el, néan- moins, le sujet survit assez longtemps. Or, si l’on compare deux animaux intoxiqués par la toxine diphtérique, après avoir chez l’un d'eux pratiqué cette section ou celle ligature, on constate que cette toxine ne se comporte pas du tout de la même facon chez ces deux animaux ; il semble qu'une partie des éléments destinés à agir avec ce principe dérive du tissu hépalique. On ne possède sur la nature de ces antitoxines que de vagues notions ; on ne connait d'elles que quelques caractères physiques plutôt que chi- miques, que quelques analogies. Pour Buchner, ces antitoxines, les corps globu- licides, les éléments bactéricides ne seraient que des manières d’être variées d’une unique sub- stance, — Cette substance supporte l’action des alcalins, de l'acide chlorhydrique faible, du chlo- rure de sodium, de l'extrait de sangsue, tandis qu'elle est détruite ou altérée par les bases en excès, par les acides forts, par la lumière, la dia- lyse, les congélations, l'hydralation, les dilulions, la chaleur, etc. Une foule de conditions sont capables de faire osciller l’état bactéricide dans l'économie vivante ; la saignée, la faim, la soif, le surmenage, l'abla- tion de la rate, l'agonie, etc., le font fléchir; par- fois, en revanche, mente. Les relations qui unissent cet élal au pouvoir antitoxique permettent de penser que les agents, que les circonstances propres à agir sur le premier, agissent aussi sur le second. le le bicarbonate de soude l’aug- — Toutefois, si 412 D" A. CHARRIN — LES DÉFENSES ANTITOXIQUES DE L'ÉCONOMIE 1 doute existe au sujet des rapports établis entre ces corps, de nature albuminoïde probable, on sait, nous l’avons indiqué, qu’ils sont autres que les toxines proprement diles, puisque ces corps sont détruits à 15°, Landis que ces toxines conservent certaines propriétés, malgré une température de 110°; on sait aussi qu'ils n'apparaissent dans les tissus que plusieurs heures, que plusieurs jours, après l'injection des sécrétions bacillaires; on sail également que ces sécrétions s'éliminent plus aisé- ment par les urines que les composés défenseurs. Toules ces nolions concourent à prouver que ces composés dérivent de l'organisme. Ilest établi quela création des antiloxines résulle d'une activilé cellulaire ; dès lors, comme toutes les activités cellulaires, elle peut être transmise des ascendants aux descendants. Gley et Charrin ont montré que l’élalbactéricide, constaté chez le père ou la mère, se retrouvail exceplionnellement, il est vrai, chez quelques reje- tons ; les éléments anatomiques qui, chez les générateurs, sécrélaient des principes nuisibles aux germes vivants, continuent chez les engen- drés à sécréler ces principes. — On ne s'étonne pas de voir les attributs qui ont trait à la formation de la bile ou de la salive passer des uns aux autres ; pourquoi s'étonner de la transmission de qualités analogues concernant la formation d’au- tres humeurs ? Toutefois, il s’agit là d’une fonction acquise, d’une fonction de luxe, accessoire, nullement in- dispensable. Aussi, suivant la loi commune, cette fonction tend-elle à disparaitre, si on ne s’ap- plique pas, de temps à autre, à la consolider. L'hérédité de l’immunilé implique celle des an- titoxines, puisque, parfois, cette immunité con- siste, pour une part, dans la mise en jeu de ces anlitoxines. Du reste, il est possible de fournir la preuve directe de cette affirmation, en consta- tant la réalité de cet état protecteur chez des reje- tons issus de générateurs également en posses- sion de ces attributs. On à remarqué que lesantitoxines diphtérilique ou télanique alténuentles effets de cerlains venins: leur action nese limite pas aux sécrétions du bacille de Lôülfler ou de Nicolaïer. Cette sorte d'extension de pouvoir se rattache à l’intéressante question des vaccinations réci- proques. — Sobernheim, Cesaris-Dernel, Orlandi, Szekelv, Szana, ont soutenu queles animaux im- munisés contre le Bacillus prodigiosus ou le bacille typhique résislaient au vibrion du choléra. — Ces faits mérilent d'être rapprochés; ils peuvent s'expliquer, s'éclairer mutuellement. Jusqu'à ce jour, il n’y a guère que le virus du télanos ou celui de la diphtérie qui paraissent propres à faire apparaitre les anlitoxines. Pfeiffer les à inutilement recherchées dans le choléra indien, Metchnikoff dans celui des pores, Isaeff" dans la pneumonie, Sanarelli dans la fièvre typhoïde. En revanche, ces corps se produisent chez les vipères, d'après Phisalix! et Bertrand comme d’après Calmette. Toutefois, l'abrine, la ricine, seraient capables de leur donner naissance, ou du moins de proyo= quer la formation de composés, qui, sans anpuleï l’action des poisons microbiens avec l'énergie des sérums des animaux vaccinés contre le bacille de Lülfler ou de Nicolaïer, diminueraient cependant l'intensilé des effets de cette abrine, de cette ricine. — Si l'on tient compte de ces antitoxines, alténuées, il faut admettre que les humeurs des êtres rendus réfractaires au vibrion cholérique, au pneumocoque, au microbe du pus bleu, d'après Chariin, contiennent des principes jouissant, dans des mesures variables, de ces attributs anti toxiques : l'expérience l’établit. ; Ill Quand, au lieu de s'adresser à ces sujets rendus réfraclaires, on utilise les humeurs des espèces jouissant d’une immunité naturelle, on oblient des résultals, qui, sans être aussi manifestement salu- laires que les effets enregistrés en injectant les premiers produits, sont néanmoins le plus souvent favorables : Richet et Héricourt, auteurs, à cel égard, d’une foule d'idées suggestives, l'ont net- tement démontré. Il est même possible d'améliorer, dans quelque” mesure, une infection en se servant des liquides,« lait, larmes, urines, sueur, elc., provenant d'ani=" maux médiocrement prédisposés à celle infection. — On est allé plus loin en proclamant les qualités" antitoxiques des sérums artificiels. Launder-Brunton, Maragliano, ete., ont vu l'étal bactéricide osciller avec la proportion des sels, du chlorure de sodium, en particulier. — Fodor a soutenu que l'alcalinité du sang jouait un rôûlen notable ; il a conseillé l'usage du bicarbonate des soude. — Peut-être faut-il tenir compte de ces« données pour interpréter quelques elfets de ces sérums, surtout de ces sérums artificiels, simples solutions aqueuses plus ou moins minéralisées: Dans ces derniers temps, j'ai poursuivi, ave Cassin, des expériences qui ont mis en lumière l'efficacité de différents sels, dans une certaine mesure toutefois, au cours de la lutte contre l'in=. fection. Fréquemment, nous avons vu ces sels relarder la mort des animaux inoculés par l@& bacille pyocyanique ou intoxiqués par ses Loxinesy 1 Voyez à ce sujet le remarquable article de M. Phisalix dans la Revue du 29 février 1896, p. 185 à 4191. D' A. CHARRIN — LES DÉFENSES ANTITOXIQUES DE L'ÉCONOMIE comme par celles de la diphtérie. Les résultats complètement heureux, la guérison,se sont mon- rés rares; on ne les a enregistrés que dans les cas où l’on a employé un virus peu énergique ; en “revanche, il a été plus commun de voir des lapins, “des cobayes, résister durant deux à quatre jours, “après avoir reçu ces sérums arliliciels, alors que les témoins succombaient en vingt-quatre heures. Pour moi, je pense qu’il convient d'admettre ces “données, en les rapprochant, dans leurs grandes lignes tout au moins, de certains faits avancés “récemment, elc. : je crois à l'utilité de ces compo- sés ou plutôt à celle de leurs attributs, aussi bien “qu'à l'efficacité des liquides puisés chez les êtres “immunisés; les différences se traduisent, avant “out, par la rapidité, par l'intensité des résultats. Les mécanismes mis en jeu par ces composés si divers, pour assurer la défense, offrent des points de contact, des analogies et des différences. — Tous stimulent la vitalité cellulaire ; tous irritent le système nerveux, s'opposent à la paralysie des centres dilatateurs, à la généralisation du mal, elc. J'estime l'avoir prouvé avecle Professeur Bouchard, à propos des principes empruntés aux vaccinés j'estime, je le rappelle, que nous avons, à cet égard, remplacé des affirmations par des notions positives, notions que Denys, par des expériences de premier ordre, a placées hors de contestation. — Ces excitations du névraxe agissent sur les vaso- kmoleurs, partant sur la répartilion des plasmas, des sérosités nuisibles aux parasites ou à leurs produits, comme aussi sur celle des hématies, des leucocytes, des éléments défenseurs. — Les ressemblances sont évidemment moins sai- fsissantes lorsqu'on envisage les modifications immédiates réalisées vis-à-vis des germes ou de Jéurs sécrétions ; si, pour une part, ces composés artificiels sont Hotte ou antitoxiques, ceux qui dérivent des réfractaires jouissent de ces qua- lités, des premières ou des secondes, des unes et es autres, à un degré tout spécial, infiniment plus élevé Il y a autre chose. — Beaucoup de sécrétions Microbiennes, les albumoses, particulièrement, dialysent D olement Or, étre l'économie, je lai reconnu avec Cassin, à tot instant s’opèrent dés phénomènes de cet ordre ; des membranes, S séreuses, ia plèvre, le péricarde, les syno- ïiales, les coques cellulaires, etc., paraissent propres à remplir ces fonctions de dialyseur. Comme chacun sait que la densité, que la minéra- isation d'un liquide font osciller les processus üSmotiques, on comprend que l'administration de composés riches en soude, en chaux, en ma- gnésie, en polasse, elc., puisse encore intervenir decette facon. Or, amoindrir les effets des poisons REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1396. 413 bacillaires, c’est concourir à la lutte vis-à-vis des êtres producteurs de ces poisons, c’est mettre en jeu les influences protectrices, sinon au point de vue des mécanismes intimes, en tout cas, au point de vue des résultats. D'ailleurs, il s'agit là d'explications théoriques pathogéniques ; ces données réservées, un fait de- meure acquis, à savoir qu'il est possible d’inter- venir efficacement, au cours de l'infection, contre les germes ou contre leurs produits, en utilisant les liquides réputés anti-toxiques, liquides dont la nature varie depuis le sérum des animaux vac- cinés jusqu'au sérum artificiel, en passant par celui des sujets normaux. IV L'organisme possède donc des défenses dirigées contre les matières bactériennes ; toutefois, celles que lui confèrent les humeurs ne sont, dans cet ordre, ni les seules, ni peut-être celles qui, si l’on Deere les one directes, s'adressent le plus immédialement à ces malières offensives : les vis- cères, les tissus solides concourent, de leur côté, pour une large part, à ce genre de protection. On sait, depuis 1873, depuis Schiff, Heger, etc., que le foie modifie certaines substances, les alca- loïdes, de préférence; on sait, en particulier, qu’une dose de nicotine introduite dans la circulation générale tue plus vite que sion la fait pénétrer par la veine porte. Or, il n'enest pas autrement, quand on s'adresse aux sécrétions bacillaires ; je l'ai établi, il y a plu- sieurs années, pour les composés issus de la vie du bacille pyocyanique. — Si on pousse dans une veine périphérique un volume considérable, capable de tuer en 8 ou 12 heures, si, en même temps, on oblige un égal volume à pénétrer dans la glande hépatique, on observe des phénomènes plus rapi- dement mortels chez le premier animal. — Il est encore possible d’accentuer ces différences, enutili- sant uniquement les matières solubles dansl’alcool. Des résullats analogues, obtenus avec d’autres cullures stérilisées, placent en évidence cette dé- fense, cette fonction anti-toxique du foie. Ona appris, par les travaux d’Abelous et Langlois, travaux confirmés par Supino, par Albanese, etc., que les capsules surrénales jouissent de propriétés comparables à celles que nous venons de rappeler à propos de l'organe biliaire; on a appris, d’autre part, grâce aux recherches de ces physiologistes, de Charrin, que les sécrétions microbiennes cau- sent l’hypertrophie de ces capsules, qui prennent alors l’aspect des glandes surmenées; chez l’an- guille, la structure glandulaire, d'après Petit, est manifeste. On est donc conduit à supposer que, là encore, gs A4 D' A. CHARRIN — LES existe un centre anli-toxique, centre qui se retrouve peut-être dans la rate, le corps thyroïde, un peu partout, avec des maxima, avec des foyers. C'est, du reste, ainsi que les choses se passent pour la glycogénie, l'uréopoièse; le glycogène, l’urée apparaissent çà el là; néanmoins, nul vis- cère n'en fournit autant que le foie. Il est admis que les microbes, pour créer des désordres morbides, se servent de leurs poisons; autrement dit, il est admis que les infections se réduisent à des processus d'intoxication. IL est également prouvé que les poisons favorisent nola- blement la pullulation des ferments pathogènes. Dès lors, on conçoit que les agents prolecteurs di- rigés contre les toxiques puissent intervenir de deux manières, à deux moments différents, tout en visant au fond un but unique. Il est, en effet, possible de mettre en jeu des défenses pour s'opposer aux empoisonnements qui affaiblissent le lerrain, avant l'éclosion de Lout germe. Il est, d'autre part, utile de les rendre actives, pour combattre les conséquences de la pleine évolution des infiniment pelils, pour s'Op- poser aux effets de leurs sécrétions. Aucun appareil ne réclame ce système défen- sif aussi impérieusement que le tube digestif. — Dans ce tube, au niveau de l'intestin principale- ment, à chaque instant apparaissent des corps nuisibles venus de l'extérieur ou plutôt dérivés des ferments putrides ; ces corps absorbés amoindris- sent la résistance aux virus. — D'un autre côté, une foule de maladies bactériennes, les entérites infec- tieuses, la dysenterie, ete.,semblent se localiser, en grande partie, pour une période donnée au moins, dans ce canal alimentaire. Pour ces motifs, il était indiqué de rechercher les procédés inslitués par la nature pour assurer l'intégrité de l'organisme. Or, je crois avoir pré- cisément réussi à mettre ne de doute, gràce à une série d'expériences poursuivies avec P. Cassin, au laboratoire du Professeur Bouchard, le rôle anti-toxique de la muqueuse intestinale. N On sait qu'une foule de corps, qui paraissent très nocifs quand on les introduit par les veines ou la peau, perdent en partie cette toxicilé si on les fait pénétrer par le tube digestif. En 1887, Charrin a prouvé que les sécrétions du bacille pyocyanique obéissent à cette loi ; celle démonstration a été ensuite réalisée pour dif- férentes toxines, pour celles de la diphtérie, du tétanos, par exemple, à l’aide d'une série d'expé- riences poursuivies au laboratoire du Professeur Bouchard, qui, de son côté, a vu, depuis longtemps, l'innocuité relative des produits cholériques dépo- DÉFENSES ANTITOXIQUES DE L'ÉCONOMIE sés dans le conduit alimentaire. Charrin et Cassin se sont efforcés de mettre en évidence les raisons propres à expliquer ces phénomènes. On rend malade, on tue, en injectant dans la cir- culation des doses toxiques égales à 5, 10, 15; on provoque des désordres inappréciables, le plus souvent, en administrant par la bouche 20, 30, 50" de ces mêmes cultures débarrassées par la chaleur ou la filtration des microbes vivants. À On obtient des résultats identiques, lorsqu'au préalable on alcalinise l'estomac ou lorsqu'on dépose ces principes directement dans l'iléon, en évitant cet estomac; on ne saurait done mettre en cause les sucs gastriques. | On ne saurait, d'autre part, incriminer exclusi- vement le contenu, ferments, sécrétions, etc., du canal digestif, attendu que les effets sont encore très marqués, si on a eu soin de balayer, pou ainsi dire, ce contenu; son intervention possible est, à elle seule, insuffisante; à la vérité, il se re nouvelle, et vient, du reste, surloutde la muqueuse: D'un autre côté, en emprisonnant 15 à 20 centi= mètres cubes de rames dans une anse de 50 centi= mètres de longueur, entre deux ligatures, on s'as- sure que le liquide, en apparence tout au moins, a disparu, en partie ou parfois en totalité, au bout de quelques heures. Les dispositions anatomiques conduisent à invo= quer l'intervention du foie ou celle de la paroi intestinale. d IL est certain, comme le fait a été établi en 1888, que vis-à-vis de ces composés pyocyaniques, SUr= tout vis-à-vis de ceux que l'alcool dissout, Ie tissu hépatique exerce une proteclion relatives dans des conditions spéciales. — Si, par exemple on injecte rapidement, en une fois,et par la veine porte et par la veine de l'oreille, des quantités con= sidérables, capables de tuer en quelques heures on nole des phénomènes immédiats plus graves dans la majorité des cas, chez les animaux qui ont reçu ces quantités par la circulation géné= rale; néanmoins, chez les premiers comme chez les seconds, ces désordres sont importants; tous les lapins succombent à peu de distance les un des autres. 74 Cesdifférences diminuent, au point de disparaitre, si on vient à Drocsderdfrerment El tout cas, la protection du foie est absolument insuffisan pour expliquer l’immunité observée ; bien entendus au cours de ces injections intra-portales, on tient. compte de la durée, de la lenteur de la pénélra-. tion, des volumes, ci On arrive donc à faire jouer forcément un rôle à la paroi intestinale. D'ailleurs, si on altère la couche superficielle de : celle paroi par le curettage, par la chaleur sèche D: A. CHARRIN — LES DÉFENSES ANTITOXIQUES DE L'ÉCONOMIE ou humide, à 65-70°, par un courant d’eau, par du ‘tannin, de l'iode, etc., en ayant soin de laver de suite après, on reconnait, à longueurs égales, que la même quantité de toxine, introduite dans des anses ainsi lésées, tue et plus rapidement et autre- - ment. Déjà, Stich, Ribbert, Charrin, Fermi, Pernossi, Denys, Répin, Queirolo, ele., ont invoqué ce rôle - de l’épithélium. Toutefois, des expériences de ces auteurs on ne dégage pas nellement la notion d'une intervention active de la muqueuse.— On voit par exemple, dans les faits de Queirolo, le sang, - les humeurs, les toxines devenir plus nuisibles, - lorsque l’épithélium manque; mais il est permis - de se demander si cet excès de toxicité est dû à ce que le poison qui vient de liléon n’a pas été modi- fié, l'agent modificateur ayant été supprimé, ou bien, tout simplement, à ce que ce poison a passé plus vite, plus abondamment dans la circulation, une des barrières mécaniques étant enlevée; or, il n’est pas nécessaire de démontrer que celte couche interne nous protège mécaniquement : on le sait depuis longtemps. Ce qu’il faut établir, c'est qu'en pathologie ces cellules se comportent comme en physiologie; nul n'ignore leur action sur les peptones, sur les graisses, notions intéressantes à rapprocher de la composition des toxines, qui comportent des albu- mines, des éléments plus ou moins analogues aux diastases. Les recherches poursuivies par Cassin et Char- rin paraissent mettre en lumière cette fonction protectrice active. — En premierlieu, les sécrétions microbiennes sont plus loxiques, quand elles pé- nètrent par les vaisseaux périphériques, la veine- porte, la peau, que lorsqu'on les dépose dans l’in- testin, même en tenant compte des volumes, comme aussi des lenteurs de pénétration ; en second lieu, la protection hépatique esl insuffisante pour expliquer ces faits; en troisième lieu, les accidents sont plus rapides, les lésions varient, quand ces toxines arrivent au foie après avoir traversé un intestin dépourvu de sa couche interne, fait qui indique qu'il n’y a pas là simplement un passage “devenu plus aisé par suite d’une diminution d'épaisseur; en quatrième lieu, on vaccine assez facilement, à la condition d'observer une technique spéciale, en injectant les principes bacillaires par la peau, la veine-porte, la veine périphérique, ou “en utilisant le sérum de sujets qui, peu aupara- “ant, ont reçu ces principes par ces voies ; On vac- “cine, au contraire, rarement, plus difficilement, en “déposant les Re bactériens dans l'intestin ou en se servant du sang des lapins qui ont ingéré “ces produits; on est donc conduit à penser que ces éléments, au contact de la couche interne, folli- Le A5 cules clos, surtout épithélium, se modifient physio- logiquement. Ces derniers résultats, en raison de la fai- ble dose nécessaire pour accroître la résistance, d’après le Professeur Bouchard, ne sont pas en faveur de l’opinion soutenue pour labrine et la ricine, du moins en faveur de l'application de cette opinion aux travaux de Charrin et Cassin. Il n’est pas facile d'admettre, pour ces composés pyocyani- ques, dont, il est vrai, certaines parties filtrent mal, qu'il s’agit BE d'une simple lenteur dans l’osmose; on devrait alors immuniser plus énergiquement; il suflirait d'attendre durant quel- ques heures, quelques jours. Dans le mécanisme intime de ces phénomènes, divers processus peuvent intervenir : dialyse, mo- difications, rétention, fixation, combinaison des procédés; en lout cas, la couche interne de l’in- testin exerce vis-à-vis de certains poisons micro- biens une protection active, en dehors de son rôle passif, anatomique; elle cède, à l’eau de macéra- tion ou d'infusion, des éléments qui, introduits préventivement, atténuent les accidents causés par l'injection du contenu de l'iléon. La voie digestive est la route naturellement suivie par une foule de toxiques; l'étendue de son épithélium est considérable ; le péristaltisme place ces Loxiques en présence des zones successives de sa muqueuse, considéralions qui toutes font con- cevoir l'importance de cette propriété défensive. Il faut, à ce titre, considérer ces cellules intesti- nales comme des cellules glandulaires, physiolo- giques, comme celles du foie, par exemple; leur dégénérescence, suivant Klemperer, leur nécrose ont, en matière de pathologie, de graves con- séquences. Le séjour des toxines, au contact de cet intestin lavé avec soin, ou même non lavé, peut les modi- fier. — Dans ces conditions, les parties spécifiques, vaccinantes ou morbifiques, demeurent parfois plus ou moins longtemps dans la couche interne; de fait, on vaccine partiellement en injectant les produits de la muqueuse, associés ou non au con- tenu de l’iléon, le troisième jour après l’introduc- tion des toxines. Quelques-uns de ces effets dépendent des len- teurs de la dialyse, de la nature colloïde des élé- ments qui, par suite de leur composilion, se trou- vent relenus, peu de temps, il est vrai; ils dépen- dent aussi, d'après l'expérience, des changements opérés, changements rappelant les processus de la physiologie : cette muqueuse agit sur les albu- mines bactériennes, comme elle agit sur les pro- téines alimentaires, qui, peptones en deçà, ne le sont plus au delà. En somme, le foie intervient pour modifier les 416 D' A. CHARRIN — LES DÉFENSES ANTITOXIQUES DE L'ÉCONOMIE poisons bacillaires solubles dans l'alcool, plus ou moins alcaloïdiques; l’intestin, de son côté, exerce son action sur les principes microbiens albumino- siques, pius ou moins colloïdes. Cette fonction est d'autant plus importante que les toxiques nés dans le tube digestif, ainsi que l’a établi le Professeur Bouchard, hâtent l’évolution des pyogènes. Il en résulte que cet épithélium protège l’écono- mie, soit en transformant les sécrétions des agents pathogènes, qui fonctionnent dans l’iléon, soit en métamorphosant les substances nuisibles issues de la vie des ferments putrides, substances qui, résor- bées sans avoir subi de modifications, pourraient faire naître une affection d’ordre infectieux. — Peut-être même cet épithélium est-il capable, par ses produits, d’avoir une action sur des com- posés empruntés au monde extérieur, comme il en a sur la toxicilé du contenu intestinal. — En tout cas, ces observations nouvelles mettent en lumière, une fois encore, et les obstacles que ren- contrent, au niveau des portes d'entrée, les enne- mis de l'organisme, el la portée des processus anti-toxiques, processus dont l'histoire est si ré- cente. NI 11 semble que la nature se complaise à combattre les phénomènes qu'elle fait naître ; il semble que de nombreuses cellules soient capables d’engen- drer les effets les plus opposés. — Le globule blanc renferme un principe favorable à la coagu- lation, placé tout près d’un élément qui s'y oppose ; le pancréas occasionne l’augmentlation du glycose aussi bien que sa destruction; les centres nerveux accélèrent le cœur ou le ralentissent,pro- voquent le péristallisme ou l’anti-péristaltisme; la réaction du noyau, tant au point de vue chimique qu'au point de vue électrique, n’est pas celle de la périphérie du protoplasma, etc., etc. Il serait aisé de développer ces idées, conformes à des conceptions que j'ai plus d’une fois entendu dérouler par le professeur Bouchard. Or, en dernière analyse, à quoi se réduisent les processus morbides, pour la plupart du moins, si ce n’est à des actions toxiques? — Prenez les affec- tions du rein, du foie, du cœur, prenez les diathè- ses, les infections, à fortiori les intoxications externes, à l’exemplede celles qui sontattribuables au phosphore, au mercure, etc. : quels sont les principaux agents qui interviennent à titre de générateurs de symptômes, de lésions, sinon des poisonsinsuffisamment éliminés, transformés, oxy= dés, sinon des poisons dérivés de la vie de nos propres cellules, troublées dans leur nutrition, ou issus de l’évolution des cellules parasi= taires ! 5 Puisque tous ces désordres conduisent à la créa=« lion de ces perturbations toxiques, puisque l’éco=M nomie modifiée fait apparaitre des accidents de ceb ordre, on ne doit pas, en vertu des données acquises, se montrer surpris de déceler l’exis= tence de fonctions opposées, de défenses anti- toxiques. A peine soupconnées, il y a peu d'années, ces défenses prennent chaque jour une place plus importante. — Déjà, nous pouvons proclamer que les humeurs normales, plus encore celles des sujets rendus réfractaires aux virus, concourent à assu= | rer ce genre de protection; déjà, nous POUVONS affirmer que des viscères, que des organes se fonb les auxiliaires de ces humeurs. A l’élat physiologique,ces fonctions anti-toxiques existent ; toutefois, aux approches du danger, quand les cellules ont engendré des poisons abon- dants, des corps particulièrement actifs, alors; conformément aux lois générales, ces mêmes cel= lules perfectionnent les moyens propres à détruire les éléments nuisibles. : Les travaux de l'heure présente, en permettant d'édifier sur les bases solides de l’expérimentalion | les notions de toxicité, en révélant l'étendue, la portée des mécanismes des intoxications, des aulo= intoxications, des empoisonnements de prove nance bactérienne, ces travaux devaient nous amener soit à découvrir ces humeurs, ces organes | : * . anti-toxiques, soit à pénétrer plus avant dans leur, fonctionnement. D' A. Charrin. Professeur agrégé. Médecin des hôpitaux Assistant au Collège de France. ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES A7 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES APPLICATION DES COURANTS TRIPHASÉS DANS LES SUCRERIES ET RAFFINERIES — APPAREIL COMMODE POUR MESURER LA DENSITÉ DES LIQUIDES Après s'être introduite dans les usines et les centres industriels pour subvenir à l'éclairage, l'électricité continue de s’y répandre sous une autre forme pour y transporter et y distribuer l'énergie motrice. Les raf- fineries de sucre et les sucreries agricoles se prêtent très bien à ce genre d'application, surtout depuis que les progrès des dernières années nous ont dotés de moteurs électriques aussi robustes et aussi simples que sont les moteurs à courants polyphasés. En France, c’est la Compagnie de Fives-Lille qui s’est » fait une spécialité d'introduire ces moteurs chez les sucriers et raffineurs. Par la place importante qu’elle occupe dans l’industrie sucrière, ce rôle Jui fut tout désigné. Comme pour toute chose nouvelle, il fallait d’abord vaincre la méfiance des intéressés par les qualités remarquables du nouveau système. Aujour- d'hui la preuve est entièrement fournie, puisque, à l'heure actuelle, la grande Sucrerie Centrale d’Abbe- ville, la Raffinerie de MM. Lebaudy frères, celle de MM. Sominier et Ci, et, enfin la Raffinerie russe de Saint-Pétersbourg, toutes pourvues de moteurs poly- phasés, permettent de juger les grands avantages de ces courants. Nous allons exposer succinctement ces avantages, surtout au point de vue spécial des raffi- neries et sucreries. On sait que les courants alternatifs varient, en gé- néral, suivant une loi très simple, qu’on peut repré- senter graphiquement par une courbe sinusoïdale. Les courants polyphasés sont des courants alternatifs du même nombre de périodes, mais dont les phases, — par conséquent, les points nuls, ou ceux des valeurs maxima, — ne coïncident pas. On dit qu'ils sont dé- phasés l'un par rapport à l’autre. Dans la plupart des cas de la pratique, on n’emploie guère que des cou- rants dont le déphasage est symétrique. Ainsi on ar- rive soit aux courants dont la différence de phase est juste un quart de période, soit à ceux qui offrent une différence d’un tiers de période, etc. Ce déphasage est produit par la disposition des bobines dans l’induit des dynamos à courants alternatifs qui servent de génératrices. Les alternateurs Gramme-Jablochkoff de 1878 fournissaient déjà des courants polyphasés, dont chacun était destiné à alimenter une bougie. Il est remarquable qu'un an après, en 1879, un électri- cien anglais, M. Baily, ait présenté à la Société de Phy- sique de Londres le modèle d’un moteur diphasé qu'il faisait fonctionner au moyen de courants déphasés, obtenus par un commutateur intercalé dans le circuit d’une batterie de piles. Si, au lieu de son ingénieux commutateur, il se fût servi de l’alternateur Gramme- Jablochkoff, on aurait peut-être attaché plus d'impor- tance à son invention, laquelle fut réinventée neuf ans plus tarä par MM. Ferraris, Borel, Teslà et une … foule d’autres électriciens. … Le grand avantage qui a assuré le succès rapide des “courants polyphasés provient de leur propriété de permettre la réalisation d’un champ magnétique tour- nant. En combinant convenablement, sur une carcasse enroulée, les circuits de ces courants, on obtient, sans mouvement mécanique, le déplacement uniforme et . continu des pôles magnétiques sur la carcasse, On “utilise ce déplacement magnétique pour produire une rotation mécanique, et c'est justement cette application qui sert de principe à la construction des moteurs mobrhasés. Ces derniers deviennent par là d’une sim- plicité très remarquable, En effet, il n’y a aucune à here se liaison visible entre leur induit ou partie tournante et leur inducteur ou partie fixe, qui constitue préci- sément la carcasse enroulée dont nous venons de par- ler. L'induit est constitué par un noyau en tôle de fer doux, traversé de part en part par une série de barres de cuivre réunies de chaque côté au noyau d’une bague de cuivre. On appelle cela une cage d'écureuil noyée dans la masse de fer du moyeu. Le champ tournant induit des courants alternatifs dans les barres de l'in- duit et agit en même temps sur ces courants, en pro- duisant un effort qui dépend, d’un côté, de l’intensité du champ et, d'autre part, de l’intensité des courants induits. Comme aspect, la partie mobile forme une sorte de poulie composée d’une certaine façon et calée sur l’arbre du moteur. Ne possédant ni balais, ni collecteur, ces moteurs diffèrent complètement des électromoteurs à courant continu et sont exempts de tous les ennuis que le réglage et l'usure des balais et lames de collecteur, la production d’étincelles, etc., peuvent occasionner. La surveillance qu’ils exigent est réduite ainsi au mini- mum, De plus, ils peuvent être construits, à peu de chose près, avec le même rendement que les moteurs à courants continus et peuvent posséder un couple de démarrage aussi puissant qu'on le désire. En consen- tant à une légère perte de rendement, on peut les di- mensionner jusqu'à 25 chevaux de facon à démarrer sous pleine charge sans rhéostat de démarrage, le cou- rant de démarrage ne dépassant pas trois fois celui du régime. Pour les moteurs plus puissants, il est préférable d'employer des rhéostats liquides ou métal- liques de démarrage, intercalés de préférence dans l'induit, afin d'éviter un trop brusque appel de cou- rant sur les génératrices. En effet, avec l’emploi du rhéostat, le courant de démarrage n’a pas besoin de dépasser celui du régime. Voilà en quelques mots les particularités de ces moteurs, Nous n'avons qu’à ajouter que ces particu- larités sont communes à tous les moteurs polyphasés. Pourtant on préfère surtout les moteurs à courants triphasés, car ces derniers permettent la réalisation d’un champ tournant plus uniforme que les courants diphasés, tout en restant moins compliqués que les courants tétraphasés, ete. Parmi toutes les applications que ces moteurs peu- vent rencontrer dans l’industrie sucrière, l’applica- tion aux turbines à sucre (turbines centrifuges) est la plus intéressante. En effet, ces turbines marchent à des vitesses qui atteignent souvent 50 mètres à la cir- conférence et se chiffrent par des nombres de tours compris entre 600 et 1500 par minute, Dans ces con- ditions il est tout indiqué de caler un moteur électri- que directement sur l'arbre de cet outil, d'autant plus que l’emploi de courroie provoque forcémentdes efforts latéraux sur l'arbre. Ces efforts tendent à faire incli- ner la masse équilibrée, dont le fonctionnement res- semble complètement à celui d’une toupie, De là des frottements inutiles, des détentes de la courroie qui em- péchent le plus souvent d'atteindre les vitesses voulues, et un rendement très peu élevé, A cause de ces incon- vénients on a essayé depuis longtemps d'employer des électromoteurs ; mais, avec les courants continus, on s’est heurté toujours aux difficultés d'empêcher la for- mation de fortes étincelles au collecteur, d’abord au moment des démarrages qui, avec les turbines, sont forcément très fréquents (quatre à six et même dix A8 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES fois par heure) et, ensuite, chaque fois, ou, par mau- vaise réparlition de la masse à dessécher ou pour n'importe quelles autres causes, un bal!ottement de l'arbre se produit. Les moteurs triphasés, dépourvus de balais et col- lecteurs, n'offrent pas ces graves inconvénients. Aussi, dès qu'on est arrivé à démontrer de visu que, con- trairement à une fausse légende, prétendant que les moteurs polyphasés ne peuvent pas démarrer à moins d’avoir un mauvais rendement,ces moteurs démarrent parfaitement bien, aussi bien que ceux à courants continus, les demandes de ces applications se sont multipliées. C’est ainsi que la Raffinerie de MM. Le- baudy frères, après avoir commencé avec une géné- ratrice de 100 chevaux actionnant quelques turbines Adant pour faire des plaquettes de sucre, de même qu'une casserie et quelques Jingoteuses, s’est décidée à centraliser complètement la production de force dans ses usines, La station centrale, montée à cet effet, comprend au début trois génératrices triphasées de 200 kilowatts, d’une tension de 190 volts entre deux conducteurs à la vitesse de 375 lours par minute, Ces dynamos sont accouplées directement à des machines Willans, auxquelles elles sont réunies par des bases communes en fonte et au moyen d’accouplements ri- gides. Cette station étant séparée de l’usine de la rue de Flandre par la rue de Tanger, on fut obligé de placer les conducteurs dans un tunnel sous la voie publique. Ils aboutissent à un tableau secondaire dans la Raffinerie, sur lequel sont branchés les circuits de douze turbines Adant, absorbant 15 chevaux chacune à la vitesse normale de 700 tours par minute, ainsi que les moteurs de plusieurs pompes et d’une centaine de casseuses et de lingoteuses. Une application surtout intéressante au point de vue électrique est celle que la Compagnie de Fives-Lille a faite de ses moteurs triphasés aux turbines du système Huebner, Ces turbines, d’un emploi de plus en plus fréquent, permettent la production des plaquettes de sucre directement de la masse cuite amenée dans l'ap- pareil, Leur fonctionnement exige la possibilité de pouvoir leur communiquer deux vitesses bien dis- tinctes, celle de 500 et celle de 1000 tours, par exem- ple. Des moteurs triphasés à cage d’écureuil opposent quelques difficultés à la réalisation d’un tel écart de vitesses. En effet, il faudrait pouvoir ou bien doubler leur nombre de pôles, ou bien les alimenter à volonté par des courants de 25 et de 50 périodes par seconde. On s’est décidé à recourir à cette deuxième solution plus simple, quoique plus onéreuse, car elle nécessite deux génératrices et deux canalisations électriques. On connecte d’abord le moteur sur le circuit de 25 pé- riodes. Le démarrage se fait très vite, malgré la grande masse de plusieurs tonnes à mettre en mou- vement et au bout d’une minute l'arbre atteint la vi- tesse de 500 tours. Après un régime de plusieurs mi- nutes à cette vitesse, on ouvre le circuit du moteur et on le ferme sur le réseau de 50 périodes. Immédia- tement le moteur s'accélère. En réalité un deuxième démarrage se produit et au bout, d’une demi-minute. le moteur marche à 1000 tours. Vers la fin de l’opé- ration, au moment du claircage, on procède en sens contraire, En effet, on ferme brusquement le moteur lancé à 1000 tours, sur le réseau de 25 périodes. Cela équivaut à l'emploi d'un frein d'une puissance inouie. En quelques secondes à peine, et en faisant entendre un léger ronflement dans ses noyaux, le moteur baisse de vitesse de 4000 à 500 tours. On repart ensuite de nouveau à 1000 tours, pour s'arrêter enfin d’une facon complète, L'arrêt se produit en ouvrant le cireuit et en appliquant un frein mécanique à la main. — Ce système fonctionne depuis plusieurs mois à la Raffi- nerie Sommier, ainsi qu'à la Sucrerie d'Abbeville. Il y a bien d'autres problèmes intéressants dont ces moteurs facilitent la résolution d’une façon simple et économique, aussi bien dans les raffineries que dans les sucreries, Les moulins à cannes, les machines à couper les betteraves, les pompes centrifuges, leséléva- teurs de masse cuite et autres sont autant d'appareils qui, avec des courroies, mangent plus d'énergie que celle nécessaire et deviennent inutilement encombrants. IL yM a dans les sucreries actuelles, de plus, souvent des ma- chines à vapeur disséminées dans différents coins de l'usine, auxquelles la vapeur est amenée de la chauf- ferie dans des conditions de rendement déplorables. On évalue à 15,000 francs par an la perte en charbon par campagne sucrière que représente dans une su= crerie moyenne la perte, par rayonnement de chaleur, qu'occasionne la vapeur ainsi promenée à travers toute l'usine. Si l’on ajoute à cela qu'il est très com- mode de se rendre compte continuellement au moyen: d'appareils enregistreurs, — réunis, s’il le faut, dans. la même enceinte, — de la consommation d’énergie électrique de chaque moteur, on ne peut que souhaiter que le développement pris par la distribution d'énergie électrique dans les usines augmente rapidement. DésiRE Korpa, Ingénieur-électricien de la Compagnie de Fives-Lille, Le densimètre de M. Bouffall, que la Revue a déerit dans son dernier numéro, me semble {rès ingénieux, mais un peu compliqué. En voici un qui est très sim= ple, d’une construction facile, d’un entretien et d’um usage (rès commodes. Soit un tube ABCDE (fig. forme d'un M renversé; les quatre branches verticales portent chacune une échelle diviséeen centimètres et mil- limètres, à zéro commun pour que les.divisions se cor- respondent. Les deux gran- des branches AB,DE, sont ouvertes el terminées en en- tonnoir, L'appareil fonction- ne de la facon suivante : On verse en A de l'eau distillée, en ayant soin de ne pas dépasser la courbure C; on verse en E le liquide dont on veut chercher la densité, de manière que, dans les deux branches, les deux niveaux, séparés par de l’air, soient sur la même horizontale, c’est-à-dire cor- respondent à la même divi- 1-02" 20 sion (au zéro, par exemple). - | Soient d et d les densités des deux liquides, À et X les hauteurs des deux liqui- des au-dessus des niveaux B D en bet b'; la densité cher- AE h Fig. 1. chée dE h j En effet, les deux niveaux, en b et b', élant sur le même plan horizontal, supportent des pressions égales. sur des surfaces égales, Sur un centimètre carré de surface, les pressions égales en b et b' sont : 1), recourbé trois fois en > m OS SELS EIRE" Ne ee te en Bel nl LS ES 0 Eu EE H + dh et H + dh, H étant la pression atmosphérique. Donc : dh = d'h h ME k Mais ici d — 1; on a donc finalement : k ARE h J.-B. Piért, Docteur ès sciences, KT on 1° Sciences mathématiques. Faye (H.), Membre de l'Académie des Sciences. — Sur l'Origine du Monde. Théories cosmogoniques des Anciens et des Modernes. — 1 vol. in-8° de 316 pages avec 38 figures. (Prix : 6 fr.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs, Paris, 1896. M. Faye vient de publier l'édition définitive de son ouvrage sur l’origine du monde. L'auteur commence par exposer les idées des Anciens sur la création et la structure de l'Univers en passant par Moïse, Platon, Aristote, Cicéron, Lucrèce, Virgile et Ovide, Les hypo- thèses cosmogoniques des Modernes : Descartes, New- ton, Kant et Laplace constituent la troisième partie de l’ouvrage. M. Faye insiste sur ce point que Kant a pressenti la possibilité des satellites à mouvement rétrograde dans les régions planétaires, et met bien en évidence les points faibles de la théorie de Laplace, dont l’exposé a été un peu modifié dans celte nouvelle édition. La quatrième partie renferme un chapitre consacré à la structure de l'Univers et à une classification des mondes, présentant un caractère de grande originalité; l’auteur a ajouté, dans la nouvelle édition, un para- graphe relatif aux mouvements propres des étoiles. Le chapitre XII constitue la partie principale de l'ouvrage, car il contient l'exposé des idées de M. Faye. L'auteur résume comme suit l’origine de la formation des mondes : « À l’origine, l'Univers se réduisait à un chaos gé- néral excessivement rare, formé de tous les éléments de la chimie terrestre, plus ou moins mélés et confon- dus. Ces matériaux, soumis d’ailleurs à jeurs attrac- tions mutuelles, étaient, dès le commencement, ani- més de mouvements divers qui en ont provoqué la séparation en lambeaux ou nuées. Ceux-ci ont conservé une translation rapide et des gyrations intestines plus ou moins lentes. Ces myriades de lambeaux chaotiques ont donné naissance, par voie de condensation pro- gressive, aux divers mondes de l'Univers. » L'auteur aborde successivement l'étude de la forma- tion d’une étoile isolée, des étoiles doubles, et, enfin, du système solaire. On connaît le trait caractéristique de l'hypothèse de M. Faye : Suivant que l’anneau nébuleux, en voie de formation, tournera tout d’une pièce ou suivant que les différentes parties qui le constituent cireuleront selon les lois de Képler, le sens de la rotation de la planète (et du mouvement de ses satellites) auquel il donnera naissance sera direct ou rétrograde. IL importe, en effet, de remarquer que, dans le premier cas, la vitesse linéaire de l'anneau va en croissant depuis son bord interne jusqu'à son bord externe, et que, dans le second cas, c’est l'inverse qui a lieu. Celui-ci se présentera lorsque l'anneau nébuleux, avant sa rupture, circu- lera autour d’un centre d'attraction, tel que le Soleil. L'anneau nébuleux tournera tout d’une pièce lorsque sa rotation s’effectuera autour d’un point ne coinci- dant pas avec une condensation centrale bien nette, Si l’on examine ce qui se présente dans le système solaire, on voit que le sens de la révolution des satel- lites autour de leur planète est direct jusqu'à Uranus, où ce mouvement à lieu à peu près perpendiculaire- ment au plan de l'orbite de la planète, et que le sens de la révolution du satellite de Neptune, la pla- nète la plus éloignée qui nous soit connue, est fran- chement rétrograde. On peut, à ce sujet, remarquer que, si l’on se borne aux quatre grosses planètes, l’inclinaison des orbites BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 419 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX des satellites présente une progression bien nette : DISTANCE INCLIN AISON PLANETES DU PLAN AU SOZLLCIL DES SATELLITES MUNIE. ere F2 20 S'APDLH ES. est éotsemn ele 925 280 UAANUS EE une, 19.2 989 | Neptune. .-:....... 30.1 1450 M. Faye conclut des considérations exposées plus haut, que toutes les planètes, jusqu'à Saturne y com- pris, proviennent de la rupture d’anneaux formés au sein de la nébuleuse avant l'existence de la condensa- tion centrale qui devint le Soleil; la formation d’'Ura- nus correspondrait à une période intermédiaire, et celle de Neptune à une époque où l’aftraction vers le centre de la nébuleuse primitive était sensiblement en raison inverse du carré de la distance, c’est-à-dire quand. le Soleil était déjà formé. La loi d’altraction dans la nébuleuse aurait donc > 7 é B passé insensiblement de la forme Ar à la forme 73 la forme intermédiaire étant ar + nd décroissant de A jusqu'à 0 et Z croissant de Oà B. | On arrive donc à cette conclusion, assez inattendue, que les planètes intérieures, et laTerre, en particulier, se seraient formées avant le Soleil, ce qui concorderait avec les données de la géologie. Comme dans les éditions précédentes, l’auteur ter- mine son ouvrage par des considérations philoso- phiques sur les conditions de la vie dans l'Univers et la lin du monde actuel. P, STROOBANT. Alheilig, Ingénieur de lu Marine, et Roche (C.), An- cien ingénieur de la Marine. — Traité des Machines à vapeur. TL. IL. — 1 vol. gr.in-8 de 560 p. avec 690 fig. de l'Encyclopédie industrielle dirigée par M. Lechalas. (Prix : 18 francs.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs, Pa- ris, 1895. Nous retrouvons, dans le tome IT de ce traité, les qualités qui en distinguaient déjà la première partie et qui en font non seulement un ouvrage didactique, mais un guide des plus précieux pour l'ingénieur, en- tre autres, la clarté de l'exposition, et le souci constant de ne pas sacrifier l’une à l’autre la théorie et la pra- tique. À L'étude souvent trop négligée des forces d'inertie mises en jeu dans les machines a recu tout le dévelop- pement qu'elle comporte. On sait quelle en est Pim- portance, surtout dans les locomotives et les machines marines, et l'évaluation de ces forces s'impose si l'on veut proportionner convenablement les organes de conduite à l'effort qu'ils auront à supporter. De cette étude découle naturellement celle des volants et des régulateurs, dont les nombreux systèmes sont passés en revue. Un très long chapitre est consacré à la classification des machines à vapeur. Tous les principaux lypes sont décrits en détail, depuis la machine à balancier jus- qu’à la machine Corliss et ses innombrables dérivées, à un ou plusieurs cylindres successifs, etc... puis cer- lains moteurs curieux, tels que la machine Brown avec 420 son grand cylindre annulaire, etses pistonset tiroirs à nombreux segments; les machines à allure rapide Brotherhood, West, Newald, Grafton, etc. Nous signalerons en particulier les paragraphes où les auteurs remettent en lumière un genre de machines que des insuccès réitérés ont peut-être un peu trop fait dédaigner depuis quelques années : nous voulons parler des machines rotatives. Si les moteurs à expan- sion n'ont pas donné tout ce que l’ingéniosité des in- venteurs en avait fait d’abord espérer, les avantages résultant de la supériorité de leur principe sur celui des machines à mouvement alternatif sont assez sé- rieux pour que la poursuite d’une solution pratique ne soit pas abandonnée. La perpétuelie tendance à accroi- tre la vitesse rend même de jour en jour plus pré- cieuses la continuité du mouvement, l'absence de forces d’inertie variables et complexes, et par suite de chocs et de trépidations. L’usure des pièces frottantes et une consommation exagérée résultant de fuites dif- ficiles à supprimer sont-elles des vices inéluctables? Sans doute, depuis Bramah, les moteurs Behrens, Brown, et le moteur Tower, à joint universel, si remar- quable par son principe géométrique, ne semblent pas avoir fait beaucoup progresser la question. Mais, d’au- tre part, les moteurs à réaction, dans lesquels la va- peur cède à la paroi qu'elle rencontre la force vive qu’elle a prise en s’échappant, l'ont faitentrer dans une phase toute nouvelle. Le turbo-moteur Parsons, la turbine Dow, et surtout la turbine Laval, marquent un progrès considérable dans la voie de la simplification des mécanismes et de l’utilisation rationnelle de la vapeur,en même temps qu'ils se rapprochent, au point de vue économique, des conditions indispensables de la pratique. Les machines marines font l’objet d’un chapitre spé- cial. La variété et la complexité de leurs organes, conséquences de la puissance et des conditions toutes particulières de fonctionnement qui sont exigées d'elles, demandent en effet une étude approfondie et détaillée à laquelle les auteurs étaient spécialement aptes. Une esquisse de la théorie de la propulsion sous ses formes variées, roues, hélices, touages divers, etc., termine ce chapitre. Les moteurs à gaz ont pris dans ces dernières années une extension quiles fait rentrer naturellement dans le cadre de cet ouvrage. Ils y occupent, à côté des machines à vapeur, la place qu’ils méritent par leurs succès. De leur côté, les moteurs à air chaud, bien que n'ayant pas encore reçu la consécration de la pratique, malgré IE efforts des derniers inventeurs Benier et Brown, n’ont pas été oubliés. Les deux derniers chapitres offrent un intérèt exclu- sivement pratique, mais d'autant plus grand qu'ils traitent de matières généralement passéessous silence dans les ouvrages similaires : le graissage, la confec- tion des joints et des presse-étoupes, des conseils et des renseignements de toute sorte sur les mille pré- cautions qu’exige le bon fonctionnement des machines, sur leur montage et leur exécution à l'atelier; puis, sur les essais, sur l'évaluation de la puissance et du rendement tant des moteurs à gaz que des machines à vapeur, Enfin, dans un dernier chapitre, les auteurs ont réuni les notions les plus utiles sur la forme et la passation des marchés, et des données sur le prix de revient d’une installation de machine, sur l’amortisse- ment et les frais d'entretien, sur le prix de revient des constructions non seulement en France, mais en An- gleterre et en Allemagne. Aujourd’hui, ilne suffit plus eneffet de prévoir la concurrence locale ; c’est sur tous les marchés du monde que s'établit la lutte industrielle. On voit par cette rapide énumération que MM. Alheilig et Roche n’ont rien négligé de ce qui touchait au vaste sujet qu'ilsavaiententrepris, et que leur traité s'adresse aussi bien à l'industriel désireux d'établir ou d’entre- tenir dans les meilleures conditions possibles la ma- chine nécessaire à son exploitation, qu'à l'ingénieur mécanicien qui est chargé de la créer. Léon Viver. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 2° Sciences physiques. Béhal (A.), Professeur agrégé à l'Ecole Supérieure de Pharmacie, — Traité de Chimie organique d'après les théories modernes. (Auec une préface de M. Ch: Friedel, membre de l'Institut). Tome 1.— 1 vol. in-8°de 963 pages, avec 36 figures. (Prix : 15 fr.). O. Doi, éditeurs, 8, place de l’'Odéon, Paris, 1896. Très divers sont les aspects sous lesquels peuvent être envisagées les différentes branches du savoir humain, La Chimie, moins que toute autre science, Dé chappe à cette loi. Spéculative au premier chef, elle est non moins féconde en applications. C'est ce qui explique la quantité relativement considérable de trai- tés qui se publient sans qu’il y aitjamais double emploi. Comme son titre l’indique, le traité de M. Béhal est conçu d’après les théories modernes. Il est le résultats d’un enseignement de six années fait bénévolement à l'Ecole Supérieure de Pharmacie de Paris, où l’auteur as eule mérite d'introduire lepremier lesidées atomiques: Chercheur enthousiaste, expérimentateur originales, professeur à la parole entrainante, M.Béhal avait l'autorité nécessaire pour entreprendre la publi= cation d'un livre qui résume et condense les faits qui ont constitué la trame de ses lecons. L'œuvre répond» d’ailleurs pleinement au but que s’est proposé l’auteur, Après avoir initié le lecteur aux opérations néces- saires pour isoler et caractériser les principales es" pèces chimiques, M. Béhal aborde l’étude des lois qui forment la base de la science chimique pour arriver à la détermination dela grandeur moléculaire des corps: Toutes les méthodes physiques et chimiques, an- ciennes et modernes, sont exposées avec une netteté et une clarté parfaites. 4 habile, esprit sagace et fécond en conceptions heureuses et} Atomiste convaincu, formé à l'Ecole qui a si puis-" samment contribué à l'établissement de la doctrine atomique, le savant professeur en continue les tradi- tions et apporte dans son exposé une conviction yéri- tablement communicative, Se bornant à son rôle d’ini- tiateur, par suite des limites assignées à son œuvre, il a garde de faire pénétrer le doute dans l’esprit de ses lecteurs et envisage la théorie atomique comme seule capable, actuellement, de donner une explication rationnelle des phénomènes que nous observons. Après quelques pages consacrées à la théorie des valences et à celle des radicaux, l’auteur définit les principales fonctions et les groupements atomiques qui caractérisent ces fonctions. L'isomérie en général et la stéréochimie font ensuite l’objet d’un chapitre très étendu et très détaillé qui se termine par quelques considérations sur la manière dont on arrive à établir la formule de constitution des corps. Après avoir exposé le plan de l'ouvrage, l’auteur entre ensuite dans le cœur de son sujet, et aborde l'étude des corps acycliques ou de la série grasse, se ré- servant celle de la série cyclique ou benzénique pour le second volume. 11 décrit d’abord les corps à fonction simple, en par- tant des carbures comme fonction de support et en allant des substitutions simples aux substitutions complexes, c’est-à-dire en étudiant d’abord les fonc: tions halogénées, puisles fonctions alcool, aldéhyde, acide, amine, amide, etc. A ces corps succèdent ceux à fonctions dérivées, éthers-oxydes, éthers, sels, etc. Viennent ensuite les associations de fonctions ou fonctions complexes qui sont traitées dans le même ordre que les fonctions simples : Corps renfermant une fonction alcool et des fonc- tions carbure non saturé; Corps renfermant plu- sieurs fonctions alcools. Corps à fonction aldéhyde et à fonction carbure non saturé ; Corps à fonction aldéhyde et à fonction alcool ; Corpsrenfermant plusieurs fonctions aldéhydiques. Ordre rationnel et permettant au lecteur de s'initier peu à peu aux difficultés qui se présentent à mesure qu'il poursuit son étude. Il est superflu d'ajouter qu'aux mérites déjà signalés le traité de M. Béhal joint celui d'être écrit dans une langue claire, concise et de se trouver au courant de toutes les découvertes de quelque importance. L'œuvre, nous ne saurions trop le répéter, répond à son but. Tout en étant doctrinal, qualité nécessaire quand un livre s'adresse à des débutants, il ne lest cependant pas assez pour ne pas être suggestif. Ce beau traité, édité avec un certain luxe, marque donc une étape dans la science chimique, et tout en instruisant le lecteur, il éveillera en lui la curiosité et l’incitera à pénétrer plus en avant dans l'étude des combinaisons organiques. A. HALLER. Ahrens (F, B.), Professeur à l'Université de Breslau. — Die Metallcarbide und ihre Verwendung. Zrster Heft der Sammlung chemischer und chemisch- technischer Vortræge. — 1 broch. in-8° de 46 pages avec 5 figures. (Prix : 1 fr. 25.) Ferdinand Enke, édi- teur. Stuttgart, 1896. Les progrès toujours croissants qui se manifestent daus les différents domaines de la Chimie se montrent à nos yeux par le grand nombre de journaux spéciaux qui paraissent aujourd’hui. Chaque branche de la chimie a son organe particulier, et il est devenu im- possible de se tenir au courant de tous les faits nou- veaux de cette science. Le chimiste qui a mis son savoir au service de la pratique ne peut plus suivre les pro- grès de la science pure; celui qui, au contraire, s’est voué aux recherches exclusivement scientifiques, con- naît trop peu ce qui est du domaine de l’application, et dont il pourrait souvent tirer grand profit. Le Sammlung chemischer und chemisch-technischer Vorträge, dont nous désirons signaler ici l'apparition, s’est proposé de remédier à cet état de choses en pu- bliant chaque mois de courts fascicules, rédigés par des savants autorisés, et donnant le résumé de toutes nos connaissances sur un sujet à l’ordre du jour, tantôt de nature théorique et scientifique, tantôt de nature technique et pratique. Le Sammlung chemischer und chemisch-lechnischer Vorträge, qui est publié sous la direction du P° F.-B. Ahrens, s’est acquis dès maintenant le concours de nombreux savants : MM. Bamberger, von Buchka, Gat- termann, Hantzsch, Ladenburg, Liebermann, Lunge, V. Meyer, Steger, Wislicenus et d’autres, Nous ne dou- tons pas qu'il ne marche avec succès dans la voie qu'il s'est tracée. Le premier fascicule, dù au Pr Ahrens, est consacré aux carbures métalliques et à leurs emplois; il est au courant des dernières recherches. Nous signalerons particulièrement les chapitres qui ont trait au carbure de calcium (avec son application à la production de l’acétylène) et au carbure de silicium ou carborundum. Louis BruNner. 8° Sciences naturelles. Lacroix (Alfred). — Minéralogie de la France et de ses colonies. Description physique et chi- mique des minéraux. Etude des conditions géo- logiques de leurs gisements. T. |, deuxième partie. — Un vol. in-8° de 420 pages, avec fiqures. (Prix : 15 fr.) Baudry et Cie, 15, rue des Saints-Pères, Paris, 1895. Le présent fascicule termine le premier volume et comprend la description des espèces suivantes : groupe des micas, groupe des clintonites, groupe des chlorites, groupe de l’antigorite (serpentines, nouméite, etc.), tale, magnésite, groupe de la kaolinite, groupe de la mélilite, groupe de la néphéline, sodalite, noséane, haüyne, cordiérite, pérowskite, groupe des pyroxènes, groupe des amphiboles. Nous prions le lecteur de se reporter à ce qui a été dit de l'ouvrage de M. Lacroix, au tome IV de cette Revue, 1893, p. 149. L. BourGeos. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 421 Léger (L.J.), Chef des Travaux botaniques à la Faculté des Sciences de Caen. — Recherches sur l’Appareil végétatif des Papavéracées. (Thèse pour le Doc- torat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol, in-4° de #30 pages avec 37 fig. et 10 planches hors texte. Imprimerie Lanier, 1, rue (ruillaume-le-Conquérant. Caen, 1896. La famille des Papavéracées, telle que l’a établie A.-L. de Jussieu, comprend deux termes, très diffé- renciés, en apparence, par la morphologie florale, et dont les affinités ont été très discutées. Les types extrêmes y sont, en effet, très dissemblables; mais ils sont reliés par une série d'intermédiaires. Pour déter- miner dans quelle mesure la réunion des Fumariées et des Papavéracées est justifiée par la structure anato- mique, M. Léger a entrepris une monographie anato- mique détaillée d’un grand nombre de ces plantes. Beaucoup de travaux anatomiques contemporains se préoccupent trop exclusivement d'un petit nombre des rapports qu'il faut connaitre; M. Léger n’en néglige aucun. La première partie de son mémoire est un mo- dèle de description anatomique. Il résume brièvement les innombrables détails consignés dans cette série d’études monographiques, pour aborder, dans une deuxième partie, lexamen du système laticifère des Papavéracées. Des laticifères existent chez toutes ces plantes: mais ils y présentent de grandes variations, Très évidents chez les unes, ils ont longtemps échappé à l'observation dans les différents termes de la tribu des Fumariées où M. Léger a démontré leur existence constante, Leur répartition et leur structure sont va- riables ; le latex lui-même se différencie parallèlement avec l'appareil qui le contient. L'auteur conclut de ses recherches que la famille des Papavéracées, entendue dans le sens large, consti- tue un groupe par enchaîinement où les types extrêmes sont profondément différents les uns des autres et entre lesquels il existe un grand nombre de termes de passage. L’anatomie marque même une gradation bien plus marquée que la morphologie florale. Avec l’ana- tomie, la division en deux termes secondaires s’efface, pour faire place à plusieurs groupes d’égale impor- tance, à peu près, et également caractérisés. Il serait trop long de reproduire et impossible de condenser cette partie des conclusions générales de l’auteur. Nous nous contenterons de relever qu'aucun genre de cette famille ne résume tous les caractères des autres et ne représente ce qu'on peut appeler le type de la famille ; nous aimons à reconnaitre, en finissant, que le travail de M. Léger est de ceux dont on devra tenir le plus grand compte chaque fois qu'il sera question, à un point de vue quelconque, de la famille des Papavé- racées. Cette étude fait honneur à son auteur et à la Faculté des Sciences de Caen, On constate avec plaisir que d'excellents travaux sortent, toujours plus nombreux, des Facultés de province. C. FLanauzr. , Simon (E.), ancien Président des Sociétés Entomolo- gique et Zoologique de France. — Histoire naturelle des Araignées, 2° édition. Tome I (en 4 fascicules). — 4 vol, gr. in-8° de 1084 pages avec 1098 figures. (Prix : 24 francs). L. Mulo, libraire-éditeur, 12, rue Haute- feuille, Paris, 1892-1896. La première édition de cet ouvrage date de plus de vingt ans, et, depuis cette époque, nos connaissances sur les Araignées ont fait d'immenses progrès, grâce aux travaux de MM. L.Koch,T.Thorell, 0.P.Cambridge, E. Keyserling, Bertkau, et surtout d'E, Simon, dont on connaît la magnifique publication sur les Araignées de la Faune francaise. Cette seconde édition n’a donc guère de commun avec la première que le titre et la disposition générale. Cet ouvrage est divisé en quatre parlies : 1° Ana- tomie et morphologie extérieures; 2° Classification, histoire des familles et des yenres; 3° Biologie; % Distribution géographique. Le seul volume paru "4 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX jusqu’à présent renferme seulement la première par- tie et les deux tiers environ de la seconde ; il faut espérer que l'apparition du second volume ne tardera pas trop. L'Anatomie extérieure ne renferme rien de bien nouveau : c’est une description très soignée et très complète de ce qui se voit extérieurement sur une Araignée, le céphalothorax et l'abdomen avec leurs orifices, les yeux, les chélicères (considérés par Simon comme homologues aux antennes des Insectes et des Crustacés), les pattes-mächoires, les pattes ambula- toires avec leurs organes lyriformes (organes sen- soriels dont le rôle est mal connu), les filières, le cribellum et le calamistrum, qui servent à la fabrica- tion des fils calamistrés destinés plus spécialement à retenir la proie, les organes copulateurs des mâles, fixés comme on sait sur le dernier article de la patte- mâchoire, l’orifice génital femelle, les organes stridu- latoires qui existent chez quelques Araignées, les poils, et enfin les modifications que les mues succes- sives peuvent apporter dans la forme et les caractères des Araignées, Comme on voit, celte partie anatomique ne porte que sur les caractères extérieurs, les seuls utilisés dans la classification et la détermination des Arai- gnées ; dans la pensée de l’auteur, ce chapitre est des- tiné à mettre au courant des termes employés dans la description, et, en même temps, à donner une idée précise des modifications des caractères extérieurs. Il est suivi d’un vocabulaire franco-latin qui le résume. La seconde partie, de beaucoup la plus importante, mais encore inachevée, est consacrée à la description des familles et des genres; aucun ouvrage complet n'a paru sur ce sujet depuis l’époque éloignée de la première édition, et les essais de classification qui ont été proposés par Thorell et Bertkau n’ont eu pour base que des faunes restreintes, M. Simon propose une nouvelle classification générale, pour laquelle il a utilisé les nombreux matériaux recueillis dans la faune de la France, de la région méditerranéenne, du Venezuela, des îles Philippines et de l’île de Ceylan, où il a entrepris des voyages pour étudier sur place les divers types d’Arachnides et se rendre compte de leurs affinités. L'ordre des Araignées se divise naturellement en deux sous-ordres renfermant quarante et une fa- milles : 4° Le premier sous-ordre, celui deS Araneæ thera- phosæ, renferme toutes les Araignées dont les chéli- cères sont dirigés en avant, dans l’axe du corps, et dont les hanches des pattes-mâchoires sont dépour- vues de lames maxillaires (sauf dans le groupe des Atypinæ) ; il y a quatre sacs pulmonaires et généra- lement quatre filières (deux familles en ont cepen- dant huit ou six). Ge sous-ordre renferme trois familles, dont les espèces les plus connues sont les grandes Mygales (Avicularia), et les Araignées maconnes, qui se creusent un terrier cylindrique fermé par un oper- cule (Cteniza, Nemesia). 2 Le second sous-ordre, celui des Araneæ vera, renferme toutes les Araignées dont les chélicères sont dirigés verticalement ou obliquement en bas et dont les hanches des pattes-mâchoires sont pourvues d’une lame maxillaire soudée au corps de l’article; il y à deux stigmates pulmonaires et deux stigmates tra- chéens (sauf dans le genre Hypochilus, qui a quatre sacs pulmonaires comme les Théraphoses), et généra- lement six filières (rarement quatre ou deux). Le sous-ordre des Araneæ veræ, de beaucoup le plus important, est divisé en deux sections naturelles, basées sur la présence ou l'absence du cribellum et du calamistrum : le cribellum est une filière spéciale, placée au-dessous des filières inférieures, dont les produits sont cardés et dévidés par le calamistrum, sorte de peigne situé sur le métatarse de la quatrième paire de pattes; les fils calamistrés, cotonneux et ad- hérents, sont destinés plus spécialement à retenir la proie, tandis que les fils des filières ordinaires consti- tuent la toile proprement dite. La première section, celle des Cribellatæ, comprend huit familles : parmi les espèces européennes, on peut citer les Uloborus (Araignées orbitèles) et les Amau- robius (Tubitélaires). La deuxième section, celle des Ecribellatæ, comprend trente familles et un nombre considérable de genres intéressants : parmi ceux étudiés dans ce volume, on peut citer les Nops et Caponia, les seules Araignées qui n'aient pas de sacs pulmonaires, mais deux paires de trachées ; les singuliers Pholcus, qui ressemblent tout à fait aux Faucheurs par leurs longues pattes grèles ; des Araignées chasseresses comme les Dys- dera et les Segestria ; des sédentaires comme les Liny- phia, les Theridion, les Latrodectes, dont la morsure est si redoutée en Russie; les Araignées orbitèles qui construisent une toile régulière comme les Epéires communes (Araneus) ; les Latérigrades qui marchent de côté comme les Crabes (Thomisus, Philodromus) ; enfin. une série de genres à abdomen extraordinaire, soit par ses dimensions, comme chez les Argyrodes, Ariamnes et Rhomphæa des tropiques, où il est sur- élevé en pyramide ou prolongé en longue queue, soit par les longs et forts piquants dont il est muni, comme chez divers Araneus, les Gasteracantha, Micra- thena, etc. Chacune des familles et des sous-familles est dé- crite longuement, au point de vue de l’organisation | extérieure (yeux, chélicères, filières, pattes, etc.), et de ses rapports avec les groupes voisins. Des tableaux dichotomiques en latin, très bien faits, amènent faci- lement aux sous-familles et aux genres. Pour chaque genre, il ya une diagnose détaillée en latin, puis la synonymie et l'aire géographique. Les très nom- breuses figures rendent le texte extrêmement clair. Je me permettrai cependant de signaler une lacune regrettable : pourquoi n’avoir pas fait un tableau di- chotomique permettant de trouver immédiatement là famille à laquelle appartient une Araignée quelconque? Par exemple, pour les Araignées écribellatées de la sous-section des Entélégynes, il faut lire et comparer les diagnoses de vingt-quatre familles, alors qu'il aurait été bien plus commode de consulter une table de détermination, analogue à celles des sous-familles et des genres. Cette lacune pourrait être facilement comblée à la fin du volume qui reste à paraître ; je suis sùr que ce tableau rendrait de grands services aux zoologistes désireux d'arriver promptement à la déter- mination générique d’une Araignée. L'ouvrage de M. Simon, comme d’ailleurs tous ses travaux arachnologiques, est extrêmement bien fait, très complet et rempli de détails ; il marquera certai- nement une date pour tous ceux qui s'occupent des Araignées au point de vue de la classification, Les nombreuses figures, presque toutes originales, parfai- tement reproduites, accroissent considérablement la valeur de l'ouvrage ; il serait bon d'y ajouter l’indi- cation du grossissement employé, au moins pour les figures d'animaux entiers. ; Dans ce premier volume, M. Simon ne parle qu'in- cidemment des mœurs et de l’industrie des espèces, et seulement lorsque cela intéresse la classification, Il nous promet pour le second volume tout ce qui est connu sur la Biologie des Araignées, comme l’a fait récemment Mac Cook dans son bel ouvrage American Spiders. La compétence de l’auteur nous est un sûr garant de l'intérêt de cette partie; il y a pas mal d'erreurs qui courent sur les Araignées, et que l'on reproduit sans cesse ; il sera facile à M. Simon de les enterrer définitivement; d'autre part, il est peu de groupes dont les mœurs présentent un intérèt aussi puissant que celles des Araignées. Tous ceux qui s’in- téressent à la Biologie sauront gré à M. Simon de presser l'apparition du second volume de son Histoire naturelle. L. CuÉNoT, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 423 4° Sciences médicales. Brault (A.), Médecin de l'Hôpital Tenon, Chef des Travaux pratiques d' Anatomie pathologique à la Faculté de Médecine de Paris. — Les Artérites. Leur rôle en Pathologie. — 4 vol. in-18 de 1T5 pages de l'En- cyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léauté, de l'Institut. (Priæ : broché, 2 fr. 30; cartonné, 3 fr.) G. Masson et Gauthier-Villars, éditeurs, Paris, 1896. L’artérite est l’inflammation des tuniques des artères. Les lésions artérielles sont souvent disséminées sur toute l'étendue de l'arbre artériel; elles ne sem- blent pas obéir à une loi de répartition absolument fixe. Il ya des combinaisons qui affectent un même type, mais elles ne sont pas d’une facon évidente l'œuvre d’une propagation constante dans un sens donné, du cœur vers la périphérie, par exemple. Cette même variabilité du siège des artérites se retrouve dans le degré de la lésion. Celle-ci peut avoir comme conséquences : l’oblitération du vaisseau, sa dilatation plus où moins régulière, sa rupture. Un chapitre est consacré à l'aspect des lésions plaques molles, jaunes et souples; plaques incrustées et dures, dont la confluence change non seulement la surface interne du vaisseau, mais tout son calibre, M. Brault insiste particulièrement sur l'indépendance de la tunique externe dans ces lésions. Puis en quel- ques mots, il explique la formation des poches ané- vrismales. Les caractères microscopiques sont décrits avec soin. Le premier état de l’artérite, représenté par la plaque transparente, gélatineuse, intéresse unique- ment la membrane interne. Ce sont les cellules de l’endartère qui s’hyperplasient. Puis la plaque perd sa translucidité, ses cellules dégénèrent et se chargent à la partie profonde de granulations graisseuses. Enfin elle devient jaunâtre et son centre nécrosé n'est plus formé que de vésicules graisseuses, de détritus cellu- laires, d'acides gras. Le foyer athéromateux est ainsi définitivement formé. Plus tard, il s'incruste de sels calcaires. Entourée d’une zone conjonctive homogène, la pustule d’athérome est encore recouverte de cel- lules normales ; mais elle finit par se rompre : le sang l’envahit alors et la fibrine s’y dépose. Durant toutes les phases primitives, l’endartère seul est en jeu; les autres tuniques ne se modifient qu'après lui. Ces modifi- cations consistent dansla disjonction delalameélastique, quelquefois le dédoublement de cette membrane, puis dans l’infiltration par les leucocytes de la tunique musculaire. Les lésions de la tunique adventice sont contingentes. M. Brault donne deux exemples types des formes d'artérite, l’une bourgeonnante, l’autre ulcéreuse, toutes deux dues à la syphilis. Les pages ou M. Brault développe le mécanisme sui- vant lequel se produisent les lésions est d’un intéret extrême. La théorie classique tend à admettre que l’athérome est la conséquence d’une endartérite des artérioles de la tunique adventice. M. Brault, par des arguments d'observation précise combat cette théorie et rapporte la lésion de l’artérite à un processus local né sur la membrane interne même de l'artère inté- ressée, Les causes des artérites sont nombreuses. Aiguës, primitives dans le sens rigoureux du mot, elles sont dues à des maladies infectieuses diverses : rhumatisme articulaire aigu, fièvre typhoïde, grippe, scarlatine, variole. Chroniques, mais pouvant évoluer d’une facon plus ou moins rapide, elles sont encore causées par des infections (syphilis, impaludisme, plus rarement tu- berculose) ou par des intoxications extérieures ou dyscrasiques (saturnisme, goutte, etc.) Une fois altérés les vaisseaux sont le point de départ de troubles variés, souvent peu appréciables, souvent aussi suivis d’acci- dents redoutables, comme la perforation du vaisseau par ulcération, la dilatation anévrismale, la thrombose ou l’embolie avec leurs conséquences diverses suivant le siège, apoplexie cérébrale, gangrène d’un membre, infarctus viscéraux. Traitant une question d'une importance primordiale, M. Brault, avec une grande fermeté scientifique, montre les erreurs qu'il faut éviter. Il donne des interpréta- tions qui s'adaptent mieux aux faits qui peuvent aujourd'hui être étudiés dans un détail plus profond. Le livre de M. Brault est rempli de rénovations hardies, On se tromperait en le prenant pour un aide-mémoire simple avec sa provision obligée et ample de notions courantes. M. Brault a fait ici œuvre originale, exposé le juste état de la question et semé des idées, germes féconds de travaux futurs, D: A. LÉTIENNE. Von Kahlden (D' C.), Professeur à l'Université de Fribourg, et Laurent (D' 0.), Chargé de cours à l'Université de Bruxelles. — Technique microsco- pique appliquée à l’Anatomie pathologique et à la Bactériologie. — Un vol. in-8° de 186 pages. (Prix : 5 fr.). G. Carré, éditeurs, Paris, 1896. Après plusieurs chapitres de technique générale (méthodes de durcissement, de décalcification, d’in- clusion, d'injection, de confection des coupes, de co- loration), vient la partie spéciale, adaptée particulière- ment à l’Anatomie pathologique. C’est alors que le manuel deKahlden devientréellementce qu’il veut être, c’est-à-dire pratique pour les anatomo-pathologistes, car ceux-ci y trouveront, pour chaque cas particulier, la méthode à suivre. Veut-on savoir comment on se comportera dans l'examen d’un organe où l’on soup- conne l'existence d’une dégénérescence muqueuse, comment, danslarecherche de tel microbe, de tel para- site, comment dans l’examen du sang, de la peau, etc. ; les procédés les meilleurs sont indiqués dans chacune de ces circonstances. Souvent l’auteur à fait le travail, fort utile pour le micrographe, de simplifier des procédés compliqués, tels que celui de Biondi- Haidenheim, faisant ainsi bénéficier le lecteur de son expérience et lui épargnant les lenteurs et les ennuis d’une technique trop minutieuse pour les besoins habituels de l’anatomie pathologique. Malgré cette . simplification, qui n'altère en rien l'essence même des procédés, la plupart des paragraphes, mais notam- ment ceux du sang, de la peau, du système nerveux central suffiraient encore largement à des histolo- gistes de profession, grâce à l’heureuse sélection des méthodes techniques qui y est appliquée. La seule critique que nous pourrions formuler en est à peine une: Certains procédés, comme par exemple celui du « bleu de métyle » pour la coloration des élé- ments nerveux, qui sont ici décrits, auraient pu être laissés de côté, étant jusqu'ici d’un emploi très restreint en anatomie pathologique. Je n'ai nommé jusqu'alors que « l’auteur » ; c’est « les auteurs » qu’il eût fallu dire. Car M. Laurent n'a pas fait simplement œuvre de traducteur, il a ajouté à l’ouvrage du professeur Kahl- den certains documents empruntés surtout, semble- til, à la science francaise, qui enrichissent le livre sans l’encombrer. Tel est ce manuel technique microscopique, dont l'introduction dans les laboratoires d’Anatomie patho- logique de notre pays aura pour heureux effet, sans doute, de faire entrer dans une voie nouvelle la tech- nique souvent surannée et par suite imparfaile de ces laboratoires. A. PRENANT. Sordes (D'). Lauréat de l’Académie de Médecine. — Traitement des Endométrites et des Salpingites au début par les vapeurs médicamenteuses. — (Communication faite au Congrès gynécologique de Bor- deaux, 1895.) —1 brochure in-18° de 40 pages. (Prix : 1 fr.). 0. Doin, éditeur, Paris, 1896. 124 ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADEMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 23 Mars 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. A. Mannheim signale une propriété nouvelle de la surface de l’onde : La droite, qui joint un point »m, de la surface de l’onde au pied « de la perpendiculaire abaissée du centre o de cette surface sur son plan tangent en m, rencontre l’un des plans principaux de la surface de l'onde en un point »; sie est le pied de la perpendiculaire abais- sée de m, sur la droite or, on a, quel que soit m, : 0e x or — const. Cette constante est le carré du rayon du cercle de la surface de l’onde, situé dans le plan principal consi- déré. On en déduit que les pieds des perpendiculaires abaissées du centre d’une surface de l’onde sur les plans tangents à cette surface en un de ses points co- niques appartiennent à une circonférence de cercle, — M. Levavasseur établit certaines correspondances relatives aux groupes d'opérations et en déduit quelques théorèmes nouveaux. — M. Aug. Coret adresse un mémoire intitulé : « Encliquetage à cli- quets multiples. » — M. J. Leflaive expose en détail l’étude de la stabilité des navires par la méthode des petits modèles ; on peut obtenir ainsi assez rapidement des résultats excellents; une expérience complète re- lative à un état de chargement du navire et le tracé des courbes qui résument les résultats n’exigent que dix-huit heures quand deux hommes sont affectés à la conduite des expériences et qu’un dessinateur met, au fur et à mesure, les résultats en courbes. 29 SCIENCES PHYSIQUES.—M.J.Bocuzeadresseunéchan- tillon de fil de platine iridié, d'un centième de milli- mètre de diamètre. — M. P. de Heen envoie une note relative à la transparence communiquée à une lame de tôle par une élévation de température. — M. Henri Becquerel a continué l’étude des radiations invisibles émises par les sels d'uranium. 1° Ces radiations, qui déchargent les corps électrisés, donnent avec l’élec- troscope des varialions angulaires des feuilles d’or proportionnelles au temps, de sorte que la vitesse du rapprochement, ou la fraction de degré dont les feuilles d’or se rapprochent en une seconde, peut donner üne idée des intensités relatives des radiations actives. Une lamelle de sel d'urane maintenue depuis onze jours à lobscurité ne donne qu’une faible différence dans l'intensité de l'émission de la même lamelle vivement éclairée au magnésium. 2 La plupart des dissolutions sont transparentes à ces radiations ; la paraffine, la cire le sont aussi; l'aluminium, l’étain sont assez opaques ; l'air paraît produire une faible absorption. 3° Ces radiations sont réfractées par un prisme de crown. 4° Les substances phosphorescentes autres que les sels d’urane n’émettent pas de radiations persis- tantes. — M. Troost fait remarquer que la blende perd rapidement la faculté d’impressionner les plaques. — M. Henri Becquerel, à propos de l'accumulateur de lumière proposé par M. Charles Henry, fait remarquer que l'influence du froid intense sur les radiations lumineuses était connue depuis longtemps.—M, H. van Heurck adresse des épreuves de diverses articula- tions obtenues par les rayons X, dans des conditions déterminées. — M, A. Gassend adresse une note sur la photographie à travers les corps opaques et diverses épreuves obtenues avec un tube très peu lumineux. — M. A. Lafay donne un moyen permettant de commu- niquer aux rayons de Rôntgen la propriété d’être dé- viés par l’aimant. — M. J. R. Rydberg donne l'expli- cation de l'action mécanique émanant des tubes de Crookes, action mise en évidence par MM. Gossart et Chevalier. L'analyse des faits constatés montre que le phénomène observé est dû à l'influence de la couche d'électricité positive de la surface extérieure du tube sur les ailettes métalliques du radiomètre et na rien à faire avec les rayons de Rüntgen. — M. Jean Perrin établit rigoureusement que les rayons de Rôntgen se développent aux points où une matière quelconque arrête les rayons cathodiques. Toute l'im- portance pratique des tubes à fluorescence verdâtre résulte de la transparence du verre dont ils sont for- més, — MM. le prince Galitzine et de Karnojitzky concluent de quelques expériences que les rayons X se polarisent et par suite qu'ils correspondent à des vibrations transversales. — M, Georges Meslin réduit le temps de pose dans les photographies de Rüntgen en créant, à l’aide d’un aimant, un champ magnétique perpendiculaire aux rayons cathodiques dans l’inté- rieur du tube; on condense ainsi la tache active en face du diaphragme circulaire de facon à faire passer la totalité des rayons primitivement disséminés sur la calotte de verre. — M. Basilewski diminue le temps de pose en interposant une feuille de papier fluores- cent entre la plaque et l’objet. — MM. A. Imbert et H. Bertin-Sans diminuent le temps de pose par le même procédé que M. Meslin. — M. Piltschikoff adresse quelques réclamations de priorité au sujet de ses études sur lesrayons X. — MM. Blainard et La- besse ont étudié le pouvoir de résistance au passage des rayons Rôntgen de quelques liquides et de quelques substances solides. 1° L’opacité d’une disso- lution croît plus rapidement que la concentration. 2 Elle augmente avec les poids atomiques des métal- loïdes contenus dans les sels halogénés. 3° Le poids atomique du métal influe dans lemème sens. 4 L'opa- cité des bromures alcalins permet de photographier les lettres sous enveloppe, écrites avec des encres additionnées de bromure de potassium. — MM. Abel Buguet et Albert Gascard utilisent les rayons X pour distinguer les pierres précieuses des imitations. — M. Wuillomenet établit que l'imperméabilité des milieux de l'œil pour les rayons X n’est pas absolue. — M. J, Thoulet rend compte des observations océa- nographiques faites pendant la campagne du Caudan dans le golfe de Gascogne. Les observations ont été des mesures de températures superficielles et pro- rondes de la mer, de densités superficielles, de trans- parence, de la température de l'air, de l’état hygromé- trique, et la récolte d'échantillons de fonds destinés à être analysés. — MM. P. Schützenberger et O. Bou- douard exposent la suite de leurs recherches sur les terres contenues dans les sables monazités et plus particulièrement sur les terres dont les sulfates doubles potassiques sont solubles dans l’eau saturée de sulfate de potassium. Ils ont pu isoler une terre incolore contenant un métal dont le poids atomique est très voisin de 102. — M. Th. Schlæsing a con- tinué les dosages d'acide nitrique contenu dans les eaux de la Seine et de ses principaux affluents, afin d'acquérir des notions précises sur le régime nitrique des cours d'eau. Les rivières, dans tout le bassin de la Seine, ont des régimes nitriques semblables et pré- sententen même temps leurs plus hauts titres, après qu'un abaissement prolongé de la température a sus- pendu la végétation aquatique et supprimé les apports d'eaux de ruissellement, Il est donc possible de choisir le momentet le lieu des prises d'eau pour analyse, de manière à déterminer d'emblée, pour une rivière quel- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 125 conque, le titre maximum qui lui est propre, lequel n’est autre que le titre moyen des eaux souterraines de son bassin. — M. Eug: Demarçay annonce la pré- sence d’un nouvel élément È dans les terres rares voi- sines du samarium. La terre diffère des terres rares connues : 1° par ses sels incolores sans spectre d’ab- sorption ; 2° elle est incolore, ce qui la distingue de la terbine; 3° elle diffère, par son spectre, des oxydes de lanthane, cerium, gadolinium, ytterbium et terbium, seules terres rares à sels incolores encore connues. — M. L. Brizard a étudié l’action des réducteurs alcalins et acides sur les composés du ruthénium nitrosé. Le formol donne un nouveau composé nitrosé : Ru?.Az0.Hi.CI5.3KC1 dont l’auteur signale les propriétés. Ce composé peut ètre obtenu également par l’action du chlorure stan- neux sur le chlorure RuAzOCE, 2KCI ou par celle de l'ammoniaque sur le ruthéniate de potassium. — M. J. Férée a préparé des amalgames de molyhdène par électrolyse avec le mercure comme électrode né- gative. l’amalgame obtenu d’abord à pour formule MoHgf ; comprimé fortement, il perd du mercure et laisse l’amalgame Hg2Mo qui peut lui-même fournir ultérieurement Hg’Mo?. Ces amalgames distillés dans le vide donnent un molybdène pyrophorique doué de propriétés chimiques très actives. — M. Ernest Baril- lot a étudié les produits de la distillation du bois con- duite industriellement. Le rendement en acétate de chaux, c’est-à-dire en produits finalement obtenus après séchage et frittage, ne semble pas varier en propor- tion même des différences de rendements en acide acétique constatées, ce qui ferait croire que cette va- riation dépend du genre d’acides fournis par les di- verses essences de bois. — M. Œchsner de Coninck montre que l’examen des points de fusion et des points d'ébullition des dérivés ortho, méta et para rapproche toujours ces composés deux à deux comme l'ensemble des autres propriélés physiques et chimiques. — MM. Ph. Barbier et Bouveault, en oxydant le rhodinol pur par le mélange chromosulfurique, ont obtenu le rhodinal C!0H!80 et son isomère, le menthone. Ce der- nier produit provient d'une isomérisation partielle du rhodinol produite dans le cours du traitement, — M. Wallerant établit d'une facon rigoureuse que les feldspaths ne peuvent être considérés, au point de vue optique, comme des mélanges isomorphes d’albite et d’anorthite; il fournit en outre l'explication des erreurs commises à ce sujet. C. MATIGNON. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. Lannelongue cite deux cas intéressants d'application des rayons X au diag- nostic des maladies chirurgicales. — M. P. Delbet signale trois autres cas : présence d’une balle dans la main, fracture d’une jambe, résection d’un coude, — M. Prunet montre les formes de conservation et d'invasion du parasite du black-rot. Les pycnides formés de spores ou appareils sporifères ne sont pas des organes de conservation du parasite pendant l'hiver. Ce sont les sclérotes qui remplissent ce rôle et qui se montrent en nombre considérable à la surface des organes black-rotés. Les sclérotes peuvent évoluer en pycnides et même en spermogonies, — M. Zeiller montre, par l'examen des plantes fossiles rapportées du Transwaal par M. de Launay, que les Vertebraria, genre de fougères fossiles, ne sont autre chose que des rhizomes de Glossopteris. — M, Louis Mangin étudie la végétation dans une atmosphère viciée par la respiration. — M. E. Roze signale deux nouvelles bactériacées de la pomme de terre. — M. Bleicher a étudié les débris végétaux et les roches qui ont été recueillis pendant les sondages de la cam- pagne du Caudan, dans le Golfe de Gascogne (août 1895). Celles-ci sont des roches anguleuses appartenant à des formations sédimentaires ou non qui ne se retrouvent que dans la chaîne Cantabrique et dans les Pyrénées. J. MARTIN. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 31 Mars 1896, L'Académie procède à l’élection de deux correspon- dants étrangers dans la première Division (Médecine). MM. Leuckart (de Leipzig) et Wardell Stiles (de Washington) sont élus. — M. Panas insiste sur le fait que l’interception de communication entre lappendice et le cæcum constitue la cause primordiale de l’inflam- mation péritonéale dans l’appendicite, Il a montré que l’interception du cours des matières fécales, dans une anse d’intestin de poule ligaturée, provoque le passage de toxines irritantes dans le péritoine, d’où péritonite sans perforation, — M. Kelsch croit qu'on a peut-être exagéré le rôle de la contagion dans l’étiologie de la tuberculose ; il cherche à rappeler lattention sur le rôle des foyers tuberculeux latents, de l’auto-infection dans la genèse des affections tuberculeuses vulgaires. Ces foyers latents datent, le plus souvent, de l'enfance, et peuvent être expliqués par une infection congéni- tale. — M. A. Laveran insiste sur l’action préventive de la quinine dans la prophylaxie du paludisme: il indique de quelle facon cette substance agit probable- ment. Il discute ensuite les doses qu'on doit administrer et la forme sous laquelle l'absorption est préférable.— M. Vallin et L. Colin citent, à l’appui des opinions de MM. Laborde et Laveran, les bons effets obtenus par l'administration préventive de quinine aux soldats dans les campagnes du Dahomey et de Madagascar. Si la quinine n’a pas toujours empêché la fièvre, elle garantit complètement des accès pernicieux. — M. Le Roy de Méricourt signale, au contraire, des cas dans lesquels l'absorption préventive de sulfate de quinine en grande quantité n’a exercé aucune action, Séance du 7 Avril 1896. M. le Président informe l’Académie du décès de M. Semnola, corespondant étranger. — M. G.Lagneau analyse un ouvrage du D' Ridolfo Livi, intitulé : An- thropométrie militaire et reposant sur le dépouille- ment des feuilles sanitaires de près de 300.000 soldats italiens. Il serait désirable que de pareilles recherches de statistique anthropologique fussent faites en France ; elles rendraient de véritables services. — M. Laveran présente un rapport sur un travail de MM. les D' Vin- cent et Burot concernant le paludisme à Madagascar. Les auteurs arrivent aux conclusions suivantes : «Il est possible à l’Européen fonctionnaire, militaire, chef d'exploitation, de vivre à Madagascar, en se conformant strictement aux lois d’une sévère hygiène; mais les Européens colons et voulant exploiter par eux-mêmes le sol malgache, ne peuvent réussir à vivre et à s’ac- climater au pays; tout effort dans ce sens nous parait condamné par avance à la stérilité. » — MM. les D's Peyrot el Roger lisent un mémoire sur un cas d’abcès dysentérique du foie ne contenant que des amibes. — M. le D' Laussedat lit un travail sur les diarrhées épidémiques des villégiatures. — M. le D' de Gouvéà présente un mémoire intitulé : « Etude clinique sur les manifestations oculaires de la lèpre. » — M. le D'Gui- nard lit un mémoire sur le traitement de l’épithélioma de l’utérus et du vagin par le carbure de calcium. — M. le Dr Bilhaut présente un travail sur la luxation congénitale de la hanche. — M. le Dr Ducor lit un mémoire sur un cas d’actinomycose. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 7 Mars 1896. M. Kauffmann étudie la nutrition et la thermo- genèse chez les animaux normaux et diabétiques pen- dant le jeûne. L'animal diabétique émet sensiblement la même quantité de chaleur que l'animal normal. Toutefois, l’élimination azotée et l’élimination sucrée sont considérablement augmentées, par suite d'une plus grande oxydation de l’albumine, — M. Rénon a fait quelques recherches sur la couleur des spores de 126 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES l’aspergillus fumigatus soumises à divers traitements. — M. Lapicque à étudié l’action de la toxine diphté- rique sur le foie. — MM. Abelous et Biarnès ont recherché le pouvoir oxydant des différents organes ; il est Le plus marqué dans les organes glandulaires. — M. Contejean a étudié l'influence du travail muscu- laire sur lexcrétion azotée chez le chien à jeun et le chien alimenté; les courbes d’excrétion ne sont pas influencées, l'énergie n’est donc pas fournie par lali- mentation. — M. Carion envoie une note sur la dimi- nution des acides biliaires dans la bile incolore, Séance du 14 Mars 1896. M. Kauffmann, continuant ses recherches sur la formation et la destruction du sucre chez les animaux dépancréatisés, conclut que la formation du sucre est normale chez ces derniers, mais que la destruction et l’utilisation sont diminuées. Mais le sucre formé pro- venant en grande partie des albumines, il se peut que la perte d'azote ne soit pas parallèle à celle du sucre. — MM. d’Arsonval et Charrin ont déterminé la tem- pérature des viscères d’un animal fébriciant ayant reçu des injections de toxines. Le foie s’est trouvé l’organe le plus chaud. — M. Durante cite une observation de lupus tuberculeux qui s’est développé chez une femme ayant recu un coup de bec d’un moineau, mort depuis d’une aflection indéterminée ; il pense que l'oiseau était atteint de tuberculose localisée vers la commis- sure du bec. — M. Féré a recherché la toxicité des dif- férents alcools et des liqueurs ordinaires sur des œufs de poule en incubation. — MM. Weiss et Dutil com- muniquent leurs études sur les faisceaux neuro-mus- culaires. — M. Binet dépose une série de tracés mon- trant les modifications du pouls capillaire sous l'influence de la ponction, et aussi des actions ner- veuses vaso-motrices. — M. Lichtwitz envoie une note sur la fréquence et l'innocuité du bacille de Læffler sur la plaie opératoire après l’amygdalotomie électrother- mique. — M.S. Bernheim expose des recherches sur la sérothérapie de la tuberculose chez le lapin. — M. Pillon, après être parvenu à cultiver sur milieux spéciaux des leucocytes, a injecté à des cobayes le produit de culture et a constaté une légère hyperther- mie, — M. Sadoveanu a lraité avec succès une intoxi- cation due à la strychnine, par des injections sous-cu- tanées de curare, Séance du 21 Mars 1896. M. Lapicque est parvenu à reproduire expérimenta- lement un pigment particulier, qui colore en jaune brun le foie dans le diabète bronzé; c’est de l’hydrate ferrique pur. L'auteur propose de l’appeler rubigine, — MM. Pilliet et Baradue communiquent l’observa- tion d’une malade opérée d'hystérectomie vaginale à la suite d’une métrite parenchymateuse particulière. — MM. Carvalho et Athanasiu ont observé que l'in- jection intra-veineuse de peptone causait une dimi- nution considérable des globules blancs du sang, mais que les globules restants jouissaient d'une vitalité extraordinaire. — M. Linossier a constaté que la peau absorbait toute une série de corps volatils, en particu- lier le salicylate de méthyle, car, au bout d’une demi- heure, on retrouve de l'acide salicylique dans les urines, — M, Bourquelot croit que l’éther salicylique retiré de certaines plantes est le résultat de la décom- position d'un glucoside par un ferment soluble. — M. d’Arsonval, signale l’observation d’un crapaud mis en état de mort apparente par l’action d’un courant alternatif de 7.000 volts et ramené à la vie par les trac- tions rhytmées de la langue. — M. Féré relate l’obser- vation d’un chien atteint d’épilepsie procursive: — M. Grimbert est élu membre de la Société. Séance du 28 Mars 1896. M. Remlinger a étudié un cas de paralysie de Lan- dry dans lequel les cornes antérieures de la moelle contenaient des chainettes de streptocoques, — M. Weiss a étudié les lésions des muscles produites par les courants continus sur la grenouille et le cobaye; … les lésions peuvent être graves et aboutir à l’atrophie musculaire. — M. E. Toulouse a {railé un individu atteint d’une crise de delürium tremens par le sérum de chiens fortement alcoolisés ; après trois injections, les accidents avaient disparu. On peut objecter que le seul repos a agi beaucoup en vue de la guérison des acci- dents, mais l’auteur pense que le sérum des animaux alcoolisés peut avoir une certaine influence sur l’'al- coolisme aigu, — M. Claisse signale un cas de bron- chite membraneuse chronique liée à la présence de streptocoques, et guérie par l'injection de sérum anti- streptococcique de Marmorek. — M. Sadowsky décrit les lésions des centres nerveux produites par compres- sion des filets nerveux périphériques, — MM. Mairet et Bosc envoient deux notes relatives aux effets sur les épileptiques de l'extrait de glande pituitaire du bœuf et de l'extrait glycériné du rein. — M. Dastre expose le résultat de ses recherches sur la coagulation du sang par les propeptones. — M. Contejean a cons- taté que, dans le diabète produit par injection de phlo- rydzine, le sucre se produit aux dépens de la graisse et non des albuminoïdes. — M. Féré étudie l'influence des parfums et essences sur les embryons de poulet, SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 4 Mars 1896. M. Lespieau, par l’action du cyanure de potassium sur le dibromopropène, a obtenu un nitrile distillant sous pression réduite. Ce composé, saponifié par l'acide chlorhydrique, donne un acide fondant à 58-599, répon- dant probablement à la formule : CHBr = CH — CH? — CO?H. — M. Charon a obtenu, en réduisant l’aldéhyde croto- nique en solution acétique par le couple zinc-cuivre, 1 °/, environ d'aldéhyde butylique, 25 °/, d'alcool crotonylique, bouillant à 122-123° sous la pression ordinaire, et 50 à 60 °/, d'un glycol non saturé de for- mule : CH5—CH=CH—CHOH—CHOH —CH—CH—CHS, bouillant à 122-123 sous 9 millimètres, fixant 4 atomes de brome en donnant une tétrabromhydrine d'une diméthylhexite répondant à la formule : CH5—CHBr—CHBr — CHOH— CHOH — CHBr—CHBr—CH3 Ce glycol donne, si on le chauffe en vase clos à 140- 1500 avec l’anhydride acétique, une diacétine bouillant à 133-134° sous 11 millimètres. L'auteur poursuit l'étude de ces différents corps, Séance du 13 Mars 1896. M. Maumené applique sa théorie générale au carbure de manganèse; il discute les résultats obtenus et ré- cemment publiés par M, Moissan sur ce sujet. — M. Valeur a essayé l’action de l’éthylate de sodium et de la potasse alcoolique sur le diiodoforme. Dans le premier cas, on obtient l’acétylène diiodé de Bayu, dans le second le triéthoxyiodoéthène, liquide cristallisant dansle chlorure de méthyle.—M. Arnaud étudie la même question et notamment l’action de l’acétate d’argent sur l’éthylène tétraiodé. — MM. A. Gautier et H. Hé- lier ont étudié les conditions réglant et limitant les combinaisons des corps. Ils ontopéré sur des mélanges gazeux, les seuls qui permettent de poursuivre ce genre d’études dans des conditions pratiques. Les auteurs communiquent les résultats qu'ils ont obtenus avec l'hydrogène et l'oxygène. Nous n'entrerons pas dans la description de l'appareil ingénieux dont ils se sont servis. L'eau commence à se former à 1800. On peut, vers 200°, en doser la quantité formée, L'explosion dans les conditions d'expériences des auteurs ne se produit qu’à 840°, Au point de vue du temps nécessaire à la propagation de la réaction on constate, à 300° main- tenus constants, que les quantités d’eau formées aug- mentent proportionnellement au temps jusqu'à la treizième seconde; entre la treizième et la seizième seconde, le titre en eau augmente rapidement. À ce moment la limite de la réaction est atteinte : le mélange gazeux renferme 38 d’eau pour 1000 de mélange tonnant. La durée de chauffe ne peut plus modifier cet état, Avec les différents gaz et aux diverses (températures, on constate des phénomènes analogues. Donc, à tempéra- ture constante, le produit formé par combinaison de deux gaz limite la tendance de ces gaz à se combiner. Les limites de combinaisons s'élèvent avec la tempéra- - ture. — A propos de la communication précédente, M. Riban rappelle qu'il a observé autrefois la grande facilité avec laquelle l'hydrogène s’unit à l'oxygène combiné, à température relativement basse, en rédui- sant les oxydes. Par exemple en vase clos l’oxydule et l’oxyde de cuivre sont réduits par l'hydrogène à 170°; pour l’oxyde de mercure, la réaction commence à 150°; le nitrate d'argent est transformé dès 175° en argent métallique et oxyde azotique. — Par l’action du phos- phore sur le sulfure d’étain, M. Granger a obtenu un sulfo-phosphure de formule Sn#P?$2 — SnP? + 2Sn$. C’est un corps brun, bien cristallisé. M, Granger donne de plus une méthode d'analyse permettant de séparer exactement l’étain des acides sulfurique et phospho- rique. — M. Béhal rappelle les recherches de M. Guer- bet sur l’isocampholène et l’obtention par ce dernier d'hexahydropseudocumène par l'aetion de l'acide iodhydrique. Dans le but de déterminer la constitution de l’isocampholène et de voir si dans l'expérience de M. Guerbet il ne s'était pas produit de transformation moléculaire, M. Béhal a eu recours à l'oxydation par l’acide nitrique. Il se forme surtout de l'acide diméthyl- succinique dissymétrique et un acide fondant à 134136° et dont l'analyse conduit sensiblement à la formule C°HSOS, À 190° cet acide perd de l'acide car- bonique et donne un anhydride liquide, qui par l’eau redonne un acide de formule CSHIO*, E. Cnarox SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 3. Norman Lockyer., EF, R.S.— Sur le nou- veau gaz extrait de l’'uraninite (4° note). — De nou- velles recherches sur les gaz obtenus en chauffant la brüggerite ou l’euxénite dans le vide ont révélé, dans leur spectre, la présence d’une importante ligne dans l'infra-rouge. Par comparaison avec le spectre solaire, la longueur d’onde de cette ligne a été déterminée et trouvée égale à 7065. IL est fort probable que cette nouvelle ligne coïncide avec la ligne chromosphérique indiquée dans la liste de Young avec une fréquence de 100 et une longueur d'onde de 7065,5 (échelle de Row- land). Il en résulte que, à part les lignes de l’hydro- gène, toutes les lignes chromosphériques de la table de Youg, ayantune fréquence de 100, ont été retrouvées dans le spectre des nouveaux gaz. Ce sont les lignes : 7065,5; 5875,98 ; #471,8. La ligne coronale 5316,79 indi- quée par Young dans une revision de sa liste comme ayant aussi une fréquence de 100, n’a pas encore été observée dans un laboratoire. SOCIÉTÉ PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 13 Mars 1896. M. Reeves : Addition au pont de Wheatstone pour la détermination des faibles résistances. L'appareil dé- crit peut être employé à la mesure de la résistance de longueurs d’un mètre de fil peu résistant; le seul ap- pareil additionnel est un galvanomètre sensible, une boîte de résistance de la forme du Post-Office, et un pont d’un mètre. Il diffère du pont ordinaire de lord Kelvin, en ce que, au lieu d’équilibrer le pont en mo- difiant la longueur du fil étalon entre deux contacts, on maintient constante la distance des contacts, comme aussi la longueur du fil qui est à mesurer, et on ob- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 427 tient l'équilibre en altérant les autres résistances du réseau. On peut déterminer ainsi la résistance d’un mètre de câble de cuivre avec une exactitude de 0,1 0/,. — Le secrétaire lit une communication de M, Puluj sur les « rayons de cathode ». M. Puluj présente quelques photographies de Rôntgen, faites avec une forme de tube de Crookes qu'il a décrite dans un mémoire pu- blié en 1889, Avec ce tube, il a réussi à obtenir des impressions avec des poses de deux secondes. M. Puluj pense que les particules de matières arrachées de la cathode, et qui transportent des charges électrosta- tiques négatives, égalisent leurs charges par le choc sur les parois de verre ou sur les écrans, et que cela provoque, non seulement une perturbation des molé- cules matérielles, mais encore une perturbation de leurs enveloppes d’éther. Chaque partie du verre ou de l’écran, bombardée par les rayons cathodiques, de- vient le point de départ d'ondes d’éther, qui, suivant leur période d’oscillation et le caractère de ces oscil- lations, sont des rayons visibles (phosphorescence) ou des rayons invisibles de Rüntgen, Les oscillations des rayons invisibles peuvent avoir lieu dans la direction longitudinale, mais on n’a donné aucun argument dé- cisif pour appuyer cette manière de voir. — MM. Ack- royd et Knowles : Sur la perméabilité aux rayons de Rôntgen. Les auteurs exposent une plaque sur laquelle ont été placées un certain nombre de pièces de métal, d’oxydes et de sulfates qu’on a exposées aux rayons de Rôüntgen, pour voir si la perméabilité des corps à ces rayons dépend du poids atomique ou du poids molé- culaire. Dans tous les cas, on a trouvé que l’opacité croit avec le poids moléculaire. — M. Blakesley dit qu'il considère les rayons de Rüntgen comme étant la propagation d’une tension électrostatique à travers l’es- pace. En ce qui concerne la non-réfrangibilité de ces rayons, il a observé, dans une des photographies pré- seutées par M. Swinton, une raie obscure à côté de l’ombre d’un crayon de bois, et elle pouvait être due à la réfraction des rayons à travers le bois. M. Blakes- ley a, cependant, trouvé que cette raie était due au vernis du bois. Des photographies de Rüntgen, de barres de quartz et d'ébonite, non seulement ne pré- sentent pas ces raies noires, mais il y avait, juste à la limite de l’ombre, une raie brillante qui indiquerait que la réfringence de ces rayons est moindre dans ces baguettes que dans le milieu environnant. — M. Edser montre des photographies faites avec un tube de la forme adoptée par M. Jackson, où l’on emploie une ca- thode concave. L’ensemble du tube est phosphorescent, depuis le côté de la cathode jusqu’à la plaque qui sert d'anode, de sorte que les rayons de Rüntgen participent aux propriétés de la lumière diffuse. — M. Ayrton dit que M. Jackson a trouvé que les rayons cathodiques forment un faisceau parallèle, et qu'ils ne viennent pas former d’abord un foyer, d’où ils divergeraient ensuite. — M. Blakesley décrit le tube employé par M. Puluj, dans lequel un écran de mica, recouvert de sulfure de calcium vert, est placé entre la cathode et l’anode, — M. Gardner dit qu'il semble y avoir quelque confusion, car lorsqu'on emploie une cathode concave, les rayons cathodiques convergent à un foyer d’où ils divergent ensuite. La phosphorescence du côté intérieur du verre a été montrée, par Lenard, être due à de l'électricité qui chemine autour de la surface in- térieure du verre. — M. Pidgeon demande si l’on a essayé l’effet obtenu, en placant la couche photogra- phique sensible sur une plaque de métal.— M. Carey- Foster dit que le capitaine Abney a trouvé qu'il n'y à aucune action quand la couche est disposée sur une plaque de fer. — M. Perry pense que les rayons de Rüntgen sont de nature ondulatoire. M. Larmor a donné une explication qui semble d'accord avec les faits ob- servés. Elle suppose que l'espace intermoléculaire ré- pond à des vibrations d’une certaine fréquence. La raison de l'absence de réfraction et de diffraction est probablement due à l'extrême petitesse de la longueur d’onde de l'ondulation. CORRESPONDANCE ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Communications récentes. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES.— M. Pizzetti : Sur un point de la théorie de Laplace relative à la figure d'équilibre d'une masse fluide en rotation. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Blaserna : Sur les rayons découverts par M. Rüntgen. — M. Tacchini : Observa- tions solaires faites à l'Observatoire du Collège Romain, pendant le 3° trimestre de 1895. — M. Roïti : Expérien- ces exécutées avec les tubes de Crookes. — MM. Sella et Majorana : Recherches sur les rayons X. — M. Pettinelli: Sur la conductibilité électrique des flam- mes en relation avec la nature des électrodes, — M. Paterno : Mouvelles recherches sur l'emploi du phénol en cryoscopie. — MM, Ciamician et Silber s'occupent de la constitution des alcaloïdes de la grenade. 3° SCIENCES NATURELLES. — M, Capellini donne la des- cription d’une caverne découverte près de Spezia, dans laquelle se trouvent de très belles stalactites et des ossements fossiles ayant appartenu à l'Ursus spelaeus et à un autre ours plus petit, identique à celui que M. Gaudry a trouvé dans une caverne des Pyrénées. — M. Tolomei expose le résultat de ses recherches sur la fer- mentation des olives et sur l'oxydation de l'huile. — M. Dutto présente des photographies, obtenues avec les rayons X, d’une main de cadavre, à laquelle on avait injecté dans les artères un mélange de plâtre ; le système artériel devient de cette manière parfaite- ment visible. Séances de Mars 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Bianchi : Sur une classe de surfaces reliées aux surfaces pseudosphéri- ques. — M. Volterra : Sur l'inversion des intégraux définis, — M. Enriques: Surfaces algébriques dont les courbes canoniques sont hyperelliptiques. — M. Pas- cal: Sur un théorème de M. Netto, relatif aux détermi- nants et sur un autre théorème analogue au précédent, — M, Tacchini : Sur un nuage observé en 1896 près du Soleil. — Sur l’insolation à Rome de 1887 à 1895, — M. Millosevich : Observations de la comète Perrine et Lamp-Perrine exécutées à l'Observatoire du Collège Romain. — M. Peano : Sur le mouvement du pôle terrestre. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Righi : Sur la disper- sion de l'électricité par les rayons Rüntgen, et sur la formation des ombres Rôntgen au moyen de la disper- sion électrique. — Sur les directions d’extinction rela- tives aux ondes électriques dans les cristaux de gypse. — M. Roiti : Expériences avec les tubes d’Hittorf etles rayons X. — Le lieu d’émanation des rayons X. — M. Viola : Méthode pour déterminer l'indice de réfraction de la lumière d’un minéral dans les lames très minces. MM. Sella et Majorana : Recherches sur la vélocité des rayons Rôntgen. — MM. Fontana et Umani: Aclion du tube de Crookes sur le radiomètre. — MM. Ampola et Rimadori : Action de la dyméthylaniline dans les recherches cryoscopiques. — M. Garelli : Sur les solu- tions du phénol dans le benzol. 39 SCIENCES NATURELLES . — M. Ugolino Mosso donne la description d'un appareil inventé par son frère, le professeur A. Mosso, pour déterminer l’acide carboni- que produit par la respiration de l’homme ; etil présente les résultats des recherches exécutées avec cet appareil sur le Monte-Rosa, — M. Dutto étudie l'influence quela musique manifeste sur la production de la chaleur dans les animaux. — M. Lo Monaco a fait des recherches sur l’action physiologique de quelques dérivés de la santonine. — MM. Taramelli et Corradi : Les tremble- ments de terre à Spoleto en 1895. — M. Tommasi s'occupe de la récente découverte de fossiles dans le calcaire à Bellerophon de la Carnie. Ernesto Mancrnt, CORRESPONDANCE SUR LA PATHOLOGIE DES OUVRIERS VERRIERS ! Monsieur le Directeur, Vraiment je n’avais pas imaginé que mon article sur l'Hygiène des Verriers püt devenir l’occasion d’une polémique, et je reste tout surpris de la petite émotion que manifestent MM. Damour et Guéroult ?. J'avais lu leur beau travail avec un vif intérêt et j'ai constaté là, une fois de plus, les progrès réels faits par l'industrie de la verrerie non seulement au point de vue indus- triel, mais aussi au point de vue de l’Hygiène; — j'y ai retrouvé un éloge mérité du procédé de M, Appert, qui ne pouvait être nouveau pour moi, qui l'avais fait tant de fois depuis 1886 et particulièrement deyant des jurys d’'Exposition, soit en France, soit à l'Etranger. Seulement, je ne pouvais pas songer à dire que Pemploi de l'air comprimé était général, et, puisque le soufflage à la bouche est encore pratiqué, il me fal- lait bien constater les joues cassées, et l’'emphysème, et tout ce que les hygiénistes qui se sont occupés des verriers ont constaté avant et après moi. Il ne saurait y avoir de discussion sur ce point : le soufflage à l’air comprimé est un grand progrès,et il est désirable qu'il soit partout appliqué quelque jour; mais il ne l’est pas aujourd’hui et les joues des ouvriers sont cassées par suite de la dilatation du canal du Stenon, et ils ont de l’emphysème assez souvent, bien que le D' Amiend, qui semble avoir étudié avec soin la ques- tion, dise que l’emphysème n’est pas beaucoup plus fréquent chez les verriers que chez d’autres ouvriers. 1 Cette lettre ayant été adressée au directeur de la Revue, alors qu’il voyageait en Tunisie, n’a pu, en raison de cette circonstance, être insérée dans une livraison antérieure. ? Emxio Damour et G. Guérouzr : Sur l'hygiène des verriers : (Revue générale des Sciences du 29 février 1896, page 236). Paris. — Imprimerie F, Levé, rue Cassette, 11. : D'autre part, tant que le soufflage à la bouche ne sera pas complètement remplacé, le danger de trans- mission de la syphilis existera dans une certaine me- sure; c’est l'évidence même, et il ne sert à rien de | nier le danger parce qu'on n’a pas eu l’occasion de constater d'accident; — dire que cet accident est rare, comme le fait le D' Amiend, c’est constater, comme je l'ai fait précisément dans mon article, qu’il est moins fréquent qu'autrefois, et il n’est pas douteux que les éminents médecins lyonnais : Diday, Rollet, Viennois, en signalant le mal, ont contribué à en diminuer la fréquence. Mais, tant que le danger est possible, c'est un devoir pour l’hygiéniste de le signaler. Ainsi ai-je fait, tout simplement et sans commentaires, dans un article qui n’est qu'un court résumé d’un travail plus long que je prépare. — J'ai aussi donné, sans commen- taires, les prescriptions légales, en prenant bien soin de dire que beaucoup d'usines n'avaient pas attendu les lois pour prendre les précautions hygiéniques qu'elles conseillent. Certes, il y a des industries plus insalubres que la verrerie, —et il y en a aussi de plus salubres. Je n'avais pas à établir de comparaisons. Si cette grande et belle industrie est en réel pro- grès au point de vue de l’Hygiène, comme je lai dit plusieurs fois en diverses circonstances, tout n’y est pas parfait cependant, et peut-être le travail de MM. Damour et Guéroult est-il, comme ils pensent eux-mêmes, un peu vptimiste; mais j'ai trouvé, à la lecture de leur étude, trop de plaisir et de profit pour songer à le leur reprocher. Agréez, etc. Dr Henri Napras Membre du Comité Consultatif d'Hygiène publique. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER ++ : 7° ANNÉE N°: 9 15 MAI 1896 ———_—_—_———— REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 639 LE RÉGIME DE LA SARDINE PROGRAMME POUR LE DÉTERMINER Malgré l’exiguilé de ses dimensions, la sardine, un de nos plus minuscules poissons comestibles, constitue la matière première d’une indusirie im- portante, au sort de laquelle sont suspendues des milliers d’existences. De son abondance dépendent et le bien-être de toute la population maritime du littoral compris entre les Sables-d'Olonne et Brest, et la prospérité de toutes les usines de conserves implantées sur ce littoral. Or, ainsi que l'exposait ici même, avec sa compétence habituelle en ces questions, mon excellent confrère et ami le docteur Roché!, cette abondance est soumise à des fluctua- tions parfois très étendues; en cerlaines années même, on l’a vue se transformer en une pénurie assez marquée pour entrainer après elle la disette et la ruine. La question de la sardine n’est donc pas seulement une question de biologie pure; elle constitue un point important d'économie sociale, dont les parties encore obscures recevront peut- être un jour leur éclaircissement de l'observation biologique. Je me propose justement ici de déter- miner quels sont les services que peuvent et que doivent raisonnablement attendre de la science la pêche et l’industrie sardinières. Rappelons brièvement, d’abord, les principaux traits de ce que le Professeur Pouchet appelait «le régime de la sardine ». Ce poisson apparait géné- 1 Rocné : La crise sardinière et les sciences biologiques “maritimes.Revue gén. des Sciences, 1895, t.1V, pages 308 etsuiv. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, ralement vers les mois d'avril ou de mai sur nos côtes atlantiques. A celte époque, il forme des bancs d’individus adultes de grande taille, aptes à la reproduction et chargés d'œufs ou de laitance parfaitement mûrs. La sardine qui présente ces caractères porte le nom de sardine de dérive; elle n'est point utilisée pour la fabrication des conser- ves et se vend aux expéditeurs qui l’envoient dans les villes de l’intérieur pour y être consommée à l’état frais. Au fur et à mesure que disparaissent ces individus reproducteurs, c’est-à-dire vers les mois de mai et de juin, dans les années normales, surviennent des bancs énormes de sardines plus petites, de taille généralement uniforme pour un même banc; celles-ci constituent la sardine de roque, la vérilable matière première de l’industrie sardinière. Or, toutes les variations possibles se produisent dans l'apparition de ces deux sortes de sardines. Tantôt la sardine de dérive se montre de bonne heure, pour disparaitre sans que lui succède de longtemps la sardine de rogue. Tantôt, au con- traire, la première se montre à peine, tandis que la seconde apparait de très bonne heure et pour de longs mois. De-ci de-là, tout disparait pendant des périodes variant entre six semaines et deux mois. L'on conçoit aisément quelle sollicitude inspire une malière première aussi fugilive et aussi incon- stante aux pêcheurs aussi bien qu'aux usiniers, el l’on ne peut s'empêcher de partager leurs inquié- tudes quand on pense qu'aucune base d’observa- 9 430 Lion, aucune donnée empirique ne leur permettent d'espérer le retour du poisson disparu ou la nou- velle venue de celui qui n’a pas encore effectué son entrée sur la scène. C’est qu'en malière de sardine nos connaissances biologiques sont bien faibles, surtout lorsqu'on se place au point de vue particulier que nous envisa- geons ici. Grâce aux palientes recherches de Cun- ningham, l’on peut aujourd’hui considérer comme certain que la sardine pond des œufs flottants disséminés dans les couches supérieures de la mer; tout au plus reste-t-il à cel égard un point de doute en ce qui concerne le degré exact de profondeur où flotte le plus grand nombre de ces œufs. Pou- chet et Biétrix ont, en effet, observé que l’œufmür de la sardine tombe au fond des vases où on le jette avec de l’eau de mer; mais, étant donné que leurs observalions n’ont porté que sur des œufs non fécondés, que Cunningham, au contraire, a suivi l’incubation, l’éclosion et le développement des larves jusqu'au dixième jour, l’on doit admetire ses conclusions, en réservant seulement la question du degré, probablement variable, de la profon- deur à laquelle vivent et se développent les œufs de cette espèce dans les conditions naturelles. En tous cas, ainsi tend à s’éclaireir un point forl im- portant pour la réglementation des pèches : celui de savoir si les engins trainants ne seraient pas nuisibles au développement de la sardine par les dégâts qu'ils occasionnent dans les fonds herbeux où l’on croyait ces œufs déposés. Tout au plus, peut-on supposer maintenant — non sans raison d'ailleurs — que la larve nouvellement éclose va chercher au milieu des algues un abri et des con- ditions d'existence indispensables à son dévelop- pement. Quoi qu'il en soit, il ne peut évidemment être question ni d'appauvrissement des côtes, de repeu- plement artificiel, ni de mesures de protection en faveur du jeune poisson. La sardine ne diminue point en nombre; car, dans celte hypothèse, la di- minulion en serail progressive, continue el non interrompue par des années d’abondance et même de surabondance extrême. Donc, pas de repeu- plement à tenter. Pour des raisons analogues, les mesures de protection, d'autant plusillusoires qu’on ignore complètement encore le #odus vivendi de l'espèce, doivent être forcément limitées à celles qui n'ont pour but que le maintien des conditions les meilleures pour la caplure du poisson existant. Que doit donc, dans une pareille situation, alten- dre l’industrie sardinière de la science biologique, qui ne peut ni lui fournir le poisson quand il lui fait défaut, ni même lui promettre sa venue pour une date, aussi éloignée ou aussi approximalive qu'elle puisse être? N'y aurait-il pas dans celle FABRE-DOMERGUE — LE RÉGIME DE LA SARDINE voie un plan de recherches à aborder et des don- nées praliques à acquérir ? L’on me permettra d'y répondre nettement par l’affirmative. Au point de vue purement pralique, en effel, la question se borne uniquement à déterminer les lois qui régissent les évolutions de la sardine, et toutes nos observations doivent tendre vers ce but. L'étude de son mode de reproduction, de ses mi- grations, si elle en effectue, de son hibernation n'aura jamais pour nous d'autre résullat que de nous aider à découvrir ces lois, mais nullement, je pense, à les modifier. Bien que strictement réduite à ces modestes, mais raisonnables proportions, l’étude de la sardine ne serail cependant pas sans présenter quelque intérêt pratique : car elle aurait pour résultat im- médiat de transformer chaque année l'incertitude de l’industrie sardinière en certitudes bonnes ou mauvaises et d’épargner à ceux qui en vivent bien des mécomptes et bien des pertes. | I Deux méthodes de recherches s'offrent à nous pour la détermination de ces lois. La première qui, de prime abord,semble la plus facile etla plussüre, consisteàéludierlesmœæurs du poisson dont on veut connaître les évolulions. Il semble très rationnel M de penser que la détermination exacte du genre de nourriture, du mode de reproduction, de mi- gration, etc., d'une espèce, doive permettre de pré- ciser à coup sûr les lois de son apparition et de sa disparition. Rien n'est plus trompeur cepen- dant et ne conduit plus rapidement à des théories. erronées. De telles recherches sont falalement unilalé= rales et entachées dès lors d'erreur originelle. Car l'esprit, impuissant à apprécier l'imporlance relalive des divers effets qu'il conslale, impuissant surtout à lier ces effets aux causes qui les pro=" duisent, se laisse fatalement entrainer à choisir une de celles-ci pour lui donner arbitrairement la prépondérance. Il en résulte des hypothèses, des systèmes, mais non de vérilables lois. Pour l'un, l'apparition de la sardine est subordonnée à celle de tel ou tel animalcule pélagique dont elle forme exclusivement sa nourriture; pour l’autre; elle est soumise aux variations de la tempéra= Lure ; pour un troisième, enfin, l'influence des vents prédomine sur toutes les autres. Je pour: rais continuer longtemps encore l'énuméralion de toutes les causes invoquées jusqu'à présent, pour expliquer l'effet dont on est unanime à CON=\ staler l'existence. Quoi qu’il en soit, l'observation prolongée ne tarde point à démontrer le peu de fondement de semblables hypothèses, et celles-ci disparaissent pour faire place à d'autres Lout aussi FABRE-DOMERGUE — LE RÉGIME DE LA SARDINE 431 peu rationnelles. Ce n’est pas à dire, cependant, que ni la nourriture, ni la température, ni le vent, n'influencent les évolutions de la sardine. La vérité esl que ces diverses causes agissent concurrem- ment, s'ajoutent ou se contredisent suivant la pré- sence d’autres causes encore, el que le mieux que nous ayons à faire est d’avouer notre impuissance à en saisir les véritables relations. La deuxième méthode d'observation est incon- testablement moins séduisante que la première, en ce sens qu'elle n'a pour base l'hypothèse arbi- traire d'aucune influence prépondérante. Si elle exige plus de continuité d'action, plus de patience et de temps, elle laisse du moins la parole aux faits. Cette méthode consiste à enregistrer passi- vement, et d'une façon rigoureusement parallèle, tous les phénomènes naturels susceptibles d'agir sur l'apparition du poisson que l’on veut étudier, sans attribuer à tel ou tel ordre de causes une prépondérance quelconque, à faire chaque année le bilan de toutes ces observations el à s’efforcer ensuite, par comparaison, d'en tirer des conclu- sions. Parmi les causes dont l’action doit avoir un re- tentissement sur la biologie des animaux marins, nous devons placer en premier lieu les variations physiques du milieu qui les entoure. Ces varia- tions sont fonction de la température, des vents, de la pluie, de la pression atmosphérique; elles relèvent en un mot de la méléorolgie. Aucune d'elles ne peut être négligée si l’on ne veut risquer d'obtenir incomplète et boiteuse la base sur la- quelle s’élèvera plus tard la loi dont nous cher- chons l'expression. Il est manifeste cependant que parmi ces variations les unes, telle que la tempé- rature, auront plus d'importance que d’autres, telles que l’hygrométrie et l’actinométrie; mais chacune de ces parties de la science météo- rologique constitue un trait indispensable à l’ensemble du tableau que nous voulons obte- nir, De même que celle de tous les animaux à sang froid, l'évolution de la sardine doit être étroite- ment subordonnée aux modifications de la tempé- rature, soit directement par l'influence qu'elle exerce sur Je développement de ses organes sexuels, soit indirectement par la production plus ou moins hätive des formes pélagiques dont se nourrit le poisson. On conçoit même que les chan- gements de température puissent n'exercer leur aclion qu’à plusieurs semaines ou à plusieurs mois d'intervalle, et qu'un hiver tardif, comme celui que nous venons de traverser par exemple, ait pour effet, en dépit de la température estivale normale qui lui fait suite, un retard proportionnel dans la manifestation de certaines fonctions vilales des animaux, par suite, un retard dans leur régime habituel. Par conséquent, l'observation devra porter sur des courbes de température prises non seulement durant la période d'apparition de la sardine, mais aussi durant celle qui précédera celle-ci ou mieux durant loute l’année. Tenant compte de certaines observations dignes d'intérêt, il serait indispen- sable dereleverconcurremment les températures de l'air, celle de l’eau en surface et celle de l’eau pro- fonde pour les comparer entre elles suivant les moditicalions saisonnières et suivant l’action des marées inscrites au marégraphe. Les courants aériens enregistrés par la girouette et l’anémomètre montreront probablement alors, par comparaison avec les courbes de température et les évolulions de la sardine, des relations inté- ressantes qui nous échappent quand nous n’envi- sageons qu'isolément leur rapport avec ces évo- lutions. Un autre facteur, d’une importance extrême tant par son action sur la forme pélagique que sur celle du poisson lui-même, doit être l’objet d’une atten- tion particulière. Je veux parler de la quantité d’eau douce déversée par la pluie à la surface dela mer et des différences de densité très sensibles qui en résultent pour les eaux de celle-ci au voisi- nage de la côte; différences dont l’aclion est va- riable suivant le degré d’agitation des flots. Cette donnée est fournie d’une façon précise par le plu- viomètre enregistreur. Comme indications complémentaires, enfin, les indications d’un hygromètre, d’un baromètre, et d'un actinomètre viendraient compléter ces fais- ceaux d'observations météorologiques. IT Il nous reste maintenant à enregistrer les mou- vements de la sardine elle-même et des orga- nismes dont la présence ou absence ont une in- fluence sur ses évolulions. Le premier point serait extrêmement difficile à réaliser si nous ne possédions, créé depuis plus de vingt ans déjà, un véritable indicateur des mou- vements de la sardine sur nos côtes atlantiques. Le « Bulletin des Pêches » paraît régulièrement à Nantes tous les jours à partir de l’ouverture de Ja campagne et nous indiquera, pour tous les ports, la taille et le nombre par bateau des poissons cap- turés. Quant à la détermination quantitative et qualita- Live de la faune pélagique, plancton, des pèches au filet fin, effectuées suivant les procédés les plus rigoureux, Lels que celui préconisé par M. Biétrix et employé depuis longtemps au laboratoire de Concarneau, permettraient de comparer aisément 432 FABRE-DOMERGUE — LE RÉGIME DE LA SARDINE la faune pélagique à l'examen journalier du contenu de l'estomac d'un certain nombre desardines. A ceux qui pourraient m'objecter que dans ce programme derecherches, la sardine tientune bien petile place, que je netiens compte nide ses mœurs ni de son mode de reproduction, je répondrai que ces données ne nous sont pas, dans le cas parti- culier, essentiellement uliles ; qu'on ne pourrail les négliger en tant que phénomènes accessoires, mais que nous pourrions nous en passer à la rigueur, n’était leur intérêt biologique pur. Qu'im- portent le lieu où se rend la sardine pendantl'hiver, si nous ne pouvons espérer l'en faire revenir à volonté, la manière dont elle pond ses œufs si nous n'avons ni le moyen de les protéger ni le besoin de les recueillir? Laquelle des deux obser- valions sera la plus immédiatement, la plus pra- tiquement utilisable, celle qui nous fera connaitre dans tous ses détails les évolutions de la sardine, ou celle qui nous indiquera les causes de ses évolutions en nous permettant de les prévoir ? Il y a là, comme on le voit, tout un plan de re- cherches à peine ébauché, partiellement esquissé dans certaines de ses parties, mais qui, pour êlre vérilablement utile, demande à être réalisé dans son ensemble. À ce prix seulement, on pourra espé- rer découvrir les lois qui régissent l’évolution de la sardine et faire par conséquent œuvre utile pour l'industrie qui en vit. III Pour avoir leur véritable signification, les obser- valions météorologiques et biologiques relatives à la sardine doivent êlre prises au centre même de son champ de pêche et pour ainsi dire en pleine mer. Si l'on veut bien se reporter à la carte des pèches maritimes dressée par M. Roché ', l'on verra que ce poisson fréquente toute la partie des cûtes de l'Atlantique comprise entre Tréguier et la fron- tière franco-espagnole, ainsi que la côte méditer- ranéenne ; mais l’on constatera également qu'il n'est utilisé industriellement que de Brest à La Rvchelle. Dans toule la région comprise entre ces deux points, les pêcheurs se consacrent exclusive- ment à l'industrie sardinière du mois de mai au Voyez dans la Revue générale des Sciences l'article de M. G. Roché, intitulé : L'Industrie des Pêches maritimes en France, Consultez fa carte de la page 118, n° du 15 février 1895. t. VI. mois d'octobre, et c'est là que l'étude de la sardine prend toute son importance. La station méléoro- logique et biologique devant se trouver située en un point quelconque de ce littoral, et, autant que possible, en pleine mer, il nous reste à nous de- mander quelle localité se prêterait le plus favora- blement et le plus économiquement à son installa- lion. Pour lous ceux qui ont suivi dans ces dernières années le mouvement des études sur le littoral de la France, la question se résout d'elle-même el l'esprit évoque involontairement le souvenir du regrellé Directeur du laboratoire de Concarneau, M. Georges Pouchel. Des premiers, en effet, il avait senti tout l'intérêt qui s'attache à l’étude de la sar- dine, et c’est faire acte de justice que de rappeler ici ses importants travaux sur la question. Mais le laboratoire de Concarneau, logé au fond d'une baie profonde et calme, ne ressent que de très loin les impressions de l'Océan. C'est plus au large, dans le pittoresque archipel des Glénans, qu'il nous fau- drait aller chercher les données nécessaires à de fructueuses observations. Là, point ne serait besoin de coûteuses constructions élevées à grand'peine. Le fort Cigogne, annexe gracieusementconcédée au Laboratoire par le Ministère de la Marine, y offre tous les éléments du meilleur laboratoire de mé- téorologie. Seule l'installation des quelques appa- reils enregistreurs constituerait une dépense un peu importante, el le mélérographe ainsi constitué trouverait dans le laboratoire lui-même le person- nel nécessaire pour en assurer le fonctionnement. Peul-èlre trouvera-l-on que je fais ici un peu bon marché de la Biologie pour donner le pas à la Météorologie. Telle n’est cependant point ma pensée. Les observations biologiques poursuivies parallèlement à celles dont je viens de tracer suc- cinctement le plan font depuis longtemps partie du programme du laboratoire de Concarneau et se complèteront rapidement, je l'espère, sous l’actives impulsion des mailres qui en ont assumé la direc- tion : mais, ce qui m'a inspiré ces lignes, c'est la conviction profonde que la science est une et que vouloir la départager en sections étrangères les unes aux autres, c'est en méconnailre le caractère essentiel et nous priver volontairement de nos meilleures méthodes d'observation. Fabre-Domergue, Docteur ès sciences, Directeur ajoint du Laboratoire de Zoologie maritime de Concarneau V. DWELSHAUVERS-DERY — LA MARCHE ÉCONOMIQUE DES MACHINES À VAPEUR 133 621,1 LES NOUVELLES EXPÉRIENCES DE M. B. DONKIN SUR LA MARCHE ÉCONOMIQUE DES MACHINES A VAPEUR M. B. Donkin, le célèbre ingénieur anglais dont on connail les beaux travaux relatifs à la tempé- rature des parois des cylindres à vapeur ef à l’in- fluence de cette température sur la marche écono- mique des machines, vient de faire, en ces dernières années, une série d'environ 150 expériences sur une même machine fonctionnant dans des condi- Lions variées ; son but était d’accumuler des données solidement établies sur le mode d'action et l'impor- tance de certains éléments tels qu'enveloppes, surchauffe, vitesse, degré de détente, etc. Ses résultals sont classés et résumés sous forme de tableaux et de diagrammes très clairs et très instruelifs, accompagnés d’un mémoire fort concis, publié dans les Proceedings of the Institution of Mechu- nieul Engineers de Londres, en 4895. Ce document remarquable mérite d’être compulsé par ceux qui s'occupent de l’élude expérimentale de la ma- chine à vapeur; nous ne pouvons en donner ici que les traits principaux el notamment les conclu- sions. I Pour procéder à ses recherches, M. Donkin construisit un moteur à vapeur spécial, disposé de manière à ce qu'il püt y changer à volonté un seul élément à la fois, celui dont il voulait étudier l'intluence, ou plusieurs ensemble. C'était une machine verticale, type pilon, avec le cylindre en dessus et l’arbre du volant en dessous, pourvue d'un condenseur par surface et d’un frein à cäble, simple, mais suflisant. Le piston avait un diamètre de O m. 152% el une course de O0 m. 2032. Sans particularité remarquable au point de vue de la construction courante, ce moteur se distinguail comme machine expérimentale par plusieurs traits dignes d’être notés. La distribution, du système Mayer, se faisait par tiroirs superposés, de deux pièces chacun, avec la possibilité de faire varier l'admission de 1 à 18 vingt-quatrièmes de la course, en conservant de chaque côté le même degré d'admission, malgré l’obliquité de la bielle, con- dition essentielle, mais rarement réalisée dans les machines expérimentales. De plus, la disposi- tion des pièces était symétrique, de manière à rendre pratiquement égaux les deux coups de piston. On pouvail faire fonctionner la machine à simple et à double effet à volonté. Il y avait deux cylindres : l’un servant pour les essais sans enve- loppe et qui n'élait pas pourvu de cel organe, mais simplement muni d'un vêtement calorifuge ; l’autre, qui avait lrois enveloppes séparées, que l’on pouvait réunir au besoin, une à chaque cou- vercle, une à la partie cylindrique. Chacune de ces enveloppes avait son drainage à part, pouvant être pesé à part; et même l'enveloppe cylindrique verticale avait deux drains, l’un pour recueillir l’eau condensée sur le pourtour de la paroi métal- lique du cylindre à vapeur, l’autre sur le pourtour de la paroi externe de l’enveloppe exposée au rayonnement extérieur. Ces enveloppes pouvaient recevoir de la vapeur ou de l'huile ou de l'eau, ou même être mises en communicalion avec le con- denseur. Sur l’enveloppe cylindrique étaientadaptés un manomètre el un robinet à air pour purger. Le couvercle de la chapelle était enfin pourvu d'une enveloppe avec drainage spécial. Sous la partie horizontale de la colonne à vapeur, une rampe de becs à gaz permettait de surchauffer la vapeur de 6° à 40° suivant les cas. La chaleur dépensée à cet effet n'élait pas mesurée; on n’observait que le degré de surchauffe au moyen d’un thermomètre placé près du cylindre, immédia- tement après le purgeur de la colonne à vapeur. Suivant sa méthode, M. Donkin avait placé des thermomètres à différents endroits des parois métalliques et tout le long du parcours de la vapeur, dans la chapelle, dans l'enveloppe cylin- drique, au tuyau de décharge, à la chambre à vapeur du condenseur par surface. Le condenseur fonctionnait dans tous les essais; seulement, pour les essais dits sans condensation, on ouvrait un robinet qui établissait la contre-pression à une atmosphère. L'eau provenant de la condensation de la vapeur était envoyée par la pompe à air dans un réservoir placé sur le plateau d’une balance de précision avertissant les observateurs quand la consommation était de 22 k. 680 (ou de 50 livres). Cette consommation correspondait à-un essai; tous les essais étaient faits en double et on prenait la moyenne de chaque couple, à moins qu'il n'y eût de trop fortesdissemblances, auquel cas l'essai était rejeté et recommencé. La consommation d'eau de circulation était mesurée par jaugeages successifs dans deux bacs; les températures de cette eau, à l'entrée et à la sortie, étaient déter- minées au moyen de thermomètres. Tous les pistons, soupapes, condenseur, elc., élaient vérifiés tous les deux ou trois jours pour s'assurer de leur étanchéité. 434 V. DWELSHAUVERS-DERY — LA MARCHE ÉCONOMIQUE DES MACHINES A VAPEUR EEE IT Le but principal des expériences était de con- stater les effets d’un abaissement ou d’une xhausse- ment de la température des parois métalliques du cylindre, ainsi que ceux d'un plus ou moins grand abaissement de la température de la vapeur dans le cylindre à l'entrée et à la sortie. Les expériences ont montré que les résultats économiques étaient surtout influencés par la température des parois. Dans certains cas, la chute de température de la vapeur élait maintenue constante, landis qu'on faisait varier la température du métal; dans d'autres on établissait des conditions contraires, afin de comparer les résultats. On variait aussi, d'autre part, le fonctionnement de la vapeur : avec ou sans enveloppe; avec ou sans condensation; avec ou sans surchauffe; à simple ou double effet; à divers degrés de détente dans chacun de ces cas, afin de déterminer pour chacun d'eux le degré de détente le plus économique. L'influence de la vitesse, étudiée à fond par Willans, a été aussi l'objet de l'attention de M. Donkin. Sa machine fonctionnait moyennement à raison de 220 tours par minute ; mais, dans cer- tains essais, toutes choses égales d’ailleurs, elle a marché à 110 tours. La vapeur était fournie par la chaudière de l'usine, où sa pression était de 5 kg. 25: mais la pression étail réduite en général à 4 kg. 55 près de la chapelle; dans quelques cas seulement à 2 kg. 27. M. Donkin employait un indicateur de Crosby, unique, avec un seul tuyau de raccord aux deux extrémités du cylindre, et un robinel qui mettait à volonté l’une de ces extrémités en communication avec l'instrument. L'expérience, faite d’abord avec deux indicateurs, avait montré qu'il n'y avait pas de différence appréciable, sans doute parce que le tuyau était court, environ 0%,95, et qu'il était très bien protégé contre le rayonnement. Comme la tige etla contre-tige du piston avaient le même diamètre, les diagrammes pouvaient êlre directement com- parés. Les espaces morts étaient sensiblement les mêmes aux deux extrémités. Leur volume et leur surface avaient été évalués avec le plus grand soin. Dans l'étude de ses essais, M. Donkin rapporte les condensations initiales de la vapeur à l'unité de surface touchée et à l'unité de temps; et il prend les moyennes des surfaces découvertes par le pis- ton pendant l'admission dans l'hypothèse que le mouvement de rotation de la manivelle est uni- forme. En outre, il appelle range of temperature ou chute de température de la vapeur dans le cylindre la différence entre la température de la vapeur à l'entrée dans la chapelle, suréhauffe com- prise s'il y a lieu, et sa lempérature dans le tuyau de décharge. Toutes les expériences ont été faites sur un plan uniforme afin d'obtenir des résultats comparables. La durée de l'essai étaitmoyennementde 40 minutes, temps nécessaire pour remplir deux fois le réser- voir de la balance contenant 22 kg. 68 (50 livres); les 20 premières minutes d'essai servaient au con- trôle des vingt suivantes. Toules les cinq minutes, on levait un diagramme d'indicateur au-dessus el un en dessous ; on observait la pression de la vapeur près de la chapelle et dans l’enveloppe, ainsi que dans le condenseur, enfin le comple-tours ; Loutes les deux minutes : les températures de la vapeur surchauffée, de l’eau au sortir de la pompe à air, des parois du cylindre et de l'enveloppe, de la vapeur évoluant dans le cylindre aux différents points indiqués ci-dessus; toutes les dix minutes: la température iniliale de l’eau de circulation, ainsi que le ressort du frein ; toutes les minutes enfin: la température finale de l'eau de circulation. M. Donkin a fait quelques essais de plus longue durée, d'environ trois heures, qui ont confirmé les résullats des autres. Il à aussi subsidiairement recherché le travail des frottements de la machine marchant à vide afin de déterminer son rendement organique, en la faisant tourner aux vitesses de 100, 150, 200 et 250 tours par minute. La moyenne correspond à 23,12 kilogrammètres par tour el est obtenue à la vitesse de 150 tours ; le minimum, pour 100 tours est de 20,70 kilogrammètres ; le maxi- mum 24,75 pour 200 lours. Il a voulu vérifier si les températures du métal aux extrémités du cylindre élaient supérieures à celles du milieu ;eLil a trouvé, en effel, que, dans la marche à cordensalion, à double effet, avec un huitième d'admission, la température à l'extérieur des paroïs étail sersible- ment la même aux deux bouts et de 9°,5 C. plus élevée que celle du milieu. La température moyenne de la vapeur à ces mêmes points différait de 259,5. Dans la marche à simple effet, le phénomène étail mieux marqué encore : au milieu il y avail 15°,5 de moins qu'au-dessus, et en dessous, 20°,5. Cinquante essais ont été faits avec le cylindre sans enveloppe, dont les parois avaient 25 milli- mètres d'épaisseur et élaient protégées contre le rayonnement extérieur par une couche calorifuge de 50 millimètres d'épaisseur. Trente-trois autres, avec le cylindre pourvu d’une enveloppe venue de fonte, ayant 25 millimètres d'épaisseur de paroi, 22 millimètres de vide pour former l'enveloppe, et 16 millimètres d'épaisseur des parois extérieures de l'enveloppe, même revêtement calorifuge enfin. Les mêmes couvercles creux servaient aux deux cylindres; dans les essais sans enveloppe leurs creux restaient en communication avec l'air. LOS SÉOR dd it ns PE EE UE V. DWELSHAUVERS-DERY — LA MARCHE ÉCONOMIQUE DES MACHINES À VAPEUR 435 cent; le double effet, à 16,8 pour cent; la conden- _ sation, à 18 pour cent; l'enveloppe, à 19,8 pour Les conclusions générales des expériences de | cent; ensemble, la surchauffe, le double effet et la M. Donkin sont résumées dans les tableaux I et II. | condensation, à 45,7 pour cent: enfin à 66,3 pour Dans le premier tableau les modes de fonctionne- | centavec en plus l'enveloppe et une grande dé- ment sont classés par ordre de consommation | tente. décroissante. Lemaximum de consommation 28 kg,136 par che- TABLEAU I. — Consommation de vapeur de la machine pour divers fonctionnements tous à la pression de 4,55 kg. à la chapelle, et à la vitesse de 220 tours par minute. SIMPLE | - RSERQRS PRESSION COXSOM- - amnon I DU VOUUNE ER No NUE RS SUR- FRACTION | LU ppuml MOYENNE | MATION PAR | RENDEMENT NUMÉRO |FONCTION-| ou |CONDENSATION DE COURSE) VC SR lEFFECTIVE) CHEVAL- É CHAUFFE | PARCOURUE A RSR SUR HEURE THERMIQUE D'ORDRE | NEMENT [DOUBLE| OÙ NON PENDANTS |: DÉTENTE | LE PISTON | VAPEUR , AU VOLU E OÙ NON | L'ADMISSION ex 4 UE EFFET CURRENT OS KG. CEMENT _—— nes ee es sans enveloppe | simple non » surchauffe double non simple | condensation 0] double non surchauite simple | condensation » double non surchauffe non » surchauffe 1.959 28,136 8.571 23,097 20.66% 21,178 14.503 20,819 20.791 18,942 11.932 18,147 26.022 17,373 29.112 19,212 30.493 13,925 20.137 12,878 12.803 9,485 — €O GO 1 > OM CS NO See D Pme © ne pe poion Dans le tableau II nous donnons, en pour £ent | val-heure s’oblient dans le fonclionnement à de la consommation du fonctionnement le plus | simple effet, sans condensation, à vapeur saturée, coûteux des deux termes de comparaison, l’éco- | sans enveloppe, avec admission jusqu'à mi-course. nomie procurée par l'élément considéré pris isolé- | Le minimum, 9 kg. 485, à double effet, avec con- ment, ou bien par les éléments considérés pris en- | densalion, avec surchaufle, avec enveloppe com- semble. Ce tableau formule done d’une manière | plète et admission jusqu'au seizième de la course succincte les conclusions du tableau I. seulement. Sans doute, ce minimum de consom- TABLEAU II. — Influence de chaque facteur sur l'économie de fonctionnement NUMÉROS ee T fs : , FONCTIONNEMENT COMMUN ÉLÉMENTS DONT L'INFLUENCE ; DES ESSAIS F Re EST ÉVALUÉE cffet A COMPARER condensation |surchauffe|enveloppe| détente g- simple sans » 5 double » » simple avec » » double » Double effet Ê — sans » DE — avec .[Condensat. » Copa tEtoecMENANNE C2 ©#100 » double os » Surchaufle et double effet.... ... ... —_ Surchauffe et condensation ..| simple Double effet et condensation — sans Surchauffe, double effet, et condensat. — — .| Enveloppe seule........ .. double : sans Détente seule ARE SE » Détente et surchaufle... » » © co 1 On O1 O0 1 Où = O0 = CS QC D UE NO rome Se On voit que, isolément, la surchauffe donne | mation est encore fort élevé; mais les dimensions toujours une économie supérieure à 40,2 pour | de la machine ne permellaient pas d'attendre 1 436 E. FONTAINE — SUR LES TENSIONS SUPERFICIELLES mieux; ensuite il ne s’agit pas tant ici de la con- sommation en elle-même que de la consommation comparalive des divers fonctionnements. Les résultats économiques dus à l'enveloppe méritent fixer l'attention, parce que, si le quantum en est bien connu, le guo-modo l'est moins. M. Donkin l'explique par la haute température des parois, explication qu'il déduit de ses expériences. Il à, en effet, fait marcher la machine à un régime constant, d'environ 220 tours par minute, à (rois seizièmes d'admission, el condensalion à double effet, mesurant toujours, outre la consommalion, la température des parois métalliques, d’abord sans rien dans les enveloppes, ensuite avec de la vapeur saturée ou surchauffée dans les enveloppes, avec de l’eau chaude, de l'huile, en mettant les enveloppes en communication avec le vide du condenseur. Si l’on compare la consommation dans chaque cas avec celle du premier, les enveloppes élant ouvertes à l'atmosphère, on oblient les ré- sultats suivants, parmi lesquels les premiers, les plus sont résumés dans le fa- bleau II. de intéressants, TABLEAU III. — Influence des enveloppes sur le fonctionnement de la machine. CONSOMMATIOM TOTALE DE VAPEUR DANS LE CYLINDRE| RAPPORT ET DANS LES ENVELOPPES | ENTRE LA PRE FE TUE SURFACE économie due aux PS GONDAROENSSS ICONE OM enveloppes: ES] h : TT ee ET LA a Rue mation HnÉeAUr la con- | enkg. par SOUmanon del SURFACE AS MOSADARCRERe TOTALE DU indiqué [par ch.-h., , DNDRE indiqué 0 | — — Sans vapeur dans les enveloppes 18,588 — — — Vapeur dans les deux couvercles| 16,783 1,505 9,71 y 6) Vapeur dans l’en- veloppe cylin - COTES ne 13,653 1,935 26,55 64,9 Vapeur dans tou- tes les enve - loppes rec 12,882 5,706 30,70 82,1 Les proportions d’eau recueillies dans la dernière expérience sont : à chaque drain Enveloppe cylindrique, paroi extérieure.... 0,32 » » » intérieure.... 0,32 » du couvercle supérieur. ........ 0,07 ù » inférienr meet. 0,20 » du couvercle de la chapelle... 0,09 Totale nee 06Ee CCE 1,00 La différence entre les températures de la paroi cylindrique suivant que les enveloppes renfer- maient ou non de la vapeur, était de 22°, Quand on remplissait les enveloppes d’eau chaude, la consommalion augmentait de 12 pour cent; quand on les mettait en communication avec le vide du condenseur, on réalisait, au contraire, un bénéfice de 8 pour cent. De l'huile à 190° dans l'enveloppe cylindrique et de la vapeur dans les autres n’ont donné ni perle ni gain sur le cas de vapeur dans toutes les enveloppes. L'effet principal de l'enveloppe, comme de la surchauffe, est de dintinuer la condensation ini- tiale dans le cylindre; tout moyen qui tiendra éle- vée la température des parois du cylindre produira ce même effet. Par des diagrammes ingénieuse- ment combinés, M. Donkin fait voir que plus la température des parois se rapproche de celle de la vapeur vive venant de la chaudière, moindre est la condensation iniliale; que, plus est élevé le litre de la vapeur au moment aù commence l’émission, moindre est la consommation par cheval-heure. Le minimum de consommation correspond à la va- peur sèche ou légèrement surchauffée à la fin de la détente, ce qui est conforme à la conclusion que je crois avoir été le premier à formuler en principe d'après les expériences de Hirn et autres. L'importance des conclusions de M. Donkin n'é- chappera à aucun mécanicien. Le fail que la même machine, suivant son mode de fonclionnement, peut consommer 66 pour cent de plus ou de moins de vapeur, est assez significatif. Ce qui ne manque pas non plus d'importance, ce sont les diagrammes dont M. Donkin a accompagné son mémoire, qui montrent avec lant de neltelé les résultats et leurs lois et font pénétrer au fond des tableaux de chiffres si laborieusement et consciencieusement réunis et classés par un travail patient de plu- sieurs années. V. Dwelshauvers-Dery, Professeur de Mécanique appliquée à l'Université de Liège. 532,6 Les lecteurs de cette Revue n'ont cerles pas oublié le travail magistral que M. W. Ramsay! a 1 Revue générale des Sciences, p. 185, 1894. SUR LES TENSIONS SUPERFICIELLES publié ici-même, et dans lequel il a donné une méthode qui permet enfin de résoudre l'impor- tante question, restée jusqu'ici sans solution, dela détermination des poids moléculaires des liquides. ssimteitttutiié à 1. 10 E. FONTAINE — SUR LES TENSIONS SUPERFICIELLES 137 Cette méthode, qui exige la connaissance de la va- riation de la tension superficielle suivant la tem- péralure, est un nouvel exemple, après lant d’autres, des ressources que peut offrir la capil- larité, même dans les questions qui semblent n'avoir aucun point commun avec celle branche de la Physique. Malheureusement, les nombreux lravaux faits sur la détermination des tensions superticielles, ont conduit à des résultats fort contradictoires, Aussi le moment nous semble-t-il venu d’entrete- nir leslecteurs de cette Æevue des résultats obtenus dans les expériences récentes, et de fixer létal actuel de nos connaissances sur ce point de la Phy- sique moléculaire. De nombreuses méthodes ont été employées pour mesurer les tensions superlicielles. Mais, les unes manquent de précision. D’autres, se raltachant au procédé dit «des larges gouttes », sont excellentes en principe, parce qu'elles éliminent l'influence de l'angle de raccordement, mais ne sont applicables que dans des cas particuliers. "Aucune ne saurail, aussi bien que la méthode des tubes capillaires, convenir aux liquides très volatils, et se prêter aux mesures faites à des lempéralures élevées. Il suffirait, pour cela, de renfermer liquide et tube capillaire, dans un tube assez large qu’on scellerait ensuile. En raison de sa grande simplicité, c’est celle méthode qu'ontemployée la plupartdes physiciens, el c'est la seule que nous discuterons ici. Si l’on mesure le rayon 7 du tube capillaire el la différence des niveaux X du liquide dans ce tube el le vase extérieur supposé assez large, la valeur de la tension superficielle À se déduit de la formule connue : d= PA Dr où D représente le poids spécifique du liquide à la température de l'expérience. Cetle formule suppose que le tube a une section cireulaire. Si cela n'était pas, il faudrait introduire un terme correctif, d'après la méthode indiquée par Édouard Desains ‘. La formule suppose, en outre, que l'angle de raccordement du liquide et du verre est rigoureusement nul. Si le liquide mouille le verre, — et presque tousles liquides sont dans ce cas, — il est ‘nécessaire, avant toute me- sure, de déterminer une ascension du liquide dans le Lube, afin d'obtenir le mouillage des parois, el d'assurer une valeur nulle à l'angle de raccorde- ment. Sans celte précaution, on serait exposé à des erreurs pouvant atteindre 50 °/,. Mais la moin- dre trace d’impurelé empêche souvent un mouil- 1 An. de Chimie el de Physique, 3° série, t. 51. lage salisfaisant du tube, et l'angle de raccorde- ment prend une valeur +. Dans ce cas, la (ension superficielle est donnée par la formule : 2Acosa ————? = Dr d'où l’on ne peut tirer que À cos &. Malheureusement, la mesure directe de l’angle de raccordementoffre de grandesdiflicultés, et, du reste, cet angle variesouvent, sans cause «pparenle, pour certains liquides. C'est ainsique M. Quincke ?, qui mesurait directementcelte quantité par un pro- cédé optique, a trouvé que, pour l’eau placée à Ia température ordinaire dans l'air, l'angle de raccor- dement dépend de la nature et de l'âge du tube capillaire et peut atteindre jusqu'à 9°. Ce résultat a été. il est vrai, contredit par les travaux de M. Volkmann ?, qui trouve, après un nettoyage très soigné du tube, une valeur Loujours nulle pour l'angle de raccordement de l’eau. Quoi qu'il en soit, ces divergences, entre lanl d'autres, justifient, en raison même des difficullés expérimentales rencontrées, le peu de confiance que l’on doit avoir dans un grand nombre de mesures faites dans l'air. C’est qu'en effet, un tube capillaire, placé en expérience dans l'air, reste constamment exposé à voir sa surface se souiller, et l'angle de raccordement du liquide qui le baigne risque de prendre une valeur différente de zéro. Au contraire, avec le procédé du Lube scellé, on évilera celte source constante d'erreurs, et si l’on a soin, avant de fermer le tube, de chasser tout l'air intérieur, avec une pompe à mercure et par une ébullition prolongée, les valeurs de la tension superficielle obtenues correspondront à des con- ditions théoriques simples et bien définies : elles où le liquide n'est en contact qu'avec sa vapeur saturante. C'est par cette méthode qu'ont opéré MM. Ram- say et Shields ?, qui ont élé amenés ainsi à faire unedécouverte capitale : à savoir, que l'angle de rac- cordement d'un liquide, en contact avec sa vapeur satu- sante seule, est rigoureusement nul, jusqu'à quelques deyrés du point critique. Toutefois, comme aux hautes températures, le poids spécifique d de la vapeur saturante acquiert |_une valeur comparable à celle du poidsspécifique D du liquide sousla pression de la vapeur salurante, la tension superficielle sera alors donnée par la formule : 2A h = ————. 5 (D — d)1 De ce fait, l'influence de l'angle de raccordement RU AR MR ER 1 Wied Ann, t LIT, 1894. 2 Wied Ann., t LIT, 1895. 3 Proceedings of the Royal Society of London, t. LIT, 1893. 438 E. FONTAINE — SUR LES TENSIONS SUPERFICIELLES se trouve éliminée, et les mesures peuvent acqué- rir une grande précision. Ces mesures, effectuées sur plus de cinquante liquides, ont conduit MM. Ramsay et Shields à l'énoncé d’une loi remarquable : La tension super- ficielle d'un liquide est une fonction linéaire de la tempe- rature complée à partir de la température critique, avec cette réserve que l’on exceptera les températures distantes de à° ou 6° du point critique. M. Pellat! a, du reste, montré qu'on pouvaitpré- voir ce résultat, au moyen d’un calcul très élégant, basé sur les principes dela Thermodynamique etsur cette hypothèse, très probable et justifiée du reste a posteriori, que la chaleur spécifique d’un liquide, en contact avec sa vapeur salturante seule, est la même dans la couche superficielle que dans la partie profonde. MM. Ramsay et Shields ont remarqué, de plus, qu’à partir de quelques degrés au-dessous du point critique la tension superficielle cessait d’être ure fonction linéaire de la température comptée à par- tir de la température critique. Ce dernier résullat ne peut être dû qu'à un changement de poids moléculaire du liquide. Aussi, le problème de la variation de la tension superficielle aux températures voisines du point critique, lire-t-il son importance de ce fait que sa solution nous indiquera la façon dont se font les groupements moléculaires, au voisinage du point crilique, et jeltera quelque lumière sur la question, tant controversée malgré beaucoup de travaux, de l’état de la matière au point critique. La difficulté réside dans l'évaluation précise de l’angle de raccordement. Si l’on prend un tube capillaire ayant un diamètre voisin de 0"?,1, on pourra considérer la surface du ménisque comme sphérique. Un calcul simple montre que l'angle de raccordement est lié à la flèche / du ménisque par la formule : 2mf La détermination du rayon > du tube capillaire peut se faire très exactement par la méthode de MM. Wolf et Desains. Au contraire, la mesure de la flèche du ménisque ne laisse pas de présenter quelque difficulté : car cette quantité devient très petite el tend vers zéro, quand on s'approche de la température critique. J'ai trouvé qu'il y avait un réel avantage à em- ployer, au lieu du cathétomètre généralement adoplé dans ce genre de mesures, une machine à diviser dont la vis avail élé dressée verticalement. Sur l'écrou mobile’ de l'instrument était fixée une pelite lunelte astronomique en tout semblable à 1 C. R. de l'Ac. des sciences, t cos a — CXVIIT p. 1193. une lunelle de cathétomètre, et un niveau à bulle d’air solidaire de cette lunette servait à faire les réglages nécessaires à la précision des mesures. La machine à diviser ainsi disposée permeltail de mesurer, à moins d’un millième de millimètre, la flèche du ménisque et la hauteur 2 dont la con- naissance donne la valeur de la (ension superfi- cielle au moyen de la formule : | 2 À cosa h = =—=————. ‘ (D—d)r J'ai dû également renoncer à la forme d'appareil précédemment décrite (tube capillaire dans un tube plus large), car l'inlerposition des parois du tube extérieur entre la lunette et le ménisque à viser, produit des réfractions qui peuvent fausser les mesures. Pour me mettre à l'abri de cette cause d'erreur, j'ai mis le liquide étudié dans un tube en forme d’O allongé (fig. 1) dont les deux grandes branches rectilignes et paral- lèles étaient constituées l’une par un tube large et l’autre un tube capillaire. Les formiules précédentes s'appliquent évidemment iei sans modification. Pour juger de la valeur de celte mé- thode, j'ai fait choix de l’anhydride carbonique dont les densités à l’état liquide et à l’élat de vapeur salurante sont bien connues, surtout depuis les travaux de M. Amagat !, qui a poussé ses expériences jusqu'à 1/10 de degré du point critique. La température cri- tique de ce corps élant voisine de 31°, on n'a aucune diflicullté pour mainte- nir bien constante la température du bain où est immergé le tube en expé- rience. On peut même, afin de faire les visées directement dans l'air, employer un procédé qui m'a été suggéré par la thèse de M. Mathias, el suspendre le tube en O dans l'atmosphère d'une salle dont la température a été rendue constante pendant plusieurs heures, par un système de poêles à gaz. J'ajoute enfin qu'il est nécessaire de prendre les précautions indiquées par M. Gouy pour éviter les phénomènes de retard à la vapori- sation. En opérant ainsi, j'ai oblenu, dans mes mesures de la tension superficielle, des nombres dont la concordance justifie pleinement la méthode que je viens d'exposer et que j'applique en ce moment à un certain nombre de corps, dans le but de rechercher la loi suivant laquelle leur poids molé- culauire varie avec la température au voisinage du point crilique. E. Fontaine, Professeur de Physique au Lycée de Sens. : Journal de Physique, 1892. . 580 L MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE Cette revue est bien moins un exposé complet des travaux publiés en botanique, dont la liste seule excéderait les limites de la place qui nous est réservée, que la description des recherches offrant, au point de vue biologique, une importance assez grande pour intéresser les lecteurs même les moins versés dans l'étude des végétaux. 1. — LES STOMATES ET LEURS RELATIONS AVEC LA RES- PIRATION, L'ASSIMILATION ET LA TRANSPIRATION. Les stomates, c'est-à-dire les orifices pratiqués dans l’épiderme des organes aériens des plantes sont, comme on le sait, des fentes laissées entre deux cellules appelées cellules stomaliques, qui peuvent s’élargir ou se rétrécir sous diverses in- fluences et mettent en communication l'atmos- phère interne des lissus avec l'extérieur. Leur rôle dans la circulation des gaz a élé mis en évi- dence par des travaux déjà anciens de Sachs, Merget, Mangin, Wiesner el Molish. M. Stahl, d'une part !, et M. Frost Blackmann ?, de l’autre, par des procédés différents et au moyen d’expériences ingénieuses, ont mis hors de doute cette influence. M.F. Blackmann recueille et dose immédiate- ment l’acide carbonique produit où absorbé sur une certaine élendue des feuilles vivantes. Dans ce but, il emploie un appareil fondé sur le principe des expériences de Garreau, consistant en une pince dont les mors sont constitués par deux petits anneaux métalliques placés parallèlement entre eux ; les faces les plus externes sont fermées par des lames de verre, les faces les plus internes, ou- vertes, s'appliquent sur les deux faces supérieure et inférieure de la même feuille où elles sont lu- tées avec soin. On a ainsi deux petites boites plates, hermétiquement closes, dont l’une des pa- rois est formée par une surface foliaire vivante. A l’aide de tubes aboutissant sur les bords de ces boiles, on peut y faire circuler un courant d'air pur ou chargé d’acide carbonique, et analyser l'atmosphère qui sort pour apprécier les change- ments que les surfaces foliaires y ont apportés. L'acide carbonique est seul dosé au moyen d'un dispositif trop compliqué pour que nous puissions le décrire ici. D’après M.Blackmann, les stomales constituent, 1 Sraur : Einige Versuche über Transpiration und Assi- milation. Bot. Zeit. 1893. ? Frosr BLackManx : Experimental researches on vegetable assimilation and respiration. Philosoph. Transactions of the Roy. Sociely of London. Vol. CLXXXIV. 1595. 139 REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE dans les conditions normales, la voie ordinaire pour la sorlie ou l'entrée de l’acide carbonique ; quand les stomates sont bouchés, il peut pénétrer encore, par osmose à travers la cuticule, une cer- taine quantité d'acide carbonique; mais elle est insuffisante à cause de la faible tension de l'acide carbonique, et l'assimilation ne peut avoir lieu. Deux conclusions formulées par l’auteur sont en contradiction avec les données reçues : d'une part, la cuticule des jeunes feuilles semblerait aussi perméable que la cuticule des feuilles âgées. Ce résultat est en contradiction non seulement avec les miens, mais encore avec ceux qui on permis d’élablir que la cuticule des jeunes feuilles est perméable à la vapeur d’eau. D'autre part, les résultats de Garreau, qui ont été le point de départ d’une révolution dans nosidées sur la physiologie des échanges gazeux, seraient dus à l’imperfection de la méthode et aux condi- tions dans lesquelles il a opéré. M. Blackmann trouve que, dans une lumière vive, tout l'acide car- bonique produit par la respiration est assimilé par les tissus, et iln'observe pas de dégagement de ce gaz. Si, dans sesexpériences, l’auteur r’'a pas trouvé d'acide carbonique, il n’est pas autorisé à nier par cela même les résultats de Garreau, obtenus dans des conditions absolument différentes. Nous avons d’ailleurs, M. Bonnier et moi, fondé sur le procédé employé par Garreau, une méthode pour déter- miner la véritable valeur des échanges gazeux chlorophylliens, et nous avons toujours obtenu les résullats indiqués par cet auteur. M. Stahl a mis en évidence la nécessilé des sto- mates d’une manière à la fois simple et originale. Il apprécie l'assimilation du carbone par la pro- duction d’amidon, qui en est la conséquence. Pour rechercher si, dans les conditions normales, la diffusion de l’acide carbonique à travers la cuti- cule est suffisante à l’enlretien des lissus, il prend des feuilles adultes qui sont purgées de l'amidon contenu dans les corps chlorophylliens par un sé- jour de 12 à 20 heures à l'obscurité. Il expose en- suite les feuilles àlalumière. Celles qui ne ferment pas leurs stomates par la dessiccation (Æumer, Callha, Call, eic.), peuvent encore assimiler, même quand elles sont fanées, car l'acide carbonique peut toujours pénétrer par les ostioles béants. Au contraire, les espèces dont les stomates se ferment pendant la dessiccalion ne peuvent plus former d'amidon quand elles sont flétries. Ce n’est pas la perte d’eau quiacauséla cessation del’assimilation, 140 L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE mais bien l'obstacle apporté, par la fermeture des stomates, à l'entrée de l’acide carbonique. En effet, si l’on bouche les stomates au moyen d’un mélange cireux, la formation de l'amidon cesse dans les feuilles ainsi préparées; mais, si l’on déchire la cuticule de manière à faciliter l’entrée de l'acide carbonique, on voit bientôt apparaître les grains d’amidon el seulement au voisinage des blessures ou des excoriations de l’épiderme. Dans les conditions normales de pression, la perméabilité de la cuticule est donc insuffisante pour faire pénétrer l'acide carbonique nécessaire à l'assimilation. Toutefois, comme celte perméabi- lité augmente avec la pression, ainsi que, je l’ai montré, l'introduction de l'acide carbonique dans l'air jusqu’à une valeur de à °/,, permet, par dif- fusion, l'entrée d'une quantité suflisante de ce gaz pour que la formation d'amidon ait lieu dans toute la feuille. Le mémoire de M. Stahl nous offre encore d’autres résultats intéressant le rôle des stomates et l'importance de la transpiration. C'est à l’aide de papier imbibé d’une solution de chlorure de cobalt à 5 °/, que les variauons de la transpiration sont appréciées, tout comme dans les hygromètres bien connus où un personnage revêtu d'une robe lrempée dans ce sel indique, par les varialions de la teinte bleue ou rose, le degré de saturalion de l'atmosphère. L'un des résultats les plus remarquables, el en apparence paradoxal, consiste à comparer, au soleil, la transpiration de deux feuilles, l’une déjà à moitié fanée et ayant fermé ses slomates sous l'influence d'un commencement de dessiccation:; l'autre fraiche, ayant ses stomates ouverts. Cette dernière perd peu à peu la plus grande partie de l’eau qu'elle renfermait et, au bout de quelques heures, elle est complètement fanée; la pre- mière, au contraire, conservant ses slomales fermés, ne se dessèche pas davantage et à la fin de l'expérience elle est presque à l’élat initial. En outre M. Stahl montre que certaines plantes, habitant les régions humides, ne ferment pas leurs siomates par la dessiccation; leurs feuilles perdent progressivement l'eau de végélalion et se flétrissent au bout de quelques heures. On voit par là que dans les régions humides équatoriales la transpiration n'est pas aussi faible qu'on le croyait d'après les recherches de Haberlandt. Nous possédons, en effet, très peu de données sur les conditions de la végétation des régions chaudes, Des observations très intéressantes faites par M. Lecomte ‘ sur le Musanga, dans son 1 H. Lecomre : Sur la mesure de l'absorption de l’eau par les racines. C. R., t. CXIX, p. 181, 1894. voyage au Congo, nous donnent une idée de l'énorme quantité d’eau qui circule dans certaines espèces. Le Musanga Smithü (Urticée) est un. arbre d’assez grande taille (20 à 25 mêtres), qui croit dans les régions humides et laisse sortir par les blessures une grande quantité d’eau, L'un des troncs examinés pendant la saison des pluies a été sectionné à 1",60 du sol; il avait un diamètre de 0,50 à 0",40. Pendant la nuit, de 6 heures du soir à 7 heures du matin, on a recueilli 9 litres 1/4 d'eau” et le récipient en toile avait débordé), ce qui correspond, en chiffres ronds, pour une année, en supposant le débit constant, à une circulation énorme de 6.480 kilogrammes. Celle observation vient à l’appui des résullats de M. Siahl sur l'importance de la transpiration dans une atmosphère humide: elle montre aussi que la poussée des racines a une valeur plus con- sidérable que ne le pense M. Askenasy ! dans l'ascension de la sève : car dans l'expérience de M. Lecomtie, 20 heures après la seclion, l'arbre laissait encore écouler 0!,360 d’eau. M. Stahl montre aussi que, dans nos climats, lan fermeture des stomates produit des effets favo= rables ou défavorables ; quand elle est nocturne, elle permet à la plante de réparer pendant la nuit la perte d'eau qu'elle a subie: lorsqu'elle a lieu à l'automne, elle produit un brusque arrêt de la transpiration, arrêt capable de délerminer la chute des feuilles. II. — ASSIMILATION DE L'AZOTE CHEZ LES PLANTES NORMALES. L'ACIDE CYANHYDRIQUE PARAIT ÊTRE, POUR CERTAINES ESPÈCES, LE PREMIER PRODUIT DE L'ASSI= MILATION. Les phénomènes de synthèse organique qui aboutissent à la formation des malériaux néces- saires à la croissance sont très complexes. Nous avons déjà signalé à ce sujet, dans une revue antérieure, les premiers résultats de M. Sa-« poznikow relatifs à la formation des matières azotées dans les feuilles vertes concurremment à la fabrication des hydrates de carbone. Rappelons en quelques mots le procédé opéra- toire ?. L'auteur détache les feuilles de Vigne et de Ronce el les plonge par les pétioles dans une. solution nutritive minérale de Knop. Il les expose à la lumière ou les place dans l'obseurité au sein d’une atmosphère assez chargée d’humi- dité pour empêcher le flétrissement. Au début des. recherches la moitié de chaque feuille était enlevée et soumise à l'analyse; à la fin de chaque recherche la moilié des feuilles restant fournissait, par l'ana- 1 Asrenasy. E.: Uber das Saftsleigen, Heidelberg, 1895. 1 2 SapozxiKkoW, Eiweisstoffe und Kohlenhydrate der grün- nen Bläller als Assimilations Producte, Tomsk, 1894. L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE A - Iyse, les quantités de sucre, d’amidon, de matières -azotées et de matières non azolées formées ou détruites dans chaque expérience. Si, dans ces conditions, on fournit aux feuilles une cerlaine quantité de nitrates, le gain en malières azotées et en hydrates de carbone, après 2 jours 4/2 d'exposition, est, respeclivement, de 1,782 et 6,012. Dans l’eau distillée, pendant le . même lemps, la formation de malières azotées est 30 fois moindre, et la formalion des hydrates de carbone a presque doublé. Il n’est pas nécessaire que l’azote soit fourni à l’état de nitrales, car une solution d'asparagine à 2, 5 el 3 *, favorise aussi la formalion de malières azolées. ; Il est fächeux que M. Sapoznikow n'ait pas essayé de fournir l'azote sous d’autres étals, no- tamment à l’état de sels ammoniacaux, caril aurait pu apporter des données nouvelles, relativement à l'hypothèse qui considère les nitrates commele seul aliment minéral des végétaux, Louiesles autres subslances azolées devant être préalablement remaniées par les micro-organismes du sol et amenées définitivement à l’état de nitrates. Quoi qu'il en soit,les résultats de M. Sapoznikow élablissent que, dans les feuilles vertes, il ya simul- lanément, à la suite des phénomènes d’assimilation, formalion d'hydrates de carbone et de malières azotées. En outre, toutes les fois que, par suite de la privation de nitrates, la formalion des matières azotées est entravée, la production des hydrates de carbone est augmentée. D'autre part, si les nitrates sont en grande quan- lité et que l’éclairement soit modéré, l'inverse a lieu : ainsi, des feuilles dont le pétale plongeait dans une solution de nitrale à 5 % pendant trois jours, sont exposées, après l'enlèvement d'une moitié du limbe, pendant six heures, à unéclairage modéré : la quantité d'hydrales de carbone augmente faiblement, mais la proportion de ma- lières azotées augmente de 1,372 pour la même surface. La synthèse des matières azotées a donc lieu, d'une part, au moyen de la source d'azote nitrique fournie à la plante, d'autre part, au moyen des hydrates de carbone. Faut-il admeltre, comme le veut M. Sapoznikow, que le premier produit de l'assimilation est constitué par des matières azotées et que les hydrates de carbone, qui cnt servi jusqu'ici à la mesure de l'activité de l’assi- milalion, sont seulement des produits de dédou- blement secondaires? On est tout aussi fondé à croire le contraire d'après les résultals mêmes de l’auteur. Le pro- duit immédiat de l'assimilation serait conslilué par les hydrates de carbone, et les malières azotées seraient dues à une synthèse ultérieure suivant de si près l’assimilation qu'elle parait se confondre avec elle, et dans laquelle les hydrales de carbone, en totalité ou en partie, seraient remaniés par l’activité des cellules. La présence de la lumière, l'intensité de la dé- composition n'auraient pas d'influence sur cette synthèse secondaire. En effet, dans une atmos- phère chargée d'acide carbonique, on constate une augmentalion de richesse en hydrates de carbone ; mais la proportion des matières azotées demeure stalionnaire. On doit regretter que l’auteur n'ait pas étudié comment se comportent les feuillescoupées, riches en hydrates de carbone, à l'obscurité et en présence de nitrates. Les matières premières nécessaires à lasynthèse des malières azolées étant en présence, il était intéressant de savoir si la synthèse peut se faire dans ces conditions ? Les matières azolées fabriquées dans les feuilles s’y accumulent en quantilé plus ou moins grande qnand celles-ci sont coupées; comment se com- portent-elles dans les feuilles normales? Dans l'obscurité, elles émigrent peu à peu en même temps que les hydrates de carbone de la feuille vers la lige. M. Sapoznikow a étudié enfin la limite de l’assi- milation: pour des feuilles coupées, placées dans les conditions normales, la limite de l'assimilation des hydrates de carbone est de 16 à 19 grammes par mètre carré chez les Nifis, et elle est obtenue après 10 jours ; chez les ÆAubus (R. frutivosus, R. cwsius) elle n’atteint que 14 à 16 grammes. La valeur maxima des bydrates de carbone solubles (sucre, etc.) est de à °/, chez V. ainifera; 6 à 71°/,chez le VW. Labrusca el les Rubus. Dans une atmosphère riche en acide carbonique, ces nom- bres sont notablement dépassés. Que la synthèse des matières azotées soil pri- mordiale ou secondaire, le mécanisme de celte importante fonction chez les plantes à racines normales (excepté les Légumineuses et les plantes humicoles à mycorhizes) nous est encore inconnu. Nous savons que les nitrates sont décomposés dans les feuilles : les bases se combinentaux acides orga- niques et l'acide azolique est décomposé en même temps que l'acide carbonique. Emmerling avait déjà, il v a quinze ans, indiqué les feuilles comme le siège de la décomposition de l'acide nitrique. Schimper a élabli, dans son beau mémoire sur l’oxalale de chaux, que, dans les feuilles, ce sel, au moins celui qu'il désigne sous le nom d’oxalale de chaux secondaire, a pour origine la décompo- silion des nitrates. Quelles sont les réactions qui aboutissent à la formation des matières albumi- noïdes ? 242 Parmi les hypothèses émises à ce sujet, nous devons signaler surtout celle de M. Gaulier, qui suppose dans tout composé albuminoïde un noyau constitué par l'acide cyanhydrique, dont le groupe- ment serait diatomique ou Létratomique; la molé- cule serait constituée par l'addition au noyau non saturé, de groupes diatomiques ou monoatomiques oxygénés, le plus souvent par des radicaux aldé- hydiques. En outre, la facilité avec laquelle les composés à noyau cvanhydrique se polymérisent permet d'expliquer la formation des matières albuminoïdes et des corps qui en dérivent. D'autre part, Pflüger admet aussi que le noyau formé par l'acide cyanhydrique existe dans l’albu- mine. Ce corps serait alors le pivot de toutes les combinaisons azolées. Un récent travail de M. Treub, exécuté au Jar- din botanique de Buitenzorg, à Java’, vient fournir à ces hypothèses un solide appui et jette quelque lumière sur le mécanisme de l'assimilation de l'azote. Un certain nombre de plantes, les Amygdalées notamment, fournissent, comme on le sait, de l’a- cide cyanhydrique par le dédoublement d’un glu- coside, l’amygdaline,sous l'influence d’un ferment, l’'émulsine. Dans la plante vivante, l'acide cyanhy- drique ne peut pas se former, car l’amygdaline et l'émulsine sont localisées dans des cellules diffé- rentes ; c’est seulement en froissant ou en broyant les organes que ces deux corps réagissent et for- ment de l’acide cyanhydrique. Chez d’autres plantes, et en particulier chez le Pangium edule, arbre très répandu dans la Malaisie et les Philippines, l'acide cyanhydrique existe à l’état de liberté ou engagé dans une combinaison si instable qu'il se dégage avec la plus grande facilité par Les blessures faites à la plante. On savait depuis longtemps que le ?angium renferme un principe toxique; aussi les indigènes qui mangent les graines ne les consomment-ils qu'après les avoir fait macérer longtemps dans l’eau ou soumises à l’action de la chaleur. M. Greshoff® montre, en 1892, que le principe toxique est constitué par l’acide cyanhydrique. Ce corps est renfermé en quanlilé assez considérable dans toutes les parties de la plante, sa proportion oscille entre 0,15 el 1 °/, du poids sec des divers organes ; dans les jeunes feuilles même, la propor- tion de 1 °/, est nolablement dépassée. Le nombre de plantes renfermant de l'acide cyanhydrique où capables d'en fournir, autrefois ‘M. Treus: Sur la localisation. le transport et le rôle de l'acide cyanhydrique dans le Pangium edule Ruiw. Ann. du Jard. Bot. de Builenzorg, Leyde, 1895. ? Gresnorr: Éerste Verlag van het onderzoek, naar de Plantenstoften von nederl. Indie, Ann. de Builenzorg, vol. 9. 1890. L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE restreint aux espèces de la tribu d'Amygdalées est, | depuis les travaux de MM. Greshoff et Kobert, très considérable : citonsles Asclépiadiées,les Bixacées, les Tiliacées, les Sapotacées, Euphorbiacées, les Aroïdées, elc., mais aucune d'elles n’en contient” autant que le Pangium. Il était difficile d'admettre le rôle protecteur de l'acide cyanhydrique, car certaines larves très pré- Judiciables aux massifs de ?ungium sont précisé- ment altirées par lui. Aussi M. Treub a-t-il cher- ché, par une étude très complète de la distribution de l'acide eyanhydrique,à se rendre compte de son rôle. ‘Pour reconnaitre sa présence, il emploie la réac- tion du bleu de Prusse, oblenue en plongeant suc- cessivement les tissus dans une solution alcooli- « que de potasse à5°/,, dans une solution aqueuse de sulfate ferreux à 2,5 °/,, de chlorure ferrique à 1°/,, et enfin dans une solution d'acide chlorydrique à 20 °/,. S'il s’agit d'organes massifs, on emploie des coupes qui ne sont pas (rop minces ; quant aux feuilles, on les emploie entières après y avoir déterminé, au moyen d’une brosse à poils rudes, une infinilé de petites plaies destinées à faciliter l'introduction des réactifs. En analysant ainsi les divers Lissus d’un ?angium, M. Treub montre que le liber et le périeycle ren- ferment, dans toute la plante, de l'acide cyanhy- drique, sauf la plantule de la graine qui en est dépourvue. En outre, on rencontre cet acide dans des cellules isolées au milieu des Lissus et sans connexions avec le liber. Dans l'écorce et la moelle de la tige et de la racine, ces cellules, désignées sous le nom de wl- Lules spéciales, ne sont pas autrement différentes des cellules avoisinantes, sauf la présence du principe toxique ; mais, fait constant, ce dernier est accom- pagné d’une malière albuminoïde réfringente et homogène qui persiste alors que l'acide cyanhy- drique a déjà disparu. La distribution etle nombre des cellules spéciales varie suivant l’état des or- ganes. Elles constituent, en effet, d’après l’auteur, des « usines spéciales », où s'élabore l'acide cyanhydrique; elles sont plus nombreuses dans les sommets de la tige qui présentent une période d’arrèt que dans ceux où la croissance est énergi- que ; cela s’expliquerail parce que, dans le premier cas, l'organe aura besoin, au moment où la crois- sance redeviendra aclive, d'une grande quantité de matériaux plastiques. De même, dans la moelle âgée, où l’activité a disparu, on trouve peu de cel- lules spéciales ; mais dans l'écorce, qui possède longtemps encore une vie active, ces réservoirs sont nombreux. Enfin,dans les fruits en voie de développement, le nombre des cellules spéciales est beaucoup plus L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 143 grand que partout ailleurs ; dans les graines, elle existent dans les cellules périphériques de l’en- dosperme et dans celles de l’assise appuyée contre les cotylédons. L'étude de la feuille offre un grand intérêt, car c’est là surtout que l’acide cyanhydrique est abon- dant. En dehors du liber, où cetle substance se rencontre comme c’est la règle, toutes les cellu- les du parenchyme peuvent en contenir et on n'ob- serve pas de localisation spéciale. Dans l'épiderme, on trouve deux éléments où la localisation existe: ce sont les cellules basilaires des poils et les cellu- les à macles d’oxalate de chaux. Ainsi, l'acide cyanhydrique existe, soit dans des cellules spéciales, soit dans les divers éléments du liber; seulement, dans les lissus massifs à pa- renchyme incolore, c'est le liber qui contient la majeure partie du produit, landis que, dans les organes verts assimilateurs, le parenchyme et l'é- piderme en sont remplis. D'où vient l'acide cyanhydrique dans le liber? Bien que M Franck ait contesté récemment, d'a- près les observations de M. Blass, le rôle conduc- teur de ce tissu, M. Treub a montré que ce rôle n'est pas douteux. En comparantun grand nombre de pieds de Pangium sur lesquels on a réalisé des incisions annulaires corticales, le résultat obtenu a été constant : chez toutes les plantes examinées, tiges et pétioles, au bout de cinq à dix jours en moyenne, il n'existait plus de traces d’acide cyan- hydrique dans le liber des régions situées au- dessous de lincision; au-dessus de l'incision, ce corps élait abondant. En outre, les incisions an- nulaires, ayant eu pour effet d'interrompre le cou- rant d'acide cyanhydrique qui circule dans le liber, ont déterminé, dans les feuilles des végétaux traités, une accumulation plus grande que dans les feuilles des plantes normales. Le rôle conducteur du liber dans le transport de l'acide cyanhydrique n’est donc pas douteux. Bien que la quantité de ce corps soil considérable, jamais l’auteur n’a observé le plus léger dégage- ment de ses vapeurs dans une almosphère conli- née; il a donc lous les caractères d'une substance sans cesse produite, sans cesse ulilisée après une dispersion plus ou moins grande de son lieu d’o- rigine ; aussi l'hypothèse qui l’envisage comme un produit d'assimilation transitoire prend-elle déjà plus de consistance. Les expériences réalisées sur les feuilles, qui rappellent par plus d’un point celles de Sachs, de Stahl sur la formation d'amidon, de Sapoznikow sur la formation de matières azolées, viennent encore confirmer le rôle physiologique de l'acide cyanhydrique. Les feuilles de Pangium cultivées à l'obscurité perdent complètement leur réserve d'acide cyanhydrique au bout d’une quinzaine de jours en moyenne; elle est, en faible partie, transportée dans les tiges, mais seulement au début; le reste est consommé sur place par les tissus des feuilles. Inversement, les feuilles des plantes cullivées à l’obseurilé et dépourvues d'acide cyanhydrique, reforment ce corps par une nouvelle exposition à la lumière.C'est donc bien dans les organes d'assi- milation qu'il est formé. M. Treub est amené à résoudre la question sui- vante : L’acide cyanhydrique est-il un produit direct de l'assimilation ou bien est-il conséculif à celle-ci? Les feuilles croissant dans les conditions nor- males, mais partiellement recouverles de lames d'étain, ont montré, après plus d’un mois, aulant d'acide cyanhydrique dans les régions soustrailes à l’action de la lumière que dans les parties éclairées; de plus, les feuilles des plantes étiolées, développées et cultivées longtemps à l'obscurité, en contenaient beaucoup, non seulement dans le liber, mais dans les cellules spéciales. L'influence des radiations n'est donc pas nécessaire pour la formation de l'acide cyanhydrique; celle synthèse n’est pas direclement dépendante de l'assimilation du carbone. Deux condilions sont indispensables pour la la production de cet acide dans les feuilles : 4° la présence d'hydrates de carbone ; 2° la présence de substances inorganiques azolées, probablement de nitrates, amenées par la sève ascendante. L'hydrate de carbone nécessaire n’etpas con- slilué ici, contrairement à ce qu'on observe pour d’autres plantes, par de l’amiaon, car les feuilles du Pangium n'en conlienrent normalement pas ; c'est un sucreréducteur, probablement du glucose. qui existe en très grande quantité dans les divers lissus et notamment dans les cellules de l’épi- derme, cellules basilaires des poils, cellules oxalifères, que l’auteur à déjà signalées comme des centres de production d’acide cyanhydrique. Il n’a pas élé possible cependant de faire appa- railre cet acide en faisant flotter des feuilles sur des solutions de sucre. En ce qui concerne la nature du principe azolé nécessaire à la synthèse de l'acide cyanhydrique, iln'a pas élé pas été possible non plus, à l’aide des expériences semblables à celles de M. Sa- poznikow, en laissant séjourner les feuilles dans des solutions de nilrates ou d’autres sels, de faire apparaitre cet acide; d'autre part, les nilrates n'existent pas en quantité notable dans la tige, les feuilles ou les pétioles, chez les individus pourvus d'un feuillage abondant; on les voit au contraire nettement dans indi- les racires des 144 L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE vidus dont le système foliaire est peu développé. On pouvait donc supposer que, si la plante utilise les nitrales, ceux-ci ne circulent qu'à un grand état de dilution et, incapables de s'accu- muler dans les tissus, ils sont immédiatement dé- composés dans les feuilles. Mais s'il n a pas pu démontrer rigoureusement que ces sels sont utilisés, M. Treub a établi, par des expériences ingénieuses, que l'azote est amené aux feuilles par la sève ascendante. Les jeunes pieds de ?ungium présentent souvent une, parfois deux feuilles inférieures, dépourvues d'acide cyanhydrique, bien qu'elles soient très saines et riches en hydrates de carbone. M. Treub a pensé que l’absence du premier corps pourrait être due à un arrêt de la circulation d'eau, arrêt produil par la vigueur des feuilles supérieures qui détournent à leur profit tout le courant de sève ascendante. En effet, l’ablation des feuilles supé- rieures, qui ramène le courant dans les feuilles inférieures, est bientôt suivie de l'apparition, dans ces dernières, de l'acide cyanhydrique. D'autre part, la section des vaisseaux dans les nervures de cerlaines feuilles, quoique plus diffi- cile à réaliser, a eu pour effet, en supprimant l’arrivée de la sève ascendante, de déterminer aussi, dans les lobes traités, la disparilion de l'acide cyanhydrique. En résumé, des diverses expériences et obser- valions que nous avons dû écourter, M. Treub a conelu que, « dans le Pangium edule, l'acide cyanhydrique est le premier produit reconnaissable de l’assimilalion de l’azote. » Ce corps résulterait dans les feuilles d'une synthèse consécutive à l’assimilation du carbone au moyen de sucres réducteurs produits par celte fonction et de sels inorganiques, probablement des nitrates amenés par la sève ascendante. Cette synthèse n'exigerail pas le concours des ra- diations solaires. Une fois formé, l'acide cyanhydrique serait utilisé sur place ou distribué par les éléments du liber, fibres péricycliques dans les lissus jeunes, tubes criblés dans les tissus âgés, dans toutes les parlies de la plante. L’objection tirée de la rareté de l'acide cyanhy- drique n'est pas un obstacle à l'adoption de l'hypothèse de M. Treub : car on peut concevoir que cette substance, au lieu d'exister à l’élat libre ou de combinaison très instable comme dans le Pangium, puisse être, dans la plupart des autres plantes, el avant de pouvoir circuler dans les tissus, engagée dans une combinaison déjà assez stable pour qu'il ne soit pas facile de déceler sa présence. La série des aclions complexes qui aboutissent à la constitution des matières azolées, au lieu de présenter un moment d'arrêt au slade cyanhydrique, présenterait cet arrêt à un slade plus avancé, que nous ne connaissons pas el que d’ailleurs personne n’a songé à rechercher. Cela est d’aulant plus vraisemblable que, pour les composés hydrocarbonés, nous connaissons deux stades différents de leur synthèse; le plus général est le stade amidon; mais, et le Pangium nous en offre un exemple, le premier produit visible, résultant de l’assimilation du carbone est constitué par du sucre. Les belles recherches de M. Treub ouvrent une voie nouvelle à l’activité des physiologistes. LL. — SENSIBILITÉ, EXCITABILITÉ HÉLIOTROPIQUES ET GÉOTROPIQUES. — RÉACTIONS PAR LESQUELLES ELLES SE MANIFESTENT. Tout le monde sait que les racines et les tiges manifestent une tendance à se diriger verticale- ment, les racines en bas, les tiges en haut, et que, si l’on place une racine ou une tige dans une situa- tion horizontale, elles ne tardent pas à se courber dans la région de croissance pour se diriger verti- calement en haut (la tige) ou en bas (la racine). Les courbures ainsi produites ont été depuis long- temps attribuées à l'influence de la pesanteur et on les a nommées rourbures géotropiques. La pro- priélé que possèdent les racines ou les tiges d’obéir à l’action de la pesanteur, est désignée sous le nom de yéotropisme. D’autres influences peuvent encore modifier la direction d'un organe, en particulier les radia- tions. Il n’est personne qui n'ait vu les tiges des plantes placées devant une fenêtre, s’incliner vers celle-ci comme si elles cherchaient à recevoir plus de lumière. L'influence directrice exercée par les radiations est appelée Aéliotropisme, où mieux pho- lotropisme, el les courbures provoquées par un éclairage unilatéral sont les courbures éliotropi- ques. Si les condilions dans lesquelles se produisent ces phénomènes sont assez bien connues, l'étude du mécanisme qui les provoque nécessilait encore de nouvelles recherches. Darwin avail le premier remarqué que, dans les tiges, le sommet seul est héliotropiquement sen- sible, et que de ce point, une excilalion héliotro- pique se propage dans la partie inférieure el occasionne une forte courbure dans celte région, entièrement privée de la sensibilité héliotropique. L'idée de Darwin n'a pas élé acceptée par tous les botanisies, et M. Wiesner, auquel on doit des travaux importants et remarquables sur ces phé- nomènes, a combattu l'idée de la transmission d'une excilalion héliotropique de la manière la plus nette. L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 113 Les travaux de M. Rothert el de M. Czapeck, entrepris à l’Institut Botanique de Leipzig, offrent, * sur la sensibilité et les réactions héliotropiques et géotropiques, avec d’ingénieuses recherches, des données précises qui font le plus grand honneur au professeur, M. Pfeffer, qui les a inspirées. M. Rothert! à traité de l'héliotropisme., c'est- à-dire des courbures provoquées par un éclairage unilatéral sur des plantes cultivées dans l’obscu- rité. Comme il élait nécessaire de pouvoir éclairer seulement une partie des organes éludiés en lais- sant les autres à l’obscurité, l'auteur emploie des tubes ou des lames de carton noir ou d'étain pour protéger soit le sommet, soit la partie inférieure des plantules étudiées. Les premières recherches ont été entreprises ° avec des plantules de Graminées (Avena salive, Phalaris canariensis, ete.). Deux séries de plantu- les, aussi comparables que possible, sontplacées à la même distance d'une source de lumière; dans l’une, les plantules étaient entièrement éclairées, dans l’autre, le sommet é- il ; lait protégé contre la ra- I] 1] diation par une coiffe en HAE) / AE | papier ou en élain (fig. 1}. LL es Après quelques heures, les à Q premières étaient courbées base el for- Fig. 1. — «, plantules en- lièrement éclairées: b, plantules à sommet non éclairé. depuis la maient, avec la direction verticale, un angle variant de 50° à 70°; les secondes, à sommet protégé contre la radialion, présentaient une courbure de 15° à 30°. On voit que, non seulement le sommet du coly- lédon, mais encore la partie inférieure est sensible héliotropiquement, puisque celle-ci se courbe dans toute sa longueur quand le sommet est soustrait à l'action de la radiation. Mais la sensibilité du som- met est plus grande que celle de la partie infé- rieure, car la courbure provoquée par l'éclaire- ment de cette dernière partie est bien plus faible que la courbure consécutive à l’éclairement du sommet. D'autres recherches montrent que la zone sen- Sible est constituée par la région de croissance du cotylédon ; mais la sensibilité est constante partout, sauf dans la région très courte du sommet qui possède une sensibilité propre considérable. Cette dernière, y compris l'extrême sommel, à une “longueur de 1"",5. Pour mettre en évidence la propagalion de l'ex- citation, on place des plantules dans des pols, et on les recouvre avec de la terre fine et sèche, de à 2). manière à ne laisser dépasser que le sommet(lig. 1 Rornesr W.: Ueber Heliotropismus, Beilräge zur Bio- logie der Pflanzen. Band. VII, 1894. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 18906. Au bout de quelques heures, Loutesles plantules sont courbées jusqu'à la base, dans la partie souslraite à l’action de la lumière ; la courbure est d'abord faible et située au voisinage du sommet, puis elle | Il | NT A0) PANNE Ill [UN Vif D A W 11 Ale 1 L a 2 b Ripon2 — 4, plantules enterrées dont le sommel seul élail éclairé: a!, les mêmes ayrès l'éclairement; b, plantules exposées dans le même lemps à un éclairement complet. se produit progressivement de plus en plus bas, Jusqu'à l'insertion du cotylédon. L'exeitalion hélio- lropique perçue au sommet se propage done de celui-ci dans les régions inférieures demeurées obscures, et y détermine des courbures très pro- noncées; la direction est basipète, elle n’est jamais acropète, au moins chez les plantules d'avoine. En outre, si on éclaire, comme l’a fait l’auteur, avec des sources d’égale intensité, la partie supé- rieure du cotylédon d'avoine sur l’une des faces el en même temps la face opposée de la région infé- rieure (fig. 3), on constate, au bout de quelques heures, une courbure en forme d'S, due à la réac- Lion sur place des régions sensibles à la radiation ig. 3, Il}; mais, si l'expérience a une plus longue durée, l’excilalion perçue par le sommet se pro- page peu à peu jusqu'à la base du cotélydon, el, comme elle est plus puissante que la réaction de la région basilaire, la courbure propre à cette der- nière partie s’efface plus ou moins complètement (fig. 3, IL). : 4 DRE à - lee — {l A | \ fl ol EE \ “| b —:.---t—.- b’ \| || = | || la | v4 I D//4 Fig. 3. — 1, planlule éclairée en b dans sa partie inférieure. et du côlé opposé en «', à sa parlie supérieure. Ï1, la méme après une certaine durée de l’éclaüement. IL. la méme après une durée plus grande. Ces expériences montrent nettement: {1° que l'excitation héliotropique se propage du sommet vers la base ; 2° qu’elle possède une intensité supé- rieure à celle qui est engendrée, dans la région basilaire, par la sensibilité héliotropique propre à celte région. Il restait à établir la voie suivie par celle exci- tation. À cet effet, de deux séries de plantules, l'une sert de Lémoin; dans l'autre on pratique sur 416 L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE : | CEE ee les plantules la section des deux faisceaux du cotylédon au moyen de la pointe d'un scalpel très fin, et on expose les deux séries à la lumière après avoir recouvert la partie inférieure de papier (fig. 4). Au bout de six heures, les plantules muti- lées présentent une courbure héliotropique presque aussi prononcée que les plantules normales; après l’observa- tion, on s’est assuré que les faisceaux avaient été réelle- ment coupés. La propagation de l'exci- tation héliotropique n'a pu avoir lieu que par le paren- chyme du tissu fondamental. Cette propagation, qui eût été incompréhensible il y a dix ans, s'explique aujour- d’hui avec une grande netteté depuis la découverte des communications protoplasmiques. La vitesse de propagation parait être assez faible, sa valeur maxima a alteint, chez les liges de Brodiwa congesta, une valeur de 2 centimètres par heure ; comme on le voit, cette vitesse est bien inférieure à celle qu'on observe dans les mouve- ments provoqués par des chocs ou des ébranle- ments sur certaines plantes, la Sensitive par exem- ple. Cela suffit à montrer, comme l'a déjà dit M. Pfeffer, que les excitalions propagées à travers les tissus sont de nature variable, j Après avoir étudié surtout l'Avena sativa, M. Ro- thert a examiné un certain nombre de Graminées : Avena brevis, Bramus inermis, seigle, orge, ele., qui ont fourni des résultats identiques. Cependant les Panicées lui ont offert des différences intéressantes à signaler. Chez le Sefaria viridis par exemple, le cotylédon seul est héliotropiquement sensible, la tige hypocotylée, dépourvue de toute sensibilité, peut se courber sous l'influence de l'excilalion héliotropique transmise par le cotylédon. L'auteur a examiné ensuite les plantules de serminalion des Dicotylédones el obtenu des résul- tats semblables à ceux qu'ont fournis les Monoco- tylédones. Chez toutes les espèces étudiées, et contrairement à l'affirmation de Darwin, la région capable de produire des courbures est héliotropi- quement sensible. La sensibilité héliotropique est souvent, à la vé- rilé, répartie d'une manière inégale; presque tou- jours il existe une courte région à partir du som- met (quelques millimètres) caractérisée par une très grande sensibilité, tandis que le reste de la plantule possède une sensibilité faible (Avoine). Fig. 4. — «a, plantules normales ; b, plantules dans lesquelles les fais- ceaux ont élé coupes en c; — toutes exami- nées après la méme durée ne eRt, Dans quelques cas la sensibilité héliotropique est uniformément répartie (Capucine), et l'on peut trouver tous les passages entre les plantes à sen- * sibilité terminale très forte et celles où la sensi- bilité est uniforme. Les plantules de Carotte, par exemple, sont, à ce point de vue, intermédiaires entre l’Avoine et la Capucine. Les recherches exéculées sur les feuilles, les pétioles et les tiges, conduisent à des conclusions semblables : ainsi le pétiole des feuilles de la Capucine est uniformément sensible, tandis que, dans la tige du Dahlia, une courte région, voisine du sommet, est plus sensible que la parlie inférieure. Seulement l'extrême sensibilité du sommet n'est pas la règle dans les liges, car celle du Vücia sativa d'après Rothert, celle de l'Asperge d’après | Darwin sont régulièrement sensibles. Dès que les radiations unilatérales frappent un organe, elles déterminent dans le protoplasme une À modificationinconnue quiestcapable deprovoquer, À au bout d'un temps plus ou moins long et cour que la cause déterminante a cessé d’agir,une cour- bure plus ou moins prononcée. M. Rothert désigne la faculté de perception des radiations unilatérales sous le nom de sensibilité héliotropique (heliotro = pischen Emp'indlichkeïit), et la faculté de provoquer une courbure plus ou moins prononcée sous lenom d'excitation héliotropique \heliotropischen Reiz). Ces deux propriétés correspondent à des modifications. différentes du protoplasme qui ne sont pas néces- sairement liées l’une à l'autre. Ainsi, l'excitation héliotropique qui succède à la perception peut être directe, c’est-à-dire se produire au lieu même des l’excitalion dans les organes éclairés : mais sm | peut être indirecte, c’est-à-dire se produire à une certaine distance de la région où la perception a eu lieu, et dans un organe maintenu à l'obscurité. Bien plus, certains organes, tels que la tige hypo= cotylée des Panicées, ne sort pas impressionna= bles par un éclairage unilaléral; mais ils peuvent se courber à l'obscurité ou à la lumière sous l'in fluence que leur transmet le cotylédon. La tige hypocotylée des Panicées est donc héliotropique ment excilable, mais elle n'est pas héliotropique= ment sensible. La courbure des organes, c'est-à-dire la réaclio qui succède à la perception et à l’excilation pro duites par un éclairage unilaléral, dépend de plu sieurs facteurs: de la structure anatomique, d l'épaisseur des organes, de l’activité de la crois sance, et de l’excitabilité héliotropique. La faculté de courbure est proportionnelle à ces deux der uiers facteurs, inversement proportionnelle l'épaisseur. Si toute la région de croissance est capable d traduire, par des courbures, l'excilalion produites par la lumière dans les organes héliotropiquement sensibles, le maximum de croissance ne concorde 4 L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 4 pas toujours avec le maximum de la faculté de “courbure. M. Wiesner avait déjà signalé le fait, Bnais M. Rothert, après l'avoir vérifié, l'explique : très nettement de la manière suivante. Dans des - conditions égales (même siructure anatomique et - même épaisseur) , la production des courbures -en un point déterminé d'un organe dépend de deux - variables : d’une part, de l'intensité de croissance, - d'autre part, du degré de sensibilité héliolropique. Quand cette dernière est également répartie, les - diverses zones de l'organe se courbent suivant l'intensité de la croissance, et il y a concordance - entre le maximum de croissance el le maximum - de courbure. Quand la concordance n'existe pas, cela lient à ce que la sensibilité héliotropique est différente dans les divers points de l'organe. Par exemple, si deux zones de croissance iné- gale se courbent également, la plus sensible est celle de plus lent accroissement. C’est ainsi que dans le cotylédon de l’Avoine, la région de 3 mil- limètres à partir du sommet se distingue par une sensibilité héliotropique bien plus grande que la zone inférieure d’accroissement rapide. On voil, en résumé, que les courbures héliotro- piques ne peuvent pas s'expliquer, comme on le fait généralement, par l'action directe d'un éclaire - ment unilatéral, provoquant, sur toutes les géné- ratrices d’une même zone, une croissance inégale dont le maximum chez les plantes positivement héliotropiques correspondrail à la génératrice la moins éclairée, et le minimum à la génératrice la plus éclairée. La possibilité de produire des courbures dans un organe héliotropiquement insensible, tel que la région hypocotylée des Panicées, maintenue à l'obscurité, par la transmission d'une excitation venue du cotylédon el perçue par lui, suffit pour montrer que l'explication admise jusqu'ici ne s'accorde pas avec les faits. Il n’est pas possible, non plus, d'admettre l'hy- pothèse de M. Wiesner sur l’existence de tractions et de pressions exercées par le poids du sommet. M. Rothert réfute, par un certain nombre d’expé- riences, cette hypothèse, désignée par M. Wiesner Sous le nom de « Zuguuchsthum ». L'exiguïlé de “cet article ne me permet pas de discuter cette “partie du mémoire, qui a donné lieu à une contro- “verse assez vive. 4 Retenons seulement, pour résumer le beau tra- “xail de Rothert, que, dans les organes en voie de Doc le proloplasme des cellules possède deux propriétés, souvent indépendantes l’une de “l'autre : la sensibilité héliolropique et l’excilabilité “héliotropique. Quand la première esl mise en jeu LL IIPPERERERERT PER VE RNA R ER E EE 1 Van TiEGHEM, édit. {re partie. 2 122. Traité de Botanique, 2° dans un groupe cellulaire par un éclairement unilatéral, elle provoque des modifications encore inconnues de la masse protoplasmique qui don- nent naissance à la seconde, c’est-à-dire à une excitation. Cette excitation se propage lentement de cellule à cellule, et détermine, soit immédia- tement au siège de la perception, soit médiate- ment dans les régions non éclairées ou même complètement insensibles des modifications de croissance qui se traduisent par les courbures héliotropiques. Par quel mécanisme se produisent ces modifica- tions de croissance? Nous l'ignorons encore. On pourrait, il est vrai, pour expliquer le cas singu- lier de tige hypocotylée du Panicum, héliotropi- quement excilable mais insensible, dire que le protoplasme des cellules de cette région a perdu la propriété de percevoir les radiations qui pro- voquent les inégalités de la croissance, mais qu'il a conservé l’excitabilité héliotropique. Alors, dès que le cotylédon lui envoie le courant provoqué par l'éclairage unilatéral, il réagit sous l'influence de ce courant, tout comme il l'aurait fail sous l’ac- tion directe de la lumière, en provoquant les mêmes modifications de croissance. Cette explication suppose que la tige hypoco- tylée du Panicum à été, à un moment donné, hélio- tropiquement sensible. Cela n’est pas invraisem- blable, car M. Rothert montre que chez un certain nombre de plantes, quand la croissance a cessé, que, par conséquent, les Liges ont perdu la faculté de produire des courbures héliotropiques, la sen- sibililé et l'excitabilité héliotropiques persistent ; il pense mème que ces propriétés, ou l’une d'elles au moins, sont conservées jusqu’à la mort des cel- lules. Avant de formuler une explication plus complète de ces mouvements, de nouvelles recherches s’im- posent. Si de faibles variations d'intensité lumi- neuses suflisent pour provoquer une forte cour- bure dans un sens ou dans l'autre !, il intéressant de savoir comment varient, dans ces conditions, l’excrtabilité et la sensibilité héliotro- piques. M. Rothert n'a pas étudié, malheureuse- ment, l'influence des variations d’intensité lumi- neuse : c'est une lacune à combler. sera Le travail publié par M. Czapek? n'est pas moins intéressant : car il complète sur le géotro- pisme, et d'une manière très originale, les re- cherches de M. Rothert. La donnée de Darwin, relative à la disparilion du géotropisme dans la racine primaire à la suite ? Max TiEGnEM, loc. cil., p. 123. ? Czaper (Friedrich). Untersuchungen über Geotropismus : lahrbücher f. Wissensch. Botanik, 1895, p. 243-339. 415 de l’ablation du sommet, a été souvent discutée el critiquée. Déja MM. Wiesner et Molish avaient montré, contrairementaux résultats de M.F. Darwin et Kirchner,que la croissance des racines décapitées est plus faible que celle de la racine normale. M. Czapek vérifie d’abord ce fait et montre que la différence des résultats obtenus tient d'abord à la grandeur du tronçon enlevé ; si ce tronçon est trop faible, on observe encore une croissance voi- sine de la normale et un très faible géotropisme. D'ailleurs, la décapitation des racines produit un tel ébranlement qu’on ne peut guère s'appuyer sur ce procédé pour démontrer la sensibilité 36olro- pique du sommel. M. Rothert! a consacré, dans le travail analysé plus haut, un chapitre aux effets de la décapitation des plantules, et il montre que cette opéralion, réalisée sur le cotylédon des Graminées, produit deux aclions indépendantes : 1° une diminution plus ou moins grande de l'intensité de croissance; 2% une disparition complète de la sensibilité héliotropique et géotropique: ces deux actions sont toutefois transitoires et durent seulement quelques heures. Elles ne sont pas dues à la sup- pression du sommel, mais à la blessure produite, qui occasionne une excitalion se propageant dans tout le cotylédon et même, chez les Panicées, dans la lige hypocotylée. Pour s'affranchir du trouble apporté dansles tissus par l'ablation du sommet, M. Czapek à imaginé une méthode à la fois élégante et simple, qu'il appelle méthode de la déviation du sommet : Spitzenablenkung. Voici en quoi elle consiste : Des plantules de germination sont placées sur un cli- nostat de manière à équilibrer l’action de la pe- santeur. D'autre part, on prépare un petit tube d'un diamètre un peu plus considérable que le diamètre de la racine principale; on le recourbe à angle droit et l'on ferme à la lampe l’une des extrémités longue de 1 mm. 5 à 2 millimètres; l'autre extrémité, demème longueur, reste ouverte. On place alors ce petit lube sur le clinostat en le fixant avec un peu de cire molle, de manière que l'extrémité d'une racine soit engagée dans l’ou- verture de l'une des branches. La racine continue à croire en s'enfonçant dans le tube, et lorsqu'elle arrive au niveau de la courbure, elle se courbe à angle droit pour s'allonger dans la branche courbée, qu’elle remplit bientôt. Ce résultat est oblenu à une température de 18 à 19° en 8 ou | 1 Rornerr : Ueber Heliotropismus, Ueber die Wirkung der Decapitation bei (tramineen-Keimlingen. Loc. cit., p. 191. 2 Prgrrer (W) : Ucber die geotropische Sensibilität der Wurzelspitze nach dem von D. Czapek im Leipziger bota- nischer Institut angestellten Untersuchungen. Bericht. d. math. phys. Cl. der Konig. Sächss Gesells. der Wissensch zu Leipzig, 1894. L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE EEE Se 10 heures. Il est nécessaire, pour réussir, que le petit lube de verre qui coiffe le sommet puisse ètre retiré ou replacé facilement: car, s'il élait trop juste, il provoquerait, par la compression de la racine, des troubles dans la croissance et enfin la mort du point végélalif. Si la coifle de verre a des dimensions conve-= nables, la végétalion dela racine n’estpas modifiée; quant au poids même de celte coiffe, il est trop faible pour produire une modification notable des la croissance. Les observations faites avec les racines ainsi préparées sont très intéressantes (fig. à) : | Quand la racine est piacée dans une situa- tion horizontale, de manière que le sommet enveloppé de sa coitle de verre soit dirigé verticalement en bas, on nobserve aucune courbure géotropique (fig. 5 6); la racine croit dans la direction que possède la zone de croissance, c'est-à-dire la direction horizon - tale : on voit donc que cette région est insen- sible à l’excilalion géo- tropique. On place ensuite la racine verticalement , de manière que la ré- (ÆS 0 ZE Fig. 5.— «, racine avant l'ac lion de la lLerre; a la même quelques heures après: b, SE luation de la racine dans laquelle les courbures ne se gion de croissance oc- cupe la situalion nor- male, le sommet étant manifestent pas; c, siluation initiale de la racine; c', l& méme après l'action de l& lerre. horizontal (fig. 5 &); au bout de quelques heures, il se produit dans lan région de croissance une courbure géotropique dont la convexité est dirigée du côté vers lequel le sommet élait primitivement placé; ce dernier décrit ainsi peu à peu un angle de 90°, qui le ra- mène dans la situation normale où l’action de la pesanteur s'exerce également sur toutes les faces (fig. 5 a’.) Le sommet de la racine seul est donc géotropi= quement sensible; l’action de la pesanteur perçue dans cette région s’est transformée en une exci- tation géotropique qui, transmise dans la zone de croissance, y a déterminé des courbures destinées à ramener le sommet dans la situation normale. Si la racine est placée horizontalement,mais de manière que le sommet soit dirigé en haut (fig. 5 €), on #percoit bientôt, dans la région de croissance, une courbure destinée à replacer peu à peu le L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 149 sommet dans la direction normale (fig. 5, c’). En orientant de diverses manières les racines dont le sommet est courbé par le procédé de M. Czapek, le résultat obtenu est constant: si ce sommet oceupe la siluation normale, on n’observe pas de courbures géotropiques, quelle que soil la situa- tion de la zone de croissance ; mais, s’il n'occupe pas celle silualion, on voil apparaitre des cour- bures géotropiques variées, qui le ramènent à celte situation. Par suite, le sommet de la racine sur une lon- gueur de 4,5 à 2 millimètres, la coiffe non comprise, est seul géotropiquement excitable. La région de la coiffe n’est pas sensible et peut être enlevée sans que la perceplion soit lroublée. Ces résultats s'appliquent non seulement à la racine principale mais encore aux racines latérales. Dans les tiges, la séparation de la région sensi- ble et de la région excitable n'est pas toujours aussi nette que dans la racine. En opérant avec les plantules d’Æelianthus, de Linaria genistæfoliu, les tiges d'Æippuris, M. Czapek a trouvé que la zone de sensibilité géotropique concorde le plus souvent avec la plus grande partie de la région de crois- sunce ; la perception et la réaction ont donc lieu au même endroit,contrairement à ce que nous venons de voir pour la racine. La faculté de réaction géotropique d’un organe, c'est-à dire la production des courbures, est modi- fiée, de la même manière que la croissance, par les influences extérieures ; mais la sensibilité géotro- pique persiste encore dans les condilions où cesse la faculté de réaction. Ainsi, l’abaissement de la température, l'absence d'oxygène qui suppriment celte dernière, permettent encore à la sensibilité géotropique de se manifester, après plusieurs heu- res, par des courbures, quand la racine est repla- cée dans les conditions normales. D'autre part, si l’on supprime mécaniquement, par l'immersion dansle plâtre, la faculté de réaction d’un organe, celui-ci conserve sa sensibilité géo- tropique, et si on le soumet à l'induction produite par la pesanteur, quand il est immergé dans le plàtre, il manifeste les courbures géolropiques dès que la gaine de plâtre est enlevée (racines de Lu- pin, plantules de Soleil). M. Czapek a cherché à vérifier si, comme l'ont dit Sachs, Fr. Darwin et miss Anna Bateson, la situation horizontale des - organes orthotropes constitue l'optimum des plus fortes courbures. Il a fixé des organes divers, racines ou tiges, sur des planchettes formant divers . angles d’inelinaison en empêchant Ja courbure géotropique par un obstacle mécanique. Après un certain temps d'induclion (trois, six ou huit heu- res) les organes sont placés dans un elinostat et . l'on mesure les courbures produites. CRE LS DS Le résultat obtenu a été constant : pour les raci- nes la grandeur de la réaction croit avec l'angle d’inclinaison, mesuré sur la verticale, jusqu'à une valeur maxima obtenue à 135° {c'est-à-dire à 45° au-dessus de l'horizontale) ; pour les entrenœuds de seigle elle croit jusqu'à 120? (c'est-à-dire 30° au- dessous de l'horizontale), à partir de là et jusqu'à 180° elle décroit graduellement jusqu'à devenir nulle, mais seulement pour le seigle. La situation horizontale des organes orthotropes n'est donc pas celle pour laquelle on observe les plus fortes courbures géotropiques. En outre, les résullats montrent que pour les nœuds desGrami- nées aucune courbure ne peut avoir lieu pour la situation verlicale retournée, tandis que les racines placées verticalement, mais le sommet en haut, sont capables de produire des courbures. Sacbs a dit le premier que les courbures géoltro- piques observées dans une racine placée verticale- ment, mais retournée, sont dues à ce que celle-ci, par des mouvements de nulalion, ne reste pas rigoureusement verlicale el que l’action de la terre, inégale sur les diverses génératrices de l'organe, provoque des courbures géotropiques. Si, en effet, comme l’a fait M. Czapek, on supprime ces mouvements de nulalion en immergeant la racine dans du plâtre, on remarque que les cour- bures géotropiques ne se produisent plus quand la racinees{ placée verticalement, le sommet en haut. Chezles racines latérales dont la direction forme, on le sait, un certain angle avec la direction verti- cale, le maximum de réaction géotropique existe pour un angle de 30 ou 60° avec leur direction. Il était intéressant de connaitre la relation qui existe entre la grandeur de la réaction géotropique et l'intensité de la force qui, perçue par la région sensible, détermine les courbures. On savait déjà, par les recherches de Sachs, de MM. Elfving el Fr. Schwartz que celte réaction augmente avec l'intensité de la force qui les provoque. L'auteur a cherché à mesurer la durée de l'excitation latente, c'est-à-dire le temps qui s'écoule entre le début de l'induction et le début de la réaction. Pour cela, les plantes sont placées sur un clinostal à vitesse variable, et disposées de manière qu'on puisse les observer sans les retirer de l'appareil. Voici les résultats obtenus : Durée de l'excitation Intensité de la force centrifuge. latente. g représente l'accélération de la pesanteur. 38 à 35 g 3/4 d’heure, 28 à 10 g 1 heure. à - #19 1h12. 3, à 0,9 g 4 h. 3/4, 0,6 g Due 412: 0,5 à 0,4 g 3 heures. 0,2 à 0,02 g 4 heures. 0,003 g 5 heures. 0,001 g 6 heures. 0,000 g $ h., faible courbure. 490 On voit que pour les faibles intensités de 0,001 y à 1 4 de la force dirigeante, une augmenta- tion faible de celle-ci provoque une augmentation considérable de l’action géotropique.Au contraire, de 1 g. à 30 g. une grande augmentation de la force modifie peu l'intensité de l’action géotro- pique. En outre, pour les divers objets étudiés, l'excita- bilité géotropique commence à se traduire exté- rieurement par des courbures pour une valeur égale à 41/1000 de l'intensité de la pesanteur. Les ingénieuses recherches de M. Czapek con- cordent avec celles de M. Rothert, et montrent qu'en somme, le fait fondamental énoncé par Darwin sur l'existence d'une sensibilité des tissus vis-à-vis des radiations, de la pesanteur et celle de la transmission de l'excitabilité à une certaine distance du point irrité, est vrai dans ses termes généraux. Pour les racines, la courte région du sommet végélalif, en dehors de la coiffe,est seule géotropi- quement sensible et toute la région de croissance est géotropiquewnent excitable, quoique insensible. Dans les tiges, ces deux propriétés ne sont pas nettement distinctes, Loute la région de croissance étant sensible et excitable. On doit se demander si la répartition de la sen- sibilité géotropique offre les mêmes variations que la répartition de la sensibilité héliotropique. De nouvelles recherches, difficiles et délicates, pour- raient être entreprises sur ce sujet ; les difficultés ne sont pas telles que l’ingéniosité de M. Czapek ne puisse les vaincre. LV, — MiCRO-ORGANISMES ET DIASTASES. La question relative à la présence ou à l’ab- sence des micro-organismes, dans les cellules vi- vantes, à une importance physiologique considé- rable, Quand Pasteur annonça que les tissus sains, pro- légés par un épithélium intact, sont privés de germes, il ne prévoyait pas l'importance, justifiée assurément, mais lrop souvent exagérée, que les «microbes» ont acquise aujourd'hui. Non seulement ses idées sur le rôle des bacté- ries et des levures dans la putréfaction, la fermen- tation, el dans un grand nombre de maladies parasitaires, si vivement combattues au début de ses merveilleuses recherches, sont acceptées au- Jourd'hui; mais les «ralliés » à la doctrine et aux méthodes nouvelles, par une réaction si fréquente dans l’évolution des idées, dépassent le but et vont même jusqu'à prétendre que les micro-organismes existent dans l'organisme sain. Les cellules vi- vantes ne seraient plus que des milieux de culture favorables au développement de ces organismes, L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE qui seraient chargés d'accomplir toutes les fonc- tions de la vie. b. Pour ces hardis novateurs, Pasteur lui-même aurait aujourd’hui des idées rétrogrades. Quelques expérimentateurs de bonne foi aflir- ment, de temps en temps, que les tissus vivants contiennent des micro-organismes. Ces aflirma- tions sont loutes sujettes à caution, car, si l’on rencontre des bactéries dans une culture ou dans un tissu isolé avec toutes les précautions d'usage, on n’est jamais sûr de ne pas avoir laissé la porte ouverle à quelques germes durant la série des manipulalions nécessaires à l’expérience. Les erreurs de ce genre sont si faciles à com- mettre, même pour des expérimentateurs habiles, que la question à résoudre n’est pas de savoir si les bactéries se rencontrent dans les Lissus vivants, mais bien plutôt celle-ci : est-il possible d'obtenir, le développement complet d'un être dans un mi- lieu rigoureusement privé de germes ? Un seul résultat positif réalisé dans ce sens pré- vaut contre toutes les aflirmations contraires. En ce qui concerne les plantes, M. Kochs! a résolu la question. Il a semé des graines de diver= ses plantes (cresson, haricot, blé, etc.), dont la sur face avait été préalablement stérilisée, dans des milieux absolument privés de bactéries, en em- ployant toutes les précautions utilisées en pareil cas. Les plantes ont vécu pendant quatorze mois el ont fini par périr dans l’espace où elles élaient emprisonnées. Durant cette longue période on n’a pas observé de fermentation ou de putréfaction. Après la dessiccalion complète, lesracines prennent une leinte blanche, les feuilles et les tiges pàlis= sent peu à peu et deviennent également blanches: Les espèces que l’auteur a ainsi étudiées peu- vent donc germer et se développer jusquà la putréfaction ; par suite, la germination et les phé- nomènes ultérieurs de la croissance s’accomplis- sent sans le secours des bactéries. M. Dixon avait déjà publié un résullat analogue. L'auteur montre, en outre, que les bactéries man=" quent dans les Lissus sains. Il cueille une prune presque mûre, et après l’avoir lavée au sublimé, il l'introduil dans un vase renversé sur un bain de mercure. Après trois mois, et malgré la température. élevée de la fin de l'été, elle ne présentait pas traces de micro-organismes. On est donc autorisé à conclure que les Lissus. vivants ne renferment pas de bactéries. Les expériences de M. Kochs ont encore une signification plus haute, car elles nous autorisent 1 Koous (W.) : Gibt es ein Zelllechen ohne Micro-organis- mus? Biolog. Centr. Blalt., 1894. . iémettre des doutes sur les idées nouvelles con- cernant les phénomènes digestifs. Ces idées, émises par des savants de haute va- leur, consistent à admettre que les bactéries jouent un rôle essentiel dans les phénomènes chi- miques de la digestion. Nous avons même entendu des botanistes émi- nents prélendre que les liquides digestifs sont sans importance : ils ne représentent que les mi- lieux de culture favorables à l’éclosion et au déve- loppement des bactéries actives, seuls agents des transformations chimiques. Si les bactéries constituent un adjuvant des liquides digestifs, et on ne saurait le nier dans le cas des herbivores et des granivores, il nous parait exagéré de leur accorder un rôle prépondérant, presque exclusif. En effet, les bactéries ne sont actives que par les diastases qu'elles sécrètent. Pourquoi refuser aux diastases produites par le {issu épithélial dont les cellules sont semblables, en somme, à celles qui forment les bactéries, les propriétés que l'on accepte pour ces dernières? D'autre part, on sait que les diastases extraites des végétaux sont en tout semblables à celles que fournissent les animaux. Si les premières sont ca- pables de réaliser des phénomènes de digestion en l’absence des bactéries, et les expériences de MM. Dixon et Kochs le démontrent nettement, pourquoi admettre que les diaslases animales, par cela seul qu'elles sont en présence des bactéries, vont demeurcr inertes ? D'ailleurs, M. le D'Charrin a montré,même chez les animaux, l’exagération de cette théorie, car des sujets, sur lesquels on réalise autant que pos- sible l’asepsie intestinale, continuent à augmenter de poids. Qu'ils’agisse de digestionexterne ou de digestion interne, les diastases, quelle que soit leurorigine, procèdent de la substance vivante et possèdent les mêmes propriélés. Vouloir établir des distinctions entre les diastases d’origine animale et d’origine végélaie amène à rompre l'unité de la cellule vivante chez tous les êtres, unité qui s'affirme chaque jour davantage par les recherches anato- miques ou physiologiques. CAT ET Nous sommes amenés à signaler quelques tra- vaux intéressants sur les diastases. M. Green! a recherché si la lumière agil sur les diastases des plantes supérieures comme elle agit sur celles des Bactéries, qui sont, comme on le sait depuis les travaux de M. Marchall Ward, rapidement détrui- tes. L'auteur a étudié la diastase de l’orge germée, 1 Green (R.) : The influence of light on diastase. Annals of Botany, vol VIII, n° XXXI, 1894. L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE A51 et la diastase salivaire. Les résultats obtenus sont concordants. La lumière du soleil ou d’une lampe électrique détruit les diastases ; c’est la partie la plus réfran- gible du spectre, c'est-à-dire l'extrémité violette, qui est seule active. Les autres rayons paraissent au contraire favoriser l’aclion de la diaslase,qui se montre plus active sous leur influence qu’à l'ob- securité. La différence d'activité est considérable, car le pouvoir saccharifiant des solulions éclairées est à celui des solutions obscures (après onze jours d’ex- position) comme 9 est à 147, c'est-à-dire seize fois moindre. Il est intéressant de signaler ce fait que la destruction de la diastase une fois commencée à la lumière,se continue à l'obscurité, même si l’in- fluence destructive de la lumière est écartée avant que l'activité de la diastase soit sensiblement diminuée. Ce phénomène n’est pas nouveau; on sait qu'un certain nombre de composés minéraux se trouvent dans le même cas. L'action destructive de la lumière devrait être fréquente dans les graines, puisque la couche de cellules à diastase occupe la région périphérique ; mais M. Green pense que les téguments arrêtent les radiations sensibles et soustraient les diastases à leur action. M. Green ! a étudié dans un autre travail la ger- minalion et la nutrition du tube pollinique et con- firme, sur la présence de l’amylase et de l'inver- line dans le grain mûr, les résultats déjà connus. Pendant la germination, ces diastases augmen- tent peu à peu, après une courte diminution au début, et, quand le grain de pollen a perdu la facullé de germer, ces diastases diminuent beau- coup. Le tube pollinique se nourrit des matériaux de réserve renfermés dans le grain et de ceux que renferme le style. Ce dernier contient ordinaire- ment les mèmes hydrates de carbone et produit des diastases qui préparent les matériaux deslinés à l'absorption du tube pollinique. M. Grüss ? à publié d'autre part des recherches importantes sur les propriétés el la distribution des diastases. En étudiant la diffusion de la diastase à travers l'argile ou le papier parcheminé, l’auteur indique un procédé de purification par diffusion, supé- rieur au procédé actuel de précipitations et de dissolutions successives dans l'alcool et dans l'eau: ce dernier a parfois l'inconvénient de dimi- 1 GREEN (R., : Rescarches on the germination of the pollen grain and the nutrition of the pollen tube. Philos. Trans. of the Royal Sociely of London, vol. 185; 1894. 2 Grüss : Ueber das Verhalten des Diatatischen Enzyms in der Keimpflanzen. Pringsheim lahrbucher, Bd. XXVI. L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE nuer l’activité du produit épuré. Comme la dias- tase diffuse à travers les membranes, il est possible de extraire aussi sans détruire les cellules. Les recherches de Krabbe avaient montré que la pénétration de la diastase dans les tissus qui en sont dépourvus est très lente, sinon nulle. M. Grüss a constaté, au contraire, une rapide péné- tralion, car des fragments d’endosperme de maïs sont rapidement saccharifiés dans une solution de diastase, landis qu’ils se conservent dans l’eau plusieurs mois, sans que les grains d’amidon soient attaqués. Si M. Krabbe n’a pas oblenu les mêmes résultats, cela tient à ce qu'il opérait avec la diaslase brute, extraite du malt; elle contient des matières azolées qui s'opposent à la diffusion. La diastase peut altaquer aussi les membranes cellulaires de l'endosperme chez le Maïs, le Riz, le Calla _Æthiopica, le Datlier, celles du collenchyme des pétioles de Bégonia ; par contre, lesmembranes du Canna, des rameaux de Platane, qui se laissent traverser par la diastase, ne sont pas attaqués. Aussi M. Grüss admet-il l'existence de deux dias- lases : l'une qui diffuse rapidement à travers les membranes, sans les attaquer; quand elle est active, elle n’agit que sur la substance intercellu- laire et dissocie les tissus ; l’autre diastase, à diffusion lente, dissout rapidement les mem- branes ; mais, comme il n’a pas élé possible d’iso- ler ces deux diastases, ces idées sont encore hypo- thétiques. L'auteur à étudié ensuite le développement et les variations de la diastase dans les plantes en germinalion. Quand les premières feuilles se développent, la diastase existe en quantilé considérable dans le point végétalif et elle diminue brusquement au- dessous de l'insertion du cotylédon. La grande quantité de diastase renfermée dans la région du point végélalif, parait, d’après l’auteur, néces- saire à la dissolution de l’amidon transitoire et à la dissolution des cloisons pendant la formation des faisceaux. Dans les cotylédons, la diastase apparait d’abord au point d’inserlion, puis elle se développe progressivement de la base vers le sommet en diminuant peu à peu dans les régions où elle était d'abord apparue; il en résulte que le maximum de la quantité de diastase se déplace peu à peu de la base vers le sommet, et ce dernier présente la valeur maxima quand l'insertion du cotylédon présente la valeur minima. Ces résullats sont les mêmes, que les cotylédons soient normaux ou détachés de la plante. Dans ce dernier cas, on trouve beaucoup moins de diastase, souvent le ‘/, dans les tiges des plantules muti- lées que dans celles des plantules normales (sauf dans le bourgeon terminal qui demeure toujours un centre important pour la production de la dias- tase); ce fait s'explique par la migration de la dias- lase des cotylédons dans la tige. Dans un autre travail ! M. Grüss complète les données précédentes sur la répartition de la dias: lase. Les réaclifs employês pour mettre en évidence les diustases dans les tissus sont peu nombreux; l’auteur emploie le réactif de Schænbein (bleuisse- ment par un mélange de gaiac et d’eau oxygénée). Dans les graines du blé, la diastase existe dans la gemmule, dans les faisceaux du cotylédon, el dans les cellules à aleurone de la tunique externe de la graine. Dans les plantes adultes, les assises cellulaires qui sont situées au voisinage des réserves d'amidon, telles que lamoelle et les rayons médullaires, sont aussi des centres de production de la diastase (cambium, élui médullaire) ; elle existe aussi dans le bois, le parenchyme ligneux et dans les cellules à chlorophylle. On peut remarquer toutefois que le réactif ce Schæœnbein n’est pas à l'abri des criliques, car l’auteur a trouvé, dans le parenchyme de la pomme de terre, une substance qui bleuit la teinture de gaïac sans l'emploi de l’eau oxygénée ? Cette der- nière coloralion est due à la accuse, ferment oxydant découvert par M. G. Bertrand? dans le latex de l'arbre à laque. Ce latex, obtenu en inei- sant l'écorce du tronc de certaines espèces du genre Rhus, est employé par les Chinois et les Japonais pour fabriquer les meubles en laque. Conservé à l'abri de l'air, il se présente sous l'aspect d’une crème épaisse de couleur blonde et se conserve sans allération, mais, dès-qu'il est exposé à l'air, il s’oxyde rapidement, brunit et se recouvre en quelques minules d'une pellicule résistante noire insoluble; c'est pour cela qu’il est employé comme vernis à laque. M. Bertrand a reconnu que ce lalex renferme d’abord un liquide huileux, voisin des phénols polyatomiques, le /acrol, substance très oxydable et.en même temps, dangereuse à manier à cause de son action rubéfiante très intense; le laccol est mélangé à de la gomme el à une diastase spéciale qu'il a désignée sous le nom de /ureuse ; cette der- nière produit la solidification et le noireissement du laccol par oxydation. La laccase, isolée el’ purifiée, manifeste, en effet, des propriétés spéciales : c'est une diastase 1 Grüss (J) : Der Diastase im Pflanzenkôrper Bericht. d. deuts. Bot. Gesell. Bd. XIII. 2 G. Ber1Ranp : Sur le latex de l’arbre à laque. Comples Rendus. T. CXVII, p. 1215. G. Berrrann : Sur la laccase et le pouvoir oxydant de cette diastase. Comptes Rendus. T. CXX, p. 266. G. BerTrAND : Sur la recherche et la présence de la laccase dans les végétaux. Comples Rendus. T. CXXI, p. 166. L. MANGIN — REVUE ANNUELLE DE BOTANIQUE 153 oxydante qui transforme rapidement à l'air l'hydroquinone en quinone et en quinhydrone, le pyrogallol en purpurogalline ; elle oxyde aussi l'acide gallique, le lanin, en absorbant beaucoup d'oxygène et en dégageant de l'acide carbonique ; enfin, elle colore directement à l'air la résine de gaïac. Celte diastase est extrêmement répandue dans les végélaux ; il suffit, pour s’en assurer, de mouiller la section fraiche d’une lettre avec la teinture de gaïac; si elle bleuit, le tissu renferme de la lac- case. M. Bertrand a reconnu et a pu extraire la laccase des racines de betterave, de carotte, de navet, de dahlia, des tubercules de pommes de terre, de topinambour, des feuilles de betterave, de trèfle, de luzerne, des fruits de marronnier, des pommes, des coings, etc. Il n’est pas possible d'indiquer dès maintenant le rôle physiologique d’un ferment aussi répandu. Nous nous bornerons à montrer que sa présence permet d'expliquer les changements de coloration qui surviennent dans certains tissus exposés à l'air, en particulier chez les Champignons. On sait que la chair d’un certain nombre de ces plantes prend, lorsqu'on les casse, une teinte rouge, bleue ou noire plus ou moins foncée. Or, d'après MM. Bertrand el Bourquelot !, un certain nombre d'espèces renferment de la laccase; citons notamment, parmi les plus riches en ce produit, les Aussula fœtens, nigricans, cyanoxuntha, fragiis, les Lactarius vellereus, volunus. D'autre part, les espèces dont la chair change de couleur à l'air, notamment le Boletus cyanescens les ARussula nigricans renferment, en outre, une substance incolore mal définie, qu'on peut isoler, et qui a la propriété de s’oxyder au contact de la laccase el en présence de l'air. Tant que la chair est soustraite à l’action de ce dernier corps, l’oxydationne peut avoir lieu; elle conserve saleinte normale; mais dès que l’air est amené, par une déchirure ou une coupure, au contact des tissus, 1 G. BerrraxD et E. Bourqueuor : La laccase dans les Champignons. Bull. Sociélé de Biologie. 10€ série, t. I, p. 579. G. BerrrAn» et E. BourqueLor : Le bleuissement et le noircissement des Champignons. Bull. Soc. Biol., p.82, 1895. la laccase détermine rapidement l'oxydation de la substance à laquelle elle est mélangée, et le champignon bleuit ou noircit. IP semble que la laccase n'ait pas toujours les mêmes propriétés, suivant son origine, car si la substance bleuissante de Boletus cyanescens mani- feste celte coloration, même en présence de la laccase de l'arbre à laque, cette dernière substance est impuissante à provoquer l'oxydation et le noir- cissement consécutif chez le Æussula nigricans. Quoi qu'il en soit, nous avons, dans la /acease et les substances analogues, un type nouveau de diastases, caractérisées par leur pouvoir oxydant considérable. Quel rôle peuvent-elles avoir dans les Lissus où elles sont si répandues? Nous ne pouvons même pas faire de conjectures à ce sujet. Cepenuant, une observation intéressante de M. Bourquelot ® montre que les ferments oxydants peuvent expliquer la formation de cerlains composés dans les plantes. Il mélange, à une solution élendue de salicine, quelques centigrammes d'émulsine el une pelite quantité d’un ferment oxydant (extrait du Æussula cyanorantha). Dès le deuxième jour, el après des agilalions répélées, le liquide exhale l’odeur d'aldéhyde salycilique. D’après l’auteur, le com- posé prendrait naissance de la manière suivante : l'é mulsion dédouble d’abord la salicine en glucose et en alcool salycilique ; ce dernier, sous l'influence du ferment oxydant el en présence de l'oxygène de l'air, est transformé en aldéhyde salicylique reconnaissable à son odeur. Si l'on remarque que, dans la Reine des Prés, les racines renferment de la salicine et que les fleurs e xhalent l'odeur de l'acide salycilique, il n'est pas téméraire de penser que la production de ce dernier corps ait lieu par une réaction analogue. On conçoit l'importance de cette observation au point de vue de la production des parfums dans les plantes. L. Mangin. Professeur au Lycée Louis-le-Grand. 1 BourqueLor (E.) : Actions successives d’un ferment so- luble hydratant et d'un ferment soluble oxydant. Bull. Soc. de Biologie, 10° sér., t. II, p. 315. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Voigt (Waldemar), Professeur de Physique à l'Univer- sité de Gæltingue. — Elementare Mechanik, als Ein- leitung in das Studium der theoretischen Phy- sik — 1 vol. gr. in-8° de 484 pages avec 55 fig. (Prix : 16 fr.) Veit et Cie, éditeurs, Leipzig, 1896. Il est peu de physiciens qui ne se soient aperçus tôt ou tard que leur préparation était insuffisante en ce qui concerne la Mécanique rationnelle. Cela tient à plusieurs causes dont la première est, très probable- ment, que cette science est enseignée dans les écoles sous une forme un peu trop générale et insuffisamment utilisable. Entre les techniciens, qui ont en vue la construction des machines, et les analystes qui s’alt- tachent plutôt à la forme mathématique, il n'y a guère de milieu; c'est pourquoi un cours de Physique supé- rieure est généralement précédé d'un complément d’études mécaniques, formant le lien entre la partie mathématique et l'application des principes généraux aux cas concrets que le physicien est appelé à ren- contrer. Le Professeur Voigt, frappé de l'insuffisance des no - tions mécaniques apportées par ses élèves au cours de Physique, s'avisa d'en rechercher la cause, et fut con- duit tout naturellement à combler une grosse lacune, en présentant les principes de la Mécanique non point suivant des relations mathématiques, mais en tenant compte surtout des problèmes que le physicien aura plus tard à résoudre. Il ne s’agit point ici d'un choix plys ou moins judi- cieux de questions traitées; l'esprit lui-même de l'ou- vrage se sépare nettement de celui qui règne le plus souvent dans l’exposé des principes de la Méca- nique. Partout, la philosophie du problème remplace la forme à laquelle seule on reste trop souvent at- taché. Le caractère encore hypothétique des principes de la plus précise des sciences est partout mis en lumière, non point pour créer un doute ou une hésita- tion dans l'esprit de l'élève, mais bien plutôt pour lui montrer les difficultés vaincues dans la découverte des quelques idées fondamentales sur lesquelles la Méca- nique est échafaudée., Ainsi, dans l'introduction, cette phrase dont le sens devrait rester toujours présent à notre esprit : « Nous considérerons un système d’hypothèses comme suffisant aussi longtemps que les phénomènes pourront en être déduits par une voie rigoureuse, et qu'on ne pourra pas le remplacer par un autre système comporlant un nombre moindre d'hypo- thèses. » La force est ainsi introduite dans les formules comme une simple hypothèse, sous la forme sui- vante : « On a reconnu que, en introduisant l'idée de force, on arrivait à simplifier beaucoup les considéra- tions relatives au phénomène du mouvement, et qu'un grand nombre de questions, dont la résolution sem- blait nécessiter des voies différentes, se ramenaient au même problème. » Ces deux citations feront comprendre l'esprit géné- ral de l'ouvrage. Dès le début, nous y trouvons, du reste, une distinction précise entre les scalaires et les vecteurs, ou entre les grandeurs non dirigées, et celles qui possèdent une direction. Bien entendu, les équations de dimensions qui contiennent la véritable philosophie de la science, s'y rencontrent fréquem- ment. L'ouvrage se divise en trois parties, où sont traités les problèmes relatifs au point matériel, aux systèmes rigides et aux systèmes non rigides. Les deux pre- mières parties ne se distinguent guère que par l’es- prit général que nous avons essayé de caractériser des traités ordinaires de Mécanique rationnelle. Dans la troisième partie, au contraire, nous rencontrons, la matière véritable, sous le nom de systèmes non ri- gides, Après l’exposé des principes auxquels conduit l'étude des déplacements continus et infiniment petits, nous abordons les problèmes relatifs aux liquides, qui se terminent par l'étude des tourbillons ; puis viennent les solides élastiques, le mouvement d’une onde longi- tudinale ou transversale, enfin les applications clas- siques aux problèmes de l’Acoustique. Par des procédés assez simples, l’auteur évite les calculs trop élevés, afin de rester dans les limites que comporte le titre de l’ouvrage. C’est une précaution dont lui sauront gré ceux qui ne possèdent plus très parfaitement leurs mathématiques supérieures, c’est- à-dire, sauf erreur, la plupart d’entre nous. CH.-Ep. GUILLAUME. Gundelfinger (D' Sigmund), Professeur à l'Univer- sité de Darmstadt. — Vorlesungen aus der analy- tischen Geometrie der Kegelschnitte, publié par le D' Fr. DBingeldev, — 1 vol. gr. in-8°, de Vin- 43% pages. (Prix : 15 fr.) B. G Teubner, éditeur, Leip- zig, 1896. Malgré le grand nombre des excellents traités de Géométrie analytique des sections coniques, celui que vient de publier M. Gundelfinger mérite une attention spéciale de la part des géomètres. La méthode choisie par cet éminent savant repose entièrement sur l’em- ploi des coordonnées projectives (d’après Staudtet Fied- ler), qui renferment comme cas particuliers les coor- données trilinéaires, celles de Mobius et d'autres. Grâce à cette unité dans la méthode, l’auteur nous pré- sente la théorie des sections coniques sous une forme très claire et très simple. L'Appendice, consacré à la résolution d’un grand nombre de problèmes très généraux, permet de consta- ter combien féconds sont les procédés employés par M. Gundelfinger. On y trouve en particulier la démon- stration d’un certain nombre de théorèmes signalés par Steiner, L'auteur montre, én terminant, le profit que l’on peut tirer des méthodes de la Géométrie analy- tique dans l'examen de certaines classes spéciales d’in- tégrales algébriques. H. Feur. 2° Sciences physiques. Loppé (F.) et Bouquet (R.), Ingénieur des Arts et Manufactures. — Traité théorique et pratique des Courants alternatifs et industriels. — 2 vol, in-8e, comprenant 750 pages et 420 figures (Prix : 25 fr.) E. Bernard et Cie, libraires, Paris. 1896, Depuis quelques années, l'Electrotechnique suit l'é- volution nécessaire de toute science en voie de déve- loppement rapide : elle se spécialise de plus en plus, et des questions qui autrefois étaient traitées en quel- ques mots donnent aujourd'hui naissance à des ou- vrages considérables. Tel est en particulier le sort des courants alternatifs, Longtemps rebutés par la com- plication apparente des lois de ces courants, par leurs - propriétés inalteudues qui déroulaient tous les jours les esprits habitués au courant constant, les électri- ciens de tous les pays ont fini par s'apercevoir que BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX cette complication même était la preuve de la richese des propriétés du courant alternatif et de tout le parti qu'on en pouvait tirer, Mais ces résultats ne peuvent s'acheter qu’au prix d'une connaissance approfondie des phénomènes, et, bien que les lois des courants al- ternatifs puissent être considérées comme de simples corollaires des lois générales de l'induction, encore faut-il, pour l'application, leur donner une forme spé- cialement appropriée au but que l’on se propose. Aussi les électriciens accueilleront-ils avec faveur un ou- vrage comme celui de MM. Loppé et Bouquet, où la partie théorique et la partie pratique sout également représentées, où l’on peut voir et étudier l'influence que la première a excercée sur la seconde, c’est-à-dire sur la réalisation matérielle des principaux appareils à courants alternatifs (alternateurs, transformateurs, moteurs). Le premier volume de l’ouvrage est exclusivement théorique. Un premier caractère qui frappe tout d’a- bord, c’est l'abondance des calculs et des équations qui peut sembler un peu rebutante pour un praticien; mais il ne faut pas se hâter de juger le livre sur cette apparence : si les calculs sont longs, si les pages sont hérissées de formules, c’est que les auteurs ont voulu développer complètementtoutes les opérations inter- médiaires qui servent à arriver à un résultat, et épar- gner par là au lecteur la peine de les retrouver : la complicalion n’est donc souvent qu'apparente, et lors- qu'on ne tient pas à repasser par tous ces intermé- diaires, on peut facilement reconnaitre les formules essentielles, et alléger ainsi la lecture de l'ouvrage. Un autre caractère quifrappe également, c’est le peu d'importance que les auteurs ont donnée à la méthode géométrique, dont on a en effet peui-être un peu abusé dans ces dernières années : il y a là une réaction évi- dente, et le calcul algébrique tient beaucoup plus de place dans l'ouvrage que le calcul graphique. Les premiers chapitres sont consacrés aux équa- tions générales des circuits présentant de la capacité, de la self-induction et de l'induction mutuelle, Nous si- gnalerons, comme particulièrement intéressant dans ces chapitres, les travaux de M. Boucherot sur les systèmes à intensité constante. Vient ensuite la théorie des alternateurs, des courants polyphasésetdes moteurs à courants alternatifs. Bien que quelques fautes de cal- cul, corrigées d’ailleurs dans le second volume, en rendent la lecture un peu difficile, ces chapitres sont remplis de résultats intéressants ; nous signalerons en particulier celui-ci : dans un moteur à champ tour- nant, l’induit, constitué par m cadres de selt-induc- tion L, se comporte comme un seul cadre de self-in- ; [D duction m = Le volume se termine par l'étude d'un câble à capa- cité uniformément répartie, et par celle de l'hystérésis et des courants de Foucault, Le second volume, qui vientde paraître, est consacré à la partie pratique : c’est sans contredit ceque nous pos- sédons en France de plus complet et de plus rempli de documents sur les courants alternatifs. Les auteurs quiont une connaissance approfondie de la langue an- glaise et allemande, ont su rassembler dans ce vo- lume une multitude de renseignements qu'il serait fort pénible de rechercher soit dans les ouvrages, soit dans les périodiques étrangers. Les matières traitées sont les suivantes : alternateurs, moteurs, transfor- mateurs et condensateurs, foyers lumineux, transfor- mation directe d'un courant en un courant d’un autre système, canalisation, distribution du courant, me- sures industrielles, En résumé, l'ouvrage de MM. Loppé et Bouquet nous parait indispensable à quiconque veut désormais s’oc- cuper du courant alternatif : c'estle plus complet et le plus actuel des documents sur ce sujet si intéres- sant, si important au point de vue de la science élec- trique et de ses applications à l’industrie. P. JANET. 455 Seyewvetz (A.), Chef des Travaux à l'Ecole de Chimie industrielle de Lyon, et Sisley (P.), Chimiste-coloriste, — Chimie des Matières colorantes artificielles. 17 Fascicule : GONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. MATIÈRES CO- LORANTES NITRÉES. MATIÈRES COLORANTES AZOXYQUES. MA- TIÈRES COLORANTES AZOÏQUES, — 1 vol. in-8°, de 152 pages, (Prix : 6 fr.) G. Masson, édileur, Paris, 1896. Comme les auteurs l’indiquent eux-mêmes dans leur préface, ils se sontefforcés de condenser, sous un for- mat des plus restreints, les principales conceptions admises de nos jours pour expliquer la constitution des matières colorantes artificielles. Le livre de MM. Seyewetz et Sisley, sans être toutefois aussi étendu que celui de M. Léon Lefèvre, analysé ici même il y a quelque temps par M. Prud'homme, vise pourtant à être aussi complet que possible, Le premier fascicule, que nous avons sous les yeux, et qui ne comprend pas moins de 151 pages, contient, outre l'introduction, l'étude des matières colorantes nitrées, des matières colorantes azoxyques et la première partie des ma- tières colorantes azoïques. Dans l'introduction, les auteurs étudient d’abord la couleur propre d’un corps, le fait d’un corps d'être co- loré, puis les relations qui existent entre la coloration d’un corps et sa constitution. Ils passent en revue les différentes théories admises de nos jours, comme celle des groupeschromophoresetauxochromesdeO, N.Witt, puis les conceptions de Hartley, de Krüss etde Schuütze. Les auteurs font ensuite ressortir la différence qui existe entre corps coloré et malière colorante, puis pas- sent aux phénomènes de teinture des fibres textiles, fixation des couleurs sur diverses substances, etc. Ils étudient ensuite, au point de vue théorique toutes les propriétés des chromophores et la théorie de Nietzki, puis la configuration des chromophores et leur clas- sement en chromophores acides et chromophores ba- siques, groupes salifiables et anxochromes. Cette dis- tinction des chromophores amène à la distinclion des colorants en colorants acides et colorants basiques, et les auteurs donnent en même temps quelques indications sur la fixation des colorants par teinture directe ou sur mordants, puis la fixation des couleurs par im- pression. Après quelques mots sur les matières pre- mières de l’industrie des couleurs, la classification de ces dernières et un court historique, MM. Seyewelz et Sisley entrent en plein dans leursujetet étudient dans le chapitre premier les malières colorantes nitrées. Comme l’on sait, c’est précisément à celle catégorie de colorants qu'appartient l'acide picrique, le premier colorant retiré du goudron de houille en 1855, par ni- tration de l’acide carbolique de Charles Lowe. L’acide picrique est non seulement le plus ancien colorant retiré du goudron de houille, mais encore notre plus anèien colorant artificiel, car il a été découvert par Woulfe en 1774 en traitant l’indigo par l'acide nitrique. L’acide picrique, après avoir joué un grand rôle dans la teinture, a été un peu délaissé et remplacé de nos jours par de nombreuses matières colorantes azoïques. L’acide picrique, par contre, a trouvé un large emploi dans la préparation des explosifs modernes du type de la mélinite, car tous les colorants nitrés sont des corps plus ou moins explosifs par le choc ou par une brusque élévation de température. Le second chapitre traite des matières colorantes azoxyques, qui ne possèdent qu'un petit nombre de représentants : tousdes dérivés dustilbène, C’est à celte classe de matières colorantes qu'appartiennent les bruns Mikado. Puis vient le chapitre consacré aux matières colorantes contenant le chromophore azoïque. C’est particulièrement dans cette classe de colorants que notre chimie organique moderne à réalisé les plus grands progrès. Le nombre des colorants azoïques brevetés s'élève, en effet, à plusieurs milliers. Il est vrai qu'il s’en faut de beaucoup qu'ils soient tous fabriqués et employés industriellement. 456 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Les auteurs étudient tout d’abord les composés azoïques au point de vue théorique, et exposent leur nomenclature; mentionnons, à celte occasion, qu'ils se servent du symbole N pour l'azote, symbole accepté par tous les pays hormis la France,qui con- serve le symbole Az. Le symbole N introduit dans la notation une simplification sensible. Après avoir passé en revue les différents modes de préparation des dé- rivés diazoiques, c'est-à-dire la diazotation, les au- teurs étudient les propriétés de ces dérivés, les trans- formations qu'ils subissent sous l’action de la chaleur, des acides, des alcalis, etc, A ce propos nous nous per- mettrons de constater avec regret que les auteurs ont totalement omis de mentionner, dans l’action des al- calis sur les diazoïques, la formation des composés isodiazoïques ounitrosaminestrouvés en 1893 simulta- nément par MM. Schraube et Schmidt et par M. Eugène Bamberger. Le dérivé isodiazoique de la paranitrani- line a déjà trouvé un emploi industriel et se trouve dans le commerce sous le nom de Rouge de Nitrosamine. MM. Seyewelz et Sisley étudient ensuite l’action du bromesur les dérivés diazoïques ainsi que celle des sels cuivreuxet du cuivre précipité, puis laréduction desdéri- vés diazoïqueset leur transformationenhydrazines, soit par le bisulfite de soude, soit par le chlorure stanneux. Comm: contre-partie de la réduction des dérivés di- azoïques,ilaurait semblé indiqué de dire quelques mots de leur oxydation, qui a été particulièrement étudiée ces derniers temps par Bamberger et ses élèves. On sait que l'hydrate de diazobenzène, sous l’action d’oxy- dants alcalins. se transforme en acide diazobenzé- nique. Les auteurs résument ensuite, sous forme de tableaux synoptiques très bien compris, les principales ma- tères colorantes azoïiques qui se trouvent dans le commerce et en donnent la formule de constitution, le nom de l'inventeur, le numéro du brevet et les prin- cipales réactions. L'ouvrage de MM, Seyewetfz et Sisley est écrit d’une facon claire et concise; il est destiné à rendre de grands services tant au monde scientifique qu'au monde industriel. GEORGE F. JAUBERT. 3° Sciences naturelles. Rolland (Georges), Ingénieur en chef au Corps des Mines. — Chemin de fer transsaharien ; mission de Laghouat, El Goléa, Ouargla, Biskra: Rap- ports géologique et hydrologique. — 2 vol, in-1° de 275 et 245 pages avec À atlas contenant 31 planches. Imprimerie Nalionale. Paris, 1896. M. Georges Rolland, l’éminent ingénieur en chef des mines, membre de la Mission d’études du Chemin de fer traussaharien, a terminé, en 1894, la publication de ses Rapports dans les documents publiés par le Ministère des Travaux publics, relativement à la mis- sion de Laghouat, El Goléa, Ouargla, Biskra. Le premier de ces rapports a paru en 1890. C’est celui qui concerne la géologie du Sahara. Cet impor- tant mémoire ne comprend pas moins de 275 pages, in-4, avec de nombreuses cartes et coupes des ter- rains. Il a réclamé de la part de l’auteur un labeur considérable et c’est à bien juste titre que l’Académie des Sciences lui a décerné récemment une de ses plus hautes récompenses. Il ne nous est pas possible d’entrer ici dans le détail des matières traitées par M. Rolland. Tous les résultats acquis à la science par ses explorations sont d’ailleurs depuis longtemps connus des spécialistes, l’auteur les ayant déjà publiés par fragments dans les divers re- cueils spéciaux pendant le lang espace de temps qui s’est écoulé depuis l’achèvement de la mission jusqu’à ce joir. Rappelons seulement que l'explorateur a fait connaitre en détail la géologie du Sahara algérien proprement dit où il a eu à étudier : : 1° Des terrains crétacés dont les assises horizon- tales formant ces vastes plateaux appelés Hamada constituent les régions les plus désolées du Sa- hara ; 2° Des terrains paléozoïques et cristallins qui pré- sentent un développement immense dans les régions centrale et occidentale du Sahara ; 3 Des terrains de transport ou atterrissements, d'une épaisseur parfois énorme, qui remplissent toutes les dépressions et forment le sol d’une grande partie du désert ; 4° Enfin, les grandes dunes de sable, l'un des plus sérieux obstacles à la pénétration du Sahara et dont l’auteur a étudié, en détail, la nature, les mouvements. le mode de formation, etc. Dans ce même volume, M. Rolland a inséré un apercu géologique sur tout le Sahara, de l'océan Atlan- tique à la mer Rouge. Cetapercu, fort intéressant, est le résumé de toutes les connaissances acquises jusqu'à ce jour sur cette immense région. > Le deuxième Rapport, non moins important et plus volumineux encore que le premier, concerne l’hydro- logie du Sahara algérien. Il a réclamé également une longue élaboration et n’a été publié qu’en 1894. C'est un énorme recueil d'observations personnelles multi- piiées et de reuseignements puisés à diverses sources sur le climat, les cultures, la statistique, la météoro- logie et l’hydrologie du Sahara. La question des eaux superficielles et souterraines occupe d'ailleurs la ma- jeure partie du volume, L'intérêt que présente cette question est considérable, non pas seulement au point de vue, envisagé tout d’abord, de l’alimentation en eau du chemin de fer transsaharien, mais surtout au point de vue de la mise en culture et de l’utilisation des énormes espaces que le manque d’eau laisse stériles. Comme le dit justement M. Rolland, la combinaison de ces deux éléments, le soleil et l’eau, peut produire au Sahara des merveilles de végétation. Le véritable programme à y poursuivre, pour le transformer, con- siste non pas à faire venir, à grands frais, l’eau de la mer dans quelques bas-fonds, mais bien à utiliser mieux qu’on ne le fait les eaux superficielles et sur- tout les eaux souterraines pour développer les cultures, créer de nouvelles oasis et peu à peu améliorer le eli- mat de la région. Pour l'exécution de ce programme, le mémoire de M. Rolland sera d’une utilité capitale. Les divers bas- sins artésiens, les nappes aquifères superposées dans les épaisses alluvions sahariennes, la nature des cou- ches à traverser pour les atteindre y sont étudiés dans le plus grand détail, au point de vue de l'étendue, de la richesse en eau, du mode d'alimentation, de la pression, du degré d'ascendance et de la qualité des eaux, de la facilité des forages. Un atlas in-4° accompagne les deux Rapports, géolo- gique et hydrologique, et les complète très heureuse- ment. Dans les 31 planchesqui le composent, l’auteur à douné des cartes générales du Sahara, des cartes par- tielles et géologiques de nombreuses régions, des pro- fils et coupes géologiques, des dessins d'animaux vivants et fossiles, etc. Cet ouvrage considérable constitue ainsi une véri- table encyclopédie relative au Grand-Désert,. Il est dès maintenant entre les mains de tous ceux qu’'inléresse la colonisation de l'Afrique et il est appelé à rendre les plus grands services. A. PERON. Marehand (D'L.), Professeur à l'Ecole supérieure de Pharmacie de Paris. — Enumération méthodique et raisonnée des familles et des genres de la classe des Mycophytes (Champignons et Lichens). — 4 vol. in-8° de 336 pages avec 166 figures. (Pric : 10 francs.) Société d'éditions scientifiques. Paris, 1896. Ouvrage surtout descriptif, accompagné d’un très grand nombre de figures. En raison du caractère très spécial de ce livre, la Revue doit se borner à le signaler { aux mycologues. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 457 4° Sciences médicales. Stokvis (D: B.-J.), Professeur à l’Université d’Amster- dam. — Leçons de Pharmacothérapie. Tome Ir : Pharmacothérapie générale. Parasiticides. (Tra- duction francaise de MM. D. de Buck et L. de Moor.) — 1 vol, gr. in-8° de 46% pages (Prix : 12 fr.). De Erven FE. Bohn, à Haarlem, et O. Doin, à Paris, éditeurs, 18906. Le tome I‘ comprend la pharmacothérapie et les parasitieide: ; le tome IT de l'édition néerlandaise étu- die les irritants et les protecteurs de la peau et du tube digestif: restent un troisième et probablement un quatrième volume qui n’ont pas encore paru, quoique le tome 1°" date de 4892. L'ouvrage complet aura donc, au bas mot, la même étendue que le Traité de théra- peutique et de pharmacologie de Soulier; il est bien plus détaillé que le traité de Manquat et le manuel de Penzoldt. Malgré cette étendue, la pharmacognosie n’est qu'esquissée; par contre, l’action physiologique sur- tout et les indications thérapeutiques sont exposées longuement et d'une manière absolument scientifique. Les 234 premières pages du tome 1° sont consacrées à la pharmacothérapie générale, et pourtant Slokvis nie jusqu’à l'existence de la thérapeutique générale ; cest là une discussion de mot, Que la thérapeutique généralene soitplus la même que celle apprise par lau- teur sur les bancs de l’Université, d'accord; mais qu’il n’y ait plus de thérapeutique générale, c'est en contra- diction avec le fait même d’avoir consacré au delà de 200 pages à cette partie de la science. Que Stokvis expose avec les mêmes détails les principes généraux sur les autres agents thérapeutiques, et, en réunissant le tout en un volume, il dotera la littérature médicale d’un véritable traité de thérapeutique générale Stokvis définit le médicament et étudie le rapport qui existe entre la structure chimique et l’action physiolo- gique et thérapeutique il examine ensuite de plus près l’action des médicaments, les voies d'application et les conditions de l'organisme, en tant qu'elles modi- fient cette action. Il est amené ainsi à étudier limmu- uité et les contre-poisons; contrairement à Rossbach et à Nothnagel, il admet que nous possédons des an- tagonistes vrais, etil cite comme exemple la mus- carine et la digitaline. C’est exact, jusqu'à un certain point, pour une fonction spéciale d'un organe déter- miné; mais l'antagoniste vrai et complet d’un poison doit être tel qu'il fait disparaître toutes les manifesta- tions toxiques de ce poison, au moins jusqu'à un cer- tain stade de l’intoxication. L’antagoniste d’un poison doit être un contrepoison, une antitoxine qui neutra- lise le poison après absorption, après action; agissent ainsi les substances vaccinantes et immunisantes. Jus- qu'à ce jour, nous ne connaissons pas de substances chimiquement définies dont l'une annihile Faction gé- nérale de l’autre et rétablit l'état normal. On y arri- vera, et nous en donnerons prochainement la preuve. Viennent l’art de prescrire, et la classificalion des mé- dicaments. Après avoir passé au crible de la critique la classification chimique et naturelle, la classification physiologique, Stokvis expose les avantages de la clas- sification thérapeutique, et il divise les médicaments en trois grandes classes : 1° parasiticides (anthelmin- tiques etantizymotiques); 2 topiques (irritants vrais, astringents, caustiques, protecteurs gommeux, hui- leux, etc.); 2°télédynamiques. c’est-à-dire médicaments à action éloignée ou générale (hématiques, hémalo- cinétiques, altérants, adéniques, antipyrétiques, ner- vins). Stokvis aborde ensuite l’étude des groupes de médi- caments et traite de chacun d’eux en particulier. Les anthelmintiques ne comprennent qu'une lecon, tandis que neuf lecons, soit 150 pages, sont consacrées aux antizymotiques, qu'il subdivise en antisepliques vrais (inorganiques et organiques) et en désinfectants ou désodorisants, les désinfectants se distinguant des an- tiseptiques en ce qu'ils sont des « médicaments qui non seulement s'adressent à la cause morbide, mais combattent également avec efficacité les conséquences qu'elle entraine, spécialement en ce qui concerne la putréfaclion et la décomposition ». Il nous est impossible d'entrer plus en avant dans les détails, mais disons quelques mots de l'esprit général de cet ouvrage. Quiconque connait personnellement Slokvis retrouvera dans ces conférences données aux étudiants d'Amsterdam l’homme et le savant tout en- tier, La forme de lecon étant conservée complètement, le professeur y apparaît avec son talent d'exposition, sa forme fréquemment oratoire et toujours littéraire, avec sa verve, ses comparaisons souvent neuves, ses vastes connaissances, ses vues originales. Cette phar- macothérapie sous forme de lecons, de Stokvis, ne peut être comparée qu'aux Vorlesungen de Binz; tous deux sont des livres de lecture. La forme de lecons permet et excuse des répétitions, des diversions, des omissions de détails; elle supprime le caractère d’un ouvrage didactique, condensé, plus ou moins complet, à consul- ter rapidement dans les moments d’hésitalion. A l'exemple du grand traité de pharmacologie de Lauder Brunton, chaque tome où même chaque groupe de médicaments se termine par un index bibliogra- phique surles médicaments selon l’ordre alphabétique, une table alphabétique des matières et une table alpha- bélique des auteurs cités. La traduction fait honneur aux auteurs, à part cer- taines inexactitudes malheureuses qui reviennent sou- vent (résorption au lieu d'absorption, esters au lieu diéthers; etc): En résumé, les Lecons de pharmacolhérapie de Stokvis prendront place parmi les meilleurs ouvrages sur celte matière (de Soulier, Rossbach et Nothnagel, Lauder Brunton, Kobert, Husemann, ete.); suivant le cas, on donnera la préférence tantôt à l’un, tantôt à l’autre ou- vrage; mais celui de Stokvis a sa place forcément indi- quée dans la bibliothèque de tout médecin instruit, pourvu que les tomes suivants ne lardent pas trop à paraître. D' J. Heymans. Boucher (Henry), Médecin-major de 2 classe. — Etudes sur les Entités morbides. Lois de Mor- bidité. Essais de Pathologie rationnelle. — | vol. in-8° de 212 pages. (Price : 3 francs.) 0. Doin, éditeur. Paris, 1896. Aucune science de la Nature ne pouvant sortir de fa raison pure, il est wralionnel de vouloir faire de la pathologie rationnelle. L'auteur du présent essai l’au- rait sans doute conduit tout autrement s’il avait pris la peine d'étudier la science en la pratiquant au lieu de se borner à compulser des mémoires ou à réfuter des théories que personne ne soutient : l’idée par trop simpliste que M. le D'H. Boucher se fait des doctrines microbiennes fera sourire les microbiologistes. Une idée philosophique le guide pourtant dans son étude : c’est la recherche de l'unité causale de mala- dies réputées différentes en raison des symptômes que leur impose le milieu. Cette étude eût gagné à être poursuivie avec rigueur. 5° Sciences diverses. La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses figures intercalées dans le texte et planches en cou- leurs. 544° et 545° livraisons. (Prix de chaque livraison, 1 fr.) H. Ladmirault et Cie, 61, rue de Rennes. Les 544°et 545° livraisons renferment, entre autres, plusieurs articles sur les machines de MM. Knab et Joannis: une étude sur le Magnétisme par M. A. Joan- nis; une monographie très complète de l'ile de Mada- gascar due à MM. Foucart, Harn, Jobin, Trouessart et Zaborowski; une description de la ville de Madrid, avec plan et figures, par M. A. M. Berthelot, enfin la biographie du général due de Mac-Mahon, par M. À, De- bidour. / 158 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 30 Mars 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Tisserand présente le tome IV de son Traité de Mécanique céleste; ce vo- lume contient les théories des satellites de Jupiter et de Saturne, les perturbations des satellites des autres planètes et des comètes, l'exposé des principaux mé- moires de Cauchy, Jacobi, Hansen, Newcomb et Gylden. — M. Duménil a suivi les variations d'éclat de l'étoile Mira-Ceti dans ses douze dernières périodes consécu- tives. Les observations établissent nettement que les époques de maximum sont notablement en retard au- jourd’hui sur les dates données dans les éphémérides. — M. Paul Painlevé indique quelques propositions générales relatives à l’inversion d’un système de difé- rentielles totales : tn Cnil — JPin dx, +... + Pat din = 4; RUN — Jin) de +... + Pan din = Un où les P;; sont des fonctions algébriques de x,,..., on dont le déterminant [P;,,; n’est pas nul identiquement- En particulier, les intégrales J,...J, étant quelconques, quelles sont les conditions nécessaires et suffisantes pour que l'intégrale générale æ,(u,..:ur)...æn(u.. un) dépende algébriquement des constantes æ,°..,æœ,0 (va- leurs initiales de x,...æ, pour u, = 0...u, — 0). Ces con- ditions s'énoncent ainsi : il faut et il suffit 4° que les intégrales J n'aient que 2k périodes non polaires dis- linctes 4 0H (010) M. W.F. Laycock : Examen des produits obtenus par la distillation sèche du son sur de la chaux. — M. Joji Sakurai: Constitution de la glycosine. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Récentes communications. 1° ScrENCES PHYSIQUES. — M. Philipp Heberdey : Me- sures de cristaux. L'auteur donne les mesures cristal- lographiques de quatorze nouvelles combinaisons or- ganiques obtenues par MM. Weidel, Zeisel, Lippmann. 20 SCIENCES NATURELLES., — Le Ministre de la guerre envoie le compte rendu des travaux effectués à bord du Pola pendant le mois de novembre 1895. — M. Erich Tschermak : Etude sur la pénétration des solutions salines ou des solutions de matières colorantes dans les végétaux (sulfo-indigotate de soude, fuchsine, sa- franine, violet de gentiane, éosine, chlorures de lithium, de baryum, azotates de strontium, de calcium, chlorure de sodium, de fer), — M, v. Mojsisovies : Etude sur les calcaires. — M. Franz Toula rend compile de ses études géologiques faites sur la côte sud de la mer de Marmara. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. C. von Niessel déter- mine les orbites de quatre météores signalés du 16 au 25 janvier 1895. — M. Gustav Jaeger : Influence du volume moléculaire sur la longueur moyenne de Ja trajectoire des molécules gazeuses. — M. Berthold Jesteles : Dislillation de l'o-crésol avec l’oxyde de plomb. Il se produit un composé bien cristallisé fon- dant à 162-163°; l'analyse et ses réactions chimiques en font un homologue de la xanthone, le méthyl ou la diméthylxanthone. Le nouveau composé ne peut être identifié avec aucun des dérivés connus de la xanthone, — Le phénylsalicylate de calcium soumis à la distilla- tion donne la xanthone, l’éther du phénol et le phénol. — M. Paul Cohn : Sur l’orthobenzoylphénol. Le corps a la forme de feuillets jaunes fondant à 56° et soluble en jaune dans la polasse; il est acétonique et fournit une hydrazone el un oxime. Les dérivés bromé, sodi- que, benzoyle et méthylés sont décrits. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. v. Hardtl : Sur l'ac- célération séculaire de la lune. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Léopold Pfaundler : Etudes sur la nature et les applications des rayons de Rüntgen, avec des photographies. — M. St. Meyer : Le siège de la force électromotrice dans l’électromètre capillaire et dans l'appareil électrique à goutles. — M. Becke : Relations entre la dynamométamorphose et le volume moléculaire. L'examen des dynamométa- morphoses lelles que la suivante : T(NaAISi*08)-H4(CaAl2Si:08) +KAISi$0$ +2H20 — Plagioclase Orthoclase æ(Na AISi0$)+2(HCa?2AlS1201%)+H?2K.A13Si%012+28Si0?. Albite Zoïsite Muscosite Quartz et l'examen des volumes moléculaires montrent que ceux-ci diminuent par suile de telles transformations. — M. Lieben : Sur l'alcoolate diatomique produit par l'action de la polasse alcoolique .sur l'aldéhyde. — M. Alexander Just : Action de la polasse alcoolique sur un mélange d'aldéhyde formique et d'aldéhyde isobutyrique. — M. Adof Franke : Glycol dérivé de Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 l'isobutyraldéhyde. — M. Gustav Jaeger : Relation entre la formule de la pression des gaz et le wo- lume moléculaire. — M. J. Pernter : La répartition générale de la pression au sommet du Fühn. — M. Tschermak lit, au nom de la Commission pour Jes recherches photographiques, un longrapportäe M. Becke sur l'ensemble des travaux pendant l’année 1895, 19 SCIENCES MATHÉMATIOES. — M. Ottto Biermann : Méthode pour l'étude d’une fonction non analytique d’une variable complexe. 29 SGiENGES PHYSIQUES. — M. Oscar Singer : Etude de l'induction. — M. Frantz Streintz : Action électro- chimique des rayons Rôntgen sur le bromure d'argent. L'auteur signale une action particulière de ces rayons qui peut être utilisée de même que la photographie pour leur étude, — M. Puluj envoie des photographies effectuées par les rayons Rüntgen, et en particulier celle d'un enfant mort depuis deux mois. — M. Weg- scheider : Le bisulfite de rosaniline et l'acide diazo- benzol-p-sulfonique ne donnent, avec l’acide opianique et ses éthers ordinaires ou +, aucune réaction, quoique des formules différentes appartiennentäces deuxclasses d’éther; au contraire, les réactions avec la résorcine les différencient nettement. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Eduard Richter : Ob- servations géomorphologiques effectuées en Norwège. 1° SCIENCES PHYSIQUES, — M. Weinek envoie les agran- dissements de certaines photographies de la Lune faites à l'observatoire de Lick et à celui de Paris. Celle du Mare crésium est d’une beauté remarquable; elle ap- porte des vérifications importantes aux faits signalés par Gaudibert de Vaison (Vaucluse), — M. Puluj en- voie des photographies faites avec les rayons X, — M. Emanuel Pechmann : Nouvelles propriétés physi- ques de l’air atmosphérique ; leur importance pour la mécanique de la chaleur et pour l’énergétique. — Ob- servations barométriques, hygrométriques, magnéti- ques, faites à l'Observatoire de Vienne pendant le mois de décembre 14895.— M. v. Ebner : Etudes sur la double réfraction, — M. Ad. Lieben : Action de la potasse alcoolique sur l’aldéhyde isovalérique. Il ne se produit pas un glycol, comme avec l’isobutyraldéhyde; on ob- tient deux produits bouillant dans le vide à 84 et 140-146°, Le premier est un aldéhyde non saturé C'OHISO (CH3)2CH,CH?.CH=C—CH(CH3)? cho que l'oxydation lransforme d'une part en acides isobu- tyrique et isovalérianique, d'autre part en un acide non saturé G0H 802, — M. Reich : Recherches synthé- tiques dans la série des topazes. Le fluorure de silicium agissant sur un mélange de silicate d’alumine APSiOÿ et d’alumine Al20# fournit des silicates contenant du fluor qui ont même composilion et mêmes formes cris- tallographiques que les topazes anhydres existant dans la nature, 2° SCIENCES NATURELLES. — M. Franz Werner : Etudes sur les lézards, — M. Kerner v. Marilaun : Sur l'exis- tence du Lecanora esculenta en Grèce. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, Weiss a calculé les éléments de la comète Perrine, découverte le 14 février à l'observatoire Lick, 20 SGIENCES PHYSIQUES. — M. v. Hepperger : Influence de l'absorption sur l'extinction de la lumière de l’at- mosphère. Les observations photométriques de MM. Sei- del (Munich) et Müller (Potsdam) se traduisent bien par Ja formule suivante, donnant la variation de l’in- tensité à travers l'atmosphère : Co av (ZT) — © BEI l | (l k 39 SciExGEs NATURELLES, — M. Molisch : La destruc- tion des plantes par le refroidissement à des tempéra- tures supérieures à celle de la glace fondante, Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 1° ANNÉE N° 10 30 MAI 1896 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 669,1 PREMIÈRE PARTIE On désigne, aujourd'hui, en métallurgie, sous le nom de fonte, le fer de fonte, c'est-à-dire le produit fondu brut de la réduction des minerais de fer‘. La fonte, dans sa constilulion élémentaire, est un composé de fer el de carbone qui n’a plus ni la malléabilité, ni la ductilité qui caractérisent le fer pur, mais dont la température de fusion est nota- blement inférieure à celle du fer. On l’obtient, sous l’action d'une source éner- gique de chaleur, par la fusion d'un mélange de fer, ou d'un oxyde de fer, avec un excès de car- bone. Si, dans un creuset garni intérieurement, bras- qué avec du carbone pur, on soumet à une cha- leur intense un mélange de fer pur, ou d’un oxyde de fer pur, avec du carbone pur, on obtient wn produit fondu susceptible de prendre toutes les formes par le moulage, mais non pas sous le marteau : c'est la fonte. — Un tel produit est loin de représenter un composé fixe, toujours semblable à lui-même : en réalité, il y a plusieurs sortes de fontes, jouissant chacune de qualités propres et différant les unes des autres par la composition chimique et la struc- ture physique. C'est cette constitution qui déter- mine les propriélés. Nous l’étudierons tout d'a- 1 On dit, dans le langage courant, une statue, une colonne, un tuyau, une marmite en fonte, c’est-à-dire en fer de fonte. Suivant Littré, le nom de fonte a été donné jadis à certain alliage dont le cuivre faisait la base. Colbert écrivait : « Que « tous les canons de fonte soient ensemble bien rangés, les «canons de fer de même. » REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, L’ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE CONSTITUTION ET PROPRIÉTÉS DE LA FONTE bord, réservant un deuxième article aux questions de fabrication. I. — CoMPosiTION CHIMIQUE DE LA FONTE. Boussingault, en opérant la fusion dans un four à gaz à fondre l'acier, n'avait pas pu incorporer plus de #%,40 °/, environ de carbone dans le fer, et il en avait conclu, comme Dick et Hæchstatter avant lui, que son maximum de carburation était compris entre 4,10 et %,60, correspondant à un composé défini de la formule FeÿC, au lieu de Fe‘C que Karsten avail cru pouvoir établir !. Mais M. H. Moissan, en se servant de l'arc vol- laïque comme source de chaleur, a oblenu un fer notablement plus carburé. Le carbone semble done se dissoudre dans le fer ex proportion variable avec la temperature. Sous l'influence de températures de plus en plus élevées, celte proportion peut at- teindre 6 à 8 °/,, peut-être plus encore. En résumé, la fonte liquide n'est pas une combinaison définie, mais une solution de fer et carbone. Cependant la fonte, produit industriel, obtenue en grande masse dans de vastes fours à cuve ou hauts fourneaux, par la réduction et la fusion, au contact d'un combustible impur, d'un mélange de plusieurs sortes de minerais de fer, est loin d'avoir une composition chimique aussi simple. Celle-ci est même quelquefois très complexe et peul com- ? BoussiNGauLr : Recherches sur le maximum de curbura- tion du fer (Gauthier-Villars, 1875), p. 89 et suiv. 10 466 A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE nn ——.——…—.—.—— ———————————————___—_——————.————.—.—.—.—. . ——] ] ——___________—_ prendre, en outre du carbone, des parties de tous les éléments — souvent très nombreux — qui accompagnent soit l'oxyde de fer dans le minerai et en forment la yangue, soit le carbone dans le combustible. L'analyse suivante en offre un exemple type : Carbone: PSS PET Sion. 5-0. MCE CREER PHeSphorel RARE EVEREST SOLE. E, Ma ARE ELEC Man tanèse nm CR RE RE AUTOUR RER Re GBTOMEÉ: 22522 RE SE ar as CNE PES ace EN EL MAN EST 2 ee ee er Titane Cependant, en dehors de ces corps, qu’elle s'in- corpore souvent en quantilé infinitésimale — corps alcalins et terreux, surtout, — et que, dans la pratique, l'analyse néglige de rechercher, la fonte, telle qu'on l’obtient des minerais considérés comme purs, renferme seulement, comme éléments essentiels : le fer, le carbone et le silicium, toujours accompagnés de quantités variables de »manyanèse, de phosphore el de soufre. IT. — DirFÉRENTS ÉTATS DU CARBONE DANS LA FONTE. E’aspect de la cassure à froid permet de distin- guer nettement deux catégories de fonte: la fonte blanche et la fonte grise. Dans l’une, le carbone apparait sous forme de lamelles de graphite, lesquelles donnent à la cas- sure sa couleur grise plus ou moins foncée; dans l'autre, — la fonte blanche, — le carbone est invi- sible à Fœæil nu. La fonte blanche résiste à l'outil, est fragile au choc et se laisse pulvériser. La fonte grise se laisse, au contraire, enlamer à l'outil et résiste aux efforts de choc. Plus dense que la fonte grise, la fonte blanche entre en fusion à une température inférieure. Ainsi, une fonte grise, à larges lamelles de gra- phite, a souvent une densité ne dépassant pas 7, tandis que celle d'une fonte blanche atteint quel- quefois 7,60. Quant au point de fusion, M. Osmond a trouvé 1085 C. pour celui d’une fonte blanche à 410 °/; de carbone, exemple à peu près de corps étrangers, et M. H. Le Châtelier 1220°C. pour celui d'une fonte grise pure. Cependant, avec des aspects de cassure diffé- rents, et des propriélés physiques et mécaniques bien distinctes, ces deux sortes de produits peu- vent avoir une composition chimique à peu près identique. Ainsi : « Un fer fortement carburé, en fusion, prendra « les caractères de la fonte blanche ou de « la fonte grise, suivant qu'on l’aura solidifié « rapidement ou lentement, et, cela, sans qu'il y « ait eu d'autre changement dans la constitution « initiale qu'une modification survenue dans l’état « physique du carbone. « Un fer carburé, obtenu par la fusion d’un « mélange de fer pur et de carbone en excès, à « une température voisine de 1.500°C., et coulé en « plaque de 15 millimètres d'épaisseur, sur un « moule en métal, a donné : « 1°Dans lazonerapidement solidifiée au contact « du moule, une fonte blanche contenant, p. 100 : Fer = 95,99; carbone = 4,01; « 2° Dans la zone supérieure, ayant les deux tiers « de l'épaisseur de la plaque, une fonte grise,con- « tenant, pour cent : 4 Fer = 95,22; carbone — 4,178 ‘ » Ainsi la fonte, composé homogène de fer &t de car- bone à l'état liquide, peut donner naissance, suivant les conditions où se fait sa solidification, à deux produits bien distincts par l'aspect et par les pro- priétés physiques et mécaniques ?. Et, ce qui difré- rencie surtout ces deux produits, ce n’est pas la teneur en carbone, mais bien l’état dans lequel se trouve ce métalloïde dans chacun d'eux. Dans l’un, la fonte blanche (fig. 1,2,4et6), il sem- blerait, de prime abord, que l’homogénéité de composition a été conservée sous forme d'un al- liage défini, une combinaison intime qui dissimule le carbone ; mais l'analyse #ticrographique, comme l'analyse chimique, prouve que le carbone s’y trouve sous deux élats et souvent trois. Dans la fonte grise (fig. 3 et 5), où l'œil ne dé- couvre le carbone que sous la forme de graphite, on constate qu'il s'y trouve sous trois, et quelque- fois quatre élats?. Cependant, les analyses des fers carburés ne mentionnent le carbone, sauf de rares exceptions, comme l’a remarqué le P' A. Ledebur #, que sous 1 BoussinGauLr, Cf. ? La fonte, produit industriel, renfermant, en outre du carbone, une infinité d'autres corps, comme le montre l'ana= lyse donnée plus haut, est tout aussi homogène à l'état liquide et comparable, comme l’a remarqué le P' Martens, à une dissolution de plusieurs sels dans l’eau. 5 Les figures 1 à 6 ont été faites d’après des microphoto> graphies de M. Osmond, obligeamment prêtées à la Revue par ce savant. (Nole de la Direction.) ‘ Sur la dénomination des différentes formes du carbone duns les fers carburés, par A. Ledebur : Stahl und Eisen (nov. 4888). Traduction et annotations, par M. Osmond, pour la Société d'Encouragement. x * A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE 467 deux formes : le curbone combiné ou amorphe, et le graphite. C'est donc sous la rubrique constante de carbone combiné que ce corps figure dans les analyses des fontes blanches. résidu brun el floconneux qui se dissout à chaud en colorant la liqueur. Le carbone prétendu com- biné existe donc sous deux formes distineles dans la fonte blanche : Fig. 1. — Microphotogramme d'une fonte blanche de Suede à 4,10 °/, decarbone,polie sur parchemin avec l'extrait de racine de réglisse, éclairage oblique, grossissement éqal à 20 diamètres. — Les lignes noires sont les lamelles princi- pales de cémentite. (Voir, pour les détails, la figure 2.) Et, pourlant, il a été constaté, depuis longtemps !, que l'attaque à froid d'une fonte blanche franche- ment cristalline par l'acide azotique laisse, de Fig. 2. — Méme préparalion que la fiqure 1. Eclairage perpendiculaire. Grossissement éqal à 250 diamètres. — Les parties claires sont de la cémentite: les points et les lignes sombres, de la sorbite; la grande tache irrégulié- rement teintée est une mouche de fonte grise accidentelle. 1° La forme de carbone dissous, où carbone de trempe, uniformément répandu dans une partie de la masse métallique, comme dans l’acier trempé, Fig. 3. — Méme fonte que les figures 1 el 2, passant à la fonte grise après un recuil prolongé au rouge ; polie sur parchemin avec l'extrait de racine de réglisse. Éclairage perpendiculaire. Grossissement 100 diamètres. — Les par- lies claires sont des résidus de fonte blanche; les lamelles noires contournées, ainsi que les taches, sont du graphite; les parties en demi-teinte, de la perlite plus ou moins riche en sorbite. même qu'un acier trempé, échapper à l'état ga- zeux une partie de son carbone, et abandonne un ! Méthode colorimétrique de dosage du carbone, due au Savant chimiste suédois Eggertz et pratiquée depuis plus de trente ans, Fig. 4. — Micropholographie d’une fonte blanche moins car- burée que celle des figures 4, 2 el 3, oblenue par cémenta- tion d'acier pur. Atlaqué par la teinture d'iode. Grossis- sement 100 diamètres. — Les parties sombres sont de la perlite riche en sorbite organisée en cristallistes du sys- tème cubique. Le fond clair est formé principalement de cémentite recoupée de fines cristallites de sorbite visibles seulement sous un grossissement beaucoup plus fort. et qui se gazéilie par l’atlaque à froid de l'acide azotique, du moins en partie ; 2 La forme d’un composé défini, isolé par F.-C.-G. Müller, Sir Fr. Abel et d’autres, et auquel a élé assignée la formule probable Fe'C. C'est au carbone 468 A. POURCEL — L’ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE de ce composé, — qu'on n’a pas réussi encore à obtenir pur et intact, — que Ledebur a donné le nom de carbone du carbure normal *. Maintenant, certaines fontes blanches, à texture grenue, et à peu prèsexemptes de corps étrangers, laissent un résidu noir et terne, d'aspect gra- phiteux, à l'attaque à chaud, par l'acide azotique, qui a volatilisé le carbone de trempe, et dissous le carbone du carbure normal?. Ce résidu, plus abondant quand la fonte attaquée a élé soumise, au préalable, à un recuit prolongé, est du carbone pur, auquel Ledebur, à cause de son aspect, de sa forme et des circonstances mêmes qui en font varier la proportion dans une même fonte, a donné lenom de carbonegraphitique de recuit.N estinsoluble, comme le graphite, dans les alcalis ou les acides concentrés bouillants; mais il peut se séparer du fer, aux températures élevées, par une aclion oxy- dante, ou êlre volatilisé à l’état de carbure d'hy- drogène dans un courant d'hydrogène sec *, el c'est ce qui le différencie, comme la couleur et la forme, du reste, du carbone graphite. Le quatrième état du carbone, le carbone graphite, apparait à l'œil nu sous la forme de lamelles plus ou moins larges, à éclat métalloïde, dans les fontes grises, ou fers carburés au maximum el lentement solidifiés. Certaine fonte grise peut renfermer le carbone aux quatre élats différents qui viennent d'être décrits, bien que l'analyse ne sépare pas le gra- phite du carbone graphitique de recuit. C'est dans les fontes à cassure gris-clair uni- forme que se rencontre la plus forte proportion de carbone graphitique de recuit. Elles sont plus résistantes aux efforis de rupture, par traction et par compression, que les fontes graphiteuses. Mais si, au point de vue des qualités mécaniques qu'il communique aux fontes, le carbone graphitique de recuit se sépare nettement du graphite, il n'en est en réalilé, au point de vue chimique, qu'une variété morphologique qui se forme à une plus basse température ‘. 1 C’est le poly-carbure de Karsten, le carbone de cémen- tation de Caron, le carbone de recuit d'Osmond et Werth. Bien avant l'araday, qui l'a signalé en 1822, Berthollet avait soupconné l'existence, dans la fonte grise au bois, d'un carbure de fer qu’il n’avait pu cependant séparer du gra- phite. (Précis d'une théorie sur la nature de l'acier, 1789, page 16). Mais c'est aux récents travaux d'Osmond et Werth (France), de Sir Fr. Abel (Angleterre), de F.-C.-G. Müller, de Wedding, de Ledebur (Allemagne), que revient le mérite d'avoir établi l'existence des différents états du carbone dans les fers carburés. ? L’acide chlorhydrique les volatilise l'un et l’autre à l’état de carbures d'hydrogène. 3 Forquicxox Comptes Sciences, V. XCIX. 4 Aux températures élevées que fournit l’arc voltaïque, M. H. Moissan produit toutes les variétés de graphite jus- qu’au diamant noir. rendus de l'Académie des Un exemple, emprunté aux Æ{wdes de Ledebur, démontre que l’on peut faire varier du simple au double la proportion du carbone graphitique de recuil, aux dépens surtout du carbone normal, par un simple recuit prolongé. Un fragment de fonte blanche, refroidie en co- quille, donnait à l’analyse : Garbone (de trempe RER re 0,85 Garbonerde carbure” CPR PEER EPrE 1,23 Carbone’geraphitiqu'e Fer 0" CPePReEr 1,26 TO EAN ART TEA 3,34 Après un recuit à 900° C., d'une durée de 108 heures, dans de la poudre de charbon de bois, elle montrait une cassure grise, à grain homogène, et renfermail : Carbone delrempe EEE (I Carbone/de carbure. "1er 0,00 Carbone graphitique "2e "ePRCPErre 3,04 Totale Re EEE SCAN 3,31 En résumé, ce n’est pas seulement de la pro- portion de carbone que contient la fonte que résultent ses propriélés physiques et mécaniques, mais aussi de la forme sous laquelle cet élément s’y trouve. Ainsi la densité d’une fonte grise est toujours inférieure à celle d’une fonte blanche ayant la même dose de carbone, tandis que son point de fusion lui est supérieur de plus de 400° C. En effet, le point de fusion du fer pur. que des expériences récentes de M. Osmond ont fixé un peu au-dessus de 1.500° C., est bien abaissé dans les fers carburés en proportion du carbone total qu'ils renferment; mais le plus fusible de deux fers carburés d'égale teneur en carbone, c'est celui où le car- bone combiné domine *. Le graphite est, par le fait, du carbone rendu libre au moment de la solidification de la fonte. Pour s’y redissoudre, il absorbe la même quantité de chaleur qu'il avait abandonnée en s’en sépa- rant -. Mais, dans les produits industriels, les diffé- rentes formes que peut prendre le carbone restent non seulement subordonnées à la température de l On attribue à la fonte grise et à la fonte blanche, des capacités calorifiques respectives de 0,210 et 0,118. Ces chiffres ne peuvent avoir rien d’absolu, pas plus que les quantités de calories absorbées par la fusion de l’une et l’autre fonte. 2 L'expérience de Ledebur précédemment citée, relative aux effets du recuit sur une fonte blanche, prouve qu'il peut y avoir, après solidificalion, une seconde séparation de carbone graphitique, C’est là un phénomëéne qu'Osmond à précisé en étudiant la loi de refroidissement d’une fonte grise qui à laissé encore se former 0,60 de graphite entre 1.000 et 7500C. Une constatation non moins importante, c’est que cette formation de carbone graphilique se fait aux dépens du carbure normal, qui disparait presque en totalité si le refroidissement est suffisamment lent, tandis que le carbone de trempe persiste dans tous les cas quoique, restant, toutefois, moins abondant. eo, Fe. À famine ant LE NÉ arme rss 2 AD du D Vas, A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE 469 . Ja formation et au temps plus ou moins long du passage de l’état liquide à l’état solide, mais dé- pendent encore de la nature des différents corps étrangers introduits par les minerais ainsi que de la dose à laquelle ils v entrent. III. — INFLUENCE DES CORPS ÉTRANGERS SUR LES DIFFÉRENTS ÉTATS DU CARBONE DANS LA FONTE. Le silicium, le phosphore, le soufre et le man- ganèse sont les principaux éléments étrangers qui, en plus ou moins grande proportion, entrent dans la composition chimique de tout fer carburé de trempe, qu'il annule souvent jusqu'aux der- nières traces. C'est que le silicium, qui parait se dissoudre dans le fer en proportion presque indéfinie!, ne s'en sépare point, par le refroidissement lent ou brusque, sous une forme analogue à celle du gra- phite. Il se comporte vis-à-vis du fer comme un élément plus puissant, et cela explique que sa présence puisse, pour une lempérature donnée, abaisser la capacité de saturation du fer pour le carbone, et contraindre celui-ci à se séparer sous forme de graphite au moment de la solidification ?. Fig. 5. — Microprolographie d'une fonte grise Bessemer, polissage plan, éclairage perpendiculaire; grossissement 100 diamètres. — Les lames noires contournées ect les ta- ches sont du graphite. La pâte est entièrement formée de perlite que le mode de polissage et le grossissement insuf- sants ne permettent pas de montrer. fabriqué au haut fourneau, quelle que soit la pureté du minerai et du combustible qui ont servi à l'obtenir. $ 1. — Silicium. Le silicium, que ses propriétés chimiques rap- prochent du carbone, est loin de modifier au même degré que lui les propriétés physiques et mécaniques du fer. Une fonte industrielle renferme toujours du si- licium ; et, quand sa cassure est nettement grise, elle n’en contient jamais moins de 1,00 °/,!, et sou- vent 3 à 4°/.. Le silicium manifeste sa présence par la faculté qu'il a d’exalter la formation du graphite aux dépens du carbone combiné et, surtout, du carbone 1 Ex. d'une fonte grise avec un »inimum de silicium : SAIT SRE EE IP AO PAT 0,82 CANNES US EEE Eee 2,18 Carbone combiné....... ... 1,05 Mancanese Mr. "2ti.: 276 borne LOUE 1,17 DRHOSpHOrBE TAROT TE Er. 0,09 SODETE = Re eme ete ae cuire 0,0% (LEDEBUR) Fig. 6. à Mn = 6,80; — Micropholographie de Spiegel C = 4,86). Allaqué par la leinture d'iode; grossissement 250 diametres. Éclairage perpendiculaire. — Les parties claires sont de la cémentite et les parties sombres de la sorbite. La structure est la même que celle des fontes blanches au maximum de carburation; le manganèse rem- place simplement ici une partie du fer. Voici l'analyse d'une fonte grise d'Écosse, movennement riche en silicium {Ledebur) : Carbone delirempe re eee 0,00 Carhone delcaL DURE PP A ENNTE 0,4% Graphite ou carbone graphitique..... 3,33 SITCIUM, 22 = ei ele ee ART 2 MANPANESE MERE EEEEPC LEE EE TEC EE 1,30 PROSPHOLER CRE AE EE TAC 0,80 Quand la proportion du silicium s'élève à 4 °/, ou même 3 1/2, la solidification rapide que déter- mine la coulée en coquille ne blanchit pas la fonte et ne retient, par conséquent, pas de carbone de trempe. Ainsi, la fonte ayant la composition suivante : SIC ER eo POST 3,5% CarbOneNOtal ER EEReEERE 3,4 Mans ane EEE EC CEE 0,12 PhOSPhore MS MERE Er 0,28 1 M. Osmond a signalé en 1891 (Comples rendi:s) un résidu d'attaque à 20 °/ de silicium : ce qui correspond au sili- ciure Fe?Si, obtenu récemment par M. H. Moisson. ? Le silicium se combine au fer avec dégagement de cha- leur, mais, seulement, à partir d’une certaine teneur environ # °/,. (Osmond, Comples rendus, Octobre 1891.) 470 A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE moulée en ronds de 115"" de diamètre dans un moule en fonte, épais de 57"",— offrait une cassure entièrement grise, à grain serré sans le moindre liséré blanc. Le silicium parait altérer les qualités méca- niques de la fonte, diminuer sa résistance aux efforts dynamiques de même qu'aux efforts sta- tiques de flexion et d’écrasement. Ainsi, la fonte dont voici l'analyse : SICILE Re PRE ER 1,12 Carbonerto tal PER ER EE 3,80 MADEANESE LÉ AMEL NC TES 0,12 PhRosphore. encre 0,12 et quine diffère essentiellement de la précédente que par une teneur moindre en silicium (1,12 au lieu de 3,54), a mieux résisté à l'effort de choc et à celui d’écrasement dans le raport de 2e à l'effort de flexion, son excès de résistance a été dans le rapport de 7 à 5. Cependant, la fragilité ne croit pas à mesure qu'augmente la proportion du silicium; et les fontes spéciales désignées sous le nom de ferro- silicium, que l’on produit au haut fourneau avec 12 et mème 16 °/, de silicium, et seulement 1,50 à 2°/, de carbone total, à l’état de yraphile, possè- dent, avec une notable dureté minéralogique, une résistance au choc assez élevée. IL est donc plausible d'admettre que, dans une fonte rendue très graphiteuse par la présence du silicium à une certaine dose, et où le carbone de trempe est absent, c’est surtout à sa structure faite de grosses facettes sans grande cohésion qu'il faut attribuer l’altéralion de ses propriétés mécaniques, plutôt qu'à la présence de 3 à 4 °/, de silicium. $ 2. — Phosphore. Le phosphore est, d’une facon absolue, tou- jours présent dans les fers carburés obtenus en haut fourneau. Les fontes qui ont eu jadis la réputation d'en être exemptes, alors que les moyens de le doser laissaient beaucoup à désirer, en contiennent de 2 à 3 dix-miilièmes !. C'est qu'il existe peu de minerais de fer, et, encore moins, peut-être, de combustibles végé- taux ou minéraux qui soient complètement dé- pourvus de phosphore; et, lorsque, dans un milieu réducteur, le fer du minerai est totalement réduit et entre en fusion à l’état de fer carburé, celui-ci s’incorpore jusqu'aux dernières traces ? du phosphore 1 Les fontes de Suède les plus pures renferment 0,01 à 0,05 °/, de phosphore. (Analyses des minerais de fer de Suède, 1878, par Rich. AKERMAN, page 23) : Rapport remar- quable fourni à l’occasion de l'Exposition sur « l’état actuel de l'industrie du fer en Suède. » >? Dephosphorisation of Iron and Steel, par A. Pourcer. Journal of the Iron and Steel Institute, v. IT, 1879. apporté par la gangue et la cendre du combus- tible. L'introduction du phosphore à plus ou moins forte dose, dans la fonte, n’est pas, — comme pour le silicium, — en relation directe avec la tempé- rature ; on peut obtenir des fontes à haute teneur en phosphore dans des conditions où la chaleur est insuffisante pour qu'elles s’incorporent du sili- cium au delà de quelques millièmes !. Le phosphore ne diminue pas — comme le silicium — la capacité de dissolulion du fer pour le carbone; mais la facilité relative de formation des fers carburés phosphoreux permet d’obtenir des fontes blanches, d'une grande fluidité, avec des doses relativement faibles de carbone. Les ana- lyses de deux fontes blanches provenant la pre- mière d'Allemagne, la seconde d'Amérique, don- nées ici, en fournissent deux exemples typiques : N°1 N°2 Fonte Fonte d'Ilsède de Posthstown Carbone Re 1,6% 2,350 SIC NN PS RER 0,03 0,095 Mancanbse TEE Eee EEE 1,68 0,131 TITANE SEE A RE ER en » » 0,023 SOUTRE NL RATE MAN RE ER 0,14 0,055 PAOSPHOTE EPRAEPPREPERE EEE 3,12 3,620 Au contraire, l'analyse suivante prouverail qu'une dose élevée de phosphore n'exclut pas une forte teneur en carbone : Carboneitotal ere eme 3,452 (dont1,045 à l’état combiné) SUICIDE PRE NEC ES 0,605 FAN. ES 0,247 Manpanésert PR Pate 0,220 SOUILO Pi Po ceCUr TENACTE 0,02% PhoSphore PRE re cree 2,900 Cette fonte est grise, malgré la faible proportion de silicium qu’elle contient ?. Enconséquence,le phosphorene semble ni tendre à diminuer, pour une lempérature donnée, la capacité de dissolution du fer pour le carbone, ni empêcher la séparation du graphite, du moins dans les con- ditions normales où se produisent les fers carburés de l’industrie. 1 Le phosphore peut s'unir au fer en toutes proportions, et les composés définis qui se forment prennent naissance avec dégagement notable de chaleur : Troosr et HAuTE- FEUILLE, Etudes de Thermochimie, déjà citées. 2 Le titane joue le même rôle que le silicium, mais TiO? est moins réductible que SiO?. (Fonte des Etats-Unis.) 3 Il peut en être autrement pour des produits spéciaux. Ainsi, Ledebur cite un alliage ferreux avec 10,00 de phos= phore et 5,17 de manganèse ne renfermant que 1,11 de car- bone. Ce savant attribue cette faible teneur du carbone à l’excès de phosphore. Ayant collaboré, en 1879, à une fabrication de phosphore au haut fourneau, où, comme sous-produit, se formait un alliage ferreux à 22 °/, de phosphore environ, qui se présen- tait sous la forme d'une agglomération de petits prismes friables, l'auteur de cet article n’a jamais dosé plus de 1,5 à 2 0/, de carbone dans cette fonte extraphosphoreuse. Cepen- A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE 474 La qualité physique bien nette qu'apporte le phosphore aux fers carburés, — fonte grise ou blanche, — c’est la fluidité qui en facilite le mou- lage; mais, comme pour balancer cette qualité, sa présence entraine une fragilité qui croit à mesure que sa teneur augmente. Cependant, ce n'est pas iei le cas, comme pour le silicium, d'attribuer l’altération des propriétés mécaniques apportées par le phosphore à son in- fluence sur l’état du carbone, mais plutôt, sans doute, à son éfat d'être dans la fonte. MM. Osmond et Werth ont réussi — par la méthode électrolytique de Weyl — à isoler le phosphore, dans une fonte blanche, réuni en tota- lité au cerbure normal et à l’état supposé d'un phospho-carbure de fer !. Dans le cas particulier d’une fonte blanche, il parait donc se concentrer en totalité dans la cémen- tite, l'un des constituants microscopiques des aciers et des fontes *. Mais, dans la fonte grise, — toujours moins riche en carbone de carbure normal que la fonte blanche qui en renferme souvent les quatre cin- quièmes de son carbone total, — le phosphore ne s’unit qu'en partie au carbure normal, la majorité se diffusant alors {rès inégalement® dans la masse métallique sous forme d'un composé défini Ph Fef ou autre, que l’analyse n’a pu encore isoler. $ 3: — Soufre. Le soufre a une influence toute contraire de celle du silicium sur l’état du carbone dans le fer carburé : il s'oppose à sa séparation à l'état de graphite pendant la solidification. La présence du soufre tend done à maintenir le carbone en pro- portion plus ou moins grande aux deux états de carbone de trempe et de carbone de carbure. Des expériences déjà anciennes et dues, les premières à Karsten, les secondes à Smith et Weslon‘, ont mis en évidence celle propriété du soufre. Ainsi, en incorporant 2 °/, de soufre à une fonte graphiteuse, à 3,80 de carbone, on l’a trans- formée en une fonte blanche ne renfermant plus que 3,17 de carbone total”. dant, son opinion est qu'il n'est absolument pas prouvé que de semblables alliages ne soient pas susceptibles d'absorber une plus forte dose de carbone. ! Théorie cellulaire des propriélés de l'acier, par Osmox» et WerTu. (Dunod, 1885.) ? Méthode générale pour l'analyse micrographique des aciers au carbone. (OSMoND.) Sociélé d'Encouragement., mai 1895. 3 Le phosphore manifeste des phénomènes de ségrégation plus accentués que les autres corps qui se rencontrent dans la fonte. 1 Percy : Mélallurgie, 2° v., traduction francaise. 5 Du carbone a été volatilisé à l’état de sulfure de carbone. Du reste, le carbone en excès chasse en partie le soufre de la fonte. Smith a abaissé de 0,78 à (,35 la teneur en soufre Mais, ce qui semble moins bien prouvé, «est la propriété altribuée au soufre d’abaisser le point de saturation du fer en fusion pour le carbone ce qui se traduit, dans la pratique, en disant que le soufre favorise la production de la fonte blanche peu carburée. Or, du moment qu'il est dûment constaté que le soufre abaisse le point de fusion du fer, Va cause de cette propriété de favoriser la production de la fonte blanche peu carburée ne serait-elle pas plutôt dans cette circonstance : qu'un fer carburé, plus sulfureux, est susceptible de se former à plus basse température que celui qui l'est moins? Par conséquent, à une température inférieure de formation doît nécessairement correspondre un point de satura- tion également inférieur pour le carbone. C'est — on l’a dit précédemment — ce qui se passe avec le phosphore; mais, tandis que celui-ci donne de la fluidité aux fontes peu carburées, le soufre, au contraire, leur communique une certaine visco- sité : sans doute, parce que les composés du soufre avec le fer sont endothermiques, au lieu d’être exo- thermiques, comme le sont les composés du phos- phore !. Enfin, l’expérience suivante, due à Karsten, prouverait plutôt que le soufre à certaine dose élève le point de saturation du fer pour le carbone, dans une notable proportion : « Une fonte grise à « 3,935 de carbone total, dont 3,31 à l’état de gra- « phite, ayant été maintenue fondue au contact « d’un excès de soufre, donna, en se refroidissant, « une masse solide formée de deux parties nette- « ment séparées. Au-dessus, une malle ferrugi- « neuse, et, au-dessous, une fonte blanche ayant « gardé 0,446 °/, de soufre, et concentré 5,45 °/, « de carbone *?. » Au point de vue de son influence sur les pro- priétés mécaniques de la fonte, le soufre, dans certain cas et dans une certaine limite, est suscep- tible de les améliorer, en déterminant, dans une fonte grise, la formation d’un grain plus serré, plus homogène ou régulier, à cause de sa pro- priété d’abaisser la proportion de graphite. On cite la fonte de Finspong, en Suède, qui, avec 0,15 à 0,20 de soufre, des traces de phosphore et moins de 1,00 de silicium, présente une résistance aux efforts de rupture qui l'ont fait employer à la fabricalion des canons. LS d'une fonte blanche en la maintenant en fusion au contact du charbon de bois. 1 Troosr et HaurTerEuILLE ont constaté que les fers sulfu- rés sont constitués avec absorption de chaleur : Comptes Ren- dus, LXXXI, 1263, C.f. > En admettant mème des erreurs de dosage, possibles à cette époque, les résultats de cette expérience ne conservent pas moins un intérêt typique. Consulter la Métallurgie de l'acier, de Howe, page 58 Traduction francaise par O. Hock {Baudry et Cie) 412 A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE Le soufre est réparti, du reste, très inégalement dans les grandes masses de métal. nn 4, — Manganèse. Le manganèse à la propriété franchement accusée de maintenir le carbone, dans les fers carburés, en partie, ou en totalité, quand sa teneur est élevée, à l’état de carbone combiné : carbone de trempe et carbone de carbure. On admet — ce qui est exact — qu'il élève le point de saturalion du fer pour le carbone ; mais c’est là une particularité qui a encore une explication très naturelle, comme pour le phosphore et le soufre. Le manganèse et le fer se combinent en toute pro- porlion avec peu de carbone ou même en l'absence totale de carbone, comme le fer et le phosphore, le fer et le soufre. Mais, tandis que ces mélalloïdes abaissent le point de fusion du fer pur, les alliages de fer et manganèse ont une température de fusion peu différente de celui-ci. Donc, fondus avec un excès de carbone, ils en dissolvent une quantité plus grande, en relation avec la température du milieu. D'autre part, comme le manganèse est diflici- lement réduit de ses oxydes, les fers carburés manganésés ne peuvert se former, dans un milieu réducteur, qu'avec un excès de combus- tible fournissant une température très élevée, c'est-à-dire avec un concours de circonstances qui toutes tendent à élever le point de saturation du fer pour le carbone. Néanmoins, comme le manganèse, tout comme le fer, se combine avec le carbone, mais avec cet avantage que ses combinaisons sont nellement exothermiques, formées avec un grand dégagement de chaleur *, on s'explique bien la faculté que possède une fonte manganésée de dissoudre en se formant une quantilé de carbone croissant avec sa teneur en manganèse. Elle peut dépasser 7 °/,, et être maintenue entièrement à l’éfal combiné en se soli- difiant ?. Dans ces produits spéciaux, riches en manga- nèse*, que caractérise une grande dureté minéra- logique jointe à une excessive fragilité, la pro- portion du carbone de trempe, quoique élevée, reste toujours inférieure à celle du carbone du carbure normal; de plus, dans le carbure normal, le man- ganèse se substitue au fer dans le rapport des teneurs en fer et manganèse dans la masse métal- lique #. 1 Troosr et HAUTEFEUILLE. Op. cit. ? On a dosé au maximum 7 à 7,50 de carbone combiné dans le ferro-manganèse à 87 °/, de manganèse. % Consulter la Métallurgie du manganèse : Journal Le Génie civil. Tome VII, pages 3-21-50, par A. PourcEL. Voir également : Encyclopédie chimique, le Manganèse, par H. Morssax, où se trouve reproduite presque in exlenso l'étude de M. A. Pourcez. (3° vol. 10° cahier. 14886.) 4 Lepegur : Slahl und Eïisen, avril 1891. Dans la généralité des fers carburés produits industriellement, le manganèse, à moins d’être introduit à dessein, n’est souvent qu'à des doses ou faibles ou même négligeables : 0,15 à 0,80. Les minerais äe fer qui, sans mélange, en introduisent 2 à °/,, sont rares !. C'est à partir de 1,50 %, el au delà, que, dans une fonte grise, son influence sur les propriétés mécaniques commence à se faire sentir et à s’ac- centuer en contrebalançant l’action du silicium. Au contraire, à la dose de 1,00 à 1,50°/,, il semble plutôt augmenter la résistance aux efforls de rup- ture, en fixant une partiesuffisante, quoique faible, du carbone total à lélat de carbone combiné. (Carbone de.trempe ?) Le manganèse est celui des corps étrangers qui donne lieu au phénomène de ségrégation le moins accentué. ‘ Bien qu'à certaine dose il élève le point de fusion des fers carburés, il est à noter que les fontes riches en manganèse fondent à une tempé- ralure inférieure à celle qui a été nécessaire à leur formation. En résumé, après avoir établi que les propriétés physiques et mécaniques des fers carburés sont en relation directe avec l’état où s'y trouve le carbone, on peut apercevoir, à présent, l'influence que peuvent avoir sur ses propriétés le silicium, le phosphore, le soufre et le manganèse, — prin- cipaux éléments étrangers introduits pour ainsi dire naturellement dans les fontes, — par l’action qu'ils exercent, séparément ou ensemble, sur les différentes formes que peut prendre le carbone. $ 5. — Autres corps étrangers. Il resterait à examiner l'influence, sur les états du carbone dans les fontes, des nombreux corps étrangers qui peuvent encore naturellement s’y rencontrer ou qu'on y introduit : l’arsenic, l’anti- moine, l'aluminium, le chrome, le tungstène, ete., ainsi que des gaz occlus ou combinés; mais une. telle étude, quoique d’un haut intérêt théorique, amènerait à franchir les limites du cadre imposé à cette rapide élude, et ne présenterait, du reste, qu'un intérêl pratique secondaire, vu le rôle, encore peu défini, que jouent la plupart des corps étrangers dans les fers carburés ?. 1 Les plus connus sont ceux d'Allevard, de Puymorens et de Rancier: de Styrie, d'Ilsede, celui-ci très phosphoreux, et de quelques mines de Suède, que l'on traite tous sur place. ? L'aluminium joue un rôle identique à celui du silicium : c'est ce qui a été nettement établi par de récentes études auxquelles M. Hatdfeld, de Shellield, a apporté la plus large contribution. Quant à l'arsenic, les travaux du chimiste anglais Stead, sur son rôle dans l’acier, prouvent que son action est bien différente de celle du phosphore, auquel on avait voulu PP RE PO PS } éxercer une action non moins A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE IV. — CLASSEMENT DES FONTEs. Lorsqu'on classe les fontes simplement par la couleur de leur cassure, la fonte blanche figure comme le dernier terme d'une série continue, comprenant habituellement sept numéros, dont le premier est occupé par la fonte noire très graphi- teuse !. C'est par nuance graduée que se révèle à l'œil le passage d’un numéro au suivant jusqu'à la fonte blanche.Le n°5, qui marque la limite du gris, présenteun grain serré, homogène, denuance grise- cendrée; et le n° 6, transition du gris au blanc, comprend deux nuances désignées par les noms de truité-blanc, et truilé-gris, suivant qu'il présente un fond blanc tacheté de gris, ou un fond gris tacheté de points blares *. Au point de vue plus pratique de leur emploi industriel, les fontes peuvent être classées en deux catégories : a) Celles que l’on met en œuvre directement, ou, du moins, sans leur faire subir un traitement qui les dénature : Fontes de moulage; b) Celles que l'on dénature par divers procédés pour fournir un métal ductile et malléable, soudé presque l'identifier, et ne rappelle que de loin celle du soufre dont parle Ledebur. Quant à son rôle dans les fers carburés, il reste encore bien obscur. Le chrome et le tungstène paraissent agir comme le manganèse. Le chrome, surtout, augmente le point de satu- ration pour le carbone. Tous les deux le maintiennent à l'état combiné dans les alliages carburès riches; mais ce qui les différencie l’un et l’autre du manganèse, c'est qu’ils augmentent notablement la proportion du carbone de car- bure aux dépens du carbone de trempe, comme le prouvent les lois du refroidissement auxquelles ils obéissent et qu'ont fixées les études de M. Osmond. Les fontes riches en nickel ont cette faculté plus accentuée encore de ne fixer, peut-être. à l’état de carbone de trempe, la moindre trace de leur carbone combiné. Sans doute, tous ces corps étrangers, qui apportent de si profondes modifications dans l'état du carbone, doivent accentuée sur les états allo- tropiques du fer dans la fonte. Les expériences de l'Amé- ricain Keep sur les lois du refroidissement à partir du point de solidification des fontes siliceuses — expériences exposées d’une facon si claire par M. l'ingénieur Henning, au Congrès international de Zurich (a), — paraissent bien Pindiquer. C'est là un champ d’études encore peu exploré, mais dont les découvertes ne sauraient avoir pour la fonte l'importance qu’elles peuvent avoir et qu’elles ont déjà pour les alliages peu carburés, pour l'acier. 1 Ledebur admet comme termes extrémes de la série, d'une part, le ferro-silicium et, de l’autre, le ferro-manga- nèse. Manuel de la Mélallurgie du Fer. Tome I‘, traduit par de LanGLape et F. Varron. Baudry et Cie, éditeurs. 1895. ? L’artillerie de la marine classe les fontes qu’elle emploie, fontes au bois, en cinq numéros avec des intercalations : n° À et n° 1 bis ; n° à et n° 5 bis. La forme du grain, autant que sa grosseur, intervient dans l'appréciation du numéro du classement. Les différences de compositions chimiques, outre les numéros extrêmes, ne sont jamais très accentuées : 1/2 °/, pour le carbone, 3 à 4 millièmes pour le silicium. - (a) Congrès international pour l'unification des méthodes d'essai des matériaux de construction, tenu les 9, 410 et 11 septembre dernier à Zurich. AT ou fondu, c'est-à-dire du fer ou de l'acier : #onles d'affinage. Les fontes riches en silicium ou en manganèse restent en dehors de ces deux grandes divisions et forment avec le ferro-chrome, le ferro-tung- stène, ete., une catégorie spéciale de produits con- sidérés plutôt comme réactifs chimiques des aciers. Et maintenant, tandis que, dans les fontes de moulage, l'influence des corps étrangers est presque exclusivement envisagée au point de vue des modifications aux propriétés mécaniques qu'apporte leur présence, c'est, au contraire, sous le rapport du rôle chimique qu'ils jouent dans les différentes opéralions de dénaturation qu'elles sont destinées à subir, qu'il est intéres- sant d'étudier leur action dans les fontes d'afli- nage. Ainsi, le phosphore, — qui a un rôle prépon- dérant comme élément calorifique, dans la fonte d'affinage dite Æonte Thomas, qui est transformée en acier dans le convertisseur Bessemer à garnis- sage basique, — est absolument ou presque abso- lument prohibé, comme wx élément nuisible, de la fonte d’affinage qui est convertie en acier dans la cornue Bessemer à garnissage acide. Et, dans la fonte de moulage, où sa présence apporte de la fluidité, on ne le tolère toutefois qu'à faible dose, parce qu'il en altère la résistance au choc. Ainsi, les fontes de moulage qui ne contiennent qu'un minimum de phosphore, 0,20 à 0,30, sont désignées sousle nom de fontes forles ou résistantes. Les fontes de moulage sont comprises dans les quatre ou les cinq numéros de nuance grise. Exceplionnellement, et, pour certain malériel, la fonte truitée grise trouve un emploi, mais toujours restreint. On a déjà cité les canons fondus à Fins- pong (Suède) avec une fonte truitée ou piquée, con- tenant 0,15 à 0,20 de soufre. Les cylindres de la- minoirs sont aussi faitsavec de la fonte n° 6, truitée- grise. Le graphite étant l'élément conslituant essentiel des fontes moulées, le silicium qui le fait naitre en est considéré, lui, comme l'élément indispen- sable ‘. Le phosphore y est admis à des doses va- riables, depuis 0,20 à 4,50 °/, suivant les circon- stances que doit apprécier le metteur en œuvre,el le manganèse, qui contrebalance l'action du sili- cium par rapport à la proportion de graphite, ne peut y être toléré souvent qu'à des teneurs très faibles : 0,20 à 0,40 °/,. Les fontes d'affinage peuvent être indistinctement grises ou blanches. Leur composition chimique, bien que subordonnée au mode de traitement em- 1 Surtout dans les fontes brutes destinées à être refondues en mélange avec des bocages ou vieilles fontes. Mais les fontes supérieures d'artillerie avec 3,75 à 4,00 de carbone to- tal, renferment le silicium à dose limitée entre 0,60 à 1,20 */.. A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE ployé à les transformer en métal malléable, com- porle les doses les plus variables de silicium, phosphore et manganèse. Le soufre est le seul des corps étrangers spécialement étudiés ici, dont la présence soil rarement tolérée au delà de 0,10 à 0,15 */,, soit dans la fonte de moulage, soit dans celle d'affinage !. part, et les propriétés mécaniques, de l’autre. Sans aborder, dans cette étude, le détail des essais mécaniques auxquels sont soumises les fontes de moulage !, soit avant, soit après la mise en œuvre, on se bornera à donner un certain nombre d'analyses de fontes recherchées pour tel matériel ou tel usage déterminés. (Tableau 1.) Tableau I. — Analyse des fontes de moulage. Carbone total....... 3.978| 3.781| 4.225| 3.715| 3.600 Id. Graphite ? ? 24 à SUICIUME 0 Nr 559! 0.513| 1.328] 0.850! 1.000 Phosphore.. .......| 0.081| 0.:76| 0.208| 0.207| 0.200 DOUFLEZ nee ...| 0.005| 0.030| traces! traces! 0.030 Manganèse ......... 0.306] 0.153] 0.213] 0.200! 0.120 p, fonte de moulage ordinaire du comptoir de Longwy. 50! 2.990! 3.550! 2.806] 3.500! 2.820! 3.520| 3.820/3.640 1] 3.300! 2.540! 3.390! 3 30u/3.150 0] 1.812] 4.225| 3.000! 3.500! 2.160! 2.520! 2.710/1.S60 2| 0.680! 0.260! 0.300! 0.980! 0.510! 1.490| 1.800/1.850 #| 0.120! 0.020! 0.070! 0.020 ? 0.050! 0.040[0.630 4| 0.388! 0.450! 0.350! 1.580] 0.670! 0.680! 0.59010.500 a, b, fontes au bois de Labouheyre (Landes), classées n° À bis et n° 5 à la Fonderie de canons de Nevers. ce, d, fontes au bois du Bandiat, classées n° 1 et n° 5 à la Fonderie de canons de Nevers. e, canon de 14°® provenant du mélange de ces fontes refondues au Reverbère. f, fonte n° 1 du Creusot; g, fonte n° 5 du Creusot; h, fonte noire; k, fonte n° 2, du Berry, au coke. l, fonte noire d’,.cosse ; m, fonte n° 3 d’Ecosse, marque Coltness. n, fonte n° 3, Cleveland ; 0, fonte dite à peau lisse, ou n° 3 supérieur du Comptoir de Longwy. La composition chimique qui montre dans quelle relation numérique se trouvent les princi- paux éléments consliluants, venant s'ajouter à l'examen de ses propriétés organolepliques, permet de fixer, d’une facon à peu près sûre, la qualité d’une fonte d'aflinage, mais non pas celle d'une fonte de moulage. Et les travaux très inté- ressants d’un groupe de fondeurs américains, parmi lesquels on doit citer au premier rang ceux de M. W.J. Keep, n'ont pu encore aboutir à l’é- noncé d’une loi empirique fixant les relations entre la composition chimique d’une foute de moulage et ses propriétés physiques et mécaniques *. Ce que l’on doit attendre des investigations par le microscope, pour aider à résoudre celte importante question, on ne peut le prévoir en- core; car, bien qu'elles aient révélé, dans les fon- tes grises, l'existence de tous les éléments microsco- piques constituants des aciers *, cependant elles n'ont été ni assez variées, ni assez méthodiques pour donner rien de précis quant au nombre et au groupement de ces ronstituants primaires en relation avec la composilion chimique, d’une ! C’est la considération seule du prix de revient qui laisse subsister le soufre au delà de ces limites, et souvent jusqu’à 0,50 ou 0,80 dans la fonte d’affinage pour fer puddlé ordi- naire. ? Consulter : les Transactions of the American Instilule of mining Engineers. Vol. 1889 à 1893. American Sociely of mechanical Engineers. Juin 1895, V. xvr des Transaclions of American machinist Journal, n° du 19 septembre 1895. # Jusqu'à présent fixés à cinq, par les derniers travaux d’Osmond : la ferrite, la cémentite, la sorbite, la marten- site et lu troostite. Les fontes « b & d du tableau ci-dessus représen- tent les numéros extrêmes, supérieur et inférieur, des meilleures fontes au bois, jadis employées à la Fonderie de Nevers, supprimée depuis plus de 15 ans. Elles provenaient des hauts fourneaux des Landes et de Bandiat, soufflés à l'air froid. Les essais faits sur le canon de 14% provenant d'un mélange de ces fontes fondu au réverbère, avaient été les suivants : Sur barrette de 10", l'effort de rupture à la traction étaitde 21 kilos,et l'allongement de 0,55°/.. Sur barreau carré essayé au choc avecle mouton de 12 kilos, la rupture avait été obtenue à la hauteur de chute de 0",63. Les fontes chargées en graphite, en silicium et phosphore supportent rarement sans rupture une hauteur de chute du mouton supérieur à 0,25, ni une charge de rupture, à la traction, dépassant 12 à 15 kilos soumises aux mêmes essais ?. L'expérience a démontré qu'avec un minimum de phosphore, 0,20 à 0,30, dose ulile, on obtient un maximum de ténacité, avec des teneurs en sili- cium variant de 4 à 1,50; le carbone totai variant lui-même de 2,80 à 3,50, et le manganèse étant maintenu entre 0,50 et 0,50. 1 Consulter Méthodes d'essai des fontes, par Duranr. Tra- vail le plus complet sur la question, inséré dans le 2 V. des Rapports de la Commission des méthodes d'essai des maté= riaux de construction. Edité par Rothschild. Imprimerie nationale. 2 Consulter le mémoire de M. Durant, déjà cité. 2e = Il disparaît environ 3 à —'du manganèse au cubilot. + dl A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE 415 En résumé, il demeure bien établi que le car- bone est l'élément essentiel des fontes de moulage. Quand il est présent à dose suffisante, un refroi- dissement méthodique le distribue dans la masse métallique presque entièrement sous forme de graphite et de carbone graphitique, en n’y luissant subsister qu'un minimum de carbone de carbure et de carbone de trempe . Le silicium ne saurait en aucun cas êlre consi- déré comme le succédané du carbone; mais, à cause de sa propriété de le précipiter à l’état de graphite jusqu'aux dernières traces à mesure que sa teneur augmente (cela, principalement dans une fonte privée de manganèse), on le fait inter- venir dans la fonderie, sous forme de ferro-sili- cium, pour utiliser des déchets de fonte et, en général, des débris de métal fonteux pauvre en carbone ?, Les fontes noires, riches en carbone, en silicium et quelquefois en manganèse, comme celles d'Écosse, sont donc considérées comme des ma- tières premières renfermant, concentrés, les élé- ments chimiques indispensables à la moulerie de seconde fusion où l’on passe des déchets. Les fontes d'Écosse, d’une si vieille renommée pour cet usage, continuent à être recherchées de préférence aux fontes de même numéro du Cleve- land ou de l'Est de la France, à cause de leur moindre teneur en phosphore. Sur le marché an- glais elles valent toujours huit à dix francs de plus la tonne que celles de Middlesborough (Cleveland). Ce n’est, du reste, qu'en mélange avec des fontes peu phosphoreuses que l’on emploie généralement les fontes du Cleveland et de l'Est de la France. La fonte Æ est un type de bonne fonte de pre- mière fusion employée au moulage des tuyaux, dans une grande usine de PAllier. Il a été dit, déjà, que les fontes d’aflinage com- portent toutes les variétés et loutes les nuances. Ainsi, le bon fer marchand provient, en Angle- terre, d’une fonte grise n° 4, vendue sur le marché de Middleshborough sous le nom de n° 4 d’affinage. Elle renferme 1,50 de phosphore et 1,60 de sili- cium. On y puddle rarement de la fonte truitée. Sur le continent, la fonte désignée sous le nom de fonte d'afiindye, pour fer puddié marchand, est blanche et renferme * : l Bien que la fonte grise obtenue au haut fourneau contienne toujours du silicium, il n’est pas exact de dire — comme le répète Ledebur — que la fonte grise ne peut pas exister sans silicium. C'est en se placant à ce point de vue contestable qu'il a classé le ferro-silicium au premier rang de la série des fontes grises. > Dans la fusion au cubilot, l'oxydation se porte sur le manganèse d’abord, et sur le silicium, en second lieu; et le métal en sort souvent plus carburé qu'il n’y était entré. L'emploi du ferro-silicium est une méthode empirique d’ate- lier qui n'offre aucune garantie pour les pièces moulées devant répondre à des propriétés mécaniques spécifiées. 3 C’est le type fabriqué dans l'Est, et vendu par Longwy. Carbonettof al ree 2,50 à 3,00 SIACIUME ER ENT 0,20 0,40 Phosphoxe EVEREST ETC 1,60 1,80 SOUÎTE NE ee re 0,50 0,25 Manganesp ee Re enee 0,00 à traces Les fontes blanches rayonnées ou rubanées, contenant de 4 à 4 ‘/, de manganèse, et 0,05 à 0,15 de phosphore, servent à fabriquer le métal mal- léable, soudé. de qualité supérieure, de préférence aux fontes grises pures de phosphore et de soufre, qui se traitent moins aisément et moins économi- quement au four à puddler. Les fontes propres à l’affinage Bessemer acide sont caractérisées principalement par leur pureté, eu égard au phosphore et au soufre, tandis que la proportion de silicium, quelquefois assez élevée, peut s’abaisser à 1,00. Le manganèse n’est jamais absent. On en trouve 3 à 4°/, dans les fontes Bes- semer de Styrie; 0,50 dans cetles du Cumberland, el la même dose avec 1,00 de silicium, dans celles des États-Unis. — L'affinage pour acier au four Martin-Siemens acide permet de traiter toutes les nuances de fonte, sans exception, pourvu que le phosphore et le soufre n'y soient présents qu’à l’état de traces. Mais, si le garnissage du four est fait en matières réfractaires basiques ou neutres, on peut y affiner des fontes grises ou blanches avec des teneurs en phosphore les plus variables, en évitant, toutefois.celles qui contiennent plus de 0,45 à 0,20, maximum, de soufre . La fonte dite fonte Thomas, que l'on affine pour acier au convertisseur basique, est, parmi les fontes d’affinage, celle dont la composition chi- mique doit le moins varier afin de fournir un pro- duit toujours semblable à lui-même. On la maintient entre les limites suivantes : 3,20 à 3,40 DIROSPHOEEN PEER EE EE 1,80 2,25 MAnCAITÈSE EEE PE CEE EEE 1,60 2,00 SOURTE EE nr Li e 0,07 0.05 SIC ee RER net cure 0,06 0,04 On évite le silicium et le soufre; le manganèse ? ne saurait être inférieur à 1,50; quant au phos- phore, qui est l'élément calorifique de l'opération d'affinage au convertisseur Bessemer basique, la teneur au-dessous de laquelle on désire ne pas descendre est de 2,00 °/,. Dans un second article, nous éludierons les procédés de fabrication des fontes. A. Pourcel, Ingénieur civil des Mines, Ancien Chef de service des Hauts Fourneaux et Aciéries de Terre-Noire. 1 Bien qu'on élimine le soufre aussi facilement que le phos- phore au four Siemens-Martin, il est plus économique que l'opération d’aflinage ne compte pas cette complication 2 L'emploi du mélangeur Jones Massenez permet de dimi- nuer la dose de manganèse tout en maintenant dans une limite inférieure celles du soufre et du silicium. 591,16 Qu'est-ce que le sexe? Tout le monde sait qu'il consiste essentiellement dans la nature des or- ganes qui donnent naissance aux cellules repro- ductrices : chez le màle, ce sont des testicules qui produisent des cellules très petites, mobiles, dont le protoplasma est réduit au strict nécessaire ; chez la femelle, ce sont des ovaires qui produisent des cellules très grosses, inertes, avec un protoplasma abondant, rempli de matériaux de réserve. Mais ilest bien rare que ce caractère essentiel soit isolé ; presque toujours, il se traduit exté- rieurement par des organes très apparents, des- tinés à la copulation, à la ponte, à la proteclion ou à l'alimentation des jeunes, ou par des caraclères sexuels secondaires, comme là barbe de l'Homme, la Hier. à A Robin. — À, anus; C, cavité incubatrice remplie d'embryons (œufs d'été). D'après Weismann. — Femelle parthénogénélique de Moina macrocopus crinière du Lion, le plumage spiendide du Paon, ete. Toutefois, cela ne complique pas le problème : on sait d'une facon à peu près cerlaine qu'au mo- ment où l'être vivant se détermine comme mâle ou femelle, tous les autres caractères sexuels se déterminent en même temps, dans le même sens, comme si les glandes génitales réagissaient direc- tement sur le reste de l'organisme : c’est là un fait 1 Bibliographie générale du sujet dans : Genpes et Tuom- son, l'Évolulion du Sexe. Paris, Babé, 1892. Y. Decace: La structure du protoplasma et les théories sur l'Hérédité el les grands problèmes de la Biologie générale. Paris, Reinwald, 1895. Voir aussi : pe KeruEeRvÉ, Sur l'apparition ‘provoquée des mâles chez les Daphnies (Daphnia psillacea) : Mém. Soc. Zool. de France, t. VII, 1895, p. 200. Marcuaz : La reproduction et l’évolution des Guépes so- ciales: Arch. de Zool. expér. 3e série, t. IV, 1896. NaGez : Ueber die Entwickelung des Urogenitalsystems des Menschens : Arch. fürmakr. Anal. Bd., xxx1v 1889, p. 269. E. Nicozas: Vucs genérales sur les Hyménoptères : Congrès Zoologique de Moscou, 1e partie, 1893, p. 114. OrcHansky : Etude sur l’hérédité normale et morbide: Mém. Acad. Imp. Sc. Saint-Pélersbourg, t. XLII, 1894. L. CUÉNOT — LA DÉTERMINATION DU SEXE LA DÉTERMINATION DU SEXE bien démontré de corrélation organique. Qu'on songe aux effelts de la castration : ie castral perd en grande partie ses caractères secondaires, pour devenir une sorte d'être neutre, intermédiaire au mäle et à la femelle ; certains Crustacés parasites, qui ontsuccessivement des testicules etdes ovaires, présentent d'abord les caractères externes du mäle, puis les perdent, pour prendre ceux de la femelle; enfin, on connait, en tératologie, des Papillons et des Oiseaux hermaphrodites dont une moitié, renfermant un testicule, présente la livrée el l'aspect du mâle, tandis que l'autre moilié, renfermant un ovaire, a tous les carac- tères de la femelle. Donc, en dernière analyse, le PAU Fig. 2. — Femelle de Moina reclirostris avec un œuf durable en voie de développement dans l'ovaire gauche.— À, anus; B, œsophage; C, cerveau; D, mandibule; E, enveloppe de l'œuf durable (ephippium) comprenant une loge creuse L, et un flotteur N; O, œuf durable rempli de matières de réserve. D'après Weismann. sexe est caractérisé uniquement par la nature de la cellule reproductrice, spermatozoïde ou œuf. Pour quelles raisons un œuf ou un embryon évolue-t-il dans le sens mâle ou dans le sens fe- melle? C'est là une des questions les plus ardués de la Biologie générale, mais aussi l’une des plus intéressantes, tant par la portée philosophique qu'en raison des applications pratiques qui décou- leraient de la solulion. Le problème parait en voie d'être résolu. Il m'a paru utile de réunir les faits certains que l’on possède maintenant sur le sujet. Ces faits se rapportent à trois cas: 1° Cas où le sexe est déterminé par la structure: de l’œuf, bien wvant la fécondation, lorsque celle- ei doit avoir lieu; 9 Cas où le sexe est déterminé par la fécondation ; 3° Cas où le sexe est déterminé. après la fécon- dation. L. CUÉNOT — LA DÉTERMINATION DU SEXE 477 1. — CAS OÙ LA STRUCTURE DE L'OEUF EST DÉTERMINANTE. 1.— Cas des Daphnies. — Les Daphnies sont de petits Crustacés fréquents dans les mares d’eau stagnante, où ils se multiplient souvent avec une rapidité extraordinaire. À l'état normal, on ne trouve que des femelles, lesquelles pondent sans discontinuer dans leur cavité incubatrice (fig. 1) des œufs de pelite taille, à coque mince, non fé- condés (œufs d'été); l'accélération est telle que parfois les embryons en voie de développement renferment des œufs tout prêts à évoluer, de sorte qu'on à ainsi trois générations emboilées les unes dans les autres (Zradne). Dans certaines circonstances. que nous précise- rons tout à l'heure, les mâles se rencon- trent mêlés aux fe- melles, et, de plus, presque loutes celles- ci, au lieu de pondre des œufs d'été, for- ment des œufs d'une autre nature, suscep- tibles de fécondation, à coque dure, à ré- serves abondantes et à évolution très lente œufs durables). Les mäles naissent exclu- sivement d'œufs d’é- lé; les femelles nais- sent à la fois d'œufs d'été non fécondés et Fig. 3. — Brachionus urceolaris Ehr. : d'œufs durables fé- condés. Les circonstances qui provoquent l'apparition des mäles et des œufs durables, ont été déterminées avec une grande précision par Rolph, Kurz et de Kerhervé. Des Daphnies ! parfaitement nourries donnent sans discontinuer des femelles parthénogénéli- ques, qui pondent des œufs d'été, lesquels redon- neront des femelles indéfiniment. Que la pro- vende vienne à diminuer, soit par la concur- rence d’une autre espèce, soit par la multiplica- tion dans un espace restreint, un cerlain nombre d'œufs donnent des males; de plus, presque toutes les femelles fabriquent cette fois des œufs dura- bles, qui seront fécondés par les mäles, et pour- ront attendre le retour de circonstances favora- bles. C'est dans l'ovaire même que se détermine le sexe de l’œuf, par la quantité et la nature des ! Daphnia psillacea Baird, lacustris G. O. Sars, ete. réserves qui s y accumulent. Cela est évident pour l'œuf durable (fig. 2), reconnaissable bien avant qu'il n'ait quitté l'ovaire et qu'il soit question de fécondation : l’ovogenèse suit dans ce cas une marche particulière, destinée à augmenter les ré- serves de l'œuf. Quant aux œufs qui donnent des mäles, il est bien probable aussi qu'ils se déter- minent comme tels dans l'ovaire; les mâles étant un peu plus petits que les femelles, ces œufs doivent exiger moins de réserves nutrilives et l’on comprend bien l'influence directe de la disette. 2, -— Cus de l'Hydatina senta. — L’Hydatine esl un pelit Rotifère, bien connu par le dimorphisme considérable quiexiste entre le mäle etla femelle ; le premier est très petit, d'organisation très simple et vit 2 à 3 jours, tandis que la seconde peut vivre de 7 à 13 jours. Dans des condilions favo- rables, les Hydatines el les formes voisines pondent sans discon- linuer des œufs d'été non fécondés, dont les uns donnent nais- sance à des mäles, les autres à des femelles; chose singulière quelles que soient les condilions de milieu, 1, pondeuse d'œufs femelles, SE S vue du côté ventral. — A, œuf non RATE dans noise B, cerlaines meéres ne œuf renfermant un embryon développé. — 2, pondeuse d'œufs mâles, pondentque des œufs vue du côté dorsal; elle porte attachés au corps quatre œufs à di- vers états de développement. D’après Cohn. destinés à donner des mäles, d'autres que des œufs destinés à donner des femelles (fig. 3): le sexe d’un individu est donc irrévocablement décidé par la nature de sa mère. Le problème consiste donc en ceci: qu'est-ce qui détermine la nature de pondeuse d'œufs mâles ou femelles? C'est ce que Maupas a étudié avec un plein succès. C’estau moment où chaque œuf se différencie dans l'ovaire, en commencant son développement, que se fixe définitivement la nature de la pondeuse qui en sortira; l’agent modificateur est la ‘empé- rature, comme le montrent les expériences sui- vantes : entre 14 et 15°, les œufs pondus par 3 Hydatines donnent naissance à 5 p. °/, de pon- deuses d'œufs mäles et 95 p. ‘/, de pondeuses d'œufs femelles. Entre 26 et 28°, 5 Hydatines, sœurs des précédentes, donnent 97 p."°/, de pon- deuses d'œufs mäles et 3 p. ‘, de pondeuses d'œufs femelles. Maupas a fait changer successi- vement le sexe des pondeuses en transférant plu- 478 L. CUÉNOT — LA DÉTERMINATION DU SEXE sieurs fois de suite des Hydatines du chaud au frais, et, dans une des pontes au chaud, il a obtenu une fois jusqu'à 100 p. ‘/, de pondeuses d'œufs males. En résumé, vhez les Daphnies, Pucerons, Hydatines, ele, le sexe d'un individu est déterminé soit par la structure de l'œuf dont il sortira, sait même encore plus tôt par la structure de l'œuf maternel. II.— CAS OU LA FÉCONDATION EST DÉTERMINANTE. On sait que, chez les Abeilles et les Guêpes, il y a trois sortes d'individus : des femelles fécon- Fig. 4. — Appareil génilal d'une reine d'Apis mellifica, vu du côlé dorsal. — O, ovaires; Ov, oviducte: R, réceptacle séminal; S, point où se fait la fécondation; T, rectum; V, réservoir du venin; Va, glande venimeuse alcaline; Ve, glande venimeuse acide. D'après Looss. dables, les reines, des femellesimparfaites (ouvrières) qui pondentparfois des œufs parthénogénétiques lorsqu'elles sont bien nourries, et enfin des mâles (faux-bourdons). L'agent qui détermine le sexe n'est autre que la fécondalion. Pour le prouver, à l'exemple de Dzierzon et Bessels, coupons les ailes d’une jeune reine, de facon à empêcher le vol nuptial, pendant lequel elle est fécondée. La reine restée vierge n’en pondra pas moins; mais ses œufs donneront fous sans exceplion des males, exactement comme ceux des ouvrières pondeuses, loujours non fécondées (Vespa, Polistes). Au contraire, qu'on laisse s’accomplir le volnup- lial : lorsque la reine revient à la ruche, l'accou- plement à eu lieu, le réceptacle séminal est rempli de spermatozoïdes. Lorsqu’ellepondra, au moment où l'œuf passe devant l'orifice du réceptacle sémi- nal (fig. 4), celui-ci s'ouvre, laisse passer du sperme et l'œuf est fécondé : il donnera fowjours naissance à une femelle. Par hasard, lorsque l'œuf n’est pas lécondé au passage, par suite d'inertie du récep= tacle séminal (à la fin de la saison), il évolue en mäle; en effet, si l’on accouple ensemble deux es- pèces d’Abeilles (Apis mellifica et Apis liqustica), Les reines pondent bien des femelles mixtes, tandis que les mâles qu'elles produisent sont toujours sans exception de la race pure de la mère (Dzier- zon). /ci c'est donc bien la fécondation qui détermine le sere de l'animal qui sortira de l'œuf. On à remarqué depuis longtemps que les alvéo- les d'un nid ne sont pas toutes semblables : chez les Guêpes,par exemple.les gäteaux inférieurs sont formés de grands alvéoles, tandis que les gâteaux supérieurs, généralement plus nombreux,n'en ren- ferment que de pelits. Or, des grands alvéoles il ne sort jamais que des reines, tandis que des autres il sort indifféremment des ouvrières ou des mäles. Fig. 5. — fragment de rayon d'Apis mellifica. — À droite de la figure, alvéoles de mâles; à gauche, point d'attache du rayon et alvéoles d'ouvrières. Il en est à peu près de même chez les Abeilles (fig. et 6):il y a trois sortes d’alvéoles : lesunes, plus petites, recoivent les ouvrières; d’autres, peu nombreuses, très grandes, en forme de cupules, abriteront des larves de reines, et enfin de grandes alvéoles plus profondes el plus larges que celles des ouvrières, sont destinées aux mâles. Dans ces dernières, l'Abeïlle ne pond absolument que des œufs non fécondés. Enfin, chez l'Osmia, la répartition des sexes dans le nid est au moins aussi curieuse : cet Hyménop- tère pond soit dans des roseaux creux, soit dans les loges abandonnées d'un autre Hyménoptère (Anthophore); or, il dé- pose ses œufs de telle fa- con que ceux des femel- les sont toujours dans une loge spacieuse, avec une abondante nourri- ture, tandis que ceux des mäles sont dans une loge plus étroite et moins bien approvisionnée. Quand l'Osmie pond dans une loge d’Anthophore (fig. 7), le contraste est saisissant (E. Nicolas): cette loge pyriforme est trop large pour deux œufs mâles, mais trop pelile pour deux œufs femelles : aussi l'Osmiepond-elleun œuf femelle dans la région ven- true, puis par une cloison isole la région rétrécie où Fig. 6. — Alvéoles de reines (Apis mellifica). L. CUÉNOT — LA DÉTERMINATION DU SEXE 479 elle pondra un œuf mâle; si l’on retourne laloge en ayant soin de faire un orifice ausommet, la dispo- sition des œufs sera encore la même, mais l'œuf mâle sera pondu cette fois le premier. Si l'on change les œufs de place, le sexe reste tel qu'il était prévu mais la femelle mal nourrie est chétive, tandis que ie mâle acquiert un volume anormal; la nourrilure n'est donc pour rien dans la détermi- nation du sexe. Il semble ressortir de cesexemples que l'Hymé- noptère détermine volontairement le sexe d'un œuf donné, en le fécondant où non; mais il est pro- bable que c'est un simple réflexe. Lorsque la mère se trouve en présence des cellules spéciali- sées pour les femelles (les grandes loges pour les Guêpes et l'Osmie), la contraction du ré- ceptacle séminal au moment du passage de l'œuf doit se pro- duire avec une éner- gie particulière , et l'œuf est sûrement fé- condé et femelle; en face des autres cel- lules , le réflexe peut ne pas du tout se pro- duire (Osmie, Abeille. unes en semis lâche, les autres en semis serré, ce quirevient à donner aux premières une nourri- ture plus abondante qu'aux secondes. Or, dans le semis serré, il naît deux ou trois fois plusde fleurs mâles que dans le semis läche. Meehan fait remarquer que de vieilles branches de Conifères, surmontées et ombragéespar de plus jeunes, ne portent que des inflorescences mâles. D'après plusieurs botanistes, cités par Heyer, les prothalles de Fougères qui ont poussé dans de mauvaises conditions ne produisent que des an- théridies (organes màles) et pas d'archégones (or- ganes femelles).li semble donc résulter de ces obser- valions que, chez les plantes, une nutrition défavorable favorise la production des mâles. (e 2. (us des Insectes. — D’après Mary Treat et Gentry, des Chenilles mal nourries ou mises à la diète avant de chry- salider , donnent des papillons mâles, tandis que des Chenilles de la même ponte,abondam- ment nourries, don- nent des femelles. 0 : Fig. 1. — Loges d'Anthophores occupées par les Osmies, montrant c , | - et alors l'œuf est ré- les places occupées par les œufs mâle el femelle. — : position 3. Cas des Batraviens. gulièrement non fé- naturelle, le goulot en haut; 2, position renversée, le goulot -_ C’est surtout sur les en bas. — A, cloison intérieure séparant les deux loges ; B, ou- condé ou mäle: ou le réflexe a lieu d'une façon irrégulière (Gué- pes), et alors les œufs donnent sans aucun ordre des ouvrières ou des mâles. près E. Nicolas. III. — Cas OÙ LE SEXE SE DÉTERMINE APRÈS LA FÉCONDATION. Généralement le sexe ne se détermine que long- temps après la fécondation : l'embryon ou la larve est réellement neutre, puis le sexe se décide dans un sens ou dans l’autre, entrainant le développe- ment des organes annexes et des caractères sexuels secondaires. L'état d’indifférence dure plus ou moins longtemps suivant lesespèces : chez les Grenouilles, le sexe se décide durant la phase lètard, qui commence 10 ou 15 joursaprès la fécon- dation; chez l'Homme, on cémmence à recon- naitre le sexe par l'examen histologique de la glande génitale, chez des embryons de 12 à 13 mil- Emètres, âgés d'environ cinq semaines (Nagel). 1 . Cas des Plantes. — Hoffmann cultive des plantes dioïques (Mercurialis, Lychnis, Rumex, Spinucia), les verture normale de la loge d’Anthophore: C, ouverture prati- quée dans la calotte pour permettre la ponte de l'Osmie. D'a- Grenouilles que l’on possède des documents démonstiratifs. Born a opéré sur des œufs de Rana fusca, fécondés arti- ficiellement, qu'il a placés dans un certain nombre d'aquariums : dans les premiers, les têtards étaient nourris d'herbes ; dans les deuxièmes, de viande lètards hachés el fragments de Gre- nouille ; dans les troisièmes, d'herbes et de viande ; enfin, un aquarium fut garni d'un fond de limon comme à l'état naturel. Dans l'ensemble des aqua- riums, les tétards métamorphosés fournirent une proportion extraodinaire de femelles, 95 contre 5 mâles; dans quelques-uns même, il y avait 100 °/, de femelles; le vase à limon seul avait un peu plus de mâles, 28 %. Comme dans la nature, le nombre de mäles et de femelles est à peu près le même, il est évident que la nourriture avait considérable- ment influé sur la production des sexes. Yung, opérant sur le Rana esculenta, a obtenu des résultats analogues, mais il a mieux précisé que Born les conditions de l'expérience. À l'état nor- mal, il ya chez cette espèce environ 57 */, de fe- melles. Yung a nourri un premier lot de tétards 480 avec de la viande de bœuf, un deuxième avec du poisson, un troisième avec de la chair de Gre- nouille. 11 a obtenu 78 °/, de femelles dans le pre- mier cas, 81 ‘/, dans le deuxième, et 92 °/; dans le troisième. La nourriture animale, bien plus fa- vorable au développement que la nourriture végé- tale, favorise done considérablement la produc- lion du sexe femelle. Certes, toutes ces expériences ne sont pas dé- monstralives au même degré, mais il est très cu- rieux de conslater leur concordance : ilsemble que ce soit toujours une influence nutritive qui décide du sexe. Si l'embryon, avant l'époque de la déter- mination, est abondamment nourri, il y a foutes chances pour qu'il devienne une femelle ; s’il est mal nourri, toules chances pour qu'il devienne un mäle. Il est tout à fait impossible de comprendre comment peut agir cettesurabondance de la nutri- lion, car il ne faut certes pas une quantité diffé- rente de malière pour bâtir un mâle ou une fe- melle,et,au début, il n’y a absolument aucune dif- férence de grosseur entre un ovaire et un testicule. Néanmoins il semble que cette surabondance ait un effet capital. IV. — DÉTERMINATION DU SEXE CHEZ LES MAMMIFÈRES ET EN PARTICULIER CHEZ L'HOMME. Au sujet des Mammifères, les théories ont eu le champ libre, en l'absence presque complète de do- cuments expérimentaux; mais, malgré le grand nombre de ces théories (plus de 500, parait-il}, il y à bien peu à garder dans tout ce fatras d'hypo- thèses. Quelques faits semblent certains : 1° la glande génitale ne se différencie hislologiquement en ovaire ou testicule que longtemps après la fécon- dation, et il est permis de croire que la détermi- nation du sexe coïncide avec cette différenciation ou ne la précède que de très peu ; ? il y a des mères, peu nombreuses d’ailleurs, qui ne donnent naissance qu'à des rejetons d'un même sexe, et cette particularité est souvent héréditaire ;3° dans des conditions moyennes, le nombre relatif des deux sexes esl toujours à peu près le même : 106 garçons pour 100 filles, 100 étalons pour 99,7 juments, etc. Celte constance peut s'expliquer de deux facons : ou bien la production des sexes esl soumise à une aulo-régulalion dont. nous ignorons le processus (Düsing), ou bien les conditions dé- terminantes sont telles qu'il y a autant de chances pour la production de l’un el l’autre sexe. Je pré- fère de beaucoup cette seconde hypothèse, qui explique mieux les oscillations incessantes autour de la moyenne. La plupart des lhéories se sont établies sur une base statistique: mais, du sac de la statistique L. CUÉNOT — LA DÉTERMINATION DU SEXE on tire à peu près toutes les moutures, quand on cherche bien, et les lableaux les plus démonstra- tifs n'ont pas lardé à être démolis par d'autres tableaux non moins démonsiratifs. C’est ce qui est arrivé à Hofacker et à Sadler, suivis par Gühlert, Legoyt, Boulanger, Noirot, Breslau : ils avaient conclu que l’épouxle plus âgé a le plus de chances de transmettre son sexe au produit. L'observation la plus vulgaire, ainsi que les statistiques de: Stie- da et de Berner, mettent à néant celte assertion. Une théorie très répandue, bien que très vague, est celle de la « vigueur comparative ». Pour les uns (Girou, etc.), c’est le parent le plus vigoureux qui donne son sexe au produil ; pour les autres (Janke, Slarkweather), c'est juste le contraire, le parent supérieur produit le sexe opposé au sien. Cette contradiction juge la théorie ; d’ailleurs, comment expliquer que chez un Mammifère à por- tées de nombreux pelits, ceux-ci sont presque toujours de sexe différent ? Et puis, qu'est-ce que cela veut dire, la vigueur comparative? Quelle mesure prendra-t-on pour l'apprécier ? En somme, je ne vois guère que deux théories à retenir : celle de l’âge relatif des produits sexuels, el celle de l'influence de la nutrition; elles se sé- parent sur une question malheureusement impos- sible à trancher : la première suppose que c'est au moment même de la fécondation que le sexe se détermine, landis que la seconde admet que l’em- bryon est réellement neutre, indifférent, pendant un lemps plus ou moinslong de sa vieintra-utérine. 1. Théorie de l'âge relatif. — La théorie de l’àge relatif, proposée surtout par Huber, Thury el Düsing, compte un grand nombre de partisans : pour eux, l’élément sexuel le plus jeune et le plus vigoureux (jeune et vigoureux dans un sens pure- ment cellulaire) aura une influence prédominante sur l’autre et modifiera le produit dans son propre sens : par exemple, un œuf récemment détaché de l'ovaire tend à produire une femelle, tandis qu'un œuf qui altend la fécondation depuis longtemps tend à donner un mäle. Il en résulte qu'on pourrait prévoir el même déterminer le sexe du produit, en combinant avec soin la date du rapprochement et celle des règles : supposons, par exemple, que l'œuf se détache un jour avant le début de la pé- riode menstruelle; si l’'accouplement a eu lieu un peu avant cette date, ce seront des spermatozoïdes qui attendent déjà depuis quelque temps dans l'utérus, c'est-à-dire des cellules vieillies, qui fé- conderont un œuf jeune, et il y aura sûrement pour cette double raison production d'une femelle; au contraire, si le rapprochement a lieu vers la fin de la période menstruelle, ce sera un œuf qui attend la fécondation depuis quelques jours qui sera fé- L. CUËÉNOT — LA DÉTERMINATION DU SEXE A81 maté sai is ee OC TT ch TR condé par des spermatozoïdes frais, et il y aura production d’un mäle. Thury, Cornaz el Knight se sont même vantés de déterminer le sexe du bétail d’après ce principe : au début du rut, période cor- respondant aux règles, les mères fécondées don- neraient des femelles; à la fin, les mâles seraient en majorité. Par contre, Fürtz, armé d’une stalis- tique de 193 cas où il a noté la date des dernières règles et celle de la conception (?), prétend que c'est exactement le contraire qui se passe : jus- qu'au quatrième jour après les règles, les chances sont pour un garçon; à parlir de ce temps, pour une fille; d'ailleurs, ce n’est pas absolument con- tradictoire avec la théorie émise plus haut; la date des règles n'a pas une imporlance capitale, c'est celle de la chute de l’œuf qu'il faudrait connaitre; malheureusement on ne sait pas d'une façon exacte si l'œuf se détache bien avant les règles ou pen- dant cetle période même. Il est très difficile de réfuter cette théorie, qui est admise par beaucoup de médecins; elle offre l'énorme avantage — apparent -— d'expliquer l'au- Lo-régulalion des sexes Düsing); s’il y a beaucoup trop de mâles, il estévident queles femelles seront toujours fécondées au début du rut, et auront len- dance à produire des femelles, ce qui rétablira l'équilibre. Mais cet avantage n’est qu'apparent, car celle aulo-régulalion est absolument inappli- cable à l'homme, chez lequel cependant il y a éga- lité des deux sexes au point de vue numérique. Cette théorie n'explique pas le cas de la jument arabe dont parle Darwin, qui, couverte sept fois par des étalons différents, ne donna que des femelles; ni celui des femmes mariées plusieurs fois, qui n’ont que des enfants d’un même sexe; il est invraisemblable que les œufs aient toujours été fécondés au mème degré de maturité. Enfin un point faible de cette théorie, c’est d'admettre que la détermination du sexe a lieu au moment de la fécondation, ce qui est en désaccord avec les résul- tats expérimentaux fournis par les Plantes, les In- sectes, les Batraciens. 2. — Théorie de l'influence de lu nutrition. — Ploss, Düsing, Wilkins, Geddes et Vhomson, Orchansky, ele., étendant à l’homme les résultats fournis par les autres êtres vivants, croient que c'est la nutri- tion surabondante, pendantles premières semaines du développement, qui détermine le sexe femelle, une nutrition un peu défectueuse qui détermine le sexe mäle. De nombreuses observalions viennent à l'appui de celte hypothèse : Düsing fait remar- quer que les femmes qui ont de petits placentas ou une faible menstrualion (c'est-à-dire qui doivent mal nourrir les embryons), donnent naissance à plus de garçons; ce sont d'ordinaire les brebisles REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. plus grosses qui portent les agneaux femelles. Girou divisa en deux moitiés un troupeau de 300 brebis : les brebis de l’une, très bien nourries, furentsaillies par deux jeunes béliers et donnèrent 61°/, de femelles : les brebis de l’autre moilié, maigrement nourries, furent saillies par deux vieux béliers et donnèrent 40 ‘/, de femelles; il est vrai que celte expérience présente une combi- naison de plusieurs facteurs, mais elle n’en est pas moins démonstralive. Il est positif que, dans les familles riches et de santé moyenne, il y a plus de filles, tandis que les garcons sont plus nombreux dans la classe pauvre, se livrant à des travaux manuels. Quant aux mères qui n’ont que des reje- tons d’un seul sexe, cela peut s'expliquer assez facilement par une disposition constitutionnelle de l'utérus, telle que la nutrition de l'embryon se fasse toujours de la même manière, défectueuse ou favorable, ce qui entrainerait toujours la même détermination sexuelle. Cependant il y a un gros argument à opposer à cette théorie : il est certes impossible d'imaginer des mères en état de nutrition plus défavorable que les anémiques et les phlisiques ; et cependant elles donnent naissance aussi bien à des filles qu'à des garcons, bien qu'à la vérité il y ait prédomi- nance de ces derniers, parail-il; on pourrait ob- Jecter qu’elles peuvent avoir de gros placentas qui nourrissent surabondamment le fœtus dans les premiers temps, et que rien ne prouve que le sang d'une anémique ou d'une phlisique ne soit pas aussi nutritif pour un embryon que celui d'une femme saine. £ En somme, la théorie de la nutrilion détermi- nante n'est pas encore prouvée, mais elle me semble avoir plus de chance que la précédente. Pourrons-nous tirer quelques conclusions pra- tiques? L'homme peut-il avoir quelque espoir de déterminer à volonté le sexe de ses enfants? Je n'ose me prononcer. Avant tout, il faudrait savoir à quoi s'en tenir sur le déterminisme, et nous n’en sommes pas là; nous ne le saurons qu'en faisant des expériences nombreuses sur les Mammifères. Sila théorie de l’âge relatif des cellules sexuelles est la bonne, il ne serait pas impossible de faire de la détermination volontaire, en combinant la date du rapprochement et celle des règles, comme il a été ditplus haut, avee cette restriction qu'il n'est pastres sûr que la chute de l'œuf coïncide avec le début des règles; sil’onadmet le rôle déterminant de la nutrition, il sera beaucoup plus difficile de mettrel'embryon dans un état favorable ou défavo- rable; le fait que des mères anémiques ou phti- siques donnentnaissance aussi bien à des filles qu'à desgarçons me semble de nature à inspirer un pro- 10° "4: A82 M. FONTOYNONT — DES INJECTIONS DE SÉRUM ARTIFICIEL —————————————————————————…—………—_…_……_….—.…—…—…—….…—…—.…—…—….…—………——…——………—…—………—……………….……………………………—……—….—…."…—……—…._….……………………………………………—…………“s fond scepticisme au sujet des tentatives de déter - mination volontaire basées sur la théorie nutri- tive. Toutefois, il ne faudrait pas considérer la chose comme impossible ; qui sait siune substance comme la lécithine, par exemple, qui a uneaction si eurieusesur la croissance et la multiplication des cellules !, ne pourrait pas agir sur la délermina- tion du sexe ? Le problème est loin d'être résolu, mais c’est déjà beaucoup que d’avoir pu le formu- ler nettement. L. Cuénot, Chargé de cours à la Faculté des Sciences de Nancy. 616 DES INJECTIONS DE Des discussions récentes dans les diverses sociétés savantes, en particulier à la Société de Chirurgie de Paris, ont remis à l'ordre du jour le rôle du sérum artificiel, rôle qui semble appelé à devenir considérable, tout au moins dans des cas bien précis, tels que les grandes hémorragies el les infections. L'idée en est ancienne, el par ce fait même que de tout temps on a regardé le sang comme un principe noble, essentiellement vital, on a toujours songé à s'adresser directement à lui pour répandre dans l'organisme des principes fortifiants ou médi- camenteux, et déjà Ovide dans ses Tristes raconte comment Médée, la célèbre magicienne, à la prière de son amant Jason, rend la santé au vieux Eson en lui faisant une saignée de la veine jugu- laire et en lui injectant un bouillon composé d'huiles aromatiques ; mais c'est depuis peu seule- ment que l'étude vraiment scientifique et avant tout physiologique d'actions de cette sorte a été faite. L'idée première consisla à transfuser directe- ment du sang. On essaya le sang d'animal; mais les essais en parurent dangereux, et M. leP* Hayem en montra tous les dangers. Rapidement celle idée fut abandonnée; on pensa dès lors à trans- fuser directement le sang humain. Les résultats en furent souvent excellents, et surtout dans les cas où il était nécessaire de remédier immédiate- ment à une perte de sang considérable, comme dans les grandes hémorragies. Le manuel opéra- Loire toutefoisélail assez délicat, le sujet quelque- fois difficile à trouver alors qu'il pouvait être utile et même nécessaire d’agir très rapidement. Pourquoi dès lors ne pas chercher un composé ana- logue au sang qui, répandu dans l'organisme, le remplacerait momentanément? De celte idée découla une série d'expériences qui, d’abord faites sur les animaux, permirent de penser que l'on avait entre les mains un puissant moyen de thé- rapeutique. Il s'agissait de trouver un succédané du sérum sanguin, un diluant des globules. En effet, des recherches de Goltz et de Schwartz avaient déjà SÉRUM ARTIFICIEL montré que, dans la majorité des faits cliniques, le nombre des hématies contenues dans le système cardio-vasculaire était suflisant à entretenir la vie si la masse du sang était assez considérable pour entretenir la tension intra-vasculaire néces- saire à la circulation. Que la quantité de sang demeurée dans les vaisseaux soit insuffisante, il y a stagnation du sang, contraction des vaisseaux à vide, circulation définitivement interrompue, hématies ne s’oxygénant plus, alors que cependant ellesse trouveraientencoreen nombre bien suflisant pour subvenir à l’oxygénalion des Lissus. Que faire dès lors? Diluer ce plasma, injecter un sérum artificiel se rapprochant autant que possible du sérum normal. M. le P' Mayet, de Lyon, dans un remarquable mémoire paru en 1891, a étudié successivement le rôle des diversselsinjectés dans les veines après dissolution dans l’eau stérilisée. Il montra tout d’abord que l'eau pure n'amène quelquefois aucun accident, mais quelquefois aussi présente de grands dangers, tels que : altération des glo- bules, imbibilion de tous les tissus et par suite modificalion de leur résislance, action qui se produit surtout et en premier lieu sur les capil- laires. Il en est tout autrement des solutions des selsalcalins : car les albuminoïdes, — en particulier la sérine, — ne conservent leurs propriétés chi- miques uliles àla vie qu'unis à ces sels. Ceux-ci sonl conservateurs et en quelque sorte gardiens de la forme et des propriétés des globules sanguins. De tous ces sels le chlorure de sodium est de beaucoup le plus conservateur ; et cela surtout dans les pro- portions de 0,50 à 0,60°/,. La véritable solution au titre dit physiologique, c'est-à-dire le vrai sérum artificiel, sera donc la solution suivante : Chlorure de sodium....... 6 grammes. Hauistériisée eee 1000 — Comment toutefois la faire pénétrer dans la civeulation générale? Deux voies sont possibles qui 1 B. Danizewsky : Sur l'influence de la lécithine sur la croissance et la multiplication des cellules. Comples rendus Acad. Sc. Paris, 30 décembre 1895. M. FONTOYNONT — DES INJECTIONS DE SERUM ARTIFICIEL toutes deux donnent d'excellents résultats, mais peuvert rencontrer des indications différentes : la voie sous-cutanée et la voie intra-veineuse. Par la voie sous-cutanée il s'agit de profiter de l’absorp- tion fort rapide du tissu cellulaire et donner ainsi une sorte de réserve liquide à l'organisme. Le tissu cellulaire, en effet, vient, comme vitesse d'absorption après la muqueuse respiratoire. Par la voie intra-veineuse on lance immédiatement dans la cireulalion une quantité d’eau salée qui peut être beaucoup plus considérable et qui dilue immédiatement le plasma. Dans le premier cas on injecte des doses relativement faibles, 400 à 500 grammes au plus; dans le second cas on peut injecter des doses considérables deux, trois, quatre litres et même plus en 24 heures. D'ailleurs, Schwartz! en 1881 fit une série d’ex- périences quitoutes tendaient à démontrer l'inno- cuité d’une part, les bons résultats, de l’autre, du sérum arlificiel. Il employa la solution dite phy- siologique, à la température de 38 à 40°, propor- tionnelle à la masse sanguine avec ou sans sai- gnée préalable. La masse du sang élait calculée à raison de _ du poids du corps pour les lapins et à = pour les chiens ;le tout exprimé en centimètres cubes et au poids spécifique de 1,055. L'eau, stérilisée avant chaque opération, était fil- trée soigneusement et injectée au moyen d'une seringue dans la jugulaire, la carotide ou l'artère fémorale en direction centripète. Ainsi se trou- vaient expérimentéesles diverses possibilités d’in- jections soit intra-veineuses, soit intra-arté- rielles. Schwartz put ainsi démontrer : 4° Qu'une injection, faite en trois ou quatre minutes, de sérum en quantité égale à la moitié de la masse sanguine, sans saignée préalable, est sans aucun inconvénient pour l'organisme ; 20 Que l’injection est très efficace, puisque son action est immédiate ; 3° Qu'elle est en état de relever la pression intravasculaire abaissée par une perte de sang subite et abondante, celte perte fût-elle même imporlante, au point d'atteindre la moitié ou les trois quarts du volume total de la masse sanguine; qu'elle rend, par conséquent, sensible le pouls disparu des grandes artères et qu'elle peut faire cesser provisoirement et même définitivement les symptômes de l’anémie aiguë; 4° Enfin, qu’un lapin peul vivre avec un tiers seulement de son sang, pourvu qu'on injecte une quantité de. liquide proportionnelle, ou que la masse nouvelle soit égale aux 5 au moins de la quantité normale. 1 Scawarrz : Th. d’agrégation à la Faculté de Halle, juil- et 1881. 153 En 1888, MM. Dastre et Loye ! reprirent la ques- tion et prouvèrent expérimentalement que les quantités injectables sont considérables et qu'elles dépendent essentiellement de l'élimination. Ils arrivèrent ainsi aux conclusions suivantes, que nous leur empruntons : 1° On peut faire pénétrer successivement, dans les veines d’un animal, des quantités considérables de la solution physiologique salée sans provoquer aucun trouble apparent immédiat ou consécutif. On peut dépasser les ? du poids de l’animal. 2° L'expression de dose toxique n'a pas de sens en ce qui concerne la solution salée. Il y a seulement une vilesse toxique, Vitesse qui est supérieure à 3, c’est-à-dire que la quantité de solution introduite ne doit pas dépasser 3 centimètres cubes par mi- nute et par kilo d'animal. 3° L'’innocuité de l'injection exige des conditions extrinsèques, telles que vitesse modérée et quan- tité moyenne, et des conditions intrinsèques, qui sont le bon état des organes, spécialement du rein. 4° Si ces conditions ne sont point remplies, l’ani- mal succombe plus ou moins vite. »° L'élimination urinaire est parallèle à l’intro- duction du liquide; à partir d'un certain moment, la quantité qui pénètre est équilibrée par la quan - tité qui sort. 6° Il existe un mécanisme régulateur de la quan- tité d’eau de l'organisme qui entre en jeu lorsque la quantité d'eau salée injeclée est égale à la quan- tité du sang avant l'expérience et qui permet de rejeter immédiatement le surplus. 1° La quantité de l’eau de l'organisme est égale au poids de l'animal et parait se partager en deux portions. Une portion, qui équivaut à environ 25 °/, du poids, reste dans l’appareil circulatoire pendant tout le temps de l'expérience et ne s’élimine défi- nilivement que plus tard. Une seconde portion. égale à environ 75 °/, du poids, se dépose momen- tanément dans les séreuses et les tissus, mais pour s’en échapper plus tard. 8° Lorsque l'animal est revenu à la condition normale, l'injection d'eau salée physiologique n'a produit autre chose qu'un lavage proprement dit du sang et des tissus. Il y a, dès lors, ce que M. Delbet a appelé, depuis, l'hématocatharsie, amenant la possibilité d’une élimination rapide des toxines par les reins, d’une part, l'intestin et la peau, de l’autre. En effet, dans tous les cas où le traitement a pu ètre expérimenté, on a noté trois phénomènes consécutifs frappants : des frissons, une sensation de bien-être et un abaissement de la température. 1 Dasrre et Loxe : Travail du Laboratoire de Physiologie de la Sorbonne, publié dans les Archives de Physiologie nor- male el pathologique, 1888, p. 93. 484 M. FONTOYNONT — DES INJECTIONS DE SÉRUM ARTIFICIEL Le frisson se produit de 15 minules à deux heures après l'injection. La sensation de bien-être, comme la chute de la température, se produisent beaucoup plus rapidement. Les injections intraveineuses de sérum jouissent donc de propriétés anlitoxiques d'une part, anti- thermiques de l'aulre. Et, de plus, les quantités, injectables sans danger, sont considérables, puis- que M. Lejars a pu en injecter, en plusieurs fois pendant cinq jours à un malade, la quantité énorme de 26 litres, et qu'il a réussi ainsi à sauver un jeune malade atteint de rupture intestinale par contusion de l'abdomen et véritablement mourant. Étant donnée l'innocuité du sérum artificiel prouvée expérimentalement, son emploi peut être préconisé dans toutes les infections, dans les anémies aiguës post-opératoires, dans les accidents chloroformiques, dans les intoxications diverses, dans l’asphyxie par immersion, dans l'éclampsie puerpérale. Si l’on veut agir rapidement et à doses massives, si l’on veut faire un véritable lavage du sang, on procédera par injections intra-veineuses. Si l’on veutagir plus lentement, donner en quelque sorte un soutien à l'organisme, on procédera par injec- tion dans le tissu cellulaire sous-cutané. Le manuel opératoire dans les deux cas est ex- trêèmement simple: Pour faire une injection dans le lissu cellulaire sous-cutané, il suflit d’avoir une seringue quel- conque préalablement stérilisée et munie d'une aiguille bien effilée. On fait pénétrer l'aiguille à la base d’un pli cutané en la dirigeant le plus loin possible du derme, là où le tissu cellulaire est le plus lâche, de manière à permettre le maximum de distension du tissu. L’injection est faite assez len- tement. Quant à l'endroit choisi, 1l importe relati- vement peu. Cependant les points qui tolèrent le mieux les injections sont les fesses el le sillon placé derrière le grand trochanter. Les points qui absorbent le plus vite sont les tempes, les joues, l'épigastre et la partie antérieure du thorax. Ceux qui absorbent le moins sont la jambe, le pied et le dos. On choisira généralement soit la fesse, soit l’épigastre. Pour faire une injection intra-veineuse, le ma- nuel opératoire est presque aussi simple. On choi- sit une veine suffisamment volumineuse et acces- sible. Les veines du pli du coude ou la saphène interne au niveau de la malléole remplissent ioutes les conditions voulues. On fait une légère incision qui mel la veine à nu, puis on y introduit un petit trocart fixé à un tube de caoutchouc bouilli, lui-même surmonté d’un simple entonnoir de verre facilementstérilisable. Il suffit de monter l’entonnoir à une hauteur variable pour augmenter la pression etrégulariser le débit de sérum dans la veine. L’écoulement s'arrêteet se règle à volonté en pinçart plus ou moins fortement avec la main le tube de caoutchouc. Une hauteur de 1 m. 50 à 2 mètres est également suffisante, et la moindre sensation de douleur, une gène de la res- piration ou bien encore une modification notable de la circulation transmise par le pouls doivent aider à régler la vitesse du sérum, dont le débit peut être, au besoin, momentanément suspendu. La seule précaulion absolument importante à prendre est d’empêcher/l’air d'entrer dans la veine: pour cela, il suflit de laisser s’écouler quelques gouttes de liquide de trocart avant de l’introduire au commencement de l’opéralion, et vers la fin surveiller attentivement le liquide pour cesser l'injection avant que le sérum soit complètement épuisé. En résumé, la solution de chlorure de sodium dans l’eau stérilisée peul être introduite impuné- ment dans l’organisme. Elle rend de grands ser- vices toutes les fois que la pression intra-vasculaire doit être augmentée ou que l'élimination des to- xines doit être favorisée. Deux voies d'introduction sont facilement praticables : la voie sous-cutanée et la voie intra-veineuse. L’une et l’autre de ces voies sont d'un maniement facile. Il suffit d'être d’une propreté rigoureuse el de n'introduire dans l'organisme aucun germe seplique. Ce moyen de thérapeutique semble être appelé à donner de grands résullats, d’aulant meilleurs que l’on peut avoir facilement sous la main tout ce qui est né- cessaire, voire même dans les campagnes les plus éloignées. Une récipient en verre muni d’une ou- verture et préalablement flambé à l'alcool, ainsi qu'un tube de caoutchouc bouilli pendant quelques instants et muni d’une aiguille-trocart quelconque, mais avant tout bien flambé, suflisent largement. Quant à la solution ? De l’eau bouillie pendant un quart d'heure et additionnée de sel de cuisine dans une proportion approximative de 6 à 7 °},, suffit pour intervenir. N'y a-t-il pas là vraiment un mode de traitement facile et pratique, à la portée de tous? Maurice Fontoynont, Interne des hôpitaux. L . J. JANSSEN — REVUE ANNUELLE D’'ASTRONOMIE 520 La science astronomique embrasse aujourd’hui des branches si nombreuses et si diverses, les méthodes nouvellement découvertes sont encore si neuves el si fécondes, les instruments que nos artistes meltent à notre disposilion sont à la fois si parfaits el si puissants, que rien ne limite l'étendue et la fécondité des champs ouverts à l'ac- livilé de ceux qui veulent travailler à celte grande œuvre de la connaissance de l'Univers. Tous trouvent devant eux des voies nouvelles et fécondes ; tous peuvent rapporter une belle mois- son. C'est là ce qui a élé universellement compris. Aussi, le nombre des branches de l’Astronomie cultivées avec ardeur el succès est-il aujourd'hui si considérable que les travaux et les progrès réalisés dans une année de notre époque, repré- sentent peut-être ceux d’un siècle entier des Lemps anciens, et qu’il serait matériellement im- possible d’en donner une analyse, même succincte, dans le cadre étroit d'un article. Bornons-nous donc à esquisser la physionomie générale de ces récents travaux si fertiles en résultats, et qui ont fait avancer la science d’un pas si rapide et si sûr. I. — ASTRONOMIE MATHÉMATIQUE. C'est d’abord l’Astronomie mathématique. Cette belle branche trouve dans la précision des obser- valions actuelles des moyens de perfectionner ses hautes théories. Tandis que Le Verrier a trouvé un successeur, en Amérique, dans l’éminent M. Newcomb, M. Tisserand chez nous s'efforce de continuer Laplace, et il est dignement suivi dans cette voie par M. Callandreau. M. Tisserand vient de terminer son grand traité de Mécanique céleste. M. Newcomb nous donne les tables du Soleil, de Mercure et de Vénus. M. Hill, qui partage avec lui ce grand labeur, publie les tables de Jupiter et de Saturne. Déjà, nous avions, de M. Newcomb, un ouvrage de haut prix: Les éléments des quatre planètes intérieures et les constantes fondamentales de l'Astronomie, ouvrage qui résume les travaux de l'auteur pendantles dix-huit dernières années. Ces importants travaux de M. Newcomb complètent et élendent l’œuvre de Le Verrier, en la confirmant dans ses grandes lignes. Il est remarquahle que la difficulté qui avait arrèlé Le Verrier à l'égard du périhélie de Mereure et qui le conduisit à admettre l'existence de planètes intra-mercurielles, ainsi qu'il m'en a souvent entretenu, s’esl rencontrée encore sous la plume de M. Newcomb. Pour lever cette difficulté si persistante, le Professeur Hall propose de toucher très légèrement à la loi newto- REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE nienne, en augmentant l’exposant 2 {exprimant le carré de la distance) de 1612 dix-billionièmes d'unité. Nous pensons que c’est une chose bien grave que de toucher à la loi de Newton, et surtout il ne nous parait pas qu'on puisse le faire en s'appuyant sur les mouvements d'une planète circulant aussi près du Soleil. En effet, les régions circumsolaires noussontencore presque inconnues. Sansadmeltre l'existence des planètes intra-mercurielles, que les observations de l’éclipse totale de 1883, à Caroline, el celles des éclipses subséquentes ne semblent pas confirmer, il parait très probable qu'il existe dans ces régions de la malière sous une forme et dans une dépendance du Soleil qui nous sont in- connues. Nous pensons donc que c'est par des études rentrant dans le cadre de l’Astronomie phy- sique et en profitant surtout des circonstances fa- vorables que nous offrent les éclipses totales, qu'on trouvera le nœud de la difficulté et qu’on acquerra une connaissance plus exacte de la conslilulion physique de ces régions circumsolaires. Si les grandes planètes de notre système solaire offrent loujours à la Mécanique céleste un beau sujet d’études, les petites planètes, dont le nombre augmente si rapidement (nous en connaissions près de 400 à la fin de 1894, et le nombre s’est accru d’une douzaine celte année), fournissent aussi une ample malière aux travaux des ealcula- teurs pour la détermination des éléments de leurs orbiles, c'est-à-dire pour faire leur état civil, sui- vant une expression pittoresque de Le Verrier. Ces travaux sont, du reste, indispensables si l’on veut mettre de l'ordre et obtenir des identifications sûres parmi tant d’aslres si voisins. On ne saurail donc trop encourager ceux de nos collègues qui sont en état d'aborder ces calculs, à les entrepren- dre. Notre Académie des Sciences,qui a déjà récom- pensé parmi nos nalionaux M. Coniel, calculateur au Bureau des Longiludes, pour des travaux £e ce genre, sera toujours heureuse d'étendre à cet égard ses récompenses el ses encouragements. Du reste, ces travaux peuvent révéler des cir- constances imprévues dignes d’aitirer l'attention des Géomètres, ainsi que cela s’est produit récem- ment entre les mains de MM. Gilden, Tisserand et Callandreau. On s’est demandé si, en raison mème de la mé- thode actuellement suivie pour la découverte de ces astéroïdes, c’est-à-dire de la méthode photo- graphique employée avec tant de succès par MM. Wolf et Charlois; on s’est demandé, dis-je, Si 480 J. JANSSEN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE la récolte ne serait pas bientôt épuisée. Sans doute l'appareil photographique donne sur la plaque tout ce qui, dans son champ, peut être atleint par son pouvoir photographique; mais, sil'on augmente cetle puissance, dans laquelle nous comprenons le pouvoir optique, le temps de pose, la sensibililé de la plaque, etc., on pourra atteindre une nou- velle classe d'astres plus petits ou moins lumineux. Mais, pour continuer avec succès dans cette voie, on sera bientôt conduit à l'emploi des stalions élevées, car l'atmosphère est le grand obstacle en photographie. Ces travaux permettront d'élucider une impor- tante question, à savoir si cet anneau de petites planèles comprend des corps descendant jusqu'aux plus petites dimensions, ou bien si ces dimensions s'arrêtent à une limite déterminée. Il faudra encore se demander si ces planètes minuscules possèdent des atmosphères, et quelle est la nature des gaz qui pourraient les entourer. Voilà done, de ce côté encore, bien des travaux en perspective et d'intéressants résultats à obtenir. Il. — ASTRONOMIE SOLAIRE, LUNAIRE, PLANÉTAIRE ET STELLAIRE. La photographie des petites planètes, qui est une branche de la Photographie céleste, nous con- duit naturellement à celle du Soleil, de la Lune, des éloiles. Celle du Soleil a fait à Meudon under- nier progrès. Les photographies solaires obtenues dans les conditions les plus favorables, montrent que les facules et même les stries des pénombres, sont formées par les éléments granulaires comme le reste de la surface solaire. En sorle qu'on peut dire que le grain ou le petit nuage photosphérique est un élément de la phostophère, comme la cel- lule est celui des lissus organisés. Ces éléments granulaires sont fort petits, ils peuvent descendre en diamètre jusqu'à un ou deux dixièmes de se- conde. Il faut, il est vrai, des circonstances atmos- phériques bien exceptionnellement favorables pour obtenir ces révélations sur la constitution de la surface solaire, Le premier volume des Annales de l'Observatoire de Meudon, qui va paraître incessam- ment, contiendra un mémoire sur ce sujet. L'activité solaire —sil'onadmetpoursa mesure, ce quiest loin d'être irréprochable, le nombre et l'étendue des taches constatées à sa surface, — a continué de décroître, pendant l'année 1895, quoi- que assez faiblement, el cette diminution a été plus marquée pour l'hémisphère sud. Les taches se sont tenues dans les basses latiludes. Dans l’ordre de ces travaux, il convient de citer, avec ceux ac- eomplis en Italie, en Amérique et en Allemagne, ceux de M. Guillaume, de l'Observatoire de Lyon, qui suit avec assiduilé et lalent ces phénomènes. L Les protubérances ont subi également une dimi- nution de leur manifestation, et cette diminution a été plus sensible pour l'hémisphère sud. M. Tac- chini et quelques autres observateurs ont assigné les parallèles de 50 à 55° Nord et Sud comme limite n'ayant pas été dépassée pour ces manifes- tations proltubérantielles. Parmi celles-ci, les protubérances métalliques ont élé relativement nombreuses, suivant les ob- servations de M. Evershed. Enfin M. Hale, qui ap- plique avec tant de talent et de succès, dans son grand spectrographe, le principe du spectroscope à deux fentes, que j'ai proposé en 1869, et que je suis très heureux de voir si bien utilisé, a obtenu de belles photographies de ces phénomènes facu- laires et protubérantiels. Il a pu relever une pro- tubérance dont la hauteur atteignait plus de 10 minutes, c’est-à-dire 1/3 du diamètre solaire, ce qui approche beaucoup du maximum de hau- teur observé jusqu'ici. Ces études sur les taches, et toutes les manifes- tations extérieures de l’aclivité solaire ont une immense imporlance; aussi, ne saurions-nous trop engager les astronomes à les entreprendre et à imiter M. Schmoll, qui a montré une si louable persévérance à cel égard, persévérance qui sera cerlainement récompensée. Je dois citer, comme se rapportant à ce sujet, la publication du dixième volume des Annales de l'Observatoire de Potsdam, qui contient les dernières publications du Professeur Spürer, observations qui embrassent une période de neuf années, 188% à 1893. C'est une précieuse contribution à ces études. La Photographie céleste et l'Analyse spectrale, qui sont aujourd’hui comme les deux bras de l’As- tronomie physique, vont avoir à jouer encore un rôle spécial et important le 9 août prochain. On sait, en effet, qu'une éclipse totale, dont la ligne centrale de totalité part du nord du Japon pour aboutir vers le Cap Nord en passant par la Sibérie, préoccupe actuellement les nations savantes. Le Bureau des Longiludes a demandé au Gouverne- ment de confier à M. Deslandres la mission de représenter la France au Japon, où une impor- tante expédilion anglaise va se rendre. Les succès de M. Deslandres au Sénégal, lestravaux antérieurs accomplis par cet astronome-physicien, ceux de cette année sur la clévéite et sur les anneaux de Saturne, où la conslitution de ces anneaux a été mise en évidence par une observation aussi ingé- nieuse que probante, tous ces travaux, dis-je, nous sontun sûr garant de la réussite de cette impor- tante mission. Accompagnons donc M. Deslandres de nos vœux, et que le Ciel les entende et les exauce. 6 ri J. JANSSEN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 4187 Nous souhaitons également le succès à un voyage d'un ordre tout différent. C’est celui de M. Andrée, quise propose de passer au-dessus du Pôle Nord au wmoyen d’un ballon. Je connais la question des voyages aéronauti- ques, les diflicultés et les dangers qui les entou- rent. Ces dangers seront, dans cetle circonstance, accrus dans une proportion inconnue en raison de l'inhospitalité des régions dans lesquelles le bal- * lon allerrira bien probablement. Mais, en présence de la résolution si ferme et si arrèlée de M.Andrée, je ne puis qu'admirer son courage et celui de ses compagnons el leur souhaiter ardemment le suc- cès. Si le vers du poète : Awdaces fortuna juvat, fut jamais d’une application désirable et souhaitable, c'est bien à l’égard de cette héroïque entreprise. J'avoue, que, témoin depuis si longtemps déjà des tentatives si courageuses, mais toujours si infructueuses, qu'on a faites pour parvenir au Pôle, je m'étais formé une loute autre opinion sur la marche à suivre pour résoudre le problème. Au lieu de vouloir parvenir au but en une ou deux campagnes, j'aurais voulu qu'on alttaquât le pro- blème méthodiquement, en créant successivement des stations d'approche bien reliées entre elles et au point de départ. On fonderait une station en la munissant non seulement de tout ce qui est néces- saire pour y vivre en sécurité, mais encore pour y faire les observations, qui sont, en somme, le prin- cipal but de ces expéditions. Cette station devien- drait bientôt un point de départ pour en créer une nouvelle plus avancée, et l’on réaliserait ainsi peu à peu la conquête sûre et durable de ces régions polaires qui nous appartiendraient depuis long- temps si, au lieu de vouloir les atteindre d’un coup, on en avait fait le siège palient et métho- dique. Je ne puis ici développer plus longuement mes idées à cet égard; j'aurai peut-être l’occasion d'y revenir, car il y a là un intérêt géographique et scientifique de premier ordre. Dans l’ordre de la Photographie céleste, je rap- pellerai encore le grand succès obtenu par MM. Lœwy et Puiseux avec la Lune. Cette année, ces savants ont continué leurs belles recherches et se sont attachés surtout à perfectionner la repro- duction des clichés. Quant à la carte du Ciel, la prise des clichés et les travaux immenses de réduction qu'ils nécessi- tent continuent régulièrement leur cours. Une réunion des astronomes intéressés vient de setenir dans ce but à Paris. L'année 1895 n’a pas été très riche en décou- vertes cométaires. A citer celle de Swift, encore visible au commencement de l'année et dans les grands instruments seulement; il y aura à déci- der la question de son identité avec celle de Vico 1884, I. Cette comète est la première découverte en 1895 (le 20 août). Les observations permettent non seu- lement de lui attribuer un caractère périodique, mais même d'affirmer avec grande probabilité son identité avec celle de Lexell, quoique le critérium de M. Tisserand ne soit pas absolument satisfaisant pour les deux astres. Le mois de novembre a amené deux découvertes de comètes, celle de M. Perrine, le 17, à l’'Observa- toire de Lick, et celle de M. Brooks, le 21 du même mois. La question de l'identité de cette dernière avec celle de 1652 a été pesée. Il en est de même à l'égard des éloiles filantes el surtout des météorites, dont les apparitions ont été accompagnées de circonstances qui soulèvent d'importants problèmes de Mécanique, de Phy- sique et de Chimie célestes. Signalons, en passant, le bel ouvrage de M. Sta” nislas Meunier, auquel on doit de si intéressants travaux sur ces questions. On sait que, parmi les questions qui précccupen le monde astronomique et qui restent encore en suspens, celle de la durée de la rotation de Vénus occupe le premier rang. M. Schiaparelli lui assigne une durée de rotation égale à celle de sa révolu- tion sidérale. Cette conclusion, qui avait d’abord rencontré beaucoup d’incrédulité, semble rallier à peu près l'assentiment des observateurs. Du moins, c’est à cette conclusion que les dernières observations très soignées de M. Perrotin au Mont-Mounier le conduisent. Il est vrai que M. Léo Brenner maintient toujours son opinion en faveur d’une rotation diurne tellurique. Il est évident que l'opacité de l'atmosphère de Vénus rend ces obser- vations très difficiles. Nous avons rencontré les mêmes difficultés dans l'analyse spectrale de l’at- mosphère de Vénus pour la constatation de la va- peur d'eau qui vexiste. La planète Mars, dont la constitution de la sur- face donne lieu également à de grandes diver- gences d'opinion, a été éludiée cette année avec le plus grand soin et dans d'excellentes conditions par M. Lowell. Ici encore les faits annoncés par M. Schiaparelli se confirment de plus en plus. M. Lowell a fait une étude très soignée sur la visi- bilité des canaux en rapport avec les saisons de Mars, et arrive à cette conclusion que le dévelop- pement des canaux s’accentue d’une manière no- table avec le retour de l'été de la planète, fait qui tendrait à faire admeltre pour ces canaux une origine en rapport avec une végélation et, par con- séquent aussi, que l’eau joue un grand rôle dans ces manifestalions. L'eau ferait donc partie de l’at- 435 J. JANSSEN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE ——————————————————————————]"— ———— mosphère de la planète, ainsi que nous l'avons annoncé dès 1867. M. Bigourdan nous a donné cette année une belle série de mesures d'étoiles doubles. L'étude des éloiles variables constitue un champ du plus haut intérêt pour l'astronome physicien. C’est par des études très persévérantes d'Analyse spectrale qu'on arrivera à pénétrer la cause de ces phéno- mênes si curieux de variabilité d'éclat, L'Analyse mathématique pourra ensuite s’'empa- rer des résultats obtenus et en tirer de belles con- séquences. À cet égard, je citerai les résultats remarquables obtenus par M. Tisserand pour l'explication de certaines aromalies dans la varia- tion d'éclat d'Algol. III. — ASTRONOMIE TERRESTRE. Pendant l'année 1895, on a continué naturelle- ment à s'occuper de la question de la variation des latitudes. La Société Royale Astronomique de Londres a décerné à l’astronome américain M. Chandler sa médaile d’or pour l'ensemble de ses travaux sur ce sujet. En France, à part M. Gonessial, nous nous sommes à peu près désintéressés de la question. Cependant, M. Brunner a construit un instrument destiné à ces études, et dont le principe a été arrêté par le Bureau des Longitudes. On peut dire que la question est encore fort obscure. Il ne res- sort en aucune facon, des observations, que l’extré- mité de l’axe terrestre, si des mouvements sont réellement constatés, décrive une courbe fermée, et que le mouvement soit périodique. Il'est évident qu'il faut des observations insti- tuées dans des conditions toutes spéciales, comme rigueur et choix des stalions, pour élucider cette obscure question. M. Forster, président de la XI° Conférence de l'Association internationale de Géodésie, a publié dans cette Revue un article sur ce sujet !. Il y a exposé la nécessilé de nouvelles observations faites dans de petits observatoires spéciaux avec des instruments appropriés et un choix judicieu x des stations au double point de vue de leur posi- tion et de la pureté de l'atmosphère. On ne peut que désirer la réalisation de ces propositions afin de décider définitivement une question aussi im- porlante et qui ne peut rester en suspens. Relativement à la Physique du globe, nous au- ER nn. mc 0 ve 28 Po RM MIEL EUR PRE ! Voyez Forster : Déplacements de l'axe de rotation de la J Terre, dans la Revue générale des Sciences du 30 septem- bre 1894, t. V, p. 682 à 684. rions à signaler les déterminations d'intensité de pesanteur faites dans les Alpes, en Autriche, puis celles que M. Bigourdan a, sur notre demande et avec notre concours, exécutées dans le massif du mont Blanc et dont il rendra compte. Il est très désirable que ces déterminations sur la pesanteur se généralisent : avec les mesures de magnétisme, elles forment des éléments indispensables aux études géologiques et géodésiques. Je viens de parler du mont Blanc. Cette année nous comptons compléter l'installation des instru- ments: le météorographe et la grande lunette de 12 pouces. On doit y faire des observations sur le rayonnement solaire, et M. Bigourdan pourra obte- nir, je l'espère, une détermination de l'intensité de la pesanteur au sommet. IV. — CoxcLusION. Tel est le résumé bien incomplet des travaux astronomiques de l’année écoulée. Je prie tous les astronomes et physiciens que je n'ai pas pu citer de m'exeuser. Ce pelit résumé n’est qu'une esquisse el non une analyse méthodique de tous les travaux récents. Celte esquisse est néanmoins suflisante pour nous montrer toute la richesse des méthodes qui sont mises aujourd'hui à la disposition des travail- leurs. Et cependant nous ne sommes en quelque sorte qu'à l'aurore des applications d'ordre phy- sique à l’Astronomie. La Photographie ne s’est faite jusqu'ici que par des rayons limitésausceptre visible et ultra-violet ; il faut en étendre l'usage à un spectre trois ou quatre fois plus étendu, et on réalisera une nouvelle moisson de découvertes. L'Analyse spectrale, elle aussi, n’est qu'à ses débuts. Malgré les résultats considérables obtenus, on peutdire qu’elle n’en est encore qu'à la méthode empirique. Elle constate la présence d’un corps par le système des rayons émis ou absorbés par ce corps, mais elle ignore encore les relations analy- liques qui unissent ces rayons entre eux. Il y a là à faire, dans l’ordre des radiations, des décou- vertes parallèles à celles de Kepler et Newlon, Il y a encore à pousser l'étude des rapports de la Lumière, de l'Électricité, du Magnétisme. De ce côté encore, on pressent de grandes découvertes de synthèse et de généralisation. Voilà, pour nos jeunes savants, de sublimes éludes en perspective. Je souhaile que la France y prenne une part digne de son passé et des grands Géomètres qui, chez elle, ont continué Kepler et Newton. J. Janssen, de l'Académie des Sciences, Directeur de l'Observatoire d'Astronomie physique. t ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 489 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES LE CONCOURS OUVERT PAR LA VILLE DE PARIS POUR L'ÉPURATION ET LA STÉRILISATION DES EAUX DE RIVIÈRE DESTINÉES A LA BOISSON. Depuis bien des années la Ville de Paris, au prix de sacrifices considérables, a cherché à s'assurer de l’eau de source en quantité suffisante pour les besoins de l'alimentation. Aux eaux de la Vanne et de la Dhuis sont venues récemment s'ajouter celles de l’Avre, et dans peu d'années viendront s'ajouter celles du Loing et du Lunain. Malgré l’abondance croissante des eaux — de sources, on doit néanmoins prévoir la nécessité, à certains moments, de leur substituer l’eau de rivière. Aussi a-t-on reconnu utile de comparer soigneusement les divers procédés connus pour l’épuration des eaux … de rivières, Une commission spéciale {,nommée par … arrêté préfectoral du 22 août 1894, a procédé à ce tra- £ vail; nous résumons ici le Rapport qu'elle vient de pu Bblier. Les concurrents étaient invités à donner une des- cription de leurs procédés, Après un premier triage par les soins de la commission, les auteurs des procédés jugés acceptables devaient faire leurs essais, comme ils l’entendraient, aux frais de la Ville, à l’usine du quai d’Austerlitz, en opérant sur l’eau de Seine puisée en ce point. La seule condition imposée était de ne rien faire qui ne fût connu des membres de la Commission. Les concurrents désireux de prendre part au con- cours out envoyé 148 dossiers, parmi lesquels on a remarqué, comme il fallait s’y attendre, bien des pro- positions incohérentes. Après plusieurs sélections suc- cessives, 1l a été soumis à l’expérience 29 procédés, dont : Li Meheniderlachaleur--22-2- 2-0 A à Procédés mécaniques, filtrage.......... 12 — chimiques .......... AE Uni6 — DECO A EEE COLOR CORC ï É 29 ra —…_ Il convient d'examiner ces procédés au point de vue — du mode de fonctionnement et de rendement des — appareils, puis des résultats de l’épuration : Au point de vue du fonctionnement méme des appareils, les procédés comportant l'emploi de la chaleur ont … accusé de faibles débits et un prix de revient élevé, - Ofr. 20 à 1 fr. 15 par mètre cube. Les procédés mécaniques exigent un nettoyage fréquent; on ne peut mentionner sérieusement que les filtres en porcelaine et, pour une grande agglomération, le filtrage au sable. Les procédés …. chimiques ne paraissent pas susceptibles d'applications —… ! Cette commission était composée ainsi qu'il suit : — Président : M. Huet, inspecteur général des Ponts et Chaus- sées, directeur administratif des travaux de Paris. Membres : MM. le docteur Brousse, conseiller municipal, membre du Conseil d'hygiène; le docteur Levraud, conseil- ler municipal, membre du Conseil d'hygiène; Lopin, conseil- ler municipal; Strauss, conseiller municipal; Humblot, ins- pecteur général des Ponts et Chaussées, chargé de la Direc- - tion des Eaux; Bienvenue, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, chargé du service des Dérivations; Albert-Lévy, chef du service chimique à l'Observatoire de Montsouris ; le docteur A.-J. Martin, inspecteur général du Service d’assai- nissement et de salubrité de l'habitation; le docteur Mi- quel, chef du Service micrographique à l'Observatoire de . Montsouris. Secrétaire : M. Lahr, chef du Bureau des Eaux, des Ca- naux et de l'Assainissement. pratiques. Comme procédé mixte, le filtrage au sable combiné avec une réaction chimique très simple paraît répondre aux exigences du problème, Au point de vue chimique, les résultats ne sont pas très frappants, l’eau de Seine employée n'étant pas une eau fort impure; néanmoins on a pu constater les résultats suivants : L'action de la chaleur diminue la teneur en sels minéraux, ce qui pour l’eau de Seine est plutôt nuisible ; elle diminue la Leneur en oxygène, ce qui est toujours fâcheux; l’action sur la matière organique est variable. Les procédés mécaniques ne modifient pas la teneur en sels minéraux, diminuent la teneur en oxy- gène, et réduisent de 8 °,, à 3,4 °/, la matière orga- nique. Les procédés chimiques tendent les uns à augmenter, les autres à diminuer la teneur en sels minéraux et en oxygène; la malière organique est ré- duite de 14 9°, à 47°, Les procédés mixtes donnent des résultats très variables pour la teneur en sels mi- néraux ou en oxygène; certains réduisent de 66 à 78°/, la matière organique. Au point de vue micrographique, les procédés par la chaleur donnent de bons résultats. Certains procé- dés de filtrage mécanique peuvent donner de bons ré- sultats au début; mais tous s’infectent rapidement el doivent être surveillés de très près. Les procédés chi- miques paraissent peu efficaces ; un seul a donné des résultats dignes d’attention, mais constilue plutôt un appareil de laboratoire. Certains des procédés mixtes ont réduit de 99 °/, le nombre des bactéries. En résumé, il n'existe aucun procédé d'épuration sur lequel on puisse compter sans un nettoyage et un re- nouvellement de la matière filtrante répétés à des in- tervalles variables de quelques jours à trois semaines, sans une surveillance assidue de toutes les parties de l'appareil, une analyse fréquemment répétée des eaux, et sans la possibilité d'isoler et mettre hors service toute partie défectueuse ou simplement suspecte. Pour un ménage ou une petite agglomération, caserne, ly- cée, etc., où cette surveillance et ces analyses sont impossibles, les procédés par la chaleur donnent seuls les garanties désirables ; ils peuvent être remplacés par une simple ébullition prolongée pendant 1/4 d'heure. Pour une ville qui peut faire pratiquer les nettoyages et exercer la surveillance nécessaire, les seuls procédés pratiques sont ceux qui ont pour base le filtrage au sable, combiné ou non avec des bassins de décantation ou avec des procédés d'oxyda- tion des matières organiques par des réactifs inoffen- sifs. L'un de ces procédés a donné un débit de 4 mètres cube par mètre carré et par 24 heures sous une pres- sion de 4 mètre d’eau, avec réduction de 30 °,, sur la matière organique et de 99,77 /, sur le nombre des bactéries. Mais les irrégularités sont encore trop grandes, et les derniers perfectionnements trop ré- cents, pour qu'il soit possible de se prononcer défini- tivement. Aucun des procédés ne donne une eau comparable à l'eau de source convenablement choisie et bien captée. P. Laurior, Ingénieur des Ponts et Chaussées attaché au Service Municipal de Paris. 490 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Méray (Ch.), Professeur à la Faculté des Sciences de Dijon. — Leçons nouvelles sur l'Analyse infinité- simale et ses applications géométriques. Tome II : Etude monographique des principales fonctions d'une seule variable. — 1 vol. gr. in-8° de 500 pages {Prix : 14 fr.), Gauthier- Villars et fils. Paris, 1896. Le nouveau volume que M. Méray publie sur l’Ana- lyse infinitésimale est presque entièrement consacré à l'introduction au calcul général, et à l’étude des fonc- tions particulières qui constituent, avec les polynômes entiers et les fractions rationnelles, les matériaux des principales applications de l’Analyse actuelle. Les deux premiers chapitres ont encore pour but des propriétés de fonctions très générales, les fonctions olotropes et les fonctions méromorphes, qui sont des quotients de deux fonctions olotropes; mais l’auteur se restreint systématiquement ici aux fonctions d’une seule variable. Dans le premier chapitre, il montre la ressemblance profonde qui existe entre les fonctions olotropes d’une seule variable et les polynômes en- tiers, donne une démonstration remarquable et simple du théorème de d’Alembert, un procédé théorique très aisé à concevoir pour le calcul des racines d’une équa- tion olotrope, et termine par une étude succincte, mais rigoureuse, des propriétés particulières des fonctions olotropes réelles. Dans le second chapitre, il montre l’analogie étroite qui existe entre une fonction méromorphe et une fraction rationnelle, les formes qu’elle peut prendre par la considération de ses zéros et de ses infinis, les caractères auxquels on reconnait qu'elle dégénère, soit en une fraction rationnelle, soit en une constante; puis il applique tous ces résultats à la discussion des phases critiques des fonctions à composantes ration- nelles de fonctions simples olotropes et méromorphes, etretrouve ainsi très simplementles règles de Lhospital; il termine le second chapitre par une exposition des principales formules du calcul des résidus, et par une application importante de cette théorie particulière au problème del’interpolation énoncé d’une facon générale, C'est au chapitre IIT que commence la monographie des fonctions simples. Ce chapitre, qui renferme l'étude de la fonction radicale simple, est, sans contredit, l’un des plusremarquables du volume ; je le considère comme l’un des plus beaux exemples de netteté, de rigueur et de logique que j'aie rencontrés dans la lecture d’ou- vrages mathématiques. Je ne saurais trop encourager le lecteur à en approfondir l’espritet la méthode : car, plus loin, dans le chapitre V, les mêmes procédés et les mêmes raisonnements réapparaissent pour l'édifi- cation de la théorie du logarithme népérien. L'auteur définit la fonction radicale simple comme étant la fonction implicite de x qui satisfait à l'équation u®— x, dans laquelle » et n sont des entiers positifs ou négatifs, le premier pouvant, d’ailleurs, toujours être supposé positif. La théorie des fonctions implicites exposée dans le premier volume, lui permet d'affirmer l'existence d'une fonction de x vérifiant cette équation, et qui est olotrope dans toute aire fermée, à contour simple, ne contenant pas l’origine, mais renfermant le point initial x,, pour lequel on a la valeur accep- table non nulle w, (uo" = x). Le calcul des dérivées successives de cette fonction est immédiat, et la formation du premier développement en série de la fonction « en découle. En s'appuyant sur le che- minement et sur la relation identique uw" = x», l’auteur apercoit aisément les diverses propriétés de cette fonction. Il étend alors, par identification toutes ces propriétés à une fonction nouvelle, plus générale que la précédente, qui prend la valeur 1 pour æ = 1, et qui est représentée par la même série que celle-ci, Are IDR où l’on remplace toutefois Fr par æ —4,et le Le) : Hem nombre fractionnaire 7m par un nombre quelconque, réel ou imaginaire. Puis, il étudie l'influence des di- vers chemins qui conduisent du point # — 1 au point quelconque æ — x; il montre que chacun d'eux se ramène à un chemin simple déterminé, allant du point 1 au point æ, précédé d’un certain nombre d’anneaux directs ou rétrogrades autour de l’origine; l'influence d’un anneau direct est toujours la même, quelle que soit sa forme: il a pour effet de multiplier la valeur initiale de la fonction sur cet anneau, par une cons- tante ?; chaque anneau rétrograde introduit le facteur TE = Il ne reste plus alors à l’auteur qu'à étudier les propriétés de ce multiplicateur et le moyen de l’éva=. luer numériquement. Il en déduit la résolution des équations binômes, et termine le chapitre III par une application des résultats ainsi trouvés à la représen- tation complète des fonctions qui satisfont à l'équation um — x — 0. Le chapitre IV, consacré à l’étude des phases cri- tiques des fonctions implicites, définies par une équa- tion olotrope en æ et w, fournit une application immé- diate du symbole radical que lauteur vient d'intro- duire,M.Méray montre,en effet, que si l’on a: f{&o, Uo) =0, df du f (æ, u) = 0, et se réduisant à & pour æ — æ, sont re- présentables par des séries entières en æ — zo OU Pl (to, Uo) — 0, les fonctions satisfaisant à l'équation (4 — %) =. Le procédé employé est tout à fait élémen- taire : c’est la méthode des coefficients indéterminés. Pour abréger, nous indiquerons seulement la mé- thode que l’auteur emploie constamment dans l'étude de l’exponentielle, des fonctions circulaires et des fonctions elliptiques : il s'occupe d'abord des intégrales qui donnent les fonctions inverses de celles-ci, le loga= rithme, l'arc tangente, l'arc sinus, etc., et les inté- grales elliptiques, puis il en déduit, par inversion, les. propriétés des fonctions antérieurement citées. C’est la méthode qui a conduit aux fonctions elliptiques, et permis d’en faire une première étude; c’estla méthode rationnelle, quand on se place au point de vue analy- tique pur. A la vérité, l’auteur n’applique complètement cette méthode d'investigation qu’au logarithme et à l’exponentielle; mais cela tient, d’une part, à ce que les intégrales circulaires s’expriment à l’aide du loga= rithme et que, pour elles, le problème d'inversion eb l'étude de leurs propriétés se traitent immédiatement par l'emploi du symbole exponentiel; d'autre part, à ce qu'il est préférable, une fois la considération des fonctions doublement périodiques introduite en analyse par l'inversion de l'intégrale elliptique, d'édifier une théorie générale de ces fonctions et d'y appuyer la théorie des fonctions elliptiques. Le chapitre V est consacré au logarithme et à l'ex- ponentielle; le chapitre VI, aux fonctions circulaires. Le chapitre VII renferme, dans sa première parte, une très belle étude des fonctions unipériodiques pola- risées. M. Méray, à qui est due cette notion de polarité, a écrit à cet endroit des pages qui sont parmi les plus élégantes et les plus nettes de celles qui composent « BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX A91 son remarquable ouvrage. Ces pages ont, d’ailleurs, à notre point de vue, une importance exceptionnelle: car, outre l'intérêt propre que présentent les fonctions uni- périodiques polarisées, il ÿ a là une excellente prépa- ration au chapitre IX. où se trouve exposée la théorie générale des fonctions bipériodiques. Dans la seconde moitié du chapitre VIT, l’auteur construit à l’aide de développements en séries de fractions simpies ou de produits infinis des fonctions unipériodiques polarisées, qui lui servent à exprimer toutes les autres, et qui se ramènent très simplement aux fonctions circulaires. Celte partie, très impor- tante en soi, est aussi une préparation excellente à la lecture du chapitre X, où les mêmes questions se pré- sentent relativement aux fonctions bipériodiques. Le manque de place nous oblige à restreindre encore cette analyse déjà trop rapide, et nous devons nous borner maintenant à indiquer l'emploi des chapitres que nous n'avons pas encore signalés. Le chapitre VIIL est consacré à l’étude de l'intégrale elliptique de première espèce, l’auteur y construit par inversion deux fonctions doublement périodiques E (x) etE . (x), qui ne sont pas essentiellement distinctes ; puis viennent les chapitres IX et X, dont nous avons parlé plus haut, et qui sont consacrés aux fonctions bipériodiques générales. Les chapitres XI et XIT ren- ferment une théorie particulière des fonctions ellip- tiques canoniques, où sont exposés les résultats essen- tiels, et le chapitre XIII termine le second volume par une exposition suffisamment étendue de la théorie des intégrales Eulériennes, et basée, comme tout ce qui précède, sur la considération des séries entières, Nous espérons que ce compte rendu sommaire, si imparfait qu’il soit, entrainera cependant ceux de nos lecteurs qui s'intéressent particulièrement aux mathé- matiques, à étudier le second volume du grand ouvrage de M. Méray. Ceux qui ont lu le premier volume en verront ici une très belle application théorique, car le second volume tout entier est une suite d'applications des théories générales contenues dans le premier; il montre combien sont fécondes les idées de l’auteur, et combien sont solides les bases sur lesquelles il appuie sa théorie des fonctions. M. Méray est un mathématicien à l'esprit ample et profond; personne, parmi ceux qui cullivent sérieuse- ment les sciences mathématiques, ne peut ignorer les beaux travaux qu'il a faits. Quant à moi, qui, person- nellement, ai si peu de titres à parler de pareils tra- vaux, je n'ajouterai plus qu'un mot à ce que je viens de dire : c’est le souhait que l'illustre auteur nous donne prochainement le troisième volume de sa grande théorie. E. HuugErT. 2° Sciences physiques. Le Dantec (L. M.), Professeur de Sciences à Tréguier. — La Physique de l'Electricité. — 1 vol. in-8° de 336 p. avec 200 figures. (Prix : 7 fr.). J, Michelet, édi- teur, 25, quai des Grands-Augustins. Paris, 1896. A l'étendue près, cet ouvrage rappelle Les disserta- tions du doux philosophe Alphonse Allais. Souvent aussi divertissantes, celles que nous offre l’auteur ont, en plus, le mérite d’une indiscutable conviction, A-til su la faire partager à son éditeur? On pourrait en dou- ter, car, comme le dit le prospectus, «il va au fond des choses, et si elles ne sont pas telles qu'il nous les dépeint, elles pourraient, au moins, être ainsi. » L'idée dirigeante de l'ouvrage est la théorie électro- théologique, à laquelle l’auteur se rattache, et qu'il expose avec beaucoup de généralité. Niant l'existence des atomes tels qu'on les concoit ordinairement, il en donne cette définition : « Ce sont des êtres simples, sans parties, voilà tout. Ils (les philosophes) ne pensent pas à donner la moindre petite propriété essentielle à ces pauvres petits êtres, » Evidemment, ces pauvres petits êtres sont fort à . plaindre ; maisil eût peut-être convenu de ne pas attri- buer à des adversaires imaginaires des opinions qu'aucun être pensant n’a [amais professées, par exemple celle-ci : « Un atome ayant de l'étendue, une droite et une gauche, ne doit pas résister aux efforts, mème à ceux de l'imagination que l’on tente pour le subdiviser, » L'atome de M. Le Dantec est gyrosphérique; c'est une demi-circonférence tournant autour de ses pôles et engendrant l'étendue par son mouvement, Le mou- vement, c’est la chaleur; on en conclura qu’au zéro absolu, les atomes se réduiront aux ares générateurs, autant dire à rien, ce qui parait douteux. Toutefois l’idée est féconde, comme le montre l’auteur dans les chapitres dans lesquels il la développe. Elle est si simple, du reste, que toutes les théories dont elle est le point de départ, peuvent être exposées sans que l’on ait recours à un seul signe algébrique, à un seul déve- loppement mathématique. Après la matière, vient l’éthér, dont les propriétés sont multiples. Sphérule ou monade un peu partout, il est écureuil à la page 31, cheval puisqu’à la même page il rentre à l'écurie et qu'ailleurs on le détèle, remise de l'électricité à la page 42, plus loin dan- gereux puisqu'on l’expulse, atelier ou usine à la page 49, fourrage puisqu'à la page 55 la matière l’absorbe pour s’engraisser, et... la contre-partie, puisque plus loin on le remet en liberté après l'avoir absorbé; enfin, à la page 66, il devient un ciment. On concoit qu'avec un tel protéisme, l’éther puisse servir de cause première à bien des phénomènes, et que son importance ne se limite pas, comme l'a dit un philosophe chagrin, à servir de sujet au verbe onduler. Si ces divers concepts donnent à l’éther et à l’élec- tricité une nouvelle valeur philosophique, nous crai- gnons fort qu'ils ne nuisent un peu à la clarté des exposés, et, malgré tout, nous revenons à notre philo- sophe du début : La soupe au potiron, le chocolat, le thé Sont mauvais conducteurs de l'électricité. Ce n’est peut-être pas aussi profond que la logique du bon sens, professée par M. Le Dantec; mais, au moins, on est vile fixé. Cu. En.-GUILLAUME. Poulenc (Camille), Docteur ès sciences. — Les Nou- veautés chimiques : NOUVEAUX APPAREILS DE LABO- RATOIRE, MÉTHODES NOUVELLES DE RECHERCHES APPLIQUÉES A LA SCIENCE ET A L'INDUSTRIE. — 1 vol. in-12 de 136 pages avec 62 figures (Prix : 2 fr. 90). J.-B. Baillière et fils, 19, rue Hautefeuille; Poulenc frères, boulevard Saint-Germain, 122, Paris, 1896. Voici un pelit livre qui rendra des services à tous ceux qui ont le souci d'apporter dans leurs mesures, dans leurs méthodes analytiques les derniers perfec- tionnements de la technique expérimentale, C’est une revision des principaux appareils, avec figures à l’appui, publiés dans les divers journaux scientifiques francais ou étrangers, pendant les années 1894 et 1895, et qui ont paru à l’auteur les plus dignes de fixer l'attention des chimistes. Cette revue est divisée en quatre chapitres : I. Ce chapitre comprend tout ce qui a un caractère de généralité : comme la mesure des températures, le chauffage, l’éclairage, la distillation à la pression or- dinaire ou dans le vide, etc. II. Dans ce chapitre sont rangés les appareils divers de laboratoire destinés soit à faire certaines purifi- cations, soit à rendre plus pratiques certaines prépa- rations. HI. L'analyse sous toutes ces formes est repré- sentée dans cette troisième partie de l’ouvrage; on y remarquera principalement l'appareil d’un usage si fréquent et si commode du professeur Lunge (volu- mètre à gaz universel). IV. Le quatrième chapitre est réservé aux nouveaux appareils d'électricité. À V. Dans le dernier paragraphe figurent les nouveautés 492 ayant trait à la chimie biologique ou à la bactérivlogie. La voie dans laquelle est entré l’auteur est des plus heureuses, et nous espérons qu’il nous donnera pério- diquement une revue semblable, afin de nous éviter dorénavant de longues et fastidieuses recherches bibliographiques, ou d’avoir recours au seul journal spécialement affecté à ce genre de revues, nous voulons parler de l’organe allemand Zeitschrift fur Instrumen- ten Kunde. A. HALLEr. 3° Sciences naturelles. Lapparent (À. de). — Leçons de Géographie phy- sique. — 1 vol. de 590 pages avec 117 fiqures dans le tete et une planche en couleurs (Prix :2 francs). G. Mas- son, Paris. 1896. M. de Lapparent vient de mettre au service de la Géographie physique un talent remarquable qu'ap- précient depuis longtemps tous ceux qui s'occupent, en France, comme à l'étranger, des Sciences de la Terre. Nous retrouvons dans le nouveau volume que nous donne le savant professeur, la lucidité d’exposi- tion, l’impeccable et l’élégante correction de style, la science sûre et élevée, qui ont fait le succès de son Traité de Géologie, parvenu à sa troisième édition et devenu rapidement classique. Ce n'est pas toutefois un traité que M. de Lapparent présente aujourd'hui au public scientifique, mais sim- plement une série de lecons professées à l’Institut ca- tholique de Paris et destinées à réunir en un corps de doctrine les résultats récents de la nouvelle Ecole géo- graphique. On sait en effet que l’étude de l’évolution du relief terrestre occupe depuis quelques années un certain nombre d'esprits éminents. De l’analyse attentive des actions qui modifient sans cesse le modelé du sol etde la connaissance exacte des éléments sur lesquels s’exercent ces actions, est née une branche nouvelle de la Science, qui emprunte à la Géologie une partie de sa méthode et une part importante de ses bases, La Géomorphologie où Géomorphogénie est « l'étude du présent à la lumière du passé »; parle point de vue spécial qu'elle représente, elle ne se confond pas plus avec la Géologie proprement dite que la Géographie historique ne se confond avec l'Histoire ou que la Géographie économique ne rentre dans l'Economie politique, Représentées aux Etats-Unis par l'influence prépon- dérante du P' W, Morris Davis, auquel il convient d’as- socier MM. Lesley, Powell, Dutton, et tant d’autres, en Autriche par MM. Ed. Suess, Penck, etc... en Allemagne par M. de Richthofen, en Suisse par MM. Heim, du Pas- quier, Früh, les nouvelles méthodes ont trouvé en France en MM. de la Noë et de Margerie des partisans convaincus ; elles ont dansles «Annales de Géographie», publiées sous la direction de M. Vidal de la Blache, un organe important dont les collaborateurs devien- nent de plus en plus nombreux et dans lequel s'affirme de jour en jour davantage la tendance à voir dans la structure géologique du sol la raison des formes du relief terrestre. Tous ceux qu'intéresse l’avenir scientifique de notre pays applaudiront à l’éloquente préface où l’auteur prend la défense des études géologiques si sacrifiées dans nos programmes universitaires et nous serions heureux si notre science obtenait, au nom de la Géo- graphie physique, des faveurs que les pouvoirs publics lui ont jusqu’à présent refusées. En même temps que se modifiait ainsi la science du relief, une nomenclature nouvelle s’est formée, et ce n’est pas un des moindres services que rendra l’ouvrage de M. de Lapparent, que d'en vulgariser les termes Jusqu'ici peu connus ou mal appliqués. On se prend à regretter, en lisant ces « Lecons », si documentées, que l’auteur n’ait pas fait un pas de plus et ne nous ait pas donné un véritable Traité de Géographie physique; car, si par la riche documenta- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX tion de certains chapitres, ce livre est plus, en vérité, qu'une suite d'apercus suggestifs sur diverses ques- tions, il en est d’autres qui n’ont été traitées que superficiellement, ou, comme nous en prévient lPau- teur lui-même, à peine effleurées. Quelques lacunes et de légères inexactitudes (p. 121, plis de la région du Doubs) doivent donc être signalées, ainsi que des pas- sages où les difficultés de certains problèmes ont été dissimulés par la facilité du style. Mais ce sont là de bien petites défectuosilés, inhérentes à la forme ra- pide de l'ouvrage. L’ordonnance très logique des matières est la sui- vante : Après avoir étudié les grandes lignes du Dessin géo- graphique, passé en revue les éléments du relief ter- restre et les conditions générales de son modelé, M. de Lapparent considère l’évolution de ce modelé sous l’influence de divers facteurs. De très intéressants chapitres sont consacrés à l’action des eaux courantes, à l'influence des « conditions génétiques » (prédisposi- tion géologique du terrain), aux allures des formations éruptives et glaciaires. L’auteur examine ensuite avec soin les relations qui rattachent le relief extérieur du sol aux dislocations subies antérieurement «(Influences . tectoniques passives »), puis l'effet même de ces dis- locations (« Influences tectoniques actives ») — lors- qu'elles viennent à se produire —,sur la marche de Pé- volution géographique. L'Erosion est étudiée dans ses lois et dans ses cycles successifs ainsi que l’évolution des bassins hydrogra- phiques. Ges principes sont appuyés par des exemples très judicieusement choisis (Capture des affluents, ete., Migration des lignes de faite). Les phénomènes gla- ciaires, certaines influences souterraines (effondre- ments, érosion souterraine, etc.), l'action du vent ou éolienne, modifient sans cesse le modelé terrestre; plusieurs chapitres sont consacrés à ces transforma- tions ainsi qu'à celles des rivages marilimes. Onlira égalementavec fruitun résumé où l’auteur s’est attaché à retracer les principaux résultats des sciences géologiques, en les dégageant, autant que possible, de l’appareil de termes techniques qui en rend tropsouvent l'étude quelque peu rébarbative; il a réussi à con- denser, avec sa clarté habituelle, le minimum admis- sible des connaissances spéciales nécessaires à l’ini- tialion géologique de ses lecteurs, Abordant alors l’histoire durelief terrestre ou « paléo= graphie », dont il expose les méthodes, M. de Lapparent nous donne des pages d’un haut intérêt sur la longue évolution géographique dont les formes actuelles ne sont que le produit ultime. Les notions et les principes énoncés dans la pre- mière partie du volume sont ensuite appliqués à la connaissance exacte des différentes régions du globe. S'inspirant largement des travaux de M. Suess, en ne leur empruntant que ce qui pouvait intéresser Îles géographes et utilisant à côlé de son expérience per- sonnelle un grand nombre de travaux récents (notam- ment la « Lænderkunde » de Kirchhof, Penck, Th. Fischer, etc.), l’auteur a fondu, avec une habileté donb il a le secret, tous ces documents en une suite d’étu- des lucides, attrayantes et faciles à lire. Cette partie de son livre rendra de grands services aux géogra- phes; c’est la première fois que se trouve exposée, dans un ouvrage francais, accessible à tous, une des- cription rationnelle et rigoureusement scientifique des diverses régions du globe, considérées au point de vue morphologique. Ajoutons que 171 tigures dans le texte et une planche en couleurs constituent à cet ouvrage un complément aussi utile qu’attrayant. Faire connaître une voie féconde et nouvelle ouverte à la Géographie physique, fournir une base à ceux qui la suivront et démontrer une fois de plus la nécessité de faire une place dans le haut enseignement fran- cais à la Géographie vraiment scientifique, fondée sur des notions géologiques trop peu en honneur dans les LORS BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX « milieux universitaires de notre pays: tel est la mis- … sion multiple que peut remplir ce volume. Notre désir le plus sincère est qu'il y réussisse! W. KiLran. 4° Sciences médicales. Barth (D: H.). médecin de l'hôpital Broussais. — Thé- rapeutique de la tuberculose. — 1 vol. in-18 de 356 pages, d> la Bibliothèque de la thérapeutique médi- cale et chirurgicale. (Prix relié : 4 fr.). 0. Doin, éditeur, Paris, 1896. Dans une introduction très claire, M. Barth résume toute l’histoire de la tuberculose, de son bacille et de …_ son mode d'action sur l'organisme, Puis, entrant dans — Je détail des méthodes de traitement, il expose dès - l'abord les essais d'immunisation contre le bacille tu- berculeux par l'injection des virus atténués, des pro- duits culturaux du basille (tuberculine de Koch), enfin par la sérothérapie qui est ici la tentative de guérir la tuberculose par l'injection du sang d'un animal spon- tanément réfractaire ou rendu réfractaire à cette affection. Ces essais n'ayant pas encore abouti à la dé- couverte d’une méthode souveraine, M. Barth décrit la médication antibacillaire, à laquelle pratiquement nous sommes réduits et qui consiste dans lPemploi d’un agent thérapeulique susceptible d'exercer une action spécifique sur le parasite. Il examine donc suc- cessivement la créosote et le gaïacol; les essences, l'huile phéniquée, l’eucalyptol, le thymol, le benjoin, l'acide cinnamique, etc.; le tannin; les composés sul- fureux ; l’iode et l’iodoforme ; les acides fluorhydrique, picrique, eyänhydrique, etc. A l'usage de ces divers médicaments, il faut allier des prescriptions hygiéniques. L'alimentation doit être l’objet d’une attention spéciale : M. Barth insiste sur les diverses préparations alimentaires. Puis il donne des indications utiles sur les règles d'hygiène corpo- relle, sur les cures d’air, sur les stations d'altitude ou du littoral. Dans la deuxième partie de son livre, l’auteur étudie les formes eliniques de la tuberculose et expose, dans toute leur multiplicité les moyens thérapeutiques des- tinés à lutter contre les modalités infinies de cette affection. Les derniers chapitres, concernant la pro- phylaxie individuelle et familiale, l'hygiène générale, celle des habitations, des ateliers, bureaux, casernes, et hôpitaux, sont soigneusement traités par M. Barth et montrent tout l'intérêt que méritent actuellement ces questions. Le médecin trouvera le plus grand profit à consulter ce livre où sont rassemblées toutes les principales méthodes de traitement d’une affection redoutable, la plus fréquente qu'il lui soit donné d'observer. Il y verra les espérances que semblent éveiller les procé- dés nouveaux et y ralfermira sa confiance en ce pré- ceple, ainsi formulé par l’auteur, que la tuberculose peut guérir « pourvu que le traitement soit commencé de bonne heure, qu'il soit complet et suffisamment prolongé ». Dr A. LÉTIENNE. Dallemagne (D'J.), Professeur de Médecine légale à l'Université de Bruxelles — Les Stigmates anato- miques de la Criminalité. — Un vol. in-18 de 185 pages. — Les Stigmates biologiques et sociolo- giques de la Criminalité. — Un vol in-18 de 212 pages | Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, pu- bliée sous la direction de M. H. Léauté, de l’Institut. Prix de chaque volume broché : 2 fr. 50 ; cartonné, 3fr.), G. Masson ct Gauthier- Villars, éditeurs; Paris, 1896. M. Dallemagne résume, dans ces petits volumes, tout ce qu'il y a d’essentiel dans les études anthropologiques du criminel, entreprises sous l’inspiration de Lom- broso et de son Ecole. Dans le premier volume il ana- lyse les stigmates physiques de la criminalité, l'en- semble des caractères recueillis au cours de l'étude anthropologique de la collectivité des délinquants, Il 493 ressort de ces études que le type criminel anatomi- quement caractérisé n'existe pas. Ni le poids et le volume du crûne, ni ses altérations et ses anomalies, ni le cerveau dans sa forme ou ses particularités lé- sionnelles, ni la face et les organes des sens, ni les téguments, la taille, les membres ou le poids ne nous fournissentdes éléments suffisamment concordants pour autoriser la dénomination de type criminel, Anatomi- quement donc, la question du type criminel semble résolue par la négative. Dans le second volume, M. Dallemagne étudie les stigmates biologiques des criminels, qu’il divise en deux catégories : les stigmates physiologiques et les stigmates psychologiques. Il nous présente d'abord une série d'altérations dans les fonctions des différents organes, altéralions qui ont été fréquemment constatées chez les criminels. Puis il passe en revue d’une manière sommaire les principales opérations psychologiques, sensations, sentiments, instinct de conservation, ins- tinct génésique, instincts altruistes, la perception, la mémoire, l'association, le jugement, la volonté, et il reprend, à propos de chaque fonction, l'élude des per- turbations qui ont été signalées par les différents observateurs qui ont cherché à préciser le caractère des criminels. L'ouvrage est terminé par l'analyse plus rapide des stiymates sociologiques, c’est-à-dire de «l’ensemble des manifestations qui portent atteinte à la conservation et au progrès des sociétés ». La plupart de ces stigmates tant anatomiques que biologiques et sociaux pour- raieut se résumer en ces mots : ce sont des caractères de dégénérescence. M. Dallemagne a réuni, dans ces deux petits volumes, une foule d'observations disséminées de tous côtés; il les a rapprochées, ce qui permet d'appré- cier mieux leur valeur et bien souvent leurs contra- dictions; il se propose de revenir, dans un autre tra- vail, sur leur interprétation, en étudiant les nouvelles théories de la criminalité. D' Pierre Janer. 5° Sciences diverses. La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses figures intercalées dans ie texte et planches en cou- leurs. 546° et 5%7° livraisons. (Prix de chaque livraison, 1 fr.) H. La Imirault et Cie, 61, rue de Rennes. Les dernières livraisons de la grande Encyclopédie renferment, entre autres, la monographie du départe- ment du Maine-et-Loire par M. A. M. Berthelot; celle de la presqu'ile de Malacca, par M. Regelsperger, et une très importante étude sur la Malaisie, due à MM. Berthelot, Harn, et Trouessart; les biographies de Malebranche, par M. J. Ruyssen, et de Joseph de Maistre, par M. Brunetière; une importante étude de M. le D: Langlois sur les maladies en général; enfin la description de la main, au point de vue anatomique, par M. le D'S. Morer, Parville (Henri de). — Causeries scientifiques. (30e ef 31° années). — 2 vol. in-12 de 356 pages chacun (Prix : 3 fr. 50 chacun). J. Rothschild, éditeur, 15, Rue des Saints-Pères, Paris, 1896. C’est avec plaisir que nous signalons ici ces rapides causeries sur les sciences où M. de Parville est depuis longtemps passé maître. Le lecteur y retrouvera ces qualités d’exactitude, d’extrème clarté et d'élégance qui expliquent le succès du brillant et savant écrivain, et, en quelques heures, il passera agréablement en revue la plupart des problèmes scientifiques, des in- ventions et des découvertes auxquels le grand public s’est particulièrement intéressé depuis quelques an- nées. Mécanique, Electricité, Chimie, Médecine, Hy- giène ont fourni à M. de Parville d’alertes chroniques qu'il est encore aujourd'hui fort instructif et utile de relire et de méditer. 1440 = © = ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 20 Avril 1896. 10 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. de Jonquières lit à l'Académie quelques passages d’un article oublié de Poinsot, qui montre que le génie de Gauss avait été hautement reconnu en France et signalé à l'admiration du monde savant, alors que l’Allemagne semblait l'ignorer ou ne l'accueillir encore qu'avec indifférence. _— M. Adrien Féraud donne une valeur approchée des coefficients des termes d’ordre élevé dans le dévelop- pement de la partie principale de la fonction pertur- batrice. — M. P. Painlevé étudie les transformations biuniformes des surfaces algébriques. Il montre, en particulier, que toute transformation biuniforme (non birationnelle) transforme une intégrale double algé- brique de première espèce en une intégrale double de même espèce, mais que les différentielles totales de première espèce ne sont pas nécessairement conser- vées. — M. Chanel adresse une « Note relative à la période des taches solaires ». 20 SciENCES PHYSIQUES. — MM. L. Calmette et G.-T. Lhuillier, en photographiant une tige métallique au moyen des rayons X provenant d’une fente très étroite, ont obtenu une ombre qui montre des différences no- tables d'intensité sur les bords. Ils attribuent ce fait à la diffraction des rayons de Rôntgen et se proposent d'en mesurer la longueur d'onde moyenne.— M. Bun- getzianu adresse également, de Bucharest, des pho- tographies qui lui semblent mettre en évidence la dif- fraction des rayons de Rôntygen. — M. A. Righi main- tient, contrairement à l’opinion de MM. Benoist et Hurmuzescu, que le potentiel positif auquel est porté un corps isolé lorsque les rayons de Rôntgen tombent sur lui est précisément de l’ordre de grandeur des forces électromotrices de contact; mais ce résultat ne se vérifie que si l’on a soin de tenir le conducteur étudié éloigné de tout autre conducteur. M. Righi étudie en outre la dispersion des rayons X dans diffé- rents gaz et à différentes pressions. — M. G. de Metz présente des photographies obtenues à l'intérieur du tube de Crookes, à travers différents corps, et dues aux rayons cathodiques, qui semblent avoir plusieurs pro- priétés des rayons X.— M.H. Poincaré croit que, dans ce cas, les rayons cathodiques, en frappant les corps qui recouvrent la plaque sensible, provoquent l’émis- sion desrayons X, qui agissent seuls ensuite. — M. H. Abraham augmente la sensibilité du galvanomètre à cadre mobile en compensant le couple directeur du ressort de suspension. Pour cela, on porte le centre de gravité du cadre un peu en avant de son axe de rotation {au moyen d'une surcharge), puis on penche le galvanomètre en arrière et l’on voit les oscillations se faire de plus en plus lentement jusqu'à compensa- tion complète; au delà, l’équilibre devient instable. — M. A. Haller indique deux méthodes d'extraction des alcools terpéniques contenus dans les huiles essen- tielles. Elles sont basées toutes deux sur la propriété que possèdent les acides bibasiques de donner, avec les alcools, des éthers acides solubles et saponifiables par les alcalis, Ce procédé n’est plus applicable quand il s’agit d’alcools terpéniques qui se déshydratent sous l'influence des acides. Dans ce cas, l'essence, préala- blement saponifiée et séchée, est additionnée d’une quantité de sodium correspondant à l'alcool qu’elle renferme ; on ajoute ensuite au produit sodé la quan- tité d'anhydride correspondant au métal dissous, et on termine comme dans l’autre méthode. L'auteur a ainsi traité l’essence de géranium de Bourbon, de géranium d'Afrique, de menthe d'Amérique, de citronelle et d'aspic. — MM. Ph.-A. Guye et Ch. Jordan étudient la dispersion rotatoire des corps actifs liquides non polymérisés et formulent les conclusions suivantes : 1° Les corps actifs liquides, non polymérisés, ne pré- sentent que le phénomène de la dispersion rotatoire normale. 2° Chaque corps actif suit une loi de disper- sion rotatoire qui lui est propre. 3° Les coefficients de dispersion dans le violet n’ont aucun rapport de pro- portionnalité, même grossière, avec les pouvoirs rota- toires. 4° La dispersion spécifique est une constante caractéristique d’un composé chimique, aussi bien que le pouvoir rotatoire usuel. 5° Il n’y à aucune relation simple entre la réfrangibilité des diverses radiations et la dispersion rotatoire. — M. Ferrand a préparé, par la méthode de M. Friedel, une nouvelle série de sulfophosphures, les thiopyrophosphates (P2STM) : thiopyrophosphates de cuivre, de fer, d'argent, de nickel, de chrome, de zinc, de cadmium, de mercure, de plomb et d'aluminium. — M. G. Bertrand a obtenu la sorbose par fermentation du jus de sorbes au moyen d'un microbe qui y est apporté par la mouche du vinaigre. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Edmond Perrier si- gnale un cas de parasitisme passager du Glyciphagus domesticus de Geer. Cet acarien avait envahi deux maisons de Barfleur au point de les rendre inhabita- bles ; ces maisons furent complètement épurées par les vapeurs d’acide sulfureux. — M. Ad. Chatin,ayant recu récemment des truffes de Mesrata (Tripolitaine), - les détermine comme Terfas Claveryi et Terfas Metaæasi, espèces déjà connues. La plante-nourrice paraît être un petit Cistus. — M. Joachimsthal cite de nouvelles observations d'adaptation spontanée des muscles aux changements de leur fonction. Ces faits montrent qu'il sera nécessaire d'examiner à nouveau les cas d’atro- phie des muscles périphériques, afin de voir si les changements produits dans les muscles ne tiennent pas à des variations dans la mobilité de leurs attaches. — M. Lortet conclut, d'expériences nombreuses, que les bactéries sont les seuls êtres organisés qui jouis- sent de la propriété de s'orienter sous l'influence des courants induits, Cette propriété n’est point physique seulement, mais bien en rapport direct avec la vitalité de leur protoplasma, car l’électricité n’a aucune action sur les bactéries mortes. — M. A. Fénard décrit les annexes internes de l'appareil génital mâle dans les différentes familles de l’ordre des Orthoptères. — M. C. Sauvageau étudie la membrane de l’£ctocarpus fulvescens. Elle présente, comme les poils du coton, un cas intermédiaire entre les membranes dépourvues de cuticule et celles munies d’une cuticule nettement cutinisée. — M. C. Brunotte a constaté, chez une espèce du genre Impatiens, l'avortement de la racine principale, qui est remplacée par les racines latérales. — M. E.-A. Martel communique ses observations d'hiver dans les cavernes des Causses. Séance du 27 Avril 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, G. Rayet commu- nique ses observations de la comète Swift (13 avril 1896), faites au grand équatorial de l'Observatoire de Bor- deaux, en collaboration avec MM. Picart et Courty.— M. Flammarion signale de nouvelles divisions qui se sont produites daus les anneaux de Saturne depuis qu'il a reparu au-dessus de notre horizon. — A propos d’ure communication de M. R. Liouville sur la rotation des solides, M. N. Joukovsky fait remarquer que le cas considéré a déjà été étudié en détail par MM. Hess, 2 re her NE EE or rs 02 PE me sat Lode re ER ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES “ Nekrassov, Mlodzieiowski et lui-même. — M. Hégly étudie les différents degrés du passage d’un écoulement par orifice à un écoulement par déversoir. — M. L. Ni- colaï adresse un mémoire sur les abaques des efforts tranchants. 90 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. H. Parenty et R. Bri- card présentent leur thermomètre-balance enregistreur et régulateur, à gaz ou à vapeurs saturées. Il est fondé sur le principe suivant : faire agir la chaleur sur un système mobile autour de ses points de suspension, de manière qu'à chaque température corresponde une position d'équilibre déterminée de ce système. — M. R. Colson a étudié le mode d'action des rayons X sur la plaque photographique. Les rayons impression- nent directement le gélatino-bromure sur verre ou sur papier; en traversant le verre, le papier ou la couche sensible, ils ne provoquent pas la formation de radia- tions secondaires, capables de produire l'effet photogra- phique. — M. F.-P. Le Roux signale quelques expé- riences contradictoires faites au moyen des rayons X et les explique ainsi. L'impression photographique résulte à la fois des radiations émises par la surface des électrodes et des radiations provenant de la paroi du tube de Crookes. L'importance de ces deux facteurs varie avec chaque tube, et on obtient ainsi des résultats différents suivant la prépondérance de l’un ou de l’autre. — MM. L. Benoist et D. Hurmuzeseu sont arrivés à la loi suivante : La vitesse de dissipation de l'électricité par les rayons X, pour un même corps électrisé dans les mêmes conditions, varie proportion- nellement à la racine carrée de la densité du gaz où il est plongé. — M. A. Lafay continue l'étude des rayons de Rüntgen électrisés par leur passage à travers une membrane électrisée. Il a observé que : 4° le transport de l'électricité par les rayons X est d'autant plus rapide que la membrane est plus transparente; 2° les corps qui donnent la décharge la plus prompte sont éga- lement ceux qui se chargent le plus vite sous laction des rayons électrisés. — MM. Ph.-A. Guye et Ch. Gou- det ont fait l'étude optique du divaléryltartrate d’amyle, corps caractérisé par l'existence, dans sa molécule, de six carbones asymétriques. Cette étude achève de montrer la généralité des deux principes de l’indépen- dance et de la superposition algébrique des effets optiques des divers carbones asymétriques d’une même molécule. — M. G. Didier a obtenu, en chauf- fant une solution concentrée d’azotate neutre de magnésie en présence de la base correspondante, un azotate basique hydraté,de formule 3Mg0, Az? 0,5H20, sous forme de masse blanche, composée d’un feutrage de fines aiguilles microscopiques agissant sur la lumière polarisée. L'eau froide le détruit rapidement. — M. A. Granger a obtenu, en chauffant au rouge sombre le chlorure ferrique dans la vapeur de phosphore, le sesquiphosphure de Fer, Fe? P#, sous forme de croûte gris-clair, composée de petits cristaux microscopiques, durs, doués de l'éclat métallique, insolubles dans les acides et l’eau régale: — M. Ch. Gassmann indique un nouveau procédé pour obtenir en grande quantité le péridinitronaphtalène dans la nitration de la naphta- line, — M. H. Causse étudie le bitartrate de phénylhy- drazine et lui attribue la formule suivante : Pau 4 6()5 ñ H.C4H50 Az—C5Hs - N A. C'H0° Az NH Cette formule se vérifie chez tous les dérivés que l’au- teur à préparés. — M. Guinchant a déterminé la cha- leur de combustion d’un grand nombre de dérivés cya- nès et a observé que la substitution de CAz à H dans un groupe CH ou CH? lié à d’autres radicaux carbonés augmente la chaleur de combustion d'environ 90 calo- ries. — M. E. Sorel a appliqué, aux mélanges d’eau avec les quatre premiers acides de la série grasse, sa méthode de distillation par fractions successives à 495 l'abri du rayonnement. Pour les mélanges pauvres, il y a d'autant plus d'acide entraîné par un poids déter- miné d’eau que l’acide considéré à un poids molécu- laire plus grand; c'est le contraire qui se présente quand la concentration augmente et d'autant plus rapidement que le poids moléculaire est plus grand, — M. G. Friedel a obtenu artificiellement un silico-alu- minate alcalin hydraté de formule : 15Si0?.8 Al2(0*%.6Na?0+6H20. Calciné, il perd son eau, mais son état cristallin et sa forme orthorhombique ne changent pas. L'auteur a constaté que, dans la nature, l’analcime et d’autres zéolithes possèdent la même propriété. — MM. A. Gé- rardin et M. Niclout dosent les odeurs de l'air au moyen du grisoumètre Gréhant-Coquillon. Une lame de platine incandescente brûle la vapeur organique et la réduction de volume se lit sur un tube divisé. — M. Ch. V. Zenger adresse une note : L'état allotro- pique des gaz élémentaires. 3° ScIENCES NATURELLES. — M. I. P. Nuel étudie l'æœdème maculaire ou périfovéal de la rétine et le décollement rétinien qui en est souvent la conséquence, — Ch. Henry a déterminé, par une méthode photo- métrique nouvelle, les lois de la sensibilité lumineuse aux noirs et aux gris. {° Le minimum perceptible de teinte varie proportionnellement à l'éclairage. 2° Le minimum perceptible de teinte diminue quand l'œil s’est adapté préalablement aux teintes claires. 3° La plus petite différence perceptible diminue également, mais très peu, proportionnellement au séjour préalable de l'œil dans l'obscurité. — M. G. Roché étudie les causes de la crise de mévente dont souffre l'industrie ostréicole; elle provient de la tendance des parqueurs à faire produire à leurs concessions des quantités de mollusques disproportionnées avec les débouchés actuels de leur industrie. — M. L. Gentil étudie cer- tains gypses de l'Algérie et en établit l'origine méta- morphique. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 5 Mai 1896. M. S. Pozzi analyse un mémoire du D' Guermom- prez (de Lille) sur la contagion professionnelle du cancer, Les deux cas signalés par l’auteur sont dou- teux, et cette grave question reste encore pendante. M. A. Laveran montre que l’appendicite n’est pas toujours produite par la transformation de l'appendice en cavité close, et que le traitement médical de lap- pendicite ne mérite pas d’être condamné aussi sévère- ment que l’a fait M. Dieulafoy. — M. Liétard cherche à donner une idée de l’ensemble de la littérature mé- dicale de l'Inde, Ayant pour fondement les deux grandes œuvres de Lucruka et de Charaka, imprégnée des théories humorales communes à la Grèce et à l'Inde, cette littérature témoigne tout entière de lin- fluence absolue qu’elles ont exercée. Aujourd'hui en- core, c'est leur autorité qui retient, en dehors du cou- rant scientifique moderne, les praticiens de l'Inde. — M. le D: Robert (de Pau) litune observation d'éclampsie puerpérale. — M. G. Lévy signale une observation d'un fœtus volumineux développé tardivemert dans l'abdomen d’un adolescent du sexe masculin. Séance du 12 Mai 1896. L'Académie procède à l'élection de deux correspon- dants nationaux dans la première Division (Médecine). MM. Glénard (de Lyon) et Mossé (de Toulouse) sont élus. — M. Fournier analyse un mémoire du D'Gilles de la Tourette sur la syphilis héréditaire de la moelle épinière. L'auteur distingue trois groupes de manifes- tations médullaires de l’hérédo-syphilis : manifesta- tions congénitales, précoces et tardives. IL s’attache à bien mettre en lumière les dernières, qui ont tenu jusqu’à présent peu ou pas de place dans la pratique médicale, — M. Vallin analyse un travail du D' Dezau- 496 ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tière intitulé : « L'hygiène dans une petite localité du Nivernais, il y a cinquante ans et aujourd’hui », L’au- teur y a voulu exposer les progrès de l'hygiène et out le bien que la ville en a retiré. — A l’occasion du cen- tenaire de la découverte de la vaccine, M. E. Her- vieux prononce l'éloge de Jenner. — M. H. de Brun signale deux cas d'une nouvelle maladie qui peut être caractérisée par l’ensemble des phénomènes suivants : début brusque par une forte fièvre, vomissements, céphalalgie; apparilion rapide de phénomènes typhi- ques; courbe thermique caractérisée par trois périodes (élévation, abaissement, nouvelle élévation), contrac- ture généralisée de tout le syslème musculaire; alté- ration spéciale de la peau, qui devient malléable comme de la cire molle; hémorragies sous-cutanées. L'auteur propose de l'appeler myxodermie contractu- rante hémorragique, — MM. S. Arloing et J. Cour- mont communiquent le résullat de leurs recherches sur le traitement des tumeurs malignes de l’homme par les injections de sérum d'âne normal ou préala- blement inoculé avec du suc d’épithélioma. Les injec- tions de sérum d'âne inoculé sont incapables à elles seules d'amener chez l'homme la disparition des tu- meurs; elles peuvent cependant être uliles en entrai- nant une diminution momentanée du volume des tumeurs, Le sérum d’âne-normal a des effets analo- gues, quoique moins intenses. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 2 Mai 1896. M. Péré a étudié le coli-bacille du nourrisson et celui de l’adulte. Ils ont en général des propriétés bio- logiques communes; toutefois, le premier donne de l'acide lactique droit avec la solution de glucose-pep- tone et de carbonate de chaux, le second de lacide lactique gauche. Il est probable que le changement de régime chez l'enfant modifie l’une des fonctions bio- logiques du microbe originel, car le microbe du nour- risson peut donner, dans certaines conditions, de l'acide gauche. — M. Boucheron parvient à déceler l’acide urique qui-existe dans la salive des uricémiques par la réaction de la murexide; mais il faut avoir soin de ne faire agir que les vapeurs d'acide nitrique et d'am- moniaque sur la salive desséchée à une température peu élevée. L’excrélion d'acide urique par la salive s’interrompt aussitôt qu'un corps sapide, mis en con- tact avec la langue, provoque la formation de salive digestive. — MM. Galippe et Grimbert constatent que, par la méthode ordinaire, on ne trouve aucune trace acide urique dans la salive des uricémiques. — Mme Laville communique ses recherches histo- logiques et embryogéniques sur les follicules clos de la conjonctive. — M. Dufour décrit le trajet des fibres endogènes dans les cordons postérieurs de la moelle. — M.Mégnin préseute [a photographie d'un veau à deux têtes âgé de deux mois et demi, et vivant. — M. Babinsky a étudié le relàächement des muscles dans l'hémiplégie organique. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Communications récentes. M. Lagrange, de Bruxelles, adresse une note sur les rayons de Rôntgen. Ces rayons ne sont pas déviés par l’aimant dans l'air libre, mais les rayons cathodiques de M. Lénard présentent la même propriété; M. La- grange a vérilié que les rayons X ne sont nullement déviés par un champ magnétique, même quand ils traversent le vide de Crookes. — M. Pellat rappelle les principes d'une théorie de l’électrostalique qu'il a développée dans un mémoire récent (Annales de Chimie et de Physique, mai 1895). La loi de Coulomb ne doit pas servir de base à l’électrostatique, parce qu’elle cesse d’avoir un sens quand le milieu qui entoure les conducteurs est hétérogène. En se basant uniquement sur quelques principes très généraux, on peut re- trouver toutes les relations connues. En particulier, M. Pellat a étudié, au point de vue théorique et expé- rimental, les forces qui agissent sur un diélectrique non électrisé placé dans un champ électrique. En écrivant que, dans une déformation convenablement choisie, l’énergie se conserve, on conclut que les forces mécaniques agissent sur la surface des diélectriques; ces forces sont normales à la surface, et dirigées dans le sens où le pouvoir inducteur spécifique diminue: leur valeur est, par unité de surface, égale à la diffé- rence : Kio Ko ps? d:c LES des expressions qui représentent, d’après Maxwell, l'énergie par unité de volume des deux diélectriques, de part et d'autre de la surface de séparation, en des points où le champ électrique a respectivement pour intensités +, et #,. Les expériences ont été faites sur des lames d’ébonite maintenues dans l’air, à égale distance des armatures verticales d’un condensateur; la partie supérieure de la lame est en dehors du champ ; les seules forces mécaniques agissantes sont appliquées à la base inférieure de la lame; elles sont verticales et dirigées vers le bas. Les valeurs du champ au voisinage de cette base se déduisent, par le caleul, de la différence de potentiel entre les armatures du condensateur, que l’on mesure à l’aide d’un électro- mètre de Bichat et Blondlot. Le pouvoir inducteur spécifique des lames employées a été mesuré à l’aide de appareil de l’auteur (voir la Revue du 15 juillet 1895, p. 607). Les forces attractives se mesurent par une ba- lance à laquelle est suspendue la lame d’ébonite ; il ne reste plus à mesurer ensuite que des longueurs, que l’on peut évaluer au dixième de millimètre. Quatre séries d'expériences ont donné, pour les valeurs ob- servées des forces, des nombres variant de 0,001 42 gr. à 0,01#2 gramme ; la concordance avec les nombres calculés est très satisfaisante (pour le dernier qui est naturellement le mieux déterminé, le calcul donne 0,0143 gr.). — M. Abraham fait observer que l’attrac- tion d’un diélectrique par un corps électrisé, qui est le phénomène le plus anciennement connu de l’élec- trostalique, a été expliqué déjà de plusieurs facons, en particulier comme le résultat d’une polarisation des molécules du diélectrique. Dans cette manière de voir, les forces mécaniques s’exerceraient sur les éléments de volume du diélectrique, aux points où le champ est variable. L’étude des forces qui s’exercent sur un corps solide, ni même des expériences statiques quel- conques, ne permettent pas de déterminer le point d'application des forces ; pour résoudre la question, il faudrait étudier le mouvement de masses fluides sous l'influence de ces actions; l’accélération observée se- rait, en chaque point, proportionnelle à la force. — M. Raveau remarque que le mode de raisonnement de M. Pellat, basé sur la considération d’une déforma- tion au voisinage de la surface de séparation, devait nécessairement conduire à admettre que les forces en jeu sont appliquées à cette surface, mais qu’on obtien- drait un autre résultat en partant d’une modification différente. — M. Pellat ne pense pas que la théorie de la polarisation puisse rendre compte des phénomènes ; il reconnaît que le siège des forces dont il a calculé et mesuré la résultante reste indéterminé. — M. Du- perray a répété une expérience de Villari. Celui-ci avait cru observer qu'un cylindre de verre, tournant sur son axe dans un champ magnétique uniforme, ne présente plus la polarisation rotatoire magnétique lorsque la vitesse de rotation atteint 200 tours par seconde. En étudiant les détails de l’expérience, M. Du- perray a reconnu que le verre acquiert la double ré- fraction, sauf dans la direction de l’axe et la direction perpendiculaire ; quant à la polarisation rotatoire (me- surée ici à l’aide d’une lame demi-onde, et non,comme dans les expériences de Villari, à l’aide d’une plaque à deux rotations), elle s’est montrée indépendante de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 497 la vitesse. — M. Becquerel dit avoir, quelque temps après la publication de Villari (1873), répété son expé- rience sans retrouver ses résultats; lesrecherches posté- rieures de M. Curie et de M. Bichat ont montré qu'il y avait simultanéité parfaite entre l’existence du champ magnétique et la polarisation rotatoire. — M. Bec- querel rend compte des expériences qu'il a exécutées sur l'émission des radiations invisibles par les sels d'uranium. Les sels étudiés ont été les sulfates doubles d'uranium et de potassium, sodium ou ammonium, et le nitrate d'urane cristallisé; leur fluorescence visible dure environ 0,01 seconde, Un cristal soumis aux rayons solaires pendant cinq heures émet des radia- tions invisibles qui impressionnent une plaque photo- graphique à travers une double feuille de papier opaque à la radiation du soleil, et même à travers une lamelle de verre, une feuille très mince d'aluminium et de cuivre. L'action persiste quand on cesse d'exposer le cristal à la lumière et que toute phosphorescence visible a par conséqueut disparu. Cette persistance peut être très longue; les effets sont encore très éner- giques avec des cristaux maintenus dans l'obscurité pendant plusieurs jours. C. RAvEaAu. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 1° Avril 1896. M. Atanasio Quiroga présente une note sur l'ar- ginine, alcaloïde fourni par une laurinée de l’Amé- rique du Sud. L'auteur donne quelques propriétés chimiques et thérapeutiques de ce composé qui se rap- proche de la quinine au point de vue de son action physiologique. — M. Béhal présente deux notes de MM. M. Patein et Dufau sur les combinaisons de l’anti- pyrine avec les phénols. Séance du 2% Avril 1896. M. G. Bertrand a réussi à transformer à volonté la sorbite en sorbose. Il a en effet réussi à isoler du suc de sorbes abandonné à lui-même le microbe agent de cette transformation. — M. Hanriot décrit les di- verses combinaisons du chloral et du bromal avec les sucres aldéhydiques (arachnose, galactose, xylose) ou cétoniques (lévulose et sorbose). — M, Fiquet aobtenu des acides iodacétiques et divers produits en faisant réagir l’iodure de potassium sur les acides chloracé- tiques; il continue ses recherches sur ce sujet. — M. Maumené fait une communication sur l’oxychlo- rure d’antimoine et sur les pyrophosphates doubles de sodium, de cuivre et de fer, E. CHarox, SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 19 SCIENCES PHYSIQUES €. Wilson : Influence des rayons de Roentgen sur la condensation des nuages. — Dans un mémoire sur la formation des nuages en l'absence de poussières, lu devant la Société philosophique de Cambridge, le 43 mai 1895, j'ai montré que la condensation en nuages se produit en l'absence de poussières lorsque de l'air saturé subit une dilatation brusque dépassant une certaine valeur critique. Je trouve que, pour de l'air exposé à l’action des rayons de Roentgen, l'ex- pansion nécessaire pour produire la condensation à exactement la même valeur que pour l'air ordinaire; mais ces rayons ont pour effet d'augmenter considéra- blement le, nombre de gouttes qui se forment quand l'expansion à dépassé la valeur nécessaire pour pro- duire la condensation. Dans les conditions ordinaires, quand la valeur critique est dépassée il tombe une pluie fine qui s'arrête en quelques secondes; mais si on produit la même dilatation pendant que l’air est exposé à l’action des rayons ou immédiatement après, les gouttes sont assez nombreuses pour former un nuage qui persiste pendant quelques minutes, Pour exclure REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1596. toute action électrique directe, on a fait des expériences en enveloppant d’une feuille d’étain mise à la terre le vase qui contenait l’air, On l’exposait aux rayons, on produisait la détente, on rompait le courant de la bobine d’induction et finalement on enlevait la feuille d’étain pour examiner le nuage formé, Comme précé- demment un nuage persistant résultait d’une détente qui, en l’absence des rayons, n'aurait produit qu'un nombre de gouttes relativement petit. Il semble légi- time de conclure qu’en traversant l'air humide, les rayons de Roentgen produisent une augmentation du nombre des noyaux de la même espèce que ceux qui sont toujours présents en petite quantité, ou tout au moins qui sont exactement aussi efficaces pour provo- quer la condensation. Gamgee (Arthur). — Sur l’absorption des radia- tions violettes et ultra-violettes du spectre solaire par l'Hæœmoglobine, ses composés et quelques-uns de ses dérivés. — L'auteur se borne à énoncer les principaux résultats obtenus, réservant pour plus tard la discussion et le détail de ses recherches. Il a em- ployé la méthode photographique et s’est servi d’un spectroscope à prismes et à lentilles de quartz. — Les combinaisons de l'Hæmoglobine avec l'oxygène, l’oxyde de carbone et le bioxyde d'azote donnent même, en solutions très étendues, des bandes d’ab- sorption entre les raies H et G de Frauenhofer. Les composés avec CO et AzO donnent deux bandes identiques dont Ja raie moyenne correspond à à — 420,5. Pour l’oxyhœæmoglobine, le centre d’ab- sorption correspond à } = 414,0; lorsque l'oxygène dissociable en est dégagé, ce centre se déplace vers }— 426,5. La bande dans le violet extrême et l'ultra-violet caractéristique de l’hæmoglobine de ses composés et de ;ses dérivés contenant du fer ne dé- pend en aucune manière du fer contenu dans la molé- cule. Cette conclusion résulte :1° du fait qu'aucun composé du fer organique ou inorganique ne donne d'absorption bien définie dans cette région du spectre ; 2 de l’étude de l’hæmatoporphyrine, corps dérivé de l’hœæmatine par perte de fer, Enfin, ni la bilirubine, ni l’hydrobilirubine, ni l’urobiline ne fournissent aucune bande dans la région qui caractérise l’hæmo- globine et ses dérivés, 20 SCIENCES NATURELLES D'G.E, Cartwright Wood : Sur une méthode pour produire rapidement les anti-toxines de la diphtérie, — Dans ses expériences, M. C. Wood s’est servi de deux espèces distinctes de toxine diphtéritique : 1° l’une, la toxine ordinaire, produite par l’action du micro-organisme dans un bouillon de peptone; 2° l’autre, constituée par les substances présentes dans un milieu de culture formé par un mélange de bouillon et de sérum, après qu'il a été filtré et chauffé à 65°. Cette seconde toxine se prépare en ajoutant à du bouillon de peptone ordinaire de 10 à 20 °/, de sérum sanguin ; ce bouillon a été inoculé trois ou quatre jours aupa- ravant avec une culture virulente de diphtérie et main- tenu à une température de 37° depuis ce temps. L’in- jection de cette sérum-toxine donne peu d’irritation locale, mais détermine une réaction fébrile marquée, qui s’accuse encore lorsque l'injection est répétée. Il semble qu’elle doive ses propriétés à l’albumose décrite par Sidney Martin. Les animaux soumis à son action deviennent plus ou moins réfractaires à une infection subséquente et l’on peut utiliser cette propriété pour raccourcir par l'emploi de cette substance la longueur du traitement qu'un cheval doit subir avant de pou- voir recevoir les doses considérables de toxine ordinaire (Croth-toxine) qui sont nécessaires à la production d'une anti-toxine de quelque énergie. Le premier cheval recut pendant les {2 premiers jours 380 cc. de sérum- toxine en trois injections; le dix-neuvième jour il reeut 50 cc. de sérum-toxine non filtrée stérilisée à 65° C. et 150 ce. de toxine ordinaire, dont 1/2 ce. [LTERS 498 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tuait un cobaye de 500 grammes en #8 heures. On le saigna le trente-deuxième jour du traitement; son sérum avait une force anti-toxique de 10 unités nor- males, { c. que == cc. immunisait un cobaye de 250 grammes contre 10 doses mortelles de toxine ordi- naire. Ce résultat n’est atteint qu’en 10 semaines par la méthode Roux. Quant au second cheval, on lui injecta de beaucoup plus grandes quantités de sérum-toxine, mais en prenant la précaution d’y ajouter une certaine proportion d’anti-toxine. Pendant les 12 premiers jours on lui injecta 1350 cc. de sérum-toxine et 50 cc. de l’anti-toxine, obtenue du premier cheval. La semaine suivante, on lui injecta 550 ce. d’une toxine ordinaire (dont 1/9 ce. tuait un cobaye de 500 grammes en 24 heures) en trois fois et à la deuxième injection, on ajouta 100 cc. de sérum-toxine, La semaine d’après, il recut en injections 400 ce, de toxine ordinaire addi- tionnée de 250 grammes de sérum-toxine. Le trentième jour, il fut saigné ; Ha, cc. protégeait complètement contre 10 doses mortelles de la toxine. Au bout de . . Ê : : 2 : 1 six semaines le pouvoir anti-toxique élait tel que on eee ° Û 1 [ 2 suffisait, au bout de 9 semaines = cc. Une autre expé- rience a montré que l’emploi de l’anti-toxine était inu- tile : un troisième cheval a recu sans aucun accident 2180 ce. de sérum-toxine seule en 15 jours. Au bout ; : PE - TE ; d’une semaine, cc.et, au bout de deux, = cc. proté- geait les cobayes contre 10 doses mortelles. Au bout de Lo : 5 c 1 la troisième semaine, il suffisait de = cc., au bout d’un mois de x CC. — M.C. Wood a fait une autre série d'expériences destinées non plus à produire plus rapidement des anti-toxines de puissance égale, mais à produire des anti-toxines plus énergiques. — Les conclusions auxquelles il arrive sont qu’en appliquant sa méthode : 1° On peut produire de puissantes anti- toxines diphtériques en un temps beaucoup plus court que par la méthode ancienne; 2° Grâce à l’action cumulative des toxines, on peut produire des anti- toxines beaucoup plus puissantes, ce qui permet de réduire la dose qui doit être injeclée au malade et fait disparaître aussi l’un des obstacles pratiques les plus sérieux à l'adoption du traitement; 3° On peut en une seule injection donner au malade, dès le commence- ment du traitement, une quantité suffisante de sérum, ce qui augmente considérablement sa valeur curative. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications récentes. M. Henry E. Armstrong, dans une note sur le composé constituant la matière colorante de l'acide 2:3 hydroxynaphtoïque, attaque la formule proposée par Mühlau H2 AN \ /£00H H Etant donnée la grande facililé que montre l'oxygène dans un grand nombre de composés benzoïques de prendre la forme cétonique, l'acide 2: 3 hydroxynaph- toïique peut passer de la forme hydroxy à la forme iso- dynamique cétonique; on tombe alors sur une formule cyclique, représentée par les symboles suivants: AA 0 Re D! FAT | OH LA SP/COUR {oh — Le même auteur faitune deuxième communication sur l’éthérification de l'acide signalé plus haut. — Dans une troisième note, M. E. Armstrong étudie les rela- tions qui existent entre le pinène et le citrène. Il con- | ! sidère le citrène comme un dérivé du triméthylène et, d’après lui, l'expression la plus simple pour le représen- ter serait la suivante: Dans une dernière étude, le même auteur indique dans quelles conditions se produit l’inversion de quel- ques composés asymétriques actifs. Il pense que, lors- que l'inversion est produite par des agents hydratants, dans le cas d'un aldol, d'une kélose ou d’un acide, ily ! a, dans la première phase de la réaction, hydratation du groupe célonique, el, suivant le cas, il se forme une aldéhydrol, CH (0H}?, ou une kétohydrol C (0H},ou en- core un acide hydrol C (OH}. Si l’on enlève une molé- cule d’eau à ces composés, admettant d’ailleurs que cetle eau a été formée par un groupe OH constituant un hydrol complexe, et par un atome d'hydrogène atta- ché à un carbone, relié lui-même à cet hydrol, il se formera dans ce cas un dérivé éthénoide: COH = || -H°0. C(OH): | C OH): MM. J. Norman Collie et M. Wilsmore : Sur la production de quelques dérivés du naphtalène et de l'isoquinoline au moyen de l’acide déhydracétique.Les auteurs pensent que les bases dérivées de l’isoquinoline sont formées par la condensation des produits benzé- niques jaunes, déjà étudiés par eux, avec l’ammonia- queemployée en solution concentrée. —MM.Wyndham R. Dunstan F. R. Set F. H. Carr : Sur les difficultés de la détermination exacte de l’azote par la méthode absolue dans le cas de l’aconitine. — MM. Raphael Meldola F.R. S. et Frederick Streatfeild ont étudié les diazoamides contenant un groupe orthonitré; ils dérivent plus spécialement l’orthodinitrodiazoamido- benzène (0) AzO?C6H*Az#H CSH'A7z0? (p) dont ils don- nent les principales propriétés. Ils s'étendent sur la manière de faire rentrerdans ce corps un groupe alkyle; au moyen de leur méthode ils ont réussi à préparer le dérivé éthylé auquel ils attribuent la formule suivante : AzO? RS Az (C6 H5}_ AO? Ils considèrent comme impossible de pouvoir faire rentrer un groupe alkyle dans un corps de constitution: dans lequel les groupes Az0? et AzH seraient en posi- tion ortho. — Dans une deuxième communication, les mêmes auteurs décrivent l’allyl-p-dinitrodiazoamido- benzène, étudiant spécialement les relations qui exis- tent entre le point de fusion et la constitution de ce corps. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Récentes communications. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ernst Blaschke : Etudes statiques. — M. Theodor Schmidt : Calcul de longueur de la courbe ellipse. 2% SGiENCES PHYSIQUES. — M. Puluj : Production des rayons Rôntgen et leur action photographique. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Alfred Nalepa : Elude d’un nouveau Phytloptide, le Paraphytoptus. — M. Ru- dolf Sturany adresse son travail sur les Mollusques ES CHRONIQUE (Lamellibranches, Prosobranches, Opisthobranches, Scaphopodes), recueillis à bord du Pola pendant les expéditions faites de 1890 à 1894. 1° SCIENCES PHYSIQUES, — Observatoire de Vienne : Ensemble des observations météorologiques et magné- tiques faites pendant le mois de janvier. — M. Karl Brunner : L'action du chlorure de zinc alcoolique sur l’isobutylidenméthylphénylhydrazine donne naissance à une base quaternaire de la série de l’indol. L'acide chlorhydrique la transforme en triméthylindol; les oxy- dants donnent une base appelée indolinone correspon- dant à la quinolone. Les actions de l'acide azotique, de l’eau de brome, des agents réducteurs, sont éludiées. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. Hugo Zuckel envoie sa troisième communication sur les études morphologi- ques et biologiques des excroissances produites sur les végétaux par les piqûres de certains insectes. — M. F. Steindachner lit une notice relatant les diverses phases de la dernière expédition du Pola dans la mer Rouge. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Adalbert Rey : Sur la Voie lactée. 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. Weinek adresse deux agrandissements de photographies de la lune faites à l'observatoire de Lick (Californie), avec une notice où l’auteur expose les découvertes de nouveaux cratères 199 signalés par ces photographies. — M. Haschek : Spec- tres ultra-violets des éléments (argent, cuivre, manga- nèse, wolfram). — M. Hugo Schrætter : Recherches sur les albumoses, (V. Communication.) L'auteur s’est proposé d'établir que la formation d’albumose et de peptone, à partir du blanc d'œuf, est bien due à un phé- nomène d’hydrolyse, comme les expériences de Hof- meister et de Henninger tendent à le faire admettre. L’anhydride acétique agissant sur le chlorhydrate de peptone de Paal ne donne jamais d’albuminoïde, mais un produit acétylé d’une albumose, — M. Ludwig Braun : Action de l’aldéhyde isobutyrique sur les aci- des malonique et cyanacétique. — M. Herzig : Isomère de l’acétylaurine, L’acide acétique donne avec l’aurine deux acétylaurines que l’auteur établit être stéréo-iso- mères et semblables à certains produits d’hydrolyse obtenus avec d’autres combinaisons aromatiques. — MM. Weidel et Roithner : Structure de quelques ami- des acides. L'action de l'hypobromure de potassium sur les amides des acides succinique, tartrique et ma- lonique donne naissance à des uréides. La succini- mide donne la B-lactylurée C*H6A720?, la tartramide la 6-méthyl-Blactylurée ; la malonamide est complète- ment décomposée, 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Knoll : Sur les corpus- cules sanguins des Vertébrés à sang chaud. CHRONIQUE NOUVELLES RECHERCHES SUR LES PROPRIÉTÉS ET SUR L'ORIGINE DES RAYONS X Depuis la publication de mes premiers travaux !, — que J'ai été forcé d'interrompre pendant plusieurs se- maines, — j'ai obtenu quelques résultats nouveaux, et puis aujourd’hui faire connaître les suivants : I Au moment de ma première publication, je savais que les rayons X possèdent la propriété de décharger les corps électrisésetje supposais que c'est aux rayons X et non aux rayons cathodiques, — lesquels, dans les expériences de Lenard, traversaient sans modification la fenêtre d'aluminium de son appareil, — qu’il faut attri- buer FPaction sur les corps électrisés éloignés qu'a observée ce savant. J'ai attendu, pour publier mes re- cherches, d’être en état de communiquer des résultats indiscutables. Ces résultats ne s’obliennent que quand on effectue les observations dans un espace mis absolument à l'abri non seulement du champ électrostatique éma- nant du tube à vide, des fils conducteurs, de la bobine d'induction, mais aussi de l’air qui vient du voisinage de l’appareil de décharge. Pour réaliser ces conditions, j'ai fait construire, avec des lames de zinc soudées l’une à l’autre, une chambre de dimension suffisante pour contenir ma personne et les appareils nécessaires, fermée hermé- tiquement, sauf une ouverture close par une porte de zinc. La paroi opposée à la porte est couverte de plomb sur une grande partie de sa surface; en un oint voisin du lieu où se trouve, à l'extérieur, la obine d’induction, la paroi de zinc a été enlevée sur une longueur de # centimètres, avec la lame de plomb qui la recouvre, et l’ouverture a été refermée hermé- tiquement par une lame d'aluminium mince. Les rayons X peuvent pénétrer par cette fenêtre à l’inté- rieur de la chambre d'observation. Voici maintenant ce que j'ai constaté: 1. — Des corps électrisés, positifs ou négatifs, con- servés dans l'air, se déchargent quand on les expose À 1 Voyez à ce sujet la Revue du 30 janvier 1896, pages 59 à 63. aux rayons X, et cela d’autant plus rapidement que les rayons sont plus intenses. On évaluait l'intensité des rayons d’après leur action sur un écran fluorescent ou sur une plaque photographique. En général, il est indifférent que les corps électrisés soient isolants ou conducteurs. Jusqu'ici je n’ai d’ail- leurs observé aucune différence spécifique entre les facons dont se comportent les différents corps au point de vue de la rapidité de la décharge ; le signe de l'électricité ne semble pas avoir d'influence. Toute- fois, il n’est pas certain que de petites différences n'existent pas. 2, — Quand un conducteur électrisé est plongé, non plus dans Fair, mais dans un isolant solide, par exemple la paraffine, l’action des rayons est la même que celle d’une flamme mise à la terre qui lécherait la couche isolante, 3. — Si l’on recouvre la couche isolante d’un con- ducteur qui l'entoure étroitement et qui soit mis à la terre, les rayons X n’exercent aucune action que j'aie pu déceler avec les moyens dont je disposais, même quand le second conducteur et l’isolant sont pris sous des épaisseurs assez faibles pour être transparents aux rayons X. 4. — Les observations rapportées ci-dessus en 1, 2, 3 prouvent que l'air qui a été exposé aux rayons Rüntgen a acquis la propriété de décharger les corps avec lesquels il vient en contact, 5. — S'il en est bien ainsi et si, en outre, l'air con- serve encore cette propriété quelque temps après son exposition aux rayons X, il doit être possible de dé- charger les corps électrisés qui n’ont pas été eux- mêmes atteints par les rayons, en amenant sur eux l'air qui a recu le rayonnement. On peut, de plusieurs facons, se convaincre que cette conséquence se vérifie, J'indiquerai une manière, qui n’est pas la plus simple, de disposer l'expérience. Je me servais d’un tube de lai- ton de3 centimètres de diamètre et de45 centimètres de longueur; à quelques centimètres d’une des extrémités, on avait enlevé une portion de la paroi, qu’on avait remplacée par une plaque d'aluminium mince; à l'autre extrémité, qui est fermée hermétiquement, est fixée une sphère de laiton portée par une tige métal- 500 lique isolée des parois du tube. Entre la sphère et l'extrémité fermée du tube est soudé un petit tube latéral relié à un aspirateur ; quand on aspire,la sphère de laiton se trouve baignée dans un courant d'air, qui, en suivant le tube, a passé devant la fenêtre d’alu- minium, La distance de la fenêtre à la sphère est d’en- viron 20 centimètres. Ce tube était disposé dans la chambre de zine, de telle facon que les rayons X pussent pénétrer à travers la fenêtre d'aluminium, normalement à l’axe du tube ; la sphère isolée était en dehors de la région traversée, dans l’ombre. Le tube et la chambre de zinc étaient en communication con- ductrice ; la sphère était reliée à un électroscope de Hankel. On consfata qu'une charge, positive ou négative, communiquée à la sphère, n’est pas modifiée par les rayons X tant que l'air du tube reste en repos, mais que la charge commence à diminuer rapidement dès qu’une aspiration énergique amène sur la sphère l’air exposé aux rayons. En mettant la sphère en relation avec des accumulateurs, de facon à maintenir son potentiel constant et en aspirant constamment par le tube l'air exposé au rayonnement, on voit se produire un courant électrique, comme si la sphère était mise en relation avec la paroi du tube par un corps mauvais conducteur. 6.— Une question se pose : Comment l’air peut-il per- dre la propriété que lui ont communiquée les rayons X ? La perd-ilavec le temps, de lui-même, c'est-à-dire sans venir au contact d’autres corps? La réponse est encore douteuse. Par contre, il est certain qu’un con- tact de courte durée avec un corps de grande surface rend l’air inactif; il n’est pas nécessaire que le corps soit électrisé, Par exemple, si l’on introduit dans le tube un tampon d'ouate suffisamment épais, à une profondeur telle que l’air exposé aux rayons doive le traverser avant d'atteindre la sphère électrisée, la charge de la sphère reste invariable pendant laspi- ration. Si le tampon est en decà de la fenêtre d'aluminium, le résultat est le même que s’il n’existait pas, preuve que ce ne sont pas les poussières qui occasionnent la décharge observée. Des toiles métalliques agissent comme l’ouate; mais la toile doit être très fine, et il faut disposer l’une sur l’autre plusieurs toiles, pour que l’air qui les a traver- sées devienne inactif. En reliant ces toiles, non plus, comme nous l’avons supposé jusqu'ici, à la terre, mais à une source d'électricité de potentiel constant, l’ex- périence a toujours confirmé mes prévisions; mais ces recherches ne sont pas encore achevées. 7. — Quand on place les corps électrisés, non plus dans l'air, mais dans l'hydrogène sec, les rayons X les déchargent également. La décharge dans l'hydrogène m'a paru un peu plus lente; toutefois, le fait reste encore incertain, à cause de la difficulté qu'il ya à ob- tenir des rayons de même intensité dans deux expé- riences successives. La facon dont on a rempli l'appareil d'hydrogène permettait d'affirmer que la couche d’air condensée primitivement à la surface des corps n’avait pas joué un rôle essentiel dans la décharge. 8. — Dans un vide poussé assez loin, la décharge d’un corps directement atteint par les rayons X se produit beaucoup plus lentement — dans un cas, soixante-dix fois plus lentement — que dans la même enceinte remplie d'air ou d'hydrogène à la pression atmosphé- rique. 9.— Des expériences sur l’action des rayons X sur un mélange de chlore et d'hydrogène sont en cours d'exé- eution. 10, — Enfin, je voudrais indiquer que les résultats d'expériences sur la décharge par les rayons X, dans lesquelles on n’a pas tenu compte de l'influence du gaz environnant, ne doivent être admis qu'avec circons- pection. Paris. — Imprimerie F, Levé, rue Cassette, 17 CHRONIQUE Il Dans bien des cas, il est avantageux d'’intercaler entre l'appareil à décharges, producteur de rayons X, et la bobine de Ruhmkortf, un appareil Tesla (conden- sateur et transformateur). Cette disposition présente les avantages suivants : d’abord, les tubes à décharge risquent moins de se percer et s’échauffent moins; ensuite le vide, au moins dans les appareils que j'ai préparés moi-même, se conservait plus longtemps, et enfin, beaucoup d'appareils donnent des rayons X plus intenses. Avec des appareils dans lesquels le vide n'est pas suffisant ou est trop fort pour qu’ils puissent fonctionner avec la bobine de Ruhmkorff seule, le transformateur de Tesla peut être employé avec succès. Une question qui se pose immédiatement — et je me permets de la soulever sans pouvoir, pour le moment, contribuer à y répondre — est de savoir si une dé- charge continue, à potentiel constant, peut donner nais- sance à des rayons X, ou si, au contraire, les oscilla- tions du potentiel sont absolument nécessaires à leur production. Dans ma première publication !, j'ai indiqué que les rayons X peuvent prendre naissance, non seulement sur le verre, mais encore sur l'aluminium. En pour- suivant mes recherches dans cette voie, je n'ai trouvé aucun corps solide qui, exposé aux rayons catho- diques, ne pût donner naissance aux rayons X. Je n'ai rencontré non plus aucun fait qui pùt me faire croire que les liquides et les gaz ne se comportent pas de la même facon. x Par contre, J'ai observé des différences dans le ren- dement en quantité des divers corps. Par exemple, si l’on fait tomber les rayons cathodiques sur une plaque dont une moitié est constituée par une lame de pla- tine de 0,3 millimètre d'épaisseur, et l’autre moitié par une jame d'aluminium de 4 millimètre d'épaisseur, on observe, en prenant une image photographique de cette plaque à la chambre obscure, que la lame dé platine envoie par sa face antérieure, exposée aux rayons cathodiques, beaucoup plus de rayons X que la lame d'aluminium du même côté, Sur l’autre face, au con- traire, les rayons X n’ont, sur le platine, qu’une inten- sité pour ainsi dire nulle, tandis qu'il en part beau- coup de l’aluminium. Ces derniers rayons ont pris naissance dans les couches antérieures de la lame d'aluminium, et l’ont ensuite traversée. On peut s'expliquer facilement ces résultats, mais il serait bon de continuer d’abord l'étude des proprié- tés des rayons X. Il faut observer que les faits précé- dents ont une grande importance pratique. D'après les essais que j'ai effectués jusqu'ici, le platine est le corps qui produit les rayons X les plus intenses, Je me sers depuis plusieurs semaines avec grand avan- tage d’un tube à décharges dans lequel la cathode est un miroir concave et l’anode une lame de platine fixée au centre de courbure du miroir et inclinée de 45° sur son axe. Les rayons X, dans ce tube, partent de l’anode. D’expériences faites sur des tubes de formes diverses, je puis conclure qu'il est indifférent, au point de vue de l'intensité des rayons X, que le corps sur lequel ils prennent naissance soit ou non l’anode. Pour exécuter spécialement des expériences avec les courants alternatifs du transformateur Tesla. je fais construire actuellement un tube à décharges dans lequel les deux électrodes sont des miroirs concaves d’alu- minium dont les axes sont à angle droit ; au centre de courbure commun est fixée une lame de platine expo- sée aux rayons de cathode. Je rendrai compte, plus tard, de la facon dont a fonctionné cet appareil, W. RŒNTGEN, Professeur de Physique à l'Université de Würtzhourg. 1 Voyez à ce sujet mon article dans la Revue générale des Sciences du 30 janvier 1896. ($ 13 de mon article.) Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. NOR 15 JUIN 1896 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET: APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER L'UTILISATION DE LA VIANDE DES ANIMAUX MALADES La Revue a reçu, depuis quelque temps, de nom- breuses demandes au sujet de l’ulilisation de la viande des animaux malades. Celle question. toute d'actualité en Hygiène, préoccupe, fort justement, ceux de nos abonnés qui, à des titres divers, médecins, chefs d'usines, elc., ont à sur- veiller l'hygiène de l'alimentation dans les grandes agglomérations ouvrières. Il est certain que, dans nos grands centres industriels, des viandes prove- nant d'animaux tuberculeux sont couramment vendues au rabais. Certains correspondants nous demandent dans quelle mesure les précautions exigées à ce sujet par les règlements administra- tifs sont observées. D’autres, plus soucieux des intérêts agricoles, désireraient, au contraire, Lem- pérer la sévérité de la loi. Nous ne pouvons que leur indiquer l’élat présent de la question: 1° L'arrêté du 28 juillet 1888 proscrit la vente des viandes d'animaux reconnus tuberculeux. : 2° Beaucoup de vétérinaires s'élèvent contre le caractère trop absolu de cette interdiction, et plu- sieurs ont produit, à l'appui de leur opinion, des faits d'où il ressort que certaines parlies d’un ani- mal attaqué par le bacille de Koch peuvent être saines. On le savait d'ailleurs. Mais la difficulté est de préciser, dans chaque cas, la limite de con- laminalion. Quoi qu'il en soit à cet égard, le Co- milé consultatif d Hygiène de France a décidé d’ailleurs que les bœufs pourraient être consommés tant que la tuberculose n’est pas généralisée. 3° Au congrès de l'Association francaise, tenu l’an dernier à Grenoble, M. Deshayes a fait voler par la Section d'Hygiène le vœu que tout animal atteint REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, de tuberculose, même localisée, soit impitoya- blement rejeté de la consommation. 4° Au congrès allemand d'Hygiène, Lenu à Würz- bourg, celte question a fait l’objet d'une importante discussion. Le rapporteur, M. Lydtin, a insisté sur les points suivants : En Allemagne, l'inspection de la viande fait deux parts dans les viandes examinées : l’une qui est la viande marchande, l’autre qui ne peut servir à l'alimentation. Mais les viandes de la première partie comprennent deux catégories : d’une part, la viande absolument saine, destinée à l’étal des boucheries; de l’autre, la viande inférieure, pro- venant d'animaux malades, mais pourtant inof- fensive (?). Or, cette seconde catégorie compren- drait, annuellement, près de 9.158.220 kilogs. Dans la plupart des villes, les viandes sont ven- dues dans des marchés spéciaux (Freibank), mis en régie presque parlout par lescommunes. Les règle- ments spéciaux à chaque ville paraissent jus- qu'ici n'avoir eu qu'un seul but : faire connaître à l'acheteur la nature du produit vendu. Mais un tel avertissement n'est pas suflisant, et ce que deman- dent les hygiénistes, c’est que partout cette viande ne soit livrée qu'après cuisson au consommateur. Quant aux viandes, le Congrès s'est rallié à l’o- pinion de ne les livrer qu'après stérilisation. C'est ainsi qu'à Berlin et à Lübeck, on utilise les étuves à vapeur de Rohrbecket de Menneberg. Ces opérations, failes en grand, sont Lrès économiques et, à Berlin, on peut donner ainsi aux classes pau- vres de la viande inoffensive à un france le kilo- gramme, avec un bon bouillon en plus. 11 502 A. DE LAPPARENT — LA STRUCTURE ET L’HISTOIRE DES BALKANS 554,96 x LA STRUCTURE ET L’'HISTOIRE DES BALKANS D'APRES M. FRANZ TOULA Tous ceux qu'intéresse le progrès de l’explora- tion des Balkans savent quels titres s’est acquis en cette matière M. Franz Toula, le savant géologue viennois. Elève et ami de Ferdinand de Hochstet- ter, qui l’avail pris pour collaborateur, il a pu recueillir aussi d2 précieuses indications de la part d’Ami Boué,le premier explorateur deces contrées, si difficiles d'accès, et, depuis vingt ans, il leur consacre le meilleur de son activité. Après avoir publié, sous les auspices de l'Académie de Vienne, tout un ensemble de travaux sur les parlies occi- dentale et centrale de la chaine, M. Toula vient de mettre la dernière main à une étude du Balkan oriental, qui parait dans les mémoires de l’Aca- démie avec une carte géologique au 300000°. Ce travail comprend une courte introduction, où l’auteur mentionne les sources dont il a profité en dehors de ses observations personnelles, no- tamment les études de MM. Sanner et Skorpil. Après quoi, renvoyant à ce qu'il a déjà publié lui- même sur les divers points de détuil, il résume en quelques pages, non seulement la structure et l'histoire du Balkan oriental, mais celles de la chaine tout entière". C'est ce résumé que nous croyons devoir offrir aux lecteurs de la Revue, sous la forme d’une tra- duction presque littérale, et d’où nous avons seu- lement élagué quelques menus détails, en simpli- fiant notamment l’énuméralion des localités. [. — Coup D'OŒIL SUR LES FORMATIONS REPRÉSENTÉES DANS LE BALKAN ORIENTAL. $ 1. — Quaternaire. La plaine qui s’étend en avant du Balkan est, sur de grandes étendues, recouverte par une nappe de less, où se rencontrent des restes des grands Mammifères quaternaires. En beaucoup de points, sous la couverture de loess, on voit apparaître les formations plus anciennes, soit dans les plus pro- fondes entailles fluviales, soit sous la forme de prolubérances locales. De même que, dans la par- lie occidentale, ce sont d’abord les calcaires et les grès calcaires du crétacé inférieur qui se montrent pour faire place, plus à l’est, aux calcaires marneux et aux grès de la parlie moyenne et supérieure du système; ainsi, sur les plaines uniformes de la Bulgarie orientale, on doit s'attendre, comme en 1 Denkschriflen der kaiserlichen Akademie schaften, Vienne ; séance du 10 octobre1895. der. Wissen- Roumanie, à voir les formations sarmatiennes ap- paraitre çà et là au-dessus de la craie. En fait de Quaternaire marin, il y a lieu de men- lionner la présence de dépôts très récenis à l’ouest de Varna. Ces dépôts occupent la rive mé- ridionale du lac Devno, ancienne lagune lardive- ment isolée de la mer comme les lagunes des en- virons de Bourgas. Il est actuellement difficile de dire quelle relation existe entre ces dépôts et les assises marines très récentes, de caractère fran- chement méditerranéen, que M. Toula a derniè- rement observées sur le bord des Dardanelles. Les blocs isolés de roches cristallines sont fré- quents dans les forêls qui bordent le Balkan. On y rencontre des granits, des dioriles, des por-. phyres, des porphyrites el des andésiles. Des cail- loux roulés de ces dernières se trouvent au nord de Tekenlik, en allant vers Provadia. Il est à remarquer que tous ces gisements se trouvent su- bordonnés aux affleurements du flysch balkanique. D'autre part, certains grès grossiers et conglomé- rals de couleur claire, comme ceux qui existent entre Osmanbazar et Sliven, sont extrèémement riches en blocs, gros comme la tête, de granit et d'andésite. Cette circonstance, qui rappelle les blocs exotiques des Carpathes, indique que, dans la région du flysch du Balkan oriental, il a dû exister en place des roches massives qu'on n'y voit plus aujourd'hui. Jusqu'à quel point les blocs isolés peuvent-ils être attribués à la destruction de con- glomérats qui les auraient contenus? Cela est dif- ficile à dire. Toujours est-il que, d'après les con- stalations, failes par M. Skorpil, de gisements d’andésite entre Provadia el Aïtos, de granit et de diorite un peu plus à t'ouest, à Aivadzik, il est de ces blocs qui doivent être considérés comme représentant des débris de massifs encore en place. $ 2. — Dépôts néogènes. En dehors des sables à #ytilus de Varna, il y a lieu de mentionner un gisement limité de couches à congéries (peut-être Congeria subcarinata Desh.) à Pirgos, à l’ouest de Roulschouk. Des graviers de l'âge de ceux du Belvédère se rencontrent à Lidza, près de Bourgas, ainsi que près de l'embouchure du Kamcik dans la mer Noire. Les graviers de Ka- jali, au N.-0. de Bourgas, ont fourni des dents de la grosseur de celles du genre américain Wenodus, et qui font aussi penser au Yacrolherium (Ancyla- therium) pentelicum de Gaudry et Lartet, trouvé à ENT ET A. DE LAPPARENT — LA STRUCTURE ET L'HISTOIRE DES BALKANS 903. Pikermi près d'Athènes. M. Toula a signalé l’ana- logie de ces restes avec ceux de Brachydiastema- dherium transsilvanicum Bücxh, tandis que, pour M. von Ziltel, on devrait les rapporter au genre Loptodon Gaudry. Les dernières explorations de l’auteur ont mis en lumière la grande extension des dépôts sarmu- tiens au nord de Varna et sur les bords de la mer Noire, au moins jusqu'au delà de Balcik, où le pla- teau qui s'élève au nord du lac Devno, et qui est coupé à pic du côté du sud et de l’est, se montre couvert tout en haut d'une nappe épaisse de bancs coquilliers sarmatiens, avec calcaires troués, ooli- - thes et grès du même âge. Mactra podolica, Tapes gregaria, Cardium obsole- tum, C. protractum, Buccinum duplicatum, Trochus ef. pictus, Paludina Frauenfeldi sont les espèces les plus - abondantes de ce dépôt,'où les Cérithes sont rares. Sur le versant du Bujuk-Franga, au nord-ouest de Varna, existe un banc de calcaire compact avec Gastropodes fortement enroulés (Cérithes). Le dé- veloppement des marno-calcaires sarmatiens est particulièrement considérable près de Balcik, où la forme typique de Mactra podolica est accompa- gnée d’une masse de formes à valves épaisses, petites et de contour nettement triangulaire, distin- guées par M. Toula sous le nom de Yactra bulyariea. Beaucoup d'espèces nouvelles leur font cortège, entre autres 7'urbo Barboti, déjà trouvé à l’ouest, dans le district de Timok, ainsi qu'à Varna. Les Gastropodes herbivores y abondent. Au-dessous apparaissent des grès et des marnes à Foramini- fères (Polystomella). Il està remarquer qu'au sud de Varna on ne revoit les dépôts sarmatiens que près de Misivri et de Bourgas, c'est-à-dire de l’autre côté de la chaine. Au nord de Varna, sous les dépôts en question, apparaissent, remarquablement développées, les couches à Spaniodon, que M. Toula a fait connaitre antérieurement sur le bord méridional du golfe de Varna ainsi que sur la route conduisant à Bour- gas. Ces formations ont une certaine analogie avec celles de la côte sud-ouest de Crimée. Au-dessous du Sarmalien, on voit d'abord des grès tendres, marneux et des sables sans fossiles, qui surmontent quelques bancs minces et solides où abonde Spa- niodon Barbotii. En raison des nombreuses bacil- laires trouvées par M. Pantocsek, M. Toula les nomme schistes à dialomées. Vs surmontent les sables et grès à Spaniodon, dont la base est formée par l’oolithe à Peclen. Les eouches à Spaniodon paraissent s'étendre Jusqu'à la vallée du Kamcik. Elles y sont repré- sentées par des marnes, des calcaires, des grès quartzeux et des sables, où de rares valves de Spa- niodon sont accompagnées des genres /Æelix, Bithy- nia et Rissoa. Leur toit est un calcaire à ?Aole bulgarica . L'oolithe à Pecten renferme un très grand nombre d'échantillons de Pecten cf. Eichwaldi Res., avec Chama minima, Lucina ef. Dujardini Desh. et de petits cérithes ornés ; mais quelques formes rap- pellent le Sarmatien. Plusieurs bancs de marnes subordonnées sont très riches en Æ/elir Varnaënsis, qu'accompagnent des bivalves marines de petite taille, entre autres Zrvilia pusilla. En somme, bien que l’oolithe à ?ecten soit à la base des couches à Spaniodon, 1 est à remar- quer que ces dernières, aussi bien que les dépôts sarmaliens superposés, peuvent prendre locale- ment des faciès oolithiques très semblables. N 3. — Dépôts éogènes. Le tertiaire ancien est représenté, avec cerli- tude, par l'Oligocène et l'Eocène. L'une des trouvailles les plus intéressantes estcelle d'une fauneoligocène inférieure au bord de la lagune de Vajakioï, à l’ouest de Bourgas. Nummulites Beaumonti s’y ren- contre avec une riche faune de Gastropodes et de P élécypodes, que M. von Kœnen a étudiée, et qui fait ressortir la grande analogie du gisement de Bourgas avec ceux de Sokolow dans la Russie méridionale, de Brockenhurst (île de Wight), d'Helmstädt, de Bünde, du Samland et de la mer d'Aral. Bourgas établit donc une jonction entre la mer oligocène du nord de l'Allemagne et celle du versant sud des Alpes, et ainsi se confirme l'hypothèse, émise par M. von Kœænen, que ces deux mers ont dû communiquer par l’est. Il convient de mentionner les #”arnes à cyrènes (Cyrena semistriata Desh.) qui apparaissent entre Calikavak et Aitos, au milieu de la zone du flysch. Un gisement de même äge, dans le district de Camdere, a fourni des nummulites et des Zifho- thamnium. Ces formations paraissent très déve- loppées aux environs de Bourgas. Des Nummulites ont élé retrouvées en de nom- breux points. Elles étaient déjà connues à Tirnova, dans le flysch de Gabrovo, près de Sliven et dans le Balkan d'Eminé, où elles apparaissaient avec les genres Assilina, Orbitoides, en compagnie de Serpula spirulæa. Depuis lors, M. Toula a reconnu, à Gebedze, la présence de calcaires à nummulites, concordant avec la craie à Belemnitella mucronata. Le gisement, depuis longtemps indiqué, de grès à num mulites, qui, à l’ouest de Varna, supporte les couches à Spaniodon , a été reconnu pour un dé- bris d’une couverture bien plus étendue qu'on ne l'avait d'abord admis. Le même grès existe encore près de Provadia, où il est riche en nummuliles et en alvéolines. Près de Varna, des grès à grandes 50% nummulites renferment, avec des anomies, des exemplaires à coquilles exceptionnellement épais- ses d’Ostrea gigantica Brand. $ 4. — Le fiysch du Balkan et de la Sredna Gora. Iln’y a pas de doute que la formation du Flysch balkanique ne renferme, comme c’est le cas par- tout ailleurs, des couches allant de la Craie supé- rieure jusqu’à l’Oligocène. Distinguer, dans la ré- gion, un flysch éocène et un flysch crétacé, est chose actuellement impossible. Pour le moment, M. Toula a dû se borner à séparer un certain nom- bre de types, se distinguant par leurs roches ou par leurs fossiles; ainsi les calcaires à silez au nord de Sliven et au sud de Gulica ; de même les schistes marneux et les calcaires marneux; puis les grès ten- ‘dres clairs, se débitant à Pair en boules (0Osman- bazar, Urbica, etc.) ; enfin les trainées de flysch à hiéroglyphes et à fucoides. Les premiers sont surtout nets au nord d'Osmanbazar, au nord-est de Sliven et sur la route de Varna à Bourgas, où se trouvent de beaux échantillons des Palæodictyum ponticum et Zoophycos (?) bulyarica. Une séparation s'impose aussi pour les grès, schistes marneux et marnes calcaires de la Sredna Gora et du Karadza Dagh, souvent associés à des tufs d'andésite. C'est à Burgudzi et Aïlos, au sud, à Bairamdere au nord du Balkan de Calivalak, que les fossiles indi- quent le plus nettement du flysch crétacé. $ 5. — La formation crétacée. 1° Dans le Balkan.— Dans tout le territoire oceu- pé par le flysch, il y a, comme nous venons de le dire, des gisements de fossiles crétacés, dissémi- nés aussi bien à l’est et à l’ouest qu'au nord et au sud; de telle sorte qu'on en peut légitimement conclure que la formation occupait, dans l’origine, tout l'espace où se manifeste aujourd’hui le flysch balkanique plissé. Ainsi, le crétacé supérieur, avec huitres voisines d'Ostrea vesieularis, est connu au nord de Kotel. La craie à inocérames se montre entre Binkos et Sarijar comme autour de Sliven, et cela sous une forme pétrographique rappelant absolument les marno-calcaires à ananchytes el à inocérames du Balkan central. Des roches tout à fait analogues se voient sur le versant sud du Bal- kan de Urbica, et Hochstelter a signalé la craie à inocérames dans la Sredna Gora, près du bord du bassin de la Toundja. Enfin une ammonite de type crélacé a élé trouvée près de Bairamdere. Le Cénomanienparaitreprésenté en certainspoints, notamment près de Calikavak, où il y a des cal- caires à nucléolites. L’Urgo-aptien peut réclamer les couches à orbito- lines de Kotel (qui montent en partie jusqu’au A. DE LAPPARENT — LA STRUCTURE ET L'HISTOIRE DES BALKANS Cénomanien, comme le prouvela trouvaille d'Acan- thoceras Mantelli), ainsi que les calcaires à caprotines des chaines de Sliven et de Calikavak. Des schistes marneux, d'âge néocomien incon- lestable, apparaissent comme suite de la zone néocomienne d'Elena, au nord de Catak et à Hui- van. Belemnites dilatatus et divers Aplychus prouvent le bien fondé de cette attribution. Ces marnes dé- montrent que le néocomien, si répandu en couches peu dérangées dans le pays pré-balkanique, s'étend aussi sur le territoire des grandes dislocations de. la chaine. Dans le défilé qui se trouve au nord du massif de Preslav, on a recueilli plusieurs ammo- nites, dont les unes, comme /Æoplites cryptoceras, permettent une détermination rigoureuse pour l'âge du terrain, tandis que d’autres, comme cer- taines formes de Desmoreras, d’Holcodiscus et de Schloenbachia (?\, fournissent des indications un peu moins précises. 2° Dans le pays pré-balkanique. — La limite sep- tentrionale des grandes dislocalions affectant le flysch crétacé el terliaire s'étend à l’est jusqu à la grande vallée de l’Alkili Kamcik; après quoi, elle se dirige vers l’O.-N.-0. ù C'est en couches absolument exemptes de dislo- calions où du moins presque horizontales, que le Crétacé apparaît dans les plateaux qui s'étendent à l’est du massif isolé de Schoumla jusqu'au delà de Varna, en même temps qu'on les voit se pour- suivre très loin vers le nord. Ils forment ainsi la continuation de la zone crélacée au faciès nord- européen, qui apparaît à découvert sur les bords du Vid, de l’Osma et de la Jantra. Cette zone joue, en avant du flysch balkanique plissé, le même rôle que la craie supérieure du nord-est de la Galicie, relativement au flysch et aux grès des Carpathes. Le couronnement du plateau crétacé de Schoumla est formé par le Sénonien supérieur à silex, riche en fossiles, comme Ananchytes ovala, Ostrea vesicu- laris, O. Matheroniana, Vola quadricostata, Ænocera- mus Cripsi, ele. Get étage se retrouve aussi à Prova- dia sous le grès ànummulites. Au-dessous vient le Turonien supérieur. A Schoumla, c'est un grès fin à 7igonia scabra. A Provadia, c'est une marne crayeuse et sableuse à. inocérames, avec grès glauconieux. Ces dépôts sont faciles à paralléliser avec ceux de Crimée. Au sud-ouest de Provadia, le Crélacé supérieur apparait dans un défilé, sous forme de bancs plongeant vers le nord. On y voit des calcaires à silex avec grosses Térébratules (Zerebratula bulya- rica), des calcaires sableux à Orbiloides et Ostrea cf. vesicularis, desgrès verts à Janira quinquecostata, ete. C'est un morceau de la formation qui commence A. DE LAPPARENT — LA STRUCTURE ET L’HISTOIRE DES BALKANS 505 à subir l'influence des dislocations balkaniques. Non loin de Gebedze, on observe des marnes sableuses à nombreux Spongiaires, supportant des -argiles plastiques avec Desmoceras, dont l’un est D. Beudanti, tandis que l’autre se rapporte à une forme connue dans le Barrémien de Wernsdorf. Ces formations sont couronnées en concordance par des grès à Janira quinquecostata et Rhynchonella com- pressa, au-dessus desquelles vient la marne blanche crayeuse à Belemnitella mucronata, Inoceramus Cripsi, Terebratula carnea, Rhynchonella octoplicata. Enfin l'existence du Cénomanien supérieur semble prou- vée près de Schoumla par l'existence de radioles des Cidaris Sorigneti et C. cf. subvesicularis, avec les Ostrea haliotoitea et O. laterahis. Ges fossiles sont contenus dans des grès calcaires à gros grains, qui rappellent certains membres de la craie de Bohème. Le Crétacé inférieur est également très déve- loppé dans la plaine pré-balkanique. C'est surtout autour de Routschouk que domine le faciès des calcaires à requienies et des couches à or- biltolines. M. Toula a recueilli au bord même du Danube, ainsi que dans la vallée du Lom, de nom- breux Rudistes, Requienia Petersi, R. cf. ammonia, R. cf. gryphoides, Monopleura aff. trilobata. Les cou- chessableuses oolithiques à orbitolines renferment, avec Orbilotina lenticularis, des polypiers et des ra- dioles d’oursins. Le Barrémien est représenté à coup sûr aux envi- rons de Rasgrad, par des couches fossilifères qui concordent parfaitement avec les formations de même àge des Alpes françaises. On y trouve, entre autres, Desmocceras difficile, Holcodiscus Perezianus, Crioceras cf. Tabarellii, C'. dissimile, Ostrea aquila. Du reste, il existe à Rasgrad des horizons inférieurs, comme les couches à Æolcodiscus incertus et celles qui renferment des types du Hils de Hanovre, Hoplites oxygonius Neum. et Uhlig, Crioceras cf. curvinodus. Le Néocomien moyen existe sûrement près de Schoumla, où il est représenté par des couches à Holcodiscus Astierianus, Crioceras Duvali, Haploceras Grasianum, Belemnites cf. subfusiformis. Il y a lieu de mentionner la présence, entre Rasgrad et Eski Djouma, de couches à Criocères rappelant les ©. difficile et C. Villersianum. Dans le Balkan de Derbent, Æoplites cryploceras abonde, avec Crioceras Duvalii. Mais M. Toula y a également recueilli un AÆoplites cf. Malbosi, qui indiquerait la présence de l'horizon de Berrias, ainsi qu'un échantillon d’Apéychus Didayi. Le dernier voyage de l’auteur lui a permis de démontrer la grande extension des marnes néo- comiennes, qui affleurent partout à la base du plateau de craie. Au nord-ouest de Provadia, Be- lemnites dilatatus se recueille en nombreux indi- vidus. Les mêmes marnes à Bel. dilatatus se mon- trent près de Schoumla, et pénètrent jusque dans la région du flysch, comme le prouve la trouvaille faite à Huivan. Les marnes néocomiennes se poursuivent au sud de Schoumla jusqu'auprès du Kamcik, où l’on trouve à la fois Bel. dilatatus et B. minimus, avec Desmoreras ef. Beudanti et Hoplites cf. interruplus. N 6. — Jurassique. Le Jurassique n'apparait au Balkan oriental, comme le trias, que dans la région plissée au mi- lieu du flysch. Les affleurements sont beaucoup plus limités que dans le Balkan occidental, où M. Zlatarski a trouvé (massif de Berkovica) des fossiles du Jaln et du ZLias. Dans le Balkan oriental, le Jurassique ne semble apparaitre qu'à la faveur de dislocations qui l’ont fait pointer au dehors. Tel est l’affleurement de grès à bélemnites qui surgit à Eski-Djouma au mi- lieu du néocomien très disloqué. Près de Kotel, M. Toula a recueilli un calcaire à Pentacrinites ef. basaltiformis nudus, et des bélemnites qui semblent indiquer B. tripartitus en même temps que B. gigan- teus (lequel aceuserait le Bajocien). Le défilé de Ca- likavak montre des calcaires à Spiriferina Walcotti, Terebratula cornuta. N 7. — Trias. La connaissance du Trias dans le Balkan oriental a réalisé un nouveau progrès, depuis que les Hydrozoaires de Kotel, attribués d’abord au Céno- manien à titre de Parkeria, ont été restitués par M. Steinmann aux Aeterastridies. Ce qui est remar- quable, c'est que plusieurs des espèces déter- minées n'étaient connues jusqu'à présent que du Karakorum ou des Indes. Les quartziles triasiques de Binkos représentent la plus ancienne formation sédimentaire du Balkan oriental. $ 8. — Roches éruptives. On trouve au Balkan oriental des granites, des porphyres, des porphyrites et des andésites. Des lufs andésitiques et palagonitiques les accompagnent, ainsi que des mélaphyres, des porphyrites micucées et une suénile micacée à augile. II. — APERCU DE LA TRCTONIQUE DU BALKAN. Dans le deuxième volume, consacré à l’Europe, de la Länderkunde de Kirchhoff, M. Théobald Fis- cher, s'appuyant sur les documents recueillis jus- qu'alors, a donné en 1893 un aperçu général sur la constitution géologique de la péninsule Balka- nique. En beaucoup de points, cet aperçu est en 506 A. DE LAPPARENT — LA STRUCTURE ET L’'HISTOIRE DES BALKANS parfaile harmonie avec les vues exposées à di- verses reprises, nolamment en 1890 et 1891, par M. Toula. Ce dernier, notamment, avait fait res- sortir l'opposition qui existe entre les chaînes plissées de l’est et du nord-ouest, d’une part, el le territoire à compartiments disloqués de l’est el du sud-est, territoire comprenant les Balkans. Comme limite approximative des deux régions, il indiquait la ligne qui va du Volo à l'embouchure de la Drina dans le Danube. il montrait enfin comment, à l’est des chaines nettement plissées, avec la direction des Alpes dinariques, entre ces chaînes et les montagnes plissées, de même direc- tion, de la Serbie orientale, venait s’intercaler un fragment de roches anciennes, dirigé du sud-est au nord-ouest. Ce fragment, qui se reliait au grand massif rouméliole, apparaissait ainsi comme un éperon envoyé au nord-ouest par l’ancien conli- nent, auquel appartient, avant tout, le lerritoire disloqué de schistes cristallins qui constitue le massif du Rhodope ou du Despoto-Dagh. Parmi les éléments qui viennent d’être mention- nés, il ya lieu de faire ressortir quatre distriets principaux : 1° La plaine pré-balkanique du nord; 2% le système plissé du Balkan ; 3° la chaine méri- dionale située en avant (Sredna Gora); 4° le district d’éruptions qui va de Jambol par Aïtos à Bourgas. M. Fischer a désigné la troisième de ces indi vi- dualités sous le nom d’Antiballan, désignation qui pourrait sembler très bien appropriée, si elle n'avait l'inconvénient de créer un terme nouveau pour un accidentdéjà connu sous le nom de Sred- na Gora. Quoi qu'il en soit, et malgré la concor- dance générale des vues que M. Fischer a pu con- cevoir dans son cabinet avec celles que l'observa- tion du terrain a suggérées à M. Toula, celui-ci croit devoir faire, relativement au chapitre en question de la Züänderkunde, un certain nombre de réserves. En premier lieu, il ne croit pas que le Balkan tout entier doive être considéré comme un fragment du massif à compartiments disloqués. Il y à, dans l’est de la péninsule balkanique, liaison intime du Balkan avec le massif en question. Mais le Balkan n’est pas, comme dit M. Fischer, le pro- duit d'une dislocation wrilulérale infligée au massif, et ce n’est pas à l’Ezrgebirge saxon qu'il convient de le comparer. Le Balkan ne doit pas non plus, sans autre explication, être dépeint comme « l'ar- rêle saillante du versant nord du compartiment archéen », el il ne convient pas d'affirmer que « les roches cristallines n'apparaissent que sur le côté abrupt el faisant face au sud de la cassure, tandis qu'au nord, du côté où le compartiment s'incline doucement, elles vont disparaître sous la couverture crétacée du plateau bulgare ». C’est avec les Carpathes qu'il eût mieux valu comparer le Balkan, ainsi que Boué l’a fait depuis long- temps. Attribuer le flysch plissé de la chaîne à des « plissements d'ordre secondaire » est aussi peu justifiable que si l’on voulait étendre la même ex- plication aux Carpathes de Transylvanie. Une autre affirmation n’est pas mieux fondée, à savoir celle d’après laquelle les roches du plateau. bulgare apparaissent près de la ligne de crèteet la dépassent irès rarement au sud. Les formations. voisines de cette ligne appartiennentpresque toutes. au faciès du flysch fortement plissé, tandis que ce mode de développement ne joue aucun rôle dans. le plateau bulgare. Enfin,on ne voit pas bien pour- quoi la présence du Paléozoïque dans le Balkan occidental serait mise en doute, puisque l’un au moins des systèmes paléozoïques, le Carboniférien, est représenté par un nombre suflisant de gites fossilifères. En revanche, il est parfaitement exact de dire que les grès analogues au grès carpathique prennent, vers l’est, une part croissante à la con- stitution de la crêle. Voici maintenant comment M. Toula croit qu’on peut retracer la tectonique et l’histoire du Balkan, sous les réserves quecomporte l’étalencore incom- plet de nos connaissances : $S 1. — Balkan oriental. Les formations les plus anciennes sont les schistes crislallins archéens el les massifs grani- tiques qui s'y montrent, comme dans le Balkan de Berkovica. Ce sont, en fail, des fragments d’un an- cien massif fracturé, tout comme sont les compar- timents archéens de l’Erzgebirge hongrois el tran- sylvanien. Ces roches ont élé soumises, dans le Balkan occidental, aux mêmes eflorts de refoule- ment el de compression qui se manifestent dans les montagnes de la Transylvanie et du Banat. On peut les considérer comme des morceaux de l’an- tique continent dont K. Peters en 1863, et M. de Mojsisovics en 1880, ont les premiers établi l'exis- tence. Dans l’extrémité occidentale de la chaine, M. Toula les a vus se présenter sous la forme d'un petit district d'abrasion. Ce sont les bords morce- lés elles apophyses de la masse principale, de- meurée dans le Rhodope à l’état de massif impor- tant, etrappelant tout à fait les pays d'anciennes montagnes rabotées, comme lenoyau hercynien et le Plateau central de la France. Un fragment, ou une série de fragments de cet antique continent, s'avancent en coin, comme il à déjà été dit, entre les formations sédimenlaires de la Serbie orientale et de la Haute-Mésie, d’une part, et le Balkan occidental, de l’autre. Pendant ce temps, un compartiment distinct du premier joue un rôle important dans les parties culminantes du Balkan occidental, où ses roches aflleurent en A 628 DOG À ue ge PAR A LS 7 Vo mix étend Peur mens r de A. DE LAPPARENT — LA STRUCTURE ET L'HISTOIRE DES BALKANS 907 partie aujour, ou bien forment le soubassement des grès rouges aux formes bizarres, qu'on voit sou- vent s'élever jusqu'à près de 2.000 mètres d’alti- tude. Vers l’est, ces apparitions du substratum an- cien deviennent de plus en plus rares. Néanmoins, le fait de la continuation du terrain en profondeur est attesté par l'apparition de petits pointements graniliques isolés au milieu du flysch, ainsi que par la fréquence des blocs de même nature dans les conglomérats. Au commencement de la période crétacée, le terrain cristallin devait encore appa- raitre sous la forme de montagnes et de chaines. Dans le Balkan d'Eminé, ces apparitions n’ont plus lieu, et on ne trouve que des blocs andésitiques et porphyritiques. C'est au sud de celte zone de fragments isolés et repris par le soulèvement balkanique qu'appa- raissent les masses continues, qu’on voit s'élever au delà de 2.300 mètres dans la région de la crête (Elropol, Teteven, Trojan, Kalofer). Là, de larges contreforts réunissent ces pointements au grand massif cristallin du Rhodope, en sorte que celtepor- tion de la chaine constitue vraiment le bord septen- trional du territoire ancien de la partie orientale de la péninsule. Un intérêt tout spécial s'attache à ces protubé- rances cristallines à l’est de Kalofer, surle cours supérieur de la Toundja, dans le domaine du grand affaissement qui s'étend de Kalofer à Binkos, sur environ 100 kilomètres, au centre même du territoire cristallin. Là se dessine une zone de grandes cassures, comme il serait difficile d’en rencontrer une plus nette. Le bord septentrional du compartiment brisé forme le pied sud du Bal- kan central, tandis que l’autre est la Sredna Gora ou Antibalkan de Fischer. Dès 1884, M. Toula signalait l’alignement des sources thermales le long de celle cassure, qui parait se croiser avec une autre fracture, courant à l'O.-N.-0. vers Sofia. Dans celle zone fracturée, à l'exception d’un calcaire triasique etde quelques calcaires marneux d'âge indéterminé, il n'existe sur le bord méridio- nal du Balkan aucune roche sédimentaire. On n'a donc pas le droit d'aflirmer que la cassure soit du même âge que l'effondrement du bassin lerliaire de Sofia. Ce qui permet d'admettre, pour la for- malion du bassin oriental de la Toundja, un âge plus ancien, c'est la présence des dépôts oligocènes aux environs de Sliven. À la vérilé, ces dépôts ont été affectés par les grandes dislocations finales de la chaine; néanmoins ils indiquent l'existence d'un golfe, qui a pu s'étendre plus loin vers l’est et lenord-ouest. Peut-être se poursuivait-il sur le territoire occupé aujourd’hui par les andésites et leurs tufs. Cependant, les trouvailles d'inocé- rames, faites dans les tufs des environs d’Aïtos, indiquent queles éruplions avaient déjà commencé pendant le dépôt du Crétacé supérieur. En tout cas, la vallée longitudinale de l’intérieur du Balkan, comme l'appelle Fischer, forme l'un des traits les plus remarquables de la péninsule, et son origine doit vraisemblablement être recher- chée dans quelques-uns des épisodes tectoniques qui ont produit le refoulement et le plissementdes formations sédimentlaires de la chaine. Elle suit en général la direction des plis. Les ruptures qui l’ont engendrée sont lout à fait analogues à celles qui accompagnent le pied méridional des Alpes et celui des Carpathes. Comme pour ces derniers, on voit au nord un grand plateau crélacé qui at- Leint le Danube, tandis que les anciens comparti- ments apparaissentau sud, el de puissantes masses éruptives se sont aussi fait jour dans la partie orientale du territoire de dislocation. Dans les deux régions, entre la plate-forme crélacée et les anciens massifs, le flysch a été comprimé. Seule- ment l'énergie de la compression, comme la puis- sance du flysch, paraissent avoir élé un peu moindres dans les Balkans que dans les Carpathes. Cette moindre épaisseur expliquerait la fréquente apparilion de roches anciennes au milieu des affleurements de flysch, surtout à l’est. A ces influences tectoniques il faut ajouter celle de cassures transversales, comme en révèle la trainée des cones basaltiques qu’on suit sur 40 kilo- mètres dans la plaine enavant du Balkan central. Celte trainée, située entre la Jantra et l'Osma, tra- hit une cassure perpendiculaire à la chaine, etil en doit être de même du basalte qui traverse le granit au N.-E. de Kazanlik, ainsi que des andé- sites qui apparaissent dans la zone du flysch. Préciser le moment où s'est produit le refoule- ment avec la surrection de la chaîne, n’est pas aussi simple qu'on le croirait au premier abord; et cela tient aux différences que présentent entre elles les parties occidentale, centrale et orientale du Balkan. En se bornant à l’est de la chaine, où les conditions paraissent le plus simples, on ar- rive à la conviction que, les dépôts oligocènes de Sliven ayant pris part au plissement, c'est après l’'Oligocène et avant le dépôt des couches à Spario- don, autrement dit lors du Miocène inférieur qu'a dû se produire la résolulion et la phase principale de l'effort. En effel, tandis que les parties de la plaine pré-balkanique les plus'voisines’ de la zone plissée ont eu leur part, restreinte d’ailleurs, de la dislocalion générale (leurs couches faiblement in- clinées le démontrent), on voit, dans le même dis- trict, les oolithes à Pecten et les couches à Spanio- don demeurer horizontales, abstraction faite de troubles locaux. Evidemment, ces couches néogènes ont rempli 508 A. DE LAPPARENT — LA STRUCTURE ET L’HISTOIRE DES BALKANS un grand golfe au nord et ausud de Varna. D'autre part, il a déjà été question de dislocations anté- rieures à la Craie supérieure et visiblesà Provadia, ainsi que de mouvements beaucoup plus récents, comme ceux qui ont causé la présence de coquilles marines méditerranéennes au sud du lac Deyno. $ 2, — Balkan central. Les circonstances du Balkan central sont un peu plus compliquées. Là, en dehors des plis et des conlournements duflysch, on reconnait, au milieu même de ce dernier, de profondes cassures longi- tudinales, et il est visible que la compression de la haute chaine a été assez forte pour redresser les couches jusqu’à la verticale, même pour déter- miner des chevauchements. Pour cette partie de la chaîne, il convient aussi d'admettre des refou- lements répétés à diverses reprises, el quelques- ups de date assez ancienne. Le grand massif cris- tallin à l’ouest de la Toundja paraït avoir agi à cette occasion commeun môlerésistant placé entre deux zones sédimentaires, celle du Balkan d’une part, etcelle, affectée de dislocations si compli- quées, de la Sredna Gora. Plus loin vers l’ouest, la zone sédimentaire du sud vient à manquer. Là, c’est seulement le bord du massif du Rhodope qui prend part à la forma- tion de la crête principale. Le flvsch, ainsi que les calcaires et marnes du crétacé, n’éprouvent que des plissements modérés au nord de Trojanski Monastir ; mais, sur la crête, les grès du flysch ont subi une dislocation énergique, etla pression des terrains anciens les a fortement froissés en lespor- tant jusque sur les cimes culminantes. De même, c’est certainement sur des plans de rupture ou de chevauchement que les iambeaux triasiques el ju- rassiques de la région ont été amenés au jour. $ 3. — Balkan occidental. Une autre allure encore se fait jour dans la par- üie de la chaine la plus intéressante au point de vue géologique, c'est-à-dire le Balkan occidental. Là, M. Toula considère les schistes cristallins comme affectés de plis probablement très anciens, dont les anticlinaux seraient marqués par les af- fleurements graniliques. Outre le massif principal de Kom, on les voit former près de Berkovica un noyau plus petitet plus profond qui émerge à lra- vers une auréole de schistes en parlie paléozoïques, dans des conditions qui laissent soupconner une forte abrasion. C’est là que le granit et les schistes cristallins prennent la plus forte part à la consti- lution de la crête; c'est là aussique les grès rouges et blancs (permotriasiques pour l’auteur) jouent vraiment un rôle prédominant. Mais au sud, sur Ja Temska, une zone sédimentaire, complètement différente de celle du Balkan central, se montre comprimée, et non seulement les grès précités, mais les calcaires et les marnes du trias inférieur, y deviennent un élément très imporlant. Par Jeur faciès spécial, qui dépasse à peine le Balkan occi- dental et atteint tout juste à l’est le défilé de l’Is- ker, ils se montrent comme l’une des caractéris- tiques de cette partie de la chaine. Ce qui complique encore les conditions de cette zone sédimentaire méridionale, c'est l’apparition des marnes à Crioceras, sur lesquelles reposent, largement développés, les calcaires à Caprotines, polypiers et nérinées, formant des plateaux du type du Karst. Au milieu surgit un pointement des ro- ches du Lias et du Dogger, avec un facies propre au Balkan. Pour cette partie de la chaîne s'impose l'hypothèse de transgressions marines muiliples; aussi son hisloire est-elle encore plus compliquée que celle des districts orientaux. Ici peut-être, en dehors des phases orogéniques post-crétacées, il convient d'en admettre une ou deux après le dépôt du Néocomien et une avant la formation de la Craie, sans préjudice de l'ancien mouvement paléozoïque. Les lacunes de la série sédimentaire permettent de conclure à de longues périodes d’érosion, dont la plus importante se placerait dans les temps paléozoïques. Du reste, celte période peut avoir duré dans le Balkan central plus longtemps qu'à l'ouest, où la présence du Carboniférien et même du Permien est démontrée. Des phases analogues ont dû se répéter entre le Trias moyen et le Lias supérieur, puis dans le Dogger, et atteindre leur plus longue durée sur le Balkan oriental. Dans l'ouest, l'Eocène tout entier manque ou parait man- quer. Du Miocène il n’a élé trouvé non plus aucune trace. S 4. — Conclusion. En définitive, les faits actuellement constatés nous permettent de tracer comme il suit les phases de l’évolution du Balkan : Dans l'origine, un grand continent de roches cristallines atteignait le Danube et le dépassait même au nord. Ce massif se brisa en comparti- ments, qui furent diversement comprimés les uns contre les aulres et eurent à subir une dénudation ultérieure, tandis que dans le grand massif du Rhodope ils restaient unis jusqu'à la transgres- sion principale, qui se fit sentir au début du lerliaire. Les territoires de la bordure s’'enfon- cèrent pour la plupart, descendant à de grandes profondeurs dans le pays pré-balkanique,alors que, dans le Balkan proprement dit, ils étaient partiel- lement entrainés dans les mouvements orogéni- ques, formant ainsi des protubérances dont une | À En 14% A. DE LAPPARENT — LA STRUCTURE ET L’HISTOIRE DES BALKANS 509 parlie eut à subir une forte dénudation vers la fin des temps mésozoïques. Les lignes de sources ther- males prouvent que les dislocations et les fractures ont pu durer jusqu’à une époque très peu éloignée de nous. Dans la région du Balkan, le continent s’est maintenu jusqu’au début du Trias: car le carboni- férien d'origine terrestre, les grès et conglomérats du Permienet du Trias inférieur,se poursuivent vers l’est jusqu'à l’Isker. C'est à la fin de cette période que pourraientse placerles éruptions porphyriques de Sliven. Le Trias inférieur, probablement aussi -le Trias moyen, sont surtout représentés par des dépôts marins d'eaux peu profondes, et de facies tantôt alpin {calcaires à Crinoïdes et à Brachiopo- des), lantôt médio-européen (Wellenkalk). Dans le Balkan oriental, les marnes à Héterastridies de Kotel accusent un élément de caractère indo-alpin. Du reste, la série des assises triasiques n'offre qu'un développement très incomplet et inégal. Après une interruption, la mer est revenue à l'époque du Lias, dont le terme inférieur (celui qui au Banat renferme de la houille) parait faire tota- lement défaut dans le Balkan. Les formations lia- siques de la région s'étendent jusqu'au niveau des couches à btfrons. Pendant le Dogger ct le Malm, il y eut de nouveau des émersions. Dans le Balkan occidental, on constale la présence de l'oolithe inférieur, landis que c’est le Malm supérieur qui apparait à la fois dans l’ouest et dans le centre, et que rien d’analogue n'a encore été reconnu avec certitude dans ta chaine orientale. L'étage Tithoni- que est peut-être représenté à l’ouest par certains calcaires à nérinées; il est seulement indiqué dans la région centrale, et on n’en connait rien à l’esl. En général, le Trias et le Jurassique de la région balkanique semblent offrir la même distribulion. C'est la série des formations crétacées qui est le plus complèlement développée, et cela aussi bien dans toute la longueur de la chaine que dans la plaine pré-balkanique du nord. Un des phénomènes les plus frappants de la contrée est le contraste si tranché que présentent, dans leur faciès pétrographique, les roches créla- cées du Balkan. Entre la région du flyschet le pays pré-balkanique, il y a sous ce rapport des différen- ces considérables, qui nous obligent à admettre que les roches de la première région sont surtout des formations de rivage et d’eaux peu profondes, landis que, dans la seconde, elles affectent tantôt le faciès de l'Allemagne du Nord (Cénomanien et Sénonien), lantôt celui des Alpes Néocomien et Urgo-aptien); l’un et l’autre ne pénétrant dans la zone du flysch que toul à fait en passant (couches à Orbitolines et à Caprotines, marnes à Inocé- rames). Tandis que le Balkan occidental ne révèle aucune trace des mers éocènes ou oligocènes, de sorte qu'on y conslale une lacune allant jusqu’au Surma- tien, le Balkan oriental montre aussi bien des grès à nummulites que des formalions marines ou sau- mâtres d'âge oligocène. Ces dépôts lertiaires en- voient quelques trainées à l’ouest jusque dans la région de Tirnova (au delà de la Jantra), el au sud, jusqu’à Gabrova ainsi les couches à charbon du Balkan dans la zone du flysch.. C'est avec la Craie supérieure (Lufs à inocérames d’Aïlos) qu'ont commencé les éruptions, principa- lement andésiliques, qui se sont poursuivies durant l’'Eocène. Dans le pays en avant du Balkan central, on connait à Plevna le Miocène marin (7egel de Baden), qui autrement n’a jamais élé retrouvé sous cette forme dans le Balkan ou le pays pré-balkanique, pas même dans la Dobroudja. Cela correspond à une grande lacune dans les formations sédimentaires. Le Balkan oriental nous offre le faciès Lout spé- cial des couches à Spaniodon, avec une indication d’un Miocène marin de caractère particulier, celui des couches à Zucina, des oolites à Pecten et à Chama, des couches à PAolas. Avec ses intercalations d'as- sises d’eau douce (marnes à //elix), cette série rap- pelle par-dessus tout fes circonstances du sud- ouest de la Crimée. Depuis le dépôt @es marnes oligocènes à cyrènes, la chaine du Balkan est res- tée Lerre ferme, et c’est après cette formation qu’a eu lieu la dernière et probablement la principale phase du refoulement orogénique dans la région du flysch. Le grand écroulement qui, embrassant le pays pré-balkanique, a créé la partie méridionale du bassin de l’Ister (Peters), a dû ne commencer qu'après l'Oligocène, puisqu'aucune trace d'Éocène ou d'Oligocène n'y a élé rencontrée, à la différence de ce qui se passe dans la vasle plaine entre le Danube et le pied des Carpathes. Des dislocations postérieures sont accusées,comme on l'a vu, par la trainée des cônes de basalle au nord du Balkan central, par les éruptions basalliques de Kazanlik et par la rangée des sources thermales. Enfin, les formes méditerranéennes observées sur la rive sud du lac Devno trahissent une dernière modification du niveau de la mer. A. de Lapparent, Aucien ingénieur des Mines, Professeur à l'Institut catholique de Paris. 510 669,1 DEUXIÈME PARTIE : FABRICATION Dans la première partie de ce travail!, nous avons étudié la constitution physique et chimique des fontes et les propriétés qui résultent de cette conslitution. Ces produits étant connus, nous allons essayer de montrer comment on les obtient; nous aurons à considérer, à cet effet, d'abord L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE anglaises, les gisements de divers oxydes de ce métal couvrent d'immenses étendues. 1. France. — De ce fait, la production de la France en minerai se trouve très restreinte (fig. 1), et le taux de l'apport de notre pays dans la pro- duction totale du monde semble 57,000,000 la matière première, offerte par Autres contrees 2.800.000 ton* menacé de diminuer à mesure que : - £ ; juède les divers minerais de fer, puis le © e 25 Haut Fourneau qui la met en œu- 1200.000 tonnes 500,000 1,900,000 tonnes | Autriche Hongrie 2,000,000 trmnes s’accroitra hors d'Europe, parti- culièrement aux États-Unis, le 50.000.000 France 3,650,000 tonnes vre. Le perfectionnement graduel de la fabrication, — dû à l’inter- Espagne 3,350,000 tonnes nombre des fabriques de fontes. Si la production de la fonte atteint | 40.000.000 venlion croissante de la Physique, de la Chimie et de la Mécanique dans l’industrie, — et l'influence Grande Bretagne n,950.000tmmes 40 millions de tonnes en 1900, — « et, comme nous le verrons !, il n’y que ce progrès a exercée lant sur la production que sur les prix de revient, méritent toute l'attention Allemagne et Luxembourg 11, 400,000 tonnes de l'ingénieur. Nous insisterons sur ce point. Nous lerminerons en indiquant la réparlilion des usines sur le sol français, et en Etats-Unis 16, 300,000 tonnes +2000.000 | a rien d'impossible à ce que ce chiffre soit atteint, — on aura à extraire environ 85 millions de 2200000 | fynnes de minerai de fer, c'est-à- dire près de 30 millions de plus ; : | 5000000 | ue l’an dernier. 2, Etats-Unis. — Sans aucun comparant l'importance de leur production à celle des nations ri- vales. I. — MATIÈRES PREMIÈRES. — COUP D'ŒIL SUR LEUR RÉPARTITION DANS LE MONDE. $ 1. — Situation et importance des gisements. Les minerais de fer, — oxydes et carbonate, — que l’industrie de la fonte utilise, sont très abon- dants à la surface du globe. Ils s’y trouvent cepen- dant très inégalement réparlis, comme un simple coup d'œil sur les figures 2 à 7 suffil à le faire voir ?. Sous ce rapport notre pays n'est certes pas le plus favorisé. Autour de nous l’Anglelerre, les pays de langue allemande, l'Espagne se montrent riche- ment pourvus de mines donnant des fonles de qua- lilé estimée. L’abondance du fer est encore plus considérable aux États-Unis. En Russie, aux Indes 1 Voyez à ce sujet la Revue du 30 mai dernier, t. page 467 et suiv. ? Les documents suivants sur les gisements de fer et les cartes des fig. 2 à 7 qui s’y rapportent sont tirés d'un livre publié à Washington, par le Gouvernement des États-Unis, et dont l’auteur de cet article est redevable à M: John Bir- kinbine, qu'il tient à remercier ici de son aimable courtoisie. — The Production of Iron Ores in various parts of the World, by John Birkinbine. Department of the Interior, U. S. Geo- logical Survey. Ch. B. Walcott, Duewor. WUX, Fig. 1.— Produclion des minerais de fer dans le monde entier en 1892. o doute, c'est l'Amérique qui tien- dra la tête. Peut-être pas dans la proportion de 10 millions de tonnes, comme le prédit M. Atkinson; mais réaliserait-elle ce progrès excessif dans sa fabrication de la fonte, que ses propresressourcesen minerais actuellement reconnus seraient loin d’être au-dessous de ses besoins. En jetant un simple coup d’æil sur la carte de cette vaste el riche contrée (fig. 2), on voit que tous les États qui la composent, à l'exception de Lrois, possèdent de nombreux gites de minerais de fer. Ceux du Lac Supérieur ont fourni, dans la période de 1887 à 1893, c'est-à-dire en six années, près de 30 millions de tonnes. Ainsi, l'Espagne, M qui alimente avec ses minerais le plus grand : nombre des Hauts Fourneaux du Royaume-Uni et du Continent, ne produit pas un tonnage supérieur à celui du seul distriet du Lac Supérieur. ++ 3. Espagne. — Cependant l'Espagne (lig. 3, pages 312-513) a des ressources en minerais de fer qui lui permettront d'approvisionner pendant longtemps encore les centres sidérurgiques qui s'y alimentent. En dehors des riches districts de M Bilbao et de Santander où se découvrent encore de nouveaux giles, on a reconnu en Galicie, en 1 Voyez ci-dessous, chapitre IV, pages 535 et suivantes. A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE Andalousie et ailleurs, des amas d’une grande puissance, dont l'exploitation pourrait, en quelques années, porter la production de la Péninsule à 7 ou 8 millions de tonnes au lieu de 5 ‘/,, chiffre de la production actuelle. 4. Afrique. — L'Afrique (fig. 5, page 514) offre 511 6. Australie. — En Australie (fig. 4, page 514), avec ou sans les riches minerais de la Nouvelle- Zélande, les usines à fonte et acier pourront s’éla- blir avec la certitude, sans d'autres recherches, d'y avoir en abondance la matière première. — Les îles de l'Océanie pourraient alimenter l'industrie sidérurgique de la Chine si celle-ci ne — verlKa isas VE ear 20° 2. — Importance el répartition des mines de fer aux Elals-Unis. — (Sont représentés ici les mines exploitées et les gisements simplement reconnus.) de grandes richesses en minerais de fer, non loin même du pays de l'or, en dehors des mines impor- lantes exploitées depuis trente ans dans le Nord de ce continent : Bône, Tafna, elc. D. Russie. — La Russie d'Europe possède de vastes districts (fig. 3, pages 512-513) où le minerai de fer a été reconnu. On ne connait pas encore l'importance de leurs gisements, mais elle doit être très grande. venait à se développer rapidement sur les côtes. 1. Asie. — Mais la Chine elle-même possède en pleine exploitation ses riches mines des provinces de Canton et de Shansi (dans lé Sud) (fig. 7, page 515), capables de fournir à une production de fer de 3 à 4 millions de tonnes. Elle produit actuellement plus de cinq cent mille tonnes de fer malléable obtenu par le procédé direct, el quelques milliers de tonnes de fonte fabriquée eares 6 1 OpEe haguŸ \ ®? _\ GG \. Les grands districts fournissant des minerais de fer sont représentés par des Fig. 3. — Répartlilion des mi | garkhe —\ \ À nerais de fer en Eur hachures; les mines e Ss SD rh d / ope. n exploitation sont figurées par des cercles noirs.] ie - — bee nn TUE 514 A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE surtout au creuset dans la province de Shansi . | 39.492 tonnes en 1889, elle est tombée à 33.395 Mais ses deux Hauts Fourneaux de 2 mètres et | tonnes en 1891. L’habileté du fondeur et du for- 4 mètres de hauteur, qui reçoivent le vent de soufflets maneuvrés à bras (province de Can- ton) vont faire place, bientôt, à deux grands appareils de 20 mètres dehauteurmontésavec tous les perfectionne- ments modernes par des ingénieurs chinois ayan fait leur appren- tissage dans les usines de John Cockerill à Seraing (Belgique). En Sibérie, dans l'AI- taï, sur la frontière de Chine , les richesses minérales en fer sont considérables (fig. 3 et Tjetlahouille de bonne qualilé se trouve à proximilé du minerai. Un centresidérurgique ne tardera pas, sans doute, à s’y établir pour fournir le ma- tériel du Chemin de fer Transsibérien. Le Japon (fig. 7, page 515) renferme des amas de minerais de fer répartis sur toutel’étendue de son sol : minerais magné- tiques, en masses compactes ou en Sa- ble. Plus de 60 mille tonnes ont élé extrai- tes el traitées en 1890. Les Indes anglai- ses (fig. 7, page 515) possèdent de vastes etriches gisementsde minerais, dont la plu- part ont élé exploi- tés aux temps préhis- toriques, pour en Li- rer le fer par le pro- cédé direct que les Basques, émigrés de l'Asie méridionale , ont implanté dans les Pyrénées. L'exploitation en est bien restreinte, et ne fournit la matière première qu'à l’industrie locale. De Fig. 4. — Gisements de minerais de fer en Océanie (à Bornéo, en Australie et Tasmanie). | IFEZZAR, Per, h / (7 Le SAHARA OU GRAND DÉSERT |G.DE GUINÉE x | | | S Paul de Loanda C4 | SUD OUEST MATE À À k > AE AT 2 De ES: 3 Fig. 5. — Gisements de minerais de fer (exploités ou reconnus) en Afrique. geur indiens est prou- vée par des travaux qui datent de bien des siècles; mais, quelle que soit la modicité de la main-d'œuvre, les moyens de produc- tion sont restés trop rudimentaires pour faire la concurrence aux produits de la métropole. L’acier « wootz » est et a élé fabriqué au creuset à une époque qui remon- terait à 1.500 ans avant J.-C., si l’on en croit quelques archéolo - gues; ces savants ont retrouvé des outils portant gravée une date qui en ferait re- monter la fabricalion à celte époque. Le temple de Ka- naruk a son toit sup- porté par des poutres en fer forgé de 21 pieds de longueur (6",400) et de 8 pou- ces carrés (5 décimè- tres carrés) de sec- tion. On suppose qu'il a été construit de 1936 à 1241 de no- tre ère. Enfin au nord, comme au sud de l'Inde, on trouve des conslructions en fer qui remontent au 1v° siècle. Le développement de l’industrie du fer dans l'Inde doit être entravé par l'absence de combustible miné- ral et aussi par le eli- mat trop chaud pour permettre un travail continu et économi- que avec les appareils de production modernes. Il ne serait done pas impossible que l'Inde devint, dans un temps plus ou moins reculé, un grand centre d'exportation de riches minerais pour l'Angleterre. LA A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE 8. Amérique du Sud. — L'Amérique du Sud, en dehors de la Colombie et du Brésil, bien que pos- sédant d’abondants amas de riches minerais de fer (fig. 6), la plupart connus depuis longtemps , n’a qu'une exploitation très restreinte, dont une faible partie alimente la sidé- rurgie locale. Les usines de Praderas, à 40 milles est de Bogota (Colombie), - produisent 70 tonnes de fonte par jour, avec les minerais de la contrée. qui ne fournissent rien à l’exportalion. Le Brésil fournit le mi- nerai à son industrie si- dérurgique locale — du reste très restreinte — et n'exporte pas. Aucune de ces provin- ces ne parail devoir deve- nir un centre sidérurgi- que,mais plutôt, dans l’a- venir, un centre d’expor- | è SE À (Es = Iquique + Fig. 6. — Mines de fer reconnues (la plupart exploitées) dans l'Amérique du Sud. 15 tation de ses riches mi- nerais pour l'Amérique du Nord. $ 2. — Composition des minerais. — Grillage. 1. Nature des minerais. — Les gisements dont nous venons d'indiquer sommairement la répar- tilion dans le monde, se rapportent à quatre sortes de minerais : 1° L'Oryde Fe*0*. Il forme, en Scan- dinavie et dans l’ile d'El- be, des montagnes entiè- res : c’estle mineraile plus pur que l’on connaisse ; 2° Le Sesquioryde anhy- dre KF°0*, qu'on trouve sous deux états: a. cristullisé en rhom- boëèdres, il constitue le fer oligiste, minerai moins ré- pandu que les suivants et qui offre à l'ile d’Elbe et à Framont (Vosges) des gisements célèbres ; magnétique Colombo © Canton Victoria Te 1, @YTa divostol L M. durJap À dun 80° Fig. 1. — Carte des gisements de fer en Asie. — (Seuls les gisements importants ont èté représentés. La plupart sont peu exploités, excepté ceux du Japon et de la Chine.) 16 A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE 6. amorphe, il constilue la malière rouge appelée hématite rouge où ocre rouge ; 3° Le Sesquioxyde hydraté Fe*0°,H20, formant la substance jaune appelée, suivant son aspect phy- sique, limonite, hématile brune où fer oolithique ou pisolithique ; 4 Le Curbonale de fer FeO,CO?, appelé aussi fer spathique où sidérose. Ces composés constituent, en général. des mine- rais riches. C'est ainsi que, en 1892, 57 millions de tonnes de minerai ont donné 27 millions de tonnes de fonte !. Leur degré de pureté varie cepen- dant beaucoup. non seulement d'un minerai à un autre, mais, pour la même espèce minéralogique, d’un gite à un autre. L’oxyde magnétique de Suède offre une purelé remarquable presque com- plète, et, disons-le, loutexceplionnelle. En général, les autres minerais sont accompagnés d'une gan- gue lerreuse, argileuse ou argilo-calcaire, qui à forcément compliqué les procédés d'extraction. La méthode générale consisle à réduire l'oxyde par le charbon, sous l'influence de la chaleur. Mais quand on applique simplementce principe aux minerais à gangue argileuse, on ne réduit qu'une partie de l'oxyde de fer : une autre partie entre, en effet, en combinaison avec le silicate d'alumine de l'argile, formant ainsi une scorie fusible. À celte méthode, dite catalane, qui donne du fer métallique, mais perd une partie du fer du minerai, on a aujourd'hui substitué, dans la grande industrie, la méthode du Haut Fourneau. Celle-ci extrait du minerai la tota- lité du métal, mais l’obtient sous forme de fonte : dans ce procédé on ajoute au minerai non seule- ment du charbon, mais une substance nommée fondant, destinée à s'unir à la gangue. C'est la nature et le degré d'abondance de cette gangue qui doivent déterminer la nature el la proportion du fondant. La gangue étant argileuse, le fondant choisi est le carbonate de chaux. Ce sel est décom- posé : l’acide carbonique se dégage, landis que la chaux forme avec l'argile un silicate double d’alu- mine et de chaux, constituant le /œitier. Il faut éli- miner celle scorie, mais elle est moins fusible que le silicate d'alumine et de fer; le simple creuset qui constitue le fourneau catalan, ne permettrait pas de la fondre. C'est la nécessité d'obtenir, pour la liquéfier,une température beaucoup plus élevée, qui a conduit à créer la cuve de fusion à grandes dimensions verlicales, aujourd'hui employée par- toul, qu'on appelle le Haut Fourneau. 2, Grillage des minerais. — Le plus souvent, avant d'introduire le minerai dans le Haut Fourneau, on le grille pour en chasser l'acide carbonique, s’il est 1 Ce calcul semble légitime, le fer obtenu par procédé di- rect n’absorbant qu’un tonnage négligeable. carbonalé, pour éliminer l’eau qu’il renferme et aussi en vue d'augmenter sa perméabilité aux gaz. Ce grillage a lieu soit à la mine même, soit à l'usine, avant le traitement d’extraction. C'est là une opération fort simple, qui ne soulève aucune discussion et sur laquelle, pour cette raison, nous n'avons pas à insister. II. — LE HAUT FOURNEAU. Tout le monde connait la disposition générale du Haut Fourneau (fig. 8 et 9) !: L'orifice supérieur, ou gueulard, sert à introduire, par couches successives et alternées (Zi/s de fusion), le minerai de fer mélangé avec son fondant, ou castine, et le combustible. Ce combustible, — coke, houille crue ou charbon de bois, — doit produire à la fois la chaleur et la réduction. La combustion a lieu à la partie inférieure de l'appareil; là, ad 1 mètre ou 4,50 au-dessus du fond, on introduil de l'air sous pression, par une ou plusieurs ouver- tures appelées tyères (C, fig. 8). La fonte, en même temps que la gangue fondue, ou laitier, se forme au niveau des tuyères. Le vide ménagé au-dessous des tuyères, le ereu- set, sert à emmagasiner la fonte, qu'on écoule par intervalle de temps régulier, tandis que le lai- tier, moins dense, la surnage et peut s'écouler à mesure qu'il se forme. $ 1. — Evolution du Haut Fourneau. On fait remonter au xin° siècle l’origine de la fabrication industrielle de la fonte, et on en place le berceau dans le pays de Siegen. Les premiers, fours à cuve à vent forcé portaient le nom de fours soufllés, et ce n’est qu'au xiv° siècle que le nom de Hauts Fourneaux leur aurait été donné lorsqu'en Alsace on eut porté leur hauteur à 5 mètres ?. L'Angleterre aurait construit ses premiers Hauts Fourneaux au milieu du xv° siècle, tandis que ce ne serait que plus de cent ans après qu'on les aurait établis en Allemagne, dans les régions sidé- rurgiques du Har!z et de la Silésie. 1. Combustible. — Cest le charbon de bois, naturellement, qui a élé le premier combustible employé à la fabrication de la fonte, et, aujour- d’hui, c'est encore ce même combustible qui ali- ——__—__——__— 1 Les figures 8 et 9 sont les dessins de deux types de Hauts-Fourneaux modernes, dont l’attirail est fait avec les derniers perfectionnements. Ces deux types, l'un anglais, l’autre allemand (usine de Friedenshutte en Silésie), plus récent encore, présentent sur ceux de 1850 à 1855, datant de quarante ans, un progrès plus grand, peut-être, que ces der- niers sur le type original datant de plusieurs siècles. 2 Voir « le Manuel de la métallurgie du fer, par LeseDur. Traduction française, vol, I, page 383 et suivantes ». Op. cif. M VTT Er CAL) ZE EEE = | Ti RSS a SJ ü DE] s ù S î [ [ (l 1 1 [ pl EE [ u À==== ; 1 1 H | 4 AH 777091 - : EE: f 1 1 744 RRil 1 COLE A ! ; 1 An 1 1 A 1 1 H (een A SE (A S fl 14 S 1! 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Par ces ouvertures, disposées latéra- lement dans ce type de four, les gaz chauds du Haut Fourneau se rendent aux {uyaux de conduile O et y descendent. Ces gaz arrivent aux larges récipients cylindriques P et aux récipients coniques Q, et déposent dans ces derniers les poussières entrainées: les clapets S servent à vider par les tubes R les récipients Q. — Les gaz chauds des conduites 0 sont employés à plusieurs usages : une partis passe dans la cheminée M et sert à éclairer l'usine pendant la nuil; mais la majeure partie des gaz chauds, après élimination (en Q) des poussières entrainées, est employée à chauffer l'air injecté par les tuyères G et les chaudières des injecteurs. — T, bassin d'écoulement de la fonte en fusion. — Les parois, en terre réfractaire, du Haut Fourneau, sont garnies, extérieurement, d'une enveloppe de tôle résistante, qui sert de support, vers le haut, à la plate-forme du gueulard. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. u® >18 A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE mente les Hauts Fourneaux de bien des contrées riches en minerais, couvertes de forêts et où la houille fait défaut *. Mais il n'y a plus aucune proportion gardée entre l'énorme quantité de fonte produite avec la houille carbonisée ou coke ?, et le faible tonnage de celle produite avec le charbon de bois*. C'est en Angleterre qu'a été inauguré l'emploi de ce nouveau combustible à la fabrication de la fonte, dans la première moitié du xvur siècle, et plus de cent ans après le premier essai qu'on y avait fait de la houille crue; mais on ne possède de documents authentiques sur les progrès dont l'uti- lisation du coke marque l’origine dans celte fabri- cation — progrès qui ont été sans cesse croissant jusqu’à ce jour — qu'à partir de la fin du siècle dernier, alors que furent mis en activité les pre- miers Hauts Fourneaux modernisés, atteignant 10 à 12 mètres de hauteur et quarante à cinquante mètres cubes de capacité : à Low-Moor (Angle- terre), et à Gleiwitz (Haute-Silésie) *. 2, Accroissement du volume et complication des acces- soires du Haut Fourneau.— Dans des appareils d’un tel volume, la production, limitée d’abord à 2 ou 3 tonnes par 24 heures, s'éleva graduellement jus- qu'à 5 tonnes et 6 Lonnes en injectant lout simple- ment plus d’air, c'est-à-dire en perfectionnant la soufilerie. Et cette production a été continuelle- ment en croissant, au point d'atteindre normale- ment aujourd'hui 400 à 120 tonnes *,et de dépasser 350 tonnes dans certaines usines de l'Amérique du Nord qui traitent des minerais riches. Pour atteindre d'aussi forts rendements, le volume de l'appareil a été augmenté dans de très notables 1 Dans les Aïpes autrichiennes, principalement ; en Suède et dans l’Oural ; en France, dans les Landes et les Pyrénées- Orientales. 2 La houille ne saurait être employée directement en rai- son des matières organiques qu'elle renferme : les goudrons formeraient avec le minerai une masse pâteuse qui remplirait tous les interstices de la cuve et s’opposerait à toute com- bustion. (Note de la Direction.) 3 En Ecosse, on utilise la houille crue : charbon sec et gazeux. Dans le pays de Galles, mais surtout aux Etats-Unis, l'anthracite est utilisée seule, ou, plus souvent, mélangée avec du coke dense et résistant. i Lorsque l'auteur de cet article visita pour la première fois Low-Moor, près Bradford, en 1890, on y avait mis hors feu, depuis peu, le dernier des deux Hauts Fourneaux construits en 1790 et mis en activité en 1191. Il avait donné, en 1888, en moyenne, 30 tonnes de fonte grise par semaine, soufllée avec de l’air froid, ou 10 tonnes par 24 heures. 5 Les Hauts Fournaux de la Compagnie de Dowlais, établis depuis quatre ans à Cardiff, et qui traitent les minerais de Bilbao, rendent 200 tonnes de fonte Bessemer par 24 heures. Dans le Luxembourg et la Lorraine allemande, avec des minerais bien plus pauvres à 30 à 33 °/, de fer, au lieu de 52 0/,, on atteint des productions de 180 à 200 tonnes, avec des volumes de hauts fourneaux de 600 mètres cubes et des machines soufllantes pouvant fournir 1300 mètres cubes d'air, à 15 centimètres de mercure, par minute. proportions; la quantité d'air soufflé par minute aux tuyères (C, fig. 8) a été portée à un cube énorme; enfin, au lieu d’injecter cet air à la tem- pérature ambiante, on l'a chauffé au préalable entre 700 et 800° C. Tous ces progrès ont été accomplis, pour ainsi dire, par étapes; et si, parmi ceux-ci, le chauffage du vent peut être considéré comme le plus impor- tant au double point de vue de l’économie du combustible et de l'augmentation de production journalière qu'il a permis de réaliser, il ne reste pas moins acquis que c’est grâce aux perfeclionne- ments de la machine soufflante qu'on a pu béné- ficier largement des deux autres. La possibilité d’injecter de grandes quantités de vent sous forte pression, en affectant une puis- sante soufflerie à chaque Haut Fourneau, a donné aux Américains le moyen d'en tripler etmême d'en quadrupler le rendement journalier sans en modi- fier les autres conditions, si ce n’est le tracé du profil intérieur. C'est surtout, il faut le reconnaître, aux perfec- tionnements acquis dans l’application de la vapeur comme force motrice que l’on est redevable des” progrès immenses accomplis depuis un siècle dans la sidérurgie, cetle puissante branche de l'industrie humaine: car, si l’on en était resté à l’'hydraulique comme force motrice, son dévelop- pement eût élé entravé pour bien des raisons aussi bien techniques qu'économiques. En effet, après avoir transporté la fabrication du fer et de la fonte auprès des cours d'eau, dès le x” siècle, dit-on, on put, après la découverte de la machine à vapeur, établir les usines auprès de la houille, et, plus récemment, quand on connut les moyens de fabriquer une tonne de fonte avec une quan- tité à peu près égale de combustible minéral !, on trouva avantage à fabriquer auprès du mi- nerai, et même en tout lieu où l’on peut trans-" porter sans trop de frais par voie d’eau coke et minerais. 3. Chauffage du vent souffle. — L'emploi de l'air chaud fut inauguré aux Hauts-Fourneaux de l'Écosse, par Neilson, en 1828. E. F. Leuchs l'avait préconisé en Allemagne dès 1822. Neilson faisail circuler l'air, pendant son parcours de la machine soufflante aux tuyères, dans des tubes en fonte disposés dans une chambre en maçonnerie chauffée au moyen d'un foyer à grille. L'économie de com- bustible qui fut réalisée en élevant seulement à 315° centigrades la température de l'air, fut fort 1 Avec le combustible végétal on a fabriqué la fonte dans de petits appareils ét avec l’air froid, en se maintenant à une consommation de tonne pour tonne dans la plupart des L cas. re 0! \ À “ 1 \ 4 1 D SR De os Ÿ ni 1 l ï Tant 1 a i | ù 1 TS j NET e 7 7 j \ 1 1 i ! . ] il Ë H : 1a500_ eo $ j u70e 5 3 DE SRE ef EEATLS : ! ; ; : DR OR Bt 2 : ski1- nine ARE pe G = ee = Î 8] JÈ S 4 1] 2300 3 h n on È ; S D A De E [ s — % [ {e u l —i— 1 = _— = +- ' F l = . n L [ ER rt 1 i | il EE ———— EE ——— ne — + —+ [ 7 = il : + ; = ES RS — + = _ # | 3 Il Il £ l : De 1 5 — il STE ER PRIE Pr EE CS = nn: = 10300 À e k 2 45 8600 _ = Û ll S à S \ E es SS j € f Cibder Track L Fhoor-Leve Fig. 9. — Haut Fourneau moderne allemand (Usine de Friedenshutte), à cage de fer extérieure, à prise centrale de gaz et à condensation des poussières par lavage. — Tandis que le Haut Fourneau de la figure 8 offre, comme d'ordinaire, autour de sa maconnerie de briques réfractaires, une enveloppe en tôle, ici, au contraire, une telle enveloppe n’existe pas; la brique réfractaire est à nu, simplement entourée de cercles de fer, de distance en dis- tance, de sorte qu’elle ne pourrait pas supporter la plate-forme du gueulard. Celle-ci est donc soutenue par un échafaudage de fer et une série de colonnes qui entourent, à la manière d’une cage, le Haut Fourneau. — Dans le présent type, la prise de gaz, au lieu d’être latérale comme dans la figure 8, est centrale. Le gros tuyau ver- tical que l’on voit à la partie supérieure du Haut Fourneau recoit les gaz chauds; ceux-ci, par la grosse tubulure latérale inclinée, représentée à côté, descendent dans un très gros tuyau de conduite vertical (figuré ici à droite), au bas duquel les poussières entrainées sont condensées par un lavage à l'eau. Les gaz chauds vont ensuile aux chauffeurs d’air et aux chaudières des injecteurs. appréciable. Cependant, s’il avait fallu continuer à brûler, pour chauffer l'air, du charbon sur une grille afin d’en moins consommer dans l’intérieur du Haut Fourneau, on serait arrivé, dans bien des cas, à un résultat économique, ou nul ou négatif. Mais l’idée d'utiliser comme combustible pour cet usage, ainsi que pour produire la force motrice, le gaz sorlant du gueulard du Haut Fourneau (fig. 8 el 9), permit d'atteindre le résultat vraiment éco- nomique de la substitution de l'air chaud à l'air froid. Plus lard, dès 1860, on commença à remplacer les appareils à tuyaux en fonte qui limitent le chauffage de l'air à 500°C. environ, par des appa- reils en briques. Ces nouveaux appareils, de divers systèmes, à peu près tous ramenés aujourd’hui à celui de Siemens-Cowper (fig. 10), échauffent l'air, non plus par conductibilité, mais par contact, de 700 à 800° C., et permettent de réaliser le maxi- mum du rendement économique de l'application de celte double idée géniale de souffler dans le Haut Fourneau de l'air chauffé en utilisant comme combustible le gaz qui s'en échappait en pure perte auparavant. Les figures 8, 9 el 10 montrent la facon dont ce résultat est aujourd'hui obtenu. Dans la figure 8, un peu au-dessous du gueulard, on voit, en N, les prises de quz, disposées latéralement. Ces ouvertures conduisent les gaz chauds du Haut Fourneau au dehors, à droile et à gauche, dans les {uyaux de con- duite O. De chacun de ces tuyaux le gaz passe dans un récipient cylindrique P, puis dans un réci- pient conique Q, destinés à collecter les poussières entrainées par les gaz; ces poussières tombent et se condensent, en grande partie, dans le récipient Q, que l’on vide par le tube R en manœuvrant, à cet effet, le clapet S. Les gaz chauds, débarrassés de leurs poussières, sont dirigés, d’une part vers les appareils à chauffer l’air qui sera injecté en C dans le Haut Fourneau, et d'autre part vers les chaudières des injecteurs, chaudières dont ils chauffent l’eau pour la transformer en vapeur. La figure 9 offre une disposilion un peu diffé- rente. La prise de gaz, au lieu d’être latérale, est centrale : la cheminée verticale, représentée à la parlie supérieure du Haut Fourneau, reçoit les gaz chauds, el ceux-ci, au moyen du tuyau ineliné, visible tout à côté vers la droile, se rendent dans une énorme conduite verticale, au bas de laquelle un lavage à l’eau les débarrasse de leurs pous- sières. IIS sont ensuile envoyés aux appareils à chauffer l'air et aux chaudières des injecteurs. Les appareils actuellement employés à chauffer l'air sont de plusieurs types, notamment du sys- tème Whilwell et, qui mieux est, du système Cowper plus ou moins perfeclionné. Notre figure 40 A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE représente l’un de ces derniers appareils ou plutôt un élément Cowper, l'appareil complet compre- nant au moins deux chambres. Celles-ci sont tra- versées alternativement par les gaz chauds du Haut Fourneau et par l'air à échauffer. Le gaz combustible, venant du Haut Fourneau, arrive en a; l'air qui doit le brûler, arrive en b; le mélange et la combustion ont lieu dans la cheminée verti- caie contiguë. Cette cheminée offre 4 m. 60 de dia- mèlre et environ 20 mètres, ou plus, de hauteur. Les gaz brûlés, dont Ja température est à 700°-800°, redescendent par une série de carneaux, repré- senlés à droile, et sont dirigés vers la cheminée d'un autre appareil Cowper, semblable à celui que nous venons de décrire. Dans ce dernier, l’ad- mission en «et b estsupprimée ; du vent froid y est ensuite introduit en /et parcourt les carneaux et la cheminée dans un sens inverse de celui qu’avaient suivi les gaz chauds; sa température s'élève pro- gressivement et il sort chaud par la tubulure e. Ces chambres Cowper sont construites en briques réfractaires; comme il faut que le vent les lra- verse alternativement, la nécessité s'impose de les accoupler au moins par paires. Tandis que l’une, déjà chauffée par la combustion des gaz chauds du Haut Fourneau, est traversée par un courant d'air qu'elle a mission d’échauffer, — l'autre, refroidie. par cession de chaleur à l'air envoyé aux tuyères, recoit à nouveau des gaz chauds, les brûle et se recharge ainsi de chaleur pour une nouvelle calé- faction. Trois, quatre, même cinq chambres Cowper pour un seul Haut Fourneau peuvent être utiles en raison de ce fait que l'absorption de chaleur par les briques réclame plus de surface que la cession : tandis que trois absorbent de la chaleur, deux autres en dégagent. Celle idée d'utiliser les gaz du Haut Fourneau comme combustible, a pris naissance er France. Aubertot, vers 4820, les employa, dans une usine du Cher, à chauffer des fours à chaux. Mais ce n’est que 30 à 35 ans plus tard que Thomas et Laurent les firent servir au chauffage du vent soufilé. En Angleterre, c'est Georges Parry qui, en 1850, les appliqua, dans le pays de Galles, au même emploi, — tandis que l'on attribue au savant Faber du Faure le mérite d’avoir inauguré le chauffage du vent soufilé par le gaz du Haut Fourneau à une date bien antérieure dans l'usine allemande de Wasseralfingen. Sir Lowthian Bell rapporte que les Hauts Four- neaux d'Écosse ont réduit leur consommation à deux tonnes et quart de houille crue par tonne de fonte produite, en soufllant de l'air chaud, tandis qu’elle s'élevait à huil tonnes en soufflant de l'air froid. Cependant, malgré ce résullat 4 CS eau ins tsar Ems OA — RME dames Nes de à “1 C. Coupe transversale des carneaux. B. Coupe transversale de la colonne. A. Coupe verticale de la colonne, 3 Rig. 10. — Appareil Cowper pour chaufer Pair à injecter dans le Haut Fourneau. — A est la coupe verticale et B la coupe transversale de l'un des éléments du système. Les gaz chauds venant du Haut Fourneau arrivent en a. De l’air est injecté en b. Gaz chauds et air brülent ensemble en s’élevant dans la cheminée. Arrivés au dôme qui la revêt, les produits de la combustion descendent à travers les carneaux de briques réfractaires qui entourent la cheminée sur une bonne moitié de sa surface extérieure. Les coupes A et B montrent la disposition de ces carneaux par rapport à la cheminée. La coupe C en représente une section horizontale à plus grande échelle. La colonne verticale constituée par ces briques perforées à parois épaisses est lentement parcourue de haut en bas par les gaz; ceux-ci, après lui avoir cédé une grande quantité de chaleur, sortent par la tubulure c. Quand l’appareil, ainsi échauffé, a atteint la température maxima à laquelle il puisse étre porté, on supprime en & l’admission des gaz chauds, en b l’admission de l'air, et l’on injecte en D de l'air froid. Cet air traverse de bas en haut la colonne des carneaux, s'y échauffe, puis descend dans la cheminée et en sort en e pour être injecté chaud par les tuyères (C, fig. 8) à l'intérieur du Haut Fourneau. — Pour qu'il n’ÿ ait point d'arrêt dans l'injection de l'air chaud aux tuyères, ni perte des gaz chauds que le Haut Fourneau dégage d’une facon continue, on : éléments semblables à celui de la présente figure, en ayant soin d'alterner les phases de leur marche : tandis que l'un s’échauffe, un autre cède sa chaleur à un courant d'air froid, et ainsi de suite, à tour de rôle, indéfiniment. couple deux ou plusieurs A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE économique, le préjugé du vent froid persiste pour obtenir de la fonte moins souillée d’éléments étrangers, non seulement dans les Hauts Four- neaux qui emploient encore Je charbon de bois comme combustible, et pour des produits de pre- mier choix, mais aussi dans ceux qui utilisent le coke. À Bowling et à Low-Moor, près Bradford, dans le Yorkshire, les Hauts Fourneaux sont souflés avec de l’air froid. La fonte obtenue à l'air froid est autant phos- phoreuse et plus sulfureuse que celle que don- nerait l'air chaud ; mais elle contient moins de silicium et de manganèse, elon l'estime dépourvue de traces des corps terreux, alcalino-terreux et autres, dont la réduction résulte des hautes tem- pératures développées aux luyères par le vent chauffé à 700° el au delà. Ce préjugé, dans les usines anglaises précitées, a une excellente raison de s’y conserver, et celte raison, c'est le prix élevé ! auquel on y vend les produits fabriqués avec la fonte obtenue à l'air froid : Lôles, essieux, fers en barre, ete. Jusqu'en 1889 rien n'avait été modifié dans la nianière de conduire les Hauts Fourneaux de Low-Moor depuis l'origine, soit près de cent ans. À cette époque, le nouveau Hanuwyer de la Société obtint du Conseil d'administration l'autorisation de procéder à de timides essais : d’abord, celui d'utiliser une partie des gaz du gueulard à la pro- duction de la vapeur aux chaudières, et, ensuite, celui, considéré comme plus hardi, d'augmenter le volume d'un des Hauts Fourneaux en portant sa hauteur de 12,80 à 16,80. Or, comme il résulla de ces modifications, ainsi qu'on devait s'y allendre, une économie de com- bustible et une production plus forte, sans alté- ralion ni dans l’allure du Haut Fourneau, ni dans la qualité de la fonte, on décida de construire un Haut Fourneau dans le style moderne, pourvu d'une puissante soufllerie. Ce nouvel appareil, haut de 23",30, au lieu de 16",30, et d'un volume intérieur de 375"? au lieu de 92%, soufflé avec de Pair froid, produit 50 tonnes de fonte grise au lieu de 11 tonnes par 24 heures. Ainsi, un volume à peine quadruplé a quintuplé presque la produc- tion et «baissé de 25°), lacoñsommation de coke par tonne de fonte. Le minerai de Low-Moor rend, après grillage, 42°}, de fonte. Avec un minerai d'égale richesse, les Hauts Fourneaux de même volume, mais soufflés avec de ! En 1890, tandis que les tôles d'acier pour chaudière se vendaient 165 à 170 francs la tonne sur le marché anglais, lusine de Low-Mocr vendait ses tôles en fer un peu plus de 525 francs la tonne. On payait ses essieux de locomotive, à la même époque, 425 à 450 francs la tonne. l'air chauffé à 700 ou 750° C., produisent, dans le Cleveland ?, 70 tonnes de fonte de même nature, n° 4 de forge, par 24 heures, en ne consommant que 1.050 kilogrammes de coke par tonne de fonte, au lieu de 1.650 kilogrammes que l’on brûle à Low- Moor. Tels sont les chiffres qui donnent une idée des avantages économiques considérables résultant de l'application, au moyen d'appareils en briques, du chauffage du vent par les gaz du gueulard. Mais les perfeclionnements apportés au chauf- fage du vent soufflé ont eu des conséquences plus importantes encore que celles qui ressortent de ces chiffres, sur l’économie totale de combustible que permet de réaliser aujourd’hui l’utilisation des gaz. En effet, dans une usine bien établie, compre- nant trois ou quatre Hauts Fourneaux, on peut compter avoir toujours un excédent de gaz après en avoir fourni une quanlité suflisante pour alimenter les appareils à chauffer le vent, Siemens-Cowper, ainsi que les générateurs de vapeur qui produisent la force motrice nécessaire à tous les engins méca- niques : machines soufflantes, pompes, etc. ?. M. Th. Jung, directeur des Hauts Fourneaux et Aciéries de Burbach (Prusse rhénane), distribue de la manière suivante l'emploi des gaz fournis par les Hauts Fourneaux de son usine : 21 °/, servent au chauffage du vent ; 33 °/,, à celui des chaudières ; 0 °/, restent en excédent pour les autres ser- vices ?. Il faut enfin ajouter que, pour une bonne ulili- salion des gaz au chauffage du vent, il a été indis- pensable de porter de deux à trois et, mieux, quatre, le nombre d'appareils Cowper en service, tout en augmentant encore leur surface de chauffe par une surélévation. On leur donne 6,50 à T1 mètres de diamètre, et 25 à 30 mètres de hauteur. Il en est ainsi, nolamment, aux Æauts Fourneaux de Consett, dans le Durham (fig.11). Dans ce célèbre établissement, qui nous offre l’un des modèles les plus parfaits de l'aménagement mo- derne, chaque Haut Fourneau est flanqué de 1 Hauts Fourneaux n° 1 et2 de l’usine de Port-Clarence : leur volume ne dépasse pas 3253, donc un peu inférieur à celui du fourneau de Low-Moor. 2 C'est le résultat qui fut acquis aux Hauts Fourneaux de Terre-Noire, dès qu’ils furent pourvus d'appareils Cowper, en 1874. À Bessèges, avec une machine soufllante Bessemer, du système Compound, la conversion se fit, dès 1876, sans dépense de combustible solide aux chaudières. : ? Ce résultat n’est acquis qu'au moyen d'une épuration préalable des gaz, qui les dépouille des poussières et con- dense la vapeur d’eau qu’ils entraînent. La figure 9 repré- sente le type le plus moderne. | L'Industrie de la fonte et ses progrès dans la région de la Sarre et de la Moselle, par Th. June. Traduction donnée par M. le Pr Jordan au Comité des Forges de France et à la Revue universelle des Mines el de la Métallurgie, numéro de novembre 1895. A. POURCEL — L'ETAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE quatre appareils Cowper de 25 mètres de hauteur, qui le desservent. $ 2. — Influence de la constitution, de la forme et des dimensions du Haut Fourneau sur son ren- dement en fonte. Tel est l'historique, lracé à grands lraits, des progrès réalisés dans la fabrication de la fonte depuis sa genèse jusqu'à nos jours. Ils ont été, sans doute, immenses depuis moins d'un siècle ; mais, en résumé, ils ne sont que les conséquences 523 à la fois intense et économique, en négligeant d'attribuer la grande importance qu'elle comporte à la possibilité, qu'on n'avait pas, d'injecter dans le Haut Fourneau une quantité de vent propor- tionnelle à son volume. L'erreur était manifeste. Elle causa de grands déboires aux audacieux nova teurs qui la commirent dans le Cleveland et le Durham !, Après avoir porté les volumes de 500 à 100, puis 900 et même 1100%, il fallut battre en retraite, revenir en arrière. Cependant ce principe est vrai, bien qu'il soit g. AL. — Hauts Fourneaur de Consell (Durham). — Appareils Cowper de 25 mètres de hauteur construits pour remplacer les appareils Whitwell. des progrès réalisés dans la Mécanique, la Phy- sique et la Chimie. D'abord, on augmenta le volume de l'appareil quand on fut à même de fournir plus de vent, afin d'en obtenir un rendement plus élevé; et, du même coup, on se trouva avoir réalisé une éco- nomie de combuslible. Mais le progrès, dans cette voie, aurait eu une limite rapidement atteinte. L'emploi du vent chaud vint alors étendre cette limite en apportant un élément précieux, qui a été très judicieusement apprécié par Sir Lowthian Bell comme l'équivalent de l’accroissement de volume de l'appareil. 1. Relation entre la quantité de vent injecté et le volume du Haut Fourneau. — Dès lors, on crut disposer de tous les facteurs qui contribuent à une production encore discuté, savoir : Qu'un double comporle une production double et en même volume d'appareil lenps assure une économie de combustible avec le même lit de fusion, — pourvu, toutefois, que les matières qui le composent, le combustible surtout, ne s’'écrasent pas sous leur propre poids au point de former un conglomérat à peu près impénétrable aux gaz. Les Américains, qui ont poussé déjà si loin l’ap- plication de ce principe en perfectionnant leurs souflleries ainsi que tous les détails d’aménage- ment de leurs Hauts Fourneaux, ne cessent 1 A Middlesborough et à Ferry-Hill. Le Haut Fourneau de 103 pieds de hauteur de Ferry-Hill, pourvu insuffisamment de vent et n'ayant que des appareils en fonte pour le chaulfer a hâté la ruine de cette usine après quelques mois d'un très mauvaise marche. A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE ©t 6 Æ d’aller de l'avant dans cetle voie. En ce moment | qui ont été employés pour arriver à obtenir dans s'achève la construction, à l'usine de Duquesne, | de vastes appareils la production que comporte qui fait partie du groupe des Aciéries Carnégie, | leur volume!? Ces moyens sont des plus simples. de quatre Hauts Fourneaux de cent pieds de hau- Citons d’abord les dispositions prises pour teur (30,50) et 20 pieds de largeur au ventre, | faciliter la descente naturelle des matériaux (mi- 7 NE ï io Set 058 -2- ===. oaÿpE-" FT Pur Fig. 12. — Profils de divers types de Hauts Fourneauxr. — N°S 1 à 6. Transformations du profil des Hauts Fourneaux amé- ricains. Le profil représenté par le n° 5 est celui qui a réalisé l’allure la plus rapide avec le minimum de consom- mation de combustible, — No 7. Profil type d'un Haut Fourneuu du Cleveland (Angleterre). — N° 8. Profil d'un Haut Fourneau traitant les minerais de l'Est de la France. — L’abaissement du ventre, ou plus grand diamètre, vers les tuyères, qui augmente la rapidité de descente des charges et facilite leur mélange intime avec les gaz est ici le trait saillant. dont la production doit être poussée à 500 tonnes de | nerai, charbon, fondant) : le ventre (ou plus grand fonte Bessemer par 24 heures !. diamètre) (fig. 12) a été élargi ; les dimensions inté- 2, Élargissement du creuset et accroissement de puis- Voir : Note sur la fabricalion de la fonte aux États-Unis, par M. E. pe Bircy. Etude aussi complète que bien ordon- née, sur la question, publiée dans les Annales des Mines, en 1 The Iron Age, 28 novembre 1895. janvier 1892. sance de la souflerie. — Quels sont donc les moyens A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE 225 rieures ont été successivement modifiées, comme le montre la série de profils de la figure 12. Le n° 6 de cette figure n’est que l’avant-dernier type. Les derniers fourneaux construits en Pensylvanie (usine de Carnégie) ont été surélevés de 3 mètres au-dessus du ventre, sans changement dans les autres dimensions. Dans l’est de la France, comme en Belgique, en Allemagne et en Angleterre, les proportions adoptées pour le profil-type d'un Haut Fourneau à grande production économique sont les mêmes qu'en Amérique. Le ventre est placé aux ? de la hauteur à parlir du creuset ; son diamètre, qui excède rarement 6",500, est le double de celui du nalure physique du combustible ne persiste donc plus que dans le sens où il s'explique; c'est-à- dire que la forte pression, indispensable pour brûler de l’anthracite, n’est plus considéréecomme nuisible à la combustion du charbon de bois, pas plus que ne l’est la température élevée du vent. « Qui peut le plus, peut le moins. » Ce vieil axiome trouve ici, une fois encore, son application. Le développement de l'appareil, principalement en hauteur pour augmenter son volume et accroitre d'autant sa production en fonte avec un lit de fu- sion donné, n’est plus limité que par la nature physique seule des matériaux qui le composent : leur résistance au tassement et à l’écrasement"!. Fig. 13. — Vue des Hauts Fourneaux de Saulnes. près Longwy (usine G. Raty et Cie). — On apercoit quatre Hauts Four- neaux, dont trois à feu, avec appareils Cowper pour le chauffage du vent. À gauche, un viaduc relie, par un plan incliné, les concessions minières de la Compagnie aux Hauts Fourneaux. Le dépôt des minerais se fait dans de grandes cases, ou accumulaleurs, suspendues, munies de trappes à coulisse d’où le minerai coule dans des wagonnets. Un seul homme suflit, avec cette disposition, pour fournir le minerai à un Haut Fourneau, soit 120 à 140 tonnes, au moins, par 12 heures. creuset, tandis que le diamètre du gueulard n’est pas moins des ? de celui du ventre. D'autre part, le creuset (partie située au-dessous des tuyères) (fig. 8), a élé élargi : il était, en effet, conséquent d’ouvrir un passage deux, trois ou quatre fois plus large, pour faire écouler, dans le même temps, deux, trois ou quatre fois plus de matières. (Voir fig. 12.) Ensuite s’est opérée l'introduction effective d'un poids d'air deux, trois ou quatre fois plus grand pour brûler un poids de coke égalementdeux, trois ou quatre fois plus considérable, passant devant les tuyères dans le même temps. Chaque Haut Four- neau, ainsi qu'on l’a précédemment mentionné, a été pourvu d'une puissante soufflerie dont le débit de vent, toujours constant, se mesure exactement par le nombre de coups de piston, indépendam- ment de la pression qui peut monter assez haut pour vaincre toute résistance, afin de faire pénétrer Vair jusqu'au centre du creuset. Le préjugé d’une pression en rapport avec la La pression de l’air injecté les pénètre jusqu'au centre du four. Aussivoyons-nous aujourd'hui les établissements qui tiennent le record du progrès munis ou en train de se pourvoir de multiples et puissantes 1 J’allure d’un Haut Fourneau trouve son expression dans le rapport du volume de l'appareil au poids de fonte produit par 24 heures; elle est d'autant plus rapide que ce rapport se rapproche davantage de l'unité. On trouve, dans le mémoire si intéressant de M. Gruner fils sur la fabrication de la fonte au bois en Styrie et Carinthie, publié en 1816 dans les Annales des Mines, entre autres exemples de fourneaux à allure rapide, celui de Fridau, pro- duisant 37 tonnes avec #0 mètres cubes de vide, soit 1m3,2 par tonne de fonte. Le lit de fusion ne séjournait que 8 heures dans le fourneau. Le minerai rendait 45 à 41 °/, de fer, et, avec une température de vent égale à 3500C., on ne consommait que 610 kilogrammes de charbon par tonne de fonte. Les Hauts Fourneaux de la Sollenzara (Corse), que la Com- pagnie de Terre-Noire avait amodiés en 1872, ont produit pen- dant plusieurs années 16 tonnes 1/2 de fonte grise en traitant des minerais d’Elbe et de Mokta, avec un vide de 16 mètres cubes. Mais la consommation de charbon était plus élevée : 950 kilogrammes par tonne de fonte; d'autre part, le vent n'était chauffé qu’à 220°C. maximum. 526 souffleries à air chaud. Les grandes dimensions actuelles des appareils Cowper employés à chauf- fer l’air du Haut Fourneau ont modifié l’ancien aspect des usines, changement si marqué qu'il frappe même le visiteur étranger à l'industrie de la fonte. Dans les anciens établissements, ce qui fixait tout d’abord l'attention de l'arrivant, c'était la hauteur du Haut Fourneau ; il dominait toute la scène : aujourd'hui ses dimensions en hauteur sont dépassées par celle des souffleries à air chaud dont il est flanqué : ce sont ces appareils que de loin on aperçoit tout d'abord. Les figures 41, 43, 14 et15 donnent cette même sensalion: elles représen- tent la disposi- lion nouvelle des Hauts Fourneaux et de leurs an - nexes aux usi- nes de Consett, de Saulnes et de Neuves-Mai- sons. Peut-être l’é- conomie de combustible a- vec l'allure ra- pide ’ pour des Hauts Fourneaux dont la capa- cilé alleint ou dépasse 400 mêèlres cubes, toujours infé - rieure à celle qui a élé oble- nue déjà dans des appareils d'un volume moindre, et compris entre 200 el 300 mètres cubes !; cependant, on est arrivé à Pillsburg à réaliser la production d'une tonne de fonte Bessemer pour un vide infe- rieur à wa mètre cube et demi dans des Hauts Four- neaux d'un volume intérieur dépassant 500 mèlres cubes, et lout en ne consommant que 840 kilo- grammes de coke à 89 ”,, de carbone fixe. Ce résultat, bien qu'oblenu avec un minerai rendant 62 °/, de fer, peut être estimé comme très satisfai- sant. restera Les Hauts Fourneaux de Berge-Borbeck (West- phalie), d’un volume de 165 mètres cubes, produi- sent 109 lonnes de fonte Thomas par 24 heures, 1 Parce que le contact des matières solides avec les gaz peut se faire plus intime dans les fourneaux moins volumi- neux, Eiu. 14. — Nouveau Haut Fow'neuu de Saulnes. Vue d'ensemble el halle de coul'e. — Ce Haut Fourneau (n° 4), non cucore mis à feu, doit ètre muni de six appareils Cowper, dont quatre sont construits déjà. Le volume utile de ce Haut Fourneau est de 420 mètres cubes. Il à 22 mètres de hauteur, 6 mètres de diamètre au ventre, 30 3 m. 23 de diamètre au creuset ct 5 méêtres de diamètre au gueulard. Il cst suscep- tible de produire 410 à 120 tonnes de fonte de moulage par 2% heures. A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE avec une consommation de 860 kilogrammes de coke. Le lit de fusion est sans doute riche, mais composé avec des magnétites de Suède et des sco- ries de puddlage, qui sont des minerais peu rédue= tibles par l’oxyde de carbone. Ces deux exemples montrent des résultats éco- nomiques d'une égale valeur; ni l’un ni Pautre ne permettent donc de décider s’il est avantageux ou non d'agrandir les Hauts Fourneaux au delà d’une certaine limite, attendu que bien d’autres facteurs que ceux mis ici en présence concourent au ré- suilat économique final. Cependant, tous les deux tendent à confirmer les avantages de l'allure rapide pratiquée avec les principes qui ont guidé les Américains dans son ap- à ceux des mai- de l’est de la France et de la Westphalie, tendant à réa- liser la cons- lance de lem- pérature du vent en aug- mentant le nombre d’ap- pareils Cowper par Haut Four- porlant à 25 ou mètres la hauteur de ces appareils. IIL. — DES RÉACTIONS A L'INTÉRIEUR DU HAUT FOURNEAU. Dans le Haut Fourneau, comme dans tout four 4 cuve, il y a à considérer deux courants de malières allant en sens inverse : les gaz produits devant les Luyères, sous le jet de vent forcé, montent en cédant leur chaleur aux matières solides du lit de fusion (coke, minerai et fondant), landis que celles- ci descendent, en s’échauffant, jusqu'au fond de l'appareil — où elles apportent toute la chaleur absorbée au contact des gaz. L'équilibre de température en un point quel- conque de la masse pourrait s'établir si le con- tact des malières solides et gazeuses, à la fois intime et suffisamment prolongé, pouvait être réalisé : alors, les gaz s’échapperaient à la tem- pérature ambiante sans emporter de chaleur. Mais plication,joinis tres de forges « neau, el cn A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE 224 ce sont là des conditions irréalisables dans la : pratique. D'autre part, comme, dans sa descente, le mine- rai, en même temps qu'il s’échauffe, subit une réduction et une carburation simullanées, qui se con- où elle est nécessaire à la fusion des malières, elle tombe, à peu de distance au-dessus, à un niveau de température inférieur à celui qui déter- mine leur viscosité. La forte pression et la haute température du Fig. 45. — Hauts Fourneaux de Neuves-Muisons (près Nancy). — On aperçoit au centre les quatre appareils Cowper de 25 mètres de hauteur qui chauffent l'air du dernier Haut Fourneau construit par M. de Lespinatz. Ce Haut-Fourneau à 22 mètres de hauteur, 6 m. 20 de diamètre au ventre, 4 mètres au gueulard et 3 mètres au creuset. Il produit 140 à 150 tonnes de fonte de forge par 2# heures. linuent aussi longlemps qu'il reste perméable aux gaz, il imporle d’accentuer, en la prolongeant, cette double réaction dont dépend l'économie de l’opéralion. À cel effet, on s'applique à répartir la chaleur de telle sorte que, développée au maximum devant les luyères, dans le creuset, vent soufflé concourent à ce résullal, parce que l’une et l’autre excitent l’affinité de l'oxygène pour le carbone. Leur action simullanée, en forçant le contact intime de l'air chaud avec le combustible qu'il pénètre, détermine une combustion active et complèle., localisée sous le jet du vent. La chaleur 528 que cette combustion développe se trouve done concentrée ioutentière dans une zone restreinte où la température, portée à son maximum d'intensité, exalte les énergies chimiques el provoque les réac- tions des corps en fusion les uns sur les autres. N 1. — Phénomènes chimiques. 1. Réduction par l'oxyde de carbone. — L'oxyde de fer, supposé, pour simplifier les formules, à l'état de FeO, peut être réduit directement par le carbone (A) ou par l’'oxyde de carbone (B C+FeO = CO +Fe (A) CO + Fe0 — CO? + Fe. ) (B La première réaction (A) absorbe, par kilo- gramme d'oxygène enlevé au fer, 2.350 calories de plus que la seconde (B); il y a donc un bénéfice évident à se servir exclusivement de CO comme agent réducteur, et c’est ce que peut réaliser le Haut Fourneau, mais, cependant, pas d’une facon complète !. En effet, les dernières traces d'oxygène ne sont jamais enlevées au fer que par le contact direct du carbone, attendu que CO oxyde partiellement le fer. Ainsi, sous l'action prolongée de CO pur au rouge vif (900°C.), l’oxyde précipité Fe*0*, retient 1 °/, d'oxygène, et le minerai de Cleveland, environ 10 °/, (Expériences de Sir Lowthian Bell). Mais CO n’agit pas seulement sur l’'oxyde de fer comme agent réducteur; ilagit aussi comme agent carburant en se dédoublant : 2C0 = CO? + C. Sir Lowthian Bell et Gruner ont, les premiers , mis en lumière cette double action de CO, dont les effets variables avec la température d'une part, et la proportion de CO? en présence, d'autre part?, ont été principalement étudiés par sir Lowthian Bell, dans de nombreuses expériences résumées dans les tableaux I, IT et IL. ! Dans la pratique, la réaction (B) est exprimée par l'équa- tion : 3.C0 + FeO = 2C0 + Fe + CO?. L'action réductrice de CO cesse quand CO? dépasse 3 du volume total du mélange. (Voir tableau III.) 2? Le savant allemand Stammer a, le premier, constaté que CO oxyde en partie l'éponge de fer, tout en la carburant : Fe + x.C0 = FeOr + rC. Gruner a prouvé que le dépôt de C est plus abondant avec l'oxyde de fer partiellement réduit : FeOxr + yCO = FeOzty + yC. Celui-ci peut absorber 308 parties de C pour une de fer, lorsque, dans le même temps, l'éponge de fer n’en absorbera que 158 parties. $ Ce dépôt de C est activé par la présence de CO? en cer- taine proportion. Cependant, quoique assez abondant avec 2.Vol. de CO ét 1.Vol. de CO?, à 4700 C., il cesse complè- tement quand la proportion de CO? atteint 40 0/5. (Expé- riences de À. Pourcel au laboratoire de Clarence.) A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE Tableau I. — Températures qui limitent l'action des gaz CO et CO? CO commence à réduire Fe203 précipité, vers... CO commence à réduire le minerai de Cleve- landéernlé Averses Lee EE CO commence à se dédoubler : 2 CO = CO? + C, VOLS as de RCE ec ee DEL CO commence à oxyder l’éponge de fer, vers..... CO se dédouble avec une énergie maxima, vers C déposé commence à réagir sur Fe205, à partir de CO commence à oxyder le fer, suivant sa structure, Go ANNE abdos OO CO? commence à oxyder les combustibles tendres, VERS Meet DÉeouasanoe ob nb bcdas con gen CU? commence à oxyder le coke dur et l'anthra- CLASS sr ie nee San ù D ie CPL Le dépôt de C par dédoublement de CO cesse complètement au rouge vif...................% Tableau 11. — Influence de la nature physique du minerai et de la vitesse du courant de CO à 410° C. sur la réduction et le dépôt de carbone dans le même temps. O ENLEVÉ % C péPosÉ % DE FE PAR COURANT CO | par courANT CO LP lent rapide lent rapide Fe’0% précipité.| 49.30 80.60 18.70 335.40 Minerai de l'ile d'HIber re ee 16.90 18.20 3.80 4.90 Minerai du Cle- veland....... 31.80 50.70 12.60 22.30 Miner. spathique ENLÉ EEE 13.00 42.00 2.30 3.90 Tableau III. — Mélanges de CO et CO’, sans action oxydante sur le fer, ou neutres, suivant la tem- pérature. 90 de CO et 10 de CO? 68 de CO et 32 de CO? 40 de CO et 60 de CO? 10 A la chaleur blanche 20 Au rouge vif 30 Au rouge sombre La réaction CO? + C — 2 CO, qui absorbe beau- coup de chaleur, ne prend quelque importance que dans lazone du fourneau où la température atteint 150 à 900, avec les cokes métallurgiques ordi- naires. La température à laquelle un minerai commence à se réduire sous l’action de CO, varie avec sa na- ture physique; mais, tandis que la réduction s'active à mesure qu'augmente la température, le dépôt de carbone, au contraire, bien qu’il com- mence à se produire simultanément, ou presque, avec la réduction, atteint son maximum d'énergie à 50°, et va ensuite en diminuant jusqu’à 900° C. où il cesse complètement !. 1 A la température de 470 à 4800, il a été constaté qu'un SOHIO0S 60 apinbry auoy ap Jo84et0 Aueqpé Sjouuosen op ureay ‘uepd xorword ny — ‘1019 9 99WH0JSUEI) 498 AJUOJ 2109 NO IOLOSSOT ANOSSTMIOAUOI NE 9INPUO9 E[ ANOÏ NEIUIMO ANEF UNP } )Ù oun oj1odsuva] 9TANQUEU 9p 9A1JOWO00[ OUR 2HONCS Y — ‘272p0W uaroun 4adMmoT spaunddn sind 2200 J08na1D NP LNDAUAMOH SJNNJ] SP 2]QUASU2 D an A LEP INES ES 530 A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE Le tableau IV révèle un phénomène d’une grande importance pratique : l'influence favorable de la rapi- dité du courant gazeux sur la réduction et sur la cémen- tation des minerais : Tableau IV. Action de CO? sur le charbon de bois. Résultats obtenus par le professeur Akerman, en faisant agir pendant le même temps un volume constant de CO’, et analysant le gaz sorti. A 3190 CO-rccueilltass retenue . néant A 3939 CO recueilli 0,4 % A JMB0100 rechelli EE PEAR NETENENTES 493,0 % Cela s'explique, dans une expérience de labora- toire, par ce fait que la quantité de réactif fournie est plus abondante. Mais, dans le Haut Fourneau, elle ne varie pas, et tend même à diminuer avec le combustible économisé par l'emploi du vent chaud. On comprend, cependant, que CO? étant plus lourd que CO, s'il est balayé, à mesure qu'il se forme, par un courant gazeux énergique, le temps de son contact avec le fer du minerai réduit élant diminué, son aclion réversible oxydante sera d’au- Llant atténuée. Il est à noter, aussi, que cetle réac- tion réversible, dont l'énergie est variable avec la proporlion du réaclif CO? dans le mélange gazeux {Voir le tableau IT), peut se faire aux dépens du carbone déposé; mais comme elle absorbe une lrès grande quantité de chaleur, elle est, par suite, lente à se produire, et la rapidité du courant gazeux lui est également contraire. En résumé, avec un profil élancé, à ventre placé assez bas, qui facilite la descente régulière des charges et évite la formation de cheminées, le cou- rant gazeux rapide que détermine une pression élevée aux tuyères, aura comme conséquences : d’abord, le brassage plus intime des matières so- lides avec les gaz ; ensuite, la réduction et la cémentalion plus accentuées du minerai, quelle qu'en soit la nature physique. C'est la pratique seule qui permet, pour chaque cas particulier, de fixer une limite à la rapidité d’allure ; mais il faut insister sur ce point que, en deçà comme au delà de cette limite, la marche sera plus onéreuse. 2, Action du carbone déposée. — Il ne parait pas douteux, à la suite de l'examen attentif des consi- dérations qui précèdent, que la formation de la fonte, en majeure partie, ainsi que le départ des dernières traces d'oxygène, ne soient dus au c#r- mélange de 2 volumes de CO et 1 volume de CO? cesse son action réductrice sur le minerai de Cleveland grillé, après lui avoir enlevé 5 °/, de son oxygène. Pendant cette réduction partielle, il s'était déposé 1 °/, de C. Le dépôt de carbone peut augmenter presque indéfiniment. (Expérience de M. A. Pourcel, au laboratoire de Clarence.) bone déposé. Celui-ci commence à réagir sur l’oxyde de fer dès 250° (Tableau I); mais jusqu'à une - lempérature voisine de 500°, le rouge sombre, l'énergie réductrice directe du carbone reste rela- tivement limitée, Landis que le dépôt en est le plus actif pendant la même période !. Par conséquent, toutes les circonstances qui tendront à maintenir plus longtemps les charges dans la zone où la tempéralure ne dépasse pas le rouge sombre, augmenteront la proportion du car- bone déposé et rapprocheront de l'idéal visé de ré- duire le minerai par l’oxyde de carbone seul. - C’est bien la réaction : Fe0O + C= Fe + CO qui se fera; mais, au lieu d’être emprunté au com- bustible en contact, le carbone réducteur sera le carbone déposé, produit du dédoublement de l'oxyde de carbone : 2C0 — CO? + GC; et, en défi- nilive, c'est CO seul qui aura été l’agent réducteur. Il est évident que, si le carbone du combustible chargé au gueulard, arrivait sans changement de poids aux luyères pour y brûler à l’état de CO, on aurait réalisé le désidératum de l’uliliser à l’état gazeux pour la réduction complète du minerai. Un tel résultat n’a jamais été atteint. 3. Quantité de carbone brälée aux tuyères. — L'ana- lyse des gaz qui s'échappent du fourneau fournit les éléments pour délerminer la quantilé de car- bone brûlée aux luyères; et les calculs simples qui servent à l’obtenir seront ici développés d’après un exemple d'application à un Haut Fourneau de Clarence que l'on venait de pourvoir d'appareils Cowper et dont l'allure n'était pas réglée: 1° La consommation de coke pour une tonne de fonte à 3,06 °/, de carbone élait 1094 kilos ; 9 Les analyses des matières composant l2 lit de fusion fournissaient les données suivantes: Poids de la cendre humidité du coke. 104,00 kg. » d'oxygène du minerai grillé... 457,20 » d'oxygène de CO? de la castine, 155,90 » du carbone de CO? » 56,60 3° Les gaz avaient en poids la composition sui- vante : C 0 12,38 kg CO? — 17,03 renfermant 4,64 C0 —126,70 » 11,4% 15,20.) He 0;01 » Net A72—156:26 » EE 1 100,00 16,08 kg. 27,63 kg. 4 Le Lotal de carbone entré au gueulard était : 1094 kg. 104 kg. 990 kg. 56,600 kg. 1046,600 kg. Goke-consommé:.:....... Moins cendres et humidité........ Carbone dnicoke RES ere Carbone de la castine (CO?).. (a) Total... 1 Se reporter à l’expérienee relatée dans la note précédente qui paraît justifier la réaction qu'exprime l’équation : FeOx + y CO = FeOrty + yC. { v< 5° Le poids des gaz produits par une tonne de fonte se calculait ainsi : La quantité de carbone transformée en gaz CO et CO? est donnée par (a) diminué du poids entré dans la fonte, c’est-à-dire : 1046,60 — 30,60 — 1016 kg. Or, l'analyse des gaz (3°) donne la quantité de carbone, 16 xilos 08, qui correspond à: AN as Gta CR a sl enr r NUE 56,260 kg. SN A 2e 17,030 (CD}.Ba0 0e sardines romeo 26,700 RS LR NS ARMES ERIC ni 0,010 Une simple proportion donnera done les quan- tités correspondantes de ces gaz pour un poids de carbone de 1.016 kilos. LERCTTME ORNE 3.558,832 kg. D'OR re le detr ee 1.076,900 » Cia om ob etvene men 1.680,592 » H°O eau du coke........... 25,000 » Éd ra aus Le 2,500 » 6.343,884 kg. Tel est le poids des gaz produits par tonne de fonte. Le poids d'azote, 3.559 kilos, en chiffres ronds, qui ne peut provenir que du vent soufflé, correspond donc à un poids d'oxygène de 1.067 kilos ?. Le poids d’air sec soufflé par tonne de fonte pro- duite est donc de : OA DE Où sens 5.626 kg. Plus humidité 28 OLA PE TEE CETTE 4.654 kg. Mais les 1.067 kilos d'oxygène apportés par ces 4.654 kilos d'air soufflés n'ont pu brûler aux tuyères, sous forme de CO, que 805 kilos de car- bone ; done, il y en a eu 1.016 — 805 — 211 kilos brûlés dans le parcours des tuyères au gueulard par réaction directe: G + CO? — 200 3. La vérification de ce simple calcul est facile à faire. La quanlilé totale d'oxygène introduite dans le Haut Fourneau se décompose ainsi: Oxygène apporté par le vent....... 1.067,000 kg. == par HO: 0e. 20,300 — par minerai...... É — par castine (CO?) . DANSE rc Eater 1 Hydrogène de l’eau hygrométrique du vent soufflé, dé- composée. 2 17. Az correspondent à 23.0 pour donner 100 d'air. 3 Ce fourneau, le n° 7 de Clarence, avec un volume in- térieur un peu supérieur à 600 mètres cubes, ne produisait que 12 à 15 tonnes, par 24 heures, de fonte de moulage, la température du vent étant de 750° C., ct sa pression de 43 à 14 centimètres de mercure. On avait pu élargir les entrées de vent, mais la pression n’avait pu être augmentée. Depuis cette époque, 1889, on a établi de puissantes soufile- ries qui ont permis de porter à 30 centimétres la pression, et on a obtenu une amélioration dans les conditions de marche. A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE o31 La quantité d'oxygène renfermée dans le poids de gaz formé par tonne de fonte doit lui corres- pondre. Il est fourni par CO* et CO : C 0 CORNE 1,076,960 293,6 182 kg. COR 1,688,592 723,0 965 kg 1.016,6 1.747 kg La différence en plus, 4747 — 1700,400 — 46,600 kg. s'explique par l'insuffisance de grillage du mine- rai de Cleveland ". La décomposition de la castine en CaO + CO?, qui n'est complète qu'au rouge vif, contribue à brüler, sans doute, une certaine proportion de carbone dans la cuve du fourneau : CO? + C — 2C0: mais l’importance de celle réaclion, variable avec la nature physique du combustible, devient négli- geable avec un coke dur. S 2. — Phénomènes calorifiques. À. Importance des phénomènes calorifiques, — Quant au carbone qui est consommé dans le creuset, en plus de la proportion plus ou moins grande qu'en dissout la fonte, il faut comprendre celui que nécessite la réduction des corps qui se rédui- sent seulement au contact du carbone : les com- posés du silicium et du manganèse. C’est pourquoi les fontes qui contiennent plus ou moins de ces corps ont consommé plus de combustible pour être produites que les fontes blanches d’affinage, qui en sont dépourvues. L'exemple (Tableau V, p.532) d’un bilan des quan- tilés de chaleur apportées et consommées dans un fourneau produisant une fonte de composition dé- terminée ?, montrera l'importance des phénomènes calorifiques résultant des réactions qui s’y passent. Le Haut Fourneau auquel se rapporte ce bilan avait 584 mètres cubes de vide intérieur, et ne produisait par 24 heures que 63 tonnes de fonte de moulage — sans doute de première fusion — ayant la composition suivante : CarDONE TES PEER TEE CCE 3,40 SOU anse ruer soc duodavesedhe 1,20 MAN TADÉS EPA REA ere see 0,50 PHGSP ACTE SERRE EP EEE RAR 1,30 PEL 2 A er Se 93,60 100,00 On consommail pour la produire, el par tonne : 1 On n’a pas non plus tenu compte de l’oxygène de SiO?, de Mn°Oï et de Ph°0?° du phosphate de chaux. ? L'exemple est emprunté au « Manuel de La métallurgie du fer » de Ledebur, traduit par MM. de Langlade et Valton. Op. cit. 232 A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE 2,440 kilos de minerai grillé, 625 kilos de castine et 1.100 kilos de coke. On produisait 1.480 kilos de laitier par tonne de fonte, et les gaz du gueulard s’échappaient à la température de 412° C *. Un simpleexamen des chiffres fournis par le bilan dutableau V montre l’économie qui peut résulter du traitement d'un minerai riche par un combustible peu cendreux, exigeant l'un et l’autre moins de cas- tine, el donnant par conséquent moins de laitier ?. Et, sile poids de combustible consommé est di- minué, celui des gaz produits par unité de fonte que consomment les réactions accessoires et qui varient avec la richesse du minerai et la nature de la fonte à produire. Il faut donc, quel que soit le minerai traité, tendre à obtenir sa réduction par CO, afin d'économiser le combustible; restreindre enfin l'importance de la réaction ruineuse : C + CO? = 200! Or, on a vu que c'est la haute température ?, jointe à la pression énergique du vent soufflé, qui aide à approcher de ce désidéralum, en concen- trant la chaleur dans l'ouvrage, et en la tempérant sera moindre, et, moindre aussi la chaleur qu'ils | à peu de distance au-dessus. TABLEAU V. — Balance des calories. CALORIES APPORTÉES EEE barilatcombustion du Carbone... rm ere 3.03% Parle vent chaufié, 24/1800. .1 6 42200: LR Tee 914 MOLALS LEURS ME RR RP ECTS OUR tre 4.448 Le coke renfermait 92,50 de C fixe. Les calculs développés précédemment montrent comment on détermine la quantité d'air soufilé pour 1Kk5 de fonte pro- duite, et, aussi, les quantités respectives de C brülées à l'état de CO et de CO? qui servent au calcul du chiffre ci-dessus, par l’analvse des gaz du gueulard. CALORIES ABSORBÉES D Par latréductiontde Re 0P "2-6 nec CAvCE 1.681 — SUUNTO en UE 94 — MAS OS Perte ete ee 10 — CBI ETC Les eser oc 75 1.860 ParAkeide,fonteserise RE AE PERS ; 280 Parke 28de aille." 2 arc eo EE 740 Par les /paziOkE 669 RER ONE 647 Parseaulhyerométrique 22-27 Po 96 Par décomposition de castine.. "ne 254 RES leNoUnRP EN ES ATUENSES PE PER DO 571 Total égal..... DAOS ML eo dcnodaooc 4.448 a On a affaire ici à 3 CaO — Ph?0* qui ne se décompose qu’au contact du C et de la SiO2. Le Phosphate de fer se réduit au rouge par CO, en Phosphure. emporleront. Il n'est pas utile d'insister sur la plus grande consommation de combustible que néces- sile l’incorporalion dans la fonte de quantités plus grandes de silicium el de manganèse. Les perles par conduclibilité et rayonnement, qui sont ici de 571 calories, doivent être diminuées par un séjour moins long des matières solides dans le Haut Fourneau. En effet, elles sont réduites de moilié par l'allure rapide dans les Hauts Four- neaux américains *. En résumé, la réduction de l'oxyde de fer ab- sorbe une quantité de calories à peu près cons- tante. Elle est encore, dans les meilleures condi- tions de marche, égale ou peu supérieure à celle ! Le vent soufllé était chauffé à 7800. C’était là une marche plus que médiocre. Un vide de # mètres cubes par tonne de fonte de moulage est, dans ces conditions, plus que suffisant pour avoir une marche économique en traitant le minerai grillé de Cleveland. Mais, dans bien des usines d'Angleterre, on en est encore à comprendre les avantages d’une puissante soufllerie. ? La capacité calorifique de la fonte grise est supposée égale à 280 c.; celle d'un laitier calcaire à 30 °/, ou 35 */, de Si0?, égale à 500 ce. 3 Consulter : Fabrication de la fonte aux États-Unis, par de Billy. Op. Cit. Et aussi : Fabricalion de la fonte, par de Billy. Collection des Aide Mémoire de M. Léauté, membre de l’Institut,. 2. Dispositions pour assurer une répartition convenable des températures. — La température devra être au gueulard aussi faible que possible. Par conséquent, s’il est toujours avantageux de griller les minerais, même les hématiles pour les débarrasser de leur eau de combinaison, et les oligistes, pour les rendre perméables aux gaz, il faut éviter de les charger chauds afin de prolonger la période pen- dant laquelle ils resteront soumis à la température la plus favorable à leur cémentation par le dédou- blement de CO. Le profil (fig. 17) innové aux Hauts Fourneaux de New-Port en Tees — près Middlesbrough — par MM.Howson el Howdon, offre la forme la plus ra- lionnelle pour prolonger la période de cémenta- tion et de réduction. Les résullats obtenus avec ce profil marquent un progrès bien réel. Sans agrandissement du volume ni changement dans les autres conditions, la pro- l Chaque unité de (absorbe 5490 calories dans lu cuve, et supprime 2100 calories qu’elle aurait données en brülant aux tuyères. ? Pratiquement, avec cinq appareils Cowper en fonction, on obtient la constance de température : 7509 à 800° Ç. Quand on à essayé d'aller au delà, on a eu des accidents de valves de distribution, auxquels on n’a pu que très imparfaitement re= médier jusqu'à présent. < + è A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE 233 duction en fonte n° 3 a passé de 75 tonnes à 114 tonnes par 24 heures, tandis que la consom- malion du coke a été réduite de 4.100 à 4.095 kilos. RE Er NO SERRES EEE ES Fig. 17. — Profil Howson et Howdon. — Volume = 680 "2. Cependant, le vide par tonne de fonte est encore de 6 mètres cubes! Avec de plus puissantes souffle- ries on l’abaisserait à 4 mêtres cubes et, peut-être. avec une économie sur le combustible. IV. — RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES DE FONTE. FABRIQUES $1. — Distribution des Hauts Fourneaux en France. Bien que beaucoup d'usines, le Creusot, par exemple, emploient en grande quantité des mine- rais de qualité supérieure importés d'Espagne, c'est, le plus souvent, la distribution géographique des mines de fer el de houille qui détermine la ré- partition des Hauls Fourneaux sur notre sol. Grosso modo, on peut dire que l'industrie de la fonte est surtout représentée dans le nord de la France, dans la région du Nord-Est, et aussi, vers le Centre, sur les bords de la Loire et dans la vallée du Rhône. Nous n'entreprendrons point d’énumérer ici toutes les fabriques, et nous nous bornerons à indi- quer, pour chaque région et département, les usi- nes les plus importantes. 1. Région du Nord et du Nord-Est. — Dans le Nord et le Nord-Est, l'industrie de la fonte est trés développée et très florissante depuis que la déphosphoration permet d'employer les minerais phosphorés de ces régions à la fabrication de fers et aciers de bonne qualité. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1996. Dans le Pas-de-Caluis, il faut citer l'usine de la Société des Aciéries de France. Dans le département du Mord, les principales fabriques sont : les Hauts Fourneaux de la Société des Hauts Fourneaux, Forges et Aciéries de De- nain et Anzin (quatre Hauts Fourneaux à Denain et deux à Anzin); la Société de Vezin à Aulnoye ; la Société des Hauts-Fourneaux de Maubeuge; la Sociélé des Usines de la Providence. En Jeurthe-et-Moselle, on compte 63 Hauts Four neaux, dont 42 dans la région de Longwy et 21 dans celle de Nancy. — A Mont-Saint-Martin, la Société des Aciéries de Longwy en possède sept. Citons aussi ceux de MM. Gustave Raty et Cie, les Hauls Fourneaux de Micheville, au nombre de quatre, ceux de MM. Ferry, Currique et Cie à Saul- nes (quatre à l'usine de Saulnes), ceux de MM. de Wendel èt Cie, au nombre de cinq, à leur usine de Jœuf, Dans la région de Nancy, les principales fa- briques sont celles de : la Société des Hauts Four- neaux de Pont-à-Mousson (cinq Hauts Fourneaux); la Sociélé des Aciéries du Nord et de l'Est à Jar- ville (cinq Hauts Fourneaux): la Société métallur- gique de la Haute-Moselle, qui possède deux Hauts Fourneaux à Liverdun et deux à Neuves-Maisons. Dans la Haute-Marne il convient de signaler : la Compagnie des Forges de Champagne; la Société des Hauts Fourneaux et Fonderies de Brousseval, et les Forges de Manais. Dans la Haute-Saône, la fabrication de la fonte ne comprend qu'un petit nombre d'usines. Citons les Hauts Fourneaux de la Société des Forges de Franche-Comté et ceux des Forges d’Audricourt (Haute-Saône). 2. Région de la Loire. — Le Cher n'a que les Hauts Fourneaux de Mazières et de Rozières, où le chauffage se fait soit au bois, soit par le procédé mixte (bois et charbon); plus importante est la production de fonte dans l’A//ier : la Compagnie de Fourchambault et Commentry possède à Mont- lucon une usine célèbre; la Société de Châtillon et Commentry entretient dans le même départe- ment des Hauts Fourneaux importants et renom- més. Il y a, en outre, dans l'Allier, quelques pe- tes fabriques. En Suône-et-Loire, immense établissement du Creusot, alimenté par les minerais de la région et des minerais espagnols, possède quatre Hauts Fourneaux de grand débit. Dans la Loire, la Compagnie des Forges de Fir- miny a un Haut Fourneau justement réputé. 3. Région du Sud-Est. — Citons : dans le Æhône les Hauls Fourneaux.de MM. De La Rochelle et Cie à Givors; dans l’Zsère, ceux de MM. Charles Pinet (i* 534 A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE DE LA FONTÉ EN FRANCE et Cie à Allevard, l'usine de Chasse, siluee sur les bords du Rhône et appartenant à la Com- pagnie de Chasse: dans l'Ardèche, à La Voulte- sur-Rhône, les quatre Hauts Fourneaux de la Compagnie de Lorme, et, près de Privat, les Hauts Fourneaux du Pouzin, propriété de lamême Compagnie; dansle Gard, les usines de Bessèges et les Hauts Fourneaux de la Compagnie des Forges d’Alais, à Tamaris; dans les Bouches-du-Rhône, les usines de Saint-Louis et celles de la Compagnie des Mines de Porte et Sénéchas ou Compagnie du Gaz de Marseille. A. Région du Sud-Ouest. — Dans l'Aveyron, la Compagnie de Fourchambault et Commentry pos- _sède le Haut Fourneau de Decazeviile, près duquel elle est en train d’en édifier un second. A mesure qu'on s'éloigne de la région cévenole pour aller vers l'Ouest, on constate la diminution d'importance des gisements de fer et de houille et, par suite, celle des fabriques de Fonte. C'est ainsi que, dans la Aordogne, nous n'avons à si- gnaler que de petits Hauts Fourneaux chauffés au bois; en Lot-et-Garonne, il faut mentionner les Hauts Fourneaux de Fumet; dans le Zarn, ceux de la Société des Hauts-Fourneaux, Forges el Aciéries du Saut-du-Tarn; dans l'Ariège, les Hauts Four- neaux de Tarascon-sur-Ariège, chauflés au bois. Dans les Landes, une usine, celle du Boucau, appartenant à la Société des Forges et Aciéries des Chemins de fer et de la Marine, offre une très grande importance : elle emploie une grande quan- tité de minerai de Bilbao et est actuellement en pleine production. La côte occidentale du Golfe de Gascogne ne pos- sède d’autre fabrique de fonte que dans la Loire- Inferieure, à Trignac; cette usine appartient à la Société des Hauts Fourneaux et Forges de Trignac. $ 2. — Distribution des Hauts Fourneaux en Bel- gique, en Allemagne et dans le Royaume-Uni. Il n'entre pas dans le plan de cet article d'indi- quer la répartition des fabriques similaires, même des plus importantes, à l'Étranger. Nous croyons cependant devoir citer quelques usines très floris- santes, concurrentes de l'industrie française, en Allemagne, en Belgique et en Angleterre. 1. Allemagne. — En Lorraine, ce sont des Fran- cuis, MM. de Wendel, qui sont les plus puissants producteurs de fonte, ayant sepl Hauts Fourneaux à Hayange et six à Mayeuvre ; à Rombas, MM. Spœ- ter el C* possèdent trois Hauts Fourneaux. Ces beiles usines, autrefois françaises, sont comprises dans le territoire annexé à l'Allemagne depuis la guerre de 1870. Dans le grand-duché de Luremboury, la Société de Dudelange emploie cinq Hauts Fourneaux; MM. .Metz et Cie en possèdent huit, dont quatre à Esch; la Société des Usines de Rothe-Erde en a quatre. Dans la Prusse Rhénane, c'est la région de la Sarre qui produit le plus de fonte : à Burdach la Société des Mines de Luxembourg a cinq Hauts Fourneaux ; MM. Stumm frères en ont six à Neun- Kirchen; et il existe encore, dans ce pays, beau- coup d’autres fabriques, dont l'importance s'accroît de jour en jour et constitue, à l'égard de notre industrie nationale, une sérieuse menace. 2. Belgique. — La Belgique, petit pays très favo- risé sous le rapport du minerai et surtout de la houille, possède de grands établissements métal- lurgiques dont la production de fonte est considé- rable : tels les Hauts Fourneaux de Charleroi (et des environs), ceux de Sclessing et surtout, près de Liège, les célèbres usines Cockerill, véritable Creusot belge, qui fournissent au monde entier. 3. Royaume-Uni. — En Angleterre, nombreuses sont les grandes Compagnies qui font de la fonte : le Cleveland en produit, à lui seul, plus que toute la France; viennent ensuite, par ordre d’impor- tance : le Middland, le pays de Galles el le Cum- berland. Parmi les puissantes Sociétés qui entre- tiennent des Hauts Fourneaux en ces régions, figurent au premier rang : la Compagnie Consett dans le Durham; la Société Belbrother et Ci, à Middlesborough; la Compagnie Dawlais, à Cardiff; la Compagnie Barrow in Furness dans le Cumber- land. - En Zrosse, l'industrie de la fonte est aussi très florissante; la principale Société qui en fabrique est la Scolch Steel C°, qui a ses Hauts Fourneaux près de Glasgow. Ces fabriques d'Angleterre et d'Écosse recourent, en général, non seulement aux gisements de fer, si abondants en Angleterre et en Écosse, mais aussi aux minerais riches d'Espagne, dont la qualité est particulièrement estimée. Nous ne poursuivrons pas celle énuméralion des Hauts Fourneaux dans les autres pays, par exemple aux Ztals-Unis, où nous devons nous contenter d'indiquer le développement croissant de l'industrie de la fonte. L'importance de la concurrence contre laquelle nous avons à lutter ressortira, d’ailleurs, des statistiques suivantes. V. — STATISTIQUES DE LA FONTE. S 1. — Statistiques de production et d'exportation. En 1869, la France occupait le quatrième rang parmi les pays producteurs de fonte, avec un ton- ET CA Lt NO es A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE nage de 1.381.000 tonnes. L’Angleterre passait en tête avec un formidable écart entre elle el les États-Unis d'Amérique, qui tenaient le second rang, et l'Allemagne, qui tenait le troisième. Les productions respectives de ces trois pays étaient : 5.533.000 tonnes. 1.748.000 1.400.000 Angleterre... États-Unis Allemagne TABLEAU VI. — Production de la Fonte dans le monde entier de 1861 à 235 4.697.000 tonnes, au lieu de 1.748.000 Lonnes ; et celle de l'Allemagne avait plus que doublé avec le chiffre de 3.381.000 tonnes, pour la même année, au lieu de 1.400.000". Le tableau VI donne la production dans le monde d'année en année depuis 1861, et le graphique de la figure 18 (page 536) résume ce mouvement ?, 1. Allemayne. — C'est pendant l'année 1880 que a 1894 - donnée en milliers de tonnes. 1861 | 1862 | 1863 | 1864 | 1865 | 1866 | 1867 4.007 706 1.053| 1. 353 354 912 Grande-Bretagne 4.582| 4.834 Allemagne France.......... 6.988| 7.891 714 100 560 100 mérique Autres pays PRODUCTION TO- 1874 | 1875 | 4876 | 1877 1868 | 1869 | 1870 | 1871 | 1872 | 1873 6.432 2.029 6,054 1.906 6.62% 9.36! 9.9069/10.355 [10.922 12-226 2111.764|11.707 1.45% 100 1.748 100 1.691 100 1.734 100 2,601 100 2.430 100 2.056 100 1.899 100 10.590/11,817|12.146 13.920113.706 Grande-Bretagne Allemagne ...... France Toraz pour l'Eu- , rope Etats - Unis d'A- mérique hAutres pays ..... 11.860/11.#46|14.331 16.623 16.359 2.338| 2.785 100 100 3.806 100 5.668 200 4.697 100 cnens e- PRODUCTION TO- ADR... 14.298 20,204 1892 17.505 8.413 300 _— 19.792120.761 24.010 26.027 7|26.,218 L'Allemagne et la France, alors, se suivaient de près. En 1882, la production, en France, atteignait un chiffre qui a été dépassé de bien peu, depuis lors, et auquel celui de 1895 sera même inférieur : 2.033.000 tonnes en 1882, contre 2.005.000 tonnes pour 1895; tandis que la Grande-Bretagne attei- gnail un maximum de 8.582.000 {onnes, qui ne S’est plus répété depuis el ne se reproduira peut- êlre plus jamais. Pendant ces treize années, la production des États-Unis d'Amérique s'était accrue dans une proportion considérable : elle était, en 1882, de s’est faite, en Allemagne, l'introduction du pro- cédé Thomas de déphosphoration * qui a marqué, 1 Duché du Luxembourg compris. ? La production de la fonte pendant le premier tri- mestre 1896 accuse une augmentation pour les trois grands pays producteurs : Etats-Unis, Angleterre et Allemagne. Si l'augmentation se maintenait dans les mémes proportions pendant les trois autres trimestres, cela porterait l'ensemble de leur production pour 1896 à 26 millions !/, de tonnes. Les Etats-Unis sont sur un pied de production, pour l'année courante, de 12 millions de tonnes, au lieu de 9 1/?, production de 1895. Le Royaume-Uni et l'Allemagne produiraient respective ment 8 millions !/, et 6 millions de tonnes. 3 On sait que les fontes provenant de minerais phospho- reux sont restées longtemps sans grande valeur; on n’en 536 dans les annales industrielles de ce pays, comme le point de départ d'un développement continu jusqu’à ce jour de la fabrication de la fonte *. Ce développement a été graduel, régulier, et n'a pas présenté, dans ce long intervalle de quinze années, la moindre inflexion dans sa courbe ascendante, comme en offre de si accentuées celle des États - Unis. 1883 1884 1885 1886 7-000000 |__| + —+ 2 | 6.000.000 21 LE | | | Ld Z | 5.000000!- | | k 4.000.000! 3.000 000! Î 2,000.000! ÉÉSÈE ei | | | 2 | TS 1e Le) Fig. 18. — Diagramme de la production de la Fonte de 1880 à 1895 (inclusivement) en Allemagne, Etats-Unis, France et Grande-Brelagne. I. 000.000! D'abord, de 1879 à 1880, c'est, d’une année à l’autre, une augmentation de production de 300.000 tonnes; ensuite, progressivement et par élapes normales, le lonnage qui était de 2.729.000 tonnes en 1880, arrive à doubler, en 1894, avec le chiffre de 5.559.000 tonnes. mmmmpèmèmèpaman pouvait extraire que des fers de mauvaise qualité et des aciers détestables. La grande invention de la déphosphora- lion, à laquelle resteront attachés les noms de Thomas, de Gilchrist et de notre éminent collaborateur, M. A. Pourcel, a provoqué une véritable révolution en sidérurgie : elle a permis d'employer à la fabrication des meilleurs aciers les fontes phosphoreuses, et donné, par là même, un essor inat- tendu à la fabrication de la fonte en Lorraine, pays dont le minerai est riche en phosphore. L'Allemagne à aussi large- ment bénéficié de cette inyention au détriment de l'Angle- terre. (Note de la Direction.) 1 Sur les 11.000.000 de tonnes de minerais qu’elle con- somme, l'Allemagne n'en importe de Suède et d’Espagne que 1# °/,, soient { 600.000 tonnes, tandis qu'elle en exporte 1.220.000 tonnes en France et 1.077.000 tonnes en Belgique, du Luxembourg. Séahl und Eisen, {°r février 1895. A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN. FRANCE ——————…—…———…………—……—…—…———_——_—û….——_—_—_—LE——————…—— Et l’année 1895 marquera un nouveau progrès avec le chiffre de 5.718.000 tonnes, qu'il est permis de supputer d’après le total de la production des. onze premiers mois. C'esi une différence en plus; avec la France, de : 1 5.718.000 — 2.005.000 — 3.713.000, | au lieu de : 19.000 tonnes en 1869. £ Avec l'Angleterre, la différence en moins q était, en 1869, de 4.133.000 tonnes, n'est plus aujourd'hui que de 41.646.000 tonnes, en suppo= sant que la production n’ait pas varié, diminué d’autres, l'exemple d’un développement rapide surprenant par ses soubresauts, n'offrant presqui pas de palier dans sa courbe, mais des rebroussé ments très accentués. Ainsi, de 1878 à 1882, dans l’espace de 4 ans, la production double en passanl de 2.330.000 tonnes à 4.697.000 tonnes. Puis elle descend à 4.111.000 tonnes en 1885, pour remonb brusquement et atteindre par bonds successifs 1e. chiffre énorme de 9.353.000 tonnes en 1890. Le Grande-Bretagne est distancée de 771.000 tonnes. sur la plus grande production qu’elle ait eue en 1882! Sans doule, les critiques adressées pal M. Schrüdter, le distingué secrétaire de l'Associa® tion des Maitres de forges allemands, à cetle marche industrielle tout américaine, sont justis fiées; mais, quelque accidentée qu'elle soit, el bien que chaque étape ne marque pas DÉCESSAIE rement un pas en avant, elle obéit, dans son en* semble, à une loi d’accroissement périodique. Si le tonnage de 1894 — 6.763.000 tonnes —# été peu supérieur à celui de 1888, et a marqué ut recul trop accentué sur 1892, celui de 1895 va relever la courbe avec un chiffre qui ne s'éloi gnera pas beaucoup de 9.500.000 tonnes. G'esl là un fait considérable et dont l'Angleterre ressenti el ressentira de plus en plus le contr& coup. M. Atkinson, économisle américain, prévoit pou l'année 41900 une consommation de 38.000.008 tonnes de fonte dans le monde entier. C'est ui chiffre supérieur de plus de 10.000.000 de tonnes à celui de la production actuelle; d'après l'opi nion de M. Atkinson, la part que prendraienb les États-Unis dans celte augmentalion de pro duction ne serait pas inférieure à 7.000.000 de tonnes. Les États-Unis deviendraient exportateur 1 La production des districts du Nord-Est et Cleveland a été de 2.916.439 tonnes, inféricure de 48.000 tonnes à cellôW A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE 537 avec une production qui s’élèverait, en 1900, au chiffre très respectable de 16 à 17 millions de tonnes ‘. Il serait curieux, autant qu'instructif, de connaitre les diagnostics sur lesquels sont basés les calculs de l’économiste américain. . Quoi qu'il en soit de ces prédictions, il faut s'at- Que deviendra alors en Angleterre et en Alle- magne ! le commerce d'exportation de la fonte? Peut-être augmentera-t-il ; car les États-Unis de- vront avoir abaissé leur prix de revient dans de notables proportions avant de pouvoir lutter avec ces deux pays sur le marché étranger *. TABLE AU VII. — Production des Fontes en France pour 1894 et 1895. DÉSIGNATION DE LA FONTE| suivant 1894 © — 1895 | DÉPARTEMENTS la nature du combustible a FO —— D'AFFINAGE Tonnes NTES DE MOULAGE et moulée en l'e fusion Tonnes PRODUCTION TOTALE Tonues D’AFFINAGE FONTES © — DE MOULAGE et moulée en {re fusion PRODUCTION TOTALE coke coke coke coke coke 28.507 8.164 13.861 Dordogne Au bois Gard coke coke coke bois coke coke coke \ “ coke Marne (Haute) .............1 Au bois Meurthe-et-Moselle .. Nord Bas-de-Calais. 1. ...:::... Pyrénécs-Orientales 913.916 224.116 76.097 2221 12-591 720 86.807 2.142 Saône (Haute-) Saône et-Loire Tonnes 20.485 TA7T5 27.660 13.929 302 14.294 9.116 9.116 mn 11.181 11.181 3.719 ‘421 10.314 10.314 3 1725 5 Fe 9.543 310 100 500 54.396 29.233 He 10.830 5.082 27.251 2 27.971 1:21 3.171 De 62.209 AAT 9.816 19.917 881 5.689 35.274 1314 331 2.611 002 1386 D» 877.065 187.804 Tin Tonnes Tounes 1.836 36.333 1.707 9.871 336 14.197 306 11.4 52.932 59.986 .256 24.116 5.097 5.710 -227 2e 2.021 -303 12.365 2.187 .b52 137 .13% -687 .109 >.540 5.897 78 592 022 .804 RÉCAPITULATION ( Au coke 1.594.697 | Ag bois Mixtes FONTE MOTAUXE: 3 1.600.113 AUGMENTATIONS ..... DiIMINUTIONS.. 469.601 0sû .0SS 475.683 1.985. 2.092 8. 11. 2.069.714 889 tendre d'i ci peu à une extension, aux États-Unis, de cette industrie mère de la sidérurgie, qui, si elle n'atteint pas aux chiffres cités par M. Atkinson, ne laissera pas que d’être, toutefois, d’une très grande importance. 1 En 1893, les Etats-Unis ont importé 54.394 tonnes de fonte pour une consommation de 7.007.194 tonnes. L'impor- tation des minerais, principalement de Cuba et un peu de Bilbao, a été de 521.000 tonnes. On suppute uv chiffre d'im- portation, pour 1895, qui atteindra un million de tonnes et pour lequel les mines de Bilbao entrent seulement pour le chiffre de 25.800 tonnes. 3. France. — Pour ce qui regarde la France, le développement de cette branche de son industrie 1 La Grande-Bretagne a exporté S80.000 tonnes de fonte en 1895, contre 884.000 en 189%. Dans les onze premiers mois de 1895, l'Allemagne n’avait exporté que 120.694 tonnes contre 142.386 tonnes pendant la même période en 1894. 2 Cependant le journal The Iron and Coal trades Review, dans un de ses numéros de février dernier, annonce qu'il vient d’être pris des dispositions pour lancer sur le marché anglais de grandes quantités de fontes de moulage, fabri- quées dans l’Alabama, et qui pourront être vendues à Liver- pool au-dessous de 40$ la tonne, soit à un prix bien infé- rieur à celui de la fonte d’Ecosse, cotée 417 à 48%, 238 sidérurgique, comme le montrent les chiffres du tableau VII !, a été (très marqué pendant une pé- riode de 19 ans, comprise entre 1861 et 1880; mais, après un maximum à peu près atteint en 1882, il éprouve des oscillations qui, pour être moins accentuées qu'elles ne le sont aux États-Unis, en restent la regrettable caractéristique. La déphosphoration, qui atant servi l'Allemagne aux dépens de la Grande-Bretagne, a été la cause en France du déplacement des centres de produc- tion de la fonte au protit de l'Est. Mais le déve- loppement de la fabrication dans ce district favo- risé n'a pas constamment fait équilibre à la diminution hälive qui s’opérait dans le Centre el dans le Midi. Dans tous les cas, la fabrication de la fonte dans l'Est représente aujourd’hui plus de 60 ‘/, de la production totale des usines françaises, alors qu'en 1878 son chiffre en atteignait à peine les 29768: Dans son intéressant et substantiel travail donné en juin dernier à la Société des Ingénieurs civils de France %, M. J. Euverte fait un rapprochement curieux des sommes dépensées en 1853 et en 1893 pour la production totale de la fonte en France. Il ressort de ces chiffres que, pour une produc- tion de 660.934 tonnes de fonte, on a dépensé, en 1853, 110.200.000 francs; et, qu’en 1893, cetle somme n'a presque pas élé dépassée : 115 mil- lions 610.000 francs pour une production de 2.077.000 tonnes. Le prix de revient, en 1893, a été de 55 fr. 50 la tonne, au lieu de 165 francs. « Il est vrai de remarquer, dit M. Euverte, que, sur 660.934 tonnes de fontes produites en 1853, 334.428 lonnes représentaient de la fonte au bois ou mixte, évaluée aux prix de 246 francs et 172 fr. la tonne. Mais il n’en reste pas moins ce fait im- portant, au point de vue industriel, que la fonte au bois a presque disparu (8.000 tonnes au plus), que le prix de revient a élé réduit des deux tiers, et qu’il ya eu, cependant, amélioration dans la qua- lité des produits finis qu'a fournis cette fonte. » Dans les Hauts Fourneaux de Meurthe-et-Moselle, le prix de revient, en traitant le minerai sur place avec des cokes tirés de Westphalie ou de Belgique, et livrés à l'usine à un prix qui ne dépasse pas 21 francs la tonne, n'arrive pas, pour certaines usines, à 38 francs pour la tonne de fonte d’afti- nage, 46 francs pour la tonne de fonte Tho- LES RE ER Le Us Lune ie ! Tableau emprunté à M. Schrôdter et publié par le Comité des Forges de France. 2 Année 1878 : 440.468 tonnes sur 1.508.000 Année 1894 : 1.264.000 tonnes sur 2.077.000 tonnes. 3 La métallurgie du fer et de l'acier aux expositions uni- xerselles de 1889 à Paris, et 1894 à Lyon. tonnes. A. POURCEL — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA FONTE EN FRANCE mas avec manganèse, et 42 à A6 francs pour la” fonte de moulage suivant son numéro. 3 ILest difficile d'apprécier si la bonne situation économique dans laquelle se trouvent nombre d'usines de la région de l'Est, leur permet d'ex= porter avec grand bénéfice; dans tous les cas, il faut constater que de 22.150 tonnes en 1893, le chiffre d'exportation de la fonte a été porté, en 1894, à 63.200 tonnes, et, en 1895, à 127.805 ton nes. C’est un progrès considérabie !. $ 2. — Salaires. Le salaire d'ouvrier que fournit en Krances l’industrie de la fonte, pour une fabrication de 2.000.000 de tonnes environ, est aisé à apprécier. Les frais de main-d'œuvre directe dépassent rarement 3 francs par tonne de fonte produite; en admettant 1 france en plus pour la main- d'œuvre indirecte et la surveillance, on arrive à une somme dépensée par an de 8 millions de francs pour les salaires. L'ouvrier des Hauts Fourneaux a souvent des moments à passer plus pénibles que n'en a tout autre spécialiste de l’industrie sidérurgique; mais ce que doivent posséder les ouvriers qui ont la charge d'alimenter l'appareil comme ceux qui en surveillent la fusion, c'est surlout l’assiduité au travail, jointe à une grande vigilance. Ils doivent remplir par an 365 postes, moitié de jour, moitié de nüit; double poste, c'est-à-dire 24 heures de présence à l'usine, chaque quinzaine, et 24 heures de repos, chaque quinzaine aussi. Mais, si la lâche est pénible pour l'ouvrier de la sidérurgie, il doit reconnaitre les soins apportés à son bien-être, à sa sécurilé et à son avenir Ma=M tériel, par ses patrons, dont la sollicitude ne le cède en rien à celle des patrons d’autres industries; au contraire. En outre des caisses de secours privées dont il est pourvu, l’ouvrier sidérurgique est as= suré contre les accidents du travail par une C4iSsOm syndicale d'assurance mutuelle, et, depuis 1894, une Caisse syndicale de retraites lui assure le pain de sa vieillesse. Alexandre Pourcel, Ingénieur civil des Mines, Ancien Chef de Service des Hauts Fourneaux et Acicries de Terre-Noire. P.-S. — Dans cet article, on n'a pu que mentionner, sans s’y arrêler, quelques détails pratiques de la fabrisM cation de la fonte. Pour tout ce qui se rapporte à la cons truction du Haut Fourneau ainsi qu'à celle des appass reils à chauffer le vent, aux divers systèmes de prisè de gaz, aux distributions du vent, aux appareils méca- niques pour la manutention des matières premières; etc., on consultera avec profit les ouvrages spéciaux de Le Verrier, Ledebur (traduit par Valton), Lowthiam Bell et Gruner fils, déjà cités. A, P LINE UPS TIME EPS OREER E EO ON GPS SERRES 1 Bien entendu, les chiffres des admissions temporaires ont été défalqués de ces totaux. C L. OLIVIER — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'INDUSTRIE DE LA FONTE 539. REMARQUES SUR LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'INDUS TRIE DE LA FONTE . Je voudrais ajouter à l’importante Étude de | une pléiade de jeunes gens entraînés à la science ! N. Pourcel quelques remarques sur le rôle de la science dans la fabrication de la fonte. Si cette industrie a recu, dans notre pays, de notables per- feclionnements. si, en certaines parties de notre territoire, elle est devenue très prospère, il semble juste d'attribuer une large part du succès à la bonne direction scientifique des usines, — d’une facon plus générale, à l’esprit scientifique qui, dans beaucoup de sociélés mélallurgiques, préside à la gestion des affaires. Le fait est tellement rare en France, — en dehors de la métallurgie et de la construction mécanique, — qu'on nous pardon- nera d’y insister. I. — DIRECTION GÉNÉRALE DES USINES. Considérons les Compagnies de Hauts Fourneaux énumérées par M. Pourcel. Parmi leurs adminis- trateurs se rencontrent un certain nombre d’ingé- nieurs des Arts ei Manufactures et d'ingénieurs des Mines, d'anciens élèves de l'École Poly- technique sorlis des carrières officielles et depuis longtemps engagés dans des entreprises privées. A côté de ces esprils formés aux bonnes disciplines de la science, se trouvent aussi des personnes dépourvues, à vrai dire, d'instruction technique, mais, pour la plupart, munies d'une bonne culture moyenne. Dans de tels milieux, la science est forcément en honneur :ceux quisesontexercésà ses méthodes en font, dans la conduite des affaires, prévaloir l'application. À quelque gymnastique qu'ils aient, d’ailleurs, élargi leur envergure intel- lectuelle et développé leur faculté d'apprendre, les qualilés acquises ne les quittent plus : les intérêts qui leur sont confiés s’en ressentent. Dans l’ordre technique, au lieu de livrer la di- rection de leurs usines à des routiniers ignorants, les administrateurs dont nous parlons se préoccu- pent de recruter un personnel instruit, appellent à eux l'ingénieur et le chimiste, veillent à donner à leurs contre-mailres quelques clartés de science. Sans doute, de telles dispositions semblent en- core loin d'être générales, et l’on pourrait signaler, à ce sujet, de regretlables lacunes. Quel progrès cependant sur l'esprit ancien, sur l'esprit qui ré- gnait dans la même industrie avant 1870, avant les cruels enseignements de la guerre, avant que l’École Centrale ait eu le temps de porter tous ses fruits, avant que l'École Polytechnique ait répandu, en dehors des carrières auxquelles elle pourvoit, toute En 1891, M.E. Vlasto écrivait à ce propos : «Il y a près de vingt ans, au lendemain de la guerre, quand nous débutions chez MM. de Wendel, à Hayange, dans leurs merveilleuses usines métallurgiques, la mis- sion du chimiste élait loin d’être ce qu’elle est devenue depuis. « Quand on demandait au laboratoire d'une usine, même importante, de déterminer pour un minerai la teneur en fer, silice, chaux et alumine, — la teneur en cendre, pour du coke, c'élait à peu près tout. Les pra- ticiens jugeaient de l'allure d’un Haut Fourneau uni- quement par l'aspect des laitiers; la fonte ou le fer étaient classés par un manœuvre, d'après ieur cassure, avec une sereine isnorance de leur composition intime. « Quelques années auparavant, bien des maîtres de forges se demandaient à quoi pouvait bien servir un chimiste dans leur usine !, et l’on n’entretenait un labo- ratoire que par vanilé, comme un objet de luxe qui prouvail l'abondance des ressources et la culture scien-, tüfique des administrateurs. « L'écho des coups de canon, tirés par l’armée alle- mande, réveilla nos ingénieurs, On éludia avec curio- sité les canons d'acier que Krupp, à Essen, avait, depuis dix ans, Silencieusement préparés pour son pays. Nous en avions pris quelques-uns à Coulmiers, et nos cama- rades artilleurs se souviendront avec quelle curiosité nous examinions ensemble la nature decenouvel acier. La guerre finie, l’industrie métallurgique prit en France un élan remarquable. On étudia davantage, on se mit mieux au courant, et plus généralement, des études théoriques que les Anglais (Bell, entre autres, à Middlesborough) avaient commencées, que quelques précurseurs enseignaient timidement dans nos écoles, que d'ailleurs la vulgarisation du Bessemer renduit obligatoires. Enfin on se mit à l'œuvre: l'examen rigou- reux, l'analyse d’un métal répondant à des conditions déterminées permit de le reproduire à volonté. « On fabriqua des aciers doux, malléables, durs ou extra-durs. On fit aussi bien que les Allemands, on fit mieux ?. » Aujourd'hui, dans toutes les usines bien tenues, la marche des Hauts Fourneaux est constamment soumise au contrôle de l'ingénieur et du chimiste. Les indications suivantes sur les opérations que ces spécialistes ont à effectuer permettront d’ap- précier l'imporlance de leur œuvre. IL. — OPÉRATIONS SCIENTIFIQUES DANS LES USINES. 1. Combustibles. — Le combustible, quelle qu'en soil la nature, — bois, houille, anthracite, — de- 1 Avant la date dont parle ici M. Vlasto, on ne se deman- dait même pas à quoi la Chimie pouvait servir. D'après M.-Euverte (loc. cit.), « l'intervention des chimistes dans les usines était un fait à peu près inconnu avant 1860 ». L. O ? Préface de la traduction francaise du Trailé pratique de Chimie métallurgique de Juptner. Gauthier-Villars et fils, 1S9K, 540 L. OLIVIER — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L’INDUSTRIE DE LA FONTE mande un traitement particulier. Hydrocarburé, ilne pourrait être introduit dans le Haut Fourneau: les goudrons obstrueraient les interstices entre les matériaux à fondre. Il faut donc carboniser la houille, el c’est le devoir du chimiste de surveil- ler la marche et les résultats des fours (Coppée, Hoffmann Olto, etc.) employés dans ce but. D'une part, il faut épurer, pour les faire servir à l’éclai- rage de l'usine, les gaz résultant de cette carbo- nisation; d'autre part, la valeur du coke produit en même temps doit être appréciée. On doit fixer la teneur du coke en cendres, doser les diverses matières qu'il renferme. La détermi- nation du soufre offre un intérêt particulier : sui- vant la combinaison dans laquelle cet élément est engagé, il est combustible ou incombuslible : le dosage du soufre total est donc insuffisant : il faut doser à part le soufre des sulfures métalliques et des combinaisons organiques, puisque dans le four il donne de l'acide sulfureux nuisible aux réac- tions. Le phosphore réclame aussi le titrage, le coke pouvant introduire cet élément dans la fonte et modifier ainsi, à l'insu du fabricant, la qualité du produit. Quant à la richesse en carbone, hydrogène et oxygène des divers combustibles, l'analyse élémen- laire ordinaire permet de l'apprécier. Celle ana- lyse sert à calculer la puissance calorifique du composé. Sous ce rapport, deux choses sont à con- sidérer : 4° le deyré Uhermique (force chauffante des praticiens) que le combustible permet d'atteindre : 2° la quantité de chaleur (nombre de calories) déga- gée par la combustion d'un kilogramme de ma- tière. Fondé sur la composition du combustible, le calcul des calories exige une analyse très exacte et très complète, partant très minutieuse et très longue. Heureusement, une méthode nouvelle, sor- lie de toutes pièces du Collège de France, est venue, depuis quelques années, dispenser de cette longue opération. En inventant la bombe calorimétrique, M. Berthelot a permis de déterminer, avec rigueur et en fort peu de temps, la quantité de chaleur qu'un poids connu de combustible peut fournir. Cependant une difficulté s'opposait à la diffusion de son procédé dans l’industrie : son appareil coûtait trop cher. Comprenant tout l'intérêt qu'il y avait à réduire considérablement le prix de l'ins- trument, la Société d'Encouragement pour l'Industrie nationale entreprit de provoquer des études dans ce but elle engagea dans celte recherche M. P. Mabler, parliculièrement désigné par ses travaux antérieurs, et subventionna les essais de cet ingénieur, essais heureux qui, aboutissant à substituer la tôle émaillée au platine de la bombe, ont complètement résolu le problème. Ainsi done, grâce à la méthode fondée par M. Berthelot, grâce à l'initiative de la Société d'Encourayement, la métal- lurgie est aujourd'hui dotée d’un procédé rapide, sensible et peu coûteux, en un mot très pratique pour effectuer l’une des opérations les plus impor- tantes de la technique industrielle : la détermina- tion de la puissance calorifique des combustibles. Malgré sa jeunesse, la bombe Berthelot-Mahler fonctionne actuellement dans un grand nombre d'usines en France et à l'Étranger. Cette intelli- gente applicalion de la Science à l'Industrie ne nous offre-t-elle pas. par la facon dont elle a été réalisée, le modèle des efforts à tenter pour faire bénéficier l'Industrie des conquêtes de la Science pure ? 2. Minerais, fondants, lits de fusion. — L'analyse des minerais et des fondants est d’un intérêt évi- dent. Non seulement il faut connaître la richesse en fer! des premiers, mais les corps accessoires qu'ils renferment doivent être dosés. Suivant la teneur en phosphore, vanadium, silicium, manga- nèse, elc., les minerais sont plus ou moins aples à fournir une qualité de fonte déterminée. Le phos- phore et le vanadium sont surtout fréquents dans le sesquioxyde hydraté, — par exemple, dans les minerais oolithiques et pisolithiques de la Moselle; comme ils influent sur la qualité des fontes et les déprécient lorsqu'elles sont destinées à fournir du fer et de l'acier, il est particulièrement ulile de les doser. On sait que les ferro-manganèses et les aciers chromes jouissent de certaines qualités, notamment de dureté, qui les font rechercher pour cerlaines applications. Ces alliages ont d'abord élé obtenus par l’union du chrome et du manganèse au métal affiné. Or, depuis quelques années, diverses usines ont entrepris de préparer, dès le Haut Fourneau, la production de ces composés. On incorpore, à cet effet, des minerais de chrome ou de manga- nèse aux lits de fusion; il en résulle des ferro- manganèses riches et des fontes manganésées que l’on n'a plus ensuite qu'à affiner. Mais la fabrica- lion de ces alliages au Haut Fourneau nécessite un soin extrême : elle exige, dans chaque cas, plus que des analyses suivies, on pourrait dire {oute une étude qui commence à la préparation des lits de fusion et se termine par l'essai du pro- duit de fonte. , D'autre part, quelle que soit la composition de fonte à réaliser, il y a autre chose que ses consti- tuants à considérer dans les minerais. L'examen chimique des gangues s'impose pour élablir la composition des lits de fusion dans le Haut Four- ! On dose : le fer, la perle par calcination (représentant l'eau, l'acide carbonique et les matières organiques) et l'eau hygrométrique. L. OLIVIER — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'INDUSTRIE DE LA FONTE D721 neau, car c'est la richesse de la gangue en silice, alumine, calcaire, qui indique la nature du fondant à employer. Les gangues siliceuses réclament un fondant calcaire, et inversement. Or, dans un même bassin, qui plus est, dans un même gise- ment, la composition du minerai, le degré d’abon- dance de la gangue sont suscesplibles de varier. L'analyse doit, à intervalles rapprochés au cours de l'extraction, surveiller ces variations et modifier en conséquence les doses de fondants. C’est sur- tout le rapport des acides et des bases qu’on doit s'altacher à maintenir fixe dans les lits de fusion. Des règles assez compliquées sont formulées à cel égard dans les traités techniques. Si, dans l'ap- plication de ces règles, entre forcément une part d'empirisme, il n’en est pas moins vrai que l’ana- lyse constitue ici un guide tout à fait indispensable. 3. Lailiers. — Mais là ne s'arrête pas l'inter- vention de la Chimie. La composilion du lailier doit varier suivant la qualité de la fonte à fabri- quer. Pour un même Haut Fourneau affecté à la production d’une sorte de fonte bien définie, il ya une composition oplima du laitier à obtenir, puis à maintenir constante pendant tout le cours de la fabrication. Sinon de fréquentes analyses, tout au moins, de fréquents dosages de l'acidité sont nécessaires. - Ces délerminations exigent des soins dont un chimiste exercé est seul capable. Osons dire, pour- lant, que certaines usines, et non des moindres, lésinant sur la rétribution convenable due à un chimiste instruit, négligent quelque peu ce pré- cieux contrôle des opérations. La conséquence est fatale : fabrication irrégulière, production de fontes défeclueuses, véritable désastre qui com- promel la réputation de l'établissement et dé- tourne de lui la clientèle. Au contraire, quelques usines sont arrivées à la renommée et ont imposé leurs produits sur le marché, en portant leurs services scientifiques à la perfection : le commerce sait qu'il peut compter sur la constance absolue de leurs livraisons, et cetteconfiance est un facteur important de leur succès. 4. Marche du Haut Fourneau. — Dans ces établis- sements, chimiste et ingénieur interviennent de concert en vue de régler la marche du Haut Four- neau, y assurer une réparlition des températures conforme aux exigences des réaclions à effectuer et suivre l’enchainement de ces réactions de la base à la partie haute du four. Les gaz qui en sortent pour aller aux colonnes Cowper sont analysés. L'air échauffé par ces colonnes est injecté aux luyères à une température et sous une pression que l’on surveille. Les combustions, dans les dif- férentes parties du Haut Fourneau, sont l’objet d’une régulation méthodique. La facon dont on les conduit doit, en effet, dépendre de la qualité de ja fonte à produire. — Tout cel ensemble de me- sures, auquel s'ajoute l'analyse des scories, permet d'établir le bilan du Haut Fourneau, d’en régler convenablement la marche, en évitant des pertes de fer et de combustible. 5. Refroitissement des coulées. — Mais la science n'a pas tout fait quand elle a assuré le bon fonc- tionnement, la bonne économie de marche du Haut Fourneau. Elle doit se préoccuper aussi des circonstances qui, depuis l'écoulement jusqu’à la solidification et au refroidissement de la fonte, concourent à déterminer sa constitution. La nature du produit dépend, en effet, dans une large me- sure, de la chute de température à la sortie du trou de coulée, el de la vitesse durefroidissement. Or, celle vitesse est fonction de la conductibilité des récipients où l’on recoit le bain. Il ÿa donc, pour obtenir une sorte déterminée de fonte, à se préoccuper de la chute de tempéra- ture, des dimensions des récipients, de la nature et de l’épaisseur des parois qui les dilimitent. C'est ainsi que, pour faire de la fonte blanche, il faut passer rapidement d'une tempéralure aussi haute que possible (1.600° par exemple) à la température de solidification (environ 1.200°) : dans ce eas, il y a avantage à couler en petits lingots. Pour la fonte grise, au contraire, on coule en quantités. plus grandes. Le refroidissement étant, de ce fait, ralenti, une bonne partie du carbone a le temps de se séparer des autres corps au sein même de la masse, et y reste, après solidification, à l’état de paillettes de graphite. 6. Examen des fontes. -- La fonte obtenue, il faut l’analyser, qu'on la desline au moulage ou à l’aflinage. Les prix de vente des fontes de moulage dépen- dent de leur constitution, de leur nature et du degré d'abondance des impuretés qu'elles renfer- ment. Suivant leur qualité, les fontes sont, en effet, attaquées par divers agents chimiques dont, en diverses industries, elles ont à subir le contact. On le voit, notamment, dans la fabrication du sul- fale de soude : acide sulfurique et sel marin sont mélangés dans de grandes lentilles de fonte de deux mètres de diamètre; or, les diverses fontes sont très inégalement corrodées; ce sont les fontes blanches qui, en général, résistent le mieux. Il est donc très utile, pour établir la valeur mar- chande, de faire une analyse très soignée. Pour les fontes destinées à fournir du fer ou de D42 L. OLIVIER — LE ROLE DE LA SCIENCE DANS L'INDUSTRIE DE LA FONTE l'acier, celte nécessité de l'analyse chimique appa- rail encore plus impérieuse; car, lorsqu'on pra- liquera l’affinage, il faudra savoir exactement ce qu'elles renferment, afin de pouvoir corriger un excès desilicium, expulser le phosphore et le vana- dium qui diminueraient la résistance et porteraient atteinte aux qualités industrielles des aciers et des fers. Ici surtout s'impose la précision de l’analyse, puisque des quantités extrêmement minimes de cerlaines impuretés, un millième par exemple, suffisent pour modifier d'une façon très appréciable les propriétés des métaux el de leurs alliages. Nous n'avons pas à parler ici de l'examen des propriélés mécaniques, essais de dureté, d'élasti- cité, de résistance au choc, à la flexion et à la traction, qui complètent l'étude chimique des fontes de moulage. Ces essais sont, en général, très bien conduits dans les usines par des ingé- nieurs spécialistes et la Revve en a plusieurs fois entrelenu ses lecteurs !. Nous ne nous étendrons pas non plus sur la mé- thode métalloscopique, dont les beaux travaux de M. Osmond, les toutes récentes et très intéres- santes recherches de M.G. Charpy font senlir la haute imporlance. Cette méthode n’est pas encore en essai dans toutes les usines : il y aurait cepen- dant intérêt évident à l'y introduire, sinon pour les indicalions qu'elle fournit actuellement, au moins pour les résultats que, selon toute appa- rence, elle donnera demain. LT. — FORMATION DU PERSONNEL SCIENTIFIQUE ù DES USINES. Ce rapide coup d'œil sur le rôle de la science dans l’industrie du Haut Fourneau fait sentir toute l'importance des Ecoles où la métallurgie recrute ses ingénieurs et ses chimistes. L'École Centrale des Arts et Manufactures lui fournit un certain nombre d'ingénieurs, non spécialistes, il est vrai, mais suffisamment assouplis par la variélé de leurs études, pour s'adapter vite aux exigences du travail dans les usines de Hauts Fourneaux. Mais ce sont surtout l'Érole Nationale Supérieure des Mines, sise à Paris, l’Évole des Mines de Suint- Élienne qui préparent de futurs métallurgistes. La première accueille chaque année comme élèves : 1° trois ou quatre élèves internes, qui y entrent de droit en sortant de l'École Polytechnique avec les numéros de classement de 4 à 4; 2% six à huit élèves civils choisis au concours. Le stage à l'École durant quatre années, on y compte généra- lement trente à trente-cinq élèves. Ces jeunes gens, déjà pourvus d'une bonne culture mathématique et l Voyez notamment l'article de M. André Le Chatelier sur les propriétés mécaniques des métaux. Revue, t. II, p. 509. initiés au système des sciences physiques, étudient spécialement, à l'École, les sciences qu'ils auront à appliquer comme ingénieurs. La Construction mécanique, la Physique industrielle (Chaleur, Élec- tricité), la Chimie minérale, la Géologie technolo-. gique, l'Exploilation minière et l'Industrie métal- lurgique y sont l’objet d’un enseignement oral très complet. Des voyages de vacances consacrés à des études dans les mines et à des visites aux grands établissements mélallurgiques de la France et de l'Étranger, complètent l'instruction scolaire. A l'École des Mines de Saint-Étienne, qui entre- lient à peu près une trentaine d'élèves et où la. durée des études est de trois ans, l’enseignement est un peu moins élevé quant à la science pure, mais un peu plus rapproché de l'applicalion : au centre d'un grand district minier et métallurgique, … les élèves de l’École sont en contact plus fréquent avec l’industrie : leurs maitres les conduisent sou- vent en visite dans les mines et dans les usines. À Paris et à Saint-Étienne, les élèves s'exercent, dans des laboratoires bien aménagés, à l'analyse minérale, qu'ils arrivent à praliquer d'une façon. très correcte ; ils étudient tout particulièrement les fontes, les fers et les aciers. Sous ce rapport leur éducation expérimentale semble parfaite. Au con- traire, en ce qui concerne la Mécanique proprement dite, une grosse lacune est à signaler : ni l'École de Paris, ni celle de Saint-Élienne ne possèdent des machines, j'entends des machines vivantes, dont on peut commander le régime, observerla marche, les qualités et le rendement. C’est là chose très regrettable : les machines sont soumises, pour ce. qui est de leurs mouvements, à des lois mathé- matiques, mais, faites de malière et non d’abstrac- tion, elles évoluent dans le monde de la matière : pour cette raison, la Mécanique ne peut pas se faire uniquement au lableau noir : elle vit de l'union de la Géométrie et de la Physique : la méthode des sciences mathématiques et celle des sciences physiques lui sont également nécessaires. Il existe à ce sujet, dans une partie du corps enseignant, un préjugé singulier : quand on parle de l'utilité des études expérimentales en Mécani- que, certains professeurs s'indignent : « Les gran- des Écoles, disent-ils avec raison, n'ont pas mis- sion de créer des praticiens. Elles font des hommes instruits, qui, à l'atelier, deviendront des prali- ciens ; » mais ils ajoutent : « Dès lors, à quoi bon inslituer, dans nos Écoles, un enseignement pra- tique? Ce serait au détriment de la science pure. Gardons-nous d’abaisser le niveau des éludes. » Élrange confusion entre la pratique d'un métier el l'expérimentation scientifique ! Eh quoi ! Abaisse- t-on l’enseignement de la Chimie en ne le limilant pas à des leçons orales? Si, pour apprendre la L. OLIVIER — LE ROLE DE LA SCIENGE DANS L'INDUSTRIE DE LA FONTE »43 science chimique, nous en étions réduits à cette absurde alternative : entendre le plus beau cours du monde, ou travailler dans un laboratoire, l’hé- sitation ne serait pas permise : il faudrait choisir le laboratoire. Heureusement la question ne sau- rait se poser ainsi, et tout le monde, quand il s'agit de Chimie, est d'accord sur la nécessité de joindre au livre el à la parole, qui résument le savoir accumulé de tous les chercheurs, la manipulalion qui met en contact direct avec les faits. Sans doute, l'expérience personnelle reste forcément très bornée, maisle peu qu'elle enseigne aide à comprendre l’observation d'autrui; seule, elle donne un sens à la multitude des descriptions rapportées dans les cours. Les Américains ont depuis longtemps compris qu'il devaiten être ainsi en Mécanique : ponr en- seigner, comme pour édifier la science pure, l’ex- périmentation leur a paru nécessaire. Ils savent, — _ mieux que les compatriotes de Hirn,—quelathéorie de la machine à vapeur n'existerait pas si la Phy- sique expérimentale n'élaitintervenue dans l'étude de ce puissant engin. Nos lecteurs connaissent les laboratoires de Mé- canique créés aux Elats-Unis !. Nous n'avons pas à yrevenir; mais il nous faut signaler ici le grand effort que font actuellement, de l’autre côté de la Manche, nos concurrents d'Angleterre pour instituer, dans leurs grands centres mélallurgi- ques, des laboratoires destinés à l'étude des machines et äes réactions qu'utilisent les indus- tries de la fonte, du fer et de l’acier. A l'Ecole d’Aciérie de Sheflield, notamment, il y a, à la fois, un laboratoire de Mécanique et un labo- ratoire de Métallurgie, où les futurs ingénieurs des Hauts Fourneaux viennent faire, — malheureuse- ment sans instruction antérieure suflisante, — leur éducation expérimentale. — Tous les grands établissements d'enseignement supérieur en An- gleterre et en Écosse comprennent, depuis quel- ques années, des installations de machines, véri- tables ateliers où la science se fait ets’enseigne. De tels laboratoires manquent évidemment à nos grandes écoles. Aussi fournissent-elles à l'in- dustrie de la fonte beaucoup plus de chimistes que d'ingénieurs. IL y aurait cependant, pour les usines, avantage certain à tenir ceux-ci aussi bien que ceux-là d’instiluls de haute science. Si la Mécanique wppliquée est, comme on le voit, assez maltraitée en France, c'est que, chez nous, on ne la distingue pas assez de la Mécanique pratique. De cette dernière l'État s’est occupé et, disons-le, d’une facon heureuse. Nos trois Étoles d'Arts et Métiers d'Angers, de Châlons et d'Air ! Sur ce sujet, voyez notamment les articles de MM. Dwel- shauvers-Dery et de M. de Billy, dansla Revue cn 4891 et1893. ont été créées pour fournir à l'industrie des contre-maitres habiles, pourvus des rudiments de science qui peuvent diriger intelligemment la main de l’ouvrier. Elles répondent entièrement à leur destination. Intermédiaires entre l'ingénieur qui concoit l'application de la science et l’ouvrier qui exécute matériellement cette application, leurs élèves sont, dans l'industrie qui nous occupe, les meilleurs auxiliaires des chefs de service. Quel- ques-uns sont devenus métallurgistes, mais la plupart sont attachés aux usines en qualité de mécaniciens. Chargés de toute la machinerie du Haut Fourneau et de ses annexes, — colonnes de réchauffement, chaudières, souffleries, injecteurs, etc., — ils ont apporté à ces appareils une série de perfectionnements de détail, qui ont sensible- ment amélioré la fabricalion; souvent aussi, grâce à la connaissance profonde des tours de main de leur métier, ils ont levé des difficultés d'exécution qui empêchaient d'appliquer des idées heureuses, s'opposaient au bon fonclionnement des appareils nouveaux et retardaient le progrès. Leur œuvre, pour demeurer anonyme, n’en est pas moins très importante. Enfin, parmi eux se sont trouvés des hommes d'élite pour lesquels l'instruction acquise à l’École a été le point de départ vers une science plus élevée. Plusieurs sont parvenus à des situa- tions considérables et dirigent aujourd'hui de grands établissements métallurgiques. En résumé, la fabrication de la fonte en France offre cet exemple puissamment intéressant d’une industrie qui, depuis vingt ans, n’a cessé de faire appel à la science et, par là même, a progressé d’une facon continue. Ses affaires sont gérées par des administrateurs éclairés; ses opérations tech- niques sont conduites avec compétence et bénéfi- cient du travail des savants. Cependant, en présence du grand mouvement scientifique qui se manifeste d’une facon plus intense encore dans la métallurgie britannique, on ne saurait trop insisler sur la nécessité de développer chez nous davantage les hautes études qui sont l'âme du progrès industriel. Si une bonne partie de la métallurgie française compte d'habiles administrateurs et s'alimente aux travaux des professeurs de nos grandes Écoles, si elle peut citer avec orgueil, parmi les vivants, les noms de Jordan, Le Verrier, Gruner, H. Le Cha- telier, Osmond, Pourcel, Marrell, Holtzer, de Wendel, Euverte et de Montgolfier, — n'oublions pas qu'à l'heure actuelle, de l’autre côté du dé- troit, la même industrie a pour chefs des hommes qui s'appellent Bessemer, Lowthian Bell, Martin, Gilchrist, Hatfeld, James Riley et Windsor Ri chards. Louis Olivier. 544 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Moch (Gaston), ancien Capitaine d’Artillerie. — Vue générale sur l’Artillerie actuelle. — 1 vol. in-8 de 221 pages (Prix 5 fr.). Berger Levrault el Cie, éditeurs, », rue des Beaux-Arts. Paris, 1896. M. le capitaine Moch a condensé dans ce volume nombre d'observations intéressantes et de critiques judicieuses. IL a mis en lumière quantité de points obscurs; posé nettement des questions à résoudre; précisé des définitions; indiqué aux chercheurs sé- rieux la véritable voie à suivre; désabusé des réveurs de progrès à outrance, Envisageant, d’ailleurs, ferme- ment l'avenir, il a formulé quelques propositions qui semblent devoir être fécondes en résultats heureux. Ce livre est à lire attentivement d’un bout à l’autre. Ici, malheureusement, nous ne pouvons — faute de place, — qu’en noter quelques points saillants, tels que d'excellentes considérations sur l'artillerie à grande puissance, l'artillerie de campagne, l’attelage à quatre chevaux des pièces de ce dernier matériel, le frettage à fils d'acier, l'emploi des douilles métalliques, des boucliers d'affüt, etc. L’artillerie à grande puissance est faite pour détruire des obstacles. Le but qu’elle vise est toujours matériel, un et, généralement, de faibles dimensions; leffet qu’on en attend, parfaitement calculable, comporte la production d’une importante force vive au choc, Letir des bouches à feu employées est direct et de plein fouet; le champ de tir, dégagé et nettement déterminé, Le poids de ces pièces peut être relativement considérable; d’où il suit que les gros calibres ont été longtemps en faveur, non seulement pour le tir de rupture en mer, mais encore au cours des opérations d'attaque et de défense des places. Les progrès de la métallurgie avaient, ces temps derniers, permis de réduire les calibres, et l’on se croyait en droit d'espérer que le poids des canons monstres pourrait, en conséquence, admettre égale- ment une réduction notable, Or on n’a pas éprouvé une mince déception, du fait de l'avènement des poudres lentes dont la mise en service a nécessité une plus grande longueur d'âme des canons. Ces longueurs, de plus en plus prononcées, ont fini par devenir aussi génantes que l’étaient autrefois les gros calibres en- combrants, et il est devenu indispensable de réagir contre la fâcheuse tendance d’un allongement déme- suré. Comment faire ? L'auteur estime que, pour remédier à ces inconvé- nients d'ordre majeur, il convient de recourir au fret- tage à fils d'acier et d'adopter des méthodes de char- gement permettant d'utiliser, aussi complètement que possible, la force de la poudre. Quelle est la caractéristique du mode d’action de Partillerie de campagne ? Là, le but à atteindre est animé, mulliple, disséminé; ce sont des foules de com- battants qu'il s'agit de mettre hors de combat, et l'effet à produire est d'ordre moral autant que matériel. Là, les obus n'agissent plus de par leur masse, mais en vertu de leur fragmentation; ce qu’on recherche, ce sont des pluies de petits projectiles à faible force vive restante. D'autre part, le champ de tir qui s’offre au canon de campagne est absolument quelconque et peut réclamer l'emploi des méthodes de tir les plus diverses. Ilimporte enfin de considérer que le poids du matériel est uu des premiers facteurs du problème à résoudre; les questions de mobilité prennent ici une impor- tance sans égale, qu'il s'agisse de la mise en mou- vement des batteries sur le champ de bataille ou de celle des moyens de transport affectés au service de leur ravitaillement en munitions. Considérant avec juste raison que c’est vers l’allèue- ment du matériel et non vers l'accroissement des forces vives à obtenir que doivent se porter les études des chercheurs, M. le capitaine Moch s'est proposé de déterminer les conditions d'établissement d’un maté- riel suffisamment puissant et, en même temps, extré- mement mobile. Le canon léger, dont il a concu le projet conformément à ce programme, est du calibre de 75 millimètres et lance un shrapnel du poids de 5 kilogrammes, animé d’une vitesse initiale de 500 mé- tres. Frettée à fils d’acier, cette pièce en batterie ne pèse que 550 kilogs.; quant au poids de la voiture — avant-train oucaisson —ilnes’élève qu’à 1.100 ou 1.200. Il suitde là que chaque voiture de l'artillerie proposée pourrait s’atteler à quatre chevaux. Or l’attelage à quatre et non plus, comme aujourd’hui, à six chevaux, c’est la traction rendue plus facile; c’est la batterie plus courte, plus ramassée dans toutes ses formations; c’est l'artillerie rendue sensiblement plus souple, plus rapide, plus maniable et moins encombrante. Quel progrès dans les conditions d’emploi de l'arme! L’adop- lion du système d'attelage à quatre comporterait des avantages considérables. Si l’on suppose la batterie nouvelle organisée à la facon de la batterie francaise actuellement réglementaire, c’est-à-dire à 6 pièces et 9 caissons, il est facile de voir qu'on réaliserait une économie de 15 hommes et de 30 chevaux. La réali- sation d’un tel gain permettrait d’atteler, par corps d'armée, quatre batteries de plus. Enfin, en ce qui concerne les munitions, on pourrait s'approvisionner à 200 coups par pièce, soit à 1.200 par batterie. En colonne, la batterie légère occuperait #5 mètres de moins que celle d'aujourd'hui; en bataille, son front mesurerait 15 mètres de moins en profondeur. C'est à M. le capitaine Moch qu'est due l’idée première du canon léger dont l'emploi prévaudra tôt ou tard et, à cet égard, comme à bien d’autres titres, ilest en droit de revendiquer la gloire légitime due à un précurseur. L'amélioration du métal à canons récemment obtenue provient de divers perfectionnements chimiques et mécaniques. Les bouches à feu en acier au chrôme et au nickel sont incomparablement plus solides que celles qui se font en acier ordinaire; d'autre part l'emploi du procédé Mannesmann, par exemple, confère au métal une structure fibreuse et hélicoïdale, d’où résulte pour la pièce une force toute particulière de résistance. Le fait des améliorations ainsi réalisées conduit naturellement ?e constructeur à faire usage de frettes et de jaquettes plus minces que celles d’'autre- NE - SLR F NT TE 1 fois. Or la limite de l’amincissement de ces éléments, quelle est-elle sinon leur remplacement par des fils? De là, l’idée du frettage à fils d'acier dont M. le capi- taine Moch préconise hautement l'emploi. IL est constant qu'un canon ainsi fretté à fils semble défier toute évenlualité d’éclatement. Une bouche à feu de ce genre est transversalement plus forte que toute autre et, à poids égal, sa résistance longitudinale est mieux assurée que celle d’une pièce à frettage ordi- naire, En somme, l'adoption du système de frettage à fils d'acier permet d'augmenter de 40 à 50 % la valeur de la pression maxima, et par conséquent — dans la même proportion — le rendement des pièces. L'accélération du tir est aujourd'hui l'objectif que poursuivent avec le plus d'acharnement les construc- teurs de canons de campagne. Est-il à désirer que des ca- nons tirant rapidement soient prochainement mis en I BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ©t rs e service ? L'auteur de la Vue générale sur l'Artillerie actuelle ne se prononce pas à cet égard, mais il observe qu’il n'existe pas un véritable canon de campagne à tir rapide qui mérite d’être substitué aux pièces dont on se sert aujourd'hui, et que le seul canon qui, rationnel- lement, pourrait être dit « à tir rapide » est celui qui échapperait à l’action du recul. En attendant la solu- tion que l'avenir réserve au problème posé, l’auteur a entamé une vigoureuse croisade contre la douille métallique dont on préconise maintenant l'emploi. Chaque jour, en effet, on entend dire que l’adoption de la cartouche complète est un progrès qui s’impose, et que toutes les artilleries réaliseront dans un avenir prochain. Mais le fait de la liaison du projectile à la charge implique nombre d’inconvénients dont d’aucuns sont fort graves. Le prix de revient de cette cartouche complète est effectivement notable; et son poids, relati- vement élevé, Notons, d'ailleurs, les difficultés d'extrac- tion des douilles vides et l’encombrement que les douilles extraites occasionnent autour de la pièce. Et puis, la cartouche court de grands risques de disloca- tion au cours de son transport qui n’est point exempt de danger ; sa longueur exagérée en rend le maniement difficile. Ajoutons à cela les chances de ratés et d'écla- tements dans l’âme. Et en regard de ces inconvénients d'ordre majeur un seul avantage — très problématique et discutable — celui de l'accélération du tir! M. le capitaine Moch discute aussi, avec non moins d'à-propos, les avantages qu’on pense tirer du fait de l'annexion à l'affût de campagne d’un bouclier métal- lique organisé de facon à arrêter les balles et les menus éclats de projectiles creux. Un dispositif de ce genre serait excellent si l’on n’avait devant soi que des fusils tirant exactement en face de la pièce, mais le type proposé ne saurait protéger que les deux premiers servants. D'ailleurs, il faut tenir compte des efforts de l'artillerie adverse qui ne manquera point de faire du tir à démonter, d'où il suit que l'adaptation d'un bou- clier à l'affût aurait pour effet de rendre meurtriers bien des coups qui, sans sa présence, seraient restés inoffensifs. Enfin, un tel écran servirait de cible à l'ennemi et gênerait beaucoup l’opération du pointage. A ces causes, il convient de ne point en préconiser l'adoption. L'auteur a élucidé nombre d'autres questions inté- ressantes et dont le fait des limites restreintes qu’il nous faut admettre en cette analyse nous empêche de rendre compte. Notons seulement en terminant qu’une des parties les plus remarquables de l’ouvrage est son Introduction. L'auteur observe en ces pages judicieuses que, à la manière de la plupart des autres sciences, la science de l’Artillerie se divise actuellement en un assez grand nombre de sections dont chacune peut suffire à faire l’objet des études et à absorber le temps d’un homme. « Tel spécialiste, dit-il, qui s’est voué à la balistique intérieure ne possède que des données courantes sur le tir des bouches à feu et les effets des projectiles; tel autre, métallurgiste ou mécanicien éminent, ignore la pyrotechnie ou n’a jamais vu rouler un canon à travers champs, au grand trot par dessus les sillons ou les fossés; ou, s’il connaît la tactique de l'artillerie de campagne, il n’a jamais visité une place forte moderne ou un navire cuirassé. Et pourtant celui qui veut établir un système d'artillerie est bien obligé de tenir compte de toutes ces connaissances et de bien d’autres encore. » « C’est que, dit ailleurs M. Gaston Moch, la concep- tion d’un système d'artillerie est une des choses les plus complexes qui existent. Chacun de ses éléments, une fois déterminé, réagit sur tous les autres et contri- bue, à son tour, à les déterminer. On se trouve donc en face d'une multilude de conditions contradictoires entre lesquelles il faut faire une cote mal taillée, en S'appuyant, à tour de rôle, sur les considérations de tactique, de service et de possibilité industrielle qui oblisent à subordonner les uns aux autres les divers desiderata que l’on avait en vue. » L'auteur conclut à la nécessité d’une réaction contre l'éparpillement des efforts résultant d’une spécialisa- tion à outrance; à l’urgence de l’intronisation d’un chef d’orchestre chargé du soin de faire faire de la musique d'ensemble à quantité d’instrumentistes qui, chacun de son côté, jouent avec une indépendance criante, aboutissant en somme à la cacophonie. Au- jourd’hui que toutes les études se côtoient, se pénè- trent, empiètent les unes sur les autres, sans que l'on en voie clairement les liens naturels, il y aurait, ce nous semble, place pour un enseignement d'idées générales, de nature à coordonuer des notions qui se professent, à l’heure qu'il est, sous des formes qu'on peut dire entachées d’anarchie, À notre sens, l’auteur a bien raison de souhaiter l'inauguration d’un tel corps de doctrines, qui rappellerait aux chercheurs les obliga- tions auxquelles personne ne saurait se soustraire, et mettrait en pleine lumière les principes inéluctables posés par la nature des choses. A cette étude des ques- tions générales il donne le nom, fort bien trouvé, de Philosophie de l'Artillerie. Lieutenant-colonel HENNEBERT. 2° Sciences physiques. Bouty (E.), Professeur à la Faculté des Sciences de Paris. — Premier supplément au Cours de Phy- sique de l’Ecole Polytechnique, de MM. Jamin et Bouty : — Chaleur, Acoustique, Optique. — 1 vol. in-8°, de 182 pages avec #1 figures. (Prix : 3 fr. 50.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs, Paris, 1896. Trouver un exposé précis des notions qui servent de point de départ aux questions de la Physique moderne, et qui permettent de les rattacher étroitement aux questions connues, est parfois chose difficile. Dans l'exposé de leurs travaux, les auteurs sont trop enclins à croire familières à tous des connaissances souvent particulières, D'autre part, un savant, amené à éludier personnellement l'état actuel d’une question, songe trop rarement à en présenter un exposé systématique etcritique. Il croit l’inédit seul digne d’être publié. Pourtant combien de personnes, désireuses de se maintenir au courant des connaissance nouvelles, ne possèdent, dans les questions récentes, que des résul- tats épars, et seraient heureuses d’en trouver l’en- semble condensé avec autorité et compétence! Le nouveau fascicule du grand Traité de M. Bouty répond heureusement à ces désirs, L'auteur a limité à juste titre l’objet de son étude à celles des matières qui se sont suffisamment développées ou éclaircies depuis quelques années pour donner lieu à une exposition suivie. Il y a apporté, avec sa vaste érudition, la net- telé et l’originalité qui caractérisent son enseignement. Citer un certain nombre des questions traitées suffira pour mettre en relief tout l'intérêt de cet ouvrage. Ce sont d’abord les méthodes générales qui convien- nent le mieux pour l'application des principes de la Thermodynamique aux divers phénomènes, les travaux de M. Amagat sur la variation de température du maxi- mum de densilé de l’eau, les études dues, poux la plus grande part, à M. Mathias sur les densités des vapeurs saturées, sur la calorimétrie des gaz liquéfiés, sur la manière dont on doit entendre le théorème des états correspondants, puis les liens entre les phénomènes capillaires et le point critique. Puis M. Bouly expose les théories de la dissociation de Gibbs, de la pression osmotique, les méthodes tonométriques et cryosco- piques fondées par M. Raoult, En Acoustique, il déve- loppe la théorie des mouvements vibratoires, discute le principe d’'Huychens, montre avec quelle justesse M. Gouy à mis en garde contre une idenlificalion trop complète entre la propagalion des ondes planes el celle des ondes sphériques, et a démontré l'allération des vitesses vibraloires dans leur propagation. Puis vient la théorie des résonateurs, des cordes et des membranes, d’après lord Rayleigh. Enfin signalons particulièrement en Optique les phénomènes d'inter- 546 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX férences : la localisation des franges, les travaux de M. Michelson pour relier l’étalon métrique aux lon- gueurs d'onde, l'influence du mouvement de la Terre sur les phénomènes d'interférences, enfin les travaux de M. O0. Wiener et de M. Lippmann sur les ondes sta- tionnaires, la photographie des couleurs et la direc- tion de la vibration dans la lumière polarisée. * Le lecteur retrouve avec satisfaction les questions étudiées pendant ces dernières années dans la Revue générale des Sciences et à la Société de Physique, et est heureux de pouvoir grouper et compléter des connais- sances acquises souvent sans méthode. Edgard Haupié. OGecnsner de Coninck. Professeur adjoint à l'Uni- versité de Montpellier. — Cours de chimie organique : Tome second. Série aromatique. — Un vol. in-8° de 270 p. (Prix : 6 fr.). G, Masson, 120, boulevard Saint- Germain. Paris, 1896. Il à été déjà rendu compte du tome 1°" dans cette Revue. Le tome II, qui est consacré à la série aromatique, ne le cède en rien au tome [°° comme simplicité de méthode et clarté d'exposition. Après avoir examiné les conditions du passage de la série grasse à la série aromatique, l’auteur aborde l'étude des carbures aromatiques, depuis la benzine jusqu'aux carbures les plus complexes. Il décrit en- suite les phénols, les alphénols, les alcools aroma- tiques, les oxydes de phénols, les aldéhydes et acé- tones aromatiques. Quatre lecons sont consacrées aux acides aromatiques. L'auteur traite ensuite des amides et des amines de la série. Il termine par une étude générale des quinones, des composés azoïques, des matières colorantes, des terpènes, des camphres et de leurs dérivés. Toutes ces lecons sont mises au courant des travaux les plus récents et les plus autorisés sur ces dérivés si particuliers. A la suite de ce cours de chimie aromatique, l’au- teur a placé un appendice où il traite de la nature des alcaloïdes, de leur classification, puis il étudie successivement les bases pyridiques et quinoléiques, et leurs hydrures, dont la plupart constituent des alcaloïdes volatils bien connus. - Dans la dernière lecon, on trouvera un historique complet de la découverte des ptomaïnes, et. l'exposé des propriétés de ‘ces alcaloïdes si intéressants. On sait que l’auteur a publié de nombreux travaux sur les ptomaines ; aussi traite-t-il son sujel avec compé- tence. En résumé, le tome second du Cours de Chimie organique de M. Oechsner de Coninck est un ouvrage très clair, très méthodique, bien au courant des dé- couvertes modernes, Il ne sera pas fu, avec profit, seulement par les étudiants des Facultés des Sciences, mais par tous ceux qui désirent connaître les im- menses progrès de la Chimie organique. Octave Duronr. De Graffigny (Henri), Ingénieur civil. — Manuel Fratique du conducteur de dynamos et moteurs électriques. — 1 vol. in-18 de 160 pages avec 69 fig. (Prir 1 fr. 50). (Petite encyclopédie électro-mécanique). E. Bernard et Cie, éditeurs. Paris, 4896 3° Sciences naturelles. Wiala (P.), Professeur de Vihculture à l'Institut national Agronomique, et Kavaz (L.), Directeur de la Station Viticole de Cognac. — Les Vignes américaines. Adaptation, culture, greffages, pépinières. — 1 vo- lume in-12 de 390 pages avec 147 fig. (Prix : 6 fr.) Bi- bliothèque de l’enseignement agricole de M. A. Müntz. Firmin-Didot et C*, éditeurs, 56, rue Jacob, Paris 1396. Si la reconstitution des vignobles français par les plants américains a parfaitement réussi sur de grandes surfaces, on doit reconnaître cependant que, sur cer- tains points, les résultats obtenus ont été médiocres. Ces échecs, plus ou moins étendus, peuvent tenir à des causes diverses : Ja nature du sol, son pouvoir chlorosant, les conditions climatériques, les façons culturales exécutées à des moments plus ou moins opportuns, sont autant de facteurs qui influent néces- sairement sur les résultats et dont il convient de déter- miner l'importance. L'extension vraiment prodigieuse de la culture des vignes américaines depuis la première édition de « l'Adaptation », a permis de multiplier à l'infini les termes de comparaison. Des renseignements de tous genres ont pu être recueillis : les uns, venant confirmer des observations précédentes, d’autres, apportant avec eux une nofion nouvelle, ont permis de mettre en lu- mière quelques points jusque-là inapereus. Ces observa- tions ont été rigoureusement contrôlées par MM. Viala et Ravaz dans leur nouveau livre : « Les vignes améri- caines ». Get ouvrage est divisé en quatre parties : la première est une étude physiologique de la vigne où les auteurs examinent les conditions qui influent sur sa végétation. Les premiers chapitres sont relatifs à l'influence du sol (humidité, fertilité, rôle de la silice et del’argile); les autres insistent plus particulière- ment sur les caractères de la chlorose, ses causes et son traitement. in La deuxième partie est consacrée à l’étude propre- ment dite des cépages : toutes les espèces de vignes américaines sont décrites et étudiées avec le plus grand soin au point de vue de l’adaptation au sol et de la culture qui leur convient. Les hybrides de vignes américaines et franco-américaines sont l’objet d'une étude spéciale pour tout ce qui concerne leur résis- tance au phylloxera, leur adaptation, leur productivité. Dans la troisième partie sont indiqués les soins de culture, choix des cépages, défoncements, plantation, labours, etc., avec des considérations d’un grand inté- rêt pour tout ce qui touche à la qualité des vins des vignes greffées. La quatrième est relative aux greffages et aux pépi- nières. Elle est précédée d'observations d'ordre scien- tifique sur l’anatomie et la physiologie de la greffe, sui- vie de la description raisonnée de tous les modes de greffage usités dans la pratique, et complétée par de longs et intéressants détails sur tout ce qui concerne la bonne tenue des pépinières. On voit, d’après un cadre aussi étendu, quelle source de renseignements précieux doit-être la nouvelle édi- tion du livre «les Vignes américaines ». Tous les viticul- teurs, désireux de savoir à quel point en sont les ques- tions relatives à la reconstitution des vignobles, trou- veront dans cet ouvrage les documents les plus récents, et ceux qui, plus progressistes encore, veulent conti- nuer des expériences ou créer de nouveaux hybrides, pourront y puiser les indications les plus utiles sur la marche à suivre. Le nom seul des auteurs est une recommandation assez puissante pour nous dispenser de faire plus lon- guement l'éloge de cet ouvrage, qui vient compléter d’une facon très heureuse la bibliothèque de lEnsei- gnementagricole, sihabilement dirigée par M. A.Müntz. ; J. M. Guizox, Mangin (G.), /nterne des Hôpitaux de Paris. — Précis de Technique microscopique et bactériologique, précèdé d'une préface par M. Mathias Duval. — Un vol. in-1S de 351 pages. (Price : cartonné, 3 fr.) O. Doin. éditeur, Paris, 1896. Ce Précis s'adresse au débutant en histologie, à l'étudiant et au médecin praticien qui, privés des res- sources d'un laboratoire, désirent procéder rapide- ment à l'examen microscopique d’une pièce anato- mique ou de produits pathologiques. L'auteur s’est appliqué à décrire avec détails les méthodes générales de la technique et à indiquer comment, à l'aide d'un dispositif élémentaire, on peut remplacer les appareils +, L À a ere Re tint qe ren hate Pétaes. d'A RATS D “à. TR. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 54 quelquefois compliqués et coùteux dont on fait usage dans les laboratoires. Après avoir donné quelques procédés simples et ra- pides de fixation, de coloralion, d'incelusion, de montage des coupes et de dissociation, M. Mangin indique, pour chaque tissu et chaque organe, des méthodes de pré- paration qui, si elles ne permettent pas d'en faire une étude approfondie, suffisent cependant pour donner une connaissance exacle de leur constitution. + La troisième partie du Précis est consacrée. à un résumé consciencieux de la technique bactériologique ; elle sera surtout appréciée des médecins, la recherche et la différenciation des microbes s'imposant aujour- d'hui pour un grand nombre de maladies. Une table alphabétique trés détaillée termine l ouvrage et permet de trouver immédiatement le renseignement cherché. : HENNEGUY. : 4° Sciences médicales. Lauth (D° G.), Ancien interne des Hôpitaux de Paris. — Traitement de la Tuberculose par l'altitude. — Un vol. in-18° de 292 pages. (Prix : 3 fr.) 0. Doin, éditeur. Paris, 1896. La question des Sanatoria pour fuberculeux est de plus en plus à l’ordre du jour, et, de tous côtés, sur- gissent des travaux sur celle question. Dernièrement, nous analysions, dans cette Revue, le livre de M. Sa- bourin, qui avait surtout pour but de familiariser le public avec l’idée du traitement des phiisiques dans des établissements fermés. L'ouvrage de M. Lauth s'adresse plus particulière- ment aux médecins ; il suppose le principe du sanato- rium admis et rend compte des conditions dans les- quelles il doit être installé et doit fonctionner. C’est que les mots d'altitude, de cure d'air, ne sont pas compris par tout le monde de la même facon : pour les uns, un sanalorium vaut d'autant mieux qu'il est plus haut placé; pour les autres, l’altitude n’a aucune importance, le tout est que l'air ambiant soit pur et non contaminé. Comme il est facile de le préjuger, la vérité est entre ces deux extrêmes, et, quand on connait bien les con- ditions climatériques et météorologiques des régions montasneuses, on peut à priori indiquer les points favorables à la cure. . On peut établir, quant à l’altitude, trois zones bien caractérisées : 1° la plaine et les régions montagneuses inférieures où les brouillards sont fréquents, Thumi- dité du sol prolongée; 2° la zone moyenne comprise - entre 1.300 et 1.800 mètres d’allitude, où l’air est pur, au-dessus des brouillards d'en bas, au-dessous des nuages des sommets, la sécheresse presque constante, hiver comme été; 3° enfin, la zone des régions alpines supérieures, souvent enveloppée de nuages, et où l’on peut trouver les inconvénients d’une pression atmos- . phérique trop diminuée. C’est dans la zone moyenne que le sanatorium trouve les conditions les plus favorables de sécheresse, de constance de température, de pureté d'air, surtout pour l’hiver, où la neige, contrairement à ce qu’on pourrait penser, intervient comme un élément bienfai- sant; elle empêche les poussières de se répandre dans l'atmosphère, et elle intercepte les rayons du soleil qui, sans elle, irait réchauffer le sol et provoquer la formation de brouillards. Le sol, avec cela, doit être perméable et couvert de végétation, le terrain en pente, pour l’écoulement rapide de la neige fondue ; enfin, l'emplacement doit être choisi à mi-côte d'une montagne élevée, garantis- sant les habitations contre le vent du nord principale- ment, les autres étant plus ou moins difficiles à éviter suivant les régions. Tous les auteurs sont d’accord aujourd'hui pour proclamer que le traitement des tuberculeux est sur- tout hygiénique : c'est la minutie essentielle de cette “hygiène, plus encore que la question climatérique, — peut-être, qui nécessite l’internement des malades et leur séjour prolongé dans les sanatoria, La vie en plein air, le repos allongé et l'alimentation abondante sont les trois articles fondamentaux de cet évangile spécial, Cependant, pour qui a pratiqué un peu les tubercu- leux, il est évident qu'il serait absurde de vouloir appliquer ces règles dans leur rigueur à tous les ma- lades : la nature du phtisique, le degré de la maladie, sa forme et son évolution, sont autant de données va- riables avec les cas, qui doivent entraîner des modifi- cations dans les méthodes thérapeutiques : aux uns le repos, aux autres l’exercice modéré; à ceux-ci la sur- alimentation, à ceux-là le choix et la discrétion dans les aliments, etc... C'est ce qui rend nécessaire la pré- sence d’un elinicien véritable à la tête de ces établis- sements. L'effet capital de l’altilude sur les phtisiques est la facilité de la respiration sans recourir à aucun mou- vement respiratoire forcé; puis surviennent la diminu- tion de l'expectoration, la rareté des infections secon- daires, augmentation des échanges organiques, l’apai- sement du système nerveux, le retour du sommeil et la disparition de la fièvre. Les seules contre-indications au traitement d'alti- tude sont, à un point de vue général, fournies par l’état de cachexie. par la diffusion des lésions et par la marche aiguë de la maladie. M. Lauth, examinant quelle doit ètre la conduite des tuberculeux en dehors des sanatoria, proserit en bloc «les eaux minérales sulfureuses, sulfatées ou arséni- cales. Nous ne savons pas, dit-il, à quelles sortes de tuberculeux ces eaux conviennent, et nous savons cér- tainement qu'elles peuvent faire du mal ». La clinique très ancienne et très scientifique, quoi qu'il dise, de ces stations, pourrait renseigner l’auteur sur les formes de tuberculose qu'il convient d'y adresser pour les modifier favorablement sans procéder nécessaire- ment par des poussées congestives. En matière de thérapeutique, nous serions réduits à bien peu de chose, s’il nous fallait rejeter toutes-les données de l'expérience clinique, disons, si l’on veut, de l’empirisme, pour ne conserver que les résultats de laboratoire. Or l’action des eaux minérales, quelles qu’elles soient et envisagées d’une facon générale, est une des plus. incontestables, et cependant une des moins réductibles par l'analyse et l’expérimentation de leurs constituants chimiques isolés. Si l’action directe des eaux sulfureuses et autres sur le bacille de Koch n’est pas démontrée, il est incontes- table que nombre de phtisiques doivent leur existence à ces mêmes eaux, pourvu toutefois qu'elles n'aient pas été administrées à tort et à travers, sans considé- ration du terrain sur lequel était implantée la tuber- culose, ni de sa forme, ni de son évolution. Le livre de M, Lauth sera d'une grande utilité aux médecins, en ce qu'il précise beaucoup de points de pratique généralement ignorés de ceux pour lesquels le sanatorium devient un terme absolu d'une équation correspondant à un autre terme, qui est tuberculose. Dr R. Duranp-FAnpEL, 5° Sciences diverses. Beauresard (H ), Assistant d'Anatomie comparée au Muséum. — Nos Bêtes. Animaux utiles et nui- sibles. — Ouvrage paraissant par livraisons de 8 pages avec une planche en ES hors texte. (Prix de chaque livraison : 0 fr. 90), À. ('olin, éditeur. 5, rue de Mézières, Paris, 1896. Dans les dernières livraisons parues se continue l'é- tude des animaux nuisibles, particulièrement de ceux qui commettent des dégâts dans nos maisons. L'auteur passe en revue le rat, la souris, le cloporte, la vrillette opiniätre, dont les larves creusent le bois des meubles, le dermeste dont les larves s’attaquent aux plumes el aux fourrures, la blatte, le grillon domestique, etc. 548 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 4 Mai 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Lœwy et Puiseux essaient de reconstituer l’histoire de la Lune sans in- voquer l’action de forces autres que celles que nous voyons à l’œuvre sur la Terre. Ils distinguent une pre- mière période de solidification, avec dislocations et soudures successives dont les restes sont les sillons rectilignes que nous montrent les photographies ac- tuelles. La constitution d’une écorce continue marque une seconde période : les laves qui s'accumulent en certains points de l’intérieur provoquent la formation des crevasses. L’écorce devenant plus solide, l'action des pressions internes se traduit par des soulèvements suivis d’effondrements; cette troisième période est celle de l’apparition des grands cirques. L'activité vol- canique diminue, mais il peut toujours se produire des affaissements généraux qui donnent naissance aux mers (quatrième période). Enfin une nouvelle période d'activité volcanique, intense mais limitée, a produit les taches et les trainées blanches. — M. H. Faye rap- pelle plusieurs observations d'oiseaux et de papillons dans l'œil de tempêtes intertropicales. Il en déduit que les gyrations extérieures d’un cyclone ne sont nullement ascendantes, car autrement les papillons et oiseaux surpris par les premières gyrations redoutables de la tempête seraient entraînés tout d'abord jusqu'aux nues d’où ils ne retomberaient pas dans la région cen- trale du calme. En outre, ce calme forme une vaste colonne entraînée, horizontalement par la tempête et mue verticalement d'une descente finalement modérée. — M. G. Bigourdan adresse ses observations de la nouvelle comète Swift (13 avril 1896), faites à l'Obser- vatoire de Paris (équatorial de la tour de l'Ouest). — M. Maurice Hamy donne le développement approché de la fonction perturbatrice dans le cas des inégalités d'un ordre élevé. — M. J. Hadamard démontre une nouvelle propriété des mouvements sur une surface, qui peut s’énoncer ainsi : Sur une surface fermée quel- conque, parcourue par un mobile sous l’action de forces données quelconques, il existe toujours une région R, assignable a priori, où toute trajectoire du mobile doit nécessairement passer. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Bertrand démontre l'absurdité d’une proposition fondamentale de la théorie cinétique des gaz, la loi de répartition des vitesses des molécules gazeuses et de leurs composantes suivant une direction arbitrairement choisie, — M. Cotton ayant récemment soutenu une importante thèse expé- rimentale sur l'absorption de la lumière par les mi- lieux doués du pouvoir rotatoire, M. E. Carvallo montre que les faits découverts découlent des formules qu'il a données en partant du groupe de théories Helmholtz-Boussinesq. — M. G. Jaumann répond à une objection de M. H. Poincaré, Dans sa théorie, l’axe des rayons suit les lignes de force électrique stalique. Or la surface de verre d’un tube à vide est tellement chargée que les lignes de force sont rectilignes; les rayons sont donc rectilignes. Quand on affaiblit les rayons, ils sont déviés très fortement par des forces électrostatiques. — MM. G. Gaiffe el E. Meylan dé- crivent de nouveaux appareils de mesure pour les cou- rants de haute fréquence. L'un est un galvanomètre thermique constitué en principe par un fil fin tendu sur des poulies, dont on amplifie le mouvement de l'extrémité libre, L'autre est un ampèremètre d’in- duction basé sur la répulsion des courants induits par le courant inducteur, — MM. L. Benoist el D. Hur- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES muzescu reconnaissent la justesse des observations de M. Righi sur la valeur de l’électrisation par less rayons X, mais croient quela disposition expérimentale qu’ils emploient est préférable pour l’étude de ces phé- nomènes. — MM. V. Chabaud et D. Hurmuzeseu ont étudié l'influence du degré du vide et de la forme des tubes sur la production des rayons X. Ils sont arrivés à construire un tube de forme particulière qui est su- périeur au focus et présente de grands avantages sur lui. — MM. A. Imbert et H. Bertin-Sans présentent de nouvelles radiographies et signalent les services que peut rendre la radiographie à la physiologie des mou- vements articulaires, — M. P. Cazeneuve indique une nouvelle préparation synthétique de lurée et des urées composées symétriques. Il fait agir à froid le carbonate de gaïacol sur l’alcool à 93° saturé de gaz ammoniac. La réaction est la suivante : CO(0.C5H1.0,.CH3)? + 2AzH3 AzH? NOTES : + 2C5H4.0H.0CHE — M. A. Arnaud a transformé l'acide taririque et son isomère, l'acide stéaroléique, en acide stéarique par hydrogénation au moyen de l'acide iodhydrique fu- mant. — M. E. Bourquelot a reconnu la présence de l’éther méthylsalycilique dans une nouvelle plante, le Monotropa hypopythis. Il a constaté, en outre, que, dans toutes les plantes qui fournissent l'éther méthylsalyci- lique, ce corps n’existe pas à l'état libre, mais à l’état de glucoside, décomposé pendant l'extraction par un ferment hydrolisant. — M. Balland a étudié diverses espèces de maïs. Toutes renferment autant d'azote et de matières phosphatées que la moyenne des blés fran- cais et trois à quatre fois plus de matières grasses; à ce titre, c’est un aliment plus complet. — M. G. Friedel a constaté que l’eau des zéolithes chassée par calcina- tion peut être remplacée par diverses substances : hydrogène sulfuré, acide carbonique, hydrogène, air atmosphérique, fluorure et tétrachlorure de silicium, solutions colorées. 3° SGiENCES NATURELLES. — M. A. Laveran a étudié le sang d’un grand nombre de paludiques; il y a toujours trouvé le microbe du paludisme sous deux formes : 1° des corps amiboïdes libres ou adhérents aux héma- ties, presque toujours pigmentés; 2° des corps en croissant. M. Laveran donne des preuves en faveur de l'unité du microbe du paludisme. — M. L. Roule donne quelqués renseignements sur la distribution géographique des Annélides des grands fonds du golfe de Gascogne, recueillis dans les dragages du Caudan, en avril 1895. — M. E. Roze a étudié la ma- ladie connue sous le nom de gale de la pomme de terre. Il en attribue la cause première à un imper- céptible Micrococeus (M. pellucidus) qui mortifie Pépi- derme du tubercule et sert pour ainsi dire d'entrée aux autres parasites, — M. L. Gentil a étudié les érup- tions ophitiques de l'Algérie et leur attribue un âge miocène, — M. V. Guinkoff présente plusieurs photo- graphies de la rétine, obtenues avec un appareil de son invention, — M. E. Gérard à constaté la décom- position, par un ferment, de l'acide urique en urée et carbonate d'ammoniaque. L'urée produite s’hydrate elle-même, sous l'influence d’un autre ferment, pour donner du carbonate d'ammoniaque. — MM. J. Albar- ran et E. Mosny ont cherché à combattre l'infection urinaire par la sérothérapie. Le coli-bacille jouant un rôle prépondérant dans cette infection, des animaux ont été vaccinés soit avec des cullures vivantes de ce ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 549 bacille, soit avec des filtrats de macérations d'organes d'animaux morts d'infection coli-bacillaire, soit par un procédé mixte. Les auteurs étudient le pouvoir préventif et curateur du sérum des animaux vaccinés. — M. P. Lafon expose les relations qui existent entre la composition du sang et sa teneur en hémoglobine et l'état général de l’organisme, Séance du 11 Mai 1896. La Section d'Economie rurale présentela liste sui- vante de candidats à la place devenue vacante par suite du décès de M, Reiset: en première ligne, M.Müntz; en seconde ligne, M, Risler ; en troisième ligne et par ordre alphabétique : MM. Laboulbène, Maquenne et Th. Schlæsing fils. 1° SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M. Perrotin commu- nique ses observations sur les phénomènes crépuscu- laires et la lumière cendrée de Vénus. Elles confirment Phypothèse de M. Schiaparelli d'après laquelle la lu- mière cendrée estanalogueauxilluminations quiaccom- pagnent les aurores polaires sur la terre, illuminations qui se produisent sur un hémisphère entier de Vénus, dans la supposition d'une durée de rotation égale à celle de la révolution sidérale. — M. L. Autonne étudie les substitulions régulières non linéaires de l’espace, qui ont la double propriété d’être birationnelles et d’ad- mettre un invariant différentiel dont l’évanouissement identique caractérise les courbes intégrantes; il donne de nouvelles propriétés de ces substitutions, — M. E. Borel donne une démonstration directe d’un théorème de M. Picard sur les fonclions entières, d’après lequel une fonction entière ne devenant égale ni à @ ni à b (a + b) se réduit nécessairement à une constante. Il démontre, en outre, la proposition suivante: G (z) étantune fonction entière, M. Hadamard a indiqué une limite supérieure ; (r) du nombre des racines de module inférieur à r; parmi les équations G (z) — P (z\, dans lesquelles P (z) est un polynôme, il y en à au plus une telle que le nombre de ses racines de module infé- rieur à » soit, pour » très grand, inférieur à log & (r). M. G. Kœnigs est parvenu à démontrer rigoureuse- ment l'existence d’une infinité de solutions périodiques du problème du mouvement d’un corps pesant quel- conque, suspendu par un de ses points. —M.R. Liou- ville énonce différentes propriétés relatives à la rota- tion des solides et cite un cas dans lequel le principe de Maxwell esten défaut. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Marcel Deprez étudie le rôle du noyau de fer de l’induit dans les machines dynamo-électriques. Il arrive à la conclusion que les flux de force magnétique traversent le fer exactement comme les autres métaux et signale quelques consé- quences de là nouvelle théorie qu'il vient d'exposer. — M. Poisson adresse un projet de multiplicateur des courants électriques. — M. G. Friedel adresse une réclamalion de priorité concernant le procédé de me- sure des biréfringences exposé récemment par M. Don- gier. — M.R. Swyngedauw arrive à la loi générale suivante : L’abaissement du potentiel explosif d'un excitateur sous l’action des radiations ultra-violettes est une fonction croissante paire de la vitesse de varia- = dt Au moyen de cette loi, il interprète cerlaines expé- riences de M. Jaumann. —M, G. Le Bon est arrivé à condenser la lumière noire sur des plaques métal- liques et à impressionner la plaque sensible au moyen de cettelumière condensée et au travers de lames métalliques. Il donne ensuite un essai de classification des radiations invisibles récemment découvertes, — M. À. Besson a fait réagir le gaz HBr sur des vapeurs de chlorure de thiophosphoryle PSC, en les faisant passer sur de la pierre ponce chauffée à 400°-500°, Les produits de la réaction sont PSCEBr, PSCIBr? et PSBr*; l’auteur donne les propriétés des deux premiers Corps. — M. V. Thomas a faitagir l'air et le peroxyde REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1896. tion du potentiel à l'instant où l'étincelle éclate, d'azote sur quelques composés halogénés du bis- muth; cette action se résume dans le tableau suivant : Action de AzO? Action de l'air BLOC OC PRE CERN M. L. Bouveault, en faisant réagir le chlorure d’éthyloxalyle sur les hydrocarbures aromatiques en présence dechlorure d’aluminum, a obtenu des éthers gloxyliques substitués par des radicaux aromatiques : C£H64-CI1-CO - CO?—C2H°=HCIHCSHS — CO—CO?—C'H?. Quand il peut se former plusieurs isomères, ilne s’en produit généralement qu'un, le dérivé para. — M. Mar- cel Delépine indique une nouvelle méthode de sépa- ration des méthylamines, basée sur ce fait, découvert par M. Henry, que l’aldéhyde formique donne avec la monométhylamine un composé bouillant à 166° (CH? — Az — CH), avec la diméthylamine des com- posés OH CH et CH2|Az(CHA)2]?, N Az(0H3)2 bouillant à 80-859, enfin aucun composé avec la tri- méthylamine, qui bout elle-même à 9, On obtiendra donc trois produits bouillants à 166°, 80-859, 9 qu'il est facile de séparer par distillation fractionnée. — M. Schlæsing donne le résultat des analyses des eaux de la Vanne, de la Dhuis et de l’Avre qu'il a poursui- vies pendant une période de 14 mois consécutifs. Pour les eaux de la Vanne et de la Dhuis, il n'y a aucune relation entre les débits et les titres en acide nitrique et en chaux. Les varialions de ces deux corps paraissent indépendantes des circonstances communes aux deux eaux (conditions climatériques); il faut les attribuer à des accidents de terrains superficiels ou internes, dif- férents dans les deux bassins des sources. Pour l’Avre, les débits et les titres semblent varier en sens con- traire. Cette eau semble être un mélange de deux sortes d’eaux : l’une, semblable à celle de Vanne ou de la Dhuis, à hauts titres nitrique et calcique, serait fournie par les infiltrations des pluies dans le bassin des sources ; l’autre, à titres très inférieurs, provien- drait de l’infiltration dans un terrain inculte, avec peu de sels solubles, ou serait une eau de ruissellement. 30 SGIENCES NATURELLES. — M. Maurice Caullery donne le résultat de ses études sur les Synascidies du genre Colella et insiste sur le polymorphisme de leurs bourgeons. — M. D.-D. Voinov étudie les néphridies de Branchiobdella varians (var. Astaci) parasite qui se rencontre sur les écrevisses, Il donne la structure et la relation des différentes parties de cet appareil ex- créteur, qui sont : {° l’entonnoir vibratile, 2° laglande rouge (d’Odier), 3° le cordon canaliculaire, 4° le canal excréteur (efférent); 5° la vésicule terminale. — On sait que l'injection des propeptones provoque dans l'organisme la formation d’une substance qui rend le sang incoagulable. M. C. Delezenne établit d'une facon rigoureuse que le foie est le seul organe formateur de la substance anticoagulante. En outre, il est probable | que le principe anticoagulant n’est autre que la pep- tone modifiée par le foie. — M. P. Gibier a pratiqué, sur des chiens et des cobayes, l'injection rectale de doses massives de toxines diphtérique et tétanique; il ne se produit aucun effet apparent, et des injections répétées ne produisent pas le moindre degré d’immu- nité contre les toxines injectées. L'injection rectale de doses massives d’antitoxines, ne prévient pas la mort due à des doses minimes de toxines. — M. Ch. Bœhm adresse la description et le dessin d’un appa- reil à miroir destiné à l'examen médical des cavités. — M.Vénukoff résume les rechercheshydrographiques de M. Spindler sur le lac Peypous. j1+*+ 290 ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 19 Mai 1896. M. le président annonce à l’Académie le décès de M. Germain Sée et M. Landouzy donne lecture du discours qu'il a prononcé à ses obsèques. — L'Aca- démie désigne M. Charpentier pour la représenter au Congrès d'Obstétrique et de Gynécologie qui aura licu à Genève, en septembre 1896. — M. G. Lagneau étudie la répartition des accroissements et diminulions de la population parisienne de 1891 à 1896. Les quartiers du centre ont vu leur population diminuer, tandis que ceux de la périphérie se sont fortement accrus. Les habitants tendent à abandonner les quartiers du cen- tre pour se porter vers ceux de la périphérie où il est plus facile de se loger dans de bonnes conditions d'hygiène et d’aération. Toutefois, la salubrité des quartiers périphériques laisse souvent à désirer, vu l’état misérable de beaucoup d'habitants. — M. A. Poncet (de Lyon) conelut, de l’examen d'un grand nombre de cas, que la seule cause nettement dé- montrée de l'appendicite est l'infection. C’est elle qui, suivant sa gravité, donne à la maladie ses caractères divers. On a souvent constaté des appendices obstrués par différents corps ou clos du côté du cœcum sans qu'il y eût inflammation. — M. P. Reclus a comparé l’action analgésique du gaïacol et de la cocaïne en anes- thésiant ses opérés mi-partie avec l’un, mi-partie avec l’autre de ces corps: il ressort de ses observations que Vaction analgésiante de gaïacol est très inférieure à celle de la cocaïne. Mais on a imputé de nombreux cas de mort à la cocaïne. M. Reclus indique les doses et les titres des solutions qu’il faut injecter ainsi que le procédé opératoire qu'il emploie et qui lui ont permis de pratiquer 3.500 opérations absolument sans acci- dents. — M. D, Delorme lit un mémoire sur un pro- cédé de restauration des pertes de substance étendues de la voûte palatine. Séance du 26 Mai 1896. M. Albert Robin analyse les travaux des stagiaires de l’Académie aux eaux minérales : M. Ranglaret a étudié l’action de la douche massage aux eaux d’Aix- les-Bains. Ce procédé possède une action puissante, mais doit être interdit aux malades dont le cœur ne possède pas une intégrité absolue. Il augmente la désassimilation, débarrasse l'organisme de produits de désassimilation incomplète qui s’y accumuleraient, exerce une action tonique et reconstituante sur les systèmes nerveux et osseux; enfin, il augmente la toxicité urinaire. Le même auteur a étudié l’action des eaux de Bourbon-l’Archambault sur les maladies traitées dans celte stalion. — M. Leblanc a étudié, par l’analyse des urines, l’influence des eaux de Mar- tigny-les-Bains et d'Heucheloup sur la nutrition. Ces eaux activent les oxydations et diminuent la toxi- cité urinaire. — M. ÆE. Nicaise analyse un mé- moire du D' P. Delbet sur un kyste hydatique du foie communiquant avec les voies biliaires, guéri par le capitonnage et la suture sans drainage. L'oblitéra- tion de la cavité limitée par la membrane adventive, la suture du foie et la réduction de l’organe sans drai- nage, suivie de la suture de la paroi abdominale, con- stituent un progrès sur la marsupialisation, mais ce procédé de réduction n’est pas applicable à tous les cas. — M. le D' Weïll lit un mémoire sur un cas de myosite ossiliante progressive. — M. le D' A. Guépin communique un travail sur les douleurs vésicales des prostatiques. SOCIETE DE BIOLOGIE Séance du 9 Mai 1896. M. F. Lejars a étudié le lavage du sang infectieux par le sérum artificiel. De ses résultats cliniques, il est arrivé aux conclusions suivantes : 4° L'injection intra-veincuse de sérum artificiel à dose massive est | | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES inoffensive chez l’homme; 2° Même dans les cas déses- pérés, elle relarde toujours la mort et assure des trêves, quelquefois utilisables; 3° Sous la réserve que les reins fonctionnent bien, elle donne, dans les infec- lions, des succès inattendus, et mérite d'être érigée” en méthode générale ; 4° La voie utilisée importe peu, mais la voie intra-veineuse assure un résultat plus rapide et doit être préférée dans les cas urgents. — MM. Chassevant et Got ont étudié l’action du ben- zène sur les microbes; il n’a aucun effet antiseptique; tout au plus retarde-t-il la végétation. — M. Vidal montre que l'excrétion d’urée qui se produit après les opéralions ne tient pas à l'opération elle-même, mais à la seule chloroformisation. — M. Babinski a observé chez les paralytiques avec lésion cérébrale un relà-. chement des muscles beaucoup plus considérable du côté malade que du côté sain. Ainsi la flexion est plus élevée du côté paralysé. — M. Bourneville présente un enfant de trois ans, atteint d’idiotie myxædéma- teuse, auquel il a l'intention de pratiquer des injec- tions de suc thyroïdien. Séance du 16 Mai 1896. M. Tuffier confirme les récentes observalions de M. Lejars. L'injection intra-veineuse de sérum artificiel est d'une efficacité incontestable dans les hémorragies et les infections péritonéales, mais l'intégrité du rein est nécessaire. — M. Dastre insiste sur le fait que le sérum relève la tension artérielle; il serait peut-être préférable d'avoir un sérum agissant sur le globule blanc, — M. Malassez a remarqué que le sérum phy- siologique à 7}°/ produit une modification lrès nette des éléments; la solution à 10 cette action et conviendrait peut-être mieux. — M. Gley pense qu'il y a augmentation de la toxicité des urines après les injections; d'autre part le sérum pos- sède peut-être une action particulière sur les tissus. — M, Chassevant a essayé le lavage du sang chez les lapins après intoxicalion strychnique; mais l'injection du sérum doit avoir lieu immédiatement pour éviter les convulsions et la mort, — MM. Doyen et Dufourt ont constaté que la bile de vésicule contient plus de cholestérine que la bile de fistule. Ce produit est donc aussi éliminé au niveau de la vésicule par les parois de la vésicule elle-même. MM. A. Gilbert et H. Claude ont injecté des cultures tuberculeuses dans l'artère hépalique et ont constaté que ce mode d'infection par la voie du faisceau nour- ricier détermine une tuberculose spéciale, caracté- risée par la localisation dans les espaces portes, sur- tout sur les canalicules biliaires. Cette tuberculose se généralise suivant le processus observé aux poumons et aux reins. — M. G. Marinesco apporte de nouveaux faits qui démontrent que les polynévrites s’accom- pagnent de réactions à distance sur les centres d’ori-, sine des nerfs affectés. — M. Capitan présente un nouvel appareil destiné à la percussion auscultée. — M. Raïllet donne la description des parasites qu'il a rencontrés chez le dromadaire. — M. Giard a trouvé chez certains animaux un ferment bleuissant la tein- Lure de gaïac. — M. Charrin énumère les moyens de défense des animaux et des végétaux. — M. Lecaillon envoie un travail sur la coque excrémentielle des œufs de certains insectes. SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Communications récentes. M. Hurmuzeseu répète les expériences qu'il à exé- cutées en commun avec M. Benoist sur la décharge des corps électrisés par les rayons X. L'électroscope employé est celui que M. Hurmuzescu avait présenté à la Société dans la séance du 23 janvier 4894 (voir la Revue du 15 février, p. 94), diélectrine ; les feuilles d'or sont enfermées à l’intérieur d’un cylindre de Faraday; sur le passage des rayons, on peut interposer diverses lames métalliques. On ‘/ ne possède pas. et dont l’isolant est la. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ol constate que l’écart des feuilles d'or devient absolu- - ment nul, et cela quel que soit le signe de la charge iniliale ; les résultats différents qui ont été oblenus par divers savants semblent provenir de ce qu'ils n'ont pas pris le soin de protéger suffisamment leur élec- troscope contre les influences extérieures. La durée de la décharge peut êlre considérée comme mesurant l'inverse de l'intensité des rayons X; on constate que le coefficient d'absorption d’un cristal dépend de l'é- paisseur de la lame employée, ce qui indique que la radialion de Rôntgen est hétérogène, L’intensilé est en raison inverse du carré de la distance de la partie anticathodique du tube à l’électroscope, tant que cette distance reste inférieure à 60 centimètres; au delà, l'absorption de l'air devient sensible et produit une décroissance plus rapide. Passant à l'explication de la décharge des corps électrisés, M. Hurmuzescu examine successivement et rejette deux hypothèses : on ne peut pas l’attribuer à une pulvérisation du métai, puisqu'elle se produit également quand on vernit ou qu'on paraffine les surfaces ! ; elle ne peut pas non plus résulter de l’ionisation du diélectrique, sans quoi le phénomène devrait être indépendant de la nature du métal. M. Hurmuzescu est plutôt porté à croire qu'il s'agit d'un effet d'ordre électrostatique, — D’observa- tions échangées entre MM. Broca, Duchardonnet, Becquerel et Guillaume, il résulte que la nature du phénomène est certainement beaucoup trop complexe pour qu'on ait le droit de considérer lintensité comme mesurée d'ordre par la vitesse de décrois- sance de l’angle des feuilles d’or ni même par la vitesse de varialion du potentiel, pas plus que l’action photo- graphique ne peut servir de mesure à l'intensité de la lumière, Il est possible que, pour les faibles intensités utilisées dans les expériences à grande distance, la proportionnalité n'existe plus et que, par suite de ce seul fait, la loi de l'inverse du carré de la distance semble ne plus s'appliquer. — M. Becquerel a étudié les propriétés des radiations obscures émises par les sels d’urane. En mettant une petite croûte de sel, en- levée d'un cristallisoir, au-dessous des feuilles d’or d’un électroscope chargé, on voit la divergence des feuilles diminuer; l'action, d’ailleurs très lente, se fait encore sentir à travers des lames d'aluminium et de cuivre. Les radiations se s'éfléchassent : on le montre en placant un cristal au foyer d'un miroir d’élain perpen- - diculairement à l’axe duquel est disposée une plaque photographique ; elles se réfractent également comme le prouvent une expérience exécutée avec un petit prisme, et l’examen de l’action photographique exercée par un crislal à travers une lamelle de microscope: sur le contour de la lamelle apparaît une ligne blanche indiquant que les rayons, réfléchis totalement par les parois transversales de la lamelle, n’ont pas impres- sionné la plaque. L'action varie rapidementdans l’air, en sens inverse de la distance; dans le vide, on à pu con- slater des impressions jusqu'à une distance de centi- mètres. L'intensité des radiations émises par les sels d'urane varie avec une extrême lenteur; on n'a pas constaté de diminution sensible au bout de huit jours. Au contraire, avec du sulfure de calcium bleu, préparé depuis très longtemps, on n'a pu faire qu'une seule expérience. M. Troost a constaté le même fait pour la blende phosphorescente, avec laquelle M. Becquerel n'a lui-même obtenu aucun résultat. — M. Guillaume observe que le principe de Carnot exige seulement que l'ensemble de la radiation émise par la phosphorescence ou la fluorescence soit dégradé par rapport aux ra- diations excitatrices; il n’est pas impossible qu'une partie des rayons émis ait une longueur d'onde plus courte que celle des rayons primitifs, si l’accroisse- ment de longueur d'onde des autres est suffisamment L Hehmholtz considère la pulvérisation des métaux par la lumiére comme le résultat des mouvements violents que communiquent aux molécules les vibrations qu’elles absor- bent: si les rayons X sont des rayons ultra-ulira-violets non absorbés, cette pulvérisation ne doit pas avoir lieu. — C. R. considérable, — M. Pellat expose le procédé inventé par Georges-Adolphe Richard pour obtenir des pho- tographies en couleur. La méthode est celle qui con- siste à obtenir trois positifs transparents colorés res- peclivement en bleu, rouge et jaune, et à les projeter simultanément sur un même écran, Pour obtenir ces coloralions, l’auteur transforme le sel d'argent en une subslance qui peut réagir sur un composé dérivé de la houille, de lacon à donner sur place la teinte dé- sirée; on peut aussi, par un mordancage convenable, permettre la fixation d’une couleur d’aniline. Lun des positifs est pris sur une pellicule mince, les deux au- tres sur des lames de verre dont on met les faces sensibilisées en regard, en les séparant par la pelli- cule. Les trois images colorées sont ainsi {rès rappro- chées, et on peut obtenir une mise au point parfaite. M. Molteni projette plusieurs épreuves. C. Ravrau. SOCIETE ROYALE DE LONDRES E. A. Schafer F. R.S. et B. Moore : Sur les connections des fibres nerveuses qui déterminent les contractions de la rate avec les racines rachi- diennes et les cellules ganglionraires.— Les auteurs ont été amenés par une série d'expériences, faites sur quatre chiens, aux conclusions suivantes : 1° Le tissu musculaire de la rate est innervé par des filets ner- veux qui proviennent d'un très grand nombre de racines rachidiennes ; toutes les racines de la troisième paire post-cervicale à la quatorzième (incluse) fournis- sent des fibres; 2° Les racines qui en fournissent le plus abondamment sont celles qui sont comprises entre la cinquième paire post-cervicale et la neuvième (incluse), à en juger par l'iutensité de la contraction produite ; 3° La racine gauche de chaque paire semble fournir à l’innervation de la rate plus de fibres que la racine droite; il n’y a donc pas là de rigoureuse symé- trie bilatérale ; 4° Les fibres efférentes ont probablement des connections avec les cellules des ganglions qui appartiennent à la chaîne ganglionnaire principale du sympathique. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Récentes communications. MM. H. B. Dixon F. R.S., E. H. Strange et E. Graham ont étudié les conditions dans lesquelles se produit l'explosion du cyanogène. Ce corps donne pro- bablement naissance en sedécomposant, d’abord à de l’oxyde de carbone qui se transforme en acide carbo- nique. Si l'explosion du cyanogène a lieu dans son volume d'oxygène, il y aformation d'oxyde de carbone, Les auteurs ont photographié avec le même appareil la flamme produite par un mélange de cyanogène et de deux volumes d'oxygène bien sec, puis, dans une deuxième expérience, la flamme produite par deux vo- lumes d'oxygène humide et un volume de cyanogène. Les photographies obtenues étaient tout à fait sembla- bles ; la vapeur d’eau ne semble donc pas intervenir dans la réaction entre l’oxygène et l’oxyde de carbone formé primitivement. — M. H. B. Dixon, F. R. S:Sur le mode de formation de l'acide carbonique dans la combustion des composés du carbone. — MM. H. B. Dixon !. R. S. et J. A. Harker publient le résultat de leurs travaux sur l'explosion du peroxyde de chlore; ils préparent un mélange de peroxyde de chlore et d’oxy- sène, l’enflamment au moyen d'un mélange d’hydro- sène et d'oxygène etdéterminent la marche de l'explo- sion au moyen du chronographe électrique. Un échan- tillon du gaz est recueilli pour l'analyse. Voici les résultats de deux expériences : Valeur de l'explosion Composilion du mélange en mèlres par seconde Il ) ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Les auteurs croient qu'une véritable onde d’explosion se forme et se propage dans le peroxyde de chlore. — M. Herbert Jackson : Note sur l’emploi de certaines substances phosphorescentes pour l’augmentation du rendement des rayons X visibles. — MM. William A. Boul et David $. Jordan décrivent une série d’expé- riences dans lesquelles ils ont essayé d’unirle carbone à l'hydrogène soit au moyen de la chaleur, soit au moyen de l'arc voltaique. Ils donnent un tableau dé- taillé des gaz obtenus et analysés. Outre la production d’acétylène et de gaz non saturés, ils ont pu obtenir aussi la formation de corps saturés, — — MM. William A. Boul et N.H. Perkin: Notesur les acides ax dimé- thylglutarique. — Dans une deuxième communication les mêmes auteurs décrivent les acides diméthylsuc- ciniques symétriques. — MM. William Henry Bent- ley, W. H. Perkin jun. et Jocelyn F. Thorpe ont étudié laction de l’x bromoisovalérate d'éthyle sur le composé sodique du méthylmalonate d'éthyle en solu- tion dans l’alcool et le xylène;le produit de laréaction est de l'isopropylméthyléthanetricarboxylate d’éthyle : COOC?H:CH(C#H7)CCH3(COOC? Ils décrivent ensuite l'acide cis-méthylisopropylsueci- nique : CH°.CH.COO0H cour.dH.Co0H Pacide anilique : COOH.CH(C#H7)CH'CH3).CO Az HCSH° et enfin l'acide {rans-méthylisopropylsuccinique : CHS.CH.COOH COOH. CH. CHHr ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Récentes communications. lo Sciences PuYsiQues, — M. J. D. van der Waals fait connaître les expériences de M. G. L. Hoorweg par rapport aux rayons X. M. Hoorweg a exposé des plaques photographiques enveloppées par des matières opaques comme de l’ébonite, du bois, du carton, de l'aluminium (toutes les matières qui sont transpa- rentes pour les rayons X) aux rayons d'une flame de gaz, au jour ordinaire, à la lumière du soleil età celle d’une lampe électrique. Pour se convaincre qu’en réalité les rayons efficaces traversent les matières opa- ques, il à couvert ces matières de morceaux de métal en feuille de formes différentes et obtenu l'ombre de ces écrans. 1l en déduit que les rayons X sont émis tant soit peu par toutes les sources de lumière, mais il reconnaît que, vu le temps considérable d’expo- sition et l'épaisseur minimale des enveloppes, cette émission ne saurait être que très faible. Il rejette la supposition des ondes longitudinales et croit plutôt que les rayons X sont des ondes ordinaires d'éther d’une faiblesse excessive. — M.J. D. van der Wals fait ses réserves par rapport aux expériencescommuni- qués. Il croit que ces expériences démontrent que les plaques minces, intransparentes par rapport à l'œil, ne le sont pas encore par rapport à une plaque photogra- phique sensible et rien de plus. Lui-même, il s'occupe de la question de l'émission des rayons X. D'après son opinion, émission des rayons X s'accorde princi- palement avec celle des rayons ordinaires, et la diffu- sion de faisceaux de rayons, observée chez les rayons cathodiques qui se propagent dans l’air,.ne se montre pas sensiblement chez les rayons X. Il appuie cette opinion par deux expériences nouvelles qu'il décrit. — M. H. Kamerlingh Onnes présente une série de photo- graphies excessivement fines et claires, obtenues à l'aide des rayons X par M. H. Haga de Groningue (temps d'exposition 5 minute à 4 minute). Ensuite Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 ER M. Onnes présente un mémoire de M. L. H. Siertsema: Mesures de la dispersion rotatoire magnétique des gaz. Ce travail fait suite à ceux de plusieurs séances anté- rieures (Revue E. IV, p. 519 ett. VI, p. 198). Après une description un peu plus détaillée des appareils etde la méthode d'observation, avec une planche pour les détails, les résultats sont donnés pour l'air, l'oxygène, l'azote, l'acide carbonique, l’oxydule d’azote et l'hydro- gène. Les rotations sont exprimées en minutes, pour une différence de potentiel magnétique de 1 centimètre gramme-seconde, avec un facteur constant, déterminé préliminairement seulement, Aussi les résultats pour CO? et Az? 0 doivent ètre considérés comme prélimi- naires. Ensuite on a calculé les formules d’interpolation suivantes où la longueur d'onde » est exprimée en millièmes de millimètre. - 90.2 ù,2 Air (100 KG, T0,0)....:... ane ee + DEA x = 273: 07 Oxygène (109 KG, 7°,0)...... n.A06 — 2 ( ct “7) . x 9 & ra D Azote (100 KG, 14,0)... n A0 se (1 + DER À \ ch 6) 10,3 32 Hydrogène (85 KG, 92,5)... n.106 — Se - ( GE =. x E l 284,3 / .308 Acide carbonique(l atm. 6,5). :n,10S = = (1 ce un) x (2 | 228,6 / 0,300 Oxydule d'azote (1 atm. (5,0). n.10S — RE (: + =) M. A.P. N. Franchimont a vérifié que les règles concernant l’action de l'acide azotique sur les dimé- thylamides, indiquées par lui en 1887, sont valables pour lespipéridides. Avec M. van Erp il a démontré que l’oxalpipéridide, tout en donnant une combinaison peu stable avec cetacide, n’est pas décomposée. Avec M. Taverne il a étudié : 1° latrichloracétylpipéridide, corps bien cristallisé, fondant à 45°, qui n’est décom- posé par l'acide azotique qu'après un temps très long ; 29 la benzènesulfonpipéridide qui donne presqu’immé- diatement la nitropipéridine; 3° la piérylpipéridide qui fournit une picryldéhydronitropipéridide, corpsrouge, bien cristallisé, se fondant à 195°.M.Franchimont traite ensuite de l’action des alcalis sur les nitramines, action étudiée d'abord par M. van Erp qui a remarqué la formation d'une .grande quantité d'acide azoteux, Avec la nitrohydantoine, la nitrolactylurée et la nitro- méthylhydantoïne, l’action se passe à froid, ainsi qu'avec la nitraminoacétamide, tandis qu'avec la ni- troacétonylurée cette réaction n’a pas lieu, aussi moins qu'avec l'éthylène dinitro-urée, le dinitroglycol- urile, ete, Il en déduit que, pour la production de l'acide azoteux, il faut un atome d'hydrogène lié au car- bone qui se trouve à l'azote. Le groupe CO qui suit provoque l’action à froid. Si l'acide azoteux se pro- duit dela même facon avec les nitramines neutres aliphatiques, celles-ci devraient donner les imines étu- diées par M. Henny, et ces imines devraient se décom- poser par distillation avec des lessives caustiques en amines primaires et aldéhides : produits qu'on a toujours trouvés dans la décomposition des nitramines par des alcalis. Et en effet la butylmethylèneimine donne dans ces conditions la butylamine et l’aldéhyde formique qui se transforme partiellement en acide formique. 1° SCIENCES NATURELLES. — Rapport de MM. Th. W. En- gelmann et T. Place sur le mémoire de M. H.J.Ham- burger intitulé : Sur l'influence de la pression intra- intestinale à la résorption dans les intestins. Ce travail fait suite à celui analysé auparavant (voir Revwe, CONTE NpERe NO) Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. N° 12 30 JUIN 1896 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCE PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LE CONGRÈS INTERNATIONAL DE CHIMIE APPLIQUÉE à SESSION DE PARIS DU 27 Le Congrès international de Chimie appliquée, lenu à Bruxelles en août 1894, avait décidé que sa deuxième réunion aurail lieu à Paris en 1896. Chargée de l'organiser, l'Association des de Sucrerie et de Distillerie en a assuré la bonne exéculion et le succès; aujourd’hui que son œuvre est à peu près complète, il nous paraît “ulile d'appeler l'attention des savants, des mé- decins, des agriculteurs et des industriels, sur le rôle important que va jouer la session de 1896 dans le développement de la Chimie appliquée. Le Congrès est placé sous le patronage du Gou- vernement,des membres de l'Institut et des hautes nolabilités scientifiques et industrielles. Le nombre des adhérents atteint aujourd'hui le chiffre de 1.400, parmi lesquels on comple près de 500 étrangers. C'himisles Les travaux seront répartis en plusieurs sec- lions : 1° Une section de Suwcrerie, où seront disculées les questions relalives à la fabrication du sucre de bellerave et du sucre de canne, et à l’analyse des malières sucrées Président du Comité d'orga- nisalion : M. Gallois. Principales questions mises à l'étude. — Unitication des inéthodes d'analyse. — Quels doivent être le quotient de pureté réelle et le quotient salin d'un sirop pour que te sirop puisse être considéré comme ne pouvant plus donner de sucre en cristauz ? — Dosage de l’eau dans les produits de la sucrerie. — Analyse des mélasses de bet- leraves et de cannes : dosage des saccharose, raffinose, sucres réducteurs, elec. — Résultats donnés par les REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. JUILLET AU 5 AOUT 1896 chauffages multiples et par les montages à quadruple et quintuple effet. — Lois de la cristallisation dans les masses cuites. — Résultats obtenus par les diffé- rentes turbines continues, — Clarification à froid des jus sucrés. — Détermination de la densité des masses cuites 1°, 2 et 3° Jets, — Comparaison des différents procédés d'extraction des jus de canne. — Calcul de l'extraction par les moulins. — Appareils pour utiliser les mélasses comme combustible en sucrerie. — Epu- ration des jus de canne à sucre. Filtration des jus de canne déféqués, — Epuration par l’électrolyse. 2 Une section des Zndustries de la Fermentation, comprenant la Vérification, la Brasserie, la Fabrica- tion de l'alcool, ainsi que l'étude des procédés ana- lyliques et procédés de contrôle (alcoométrie, ete.) Président du Comité d'organisation : M. Durin). Principales questions mises à létude. — 1° Distil- lerie : Dosage des aldéhydes, éthers et bases dans les alcools et boissons fermentées. — Quelle est la dose d'impuretés que l’on peut tolérer dans les boissons distillées? — Séparation et dosage des alcools supé- rieurs en présence des essences dans les spiritueux. — Moyens les plus sûrs et les plus pratiques, à la portée d’un contremaitre, de contrôler la marche de la fer- mentation des jus de betteraves. — Des fermen- tations secondaires et des arrêts de fermentation; de l'acide lactique dans les fermentations. — De la diffu- sion et de la macération en distillerie agricole. - La rectitication continue. — Analyse des moûts non diastasiques par différentes races de levures, — Con- trôle chimique et micrographique. — Procédés de dénaturation propres à permettre l’usage de l’alcool pour des emplois autres que la consommation directe. 20 Brasserie : Résumé des connaissances acquises sur les houblons, — Influence de la poix. — Analyse des moûts par des levures. Valeur industrielle rela- tive, au point de vue de la brasserie, des différents succédanés des céréales. 12 3° Vinification : Etude des levures de vin, leur influence sur le bouquet des vins et eaux-de-vie, — Influence des températures. — Vinification dans les pays chauds. — De la pasteurisation des vins. 3° Une section de Chimie agricole, qui porte à son programme l'élude agronomique et chimique des terres et des engrais, ainsi que les ques- tions relatives à l'alimentation du bétail. (Prési- dent du Comité d'organisation : M.P.P. Dehérain. Principales questions mises à l'étude. — Dosage de l'acide phosphorique soluble dans l’eau et le citrate d’ammoniaque dans les superphosphates. — Assimila- bilité relalive des phosphates bruts. — Valeur agricole du phosphate rétrogradé. — Composition des scories de déphosphoration, modificalions qu'elle peut pré- senter. — [Influence de la pulvérisalion des phos- phales arénacés sur leur solubilité, — Influence du travail du sol sur ses propriétés physiques et chi- miques. — Détermination analytique des éléments du sol assimilables par les plantes. — Dosage des ni- trates et des nilrites dans les terres. — Dosage de la po- tasse. — Dosage de la chaux et de la magnésie dans les cendres végétales et dans les terres fortement magné- siennes et calcaires. — Rôle de la magnésie, du soufre, du manganèse, du fer. du fluor et des sels de soude dans les engrais. — Rechercher le meilleur mode d'épandage des différents engrais pris isolément. — Analyse des fourrages au point de vue de la valeur alimentaire des matières azotées, des matières grasses et des matières hydrocarbonées. — Vente à l'analyse des provendes nutritives et des aliments concentrés ; nécessité d’une législation spéciale. — Méthodes d'essai des semences. De la constitution minérale et organique de la betterave à ses diverses périodes de végétalion; influence de la nature du sol et de sa composition chimique, — Résultats obtenus par les différentes méthodes préconisées jusqu’à ce jour pour l’épuration et pour lultilisation agricole des eaux résiduaires des diverses industries agricoles. 4° Une section dite des Zndustries agricoles, ecom- prenant la Lailerie, la Féculerie, et la Meunerie. (Pré- sident du Comité d'organisation : M. Lindet.) Principales questions mises à l'étude. — 1° Luiterie. Analyse du lait dans les Associations laitières. — Dosage rapide de la caséine; dosage volumétrique du beurre ; dosage rapide du lactose par les procédés op- tiques. — Utilisation des laits écrémés et débeurrés et des petits laits de fromagerie, — Influence de l’alimen- tation sur le rendement et la qualité du lait, ainsi que sur les caractères et la composition du beurre. — Laits condensés, stérilisés et pasteurisés; remplissage des bouteilles pour éviter le barattage; élimination de l’albumine coagulable et bouchage auliège paraffiné. — Méthodes pour reconnaitre l'addition de lait écrémé dans le lait, de la margarine dans les beurres et les produits de la laiterie, — Les ferments sélectionnés. 2° Weunerie et Panificalion : Dosage de l’amidon dans les céréales, les pains ou la farine de gluten. — Analyse des farines, dosage du gluten, de l’aci- dité, elc.; types commerciaux; unification des mé- thodes d'analyse. — Valeur alimentaire des pains de farine blanche, de farine bise et de boulange entière. 3° Féculerie. Contrôle chimique de la fabricalion de la fécule. — Dosage de la fécule dans les eaux rési- duaires, — Dosage de l’eau dans les fécules. — Pro- cédés pour supprimer les fécules deuxième ettroisième. l° Matiéres alimentaires et Conserves : Composition des peptones de viande.— Température d'incinération des malières alimentaires. — Succédanés du homard dans les conserves. — Caractérisation du beurre de cacao. 5° Questions générules. Développement des industries agricoles dans les colonies, LE CONGRÈS INTERNATIONAL DE CHIMIE APPLIQUÉE graduation des instruments de laboratoire, et où l’on examinera les méthodes d'Anvlyse des mulières soumises à l'impôt (douanes, contribulions indis rectes), afin de mettre d'accord les résullats obte= nus par le commerce et par l’Administralion (Président du Comité d'organisalion : M. H. DéonA Principales questions mises à l'étude. — Conditions de graduation, de vérification et d'emploi des instruments de chimie. — Elaboration d'une table de concordance entre la densité et les différents degrés Baumé Brix, Balling, Vivien, etc., et d'une table de corree tion des densités et degrés aréométriques divers suivant la température. — Recherche des huiles végé tales dans les graisses animales. — Unification des méthodes à employer dans les analyses des potasses raffinées et caustiques, — Saccharimètre normal. 6° Une seclion de Produits chimiques, où l'on élus diera les produits de la grande industrie [acides chlore, elc.), les produits organiques (/anins, corps gras, malières colorantes, produits médicinaur|, el dans le programme de laquelle on voit aussi figurer des questions relatives à la fabrication du Caoutchouc, du Papier, à la Céramique et à Ja Verrerie. (Président du Comité d'organisation « M. Sorel.) Principales questions mises à l'élude. — Dosage du tanin dans les matières astringentes et les extraits séparation des acides pyrogallique, gallique et tan nique. — Dosage, dans les extraits ou bois de cam pêche, de l'hématéine. — Composition et analyse des cachous. — Analyse des cuirs, dosage des acides minéraux dans le cuir. — Teinture des peaux. Industrie du caoutchouc, de la gutta-percha et de l’ébo nite, — Industrie des corps gras solides et liquides fabrication des savons, glycérine, — Epuration de eaux destinées à l'industrie. — Epuration et utilisa tion des eaux résiduaires industrielles. — Industri® de la teinture, impression, matières colorantes. Dosage de l'acide tartrique dans les lartres bruts EL résidus de distillerie. — Préparation du chlore dans l'industrie des produits chimiques. — Industrie des phosphates. — Industrie des acides minéraux (acide sulfurique de haute concentration, acide nitrique put obtenu industriellement, utilisation du bisullate de@ soude et autres résidus de fabricalion), — Industrië des produits ammoniacaux. — Papeterie. — Verrerie Céramique. — Laque marine insoluble et neutre, pou préserver la carène des navires. 7 Une section de ?hotographie. (Président du Comité d'organisation : M. Davanne.) - Principales questions mises à l'étude. — Préparalio d'une couche sensible sans grain. Surfaces sensibles pour positifs : préparation, altération, etc. — Déve loppement des épreuves posilives et négatives. = Recherche d’un développateur gazeux. — Elude de là sensibilité des substances colloides bichromatées. Action des cherche d’un papier photographique rapide à noircis sement direct, — Photographie des couleurs sur verre et sur papier. — Application de la photographie à la teinture. — Méthodes micropholographiques. . Vœu à formuler par le Congrès. — Que les adminis trations douanières prennent les précautions requises telles que l’ouverture des colis à domicile. LE CONGRÈS INTERNATIONAL DE CHIMIE APPLIQUÉE ph St Une section de Métallurgie (Mines et Bxplosifs). | première fois que cette science nouvelle, appelée à Président du Comité d'organisation : M. Carnot. Principales questions mises à l’élude, — Dosage du phosphore, du soufre, de l’aluminium et du nickel dans les produits des usines à fer. — Séparation et dosage du carbone (sous les deux états), du silicium, ‘lu soufre, du phosphore, de l'aluminium, du chrôme, du fer et du vanadium, — Dosage du soufre dans les produits de la sidérurgie. — Essais et analyse des combustibles. — Analyse des explosifs. — Dosage pra- miique de l'azote dans les hydrocarbures fortement nilrés. Analyse de l'air des mines. — Recherche de l'oxygène dans les métaux et notamment dansle cuivre, leferetle nickel. —Influence de la pureté des réactifs dans les ré- “ultats des analyses pratiquées dans les usines métal- lurgiques. — Examen microscopique et photomicrogra: jhie des métaux et alliages. — Services que la thermochi- mie peut rendre aux chimistes industriels. — Application de la chimie à l'étude des foursetfoyers métallurgiques. Désincrustalion des chaudières à vapeur. 9% Une section de Chimie appliquée à l Hygiène, à lu Médecine, à la Pharmacie et aux Matières alimentui- res. Président du Comité d’organisalion :le D' Bur- cker.) Dans la sous-section de Médecine, on consa- crera plusieurs séances à la chimie des liquides phy- Siologiques, à la chimie urinaire, et aux questions de chimie médico-légale ; dans la sous-section de Phar- macie, on recherchera les procédés qui permettent de contrôler la purelé des médicaments ; enfin dans la sous-section des matières alimentaires, on passera enrevue les différentes fulsifications ct allérations des aliments et des boissons. Principales questions mises à l'étude. — 1° Chimic médicale : Dosage du résidu sec et des cendres dans les liquides normaux et pathologiques de l'organisme animal. — Recherche et dosage des diverses matières albuminoïdes. — Dosage de l'azote total, de l'urée, de l'acide urique et de l'acidité dans les urines. — Lextractif dans les urines. — Relations entre les pro- priélés thérapeutiques et les séries chimiques, — Dé- terminalion du coefficient des oxydations azotées. — Nouveaux produits chimiques employés en médecine. 2% Chimie médico-légale : Application du spectro- Scope et du microspectroscope aux recherches médico- légales, spécialement à la différenciation des alca- loïdes cadavériques et des alcaloïdes végétaux. — Recherche et dosage, dans les eaux potables ou autres. des diverses {oxines. — Mème problème en ce qui concerne l'air des régions où règne l'impaludisme. 30 Chünie pharmaceutique : Caractères physiques ‘et chimiques des nouveaux médicaments introduits en “thérapeutique. — De l'essai des teintures alcooliques officinales. — Sur les caractères de pureté de la disi- taline. — De l'essai des quinquinas. J 40 Chimie appliquée à l'hygiène et aux matières alimen- aires : Recherche du glucose ajouté dans les bières. Recherche des succédanés du houblon. — Dosage des malières réductrices dans les vinaigres. Extraits aclices. — Recherches des vins piqués et saturés dans es coupages. Recherche du bouquet artificiel dans les vins. Recherche de l'acide tartrique ajouté, Dosage de l'acidité volatile. Dosage de la dextrine dans les vins. Examen microscopique: — Dose d'impureté que Fon peut tolérer dans les boissons fermentées? — Dosase de l'extrait sec et de cendres dans les boissons (vins, cidres, bières, etc.). — Recherche des différents -succédanés dans les thés et cafés moulus.— Recherche des huiles végétales dans les graisses animales, 10° Une section d'Ælectrochimie, qui présentera cerlainement un très sérieux intérêt; car c'est la un si grand avenir, fait l'objet desétudes d'un con- grès. D'ailleurs M. Moissan, qui a présidé à l'or- ganisalion de celle seclion, a su allirer les com- munications les plus intéressantes. Principales queslions mises à l'étude. — Etude des lois électrolytiques, détermination des constantes : résis- tance des électrolytes dissous et fondus. Coefficients de variation en fonction de la température. Force électromotrice de polarisation. Densité de courant aux électredes, etc. — Application de l’électrolyse à l'analyse chimique : 4. les Diélectriques : traitement et préparation des substances isolantes; b. les Alliages: propriélés électriques, résistance, coefficients de tem- pérature, ete, — Application de l’électrolyse aux indus- tries de la soude : Chlorate de potasse, Soude, Chlo- re, etc. — Application de l’électrolyse au traitement des matières organiques : Rectification des alcools. Purification des jus sucrés. Stérilisation etpurificalion des eaux par l'électricité. Synthèses organiques, ete. — Electrolyse des métaux par voie humide. — Elec- trolyse des métaux par fusion ignée : Electro-métal- lurgie du sodium, du magnésium, du silicium, ete. — Four électrique et applications : Carborundum. Car- bure de calcium, Borure de silicium, Titane, ete, — Procédés électro-thermiques : Soudure. Chauffage. 11° Une section xirte. Le Comité d'organisation inslilue celle section pour étudier les questions relatives aux eaux résiluaires des usines. Les questions si nombreuses que soulève ce vaste programme ne demanderont pas moins de soixante séances, ef nous ne croyons pas que beaucoup de congrès aient réuni jusqu'ici une pareille somme de travail, Ces séances ont été, par le Comité supérieur d'organisation, réparties en dix journées, de façon à permettre aux membres du Congrès d'assister à la discussion de questions communes, traitées dans plusieurs sections. Le Comité d'organisation a choisi, parmi les excursions si nombreuses à faire à Paris, celles qui présentent un intérêt scientifique d'ordre assez général pour satisfaire la curiosité de tous les membres. Ceux-ci visitcront : les manu- factures de l'État, les Gobelins, les Tabaes, la Manufacture de Sèvres, les grands élablisse- ments scicnlifiques, l'Institut Pasteur avec son annexe Jde Garches, l'École nationale de Grignon. les irrigalions de Gennevilliers, l'usine de mélal- lurgie du nickel de M. Christofle, ele. Le Congrès s'ouvrira le 27 juillet, dans le grand amphitkéâtre de la Sorbonne sous la présidence de M. Berthelot, et sera clôturé le 5 août par une séance solennelle, présidée par M. Henri Biucher, ministre du Commerce ct de l'Industrie, Les séances de sections auront lieu à l’hôtel de la Société d'Encouragement, et à l'hôtel des Sociétés savantes *. Les membres qui désirent, après le Congrès, visiter l'intéressante exposition de Rouen, seront reçus le 6 etle 7 août par la Municipalité et par !e Comité d'organisation de V Erposition. ! Le prix de la cotisalion est de (10 francs). 296 A. IMBERT ET H. BERTIN-SANS — RADIOGRAPHIE DU CORPS D'UN NOUVEAU-NÉ RADIOGRAPHIE DU CORPS ENTIER D'UN NOUVEAU-NÉ Le dernier progrès réalisé dans la technique de la radiographie par la construction des tubes dits vénient, lorsqu'ils sont situés trop près de la plaque sensible et que le corps à radiographier est à une Le tissu osseux a complètement intercepté les rayons: Fig. 1. — Nouveau-né pholographié au moyen des rayons au contraire le tissu cartilagineux (carpe, majeure partie du tarse, parties encore cartilagineuses, et même de suivre, au moyen de photographies successives, le progrès de l'ossification: les alvéoles dentaires. Enfin, la peau et les muscles présentant des différences de transparence à l'égard des rayons X, focus (S. Thompson) a permis d'obtenir des épreuves de corps que l’on ne pouvait guère songer à radio- graphier auparavant. L'avantage des tubes focus est de constiluer une puissante source d'émission des ‘ayons X, sans qu'il soit d'ailleurs nécessaire de compliquer le dispositif opératoire par l'addition d'un aimant. Ces tubes présentent toutefois l’incon- certaine distance de cetle plaque, de donner des ombres peu nettes dont les bords présentent un double contour, comme si les rayons X émanaient de deux sources d’ailleurs mal délimitées. En déviant le faisceau cathodique par un aimant de manière à lui faire rencontrer, non plus la lame de platine qui termine l'anode, mais la paroi en LR Fr A. IMBERT ET H. BERTIN-SANS — RADIOGRAPHIE DU CORPS D'UN NOUVEAU-NÉ 557 verre du tube, la tache fluorescente oblenue ainsi a la forme d’un anneau lumineux dont le centre esl obseur, ce qui indique lout au moins qu'il n'existe que fort peu de rayons cathodiques dans la partie centrale du faisceau émis par la cathode. présentent ces ombres lorsqu'on change soil la direction de l'aiguille par rapport à la lame de platine, soit l'orientation de celte lame, ete. Nous avons, d'autre part, observé celte même forme annulaire de la région d'émission des ———_—_—_—_—_—_—pZr X, par MM. À. Imbert, I. Bertin-Sans el Gagnière. ëtc.), les a laissés passer : la méthode permet donc de diagnostiquer sur l'enfant vivant les régions déjà ossifiées et les Ba présente épreuve montre cà et là. à la rotule, au tarse, etc., quelques points où l'ossification à commencé. Elle montre la photographie a traduit ces valeurs et décelé la disposition des faisceaux musculaires (cou, membres). En attribuant à la surface d'émission sur la lame de platine cette forme annulaire, on se rend faci- lement compte de l'existence des ombres doubles que l’on obtient en radiographiant un corps opaque de faibles dimensions, une aiguille par exemple. Située à quelques centimètres de la plaque sen- Sible, ainsi que des variations de distance que rayons X et, par suite, la répartilion que nous en avons déduite plus haut pour les rayons catho- diques, dans tous les tubes dont nous nous som- mes servis depuis la découverte de Rœæntgen. La forme divergente du faisceau cathodique émis par les cathodes planes et l'absence cons- tante de rayons dans la partie moyenne du fais- DS A. IMBERT ET H. BERTIN-SANS — RADIOGRAPHIE DU CORPS D'UN NOUVEAU-NÉ ceau, même lorsque la cathode est concave, peu- vent d’ailleurs être rapporlées, soit, comme l'avait avancé M. W. Crookes, à la répulsion de deux rayons calhodiques voisins, soil, comme il parait résuller des expériences de Wiedemann et Ebert, à la réaction que toute cathode exercesur les rayons qui en émanent. Si l’on admet, au moins provisoirement, cette explication, il est facile de déterminer une forme de cathode telle que les rayons X soient émis non plus par une région annulaire, mais par tous les points d’une région circulaire de plus pelit dia- mètre, ce qui supprimerait l'inconvénient présenté par les tubes focus. Nous nous proposons d'éludier des lubes construits d’après ces données. On peut, d’ailleurs, augmenter la netteté des épreuves obtenues avec un tube focus en utilisant un fait constaté par M. Gouy et que nous avions nous-mêmes signalé dans notre Nole à l'Académie du 9 mars dernier. L'émission des rayons X se fait avec une intensité sensiblement égale suivant toutes les directions normales ou obliques à la sur- face qui émet. Par suile, en disposant la lame de platine obliquement par rapport à la plaque sen- sible, on diminue le diamètre apparent de la sur- face d'émission et l’on augmente ainsi la netteté des autres dont le cliché se compose. Toutefois celle remarque perd de son importance lorsque l'on veut impressionner une grande plaque. Heureusement les tubes focus employés normale- ment permeltent de réaliser une lrès grande nel- telé en raison de ce fait que, gräce à leur rende- ment considérable en rayons X, on peut les placer à une dislance assez grande de la plaque sensible. On peut juger de celte netteté par la figure 1 (p. 557), réduction de la radiographie du corps en- Lier d’un enfant mort-né. Cette radiographie a été obtenue en une seule fois, avec une pose de 25 mi- nules el un Lube focus qui nous à élé fourni par habile constructeur bien connu, M. Chabaud. Le tube, actionné par une puissante bobine, mise elle-même en activité par un courant d'environ 10 ampères, interrompu par un interrupteur Fou- cault, élait placé à 72 centimètres de deux plaques 24X 30 juxtaposées et sur lesquelles lepetit cadavre élail couché. Celle distance de 72 centimètres avail d’ailleurs été calculée de telle sorte que les doubles contours des ombres des parties du sque- lelte les plus éloignées de la plaque sensible (par- lies antérieures des côtes) ne fussent pas dislantes de plus de 0"25. Les données du calcul nous avaient été fournies par des épreuves préalables sur lesquelles nous avions mesuré l’écarlement des deux ombres d’une aiguille disposée parallèlement à la plaque sensible, à une distance connue de celle-ci, ce qui nous avail permis de déterminer le 1 dans la Revue du 30 avril, page 391. diamètre de la couronne d'émission des rayons M sur la lame de platine. Sur l'épreuve représentée par la figure 1 toules les parties du squelette sont nettement reproduites: On y distingue, en particulier, lesdents dans leurs alvéoles, le cercle tympanique, toutes les vertèbres: y compris les diverses pièces du sacrum. les trois os du bassin, les côles, les clavicules, les omo= plates, ele. Il est done possible d'obtenir, par une seule épreuve, desrenseignements complets et pré eis sur le squelette entier d’un enfant, et ces ren seignements comprennent la présence de minimes points d'ossificalion (fémur, libia, points latéraux des diverses verlèbres sacrées, etc.), dont quel= ques-uns, ceux des phalanges des orteils et des cuboïdes parexemple, n’ontpas un diamètre supé rieur à 0""5 et ne pourraient être décelés que bien difficilement par une dissection même minu- tieuse. De là l'importance de la radiographie er“ médecine légale pour déterminer l'élat exact du squelette d'un fœtus el par suite son âge, lorsqu'on aura, par une série d'épreuves, constaté, semaine par semaine, le développement du système osseux La radiographie consliluera encore, semble-t-il} un procédé précieux d'investigation pour l'étude de tous les cas nn ns eu fournissant, en. outre, le moyen de reconnaitre, dès leur appari= tion, des malformations osseuses dont on pourra suivre pas à pas le développement sur le vivant la radiographie permettra peul-être de délerminet la cause prochaine de ces anomalies et d'établir sur des bases sûres une lhérapeulique chirurgical® ou orthopédique rationnelle !. A. Imbert. H. Bertin-Sans, Professeur de Physique Chef des travaux de F hyétl Q biologique biologique à la Faculté de Médecine de Montpellier, l Sur la Photographie de l'Invisible et les rayons X, Revue a publié la série des articles suivants : 1. La Photographie de l'Invisible; introduction aux expé riences de Rœntgen, dans la Revue du 30 janvier, page 49: 2. Les rayons cathodiques el les rayons Rœntgen, pa M. H. Porncarr, de l'Académie des Sciences, ibidem, page 52" 3. Expériences sur un nouveau genre de rayons, par M. Ms RŒNTGEN, ibidem, page 59. 4. Remarques au sujet des vues théoriques de M. Rœntgen, par M.A.Scuusrer, de la Soc. Royale de Londres, ibid., p. 64 5. Les vibralions longitudinales de l’élher à propos des rayons de Rœntlgen, par M. J. Borromeey, de la Société royale de Londres, ibidem, page 6ë. 6. Elude expérimentale des rayons de Rœntgen, par M. J. PERRIN, ibidem, page 61. 1. Expérience sur les rayons de Rœnlgen, par M. L. Du rour, dans la Revue du 29 février, page 191. 8. Les Jails nouvellement acquis sur les rayons de Rœntaens par M. C. Raveau, dans la Revue du 15 mars 1896, page 249 9. Les hypothèses actuelles sur la nalure des rayons Ræœnt gen, par M. O. Lones, de la Soc. royale de Londres,ibid.,p. 253% 10. Zxpériences à lentler sur les rayons Rœntgen, par Lord KELviN, de la Soc. royale de Londres, ibid , page 258: 11. La technique el les récentes applications de la pholo- graphie de l'Invisible, par MM. C. Raveau et G. MEsLiN, D° H. GROS — LE CLIMAT TROPICAL ET L'ACCLIMATEMENT 9) LE CLIMAT TROPICAL Il n'y a guère actuellement, dans l'éliologie gé- “nérale des maladies, une nolion plus confuse que celle du climat !. Cela lient à ce que l’on n’a pu se - mettre d'accord sur la valeur de ce nom, d’ailleurs délourné de son sens élymologique. A l'origine, disent Littré et Robin ?, le mol climat® signi- - fiail proprement l’espace compris, sur la mappe- monde et les cartes géographiques, entre deux cercles parallèles à l'équateur tlerreslre. Par “extension, on à appliqué ce Lerme aux étendues de pays dans lesquelles la température et les ‘autres conditions de l'atmosphère sont partoul à peu près identiques. Ainsi l’onl compris Fonssa- -grives ‘, Lombard de Genève *, J. Arnould°. D'a- près celle définition, toule géographique, les terres si meuririères de l'Angola, du Benguela, du Mozambique, de Madagascar par exemple, de- vraien£ êlre placées à côlé du Continent australien el de la plupart des iles du Pacifique, régions jus- qu'ici éminemment salubres. Pour d’autres auteurs, les seules conditions mé- léorologiques ne suflisent pas à caractériser le . climal. Suivant M. J Rochard 7 notamment, « le « globe et l'air qui l'entoure réagissent perpé- « Luellement l’un sur l’autre, etles êtres organisés, « placés au point de contact, subissent toutes les « conséquences de ce conflit. La configuration du « sol, son orientation, les miasmes qui s’en déga- « gent, la présence des grandes masses d'eau, la - « direction des courants, modifient de la manière « la plus puissante la température, l'état hygromé- « lrique el la pureté de l'atmosphère. Ces trois « conditions sont inséparables pour le médecin. « La climatologie comprend donc à la fois l'étude de l'air, des eaux et des lieux. » N'y a-t-il pas là un aveu implicite de l'impuissance de la météo- rologie à expliquer la pathologie tropicale? A l’an- cienne formule hippocratique de l'air, des eaux el des lieux, M. Rochard ajoute l’action des miasmes. On connait maintenant ce qu’à l'époque où l’ancien inspecteur général du Corps de Santé 1 M. P. Le Norr, dans le Trailé de Pathologie générale de M. le Pr Bouchard, sans chercher à définir le climat, dit, à propos du rôle étiologique des agents physiques : «C’est en dernière analyse à l’organisme que doit étre rapportée la cause de la maladie. » 2 Lrrrré et Romix : Diclionnaire de Médecine. $ 4Nua, pente ou inclinaison de #{v®, j'incline. 4 FoxssAGRIvEs : Hygiène navale. » Lomgann DE GENÈVE : Trailé de Climatologie. 5 J. ArxouLp : Nouveaux éléments d'Hygiène. 7 J. Rocuaro : Diclionnaire de Médecine el de Chirurgie praliques. Art. Climat. Le Roy de Méricourr et E. Rocnarp, Encyclopédie d'Hygiène el de Médecine publique, t. TI. Art. Climatologie. | | ET L’ACCLIMATEMENT de la Marine écrivait cel article de dictionnaire, on appelait encore miasmes. Ceux-ci se nommenl aujourd'hui microbes, el l’on sait de façon certaine que ce sont des êlres organisés. Or, ces êtres peu- vent bien trouver accessoirement, dans la méléo- rologie d’un pays, des condilions favorables à leur développement, ils ne peuvent être créés par elle. L'air ne peut qu'être leur véhicule et seulement jusqu'à une certaine distance des côles. Il n'est jamais le milieu où ils vivent el se reproduisent. Il leur faut un substratum liquide ou solide où ils puisent leur nourriture. Donc, si dans une contrée aussi chaude, aussi humide, aussi marécageuse même qu’on puisse le supposer, ces germes ne se rencontrent pas, les maladies qu'ils engendrent ne sauraient naturellement par mêmes. Parmi ces affections qui, la fièvre jaune excep- tée, n’ont du reste rien de spécial aux régions Lro- picales, mais y sont beaucoup plus répandues qu'ailleurs, trois sont particulièrement communes. C'est d'abord l'inpaludisme, redoutable Protée aux manifestations multiples, dont on peut dire ce que Sydenham disait de l'hystérie : Non morbus ill, sed morborum complex. Puis, bien loin déjà derrière lui, les et l'hépatite. Toutes ces maladies, bien que leurs agents soient encore plus ou moins bien connus, sont certainement infectieuses. La chose est peu douteuse pour la plupart des enté- riles. En Angleterre même, où elle prit naissance et fut si longtemps en honneur, l’origine clima- tique des abcès du foie tend à ne plus être accep- ice. Le D' Neil Macleod, de Shanghaï, repousse les conclusions de sir John Fayrer ? admettant encore que l’abcès du foie volumineux el générale- ment unique est dù aux influences métléorolo- giques unies à une mauvaise hygiène, à une ali- mentation vicieuse, à l'abus des boissons, associées ou non à la dysenterie, et déclare que, soit sur le vivant, soil à l’autopsie, dans l'hépatite suppurée, on peut toujours trouver des lésions anatomiques de l'intestin, point de départde l'abcès. M. Macleod appuie son opinion sur plus de quarante observa- tions personnelles. Maisla première, — la plus fréquente parce que, sans doule, son agent est le plus diffusible, celle aussi sur laquelle la prophylaxie individuelle a le moins de prise, — constitue seule le grand obstacle à l'expansion des Européens dans les contrées exister elles - enterites 1 N. Macreon : Tropical Abcess rarely a primary, usually « secondary affection of the Liver. Lancet, vol. II., 1895. 2 Davipsox : Hygiene and disecses of warm climales, 1895. 560 tropicales. La belle découverte de M. Laveran, presque universellement acceptée aujourd'hui, a éclairé d’une vive lumière la pathogénie de la malaria. L'hémalozoaire, trouvé dans le sang palustre par tous ceux qui se sont strictement conformés aux recommandations de M. Laveran, en est la cause. Partout où vit ce parasite, on rencontre les états morbides qu'il provoque. Parlout où il n'a pas encore été introduit, les fièvres d’accès sont incon- nues et l'homme de race blanche, qui a pour elles une prédisposition loute spéciale, peut vivre aussi bien, souvent mieux qu'en Europe. La malaria, en effet, comme l’ont montré l'histoire de la Réunion, de Maurice, peut-être aussi de l'ile de Malte, est susceptible d’être importée dans des pays où pen- dant longtemps elle n’existait pas et très salubres jusqu’au jour où elle fit sa première apparilion. A cet égard, comme à beaucoup d’autres, le roulement qui, d'après notre organisation coloniale actuelle. se fait entre les fonctionnaires de nos possessions d'outre-mer, est des plus fàcheux. Il est de nalure à favoriser la contaminalion de colonies jusqu'ici indemnes, comme la Nouvelle-Calédonie et les îles de la Polynésie francaise. C’est grâce à cette im- munitéque ces îles, de même que l'Australie, sont encore aussi saines. Cette constatalion, qui prou- verait bien la nature infectieuse de la maladie si elle avait besoin de plus ample démonstration, de- vrait amener à prendre les mesures prophylac- tiques les plus sévères pour protéger ces établis- sements. I C'est en vain qu’on demanderait aux influences météorologiques ou telluriques l'explication de cette salubrité. On ne peut la trouver ni dans l’ac- tion de la chaleur ou de l'électricité atmosphérique, ni dans celle de la pression barométrique ou de la tension de la vapeur d’eau, ni même dans l’action combinée de ces éléments. Il n’y a pas lieu de discuter le rôle de la chaleur. Obligés de reconnaitre qu'il existe des régions tor- rides où la morbidité des Européens esi pourtant très faible, les partisans de l’importance du climat dans la pathologie tropicale en sont arrivés eux- mêmes à négliger ce facteur. Quant à l'action de l'électricité atmosphérique, elle est encore trop peu connue pour qu’on puisse s’y arrèler longuement. Autrefois on a prétendu trouver quelque rapport entre de violents orages et l'apparition subite ou la brusque aggravation de certaines épidémies (peste pendant la campagne d'Égypte (Pugnet'), fièvre jaune (Pouppée-Des- _l PuGneT : Lgyple, 180%. Aperçu physique el médical de la Haulte- D' H. GROS — LE CLIMAT TROPICAL ET L'ACCLIMATEMENT postes !, Rufz*?, Berlulus*, Belot *, etc). Si toutefois cette relation est réelle, il est plus probable que l'électricité atmosphérique agit plutôt en exaltant la virulence des germes qu’en diminuant la résis- tance de l'organisme. Du moins l’activité plus grande des fermentations pendant les temps ora- geux semblerait parler en ce sens. Restent donc la pression barométrique et l'hu- midité atmosphérique. On a accusé l’abaissement relatif et absolu de la pression barométrique de déterminer un état auquel on a donné le nom d'anoxhémie, d'anémie des altitudes (Féris)*. Il est facile d’objecter à cela que lorsqu'un habitant de la plaine s'élève sur une montagne d'altitude suffisante, il est à l'instant même pris de troubles dus manifestement à la diminution de tension de l'oxygène. Mais, au bout de quelques jours, il ne larde pas à s'habiluer à ce nouveau milieu, et les symptômes pénibles du début se dissipent entiè- rement *.Tout le contraire se passe à l’arrivée d'un Européen dans un pays chaud #nsalubre; il y a lieu d'insister sur cette qualification distinctive. Le nouveau venu éprouve lout d’abord un sentiment de bien-être, bientôt remplacé par divers désordres d'ordre pathologique. D'ailleurs, sous la zone tor- ride etparune altitude ordinaire, l’abaissement de la pression est très loin d'atteindre le niveau ob- servé sur certains hauts plateaux habités, où il peut descendre jusqu'à 40 centimètres de mercure. L'influence de l'humidité atmosphérique, celle de la tension de la vapeur d’eau en particulier, à pour elle l'appui d’un médecin dont l'opinion doit avoir certainement une grande autorité. « C’est la tension de la vapeur d’eau, dit M. Treille :, inspec- teur du Service de Santé des Colonies, qui fait la PR 1 Pourpée-Desrostes : Maladies des Européens à Saint- Dominque, 1739. 2 Rurz De Lavison : Gaz. médicale de Paris, 1872. — Arch. de méd. navule, 1869. 3 Berrucus : Observations el réflexions sur l'inlorication miasmalique, Montpellier, 4843. BeLor: La Fièvre jaune à la Havane, Paris, 1865. 5 Féris : Arch. de méd. nav. t. XXXII, p. 320 et suiv: ô Le Professeur Jolget, de Bordeaux, puis Paul Bert ont décelé le mécanisme de cette adaptation : il résulte de leurs observations que le sang de l’animal anoxhémié tend à s'en- richir en hémoglobine. Le sang des rats vivant avec l'homme sur les hauts plateaux du Mexique est plus chargé d'hémoglo- bine que celui de leurs congénères du littoral. Enfin, en ces dernières années, les ascensions de hautes cimes ont permis de constater que cet enrichissement en hémoglobine corres- pond à un accroissement du nombre des globules sanguins; ceux-ci se multiplieraient très rapidement au cours d’une ascension de quelques jours. Il faut pourtant se mettre en earde contre les défauts de la méthode de numération des hématies : la numération n'a de sens que si l’on s’est assuré que le volume du sang n'a pas changé. Bien que les expé- riences aient sous ce rapport laissé à désirer, elles semblent néanmoins indiquer une rapide multiplication des globules rouges sous l'influence de l’ascension. (Note de ia Direction.) 7 Dr G. Tree : De l’acclimatation des Européens dans les pays chauds, 1888. D' H. GROS — LE CLIMAT TROPICAL ET L'ACCLIMATEMENT ob véritable caractéristique du climat: c’est à elle que doit être rapportée l’action funeste du climat tro- pical sur l’organisme de l’Européen. » Comment agirait la tension de la vapeur d’eau ? En diminuant la tension de l'oxygène, dont l’aflinité pour les glo- bules rouges est déjà amoindrie par la chaleur. On le voit, M. le D' Treille revient à la théorie de l'anémie des latitudes. qu'il semble cependant vou- loir rejeter. Il n'est pas davantage prouvé que l'oxygène, sous les tropiques, se fixe avec moins d'énergie aux globules rouges. D'après M. Regnaud, le maximum de l’activité des combustions se ren- contre entre 36° et 40°. Or, même dans les pays les plus chauds, celte température du milieu extérieur est rarement alteinte.Je ne crois pas que M. Treille eût soutenu cette théorie avec tant de conviction, S'il avait eu la bonne fortune de naviguer dans le Pacifique. Par la comparaison des régions tropicales salu- bres avec les contrées insalubres, on peut, de plus, trouver des preuves directes de l'innocuité du cli- mat. Tout le monde reconnait qu'il existe des pays chauds très sains, où la morbidité et la mortalité des Européenssont très faibles, et où cependant les condilionsmétéorologiquesnediffèrentenrien de ce qu'elles sont dans les contrées les plus mentrières. Le véritable criterium du climat, si l’on veut con- server ce mot médicalement parlant, serait le taux de la mortalité, comme l’a dit M. Felkin !, mailre de conférences d Hygiène et de Pathologie tropicales à l'École de Médecine d’'Edimbourg. Une mortalité de plus de soixante pour mille doit, d’après lui, faire considérer une région comme malsaine. Ainsi, la température moyenne de l'air n'est pas moins éle- vée à Tahiti qu'à Madagascar; le baromètre s’y . maintient à peu près à la même hauteur ; l'humi- dité n'y est pas moindre. Les côtes de la plupart des iles de la Société ne sont qu'un vaste marécage inculle. Et cependant, la mortalité des troupes à ; Papeete est moins élevée que dans nos meilleures garnisons de France, et la morbidité par maladies endémiques s’y réduit presque toujours à zéro. Je puis citer dans le même ordre d'idées un exemple plus frappant encore. En 1884-85, il y avait au Gabon, pays éminemment insalubre, comme l'on - sait?, un ponton, le Calinat, mouillé à quelques kilomètres de terre {2 ou 3) dans l'estuaire et ser- vant d'hôpital en mème temps que de casernepour LU 1 R. W. Fezxin, On the aeographical distribution of tro- pical diseases in Africa. Edimburgh, 1893. 2 Voir sur le climat du Gabon : D' Rourre. L'Ouest africain (Presse médicale, p.12 1895). Lire aussi : GRIFFON DU BELLAY, Rapport médical sur le service de l'hôpital flottant au Gabon. Arch. de méd. navale, 1,13. — Besriox : Etude sur le Gabon, ibid., XXVI, 372, 401-441. — H. Gnos : Loango, les Bavilis et la colonisation européenne, ibid., LIT. 241, 345, 451: LIT, 36.— Davin : Pontons-hôpitaux du Gabon, ibid.,LVI, 233,257. les ouvriers de l'arsenal. La santé des hommes, surtout de ceux qui, par profession, descendaient rarement au rivage, fut parfaite jusqu’au mois de mars 1885. À cette date cette très vieille corvette eut une voie d'eau si considérable qu'on dut la faire échouer à la côte ell’abandonner. L’équipage fut logé à terre. À partir de ce moment les fièvres palustres sévirent avec violence, la fièvre typho- malarienne en particulier, et firent un grand nom- bre de victimes. Il serait difficile, je pense, de trou- ver une preuve plus complète de l'indifférence de l'Européen aux seules influences méléorologiques dans la zone torride. II Les partisans de la théorie climatique, etilssont encore le plus grand nombre parmi les médecins, ontcherché à rapporter à des modificalions paysio- logiques de l'organisme l’action supposée du climat. La température du corps serait un peu plus élevée que dans la zone tempérée. La-tension artérielle, d'abord exagérée serail par la suile abaissée. Le nombre des globules rouges serait diminué. La capacilé respiratoire deviendrait également moin- dre. La sécrétion sudorale serail toujours aug- mentée. L'urine serait émise en moins grande quantité. Enfin, les fonctions hépatiques et gastro- instestinales seraient toujours troublées. Telles seraient les principales modifications physiologi- ques que subirait l'organisme de l'Européen sous l'influence du climat tropical. Elles devraient, prétend-on, amener cet organisme à un élal sem- blable à celui des indigènes : cet élat constituerail l'acclimatement ou l’acclimatation. Incontestablement, sous l'action de la chaleur, l'organisme, quel qu'il soit, homme ou animal, européen ou nègre, ne réagit pas comme au froid ; mais peut-on appeler une modification ce qui n'est en somme qu'une fonction normale ? Dans les pays chauds, la sécrétion sudorale est aug- mentée. En effet, le rôle de la sueur est, non pas tant de soustraire au sang cerlains principes qui pourraient être nuisibles, que de règler, avec la conduclion et le rayonnement, la température du corps. Même sous nos latitudes, elle suit les varia- tions du thermomètre. On ne comprendrait guère qu'il en fût autrementsous les tropiques. Pour la majorité des médecins, la quantité de l'urine excrétée dans les vingt-quatre heures serait diminuée (Moursou', Rattray?, Treille?). Or, 1 Moursov : Notes sur les variations de l'urée. Arch. de méd. nav. t. XXXVI, p. 227. 2 Rarrray : Influence du régime des climats el des longs voyages sur la santé el les maladies des marins. de XII. 321 Influence des changements de climats sur l'économie humaine, XVII, 421. 3 Dr G. Treize, Loc. cil. M.Eijkman, directeur de l'Institut pathologique de l'Institut de Wellvreden (Batavia), à qui nous devons les études les plus complètes et les plus sérieuses sur l’action du climat, l’a trouvée peu modifiée sur une série de six Européens ayant d’un mois el demi à six mois de séjour aux Indes hol- landaises ; il a constaté par l'urine un volume moyen de 1487 centimètres cubes. Chez douze Européens ayant d'un an el demi à quinze ans de présence dans lacolonie, ce volume était de 1.545 centimètres cubes. Quant à la quantité d’urée excrélée par kilogramme de poids du corps, M. Eijkman ne l'a pas lrouvée changée. Ces observations l'amènentà cetle importante conclusion, que je traduis tex- luellement : « Leclimal tropical n'exerce sur la destruction des albuminoïdes dans l'organisme humain aucune influence particulière. » Que l’on admette que la quantité d'urine soit diminuée : il n'y aurait pas encore là une moditica- tion physiologique sous la dépendance du climat. Partout el toujours existe normalement une sorte de balance entre les sécrétions sudorale eturinaire. Celle compensalion s'observe dans nos pays sous l'influence de la chaleur de l'été. Une certaine quantilé d'eau qui passerait par le rein, avec une température extérieure plus fraiche, est employée au refroidissement du corps par l'évaporation. Si, maintenant, une somme de liquide plus considé- rable que d'ordinaire est ingérée, le volume de l'urine excrété pourra être peu diminué. Pour tout cela une adaptation spéciale de l'organisme n’est pas nécessaire, Ce qui constituerait véritablement des modificalions physiologiques, ce serait qu'à la longue le corps de l’Européen finit par employer au refroidissement d'autres procédés que l’évapo- ralion, la conduction ou lerayonnement ; ou bien que, la transpiration étant abondante etla quantité de boisson ingérée ne variant pas de ce qu'elleest en Europe, le volume de l'urine excrétée en vinglt- quatre heures restàt le même. Il est possible que, dansles contrées tropicales, la température de l'homme soitun peu plus élevée que dans les pays tempérés. Mais cette augmenta- lion n’est pas encore absolument démontrée. L'écart considérable entre les chiffres donnés par les différents observateurs doit mettre en garde contre l’exactitude et la rigueur de leurs obser- valions. Ainsi, tandis que Rallray ? et Joussel’ accusentuneaugmentalion de plus de 1° C., Brown- 1 C. ErkMan: Virchow’s Archiv. 1., CXXXVI, 1891; t. CXXXVI et CXXXVII. 1895 et H. Gros : Compte rendu des mémoires du D' Eijkman in Arch. de méd. nav. t'LXIT: 2 RATTRAY : Loc. cil. 3 Jousser : De l'acclimatement et de l'acclimatation. Arch. de méd. nav , t. XL, D' H. GROS — LE CLIMAT TROPICAL ET L'ACCLIMATEMENT Séquard ! en indique une de 0°9, et Gueguen : donne une augmentalion de 0°3 seulement. J'avais tenté de reprendre celte question à Tahili à bord du Volage *. Un malheureux événement est venu interrompre mes recherches. J'avais trouvé, pour les quatre-vingls hommes dont se composail l'équipage de ce navire, une moyenne de 31°5 avec des varialions fort peu sensibles. J'ai toujours considéré comme anormale une température de 38°, el, chaque fois que je l’ai rencontrée, un élal morbide la juslifiail. Pour que ces observalions eussent quelque valeur, il eût fallu pouvoir com- parer le thermomèlre qui servit à prendre les Lem- pératures avec un thermomètre étalon el pouvoir suivre les hommes à leur retour en France pen- dant la saison froide. M. Eijkman ‘ a récemment repris celle ques- tion de la température du corps humain. Il conclut qu'à l'état de repos il y a, chez l'Euro- péen aux pays chauds, plulôt un abaissemenL du température qu'une élévation. La moyenne trouvée par lui, dans des conditions d'une précision indis- culable, est de 37°02. Nous n'avons pas non plus de données encore très précises sur l'état de la respiration sous les tropiques. On dil généralement que les mouve- ments respiraloires, d'abord augmentésen nombre, sont ensuile ralenlis, el que la quantilé d'acide carbonique exhalée estdiminuée Joussel *, Féris", Rutlray). Les mêmes remarques que ci-dessus s'appliquentaussi à celle fonction. L'augmentalion de l'activité des combustions est un des moyens employés par la Nature pour lutter contre le froid. On peut croire que, dans les pays chauds, le vo- lume d'air inspiré el la quantité d'acide carbo- nique exhalée seront diminués. L'un et l’autre, du reste, varient déjà sous nos latiludes avec la tem- pérature de l'air ambiant. Le D' W. Marcel’, membre de la Société Royale de Londres, a conslalé qu'à 222 centigrades, le volume de l'air ex- piré pendant une minule, volume rapporté à 0? el à la pression 760, était de 4 litres 858. A 11°66, dans les mêmes condilions et dans le même lemps, il n'élait que de 3 litres 455. La quantité d'acide carbonique exhalé était à 2° 22 de 284 centimètres 1 Browx-Siquaro : Journal &e Physiologie, t. I. 2 Guecurx : Études sur la marche de la température dans les différentes fièvres de la Guadeloupe. Arch. de méd. nav, XXIX, 81. , 3 H. Gros : Modifications physiologiques de l'Européen en pays chaud salubre, ibid., 1892. " 5 ExskMan : Vergleichende Untersuchung über die physi- kalische Warmeregulirung beider curopæischen und dem malaischen Tropenbewohner. Vürchous Archiv.,t. CO LV.1893. 5 Jousser : Loc. cil. 6 Féris : Loc. cil. 7 W. Marcer. Contributions to the history of the respira- tion of man (Croonian Lectures.) Lancet, Juin 1895. » D: H. GROS — LE CLIMAT TROPICAL ET L'ACCLIMATEMENT cubes ; à 11°66, de 217 centimètres cubes, soit une augmentetion de 30,9 % avec un abaissement de température de 9°5 environ. Mais peut-être la différence n'est-elle pas proportionnelle à l'éléva- lion de température et diminue-t-elle à mesure que le thermomètre monte au-dessus de ces chif- fres. J'ai mesuré à Tahiti la capacilé respiratoire de quatre-vingts matelots. J'ai trouvé, pour le volume d'air expiré ‘au mois de février, une moyenne de 2 litres 390. Au mois de juin, sensi- blement plus frais, celte moyenne était de21it. 489. En ajoutant l'air résiduel, cela fait une capa- cilé moyenne de 3,390 à 31,489, capacilé peu différente de ce qu'elle est en Europe !. L'état du pouls et de la circulalion n'est pas mieux connu. Jousset ? admet que la tension arlé- rielle, d'abord élevée, est ensuite diminuée, et que le nombre des pulsalions suit les mouvements de la température et de l'humidité atmosphérique. Les allérations de la composition du sang, que l'on a signalées, seraient une diminution du nombre des globules rouges et l'hvdrémie, qui nous ramènera à la théorie de M. Treille. Certains médecins avaient même fait de l’anémie une con- dilion de l’acclimalement et avaient proposé, dans le but de l'obtenir plus rapidement, l'emploi des saignées répélées. C’est encore à M. Eijkmann * que nous devons les meilleures recherches sur ce sujet. Cet auteur ne s'est pas contenté de numérer les hématies de 33 Européens en parfaile santé. Il a calculé aussi leur richesse en hémoglobine el la densité du sang. Or, ni les uns ni les autres ne dif- féraient de ce qu’elles sont en Europe. Le nembre des globules oscillait de 5.182.000 à 5.358.000 sui- vant les calégories établies d’après la durée du séjour. La valeur co lorante moyenne du globule était de 100. La densité du sang, prise au picno- mètre capillaire de von Schwallz, était de 1,0574, moyenne peu éloignée de celles indiquées par Landois (1,055), par von Schwal{z(1.0591), par Peip- per (1,055) pour les habilants de nos contrées. Qu'on veuille bien le noter, toutes ces recherches ont élé faites à Batavia, ville très chaude et très humide, qui n’esi point non plus préeisément salubre. Il est évident que, si la quantilé d’eau contenue dans le sang augmentlait, le nombre des globules devrait être proportionnellement dimi- nué, de même que la densité du sang. Du reste, ce n'est pas sur des faits d'observalion, mais sur des données hypothétiques que M. Treille a édifié sa théorie. Il y a, dill, augmentation del'eau du sang par rétention de la quantité de vapeur d’eau non 1 H. Gros : etc., etc. ? Jousser : Loc. cit. 3 ErukMmanx : Virchows Archiv. et Arch.de méd. navale, Le Modificalions physiologiques de l'Européen, )03 exhalée par la surface pulmonaire. Mais celle quantité est éliminée par la transpiration. La sur- aclivilé de la sécrétion sudorale détermine une exagération de la soif. Or la soif, a dit Paul Bert, est la diminulion d’eau dans le milieu intérieur. C’est l’abondante soustraction de liquide par la sueur qui fail naître cetimpérieux besoin. Parsuile, on ne comprend guère comment, d'après la théorie de M. Treille, l’eau pourrait être à Ja fois augmen- tée dans le sang au point de produire l'hydrémie el diminuée au point de déterminer la soif. Quant aux troubles des fonctions hépatiques el gastro-intestinales, ils sont toujours pathologiques. « Dans une longue pratique hospitalière en Algé- rie, nous n'avons jamais rencontré un seul cas d'hyperhémie du foie aiguë ou chronique dont une cause pathologique telle que la malaria, la dysen- Lerie ou la pneumonie ne pül rendre compte. » Kelsch et Kiener !.) Ce n’est pas sur des observa- lions directes qu'a élé élablie cette tradilionnelle hypertrophie fonctionnelle du foie. C'est seule- ment la fréquence des élals bilieux et de l'hépa- lile, suppurée ou non, dans les pays chauds insa- lubres qui ont donné naissance à celle opinion. Dans l'impaludisme le foie est, avec la rale, un des premiers organes lésés. Il en est de même pour l'appareil digestif. Trop decirconstances peuvent venir apporterle désordre dans son fonclionnement régulier, sans qu'il soil nécessaire d'incriminer les facteurs méléorolo- giques. En dehors de la malaria, l’abus des bois- sons alcooliques, acides {orangcade, citronnade. gazeuses (limonades, eau de sellz arlificielles), glacées où simplement sucrées, l'abus des condi- ments(piment, pickles, achards, saucesanglaises). des conserves alimentaires, l'excès de l'alimenta- tion lui-même suffisent largement à les expliquer. III [1 a déjà été dit que certaines maladies d'origine sûrement infectieuse jouent le plus grand rôle dans la pathologie tropicale. Il faut rechercher maintenant s’ily à des maladies que l'on puisse réellement attribuer à la seule action du climat, indépendante de toutes les autres causes, des maladies véritablement climatiques. Sous ce nom, M. Corre ?, dans son 7railé clinique des maladies des pays chauds, a décrit trois sortes d'affections, qui paraissent dues « à l’action exclusive ou tout au moins prédominante des modificateurs méléorolo- giques. » Ce sont : le coup de chaleur, les fièvres climatiques et Vanémie tropicale. Le coup de cha- leur ne mérite guère d'ètre appelé une affeclion 1 Kerscou et Kiexer : Trailé des maladies des pays chauds ? Core : Traité clinique des maladies des pays chauds. 56% D' H. GROS — LE CLIMAT TROPICAL ET L'ACCLIMATEMENT climatique. Ce n'est du reste pas une maladie, c'est un accident d'ordre cosmique. Les accidents produits par la foudre sont de même nature. Jamais personne n'a appelé la fulguration une maladie climatique, quoiqu'elle puisse se présen- ter plus fréquemment dans certaines contrées que dans d’autres. Le coup de chaleur se rencontre parlout, même sous nos laliludes, même sous les latitudes encore plus élevées de la Grande-Bretagne et de la Scandinavie. On sait combien il est fré- quent dans les revues, les marches militaires. Il est seulement et naturellement plus commun sous la zone torride, la cause déterminante étant cons- tamment présente et puissante. Toutefois la fré- quence et la gravilé de cet accident paraissent bien plus grandes dans les pays chauds malsains que dans les régions tropicales salubres. Vraisem- blablement son aggravalion provient alors de son association presque constante avec l’impaludisme. L'insolation et le coup de chaleur sont fort rares dans les iles de la Polynésie. En Australie, dans les villes, même en plein été, personne ne porte le casque colonial. Quant à l'érythème solaire, M. Eijkmann fait remarquer qu'il est dû à l’action chimique des rayons du soleil, et qu'il s’observe fréquemment sur les glaciers, les champs couverts de neige, inondés par la lumière du jour. Sous le nom de fièvres climatiques, M. Corre comprend: 4° la fièvre éphémère ; 2° la fièvre cor- tinue simple ; 3° la fièvre gastrique simple ; 4° la gastrique bilieuse. « Les modifications saisonnières engendrent parlout des pyrexies dont la physio- nomie clinique varie selon l'intensité des phéno- mènes météorologiques. » Ces lignes semblent bien indiquer que M. Corre ne faisait pas grande distinction entre les fièvres qu’il appelait climati- ques el certains états fébriles observés dans nos contrées. Cet auteur, au moment où il écrivait son Traité, le meilleur peut-être que nous possédions encore aujourd'hui sur la pathologie exotique, n'acceptail qu'avec de grandes réserves les théories microbiennes. Maintenant on pense que dans nos climats la plupart de ces fièvres éphémères, syno- ques.continues sont dues soit à des états infectieux, soit à des auto-intoxications. 11 ne peut en être autrement dans les pays chauds, où l'infection el l’auto-intoxication ont beaucoup plus souvent l'oc- casion de se donner libre carrière. Le Barterium coli commune, Ve bacille typhique ont sans doute une large part dans la genèse de ces états. On à cru longtemps à l’immunilé complète de la zone torride par la fièvre typhoïde. Puis on en vint à dire qu’elle était ‘ seulement plus rare que dans les \ Hirsen : Handbuch der hislorisch- geographischen Patho- logie, 1*e partie. latitudes tempérées. Celle opinion elle-même ne peut plus se défendre, D’après la stalistique médi- cale de l’armée anglaise de l'Inde pour 1893,parmi les troupes européennes, 42 !‘/, des décès (près de la moitié) sont dus à la fièvre typhoïde. Pendant mon séjour à Tahili j'ai observé, dans un certain nombre d’iles, de petits foyers locaux de typhus abdominal, plus ou moins grave, frappant surtout les indigènes. M. Vincent ‘ ne vient-il pas de confir- mer, enfin, ce qui était soutenu depuis longtemps par M. Corre? d’abord, par MM. Kelsch et Kiener ensuile : à savoir que la typho-malarienne est une maladie proporlionnée, résultant de l’évolu- tion sur le même lerrain du bacille typhique et de l’'hématozoaire. En outre, ces soi-disant fièvres cli- maliques peuvent représenter encore les premiè- res manifestations de l’impaludisme . Aux colonies, cette maladie, à son début, affecte, en effet, bien exceptionnellement la forme intermittente. Dans les pays chauds salubres, ces états fébriles sont beaucoup plus rares. Aux iles de la Société, l’équi- page du Voluge fut complètement renouvelé en cours de campagne. Même chez les nouveaux arri- vés, je n'ai pas rencontré une seule de ces affec- tions. Reste enfin l'anémie tropicale. L’anémie est une maladie, ou plutôt un syndrome qui, actuellement, se reconnait objectivement et se mesure. Les exa- mens hématologiques de M. Marestang *, ceux de M.Eijkmann ont démontré que chez l'individu bien portant le nombre des globules restait invariable. Si done l'anémie se rencontre, elle est toujours secondaire, et il faut en rechercher la cause soit dans une malaria plus ou moins latente, soit dans la présence de parasites intestinaux (anchylostome duodénal, Botryorephalus latus, Trichocephalus dis- par, ete), soit dans les intoxicalions gastro-intes- tinales chroniques. IV Je me suis efforcé d'établir dans ce qui précède: 1° Qu'il n'y a pas entre un pays chaud salubre et un pays chaud insalubre d'autre différence essen- tielle que l'absence dans l’un, la présence dans l'autre, de certains germes pathogènes animés; 2 Qu'il n’y à pas, à proprement parler, de mo- difications physiologiques causées par la météoro- logie tropicale, parlant, pour l'organisme de l'Européen, pas d'efforts à faire pour s'adapter au climat; 3° Qu'il n'y a pas de maladies climatiques. 1 Vixcexr : Sur la symptomatologie et la nature de la fièvre typho-palustre. — Mercredi médical, 3 décembre 95. : Corre: Traité clinique des fièvres. 3 MaresranG : Hématimétrie normale de l’'Européen des pays chauds. Arch. de méd, nav., t. LII, 40. CR RE 2. un ét éme Ch «= on RÉ ml) ce on Do DS Se D' H. GROS — LE CLIMAT TROPICAL ET L'ACCLIMATEMENT 565 Cela me permettra d'être bref sur l’acclima- tement et l’acclimatalion. Le climat n'ayant par lui- même aucune influence sur l'organisme, l’acclima- tement au sens médical du mot, ce que les éleveurs appellent acclimatement ou acclimatation est un fait, un résultat, non un acte. Une foule d'espèces animales et végétales ont été introduites chez nous, sans que l'on ait pris grand soin pour les faire vivre. Certains horticulleurs ! prétendent même que bon nombre de plantes de serre froide ou tempérée prospéreraient mieux si on ne les en- tourait de soins éliolants. Quant aux animaux, qui, bien mieux que les plantes, peuvent résister aux variations de température, le nombre est considé- rable de ceux qui sont domestiqués chez nous sans effort de notre côté, sans modification du leur. Il suffit de citer le cobaye, le coq d'Inde, le colin de la Californie, la perruche ondulée, nombre de va- riétés de poules devenues très rustiques, Lous ani- maux qui vivent el se reproduisent très aisément dans nos basses-cours et nos volières. Il n’est pas jusqu'aux gros Mammifères, lelion, l'éléphant, qui, bien que captifs el confinés dans des espaces étroits, ne se mulliplient en Europe. Pour d’autres, dont l'introduction a été vaine- ment tentée, il faut compler beaucoup plus avec la privation de la liberté, le confinement, l’alimen- talion peu en rapportavec leurs habitudes, qu'avec ie climat. Même dans nos bois el nos champs, il ne manque pas d'animaux qui ne peuvent sup- porterla captivité, ou qui, s'ils finissent par se faire à cet état, restent stériles. Inversement, nos animaux ont été importés dans nombre de contrées tropicales : ainsi, le cheval, le bœuf, le mouton, dans les deux Amériques, en Australie, dans les iles de la Polynésie. Les che- vaux, aujourd'hui fort nombreux aux îles de la Société, descendent presque tous d’un couple amené d'Angleterre à la fin du siècle dernier (1778) par Cook. On cite souvent ce proverbe polynésien : « L'homme blanc chassera l’homme maori comme le rat d'Europe a chassé le rat maori, comme le chien d'Europe a chassé le chien maori ?. » L'homme a toujours sur l'animal un immense avantage: il peut facilement se mettre à l’abri des rigueurs des climats excessifs. Ce que l’on a confondu avec l’ac- climatement, c'est une cerlaine accoutumance aux miasmes, au poison palustre en particulier, une sorte de mithridatisme, pour employer l'expression de Fonssagrives. Le bénéfice de celte accoulu- mance est réel et bien démontré par l’observation journalière aux colonies. Chez les Européens qui y résident depuis longtemps sans relour dans leur patrie, les accès de fièvre diminuent de fréquence 1 A. Karr: Les fleurs. ? Borper: Géographie médicale. et de gravité, et la malaria revêt chez eux la forme intermittente, qui serait un mode atténué de la maladie. Mais ce bénéfice est toujours très pré- caire. Le moindre incident peut faire apparaitre les manifestations pernicieuses, de préférence la fièvre bilieuse hématurique. Contrairement à ce que disait Fonssagrives, il est infiniment plus facile de s’habituer à la chaleur qu'au paludisme. Il n’est même pas très correct de parler ici d’habi- tude à la chaleur, puisque l'organisme porte en lui tous les moyens de lulter contre elle. Comment se fait-il que tant de médecins dislin- gués de la Marine et des Colonies aient jusqu'à présent considéré l’action du climat (au sens purement météorologique du moi) comme si redoutable pour l'Européen ? C'est que la plupart des contrées tropicales sont extrêmement insa- lubres et que, presque toujours, climat torride a élé pris comme synonyme de climat insalubre. C’est que l’on ne connait que depuis très peu de temps les microbes et leur rôle, c'est qu'enfin lorsque, par hasard, on rencontrait un pays chaud salubre, on ne metlail pas cette salubrité sur le compte de l'absence de germes que l'on ne connaissait pas, on l'attribuait à des causes cosmiques (cerlaines particularilés méléorolo- giques ou physiques, corail vivant, présence de certains végétaux). En somme, la pathologie exo- tique est beaucoup moins une question de cli- matologie qu'une question de flore ou de faune pathogène. Voilà pour l’acclimatement de l'individu. Quant à l’acclimatement de la race, rien ne démontre qu'il soit impossible. On s’est seulement basé pour soutenir cette hypothèse sur des statistiques sur- tout empruntées, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du sud, aux Républiques hispano-por- tugaises. Ces documents ne méritent aucune con- fiance. Dans la Polynésie, que j'ai fort souvent citée au cours de cet article, parce qu'elle est le Lype du pays chaud salubre, les natifs virent mani- lestement au blanc et, sans grand apport de nou- veaux colons, la population, bénéficiant de ce mélange intime des deux races, que n'enlrave aucun préjugé, parait, d’après les dernières sla- listiques, augmenter un peu. V Si l'influence directe du climat sur l’'Européen est très discutable et en tous cas se réduit à peu de chose, son action indirecte ne peut être méconnue. Les agents pathogènes trouvent, dans la chaleur et l'humidité de l'atmosphère et du sol, des condi- Lions très favorables à leur développement. Dans la zone tempérée, déjà ces éléments ne sont pas indifférents. On connaît l'importance attribuée par 906 D' H. GROS — LE CLIMAT TROPICAL ET L'ACCLIMATEMENT Pettenkoffer à la nappe d'eau souterraine. En Angleterre le D° Balland, membre de la Société Royale de Londres, a appelé «température critique du sol, la température de 1333 à la profondeur de 4 m. 20». Le D' Tatham, surintendant de la Slalistique à Manchester, à constaté que, lorsque celte température du sol est atteinte dans celte ville, la diarrhée infantile ne tarde pas à se mani- fester à l’élat épidémique !. Dans les contrées tro- picales, la virulence des parasites microscopiques de l’homme et des animaux, celle de l’hémato- zoaire de Laveran notamment, est sans cesse à l'élat d'exaltalion. Mais on ne doit pas perdre de vue que, naguère encore en France, en Hollande, on observait les formes pernicieuses de l'impa- ludisme. L'action du climat sur le germe lui- même ne suflit pas à expliquer la gravilé el la fréquence de la maladie. La nature du sol et l'étal social de ses habilants jotent à cet égard un rôle bien plus considérable. La résistance de l'orga- nisme ne parait pas avoir beaucoup d'impoi- tance vis-à-vis de l’impaludisme. Du moment que l'on a la peau blanche, on ne peut rien contre lui. Aryens ou Sémites, forts ou faibles, sobres ou intempérants, pusillanimes ou braves, prudents ou Léméraires, personne n’est épargné. À son tour, il afaiblit l'organisme et prépare le terrain à d'autres affections endémiques, comme la dysen- lerie et l'hépatite, qui ne sont peut-être que deux élapes d'une seule et même maladie. Encore est-il aussi nécessaire que les germes de celle maladie soient présents. Au Gabon, pays palustre par excellence, la dysenterie et l’abcès du foie sont très rares. Ce fait tendrait bien à montrer qu'un agent spécifique est nécessaire pour produire ces deux élals morbides et qu’ils ne peuvent êlre l'œuvre de microbes vulgaires, acquérant, sous l'influence de la météorologie, une virulence spéciale. Mais, partout où la malaria n'existe pas, l'Européen n’a pas de prédisposilion plus marquée pour les endémies que l’indigène. En 1891, à Tahiti une épidémie d’entérites dy- sentériformes sévit avec une certaine intensité el occasionna un certain nombre de décès. Elle resta limitée à la population native. A bord des navires de guerre de la slalion, on en rencontra un seul cas mortel, chez un malelolt marquisien, embarqué sur la Vire, qui cependant vivait comme le reste de l'équipage. De même pendant un séjour de deux ans aux iles de la Société, je n'ai vu qu’un seul cas d’hépatile suppurée; c'était chez unindigène opéré avec le succès le plus complet par M. le D' Sérès, médecin principal des Colonies. 1 J. W. Moon : Meleorology practical and applied, Lon- don, 1894. Mais, si l'impaludisme est beaucoup dans la mor- bidité et la morlalilé des Européens aux pays chauds, il n’est pas tout. À côté del’hématozoaire, d’autres agents pathogènes existent déjà; d'autres ne demandent qu'à être introduits. De ce nombre sont d’abord le bacille {yphique et le bacille de Koch. La diphtérie elle-même, qui semblait jus- qu'ici avoir une prédilection pour les climats froids et humides, s'est installée dans des régions tropicales ou sublropicales, comme l'Algérie, l'Australie, la Nouvelle-Calédonie, et parait s'y plaire. La lèpre a lrouvé, dans les organismes vierges venus d'Europe, un terrain propice et, dans certaines contrées, l’on assiste à ce spectacle cu- rieux : pendant qu'elle semble s'atténuer et deve- nir plus rare chez les indigènes, l'on voit les cas se multiplier chez les habitants de race blanche. Il n’est pas jusqu'à la dysenterie et l'hépatite qui ne deviennent plus fréquentes dans des pays où elles étaient auparavant presque inconnues. Cest ce que le D' Legrand a bien montré pour la Nou- velle-Calédonie. De toutes les infections, il n’en est guère, en définilive, qu'une seule qui soil propre aux zones tropicales el n'ait pas encore beaucoup dépassé son foyer primilif. Par cela, elle mérilerait mieux que tout autre le nom de maladie climalique : c’esl la fièvre jaune. Encore a-t-elle déjà franchi un océan. VI C'est donc une locution vicieuse que de dire : le climat d'un pays est malsain. Ce n’est pas le climat qui est malsain, c'est le pays lui-même; un pays est insalubre par (outes sortes de raisons, beaucoup par son élal social, un peu par son état physique, mais avanttout par sa microbiologie pa- thogène. Les bolanistes peuvent parler de climat botanique, parce que cerlaines plantes ne dépas- sent pas cerlaines limites et peuvent servir à caractériser les frontières entre lesquelles elles vivent. IL n'en est pas ainsi des agents morbides : ce sont des cosmopoliles auxquels on ne peul plus assigner de palrie. Ils tendent à tout envahir, si on leur laisse la place. Par suite, on ne peut s'en servir pour établir des climats médicaux. Quand les médecins parlent de climat, ils doivent lui donner le sens que lui accorde la météorologie, et ils n'ont pas le droit de le qualifier de salubre ou d’insalubre. Ce serait un médiocre résullat que de parvenir à renverser une nolion généralement reçue, si, de l'indifférence du climat vis-à-vis de l'Européen, on ne pouvail lirer quelques conclu- sions d’une haute portée. Le véritable ennemi de 1 LeGranp : Hépatite suppurative et abcès du foie en Nou- velle-Calédonic, Arch. de méd nav.,t. LVT, p. 343. RE 1 eur es ce front ét meer de D' H. GROS — LE CLIMAT TROPICAL ET L'ACCLIMATEMENT )67 la race blanche, c'est l'hématozoaire du paludisme. Contre les météores nous eussions élé à peu près complètement désarmés. Contre la malaria nous sommes beaucoup plus puissants. Nous pouvons lutter contre elle par des moyens prophylactiques individuels ou généraux. Les premiers, qui tendent à augmenter la résistance de l'organisme, ne doi- vent pas être négligés; loutefois ils demeureront toujours tout à fait insuffisants. Les seconds, qui s'allaquent à l'agent lui-même, ont seuls quelque efficacité. Mais ils sont l'œuvre del’administration. Que l'hémalozoaire pénètre par n'importe quelle voie : par les boissons, — ce qui est peu vraisem- blable, étant donné qu'il ne suffit pas de boire constamment des eaux fillrées et bouillies pour s'en protéger, — par la peau, — grâce aux piqüres des moustiques, comme le veut Patrick Manson ", — par les voies respiraloires, ce qui est beaucoup plus probable, —c'est, en définitive, dansle sol qu'il se trouve, et c'est là qu'il faut aller le chercher. On sait dans quelles conditions l'impaludisme à fini par disparaitre complètement de certaines lo- calilés d'Europe et d'Algérie qu'il décimait autre- fois. On sait que la suppression des marais, patents ou cachés, l’élablissement de certaines cultures, ont fini par assainir des régions très insaiubles. Il serait à désirer que dans les centres impor- lants de colonisation des travaux d'assainissement fussent entrepris sans délai. IL faut, en outre, que les règlements d'hygiène publique soient appliqués dans toute leur rigueur. [ne s'agit pas seulement de combattre un ennemi partout présent aujourd'hui; il faut encore empè- cher d’autres adversaires non moins redoutables de venir opérer concurremment avec lui. Au pre- mier rang se place le bacille typhique. La mau- vaise qualité des caux de boisson, le système des losses fixes, seul en usage dans la plupart de nos colonies, favorisent au plus haut point sa diffusion. Il faut encore par les mesures quarantenaires éviler l'apport de maladies nouvelles: celles-ci s'adressent surtout aux maladies épidémiques, mais tout démontre que les affections endémiques ne sont pas moins aples à êlre introduites dans 1 l’arxricx Maxsow: Brislish medical Association. 632 con- urès annuel tenu à Londres en 1895. The Lancet, p.*301. des pays où elles n'existaient pas. Un des moyens les plus sûrs d'éviter ce grave péril est de moins déplacer les fonctionnaires et les officiers en ser- vice aux colonies. Le choix d’une colonie peu sa- lubre pourrail entrainer certains avantages de solde, deretraite, de congés, d'avancement el de limited'âge qui compenseraient l'agrément d’ha- biler unpays plus sain. C’est le système adopté par l'Angleterre pour les officiers et les fonctionnaires qui demandent à servir à la côte occidentale d'Afrique. En dernier lieu, étant bien pénétré de cette idée que le climat n'exerce aucune influence sur la santé des Européens aux colonies, le médecin ré- glera d’après cela sa conduite pour le rapatriement des malades. Tout homme ayant été atleint d'im - paludisme chronique ou pernicieux sera loujours exposé à de nouvelles allaques de la part de l'agent malarien, en raison de la diffusibilité ex- trème de cetagent. Parlarépétilionde ces atteintes, son élat ne pourra que s'aggraver. Aussi ces deux formes de l’impaludisme exigent un prompt re- tour en Europe. La dysenterie et l'hépalite suppurée n'ont rien à craindre du climat; elles ont tout à redouter d'un rapatriement trop hälif. Aussi, avant de renvoyer les malades atteints de ces affections, convient-il que les dysentériques aient élé sensiblement améliorés par les médica- ments usuels et que les porteurs d'abuès du foie aient élé trailés par la seule mélhode rationnelle : l’ouverlure des collections purulentes. On cherchera la cause de l’anémie. Certaines formes, surtout celles qui sont liées à la malaria, peuvent nécessiter également le retour dans la zone tempérée. Au contraire, l'anémie parasitaire cédera au trailement. J'ai dû incidemment aborder ces questions très imporlantes el encore mal précisées. Les dévelop- pements qu'ellescomportent dépasseraient de beau- coup les limites que je m'élais assignées dans ce lravail déjà fort long. J'espère cependant que l'in- térêl sans cesse croissant qui s'attache en France aux questions coloniales, m'en fera pardonner l'étendue. D' H. Gros. Ancien médecin de la Marine, 508 C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE I. — LES NOUVEAUX RAYONS Il est impossible de commencer une revue des progrès de la Physique pendant l'année qui vient de s'écouler sans parler en première ligne de la découverte importante, capitale peut-on dire, qui a été faite par le professeur Rüntgen. Nous ne croyons pas devoir nous étendre longuement sur les faits nouveaux qui ont élé signalés, car ils ont fail l’objet d'articles spéciaux dans la Revue yénérale des Sciences !, et il nous suflira de les rappeler sommairement. On sait maintenant que si, dans un tube à vide de Hittorfou dans un tube de Lénard ou de Crookes dont le vide a été poussé très loin, on fait passer la décharge d'une forte bobine d'induction, ce tube devient une source de radiations qui ne produi- sent pas d'action directe sur l'œil, qui ne donnent pas directement la sensation lumineuse, mais qui peuventimpressionnerune plaque photographique, qui peuvent rendre visibles diverses substances fluorescentes, et ces actions se manifestent alors même que, sur le trajet des radiations, on a inler- posé des corps que nous considérons ordinaire- ment comme opaques, du papier noir, du bois, certains mélaux. Les radiations susceptibles de produire ces effets ont élé désignées sous le nom de «rayons X » par le savant qui les a découvertes ; on les appelle éga- lement, avec justice, les « rayons Rüntgen ». Ces résultats, annoncés par les journaux poli- liques aussi vite, sinon plus, que par les journaux scientifiques, ont vivement attiré l'attention du pu- blic: le fait d'obtenir des photographies en un point où l'œil ne perçoit aucune sensation,celui que ces rayons traversent des corps opaques ont paru absolument extraordinaires, en même temps que, l'imagination aidant, on prévoyait de nombreuses el curieuses applicalions. Il faut bien le dire, ces propriétés ne sont pas celles qui intéressent réellement les physiciens. Depuis longtemps on sait que les radiations ultra- violettes, qui ne donnent pas de sensations lumi- neuses, sont susceptibles de produire une action sur les plaques photographiques ou de rendre visibles dans l'obscurité certaines substances fluo- rescentes, puisque c'est en s'appuyant sur ces pro- priétés qu'on à pu étudier la partie du spectre plus réfrangible que le violet. On sait de même que l'opacité ou la transparence d’une substance n’ont l Revue générale des Sciences, 30 janvier, 29 février, 15 mars 1896. Voir la note 1 de la page 558,2° colonne. rien d'absolu et s'appliquent seulement à des radia- tions déterminées : que, par exemple, une solution d'iode dans le sulfure de carbone ne laisse point passerles radiations plus réfrangibles que le rouge, est opaque pour les radiations dites lumineuses, landis qu'elle est éransparente pour les radialions infrà-rouges. À ce double point de vue, le véri- able intérêt des rayons Rôntgen nous parait être la constatation de la difficulté que nous éprouvons à distinguer, à apprécier des effels qui ne corres- pondent pas à une sensation spéciale ou à une modification de l’une de nos sensations, et dont. l'existence ne nous est révélée que par des aclions indirectes. Dans les expériences faites sur le pas- sage des décharges électriques dans les lubes à vide, des rayons Rôüntgen ont certainement élé pro- duits souvent avant que le professeur de Würtz- bourg les ait signalés, de même que des courants électriques avaient circulé dans des conducteurs avant la mémorable découverte de Galvani, sans que les observateurs aient été avertis de l'existence de phénomènes encore inconnus. Ce n’est pas l'existence de ces propriélés, cu- rieuses cependant, il faut le reconnaitre, desrayons Rôntgen, ce n'est pas non plus la série des appli- calions qu'on en pourra déduire, qui font l’impor- tance de celte découverte; cette importance réside dans les propriélés diverses que des recherches suivies ont mises en évidence, et qui n’ont pas permis de rattacher avec certitude les rayons Rüntgen aux radiations déjà connues. Quelle hypothèse peut-on faire sur la nalure de ces rayons? Peut-on admettre que ce sont des ra- diations analogues aux radiations ultra-violettes, avec lesquelles elles ont plusieurs propriétés com- munes, et n’en diffèrent que par une plus petite valeur de la longueur d’onde ? Doil-on, au con- traire, penser que ces rayons Rünlgen corres- pondent à un phénomène d’une autre nalure ? que cesontdes vibrations longitudinales del’éther? que ce sont des particules électrisées en mou- vement ? que ce sont des rayons cathodiques ? Nous ne pouvons nous arrêter sur les recherches entreprises à ce sujet,ce serait faire double em- ploi avec les articles excellents publiés précédem- ment dans la Revue, el nous nous bornerons à si- gnaler que la réflexion des rayons Rüntigen n'a pu èlre mise en évidence avec quelque nelteté, que la réfraction a pu être observée, mais à un très faible degré ; que ces rayons n'ont pu donner naissance à des phénomènes d'interférence ; qu'ils déchar- gent les corps électrisés ; qu'ilsne sont pas déviés dans un champ magnétique, non seulement dans £ C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 509 l'air, comme cela avait été signalé dès l’abord, mais même dans le vide de Crookes ‘. L'ensemble de ces propriétés ne permet pas d'arriver à une assimilation vraisemblable entre la nature des rayons Rüntgen et celle des radiations ou des rayons calhodiques. Faut-il les rattacher aux vibrations longitudinales de l’éther suivant les idées théoriques auxquelles a été conduit M. Jau- mann? Nous ne voyons pas actuellement la possi- bilité de décider entre ces diverses hyphothèses. Si le côté théorique de la question est inléressant au point de vue scientifique, les applications méri- tent d'appeler l'attention, et, de ce côté, des pro- grès réels ont été faits: la durée de pose pour l'obtention des photographies, des radiographies comme on dit maintenant, a pu être notablement réduite, lanettelé des images est plus grande, l'em- ploi de deux radiographies stéréoscopiques per- met, dans une cerlaine mesure, de substiluer à la vue d’une simplesilhouette la vision de plans à des profondeurs différentes ; enfin, dans certains cas, on peut supprimer la production d'une image photographique et se borner à utiliser la fluores- cence produile sur une plaque recouverte de pla- lino-cyanuie de baryum, par exemple. Il nous parait inulile d'insister sur les applications pos- sibles de ce qu'on a appelé la photographie de l’in- visible ; ces applicalions peuvent cerlainement èlre très nombreuses; l'avenir nous apprendra quelles sont celles qui entreront dans le domaine de la pratique courante. Quelle que soit la nature même des rayons Küntgen, M. Niewenglovsky, M. Charles Henry, puis M. Becquerel ont montré que des rayons. sinon identiques, au moins analogues, sont émis . par des corps dont la fluorescence est produile par une action aulre que la décharge électrique ; M. Niewenglovsky employait du sulfure de cal- cium ; M Becquerel s'esl servi de corps divers donnant des effets plus intenses, Lels des sels d'uranium et l'uranium même ; les radiations émises par ces corps après qu'ils ont été soumis à l'action de la lumière solaire traversent certaines malières opaques comme l'aluminium et le cuivre, agissent sur les plaques photographiques et dé- chargent les corps électrisés, ce qui les rapproche des rayons Rünlgen ; mais ces radiations se réflé- chissent sur un miroir d'élain, elles se réfractent dans le verre. Certains sels d'uranium sont phos- phorescents ; mais les effets produits ne peuvent ètre attribués à celle phosphorescence : car ce phénomène ne dure qu'une fraction de seconde, landis que les radialions invisibles ont pro- longé leur action pendant plus de quinze jours. ! Revue générale des Sciences, 15 mars 1896, p. 249. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. Ces radiations paraissent être de même nature que les radiations ultra-violettes; elles différent des rayons Rüntlgen, au moins en apparence, par leur propriélé de se réfléchir. Nous ne savons en- core quelles relations existent entre les unes et les autres. Enfin, dans un ordre d'idées analogues, on peut signaler les résultats indiqués par M. G. Le Bon. qui sont relatés dans un article de M. Raveau publié dans la Revue !. Ces résultats, que l’auteur a étendus en modifiant les conditions d'expérience, ont donné lieu à une polémique assez vive; ils conduiraient à admettre que les corps chauffés à une température insuffisante pour produire l'in- candescence émettraient des radiations (invisibles naturellement, d'où le nom de lumière noire que M. Le Bon leur a donné) qui seraient susceplibles de traverser des lames mélalliques, de s'y conden- ser même, et d'agir sur des plaques photo- graphiques. IL y a là des phénomènes singuliers qui demandent à être étudiés plus complète- ment. Si, comme cela n'est pas impossible, ainsi que nous l'avons indiqué, les rayons Rüntgen sont analogues aux radiations, il semble, par certains de leurs effets au moins,qu’on devraitles assimiler à des radiations ultra-violeltes de très courte pé- riode, qui, d'après plusieurs théories de la disper- sion, devraient avoir un indice d'autant plus voisin de l'unité que la période est plus courte, ce qui serait d'accord avec l'absence de réflexion et avec la réfraction très faible qui ont été signalées. Il en résulterait donc un allongement du spectre dans le sens de la plus faible longueur d'onde, une exlension des mouvements vibratoires de l'éther produisant des effels appréciables dans le sens des plus courtes périodes, sans que nous sachions quelle est la limite atteinte dans ce sens, et sans que nous sachions si les durées des vibra- tions de ces rayons sont du même ordre de gran- deur que celles des radiations ullra-violettes que nous connaissons, donnant ainsi un spectre con- linu, ou si l'ordre de grandeur est notablement différent,ce qui établirait une lacune dans la série des vibrations à courte période. Use lacune existe à l’autre extrémilé du spectre, mais elle tend à se combler. Langley a observé, à l'aide du bolomètre, des radialions dontlalongueur d'onde estde 30 et, d'autre part, M.Lebedew, dans ses recherches sur les oscillations hertziennes, a pu opérer avec des longueurs d'onde ne dépassant pas 3% inférieures par conséquent à celles auxquelles on élail parvenu auparavant. Il exisle donc entre ces deux genres de mouvement vibraloire, en ad- l Revue générale des Sciences, 1896, p. 251. Yi C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE mellant qu'ils soient de même nature, une lacune importante, mais que peut-être on parviendra à combler; outre l'intérêt qu'il y aurait à élablir la continuité à ce point de vue, ce qui justifierait l'identification que l'on admet des ondulations hertziennes et des radiations proprement dites, peut-être ces radiations intercalaires posséde- raient-elles des propriétés spéciales dont nous n'avons pas l’idée, el peut-être même est-ce parce que nous ne savons quel effet il convient de cher- cher à mettre en évidence que les radiations cor- respondantes sont inconnues, comme auraient élé inconnues pendant longtemps les radiations calo- rifiques infra-rouges si nous n'avions pas eu la sensalion spéciale de la +haleur. II. — Les ONDES ÉLECTRIQUES. Les ondes électriques ont continué à être l’ubjet de recherches nombreuses, étendant le champ de nos connaissances sur cet important sujel. MM. J. Trowbridge et W. Duane ont cherché à mesurer la vitesse de propagation des ondes élec- triques. Un vibrateur de Hertz était aclionné par un condensaleur qui chargeail une forte bobine d’induction; un circuit secondaire élail relié par ses extrémités à des plaques placées dans le voi- sinage de celles du condensateur, et présentait en son milieu une solution de continuité où jail- lissaient les élincelles : la forme et les dimensions du vibrateur avaient été choisies de telle sorleque, en photographiant les étincelles,on pouvait utiliser les images pour déterminer la période d'oscillalion ; à cet effet. un miroir concave, tournant à la vilesse de 70 Lours par seconde environ, faisait l’image de l'étincelle sur une plaque sensible sur laquelle ap- paraissaient des séries de points dont l'écartement permettait d'évaluer la durée des périodes, con- naissant la distance de la plaque au miroir. Dans ces conditions, des ondes stalionnaires prenaient naissance dans le fil secondaire et il s’y produisait des nœuds et des ventres. Pour étudier ces ondes, on employait le bolomètre de la manière qui a été indiquée par Paalzow et Rubens. Une série d'expériences faites avec cel appareil donna comme moyenne pour la valeur de la vitesse : 2,816 >< 10i0 centimètres. Mais les auteurs modilièrent leur appareil en cer- Lains points sans changer, en somme, le principe de l'expérience. La moyenne des mesures prises dans celte nouvelle série est de : 3,003 >< 1010 centimètres, valeur plus rapprochée de celle qui est admise comme représentant la vilesse de la lumière. La double réfraction des ondulations herlziennes a été mise en évidence par Righi, puis par Mack, par Lebedew et par Garbasso; observée d'abord dans le bois, elle a été trouvée également dans le soufre, dans le spath, dans le gypse. Pour ce der- nier corps, le phénomène a élé comparé par M. Righi avec le phénomène optique et ce savant a trouvé des différences, contrairement à ce qui avait élé signalé par d’autres auteurs: D'autre part, avec des cristaux de soufre conve- nablement laillés et assemblés, M. Lebedew a pu obtenir un nicol qui, s’il ne produisait pas une extinction absolue, donnait au moins un minimum très net. Enfin, une plaque de soufre convenable- ment taillée forme une lame quart-d'onde permet- tant de réaliser les expériences de polarisation elliptique et circulaire. Les lames cristallines épaisses ne donnent rien, par suite de l’amortis- sement trop considérable des vibrations. Les rayons lumineux qui ont élé séparés par la double réfraction à travers un cristal sont pola- risés à angle droit. M. Bose a cherché à vérifier s’il se produirait un effet analogue pour les ondu- lations électriqnes : la disposition générale de l'expérience est très analogue à celle adoptée dans l'étude optique : une bobine est enfermée dans une boiîle métallique présentant un tube dans lequel se trouvent les sphères entre lesquelles éclatent les élincelles qui se trouvent sensible- ment au foyer d’une lentille, de telle sorte que les rayons électriques sortent à peu près parallèle- ment. Le polariseur et l’analyseur sont constitués par des grils formés de fils de cuivre placés paral- lèlement et maintenus entre deux minces lames de mica auxquelles ils sont fixés par de la paraffine. Entre ces deux parties on plaçait le cristal à examiner : les effets élaient appréciés à l’aide d'un galvanomètre apériodique, et l'on avait vérifié à l'avance que lorsque l’analyseur et le polariseur élaient exactement à angle droit, aucune action n'était appréciable, tandis qu'il y avait une déviation notable dès que l’on tournait l'une ou l’autre de ces pièces. M. Bose vérifia alors que les cristaux qui n'ap- parliennent pas au système cubique polarisent les rayons électriques de la même facon qu'ils polarisent les rayons lumineux. Il y a là une iden- tité de propriélé qui établit une nouvelle analogie entre les ondulations électriques et les radialions lumineuses. Il est à remarquer que, pour ces expériences, on n'est pas gêné dans quelques cas par l’opacilé du cristal, comme cela arrive pour la lumière, parce que Lous les cristaux sont transparents pour ‘les ondulations électriques. Signalons encore que M. Bose dut renoncer à l'emploi de machines à influence, parce que, presque loujours, ces ma- «Lever Po dt D 220 ET Co 6 Ah OR LE AO À V és 4 C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 571 chines se déchargeaient spontanément à cause de Phumidité de l'atmosphère : M. Bose opérail en effet à Calcutta, et les conditions climatériques apportaient des troubles sérieux dans le fonclion- nement des machines. Dans une autre série d'expériences, en faisant usage de la même disposition générale, M. Bose est arrivé à reconnaitre que, comme pour la lumière, les diélectriques deviennent biréfrin- gents sous l'influence de tensions moléculaires produites par des dilatalions inégales dues à action de la chaleur ou par des compressions mécaniques. Ce résullat est également fort inté- ressant. M. André Broca a étudié les phénomènes qui se produisent dans un cireuit au moment où l’étin- celle jaillit : en se servant de tubes à vide excités unipolairement, il a vu que ceux-ci deviennent plus brillants si l’élincelle est nettement disrup- live ; ils s’élteignent si l’élincelle devient un are et redeviennent brillants si l'on souflle l'arc ou si l’on interpose un carlon qui puisse êlre traversé el percé par l’élincelle. Par une étude à l'électromètre, M. Broca a reconnu qu'il doit y avoir production d'ondula- tions plus rapides que celles de la bobine excita- trice, se propageant le long des fils de celle-ci. D'autre part, des fils, réunis aux deux côtés de l'étincelle et formant une sorte d’excitateur de Hertz, sont couverts d'aigrettes serrées au moment où l'élincelle jaillit, aigreltes perpendiculaires au fil et semblant correspondre à des concaméra- lions fixes et presque régulières, dépendant plus de la nalure de l’étincelle que de celle du fil. Enfin, un fil placé entre deux étincelles s'illumine d'’ai- greltes dans presque toute sa longueur, et, tant que les étincelles jaillissent régulièrement, on peut le toucher sans éprouver d'action physiolo- gique pénible. Ces effets sont dus à la rupture du diélectrique ; mais M. Broca s’est demandé si l'éther ne joue pas également un rôle. En se plaçant dans des condi- tions convenables, il a pu faire jaillir des élincelles . dans un tube à vide de Hiltorf : il pourrait donc se produire dans l’éther des ruptures d'équilibre, et les oscillations de retour à l'équilibre seraient dans ce cas d’un autre ordre de rapidité que celles qui seraient émises par un corps malériel rompu. Celte idée, émise à l’état de possibilité par sir Wil- liam Thomson (lord Kelvin), mérite d'être étudiée et développée. LT. — MESURE DE DIVERSES CONSTANTES ÉLECTRIQUES. Les recherches des électriciens n’ont pas porté seulement sur les phénomènes ondulaloires, et des travaux de divers ordres ont conduit à des résultats intéressants. Parmi ceux-ci, nous signa- lerons un certain nombre de mesures de diverses constantes; nous nous bornerons à les mentionner, car, pour la plupart, ces travaux ont déjà élé analysés dans la Revue. M. Limb a effectué la mesure directe des forces électromotrices en unilès absolues électro-magné- tiques ! par la méthode qui consiste à comparer la force électromotrice inconnue à une force électromotrice d'induction produite par la rota- tion d'un aimant à travers une bobine longue, landis que, généralement, cette mesure s'effectue par la détermination d’une intensité et d’une résistance; nous croyons inulile de rien ajouter à l'appréciation que M. L. Poincaré a fait de cet important mémoire. Nous nous bornerons à indiquer les valeurs suivantes à (°, en absolus, auxquelles M. Limb a élé conduit : volts Etalon Latimer-Clark............ 1V4535 Hal GOURPMEMPIEATER AR A 13928 Etalon Daniell, modèle Fleming. 10943 D'autre part, MM. James Dewar et J. A. Fleming se sont proposé d’éludier, pour les métaux et les alliages, le pouvoir thermoélectrique à diverses températures, c'est-à-dire les valeurs du coefti- 1E, cient =. dans lequel ZE est la force électromo- (141 trice qui correspond à une différence de lempéra- ture d { entre les deux soudures. Sans insister sur le détail des expériences, nous dirons qu'elles présentent un haut intérêt, non seulement parce qu’elles ont porté sur un assez grand nombre de métaux et d’alliages, mais surlout parce qu'elles correspondent à une grande élendue de l'échelle thermométrique et principalement à une partie pour laquelle on n'avait aucun renseignement : les mesures avaient lieu principalement, en effet, en maintenant l’une des soudures dans la glace fon- dante. tandis que l’autre était plongée successive- ment dans de l'air liquide, dans un mélange d'acide carbonique solide et d’éther, et l’on conti- nuait les mesures jusqu'à la température de l’eau bouillante. MM. Dewar et Fleming ont pu tracer les courbes indiquant les variations de la force thermoélec- tro-motrice en fonction de la température por» divers corps comparés au plomb pur. L'étude des coefficients angulaires de ces courbes, qui ne présentent rien de simple ou de général, con- duira à la détermination du pouvoir thermo-élec- trique. M. Jones a cherché à obvier à l'inconvénient qu'il y a à représenter une unité, l'ohm légal, par 1 Revue générale des Sciences, 1895, p. 1059. la résistance d'un instrument déterminé, résis- tance qui peut varier sans que rien avertisse des changements qui auraient pu se produire, et il a cherché à réaliser une disposition qui puisse reproduire avec certitude la valeur de cette unité; il a cherché à effectuer la mesure absolue des résistances, et voici la disposition qu'il a finale- ment adoptée : Un disque de bronze phosphoreux tourne avec une vitesse que l’on peut faire varier à l’intérieur d'une bobine ayantle même axe et qui est traversée par un courant. À l’aide de deux brosses, placées l'une au centre et l’autre à la circonférence, on recueille le courant produit par induction et on l'envoie dans un galvanomètre. La bobine recoit d'une pile le courant qui l’anime, par l’intermé- diaire d'un circuit qui a, avec le précédent, une partie commune : les jonctions sont établies de telle sorte que les deux sources de force électro- motrice, la pile et le disque tournant, agissent inversement dans le galvanomèlre. En général, lorsque l'appareil est en action, un courant résul- tant traverse celui-ci: donc l’aiguille est déviée. Mais si l’on fail varier la vitesse de rotation du disque, on peut arriver à ramener à 0° l’aiguille du galvanomètre, les actions des deux forces électro- motrices s’'équilibrantdans celui-ci. On peut démon- trer que lorsque cette condition est réalisée, on a les relations suivantes : R—M», dans laquelle R est la résistance à inesurer qui a été prise pour la partie commune aux deux circuits, > est le nombre de tours du disque par seconde, et M le coefticient d'induclion mutuelle du disque et de la bobine, cæfficient qui ne dépend que des dimensions de ces pièces (si l’on prend la perméabilité magné- tique du milieu égale à 1) et que l'on peut calculer une fois pour toutes. Nous ne pouvons entrer dans le détail des appareils et des précautions minu- tieuses qui sont à prendre, et nous nous bor- nerons à dire que, d’après M. Jones, les résultats qu'il a obtenus sont exacts à plus de 0,000! près. Il a déterminé à diverses reprises la valeur de l'ohm international en om vrai, et il a trouvé des nombres compris entre 6,999688 et 0,999865. IL conclut de ces recherches que les étalons de l’ohm devraient être supprimés et remplacés par des appareils analogues à ceux dont il s’est servi et qui permettraient de faire de véritables mesures de résistance en unités absolues lorsqu'il serait nécessaire, Diverses méthodes ont déjà élé employées pour déterminer la valeur du rapport » entre les unités électrostaliques et électro-magnétiques. M. Hur- muzescu à fait une nouvelle détermination, en employant une méthode indiquée par Maxwell, mais qu'il a modifiée de manière à la rendre plus C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE précise qu'elle n'était sous sa forme primitive. Elle consisie à réunir, dans un même appareil, un électromètre etun électrodynamomètreetàä opposer l'attraction du premier à la répulsion du second, « de manière à compenser l’une par l'autre les deux forces. M. Hurmuzescu a adopté la forme cylin- drique pour l’électromètre, et a constitué l'électro- dynanomètre par une bobine mobile à l'intérieur d’une bobine trèslongue, et dans un plan perpendi- culaire. L'appareil était constilué par un fléau en alumi- nium suspendu en son milieu par un fil d'argent: aux deux extrémités se trouvaient les éleclro- mètres cylindriques dont les actions réunies for- maient un couple tendant à faire Lourner le levier: la bobine mobile de l’électrodynanomètre était suspendue au levier au-dessous du fil de torsion. Lorsque le courant élait lancé dans l'appareil. il se produisait, en général, une déviation qu'on observait dans une lunette à 3 mètres de distance: on agissail alors sur une résislance introduite dans le circuit, de manière à rétablir l'équilibre entre les deux couples. Connaissant les dimensions exactes des diverses parties et la valeur de la résistance, on peut écrire l'équation qui exprime l'équilibre et de laquelle on déduit la valeur de #. De la discussion des conditions dans lesquelles il a opéré, M. Hurmuzescu déduit que les résultats qu’il a trouvés sont exacts à moins de 0,001 près. La moyenne des valeurs obtenues dans diverses séries d'expériences est comprise entre 3,0005 >< 1010 el 3,0020 >< 1010, IV. — CONDUCTION ÉLECTRIQUE. Parmi les nombreux travaux qui ont été faits au sujet de la conduction électrique, nous nous bor- nerons à en signaler quelques-uns en regrellant d'être obligé de nous limiter. La question de la résistance a élé éludiée à des points de vue différents, et quelques résultats paraissent devoir être signalés. M. Branly a éludié l'influence que présentent les points de jonction des pièces métalliques dans un circuit, en dehors des phénomènes thermo-élec- Lriques qui peuvent prendre naissance. Il résulle de ses recherches qu'il y a une résistance de pas- sage entre deux surfaces métalliques, au moins entre certains métaux; cette résistance, qui n'est pas négligeable, varie avecle temps; elle change par des aclions mécaniques, comme des chocs, sous l'influence d'étincelles électriques. il y a là un point sur lequel il serait désirable d'être plus complète- ment renseigné, car celle résistance devrait inter- venir dans lesévaluations pour des mesures précises. états rade Se Qt D ou ride Et Vestes aneares sel me: . - C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE La résistance des éléments de piles est également ulile dans les mêmes conditions; d’après M. H.S. Carhart, les mesures faites pour un élément déter- miné ne pourraient être utilisées d'une manière générale, car cette résistance varierait avec l’in- tensité du courant. En opérant sur un vieilélément Gassner dont la force électromolrice était de 1,213 volt, il a trouvé que la résistance intérieure variait de 21 ohms à 2,29 ohms lorsque l'intensité du courant croissait de 2,8 à 228,9 milliampères. Il s’agit, on le voit, de variations qui ne sont pas négligeables et dont il y aurait lieu de tenir grand compte s'il élait prouvé que le fait est gé- néral. Des faits analogues peuvent! être signalés pour les accumulateurs ; F. Streintz l'avait déjà indiqué, et Paul Schoop vient d'étudier de nouveau la question : la résistance d’un accumulateur varie pendant la durée de la décharge. Mais cela n'est point élonnant, puisque, par la décharge même, des modifications chimiques se produisent d'une manière très appréciable dans les corps en pré- sence, landis qu'il ne se produisait rien de sem- blable dans les expériences de M. Carhart, le courant ne passant que pendant un temps lrès court lors de chaque mesure. On sait que pour les mélaux bons conducteurs il y a proportionnalilé entre les conductibilités pour la chaleur et pour l'électricité, comme Wie- demann et Franz l'avaient indiqué. Il n’en est pas ainsi pour d’autres corps, le bismuth et l'anti- moine, non plus que pour le maillechort. La loi est-elle applicable en général? Telle est la question que MM. Van Aubel et Paillot ont étudiée. Ils ont évalué la conductibilité pour la chaleur par la méthode de Wiedemann el Franz et la conductibilité pour l'électricité par celle du pont double de lord Kelvin, et ils ont dans chaque - cas comparé les résultals à ceux fournis par le cadmium. En opérant sur des corps à grande résistance électrique, l’étain, le bronze d’alumi- nium, le constantan et le ferro-nickel, ils ont trouvé qu'il n'y a point proportionnalité entre les conductibilités. Le bismuth a été l'objet de recherches diverses : MM. Dewar et Fleming, utilisant encore dans ce cas les moyens d’action que fournit l'air liquide, ont étudié la variation de résistance du bismuth entre les températures de l'air liquide et de l’eau bouillante. Lorsque la température s'abaisse depuis ce dernier point, la résistance spécifique diminue d’abord, passe par un minimum, puis, si le bismuth est très pur, croit ensuite: mais, s’il s’agit du bismuth du commerce, toujours impur, celle résistance atteint son maximum vers 200° et 913 expliquer des anomalies que MM. Dewar et Fleming avaient renconirées dansleurs recherches sur la thermo-électricité. L'existence d'un minimum de résistance entre 0 et— 200 n'a élé observée par ces savants pour aucun des autres métaux ou des alliages qu'ils ont examinés. Ils ont étudié ensuite l'influence du champ ma- gnétique : un barreau de bismuth pur fut placé à la température de 18°, d’abord dans le champ magnétique terrestre, puis transversalement dans le champ produit par un électro-ai- mant : la résistance passa de 1.361 à 1.434, c'est-à-dire qu'elle varia de 5°/, environ. Les mêmes mesures furent effectuées à la température de l'oxygène liquide, à —182 ; et la résistance varia de 1.478 à 1.858, c'est-à-dire de 25 °/, de sa valeur. L'influence de l’abaissement de température se manifeste donc d’une mauière considérable. La résistance du bismuth au passage d’un cou- rant oscillantest inférieure à la résistance au pas- sage d’un courant constant, si le métal est hors du champ magnétique ou est parallèle aux lignes de force ; la différence croîtavec l'intensité du champ. Mais sile bismuth est perpendiculaire au champ, la différence est en sens contraire, croit également avec l'intensité de celui-ci, mais bien plus rapide- ment. M. Sadowsky a étudié les conditions du phénomène et, de ses recherches, que nous ne pouvons analyser en détail, il a conclu que la résistance du bismuth dans le cas du courant oscillant n’a pas de valeur définie ; elle varie avec la phase du courant : il y a là une observation im-" portante. D'autre part, la valeur même de l’inten- silé : du courant aurait une très grande influence, de telle sorte que la résistance au courant variable ; < 1 di varie dans le même sens que 7 el œ M. Lebret a étudié le phénomène de Hall dans lebismuth entre —74° et + 272° ; dans un échantil- lon il a trouvé un maximum à —20°, dans un autre le maximum se serait manifesté à une tempéralure plus basse. Jusqu'à présent, l'existence du phénomène de Hall avait été niée pour les liquides; c'était une opinion erronée : M. Bagard, en opérant sur des solutions de sulfate de zine placées dans un champ magnélique de 300 unités C GS et traversées par descourants de 20 à 40 milli-ampères, a pu observer la déviation des lignes équipotentielles dans le même sens que pour le bismuth : en déterminant le rapport de l’angle de déviation d’une ligne équi- potentielle au nombre qui mesure l'intensité du champ, M. Bagard a obtenu des valeurs qui sont de l’ordre de grandeur de celles que M. Leduc a décroit ensuite. Le fait est intéressant et peut | trouvées pour le bismuth. >14 C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE ——————————————————————————————.._._ _ " " V. — APPLICATIONS SCIENTIFIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ. A côté des recherches théoriques, il y aurait lieu de parler des applications pratiques de l'élec- Lricité ; mais les faits intéressants dans cet ordre d'idées ont été exposés dans la Revue au moment où ils étaient une question d'actualité; nous n'avons donc pas à y revenir. Il est cependant quelques points qui intéressent plutôt les cher- cheurs que les industriels et qui nous paraissent mériter l’attention. Il est inutile de montrer l'intérêt qui s'attache à l'obtention d’un bon modèle d’accumulateur : on sait que l'inconvénient principal des types ordinaire- ment employés consiste dansles détériorations qui se manifestent trop rapidement sur les plaques qui servent d'électrodes. L'accumulateur à navette, inventé par M. Blot, parait devoir échapper aux causes qui amènent ces délériorations : imaginons que sur une pièce en plomb antimonié on enroule, comme on fait d’un fil ou d'un ruban sur une navette, une lame de plomb de 2à 3 centimètres de largeur etayant subi préalablement un gauf- frage, de manière à augmenter la surface du métal, puis que l’on sectionne transversalement cette na- vette par son milieu: réunissons alors plusieurs demi-navettes de ce genre dans un cadre en plomb antimonié convenablement agencé, et nous aurons constitué une des électrodes de l’accumulateur ; on en placera deux semblables dans un vase, dans lequel on versera de l’eau acidulée, et on formera la surface du métal par les procédés indiqués par G. Planté. Les avantages de ce modèle d’accumulateur con- sistent dans la très grande surface du métal en contact avee le liquide acidulé, d’une part, et, d'autre part, l'absence des déformations qui accom- pagnent les actions chimiques de la charge et de la décharge et qui ont pour effet de produire des gondolements, et même la destruction des plaques, tandis que, dans ce modèle, les rubans de plomb fixés seulement à la partie supé- rieure sont libres de changer de forme, de volume même, sans qu'il se produise en aucun point aucun effort susceptible d'occasionner un déchi- rement, une rupture. Il y a là une idée fort ingé- nieuse, et les résultats observés jusqu'à présent semblent montrer que son application conduit à des résultats satisfaisants. Des améliorations ont été également obtenues dans la construction des appareils de mesure : nous signalerons seulement pour mémoire les am- pèremètres el les voltmètres périodiques de MM. Arnoux et Chauvin, qui sont plutôt destinés aux applications industrielles, mais nous nous arrêle- rons quelque peu aux modificalions apportées au galvanomètres par M. Abraham et par M. Pierr Weiss. La sensibilité d’un galvanomètre à cadre mobil pour des dimensions données de celui-ci et pou une intensilé déterminée du champ magnétiqu est limilée par ce fait qu'on ne peut diminuer au dessous d’une certaine limite le diamètre du fi de torsion, et, par suite, la grandeur du coupl directeur dû à l’élasticilé du fil. M. H. Abraham a eu l’idée de compenser, dan une certaine mesure, l'action de ce couple diree teur par l’action de la pesanteur. À cet effet, l'aide d’une surcharge convenablement placée, on amène le centre de gravité du système un peu € avant du fil de torsion ; puis,à l’aide de visealantes on penche le galvanomètre en arrière. La durée d l'oscillation augmente progressivement et peut, par exemple, devenir dix fois plus grande qu'elle n'était, ce qui centuple la sensibilité. Le systèm est simple, il peut s'appliquer à des modèles déj existants ; nous pensons qu'il est appelé à rendr de réels services. J Dans un galvanomètre astatique de Thomson à deux paires de bobines, la sensibilité, telle qu’ell a été définie par MM. Ayrton, Mather et Sumpner; dépendde deux facteurs mesurant l’un la sensibilité du système astatique, l’autre celle des bobines; le premier de ces facteurs est le rapport entre le mo- ment magnétique de la moilié du système qui se trouve dans une des paires de bobines et le mo- ment d'inertie total du système. Si on néglige l’ac- lion de la monture, ce facteur est d'autant plus grand que les aimants sont plus courts, car le mo ment d'inertie décroit avec la longueur plus rapi= dement que ne le fait le moment magnélique : dans: ce cas simple, il n’y a aucun intérêt à multiplier le nombre des aimants, parce que les deux termes du rapport sont mullipliés l’un et l’autre par ce nombre. En réalité, la présence du miroir fait ques l'augmentation du nombre des aimants constilue un avantage; mais la multiplicité de ces ai- mants, forcément rapprochés, présente un incon- vénient résultant de l’action démagnétisante qu'ils exercent sur eux-mêmes el aussi sur les aimants voisins. M. Pierre Weiss a très ingénieusement (ourné là difficulté en constituant le système aslalique par deux longues aiguilles verticales, parallèles à l'axe de rotation par conséquent, très rapprochées, el dont les extrémités en regard, placées respective= ment au centre des deux paires de bobines, sont de pôles contraires: chacun de ces systèmes de pôles opposés remplace donc un des aimants de l'équipage astatique ordinaire. L'ensemble des deux aiguilles constitue un circuit magnélique C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE ” 75 presque fermé, de telle sorte qu’on peut leur don- ner une aimantalion puissante sans crainte de dé- magnélisalion. On peut donc faire décroitre la distance et augmenter le rapport du moment ma- gnétique au moment d'inertie. Grâce à celte disposition, on peul arriver à de très grandes valeurs de la sensibilité. Ajoutons que le circuit magnétique presque fermé assure une grande constance à l’aimantation: après huil mois, dans un modèle construit par M. P. Weiss, la durée de l’oscillation a élé trouvée sans _ modifications. Il y a done là un ensemble de qua- lités qui font de ce galvanonèlre un instrument précieux. M. Minchin, dans des recherches sur les radia- lions des étoiles, a employé une pile photo-élec- rique qui pourrait sans doute être utilisée dans d'autres circonstances : la lumière incidente tombe sur une mince couche de sélénium déposée sur une lame d'aluminium et immergée dans un vase rem- pli d'œnanthol : sous l'influence des radiations le liquide se charge négativement et le sélénium po- sitivement !. Il ne semble pas que la théorie de cet appareil ait été faite : il n’en est pas moins in- léressant, et il y aurait intérêt à essayer de l’uli- liser dans un certain nombre de recherches. VI. — QUESTIONS D'OPTIQUE. Un intérêt réel s'attache aux faits expérimen - laux qui viennent détruire complètement üne hy- pothèse adoptée jusqu'alors, ou qui viennent lui donner une confirmation qui en augmente la pro- babilité. À ce point de vue, les recherches de M. Collon méritent d'être signalées tout spéciale- ment, parce qu'elles viennent à l’appui de l’idée émise par Fresnel pour expliquer notamment les phénomènes de la polarisation rotatoire : la décom- position d'un faisceau polarisé rectilignement en deux faisceaux circulaires et de rotation contraire se propageant avec des vitesses différentes.M. Col- ton a trouvé des corps actifs absorbant inégale- ment un rayon circulaire droil el un rayon circu- laire gauche, c'est-à-dire se comportant pour ces rayons circulaires comme certains cristaux, qui absorbent inégalement le rayon ordinaire et le rayon extraordinaire se comportent pour la lu- mière polarisée rectilignement. Il a reconnu qu'une solution d’un tartrate double de chrome et de po- Ltassium jouit de celte propriété ; en regardant à travers une cerlaine épaisseur de ce liquide deux plages lumineuses identiques donnant l’une de la lumière droite, l’autre de la lumière gauche, on observe des effets différents. Si l’on fait usage de _ ! Pour les détails de construction, voir Revue générale des Sciences, 1895, p. 647. la lumière du sodium, les plages sont d’inégale in- tensité : elles sont de couleurs différentes si fait usage de lumière blanche ; les effets sont in- versés si l’on intercale une lame demi-onde. Ce n’est pas sous cette forme que le fait de l’ab- sorption inégale a élé découvert: M. Cotton est arrivé à celle notion en reconnaissant àl’aide d’un procédé très sensible que, lorsqu'une vibration rectiligne traverse le liquide, elle donne à la sortie une vibralion elliptique résultant de l’inégal affai- blissement des deux composantes. Ajoutons que, en étudiant le pouvoir rolatoire de ces corps, il a observé un fait qui lui parait gé- néral : la dispersion anomale rolaloire des corps inégalement absorbants. Les propriélés opliques des corps crislallisés ont été étudiées à divers points de vue, et nous pouvons signaler rapidement quelques recherches intéressantes. M. Carvallo, revenant sur un fait quiavail élé in- diqué d’une manière incomplète par M. Camichel, a étudié la dépolarisation de la lumière qui tra- verse une lame d'un cristal biaxe dans une direc- lion voisine de celle des axes optiques, el il en à donné l'explication. Il y a là une propriété qui fausse les expériences failes dans ces directions et qui s’oppose d'une façon absolue à la constatalion du pouvoir rolatoire dans les cristaux biaxes. M. Camichel s’est occupé de l'absorption de la lumière dans les cristaux el a déterminé les coefi- cients d'absorption à l’aide d’un dispositif nouveau. Parmi les résultats qu'il a obtenus et que nous ne pouvons tous indiquer, nous nous bornerons à citer laconelusion qui se rapporte aux cristaux symétriques; pour ceux-ci, une seule exponen- tielle suflit pour représenter l'absorption d’une vibration oblique par rapport aux axes d'élaslicilé optique, et la théorie de l’ellipsoïde d'absorption représente bien les phénomènes. M. Brunhes a continué l'étude expérimentale de laréflexion cristalline; mais nous ne pourrions sans de trop longs détails donner une idée exacte des résullats auxquels il est parvenu. Signalons, d'autre part, un important travail dans lequel il discute quelques conséquences des équations qui régissent les perturbations électro-magnéliques dans un milieu imparfaitement isolant el où il montre, en particulier, que ces équalions satisfont à la condilion nécessaire et suffisante pour que le milieu soit biréfringent et ne soit que biréfringent. M. Brunhes ne s’est pas borné, d’ailleurs, à des considéralions purement théoriques, il a recherché jusqu'à quel point, pour les cristaux absorbants existant effectivement, était légitime l’approxima- lion qu'il avait faite; il a pu déterminer la con- dition qui s'énonce ainsi: il suflil que l'épaisseur l’on C.-M. GARIEL — REVUE 916 . ANNUELLE DE PHYSIQUE de cristal à traverser avant que la lumière soil 1 386.000 tensilé comprenne un grand nombre de longueurs d'onde, un nombre assez grand pour que l'inverse de son carré soil négligeable. En ulilisantdes valeurs déterminées par M. Cami- chel pour des cristaux très absorbants, il a trouvé que celle condition est remplie; que, par suile, aucun procédé expérimental ne permeltrail de dé- celer un écart par rapport aux résullats approchés qu'il a donnés. Parmi les travaux se rapportant à l’Oplique, nous signalerons les recherches de M. Macé de Lépinay sur la détermination du kilogramme. On sait que la définilion théorique du kilogramme est donnée en fonclion d'un volume et, par conséquent, d'une longueur rattachée au mètre le poids de 1 décimètre cube d’eau dans des con- ditions déterminées), tandis que praliquement le kilogramme est défini par le poids d’un étalon. Hi est aisé de concevoir l'intérêt qu'il y a à savoir quelle relalion exacte existe entre ce dernier poids et le kilogramme théorique, c'est-à-dire entre ce poids et le mètre, ou mieux encore entre ce poids et une longueur indépendante du mètre-étalon, la longueur d'onde de l’une des raies du cadmium longueur d'onde à laquelle est rattaché le mètre d'autre part, d’après les expériences de M. Michel- son). Par ce côté, celte question se rattache à l'Optique; elle s'y rattache également en ce que les mesures à effectuer comprennent une pesée et l'évaluation d’un volume, etque, pour celle der- nière détermination, qui devait être exéculée avec une très grande précision, M. Macé de Lépinay a eu recours à la méthode interférentielle dont nous avons exposé le principe dans une des précédentes revues annuelles de Physique !. Nous nous borne- rons à indiquer le résultat suivant : avec une approximalion de 0,00001, on peut considérer que le kilogramme métrique vaut 0,999.946 kilo- gramme élalon. affaiblie au point d'être réduite à de son in- VII. — ÉCLAIRAGE. On sait combien les sources de lumière que nous employons ont un faible rendement, combien, à ce point de vue, elles sont inférieures aux ani- maux phosphorescents; aussi, cherche-t-on de toutes parts des procédés qui fournissent à meil- leur compte des radiations comprises eutre le rouge et le violet. Les brûleurs Bandsept paraissent réaliser une économie notable dans la consommation du gaz; } Dans la Hevue générale des Sciences du 30 avril 1894, pages 286 et suiv. ce sont des brûleurs à capuchon, comme le bec Auer; seulement, avant d'arriver au point où il doit brûler, le gaz d'éclairage est contraint à se mélanger intimement avec une quantité d'air dont on règle la proportion; ce mélange est obtenu par le passage à travers des troncs de cône imbri- qués et des toiles métalliques convenablement placées, de manière à acquérir une homogénéité aussi complèle que possible. Il est certain que les résullats sont très salisfaisants, et il semble que le système mérile d'être essayé en grand. Une source nouvelle de lumière a fait son appa- rilion, comme conséquence de la production, à un prix relativement peu élevé et qui s'abaissera cer- lainement encore, du carbure de calcium. On sait que ce corps jouit de la propriété de se décom- voser au contact de l’eau à la température ordi- naire, en dégageant un carbure d'hydrogène, l’acé- Lylène, gaz qui brûle avec une belle flamme blanche très éclairante. Des dispositions variées ont été déjà proposées pour utiliser celle flamme pour l'éclairage; lantôt le gaz est produit au fur et à mesure de la combustion dans un appareil qui, automatiquement, règle la production de l’acéty- lène en proportion du débit et l’arrète complète- meut lorsque la flamme est éteinte, afin d'éviter les accidents qui pourraient résuller d’une aceu- mulation de gaz dans des appareils de résistance insuffisante; tantôt, le gaz, préparé à l'avance en masse, es! recueilli à l’élat liquide dans des réser- voirs d’où il se dégage à l’élal gazeux et, traversant un régulaleur de pression, vient sortir par un ori- lice où on l’enflamme lorsqu'on veut produire de. la lumière. Malgré la beauté de l'éclairage, ce procédé n’est pas encore entré dans la pralique, soit qu'il soit trop coûteux, soit que les appareils ne paraissent pas assez simples, soit plutôt, croyons-nous, pour les deux raisons réunies. Nous sommes dans la période préparaloire, mais nous serions élonnés si, à une époque plus ou moins rapprochée, ce système d'éclairage n'’élail pas entré dans la pra- lique, au moins pour cerlaines conditions spé- ciales. En attendant, M. Violle a pensé que l’acélylène pouvait être avantageusement utilisé pour la fabri- cation d'une lampe étalon. Le gaz doit brûler sous une pression assez forte dans un bec où il s'aère convenablement, et qui l'élale en une large lame mince. La flamme est parfaitement fixe, très éelai- rante, et son éclal est uniforme sur une assez srande étendue. En plaçant devant la flamme un écran percé d'une ouverture dont on peut faire varier les dimensions entre cerlaines limites, sui- vant les besoins, M. Violle a obtenu une source dont la fixité, l'éclat et la blancheur, comparables C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 5 1 —! à celles de l’étalon absolu, font un étalon pratique, sûr el d’un emploi très commode. VIIT. — CHALEUR. Il ya, en Physique, parmi les données numé- riques que peut fournir l'expérience, quelques coefficients dont la connaissance exacte a une im- portance telle qu’elle justifie la multiplicité des recherches exécutées pour arriver à une détermi- nation de plus en plus exacte; en Électricité, c’est le rapport v de Maxwell; pour la Chaleur, c’est le rapport des chaleurs spécifiques des gaz, pour lequel les nombres-obtenus présentent encore des divergences notables, malgré l’habileté des expé- rimentaleurs et la variélé des méthodes em- ployées. M. Maneuvrier a repris celle question, en cher- chant à éviter les causes d'erreur qui ont élé signalées dans les recherches antérieures : la mé- thode qu'il a employée consiste à mesurer les variations de pression qui se manifestent succes- sivement dans la compression adiabatique d’une certaine masse de gaz, el dans la même compres- sion isotherme. Indépendamment des nombreuses précautions prises pour écarter autant que possible toutes les causes d'erreur, il convient d’insister sur _ la durée très courte de chacune des expériences, durée qui n’était qu'une petite fraction de seconde : c'est là une condilion favorable. Les valeurs trouvées par M. Maneuvrier, comme résullats de ses expériences, sont, dans les condi- tions ordinaires de température et de pression : pour l'air, 4 — 1,3924; pour l'acide carbonique, — 1,298; pour l'hydrogène, y — 1,384. La méthode employée par M. Maneuvrier est particulièrement intéressante en ce que, moyen- nant de légères modifications aux appareils, elle permettrait d'étudier l'influence que peuvent exer- cer sur la valeur de + les variations de température et de pression. M. Amagat, dont nous avons déjà signalé à di- verses reprises les importantes recherches sur les gaz, a étudié les variations du rapport y. Pour l'acide carbonique, M. Amagat est arrivé aux conclusions suivantes : Pour une densité donnée, le rapport y décroit quand la température s'élève; — pour une tempé- rature donnée (50°), la pression croissant, la valeur de + croit rapidement et atteint 4,64 vers 100 at- mosphères, valeur qui semble voisine d’un maxi- mum ; — pour une pression donnée, ; décroit assez rapidement quand la température s'élève. Ces résullats généraux sont la conséquence de la comparaison des nombreuses données numériques fournies à M. Amagat par ses expériences, et de celles qui ont été obtenues par les recherches de di- vers auteurs : M. Witkowski, M. Joly, M. Lussana. M. Joly a étudié directement les variations de la chaleur spécifique de l'air aux températures éle- vées; M. Lussana a mesuré les chaleurs spécifiques des gaz comprimés à pression constante; M. Wit- kowski a fait de nombreuses expériences sur la chaleur spécifique de l’air dans des conditions de pression el de température ! qu'il faisait varier entre des limites très éloignées par l'emploi, comme réfrigérant, de l'oxygène liquide. Nous retrouvons ici encore l'emploi de l'oxygène liquide qui, avec l'air liquide, devient d'un usage fréquent pour l’oblention de très basses tempéra- tures dans les laboratoires. Gräce à ces moyens de réfrigération, il devient possible d'étudier les pro- priétés des corps dans une région de l'échelle Lher- mométrique qui, jusqu'à présent, ne pouvailétre que difficilement explorée. Il est regreltable que pres- que tous les travaux exécutés dans cette voie aient élé faits à l’Elranger : il y aurait évidemment à nous préoccuper en France d'installer dans nos grands établissements scientifiques les dispositions matérielles qui permettent d'utiliser en grand les nouveaux moyens d’aclion : les fours électriques et les réfrigérants à air liquide notamment. Malheu- reusement, l'installation de ces appareils exige des dépenses, et nous constatons avec un profond re- gret que les pouvoirs publics ne paraissent pas disposés à voler les fonds nécessaires. Il y a là pourtant une question d'une importance capitale, et, quoiqu'il soit quelquefois possible, que cela ait élé surtout possible autrefois, de faire d'impor- tantes découvertes avec de modestes installations, la France risque de se laisser dépasser par les autres nations dans cette voie si, par un procédé quelconque, l'outillage scientifique des Écoles, Facultés ou Universilés n’est pas maintenu au ni- veau des progrès qui se manifestent journellement. Pour faire comprendre l'intérêt qui s’attache à la possibilité d'utiliser l'air liquide d’une manière courante, nous rappellerons les travaux, que nous avons déjà cités, sur les variations du pouvoir thermo-électrique et sur celles de la résistance du bismuth à de basses températures, et nous nous bornerons à indiquer dans lemême sens quelques autres recherches exéculées par M. Dewar. Le fait que l’affinité chimique n'exisle pas à de basses températures pouvait conduire à penser que la cohésion devait être au moins affaiblie, sinon complètement supprimée. Des mesures faites sur des métaux et alliages divers ont montré que ces corps ont, au contraire, une plus grande résis- 1 Voir à ce sujet le remarquable article de M. Mathias sur le Laboratoire cryogène de Leyde, dans la Revue générale des Sciences du 30 avril 1896. )18 C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE tance à la traction ou à l'écrasement à—182° qu'à la température ordinaire !, La question doit d’ail- leurs être complétée par une étude des allonge- ments produits à diverses températures. L'étude des moments magnéliques d’un aimant porté alternativement à des températures de — 182? et de 15° a montré que chaque refroidissement élail accompagné d’une augmentation du mo- ment magnélique, tandis que le réchauffement produisait une diminution. Mais si l’on répète plu- sieurs fois cette double opération, les varialions qui se manifestent pendant ie réchauffement s’af- faiblissent, et l’aimant arrive à un élat stable. Enfin MM. Liveing et Dewar ont étudié le spectre d'absorplion de l'air liquide : il était intéressant de voir si les bandes que M. Janssen a étudiées el dont il a recherché les variations par suite des changements de densité de l'oxygène à la tempé- ralure ordinaire, obéissent à la même loi lorsque la variation de densité est produite par un abais- sement de température : le résultat de ces recher- ches fut que, dans un mélange d'air et d'oxygène liquides, l'absorption varie à peu près comme le carré de la densité de l’oxygène, ainsi que M. Jans- sen l’a trouvé pour l'oxygène gazeux. MM. Liveing et Dewar ont également comparé l'absorption par l'air liquide et par l'air solide el ont trouvé de faibles différences seulement. La première conclusion que nous avons énon- cée présente un intérêt général, parce qu’elle s'accorde avec la théorie de la continuité entre l'état liquide et l’état gazeux, el rentre ainsi dans les recherches qui se raltachent à cette question. La connaissance des élals criliques pour les corps, et celle de leurs propriétés dans le voisinage de ces états se sont enrichies de quelques données nouvelles. Par des considérations théoriques et en se basant sur des résultats approximatifs, M. L. Nalanson était arrivé à conclure que la tempéra- ture d’ébullilion de l'hydrogène devait être de — 2449 et la température critique de quelques de- grés au-dessus de — 231°, la pression critique étant de 20 atmosphères. L'hydrogène n'ayant pu être maintenu à l’état critique d'une manière permanente, ces prévisions n'avaient pu èêlre vérifiées. M: Olszewski a réussi depuis à déterminer expérimentalement les cons- lantes critiques de ce corps ; il avait déjà pu éva- luer la pression critique ; à cet effet l'hydrogène, étant refroidi à une tempéralure supérieure à sa température critique, était soumis à une pression également supérieure à sa pression critique : en produisant une détente lente qui abaisse la tem- ! Voir plus loin (pages 581 et 582) l’article de M. E. De- mengé, intitulé : « Influence du froid sur les qualités des métaux, » péralure, on aperçoit un léger brouillard qui ap- parait ; la pression à cet instant est la pression critique, elle avait été évaluée à 20 atmosphères. M. Olszewski a cherché à déterminer la lempéra- ture correspondante : il y est arrivé en introduisant dans la masse gazeuse une résistance constituée par un fil fin de platine, résistance qui avait été étalonnée à de basses températures. La moyenne des valeurs oblenues au moment où la pression de l'hydrogène était de 20 atmosphères, et corres- pondail à la température critique, est de — 2345 ; en laissant la détente se continuer jusqu'à ce que la pression fût devenue égale à l'atmosphère, la tempéralure, qui est alors celle du point d'ébulli- tion de l'hydrogène, a été de — 243°5. Ilest ànoter que ces nombres sont très voisins de ceux qui avaient élé prévus par M. Natanson. M. Olszewski appliqua, pour la vérifier, celle même méthode à l'oxygène et retrouva les nom- bres qui avaient élé déjà oblenus par d’autres procédés : on peut done avoir confiance dans celte méthode et dans les résullats numériques fournis. par M. Olszewski pour caractériser l'état critique de l'hydrogène. : M. P. Villard a étudié les phénomènes du mi- rage qui se manifestent dans les tubes de Natterer dans le voisinage du point critique. Il a opéré sur l’éthylène dont la température critique est de ®%, el pour lequel, par conséquent, les observations sont plus faciles à faire que pour l'acide carbo- nique. Il a conslalé, à l’aide de Lhermomètres placés à l'intérieur du tube, que, à la partie infé- rieure, la température est loujours plus basse qu'à la partie supérieure. Au-dessous du point eritique celle-ci est remplie non de vapeur salurée, mais de vapeur surchaulftée ; le liquide n'a done que peu de vapeur à fournir, et, par suite, le niveau doit peu varier, lant que la tempéralure reste in- férieure au point critique : à celte température la surface cesse d'être visible parce que la densités varie d’une manière absolument continue. Au con- traire, le gaz étant depuis longlemps au-dessus du point critique et bien homogène, la température. élant partout la même, il suffit de chauffer même légèrement la parlie supérieure du lube pour voir apparailre la zone de transilion, quoiqu'il ne puisse y avoir de liquide, mais seulement à cause de la variation de densité qui s'établit et subsiste, variation due à ce fait que l'équilibre thermomé- rique ne s’élablit que fort lentement. IX. — ACOUSTIQUE. Dans la revue annuelle de Physique de 1895, nous faisions allusions à des recherches sur la pro- pagalion du son; ces recherches, dont les premiers D” n \ m«. * C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 579 résullats sont maintenant publiés, avaient été exéeulées par MM. Violle et Vautier, qui avaient pu utiliser la conduite deslinée au refoulementdes eaux d'égout entre Cormeilles et Achères ; cette conduile, rectiligne, a une longueur de 6 kil. etun diamètre de 3 mètres. Le tuyau était fermé à chaque extrémité par une cloison présentant les ouvertures requises pour recevoir les instruments nécessaires aux expériences. MM. Violle et Vautier n’ont pu encore dépouiller les nombreux tracés résultant de l’en- registrement automatique des phénomènes, mais ils ont pu faire connaitre les faits qu'il a été pos- sible de constater à l’aide de l'oreille seule el dont nous allons résumer les principaux. La yortée d’un son, c’est-à-dire la distance à la- quelle il est encore perceptible, est variable avec la hauteur : le ré de 4.450 vibrations doubles cesse d'avoir un caractère musical à 1.800 m., et 200 m. plus loin il n’existe plus, tandis que le son d’une flûte d'orgue de 32 vibrations doubles est encore perceptible après un trajet de 23 kilomètres com- pliqué de 7 réflexions. Il est àremarquer que, dans les expériences faites à Grenoble où la conduite avail seulement 0"70 de diamètre, ce dernier son était éleint après un trajet de 6 kilomètres. D'autre part, les sons émis n'étant pas des sons simples, en général, le caractère musical change après un certain parcours : un son grave étant produit par un gros cuivre à l’une des extrémités de la conduite, et revenant après s'être réfléchi à l'autre extrémité, on entend, au retour, d’abord la note fondamentale, puis un certain nombre d'harmoniques du plus élevé au plus grave se suc- cédant à intervalles courts,mais distincts. Il est à remarquer qu'on peut entendre comme harmo- nique après un parcours assez grand un son qui ne serait plus perceptible comme son fondamental pour la même distance. Nous reviendrons ultérieurement sur ces expé- riences lorsque les auteurs en auront fait con- nailre Lousles résultats. M. Webster Low a étudié la vitesse du son dans l'air, les gaz et les vapeurs à l’aide d’un tube cy- lindrique vertical ouvert en haut et contenant de l’eau dont on fait varier le niveau jusqu’à obtenir . un renforcement maximum pour un son produit par un diapason vibrant en face de l’orifice supé- rieur. M. Webster Low a trouvé ainsi des vitesses respectivement de 330 m. 88 — 257 m. 26 el 115 m. 93 pour l'air, l'acide carbonique et la va- peur d'éther: les résultals fournis par l’hydro- gène sont moins salisfaisants, sans doute à cause de la faiblesse du renforcement qui se produit alors. M. Webster Low a faitusage des nombres qu'il a obtenus pour déterminer la valeur du rapport et des chaleurs spécifiques des gaz: Il a trouvé ainsi les valeurs 1,3968 et 1,2914 respectivement pour l'air et l’acide carbonique, valeurs qu’on peul rapprocher de celles indiquées par M. Maneu- vrier ? La théorie des cordes vibrantes s’est enrichie de deux travaux intéressants: M. Kauffmann, repre- nant une méthode photographique employée pré- cédemment par MM. Raps et Menzel?, a trouvé que les hypothèses faites par Helmholtz dans l'étude de cette question ne sont pas conformes à la réa- lité ; que, notamment, lorsqu'un marteau frappe une corde, la durée du contact n'est pas négli- geable, qu'elle peut être supérieure à celle d’une vibration. Il n’a pu arriver à mettre la théorie complètement d'accord avec les faits observés. M. Cornu avait observé que, en atlaquant avec l’archet, d’une certaine façon, la corde donnant l’wt d’un violoncelle, il est possible de lui faire rendre un son plus grave quele son fondamental; il a cherché l'explication de ce phénomène. et il l’a trouvée dans le mode d'action de l’archet qui, agis- sant, non sur l’axe de la corde, mais langentielle- ment à la surface, donne naissance à une force ap- pliquée à l’axe et à un couple qui communique à la corde un mouvement de rotalion qui devient oscillatoire; il se produit des vibrations tour- nantes. M. Cornu a mis ces vibrations en évidence en fixant à plat sur la corde un léger miroir sur lequel on envoie, dans une directioninvariable, un rayon de lumière : le rayon réfléchi donne, sur un écran placé à distance, une courbe qui dépend à la fois des déplacements angulaires de l’axe et de la rotation de la corde. La méthode chronophotographique, appliquée à l'enregistrement de cetle courbe, per- met d’en déduire l'analyse complèle, gràce à une série d'artifices ingénieux que nous ne pouvons indiquer. Signalons, enfin, pour terminer, quelques expé- riences intéressantes de M. Bouty sur les flammes sensibles; en étudiant les condilions de la produc- tion des phénomènes auxquels elles donnent naissance, M. Bouty est arrivé à en expliquer toutzs les circonstances en admettant: 1° Que, dans une flamme prêle à ronfler, des portions très petites de mélange inflammable peuvent échapper à la combustion immédiate ; 2 Que la production d’un son facilite l’explo- sion d'un mélange inflammable, si la période du son est suffisamment voisine de celle du bruit ex- plosif. 1 Voir ci-dessus, p. 511. 2 Voir la description de cette méthode dans la Revue géné- rale des Sciences, 1894, p. 284. 380 X. — ESsal DE NOTATION SYMBOLIQUE EN PHYSIQUE. Le journal anglais 7ke Electrician a publié ! un ! travail de M. E. E. Fournier d'Albe sur lequel il nous paraît utile d’appeler l'attention, car les propositions qu'il présentenoussemblent de nature à contribuer aux progrès de la Physique. M. Fournier remarque que, dans une expérience de physique, trois éléments essentiels peuvent être distingués : 1° Le corps que l'on soumet à l'expérience; 2 L'épreuve, l’action ou la condition à la- quelle ce corps est exposé; 3° Le changement ou la réaclion qui en résulte. I n’y a, en somme, qu'un nombre limité de corps ou plutôt d'espèces de corps sur lesquels on peut expérimenter: le nombre des épreuves ou actions auxquelles on peut exposer un corps est également limité; enfin, il en est de même aussi des changements qui se manifestent. M. Fournier suggère l'idée de représenter ces divers éléments qui interviennent dans les expé- riences, par des symboles abrévialifs, comme on l'a fait en Chimie ou en Minéralogie par exemple, ou comme, d'une manière plus générale encore, le propose M. Peano pour les Mathématiques, déve- loppant et appliquant ainsi une idée de Leibniz. Dès lors, pour représenter une expérience, on pla- cerait à la suile les symboles, simples ou com- posés qui représenteraient respectivement le corps sur lequel on opère, l’action qui intervient, le changement qui en résulte. Nous ne pensons pas qu'il soit utile de repro- duire actuellement le tableau des symboles pro- posés par M. Fournier, et nous nous bornerons à donner quelques exemples de formules définissant une expérience. [. — B représentant un corps quelconque, L une longueur en général et » un nombre, la mesure d'un volume s'exprimerait par BL?n. IT. — B ayant lamême signification que ci-des- sus, / indiquant une différence en général, { une tempéralure, v un volume, Bd{v indiquera la dilatation cubique d’un corps sous l'influence d'une variation de température. ? 27 mars 1896. The classification of physical experiments. C.-M. GARIEL — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE III. — L'énergie en général étant indiquée par E, la lettre grecque À indiquant qu'il s’agit d'une manifestation lumineuse, L représentant une in- tensité et x un nombre comme ci-dessus, une me- sure photométrique serait représentée par E2/n. Nous pensons que ces exemples suffisent pour faire comprendre l'idée de M. Fournier d'Albe. Il est certain que, au fond, aucune question n'aura réellement progressé par le fait que nous aurons représenté par des symboles plus ou moins complexes les expériences qui s'y rattachent : nous croyons cependant que l'adoption de ce sys- tème aurait de sérieux avantages. Il se produirait là sans doute quelque chose d’analogue à ce qui s'est manifesté en Chimie par suite de l'adoption des formules représentant la constilution des corps et les réactions auxquelles ces corps donnent nais- sance. Ces formules ont rendu incontestablement de grands services, quoique personne ne puisse affirmer qu'elles représentent réellement la cors- titution des corps; il ne nous étonnerait point que, en Physique, les formules proposées pussent rendre à chaque chercheur des servicesanalogues, parexemple, en signalant entre diverses expé- riences des analogies ou des différences qui n'au- raient point frappél’esprit lorsque ces expériences étaient décrites d'une manière concrète. Il y aurail avantage à un autre point de vuesiles symboles employés étaient universellement adop- tés: il en résulterait évidemment une simplification dans l'échange des idées. Seulement, il y aurait nécessairement à établir une entente et ce pour- rait être le résultat des travaux d'une Commis- sion ou d'un Congrès qui se réunirait dans ce but. Les conventions qui résulteraient de l'adoption de la proposition de M. Fournier d'Albe, telle qu'elle est présentée actuellement, sont moins complètes que celles adoptées en Chimie, où les symboles ont unesignification non seulement qua- litative, mais encore quantitative. Il ne semble pas impossible de donner ce même caractère à des symboles se rapportant à des expériences de Phy- sique ; mais il faudrait d’abord que le principe même fût adopté. Nous signalons cetle question aux lecteurs de la Revue générale des Sciences. C. M. Gariel, Professeur de Physique, à la Faculté de Médecine de Paris membre de l'Académie de Médecine. ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 581 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES INFLUENCE DU FROID SUR LES QUALITÉS DES MÉTAUX Chacun sait que, dans les pays froids, le matérieldes chemins de fer est sujet à des ruptures fréquentes, qui sont dues à l'accroissement de la fragilité des fers et des aciers sous l’action des basses températures. M. André Le Chatelier a observé que l'influence du froid reste très faible lorsque le métal est soumis à des ef- forts lents (essais de traction), mais que cette influence devient, au contraire, très considérable en présence de chocs ou d'efforts rapides. Dans ce cas, la fragilité s'ac- croît et la raideur augmente à mesure que la tempéra- ture baisse. C’est pour cette raison que certains pays, comme la Russie,imposent, pour la réception des rails, des essais de chocs à — 15°, et même au-dessous. Le Professeur Steiner, de Prague, a présenté un Rap- port sur ce sujet à la Conférence internationale de Zurich, réunie pour l'unification des méthodes d'essai des matériaux de construction, et sa communication contient une description détaillée de ses propres essais et de ceux de M. Dewar, sur lesquels, en raison Les essais de flexion furent effectués dans un ordre analogue avec le même pilon et des hauteurs de chute identiques, ce qui facilitait la comparaison immédiate des résullats, On en conclut que l’influence du froid se fait particulièrement sentir sur les pièces qui pré- sentent un défaut quelconque, quelle que soit l’ori- gine du fer, et que sa fragilité est moindre avec les pièces plus fortement corroyées. Pour examiner l’aspect de la cassure des éprouvettes, malgré le givre qui les recouvrait immédiatement Steiner jetait les morceaux cassés dans l'alcool absolu; mais, dans ces conditions, il ne put reconnaître avec certitude si le froid produisait dans le métal une nou- velle répartition moléculaire. Il lui parut, néanmoins, douteux qu'une transformation moléculaire complète ait pu survenir, puisqueles pièces, refroidies à — 70° et ramenées ensuite à la température normale, n'étaient pas défavorablement influencées. M. Dewarexpérimenta l’action du froid (— 182) sur la Tableau I. — Action du Froid sur les qualités des Fers à la Traction. TEMPÉRATURE MATIÈRE = D'ESSAI 21k1 Fer puddlé 32.8 Fer Martin HeriThomas te... | | \ | | RÉSISTANCES — — limite d’élasticité ALLONGEMENT DIMINUTION DE RUPTURE DE SECTION rupture DRE CES de leur nouveauté, nous croyons intéressant d'appeler l'attention des lecteurs de la Revue. Les essais de Steiner forment une partie des travaux de la Commission instituée à Prague dans le but de comparer le fer obtenu par fusion au fer obtenu par soudage, et äe substituer l'emploi du premier à celui du second dans la construction des ponts. Les" différentes catégories de fer, fer puddlié, fer coulé Marlin, fer coulé Thomas furent essayées à la traction et au pliage, à la température ambiante et à des tempéralures froides, qui descendaient jusqu’à — 100, L'acide carbonique liquéfié servait par sonévapo- ration à la production du froid, et était appliqué sur le barreau d'essai et les extrémités des griffes d’altaches, soit directement, soit par l'intermédiaire de l’éther qu'il refroidissait jusqu'à — 60°. Le tableau [, qui résume les résultats des essais de traction, montre que la limite d’élasticité et la charge de ruplure sont aug- mentées par le refroidissement, alors que l’allonge- ment est diminué; on voit, de plus, que le froid a une influence à peu près identique sur les fers Marlin el Thomas et plus grande sur le fer puddlé, ! D'après Stahl und Uisen. résistance à la traction etau choc de différents métaux ainsi que sur les propriétés magnétiques des aciers doux et des aciers durs. Comme Steiner, il produisait les basses températures en utilisant les acides liqué- fiés. Les essais de traction furent effectués à l’aide d'une balance à levier sur des fils de 22®,5 de diamètre et de 50 millimètres de longueur, et sur des barreaux coulés de 5 millimètres de diamètre, munis de têtes sphériques. La charge augmentait progressivement avec l’arrivée de l’eau &ans un bac suspendu au grand bras de levier de la machine. Les éprouvettes, ainsi que les appareils d'attache, plongeaient dans un vase argenté contenant l'acide liquéfié, et dans lequel on pouvait faire le vide. Le tableau II donne en kilo- grammes, par millimètre carré, les résistances moyennes de trois à six expériences pour chaque métal, On voit que les mélaux essayés sous forme de fils augmentent de résistance à la traction avec le froid. L'accroissement de ténacité dépasse 100 °/, pour le fer, et n’est que de 26 °/, pour l’argent. Après un recuit à + 15°, les éprouvettes refroidies à — 12° ne montrèrent plus aucune différence au point de vue de la résis- tance à la traction. Les essais faits sur barreaux pour l'étain, la soudure 582 des plombiers, le plomb et le métal Wood, dénotent une augmentation de résistance double, et même triple, sous l'influence du froid. Le mercure atteint à — 182° une ténacité égale à celle de l’antimoine et du bismuth, et moitié moindre que celle du plomb à 15°. Le zinc, ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES segments de fil de 25 à 50 millimètres de diamètre, pris isolément ou simultanément. Les éprouvettes étaient attachées à une pièce de bois avec des crochets en cuivre, et amenées dans le champ d'un magnéto- mètre. La réfrigération résultait de l'application d'ouate Tableau II. — Action du Froid sur la résistance de divers métaux à la Traction et au Choc. ESSAIS SUR FILS ESSAIS SUR BARREAUX TEMPÉRATURES TR ua CE ee RP | : acier : se palla- nes PE : mer- is- | anti- | sou- | méta dois fer |cuivre|laiton ue or |argent| étain |plomb| zinc eue lnat moelle 1592 ne 39 30 19 29 44 23.5 31 4.5 1.7 | 0.78 0 1258 1.35 6.7 3-1 — 182% ES 65 62 28 41 56 32 39 8.7 3.8 | 0.58 | 0.69 | 0.67 | 0.67 14.4 | 10.0 Rapport... 167 | 206 | 447 | 141 | 4270 | 436 | 126 | 193 | 224 | (72) | — | 52} PH) "255 822 le bismuth et l’anlimoine, contrairement aux autres métaux, sont affectés par le froid d’une diminution de résistance, qui va jusqu’à 50 °,. M. Dewar explique cette particularité en faisant remarquer que, dans ces métaux franchement cristallisés, il se produit des tensions qui peuvent affaiblir la cohésion des surfaces en contact, La mesure des allongements permet de se rendre comple que le plomb et l’étain, identiques à la température ordinaire, ont une duectilité absolument imbibée de gaz liquéfié, et chacune des éprouveltes fut trois à quatre fois de suite successivement refroidie, puis ramenée à la température ambiante. Les résultats de cette étude sont résumés dans le tableau III qui indique le pourcentage des variations du moment ma- gnétique rapportées à celui qui correspond à 15° lors- que lPaimant permanent est soumis au refroidissement à — 182, puis au rechauffage à + 15°. 1] faut en conclure que, sous l’action de refroidisse- Tableau III. — Action du Froid sur les propriétés magnétiques des Aciers. DU MOMENT MAGNÉTIQUE ORDRE DES ESSAIS MATIÈRE SÉRIES D’ESSAIS RÉSULTANT DU ER RE L | refroidissement réchauffage à — 1820C à ABC | (1 ==) — 30 oteccee tee tte SRE ETISD ESC 2 ram) b £e Al = 2 [4 0 _— | \ a + 12 — 28 DE) PEN A CIRQUE ne Une EUR b AT + 0 | c + 51 ÆNT \ \ a — 24 HE en ete ae 6 D DD b + 23 2 40 € + 23 = 210 [ | [ \ a M5 JE à . : er) tion a ab ÉD pare de \Faiscean de 9hfls d'acier" | L = un = fl | \4 jours plus tard + 50 ei) | que 4 VARIATIONS % différente à — 182°, puisque, dans ces conditions, le pre- mier se rompt à peu près sans allongement, tandis que le plomb ne perd rien de son allongement, j M. Dewar fit des essais au choc en laissant tomber d'une hauteur déterminée, sur une plaque massive de fer, des échantillons en forme de sphères des métaux à étudier, Il put ainsi constater que, dans tous les cas, l'élasticité des mélaux était augmentée par le refroi- dissement. Enfin, le même expérimentateur étudia les propriétés magnéliques des aciers doux et durs sur de longs ments et de rechauffages successifs, la force magné- tique dans les différents aimants varie, tout d’abord, d’une façon quelconque, mais qu’en dernier lieu, chaque aimant atteint un état constant, à partir du- quel un refroidissement à — 182° entraine une aug- mentation de 30 à 50 °,, du moment magnétique, augmentation qu'un recuit à + 15° fait disparaître de nouveau. EuiLE DEMENGE, Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. Ingénieur eivil des Ponts et Chaussées, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 253 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Rouché (Eug ), de l'Académie des Sciences, Professeur au Conservatoire des Arts et Métiers, et de Combe- rousse (Ch.), Professeur à l'Ecole Centrale et au Con- servaloire des Arts el Métiers. — Leçons de Géomé- trie. Première partie à l'usage des élèves de la classe de quatrième (mod-rne) : La ligne droite et la Cir- conférence de cercle. — 1 vol. in-8° de 173 pages avec 137 figures. — Solutions détaillées des Exer- cices et Problèmes énoncés dans les Leçons de Géométrie. Première partie : La ligne droite et la Circonférence de cerele. — 1 vol. in-8° ae 168 pages, avec 115 figures. (Prix : 2 fr. 75.) Guuthier-Villars et fils, éditeurs, Paris, 1896. Les Lecons de Géométrie et les Solulions détaillées des Exercices et Problèmes énoncés dans ces lecons, que pu- blient actuellement MM. Rouché et de Comberousse, sont absolument conformes aux programmes officiels de l’enseignement secondaire moderne. Ce double ou- vrage est divisé en quatre parties, destinées respecti- vement aux élèves des classes de quatrième, de troi- sième, de seconde et de première (sciences). Chaque partie comprend un volume de lecons et le volume des exercices résolus correspondants. La première partie, seule parue, concerne la ligne droite et la circonférence de cercle. Elle comprend trente lecons épuisant chacune un sujet déterminé et plus de deux cents exercices et problèmes résolus, soigneusement gradués. Signalons la vingt-deuxième lecon qui, en précédant celle relative à la mesure des angles, vient fort à propos rappeler les notions d’arith- métique concernant la mesure des grandeurs en géné- ral; quiconque a enseigné les premiers livres de la géométrie, saura apprécier l'opportunité de ce rappel. Le choix judicieux des exercices et problèmes, la forme pratique qui leur est parfois donnée, si propre à exci- ter la curiosité de l'élève, la méthode qui préside à l'exposé des solutions, font du volume d'applications l'auxiliaire le plus précieux du volume théorique; il pourra, d’ailleurs, être consulté avec fruit par tous les étudiants en géométrie. On sait avec quelle faveur ont été accueillies les édi- tions successives du Traité de Géométrie élémentaire de MM. Rouché et de Comberousse, en dépit de certaines innovalions, d'abord controversées, finalement adop- t£es partout, Nul doute que le mème accueil ne soit réservé à l'ouvrage actuel, qui se prévaut, en outre, de son importante annexe de problèmes résolus. G. FLOQUET. Henry (Ernest), Inspecteur général des Ponts et Chaus- sées. — Formules, barèmes et tableaux pour Ponts sous rails et Ponts-routes à travées métalliques indépendantes. — 1 vol. grand in-8° de 631 pages avec 267 figures (Prix : 20 francs.) (Encyclopédie des Travaux publics, dirigée pur M. C. Lechalas.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. La nouvelle circulaire ministérielle du 29 août 1891, relative aux calculs des ponts métalliques, impose aux ingénieurs des calculs beaucoup plus complels que ceux auxquels donnait lieu l’ancienne circulaire. Les charges roulantes étaient remplacées, pour les cal- culs, par des surcharges uniformément réparties, fixées dans un tableau, etces surcharges reslaient les mêmes pour la détermination des efforts dans toutes les sec- tions d’une même poutre. Dans les calculs que l’on fait actuellement, on déter- mine exactement, pour toutes les différentes parties d’une poutre, quelle est la surcharge et la position de cette surchage qui engendre les moments fléchissants et les efforts tranchants maximum. Les recherches que nécessite l'établissement de ces calculs sont longues et souvent nombreuses ; aussi est-on conduit à les simplifier et à les faci- liter. C'est dans ce but que plusieurs ouvrages ont été publiés. Celui qui nous parait à la fois le plus complet et le plus pratique, c’est le livre de M. Ernest Henry, Inspecteur général des Ponts et Chaussées. (Encyclopédie des travaux publics fondée par M. C. Lechalas, Inspecteur général des Ponts et Chaussées.) Il se recommande à tous les ingénieurs qui s'occupent des calculs de ponts métalliques, par la forme sous laquelle il est présenté et par le grand nombre de tableaux qu'il renferme. Les nombreux exemples qui y sont traités en rendent lPapplication très facile dans tous les cas possibles, sans qu'il soit nécesaire pour cela d’étudier complètement l'ou- vrage. La première partie du livre de M. Henry est un ex- posé des formules de résistance, des procédés de calcul et des lois des variations des moments fléchissants et des efforts tranchants, dans une poutre reposant libre- ment sur deux appuis. Dans cet exposé, l’auteur traite d’une manière très complète la recherche des moments fléchissants et des efforts tranchants maximum dans les différents cas de surcharge qui peuvent se présenter. Dans la seconde partie sont groupés les barèmes et les tableaux destinés à servir aux calculs des poutres supportant des voies de fer ou des voies de terre. Les tableaux correspondent aux données de la nouvelle circulaire ministérielle : ils sont établis pour des por- tées variant de mètre en mètre; ils donnent directe- ment les moments fléchissants et les efforts tranchants dans les différentes parties de la poutre. Pour les ponts à voie normale, lés tableaux vont jus- qu'à une portée de 100 mètres, et pour la voie de 100 mètres, ainsi que pour les voies de terre, jusqu'à 15 mètres. Cette seconde partie se termine par une étude complète des pièces de pont transver- sales. La troisième partie renferme un grand nombre d'indications pratiques sur le calcul des poutres et sur l'emploi des barèmes et des tableaux ; elle se termine par les règlements ministériels relatifs à la construc- tion des ponts métalliques. es Enfin, la quatrième partie, intitulée « Notes justi- ficatives », complète la première pour ce qui est de la partie théorique de l'ouvrage. L'usage que nous faisons de ce volume dans notre bureau d’études nous a permis d'apprécier les services qu'il estappeléà rendre. Dans les mains de ceux quiont une conpaissance complète de la résistance des maté- riaux, il procure le grand avantage de leur épargner de longues recherches et de leur donner des tableaux où les calculs se trouvent tout faits. Quant aux agents qui possèdent àun degré moindre les connaissances théoriques de l'ingénieur, il leur permettra, grâce aux tableaux et barèmes, de faire les calculs des ponts métalliques tels qu’ils doivent être établis d’après la nouvelle circulaire ministérielle. M. l'Inspecteur général Ernest Henry a certainement fait une œuvre utileen publiant ses barèmes et la- bleaux, qui représentent une somme de travail con- sidérable et qui seront très appréciés par tous ceux qui sont appelés à calculer des ponts mélalliques. Mavuice KŒcari. 84 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 2° Sciences physiques. Tollens (D° B.), Professeur à l'Université de Güttingen. — Les Hydrates de Carbone. Traduit de l'allemand, par M. Léox Bourcrois, Répétiteur à l'Ecole Polytech- nique, Assistant au Muséum. — Un fort volume grand in-8° de xu-771 pages, avec 24 figures dans le texte, élégamment cartonné (Prix : 25 francs). Vve Ch. Dunoul et P. Vicq, éditeurs, 49, quai des Grands-Augustins. Paris, 18906. Le cercle de nos connaissances en Chimie orga- nique s’élargit de plus en plus et s'étend à tous les groupes, à tous les principes, qu’ils soient formés par synthèse ou qu'ils soient élaborés par la Nature. Aussi, la lâche des auteurs qui ont entrepris la publication de traités didactiques, voire même de Dic- tionnaires ou d'Encyclopédies, devient-elle de plus en plus ingrale, car, à peine l’œuvre est-elle terminée, qu’elle ne se trouve plus au courant et qu’on se voil dans l'obligation de la recommencer. Ces progrès incessants ont naturellement conduil bon nombre de chercheurs à se spécialiser (tout au moins pendant une certaine période de leur vie scien- tifique) dans un domaine déterminé de la science et à résumer ensuite, à mettre au point, l’ensemble des découvertes qui ont été faites sur la matière qui a fait l’objet de leurs investigations. C’est ainsi que, depuis quelques années, ont paru de nombreuses monographies sur les matières colo- rantes, sur les corps gras, sur les groupes pyridique, thiophénique, terpénique, etc. Les belles recherches de MM. Fischer, Maquenne, Tollens, etc... sur les hydrates de carbone, ont telle- ment enrichi notre savoir sur le groupe des sucres el des corps voisins, qu'il n’est pas étonnant qu'en Alle- magne, deux auteurs différents et également compé- tents en la matière, aient traité le sujet avec toute l’am- pleur qu'il comportait. En nous donnant la traduction de l’œuvre de M. Tollens, M. Bourgeois a donc rendu un véritable service à tous ceux de nos compatriotes qui s’inté- ressent à celte question si captivante des Hydrates de carbone. L'ouvrage comprend deux parties rédigées à des époques différentes. La première, composée en 1888 sous forme d'article pour le Dictionnaire de Laden- burg, puis éditée à part, comprend les hydrates de carbone en Cô connus à ce jour. Après quelques généralités consacrées aux propriétés et aux réactions générales, à la constitution, à la théorie du carbone asymétrique de MM. Le Bel et Van't Hoff, aux poids moléculaires, aux méthodes de préparation, aux pou- voirs rotatoires, chaleurs de combustion, etc., l’au- teur aborde, dans une première seclion, l'étude des monosaccharides C'H'20°, puis celle des disaccha- rides ou saccharoses, C'?2H2?011, des polysaccharides, des substances très voisines des glucoses, de là mannite et isomères, pour terminer par un premier tableau des quantités en milligrammes des différents sucres qui, d'après Soxhlet, correspondent à 1 centi- mètre cube des dissolutions alcalines des se:s métal- liques, lorsque les sucres sont en solution à 1 °/,, etc, et par un second tableau donnant les points de fusion des dérivés phénylhydraziniques des sucres eb des substances analogues, La deuxième section comprend les saccharines ct acides dérivés des hydrates de carbone. Les questions pratiques et industrielles, comme la fabrication du sucre, de l'amidon, leur dosage, ont également été traitées avec beaucoup de développe ment dans cette première partie de l’ouvrage. Dans la seconde partie, qui date de 1895, l’auteur généralise le Lerme hydrale de carbone et l’applique aux dioses C°H*0?, trioses C#H6O%, tétroses CEHSOÏ, pen- toses C°H100ÿ, etc. Obligé, par suite des progrès considérables accomplis sur la question depuis 1888, de revenir sur les géné- , ralités, M. Tollens résume de nouveau les propriétés de l'ensemble des composés qu’il étudie, Dans le cha- pitre Constitution des glucoses, il expose les théories qui ont cours sur la fonction de ces composés [struc- tures aldéhydique et cétonique suivant les uns, aldoses, cétoses (E. Fischer), structures dites du genre de l’oxyde d'éthylène, suivant les autres (Colley, Tollens)|, et aborde ensuite la configuration des glucoses d’après M. E. Fischer, ainsi que les méthodes de synthèse employées par ce savant. Dans la suite de l'ouvrage, l’auteur a conservé la même classification en monosaccharides (en élargissant ce terme aux dioses, trioses,... octoses, nonoses), disaccharides, polysaccharides, alcools des glucoses, acides de diverses natures dérivés des hydrates de carbone. Unindex bibliographique,ne comprenant pas moinsde 56 pages, permet au lecteur de se reporter aux sources des mémoires qui ont été résumés. Tel qu'il est, ce volume ne manquera pas de rendre de grands services à tous ceux qui voudront se rendre compte de l’état actuel de la question des hydrates de carbone. ; Qu'il nous soit cependant permis, avant de terminer, d'exprimer un regret. Nous voulons parler de la divi- sion en deux parties, l’une datant de 1888, et l’autre de 1895, que le traducteur a voulu’ conserver à l’ou- yrage. Elle se concevait dans l'original, étant données les circonstances dans lesquelles il a été rédigé, mais non dans la traduction. 3 En refondant le volume, on y aurait introduit plus d'harmonie, on aurait évité des redites et on n'aurait surtout pas exposé le lecteur à voir (page 19), dans un ouvrage édité en 1896,la phrase : « Malgré de « nombreux efforts, on n'a pas encore réussi d’une « manière entièrement certaine à faire la synthèse « d'hydrates de carbone... » Sans doute, au bas de la page, on recommande au lecteur de se porter au chapitre correspondant de la seconde partie, mais l'effet fiâcheux est produit. Cette légère critique w’enlève rien à la valeur intrin- sèque de l'ouvrage qui fait honneur à l’auteur, au tra- ducteur et aussi à l'éditeur, qui y a apporté tous ses soins. A. HALLER. 3° Sciences naturelles. Zittel (Karl A. von), P' à l'Université de Munich. — Grundzüge der Palæontologie (Palæozoologie). — 1 vol. in-8° de 971 p. et 2048 fig. (Prix : 31 fr. 25.) R. Oldenbourg, Munich et Leipzig, 1896. L'auteur du classique Traité de paléontologie, dont nous rendions compte ici même il y a un an, a eu l'excellente idée de résumer en un manuel élémentaire formant un volume, les quatre volumes qui consli- tuent dans son grand ouvrage, la paléozoologie. Une très grande partie des clichés de l'ouvrage primitif ont été utilisés dans les éléments, de sorte que ce nouvel ouvrage contient, sous une forme plus conden:- sée, presque tous les matériaux élaborés dans le Traité complet. Ainsi s’explique également le prix peu élevé d'un volume aussi richement illustré et dont l’exécu- tion typographique ne laisse rien à désirer. Le livre élémentaire s'adresse à un public beaucoup moins restreint que le grand traité; il figurera sur la table de tous les paléontologisteset des géologues, auxquels il servira de vade mecum quotidien, et à ce titre c’est un véritable chef-d'œuvre, Il est peut-être moins ap- proprié à l'usage des étudiants, quoique les qualités de clarté et de méthode du Traité s’y retrouvent à chaque page. E. Hauc. Ramond (G.), Assistant de Géologie au Muséum d'Histoire. Naturelle de Paris. — Géologie des Indes anglaises (Stratigraphie et Tectonique). — 1 brochure in 8° de 96 pages (Extrait dé l'Annuaire géologique uni- versel, t. X). Comptoir géologique, 53, rue Monsieur-lé= Prince. Paris, 1896. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 585 Daguillon (Aug.), Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Paris. — Leçons élémentaires de Botanique. — 1 vol. in-18 de 760 pages, avec 640 fig. (Prix : 6 fr.) Eug. Belin, libraire-éditeur. Paris, 1896. Le nouvel enseignement des sciences physiques, chimiques et naturelles qui a été inauguré l’an der- nier dansles Facullés des Sciences, et qui est connusous la dénomination commode de « P.C. N, », présente des caractères intermédiaires entre l’enseignement des 1y- cées, préparaloire au baccalauréat, et celui des Facul- tés, qui conduit à la licence, C'est, si l'on peut s’expri- mer ainsi, un enseignement supérieur élémentaire. C’est là également le trait caractéristique de l’ouvrage de M. Daguillon, et qui est la reproduction de ses le- cons. L'auteur semble s'être préoccupé d'éviter que son enseignement ne fût qu'une amplification du cours professé en Philosophie, et il s'étend avec une pré- férence visible sur les chapitres de son programme qui peuvent présenter pour les élèves l'intérêt de la nouveauté, et, je puis mème dire, parfois de l'ac- tualité. Aussitôt après les notions indispensables sur la cellule, il rompt avec la méthode habituelle qui consiste à prendre pour types des végétaux les formes les plus élevées, les Phanérogames, et, s'écartant du plan du programme officiel, il aborde le règne végétal par les formes inférieures. Ce procédé d'expo- sition nous paraît avoir un double avantage : il fait entrer les élèves de plain pied dans une etude nou- velle pour eux, et il est, de plus, beaucoup plus philosophique : il y a longtemps que l’on n’enseigne plus la Zoologie en considérant l'Homme comme le type ou le modèle du règne animal. Les Cryptogames sont ainsi étudiées, dès le début, dans leur ensemble, et non pas seulement dans les premières lecons, au point de vue de leur mode particulier de reproduction, presque impossible à exposer si la constitution de leur corps n’est pas connue. M, Daguillon ne consacre pas moins de trois lecons aux Bactéries, et ce sont là, cer- tainement, les plus remarquables du volume. On y trouve, exposées sous une forme attrayante, la doctrine de Pasteur et ses applications, L'historique de la ques- tion des générations spontanées, les procédés de cul- ture, les fermentations et maladies sont étudiées tour à tour, et la sérothérapie apparaît à la fin comme le couronnement de la doctrine. D'autres chapitres où apparaît le souci de l’auteur de faire une large place aux idées et aux recherches les plus modernes, sont ceux qu'il consacre à l'influence du milieu sur la struc- ture de la plante, à l'assimilation de l'azote, aux phé- nomènes intimes de la fécondation, ete, Sur ces divers sujets, comme dans bien d'autres parties de ces lecons, M. Daguillon s'étend de préférence sur les travaux des diverses écoles francaises. Il ne s’exposera pas, tout au moins, à s'entendre reprocher que son en- seignement manque de patriotisme. En somme, cet ouvrage pourra rendre des services, non seulement aux étudiants auxquels il s'adresse plus spécialement, mais aussi à ceux qui, débutant dans les sciences naturelles, désirent ne pas aborder immédia- tement les traités classiques complets et s'astreignent à acquérir graduellement leur instruction botanique. Il ne nous reste plus qu’à souhaiter que le succès, qui ne fera ras défaut à M. Daguillon, encourage ses collègues à suivre son exemple, Félix Bervanp. Henneguy (L. Félix), Chargé du Cours d'Embryogé- nie comparée, au Collège de France. — Leçons sur la Cellule. Morphologie et Reproduction. (Lerons faites au Collège de France pendant l'hiver 1893-94, re- cueillies par M. FABrE-DOMERGUE.) — 1 vol. in-8° de xx-041 pages avec 362 figures noires et en couleurs. (Prix : 25 francs.) G. Carré, éditeur. Paris, 1896, . M. Henneguy à beau dire, dans son avant-propos, -u'en écrivant ce livre il n’a pas eu la prétention de combler une lacune de la littérature cytologique; la lecture de l'ouvrage donne à constater que le résultat qu'il n’avait pas prétendu obtenir est cependant atteint, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. Le livre, en effet, par son allure générale, montre qu'il est un vrai traité de cytologie, publié sous forme de lecons. D'ailleurs, M. Henneguy n'était-il pas de ceux qui peuvent le plus avoir la prétention de faire un traité de cytologie, et ne devait-il pas sentir, en tant que cytolosiste, que, malgré divers ouvrages, le traité d'O. Hertwig par exemple, les comptes rendus äe Flemming dans les Ergebnisse, une grosse lacune exis- tait encore, et ne pouvait-il pas, légitimement, avoir le vif désir de la combler? Les Lecons sur la Cellule forment un gros volume de 541 pages, illustré par 362 figures. Il est à la fois très bon et très beau. Les innombrables documents qu'il contient l’enrichissent sans l’encombrer. Les critiques que l’auteur formule à maintes reprises sur les docu- ments qu'il produit, donnent à l'ouvrage une valeur particulière. L'esprit critique est, en effet, très déve- loppé dans ce livre, Il se révèle, par exemple, dans le chapitre sur la structure intime du protoplasma, où, après avoir relaté les opinions qui règnent à ce sujet, l'auteur fait la critique des unes et des autres et con- clut fort judicieusement, à la suite de Külliker, qu'é- tant données les conditions dans lesquelles a été faite l’étude du protoplasma, on doit admettre que ce der- nier n'a pas une structure univoque. Il est plus appa- rent encore dans la dernière lecon sur les questions théoriques relatives à la cellule ; les théories cellulaires y sont critiquées tour à tour, et l’auteur, un de ceux qui, cependant, ont eu le plus de faits à leur disposi- lion pour édifier des théories et qui en ont le moins bàti, déclare n’en vouloir retenir aucune. Les faits personnels et les dessins originaux forment, dans ce livre, un contingent important et en augmentent en- core la valeur; M. Henneguy les a puisés dans ses tra- vaux sur l’'embryogénie de la truite, sur la division cel. lulaire indirecte, sur l’atrésie des follicules de de Graaf, ainsi que dans des recherches encore inédites portant sur diverses questions. L'éditeur, estimant avec raison que le luxe est un attrait pour les publications scientifiques, aussi bien que pour les ouvrages littéraires, à fait de grands sa- crifices tant pour l'impression, qui est fort belle, que pour la reproduction des figures, dont un grand nombre ont un air nature tout à fait réussi. L'ouvrage est donc non seulement très bon, mais encore très beau. Il est regrettable que cette importante publication ne soit pas absolument mise à jour, que nombre de contributions apportées récemment à l'étude de cer- taines questions n’y figurent pas, bien plus, que quel- ques questions même, soulevées dans ces derniers temps, n’y soient pas traitées. C’est ainsi que nulle mention n'est faite des travaux récents sur le rôle des centrosomes dans la fécondation; le sort des nucléoles pendant la division cellulaire a fait naître de nouvelles recherches dont les résultats manquent ici, ete. Il ya lieu de regrelter que M. Henneguy n'ait pu, pour ces importantes contributions que la science cytologique a recues dans ces deux dernières années, faire un adden- dum. L'ouvrage en eût été certainement quelque peu alourdi, quelque peu dénaturé même, puisqu'il est un ensemble de lecons et que cet addendum eût contenu des lecons qui n'auraient pas été faites; mais les gens du métier y auraient gagné. En résumé, les « Lecons sur la cellule » sont un ou- yrage indispensable dans tout laboratoire d'anatomie, d'histologie, de zoologie. D'ailleurs, le nombre des livres vraiment scientifiques du domaine biologique qui paraissent en France.est, hélas ! trop peu considé- rable, pour qu'on puisse se dispenser de leur donner toute son attention. Le livre de M. Henneguy étant le premier ouvrage francais consacré exclusivement à la cytologie, montre que cette science a conquis droit de cité parmi nous. Espérons, ävec M. Henneguy, et aussi avec M. Delage, que sa lecture, comme aussi celle du livre de M. Delage, inspirera aux biologistes le goût de la biologie cellulaire trop négligée chez nous, A. PRENANT. 12** 586 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX —————————————]_————— Causard (Marcel), Agrégé de l'Université, Professeur au Lycée d'Aix-en-Provence. — Recherches sur l’ap- pareil circulatoire des Aranéides. (Thèse pour le Doctorat de lu Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8° de 112 pages, avec 6 planches. Imprimerie L. Da- nel, Lille, 1896. M. Causard a éludié l'appareil circulatoire des Arai- gnées, à la fois par transparence sur de jeunes indivi- dus, comme Claparède, et par injections sur des adultes, comme E. Blanchard et Scaneider. Il rectifie et complète les descriptions de ses devanciers au sujet des ligaments qui suspendent le cœur aux parois du corps, du trajet des artères et des sinus veineux. Dans les différentes familles d’Aranéides, le cœur se simplifie par la perte d’un certain nombre d'orifices latéraux et d’artères latérales : chez les Mygales, il y a quatre paires de pylocardes, chez les Araignées ordi- naires, trois paires, et, enfin, chez les Dysdéridés, deux paires seulement, L. Cuénor. 4° Sciences médicales. Bruce (David) A. M. S., Surgeon-Major. — Prelimi- nary Report on the Tsetse Fly-Disease, or Nagana in Zululand.— 1 vol. in-8° colombier. Ben- nett and Davis, Field Street, Durban (Natal), 1896. On sait depuis longtemps que la mouche Tsétsé, si commune dans l'Afrique du Sud, y exerce de tels ravages qu’elle rend impossible, dans une grande partie de ces régions, non seulement la colonisation, mais même l'exploration. Elle s'attaque, en effet, au Cheval, à l’Ane, au Mulet, au Chien, aux Ruminants et à l'Homme. Ses ravages sont surtout bien connus depuis les grands voyages de Livingstone, Mais ce qui, jusqu'à présent, était resté ignoré, c'est le mécanisme de la maladie conférée, maladie qui demeure très bénigne chez l’homme, atteint gravement dans sa vitalité l’espèce bovine, et se montre presque toujours mortelle pour le chien, l'âne, le cheval et le mulet, à Pendant longtemps, on avait supposé qu'il s'agissait d'une intoxicalion par un venin. Il était bien naturel de penser que la mouche sécrétait, comme beaucoup d'Insectes, d’Arachnides et de Serpents, comme les Scorpions et les Vipères, un poison d'extrême viru- lence. Cette hypothèse n'avait rien que de très plau- sible, et il n’est pas étonnant qu’elle ait été, en quel- que sorte, universellement acceptée. “ ; Cependant, .contre une telle interprétation, doit mettre en garde une particularité dont la signification ne pouvait apparaître avant les grands travaux de Pasteur et de son Ecole. Cette particularité, récemment relevée par M. Bruce, consiste en ceci : la maladie, au lieu de se manifester très peu de temps après la piqûre, ne s'accuse qu'une vingtaine de Jours après. Cette circonstance semble indiquer que la piqûre, au lieu d'introduire directement un venin, — car ce venin agirait immédiatement après absorption, — inocule des germes infectieux. Si elle fait pénétrer, dans le sang ou les tissus de la victime, des micro-organismes sus- ceptibles de s'y développer, l’évolution de ces microbes réclame quelque temps pour s'effectuer, et c’est seu- lement lorsque leur multiplication a acquis une im- portance sulfisante, que les symptômes, dus au virus qu'ils excrètent, commencent à se montrer. : Guidé par cette idée, M. David Bruce, chirurgien- major de l'armée anglaise, chargé par le Gouvernement de Natal d'étudier les ravages de la Tsétsé, s’est livré, l’an dernier, à une série de recherches qui déposent en faveur de la théorie de l'infection. Suivant lui, c’est une maladie parasitaire, médiatement virulente, que provoquerait la Tsétsé. La mouche transporterait l’épi- démie d'animal à animal, La maladie que ses piqûres déterminent porte, dans le Zoulouland, le nom de nagana. Elle se révèle par de la fièvre, de sept à vingt jours après l'inocu- lation, La température s'élève, mais peut, si la victime est le bœuf ou la vache, tomber ensuite, et l’animal guérit. Chez les Solipèdes, fièvre et température ne cessent d'augmenter, et la mort s'ensuit, M. Bruce a examiné au microscope le sang des ma- lades, et y a trouvé en abondance un infusoire flagellé appartenant au genre Trypanosoma, et très voisin du T. Evanti, auquel « l’ Horse-Surra » est attribué. Jusqu'a présent l’inoculation du sang infecté, que M. Bruce à surtout pratiquée sur le chien, n’a pas réussi à conférer la maladie. La démonstration correcte de la spécificité du Trypanosome n’est donc pas encore faite. D'autre part, M. Bruce après avoir fait sucer par des Tsétsés le sang de chiens sains, puis soumis d’autres chiens aux piqüres de ces mouches, a constaté que les animaux en expérience ne prenaient pas la maladie, Il pense que c’est sur les charognes que les Tsétsé, recueillent les Trypanosomes. Bien que l'étiologie du nagana soit, comme on voit, encore incomplète, il semble, cependant, que M. Bruce ait fait faire à la question un pas important, Ses recherches ont porté aussi sur la thérapeutique. Il à trouvé que l'ingestion d’arsenic tend à faire dis- paraître du sang les hématozoaires et favorise la gué- rison. C’est là un résultat qu'apprécieront tous les explorateurs de l’Afrique. 1240; Prunier (Léon), de l'Académie de Médecine, Profes- seur de Pharmacie chimique à l'Ecole Supériewre de Pharmucie.-— LesMédicaments chimiques. 1"° Par- tie : Composés minéraux. — 1 vol. gr. in-8° de 624 pages 137 figures. (Priæ : 15 ;.) G. Masson, éditeur. Paris, 1896. Le livre dont M. Prunier présente aujourd'hui la première partie au publie médical est le résumé du Cours de Pharmacie chimique qu'il professe depuis dix ans à l'Ecole supérieure de Pharmacie de Paris. Ce n'estpoint, à proprement parler, un Traité de Chi- mie, mais plutôt un résumé de tous les documents qui, à des titres divers, se rapportent à l'étude chi- mique des médicaments. La première partie de l'Ouvrage est relalive aux mé- talloïdes, aux métaux et à leurs dérivés. Pour chaque produit, l’auteur expose la préparation et le procédé de purification, s’il y a lieu; puis il étudie ses propriétés en insistant sur celles qui peuvent servir à le caracté- riser. Il passe ensuite à l'examen des impuretés pro- venant soit d'une altération du produit mal ou trop longtemps conservé, soit encore d'une falsification et termine enfin en indiquant les méthodes d’essai per- mettant de doser le produit principal en ses impure- tés. Ce volume présente un grand intérêt par le soin et la méthode qui ont présidé à sa rédaction, et par les nombreux renseignements qu'il contient relativement aux médicaments nouveaux. Il sera lu avec fruit, non seulement par les étudiants qui préparent leurs exa- mens de Pharmacie ou de Médecine, mais encore par tous ceux qu'intéressentà un titre quelconque les pro- grès de la Thérapeutique, H. GAUTIER. 5° Sciences diverses. La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- sons de 48 pages grand in-8 colombier, avec nombreuses figures intercalées dans le texte et planches en cou- leurs. 548 livraison. (Prix de chaque livraison, 1 fr.) H, Ladmirault et Cie, 61, vue de Rennes. La dernière livraison renferme une très importante étude de M. E. Trouessart sur les Mammifères. L'auteur passe successivement en revue tous les caractères dis- tinclifs de cet embranchement du règne animal. Il dé- crit les espèces actuelles et fossiles et en donne la distribution géographique. Enfin il termine par un essai de classification. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 587 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADEÈMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 18 Mai 1896. M. A. Müntz est élu membre dans la Section d'Éco- nomie rurale par 38 suffrages contre 15 donnés à M. Laboulbène. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Bertrand à trouvé, dans les œuvres de Maxwell, une seconde démonstration du théorème fondamental de la théorie cinétique des gaz. Il montre que cette démonstration est aussi fausse que la première. — M. O. Backlund donne un procédé commode d'intégration de l'équation différentielle du rayon vecteur d’un certain groupe de petites planètes ; les calculs sont notablement abrégés. — M. E. Picard présente le Tome II de son « Traité d'Analyse ». — M L. Mirinny envoie un mémoire intitulé : « Homologue dans l’espace de l'imaginaire à ». — M. A. Aubert transmet un mémoire relatif à des leviers articulés pour la transmission de la force mo- trice. — M. J. Andrade étudie les divers types de droites de contact des courbes gauches, c’est-à-dire celles qui, liées invariablement au trièdre fondamental de la courbe, sont capables d’engendrer une surface développable, IL arrive à une nouvelle famille de courbes gauches et formule le théorème suivant : Dans une courbe gauche, il n’y a jamais, à distance finie, de droite de contact parallèle à la normale principale. — M. P. H. Schoute donne la valeur de l'aire des para- boles d'ordre supérieur, en se servant des formules obtenues par Cotes, il y a deux cents ans, pour l’ap- proximalion de l'aire d'une courbe quelconque, — M. E. Jeanmaire adresse une note sur une horloge astronomique perpétuelle. 2° Sciences PHYSIQUES. — M. A. Potier conteste les résultats de l'expérience précédemment indiquée par M. Marcel Deprez et les conclusions que ce savant a cru devoir en tirer. — M. H. Becquerel a observé que, comme ses sels, le métal uranium jouit de la propriété d'émettre des radiations qui impressionnent la plaque sensible au travers des corps opaques et déchargent les corps électrisés; ces phénomènes se montrent d’une facon beaucoup plus intense avec le métal qu'a- vec les sels. — M. C. Maltézos montre que si l'on con- sidère les rayons X comme des radiations hyper- ultraviolettes, et qu'on leur applique la théorie de la réfraction de Helmholtz, on peut expliquer le fait du différent pouvoir absorbant des corps avec la densité en supposant que l'indice de réfraction n'est pas égal rigoureusement à l’unité, mais que, tout en se trou- vant très voisin de cette valeur pour tous les corps, il varie d’un corps à l’autre avec la densité, — M. R. Demerliac à appliqué la formule de Clapeyron à la température de fusion de la benzine sous diftérentes pressions el a vérifié expérimentalement que la for- mule n'était juste qu'entre 1 et 10 atmosphères. — En réponse à MM. Benoist et Hurmuzescu, M. A. Righi soutient que, par la méthode d'opérer qu'il a déjà exposée, il élimine l'action des forces électrostaliques provenant du tube. — M. T. Argyropoulos à constaté que les platinocyanures doubles de potassium et de sodium et de potassium et de lithium deviennent, sous lPaction des rayons X, plus lumineux que celui de baryum. — M. Gaston Séguy présente un nouvel appareil ozoneur, basé sur le principe des machines tubulaires et destiné aux applications industrielles, stérilisantes et thérapeutiques. — M. D. Tommasi présente un nouvel électrolyseur., La cathode est cons- tituée par un disque métallique, ne plongeant qu’en partie dans le liquide et animé d’un mouvement de rotation; elle passe entre deux frotteurs qui enlèvent le dépôt métallique au fur et à mesure de sa produc- tion et la dépolarisent. Les avantages sont les suivants : 1° La polarisation est totalement supprimée; 2° le métal électrolysé est enlevé dès qu'il se dépose; 3° la densité des diverses couches du liquide est la même par suite de la rotation de la cathode, — M.S Clapa- rède décrit le procédé qu'il emploie pour animer d’un mouvement rapide une série d'épreuves photographi- ques successives, — M. H. Moissan a préparé l'ura- nium métallique par trois méthodes : 1° décomposition par le sodium du fluorure double d'uranium et de so- dium; 2° électrolyse de ce même composé; 3° réduc- tion au four électrique de l’oxyde d'uranium par le charbon. L’uranium peut être obtenu cristallisé; le métal pur a des propriétés quile rapprochent beaucoup du fer. Il se combine plus facilement avec l'oxygène, en poudre fine, il décompose lentement l’eau à froid; son action sur les hydracides est plus énergique. Il possède une affinité puissante pour l'azote. — M.R. Varet a déterminé les chaleurs de formation des com- binaisons du cyanure de nickel avec les cyanures alca- lins etalcalino-terreux. Ces composés, qui ne sont pas dissociables par la dialyse, peuvent être considérés comme engendrés par un acide complexe : l’acide nickélo-cyanhydrique, qui n'existe pas à l’élat bre. — M. E. Dufau, en soumettant à la haute température de l’are électrique un mélange de sesquioxyde de chrome et de baryte, a obtenu un tétra-chromite de baryum, 4 Cr°0%.BaO, bien cristallisé, rayant le quartz, d'une densité de 5,4 et inattaquable par les acides. — M. Hanriot a cherché à préparer de nouvelles combi- naisons des sucres avec le chloral et ses homologues; il a obtenu le 8-galactochloral, quelques-uns de ses dérivés, l’arabinobromal, enfin le lévulochloral. — MM. P. Cazeneuve et Moreau ont cherché à obtenir quelques urées aromaliques symétriques par le moyen du carbonate de gaïacol ; chauffé avec l’aniline, ce corps donne la diphénylurée; avec la para et l’orthotolui- dine, il donne une dipara et une diorthotolylurée symétriques. — M. G. Bertrand a cherché les rapports qui existent entre la constitulion chimique des com- posés organiques et leur oxydabilité sous l'influence de la laccase. D'une manière générale, les corps nette- ment attaquables par la laccase sont ceux qui, appar- tenant à la série benzénique, possèdent au moins deux des groupements OH ou AzH? dans leur noyau, et dans lesquels ces groupements sont situés, les uns par rapport aux autres, soit en position or{ho, soit sur- tout en position para. — M. Lindet donne un procédé de séparation des principaux acides contenus dans les végétaux (acides citrique et malique surtout). Il est basé sur le fait que ces acides donnent, avec la qui- nine et la cinchonine, des sels présentant dans l'alcool méthylique des différences de solubilité telles qu'il est facile de les séparer. — M. Stcherbakoff adresse la description d'une méthode pour définir la position de la surface d'émission des rayons X. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. Ad. Chatin présente quelques apercus desquels il ressort que l’existence et la symétrie, tant anatomique que morphologique, des systèmes ascendant et descendant des végétaux justi- fient par des faits et arguments nouveaux la dégrada- tion organique allant des Dicotylédones aux Monoco- tylédones, de celles-ci aux Acotylédones, des Acotylé- dones vasculaires aux cellulaires, enfin des cellulaires acrogènes aux cellulaires amphigènes placés tout au bas de l'échelle des végétaux, en même temps qu'ils montrent une dégradation relative chez les espèces 588 aquatiques et les parasites. — M. À, Chauveau admet que la source principale du potentiel consacré à l’exé- cution des travaux physiologiques de l’organisme est constituée par les hydrates de carbone des tissus et des humeurs. Ces hydrates de carbone se reconstitue- raient incessamment aux dépens des autres matériaux de l’organisme : la graisse et les albuminoïdes. En s'appuyant sur les belles recherches de Regnault et Reiset relatives à la respiration des animaux en état de sommeil hibernal, M. Chauveau montre toute la probabilité de son hypothèse. — M. A. Fenard donne la description des annexes internes de l’appareil géni- tal femelle des principales familles d'Orthoptères. — M. Ch. Henry a cherché à déterminer la relation géné- rale qui relie à l'intensité lumineuse les degrés suc- cessifs de la sensation et les lois du contraste simultané des lumières et des teintes. — MM. P. Viala et L, Ravaz ont étudié le brunissement des boulures de la vigne; il est produit par une bactérie qui se déve- loppe dans les vaisseaux à l’état de repos, mais qui n’est pas pathogène sur les vignes en pleine vie aclive. — M. Paul Grelot présente ses recherches sur la ner- vation carpellaire chez les Gamopétales bicarpellées de Bentham et Hooker. — M. E. A. Martel décrit quelques siphons naturels qu'il a rencontrés dans ses explorations de sources et de rivières souterraines. — M. Marcellin Boule étudie une mächoire de Cadurco- thérium qu'il a trouvée dans les arkoses oligocènes du bassin de Brioude (Haute-Loire). Ce curieux fossile, dont on ne connaissait jusqu'à présent que quelques dents, semble se rapprocher de quelques Mammifères de la Patagonie et établir un trait d'union entre les faunes éocènes de l’Europe et de l'Amérique du Sud, — Le prince Roland Bonaparte décrit les procédés de mesure des variations de longueur des glaciers de la région francaise et donne les résultats obtenus en 1895; les trois quarts des glaciers étudiés étaient en voie de décrue. Séance du 26 Mai 1896. M. le Ministre de l’Instruction publique adresse une ampliation du décret par lequel le Président de la République approuve l'élection de M. Müntz dans la Section d'Economie rurale. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, Lœwy signale les recherches faites par M. G. Comstock, à l'Observatoire de Madison, sur l’aberration et la réfraction. A l’aide d’un appareil {rès ingénieux, M. Comstock a mesuré la constante d’aberration et lui donne la valeur de 20”,#4, nombre très voisin de celui trouvé par W. Struve et M. Lævy lui-même. — M. J. Guillaume communique ses observations du Soleil, failes à l'Observatoire de Lyon (équatorial Brunner),pendantle premier trimestre de 1896. La diminution des groupes de taches et de fa- cules continue; c’est dans l'hémisphère boréal qu’elle est la plus forte. — M. Boltzmann fait remarquer à M. J. Bertrand que la première démonstration donnée par Maxwell de son théorème a été reconnue fausse par l’auteur lui-même; mais il existe un grand nombre d’autres démonstrations du mème théorème, et si l'une d’elles seulement est bien fondée, le théorème doit être exact. —M.J. Bertrand répond qu'il ne peut examiner toutes ces démonstrations. Il a donné les formules qui résolvent le problème de Maxwell ; toutes contiennent une fonction arbitraire. C’est une raison suffisante pour rejeter Ja formule de Maxwell qui n’en contient pas. — M. Langley décrit un aérodrome ou machine volante construite sur les principes qu'il a énoncés autrefois au sujet de la possibilité du vol libre mécanique. Cette machine, pesant environ mille fois le poids de lair qu'elle déplace, est mue par un léger moteur à vapeur; elle n'est soutenue que par l’action de ses hélices et la réaction de l’air sur ses surfaces légère- ment courbées. — M. Graham Bell décrit deux essais exécutés avec la machine volante de M. Langley; ils ont été des plus satisfaisants. Le vol était aisé et régu- lier, la vitesse d'environ 10 mètres par seconde. — ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES M. A. Korkine considère une équation différentielle : (1) M (y) dr + N (y) dy= 0 dans laquelle M {y) et N (y) sont deux fonctions entiè- res de y, dont les coefficients sont des fonctions quel- conques de +. Il indique alors toutes les équations de forme (1) dont l'intégrale générale se présente sous la forme : nt Mo (y — nn VU) : (y — Un) =. 0 où M, M,+., M Sont des constanies dont aucune n’est égale à zéro, v,, v,... v, des fonctions de x différentes eutre elles, » un entier donné et C une constante arbi- traire, — M. B. Mayor présente quelques remarques sur les forces de l’espace et les conditions d'équilibre d'une classe de systèmes déformables. Il arrive à la notion du polygone funiculaire d’un système de forces plan, notion analogue à celle de la pyramide funicu- laire de M, Maurice Lévy. — M. L. Lecornu décrit un nouveau mode de régulation des moteurs qui Jui semble supérieur au régulateur à force centrifuge. — M. H. Léauté reconnait les avantages du nouvel appa- reil de M. Lecornu, mais fait quelques réserves sur son bon fonctionnement dans certaines conditions particu- lières. 2° SCIENCES PHYSIQUES, — M. Marcel Deprez répond aux objections que M. Potier a faites à son interpréta- tion du rôle du noyau de fer dans les machines dy- namo-électriques. Il soutient que dans son expérience. leslignes de force du champ extérieur au tube de fer tra- versent celui-ci comme s’il n’était pas magnétique, mais en le traversant, elles le transforment en aimant et créent ainsi un nouveau champ magnétique dont les lignes de force se propagent dans l’espace sans trou- bler celles du champ primitif et sans en être troublées. — On sait qu'un fil de fer tordu initialement se tord davantage sous l’action magnétisante d’un solénoïde. M. G. Moreau à éludié expérimentalement les lois de celtetorsion magnétique ; ces lois peuvent se retrouver par une application de la loi de Coulomb au cas étudié, —M. R. Dongier répond à une réclamation de priorilé de M. G. Friedel, Le principe de sa méthode et de celle de M. Friedel est tiré d’un mémoire de MM. Fizeau et Foucault. L'emploi d’un analyseur à pénombre et d’une lumière incidente circulaire est une particularité du dispositif de M. Dongier et constitue un perfectionne- ment important. — MM. Hurion et Izarn ont déter- miné la déviation des rayons de Rontgen par un prisme d'aluminium au moyen d’un procédé très sensible; la déviation n’a pas été appréciable. — M. Gouy a mesuré la réfraction des rayons X produits dans un tube parti- culier construit par lui ; il a trouvé une déviation de 2’; mais la réalilé de ces écarts très petits ne peut être tranchée qu’en perfectionnant les expériences. — MM. Ch. Henry et G. Séguy ont étudié la photomé- trie du sulfure de zinc phosphorescent excité par les rayons cathodiques dans l’ampoule de Crookes. — M. F.-M. Raoult communique ses recherches sur les tensions de vapeur des dissolutions faites dans l'acide formique. Il a trouvé que la diminution moléculaire de tension de vapeur de l'acide formique employé comme dissolvant est égale à 0,713, c’est-à-dire : f—r M tee / — M. A. Besson à fait réagir le gaz iodhydrique sur le chlorure de thiophosphoryle à froid ; la réaction est la suivante : id lets PSCIS+5HI=PIS+12+H?S+3HCI. En tube scellé, on obtient, à côté de PI#, un mélange de P?S3 et P?S5. Avec l’iodure de phosphonium, PH'I, le chlorure de thiophosphoryle donne, en tube scellé, P?s3 et un corps facilement décomposable, qui est peut-être l’iodure de thiophosphoryle. — M. Maurice PO ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 289 Delacre, par l'élud des dérivés de la pinacoline,pense qu'il faut donner àece corps non la formule cétonique (CH3)C.CO.CH#, mais la formule symétrique de MM. Friedel et Silva : (CH#)2C — C(CHS)? A (e) M. P. Cazeneuve donne un nouveau mode de prépara- tion de l'acide glycérique, qui consiste à faire agir à chaud la soude et le chlorure d'argent sur la glycérine: CSHSOS-LEAgCI-LENaOH—CH*01+4Ag-+4NaCl-+3H20. Il ne se forme pas de composés aldéhydiques, — En faisant réagir le chlorure d’éthyloxalyle sur les hydro- carbures aromatiques en présence de chlorure d’alu- minium,suivant le procédé indiqué dans une précédente note, M. L. Bouveault à obtenu un grand nombre d'acides glyoxyliques substitués par des radicaux aro- matiques. -— M. Guinchant, en modifiant légèrement le procédé de M. Haller qui consiste à faire réagir un chlorure d'acide sur un mélange de cyanacétate alcoo- lique et d’alcoolate de sodium, à obtenu une nouvelle série de dérivés, les éthers acétylbicyanacétiques, aux- quels il attribue la formule: CAz—CH—C(OH)—CH—CAz cU2R dre cbr — M. G. Bertrand établit que le noircissement rapide. au contact de l’air, du suc de racines de betterave est dù à l'oxydation de la tyrosine sous l'influence d’un ferment soluble, la tyrosinase, très instable et différent de la laccase. 39 SGIENCES NATURELLEs. — M. Chauveau, éludiant la source et la nature du potentiel directement utilisé dans le travail musculaire chez l'homme en état d'absti- nence, arrive aux conclusions suivantes: 4° D’après les renseignements fournis par les échanges respiratoires, la graisse ne constitue jamais le potentiel directement utilisé par les muscles en travail, chez l'homme en état d'abstinence, 2° C’est sous forme d’hydrates de carbone que ce potentiel énergétique est fourni à l'activité musculaire, 3° Le travail des muscles tend à épuiser les réserves de glycogène et de glycose où ce potentiel est accumulé, Mais ces réserves, malgré l’abstinence, tendent à se reconstituer à mesure de leur consomma- tion. Le quotient des échanges respiratoires montre que cette reconstitution a lieu surtout par transforma- lion des graisses, dont l’ulilisation comme potentiel énergétique consacré à la contraction musculaire, se trouve être de cette facon tout à fait indirecte, — MM. A Chauveau, Tissot et de Varigny démontrent que les principes gras introduits dans l’organisme par le tube digestif et en voie d’assimilation ne participent pas, en quoi que ce soit, d’une manière directe, à l’exé- cution du travail musculaire. — MM. A. Hébert et G. Truffaut étudient la culture des cyclamens de l’erse etmontrentqueles méthodes habituellement employées dans la grande culture ne conviennent plus toujours quand il s’agit de la production des fleurs. Si la distri- bution de matières fertilisantes détermine bien tou- jours une production abondante de malières végétales, celte production porte, dans le cas éludié, sur les feuilles et non sur les fleurs, ce qui est contraire aux intérêts de l'hortliculteur. — M. A. Amaudrut commu- nique ses observations sur les poches buccales et les poches œsophagiennes des Prosobranches. — M. C. Sauvageau éludie la distribution des Algues dans le golfe de Gascogne; il conclut que la flore algo- logique du nord de l'Espagne appartient à la même région naturelle que celle de Bretagne. La Corogne constitue la limite septentrionale de la flore hispano- canarienne. — M. V. Paquier élablit que les Caproti- ninées ont apparu dès l'Urgonien (Barrémien supérieur ou Aptien inférieur) ; elles y possèdent des caratères assez primitifs et leurs affinités les plus nettes sont avec les Sellwa de Sicile. — M. B. Renault communi- que les résultats suivants: 1° Les bactéries existent sur les végétaux en décomposition du terrain dévonien ; 2° Ce sont les plus anciennes que l’on connaisse; 3° Le Micrococcus devonicus À est la cause de l’absence de ponctuations dans le genre Aporoæylon d'Unger; 4° Le Micrococcus devonicus B détruisait les membranesmoyen- nes. — M. Th. Guilloz décrit l’appareil qu'il emploie pour la photographie de la rétine et présente quelques- unes des épreuves qu'il a obtenues. — MM. E. Gley et V. Pachon communiquent une nouvelle série de recherches, montrant que tout moyen qui diminue ou suspend l'activité hépatique entrave l'action anticoa- gulante de la peptone. — M. Nicolas de Bykov adresse une note relative à un moyen de guérison du choléra. — M. Letheule adresse une note avant pour titre : Durée de la révolution du sang. L. Bruwer. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 2? Juin 1896. M. le Président annonce le décès de M. Stoltz, associé national. — L'Académie procède à l'élection de deux correspondants étrangers dans la vie division (Physique et Chimie médicales, Pharmacie). MM. Bunge (de Bâle) et Schmiedeberg (de Strasbourg) sont élus. — M. Charpentier analyse un mémoire du D' Robert (de Pau) relatif à un cas d’éclampsie puerpérale, sur- venu au septième mois de la grossesse, avec accouche- ment forcé par la dilatation manuelle progressive, le col ayant toute sa longueur et n'étant nullement dilaté; la malade guérit. M. Charpentier croit que l'accouchement forcé ne doit être pratiqué que dans certains cas tout à fait exceptionnels et par des accou- cheurs prudents et expérimentés. — M. E. Nicaise à étudié l'emphysème sous-culané qui se produit souvent à la base du cou pendant les accouchements difficiles. D’après lui, cet emphysème est dù à la rupture de la trachée distendue ou d'un point faible des grosses bronches. Celte complication présente le plus souvent peu de gravité; lorsqu'elle se produit, il faut terminer l'accouchement le plus tôt possible, ou faire cesser la douleur etles cris par l'administration du chloroforme. — M. Chantemesse envoie un mémoire sur les huilres et la fièvre typhoïde. II cite des accidents et un cas de mort par la fièvre typhoide düs à l’ingestion d'huitres crues ayant été contaminées par des eaux souillées, En outre, il prouve expérimentalement que des huitres quelconques, ayant été placées dans de l’eau de mer souillée intentionnellement de déjections typhiques, renferment ensuite le bacille typhique. La plupart des pares à huîtres élant situés près de l'embouchure de rivières ou de canaux charriaat des déjections de toute sorte, il serait nécessaire de prendre des mesures de surveillance pour assurer l’innocuité des huitres qui y sont conservées. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 23 Mai 1896. M. Gley confirme l'influsnce du foie sur l'action anticoagulante exercée par les peptones sur le sang. — M. Contejean admet aussi l'influence prépondérante du foie, mais pense que d’autres organes, comme l'in- testin, agissent dans le même sens. — M. Lapicque croit que le chlorure de sodium n’est pas indispen- sable à la vie, certains peuples sauvages n'en faisant pas usage et consommant des sels de potasse. — M. Sanson fait remarquer que les herbivores, absor- bant beaucoup de sels de potasse, sont cependant friands de sel marin: en outre, quand les herbages sont de mauvaise qualité, ilest indispensable d’y ajou- ter du sel marin. — M. Contejean ajoute que les chevaux qui n’absorbent que des sels de potasse ne peuvent vivre si on ne leur donne du sel marin. — M. Féré montre un coqqui présente une rotation du cou et un renversement de la tête avec secousses con- 590 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES vulsives. — M. Girard (de Toulouse) envoie une note sur la fermentation de l'acide urique pardes bactéries. — M. Malassez envoie une note sur les prétendus | liquides conservateurs des globules sanguins. | Séance du 30 Mai 1896, MM. Gley et Camus ont montré que l'élévation de la pression artérielle était sans influence sur l’action anticoagulaute de la peptone. — M. Langlois à ob- | servé le même fait, — MM. François-Frank et Hal- lion ont étudié l'innervation vaso-motrice du pancréas et du foie à l’aide de l’exploration volumétrique de l’organe. — M. P. Carnot a constaté, dans la salive, la présence d’un ferment d’oxydation, secrété par les glandes salivaires et les glandules de la muqueuse buccale. — M. E. Claude, ayant injecté des cultures filtrées de streptocoques et de staphylocoques à des cobayes, a observé l’apparilion de myélites à évolu- tion rapide. — M. E. Berger décrit les phénomènes caractéristiques de l’anesthésie, dans les affections oculaires, au moyen d’un nouveau composé, l'eucaine, quise rapproche de la cocaïne. — M. J.-B. Charcot rapporte l'observation d’un cas de signe de Romberg, apparu subitement chez un individu atteint d’ataxie lo- comotriceet d'’amaurose tabétique, et disparaissant progressivement, — M. Hallé décrit les transforma- tions de l'épithélium des voies urinaires dans les cas d'inflammation. — M. Petit envoie une note sur l’'hy- pertrophie des capsules surrénales après injection de toxines létaniques et dipthériques. M. Hallion est élu membre titulaire de la Société, Séance du 6 Juin 1896. M. Gley à constaté que l’addition de peptone retar- dait la coagulation du lait par la présure. — M. Dastre a trouvé que le sang rendu incoagulable par la peptone renferme cependant tous les éléments nécessaires à la coagulation; pour lui, la non-coagulation ne serait qu'une question d'équilibre des substances salines. — Au contraire, d'après M. Malassez, les globulesblancs et les globulins qui en dérivent seraient les facteurs de la coagulation. — M.P. Delbet a recherché expé- rimentalement l’action du lavage du sang; il relève la pression artérielle et augmente le débit de l'urine, mais n'a pas d'action surles infectionsen elles-mêmes. — D'après M. Dastre, lelavage du sang agit surtouten facililant l'élimination par le rein des poisons micro- biens. — M. Melnikoff envoie diverses pièces anato- miques préparées par un nouveau procédé; elles sont fixées par la formaline et conservées dans l’acétate de potasse,auquel on peut ajouter de la gélatine. — M. Verdin envoie un nouveau dynamomètre, facile- ment transformable en dynamographe. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 8 Mai 1896. M. Bertrand a reconnu qu'il existe entre la consti- tulion chimique des composés organiques et leur oxy- dabilité sous l’influence de la laccase les mêmes rap- ports que ceux qu'ont observé MM. A. et L. Lumière, relativement au pouvoir développateur des corps | organiques en photographie. Les corps que la laccase | peut oxyder appartiennent à la série aromatique et ont subi au moins deux substilutions hydroxylées ou amidées dans le noyau. L’oxydabililé, très rapide si les groupements fonctionnels sont en position para, marche encore bien pour des groupements en position ortho, mais devient nulle pour la position méla, M. Bertrand, en étudiant le noircissement de divers sucs végétaux, à reconnu que ce phénomène est dû à l'oxydation de la tyrosine de ces sues sous l'influence d'un nouveau ferment oxydant, la lyrosinase., Les ra- cines de betterave, de dahlia, beaucoup de champi- nous, les russules notamment, renferment ce nouveau ferment. Ce composé qui vient prendre place à côté de la laccase dans la série des ferments oxydants est beaucoup plus altérable que celle-ci par la chaleur ou les réactifs; de plus, son action sur la tyrosine le dif- férencie nettement de la laccase, inactive dans ces con- ditions. — M. Grimaux a essayé de transformer l’ané- thol en estragol. 11 a reconnu l’inexactitude de lex- périence de Cahours relative à la fixation de l'acide chlorhydrique sur l’anéthol. H se forme un composé dimère de l’anéthol que l’on obtient aussi par l’action dela chaleur seule.—M, Béhal a présenté deux notes de M. Prud’homme sur les parafuchsines benzylées dans un ou deux noyaux phényliques, et M. A. Combes une note de M. Collet sur l’action du chlorure de propio- nyle bromé sur le benzène en présence du chlorure d'aluminium, Séance du 22 Mai 1896. M. Thomas a obtenu l’oxybromure de bismuth BiOBr et l’oxyde B20* par l’action du peroxyde d'azote sur le tribromure et le triiodure de bismuth, Il n’a pas obtenu l’oxyiodure BiOI, car celui-ci est attaqué à froid par le peroxyde d'azote et transformé en oxyde. L'action de l'air sur les tribromure et iodure de bismuth est analogue ; on oblient alors les oxybro- mure et oxyiodure BiOBr et BiOI; mais, à chaud, l’oxyiodure est converti en oxyde. Avec le bichlorure de bismuth, le peroxyde d'azote donne aussi l’oxychlo- rure BiOCI.— M.Délepine, en chautlant en tube scellé le trioxyméthylène et l’eau, a obtenu de l’acide carbo- nique, de l’acide formique et de l’alcool méthylique. Il croit que la formation d'alcool méthylique n’est pas accompagnée nécessairement de la formation d'acide formique ; elle peut s'expliquer par la formule : 3CH?0 + H?20 = CO: + 2CH10. — M. Moreigne a extrait de la plupart des Crucifères un nouveau principe qu'il désigne sous le nom de raphanol. Ce corps répond à la formule C2H*S0 Il fond à 62°, est volatil avec la valeur d’eau, insoluble dans les alcalis, à froid; il se dissout à chauë et l’on obtient le corps primitif par l’action des acides sur la solution alcaline. Ge corps donne de plus un composé acétylé. Ilse conduit comme une lactone alcool. — M. Prud' homme a étudié l’oxydation des fuchsines par le bioxyde de plomb et l'acide acétique. Avec quatre molécules d’oxydant le vert malachite, le vert Helvétie, le violet hexaméthylé donnent de nouveaux colorants; on arrive à obtenir de la benzidine alcoylée avec huit molécules d'oxydant. La fuchsine, en pré- sence de six molécules d’oxydant, donne de la benzi- dine et d’autres produits. E. CHaron. SECTION DE NANCY Séance du 20 Maui 1896. MM. A, Haller et Guyot, en faisant agir l’oxychlo- rure de phosphore sur l'acide tétraméthyl-diamido- triphénylméthane ortho-carbonique en solution dans la diméthylaniline, ont obtenu l’anthranol correspon- dant : 7 C'H*Az (CH)? C PA NN hetrre Jo : | CSH#A7(CHS): C HiX € / “OH Ce composé se dépose de ses solutions dans le toluène bouillant en gros feuillets renfermant une demi-molé- cule de toluène de cristallisation, Cet anthranol qui n’est pas soluble, même à chaud, dansles alcalis, forme avec les acides des sels bien cristallisés. Chauffé vers 200, il devient fortement phosphorescent, sans doute à la suite d’une légère oxydation. Il diffère dans toutes ses propriétés de la leucobase du vert phtalique décrite par Fischer (Annalen t. 206 C. 1108) et que ce savant considère également comme du tétraméthyl- diamidophénylanthranol. Une solution aqueuse du chlorhydrate additionnée de perchlorure de fer se colore ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES instantanément en un bleu très intense et très pur, par | suite de la formation d'oxanthranol:; mais le bleu ainsi obtenu disparait lentement à froid ettrès rapidement “à chaud. Les auteurs se proposent d'étudier plus com- | —plèlement le mécanisme de cette décoloration, qui | semble due à une simple hydrolyse, dans le sens de l'équation : Ci Ne CSHTAz(CHS)? HO CSHAz (CH)? He NcoHsAzCH2-LHI0=COHL NN GHA7CH)2HCI CA 192 HAz(CHS)3+ Neot (R Z( ) Matière colorante Produit incolore M. Muller a étudié par le procédé cryoscopique les mélanges de soude et de potasse avec les anhydrides “arsénieux et borique. Il conclut des abaissements obtenus qu'il est impossible d'attribuer aux métaarsé- nites et aux métaborates alcalins en solution aqueuse “les formules doubles proposées par Walden ! et “déduites de la conductibilité. L’accroissement anormal de la conductibilité doit être attribué à l’Aydrolyse et les formules des métaarsénites et des métaborates sont simples : Na As O?, Na BO?. Il se propose de véri- lier ces formules au moyen de la conductibilité en essayant de supprimer l'hydrolyse. — M. Guntz a étudié l’action du lithium sur les carbures d'hydro- . gène. Au rouge, l’action du lithium sur l’acétylène est “lente; il y a formation de carbure et d’hydrure de lithium, environ . de ce dernier dans les conditions de l'expérience, et dépôt de charbon. Les proportions de ces composés varient avec la température de l’expé- rience, Avec l’éthylène, l'absorption du gaz est très rapide au rouge, elle est intégrale et se passe en très grande partie suivant l’équation : C?Hi + 6Li = C?2Li +4LiH. Avec le méthane, dans les mêmes conditions, l’absorp- tion est également très rapide, mais ne semble pas complète; il n'y a pas trace de carbure C? Li? formé, —_carau contact de l’eau il n'y a pas formation d'acéty- “iène et le gaz dégagé est de l'hydrogène pur. M. Guntz compte rechercher sous quelle forme le carbone du mélhane se trouve. — M. Klobb, poursuivant ses recherches sur l’éther phénacyleyanacétique, a étudié Vaction des alcalis sur les dérivés de substitution méthylés, éthylés, etc., de ce dernier : , CAz C5H5—CO—CH?—C(Cn H2n+i) J N CO2CrH2+1 La potasse agit différemment selon qu’on opère à froid ou à chaud. A froid, et en présence de 4 molécule de potasse, il y a simplement saponification de la fonc- tion éther; mettant à profit cette réaction, l’auteur a préparé les acides : s € Az CSH5— CO—CH?2—C(CH3) \ fondant à 1720 C 2 I" Méthylphénacylcyanacétique CAz CGH5—CO—CH?—C(C2H°)/ fondant à 1930 N CO?H D — I © Ethylphénacylcyanacétique Az CSH5—CO—CH2—C(C3H') fondant à 1889-1890 Nco’H = ñn-propylphénacylcyanacétique C'H5—CO—CH?—C(C:H°)/ fondant à 1180 NCo?H I," Benzylphénacylcyanacétique nn «+71 48 Déchyt [ur physikalische Chemie t. T, p. 529, t. I, . 591 Si, au contraire, on fait bouillir avec un excès d’alcali, la molécule se scinde, et ilse dégage de l'ammoniaque : on obtient dans ce cas de nouveaux acides non azotés dont l’auteur s'occupe actuellement. — MM. Meslans et Girardet continuent l'étude des fluorures d'acides préparés par le procédé général indiqué par M. Meslans. Ils ont préparé successivement par ce procédé les fluorures de butyryle normal et d’isovaléryle. Le pre- mier de ces corpsest un liquide assez stable, bouillant à 65°, dont la densité à 12° est 0,9450. Il présente les propriétés générales des corps analogues. Le second est plus stable encore que le précédent, Il bout à 82°, sa densité est de 0,9130 à 13°; il exhale, de plus, une forte odeur de valériane et ne se détruit que très len- tement. — M. Guinchant signale la formation de nouveaux dérivés deséthers cyanacétiques, obtenus en versant un éther cyanacétique sodé au sein de l’éther anhydre, dans le chlorure d’acétyle en quantité équi- moléculaire, La molécule de ces corps est la somme d’une molécule d'éther cyanacétique et d’éther acétyl- cyanacétique ; on peut les appeler éthers acétylbicyana- cétiques. L’acétylbicyanacétate de méthyle. C10H1205Az2? fond à 1010 L'acétylbicyanacétate d’éthyle.... Cl2H160%A7? fonc à 830 Ce sont des corps bien cristallisés, présentant une fonction acide très faible ; ils possèdent la pro- priélé caractéristique déjà commune aux tricélones et aux élhers isonitrosés de donner une coloration jaune intense en présence d’une trace d’alcali, Différentes considérations conduisent M. Guinchant à attribuer à ces corps la constitution représentée par la formule : CAz NCH—C(0H)—CH£ COR” \ CHE CAz CO?R A. HALLER. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES J. Norman Lockyer. F,R.S,: Sur les nou- veaux gaz obtenus de l’uraninite. (6° note). — Dans mes précédentes communications!, j'ai montré que la distribution générale et l'intensité des lignes du spec- tre des gaz de la brüggérite concordent tellement avec celles de quelques « lignes inconnues » de la chro- mosphère solaire et des étoiles qu’on peut les identi- fier à coup sûr; je désire montrer ici combien mes recherches détaillées sur les longueurs d'onde de ces lignes contribuent à renforcer cette conclusion, — Ligne jaune x —=5875,9. Ayant recu du Pr Ramsay une petite quantité de gazobtenu de la clévéite, je fis avec M. Fowler une détermination provisoire de la longueur d'onde de la ligne jaune, par comparaison micrométri- que avec les lignes D du sodium; le résultat fut 5875,07 au réseau de Rowland. J'en conclus que cette ligne se rapprochait de la ligne chromosphérique D,, dont la longueur d’onde, d’après Rowland, est de 5875,98. Le tube ayant été trop noirci par la décharge pour servir de nouveau, je préparais moi-même un peu de gaz en chauffant la broggerite dans le vide. Une nouvelle dé- terminalion donna la longueur d'onde 5876,0. Une comparaison directe avec D, de la chromosphère solaire montra que les lignes étaient très près l’une de l’autre. Une autre comparaison directe fut faite avec un nouvel échantillon fourni par le Pr Ramsay: on se servit d’un réseau ayant 14.438 traits au pouce, observé au moyen d'un très fort microscope, Pendant le peu de tempsque le tube fut très brillant, on apercut une fine ligne, un peu moins réfrangible que la large ligne jaune et faisant un double étroit avec elle; les lignes disparurent ensuite. Pendant que les lignes étaient 1 Revue générale des Sciences du 30 octobre 1895, p. 925; du 15 novembre 1895, p. 991; du 45 janvier 1896, p. 41; du 15 mars 1896, p. 213; du 30 avril 1896, p, 427. 592 brillantes, on trouva que la plus petite ligne était plus réfrangible que D, d'environ la largeur de la ligne même, La diminutton de largeur de la ligne rendit moins certaines les observations suivantes; toutefois on observa que la ligne du gaz était devenue moins réfrangible que D, de la même quantité qu'elle s'était trouvée plus réfrangible à la première observation. Si on donne une égale valeur aux deux séries d’observa- tions, on conclut que la ligne du gaz coïncide avec le milieu de la ligne chromosphérique ; si on donne une plus grande valeur aux premières observations faites dans les conditions les plus favorables, la ligne du gaz est alors un peu plus réfrangible. Runge et Paschen ont également reconnu que la ligne jaune du gaz de la clévéite était double, aucune composante n'ayant exac- tement la même longueur d'onde que D,. Cette con- firmation de mes résultats m'engagea à observer de nouveau la ligne D, de la chromosphère pour voir si elle était double, Placé dans des conditions très favorables, j'observais que cette ligne est réellement double ; sa composante est très fine et placée du côlé du rouge; la ligne de démarcation entre les deux composantes n’est pas très bien marquée. Ces résul- tats ontété confirmés et complétés par les observa- tions du Dr Hale et du D' Huggins. Le fait que la ligne est double à la fois dans le gaz et dans la chromo- sphère, que la composante la moins réfrangible est la plus fine dans les deux cas, ajouté aux résultats des comparaisons directes qui ontété faites, amène donc à la conclusion suivante : « Il est extrêmement pro- bable qu'un des gaz de la elévéite est identique à celui qui produit laligne D, de la chromosphère, — Ligne bleue 1— 4%71,8. La détermination provisoire de la longueur d'onde d’une large ligne bleue, observée dans le spec- tre des gaz de la clévéite, me montra qu’elle se rappro- chait d'une ligne dela chromosphère ayant un: fré- quence de 100. La comparaison directe avec la chro- mosphère fut faite par M. Fowler; quoique assez diffi- cile, elle montra la coïncidence des deux lignes. Cette ligne bleue n'apparaît pas dans le spectre de tous les gaz qui offrent la ligne jaune. Cette ligne a une grande importance dans le spectre des nébuleuses et d’un grand nombre d'étoiles. — Ligne infru-rouge à — 7065,5. Avec D, et la ligne 4471,8 cette ligne infra- rouge offre, suivant Young, une fréquence de 100 dans Æ ë 2 Ê US CD IINRE a a 4 A ar Es Er MEANS EE É | 24 NES = BA 2e Ë SAONE MEME) Pise ce SR ENERE 5 È ë À À = — rs O g 3 A Es A A À frequence! AR 1R 1R 1R 7065.5 | 7064.0 100 de SAMAIRE 252 7065.5 6618.3 | 6676.9 DEF] LS 7. : 6618.1 6371.6 | 6310.5 5 | 6547.3 | 6346.2 10 6141.9 | 6140.6 35 6122.,43| 6121.43 5 6065.7 | 6064.5 5 5991.6 | 5990.0 15 5875 58174.9 100 5876.0158176.0| 5816.0 |5876.0 5429.9 | 5428.8 8 D404.1 | 5403.14 5 5048.2 | 5047.8 2 5047. 1 5015.8 | 5015.0 30 ne 5015.9 4922.3 | 4921.3 30 92 492% 4922.6 #713.4 | 4712.5 9 |5513. 214716 1713.4 4411.8 | 4471.2 | 400 |z471 814472 &411.5 :389.3 | 4° 1 |:290. 014390 1386 .3 4026.5 25.9 15 1026.0/4026 4026.1 3964.0 | 3963.5 EE de 3964.8 3888.71 | 3888.0 = pro- probable 3888.5 bable la chromosphère. Cette ligne a été observée dans le spectre des gaz obtenus de la brüggérite et de l’eusé- —— Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 —— ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES jusqu’à présent dans la chromosphère. Le tableau ci- joint donne les principales lignes bien étudiées des. nite; par comparaison directe, j'ai trouvé qu’elle cor: respondait avec la ligne de Young. M. Deslandres, dev Paris, a également observé ces lignes dans les gaz de la clévéite. — Autres lignes. Les déterminations des longueurs d'onde de bien d’autres lignes ont été faites, etiln'y a aucun doute qu’elles coïncident avec des lignes de la chromosphère, des nébuleuses ou des étoiles blanches. Il est probable que beaucoup de lignes notées, et dont on ne peutencore fixer l’origine, appartiennent à des gaz qui n’ont pas été reconnus nouveaux gaz et qui coincident très probablement. avec des lignes de la chromosphère, de nébuleuses ou d'étoiles. D’autres lignes coïncident peut-être avec des lignes de la chromosphère, mais elles ne sont pas encore assez étudiées pour figurer dans ce tableau. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Récentes communications. M. Fleming : « L'effet Edison. » Il s’agit du fait sui- vant : Si une plaque de métal est placée à l'intérieur de la boucle d’une lampe à incandescence, un galvano- mètre dont une des extrémités est reliée à cette plaque de métal et l’autre au fil conducteur positif de la lampe indique un courant qui va du fil positif à la plaque. Mais si c'est au fil négatif et à la plaque qu'on relie le galvanomètre, aucun courant ne passe. M. Fleming, en réunissant les armatures d'un condensateur : 1° aux deux fils, 2 à la plaque et au fil négatif, puis déchar- geant dans chaque cas le condensateur dans un balis= tique, a montré qu'après un certain laps de temps, qui dépend de la position de la plaque, si la lampe tra vaille à raison de 4 watts par bougie, le potentiel de la plaque tombe à celui de la borne négative. Si la plaque au lieu d’être à l’intérieur de la boucle du filament, est extérieure, alors le temps qu’elle met à prendre le potentiel du fil négatif est beaucoup plus long. L'espace compris entre la plaque et le fil négatif présente une sorte de conductibilité unilatérale, car une pile de faible voltage est capable d'envoyer un courant de la plaque au fil négatif, mais non dans le sens opposé. Si, au lieu d'employer un métal froid, on se sert d’un second filament, maintenu à l’état incandescent au moyen d’une pile isolée, alors on peut obtenir un cou- rant entre ce filament et, soit le fil positif, soit le fil négatif. Si le voltage de la lampe est poussé bien au- delà de celui qui est nécessaire pour donner une bougie pour # watts, on peut alors faire passer le courant de la plaque au fil négatif, tandis qu’un galvanomètre réuni à la plaque et au fil positif indiquera le passage d'un courant du fil positif à la plaque, Quand la lampe est dans ces conditions, l’espace entre la plaque et le fil négatif est très sensible à l'influence d’un champ magnétique transversal : un pareil champ magnétique produit un accroissement considérable de la résistance: En actionnani la lampe avec un courant alternatif, om peut obtenir un courant continu passant de la plaque à l’un ou l'autre des deux fils. Si l'on entoure chacun des fils d’un petit cylindre de platine, on peut obtenir un courant entre chacun des cylindres et le fil positif, mais pas de courant entre deux cylindres. On a l'effet le plus sensible quand on réunit au fil positif un cylindre tout près de l'extrémité du fil négatif, L'auteur estime que ces expériences montrent que la résistance d’un tube à vide au passage de la décharge serait grande= ment réduite si la cathode était rendue incandescente, M. S. P. Thompson présente diverses observations, eb demande en particulier quel est le degré du vide des lampes employées. M. Fleming répond que l'on a employé des lampes ordinaires du commerce, —= M. Serle lit un mémoire de M. Morton : « Remarques sur l'effet électromagnétique de charges en mouve=. ment », mémoire d’un caractère purement mathéma- tique. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. À és ce A : 2” NE Fa F 7e ANNÉE | N° —— 13 15 JUILLET 1896 REVUE GÉNÉRALE S DUIENC PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER UN NOUVEAU LIVRE SUR L'ATOMISME LA CRITIQUE DE M. A. HANNEQUIN SUR L’'HYPOTHEÈSE DES ATOMES DANS LA SCIENCE CONTEMPORAINE ! _IlLest tout un ensemble de problèmes, les plus mystérieux de tous, peut-être, où les domaines de la Philosophie et de la Science proprement dite se confondent. Nous ne sortirons donc pas du cadre de la Æevue en parlant de la thèse de Doctorat ès lettres que M. Hannequin a consacrée à la discus- sion d'un de ces problèmes : celui de l'existence et des propriétés des atomes. Il On nous permettra de dire, au préalable, un mot de l’auteur lui-même. Les métaphysiciens, aujourd'hui, sont unanimes à chercher pour leurs spéculations un fondement scientifique. Mais qu'un professeur de philosophie, c'est-à-dire un esprit à culture et éducation exclusivement litté- raires et philologiques, ne s'en tienne pas, en matière de science, à des ouvrages de vulgari- sation et de seconde main, qu'au prix d'un labeur personnel opiniätre, il aille chercher la-science à sa source, qu'il approfondisse des ouvrages où les professionnels mêmes n’évoluent pas trop à l'aise, 1 HannequiN (ArrauRr), chargé d’un cours complémentaire de Philosophie à la Faculté des Lettres de Lyon : Essai crilique sur l'hypothèse des atomes dans la science contemporaine. — Thèse de doctorat de la Faculté des Lettres de Paris, soute- nue en Sorbonne. — Un vol. in-80 de #19 pages. — G. Mas- son, éditeur, 120, boulevard Saint-Germain, Paris, 1896. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. voilà ce qui est encore lout à fait rare el excep- tionnel. M. Hannequin a accompli tout cela. Il a, lu : DunanEL : Éléments du Culeul infinitésimal : Loruar-MEYER : Les théoriesmodernes de la Chimie : Canror : Mémoires sur les Ensembles : PorncaRÉé: Théorie mathématique de lu Lumière ; Wurrz, et DEDEkIND, et souvent MaxweLz et beaucoup d'autres, sans préjudice, bien entendu, des auteurs purement philosophiques, anciens ou modernes. A travers le dédale des démonstrations et des raisonnements, l’auteur sait démêler dans cha- que ouvrage ce qui est important pour le pro- blème proposé. Sa thèse (notre ami Hannequin permettra de dire cela à un témoin de ses efforts est le fruit d'une méditalion intense et d’une éru- dilion hors ligne. C'est ainsi, du reste, que le tra- vail à été jugé et par le jury en Sorbonne et parle public d'élile qui assistait à la soutenance. Pour instituer la science, l'homme doit postuler d’abord l'existence de son objet: le monde exté- rieur. Mais il lui faut postuler ensuite la possibi- lité de la science, c'est-à-dire l'intelligibilité de l'Univers. d'admettre entre les 13 On est bien forcé M4 lois de la Nature et celles de notre esprit l'harmo- nie, sans laquelle la connaissance ne serait qu'une hallucination. Seulement, toute théorie qui s’ap- puiera sur cette hypothèse sans preuves, possèdera probablement un caractère subjectifet artificiel, qui déguisera pour nous la véritable physionomie du Cosmos. C’est ce caractère que l’auteur s'efforce de démêéler « effectivement ». Il fait, en un mot, comme le physicien qui, étudiant au spectroscope la constitution chimique du Soleil, cherche à éli- miner les raies d’origine tellurique. Pour l’auteur, l'explication mécanique de l'Uni- vers (masses et mouvement) repose sur la concep- tion des atomes. Cette hypothèse serait à la fois nécessaire et contradictoire. Il y aurait antinomie irréductible entre le Vrai, qui dérive de la constitu- tion de la Connaissance, et le Réel. La conciliation et le mot de l'énigme ne peuvent être demandés qu'à la Métaphysique. Pour circonscrire la discussion, l’auteur accorde d'emblée, comme déjà établi, que tout est Physi- que ou Chimie dans l'explication de la Nature, que la Physico-Chimie est ramenée à la Dynamique et celle-ci à l'Analyse el à la Géométrie. Voilà les quatre sciences qu'il passera en revue et où il montrera à la fois l'importance et la faiblesse de l'Alomisme. 1° Analyse et ('éométrie. — L'Alomisme, en Analyse et Géométrie, consiste dans l'emploi du nombre, — qui vient fictivement fragmenter la continuité essentielle de la longueur et de la quantité, — et de l'infiniment petit, cet étrange amalgame de l'être et du néant. Ici se place l'exposé de la théo- rie des « ensembles » de Cantor, ingénieuse et tenace tentative pour reconstituer le continu avec la discontinuité de l'élément numérique. On sait que la tentative a échoué. . 2° Mécanique. — L'Univers n’élant composé que de masses en mouvement, l'atome est indispen- sable, comme support de la masse. Or, cet atome ne peut être à la fois élastique et insécable ; le nombre des atomes ne peut être ni fini ni infini. 3 Physiqueet Chimie. — L'atome, aux propriétés duquel se ramènent la Physique et la Chimie, est dif- férent dans chacune de ces deux sciences. L’atome chimique n’est pas le fragment ultime de l’éther luminifère. Cependant ils doivent tous deux évo- luer dans le même espace. La discussion précédente forme la matière du livre premier. Le second, sur lequel nous serons très bref, est purement mélaphysique. Prenant pour guide le principe de causalité, L. AUTONNE — UN NOUVEAU LIVRE SUR L'ATOMISME ——_——— l’auteur constitue le Réel avec des individuulités distinctes, douées d'une certaine spontanéité. Leur action réciproque engendre le perpétuel Devenir. Ces individualités ressemblent assez aux monades de Leibnitz, avec la solidarité en plus. Avec Kant, l’auteur, alors, continue ainsi: la perception du Réel, pour pénétrer dans notre Con- naissance el y devenir le Vrai, doit s'étendre sur une sorte de lit de Procuste, qui est la double notion «priori de l'Espace et du Temps, et s'y traduire en figure et mouvement. C’est ainsi qu'apparaït la matière première sur laquelle travaille la Science et qu’elle agence sui- vant l'hypothèse atomique. La formule définitive de la Thèse est celle-ci : l’Atomisme et le Mécanisme sont des wppurenres, car ils enveloppent des contradictions, mais des apparences bien fondées, c'est-à-dire conformes aux lois de notre esprit. 1 Il est impossible de méconnaitre la profondeur des explications que nous venons de résumer d’une facon si rapide et si incomplète. Est-ce à dire, néanmoins, qu'il faille souscrire à toutes les conclu- sions de la Thèse? Assurément non. Laissons de côté la partie purement métaphy- sique, dont l'examen dépasserait le cadre de la Revue el les limites d'un simple article. Bornons- nous à discuter la critique de l'hypothèse atomis- tique dans la science proprement dite. Cette notion des atomes est-elle, parce qu'elle enveloppe des contradictions, une simple apparence? \ y a bien à dire sur la question : Une hypothèse scientifique est surtout un ins trument de recherches; elle a pour but de provo- quer et de suggérer des raisonnements, des obser- vations. Elle est donc éminemment provisoire; l'imperfection est son caractère naturel. La con- tradiction même {on l’a bien vu pour certaines idées de Maxwell n'est pas pour une théorie une tare irrémédiable. Tout cela est tacitement con- venu entre les savants; pour ainsi dire, cela va de soi. Personne ne prend une hypothèse rigoureu- sement au pied de la lettre. On la traite avec « le demi-scepticisme, qui est pour le savant le com- mencement de la sagesse !. » Nous trouvons que l’auteur serre de trop près l'hypothèse des atomes: il luidemande ie el nunc l'explication du Cosmos. Le procédé estlégèrement inquisitorial. C'est un peu faire comme Énée: Frustra ferro diver berat umbras. Pourquoi aussi perdre espoir devant les contra- Re MORE ©.) CR ne 1 Paroles de M. H, Poincaré au cinquantenaire ae M. J. Bertrand. he L. AUTONNE — UN NOUVEAU LIVRE SUR L'ATOMISME 295 dictions actuelles des théories et recourir si vite à l'expédient ultime de la Métaphysique? LEA: A-t-on affaire à une apparence bien fondée, c'est-ù- dire à une nécessité loyique ? Pas davantage, croyons nous. L'auteur fonde sa démonstration sur la dis- cussion des procédés dont se sert, par exemple, le mathémalicien (notion de l'infiniment pelil. c’est-à-dire de la limite) ou le physicien duction de l’éther en Oplique), ele. Or, quel- ques penseurs ne voient dans ces diverses mé- thodes qu'une terminologie spéciale, commode, mais uon indispensable, une sorte de métaphore continue, deslinée à illustrer et à suggérer des calculs. | Ceux-là opposeraient à l’auteur, au point de vue des conséquences objectives de sa critique de l'Atomisme, une fin de non-recevoir pure et simple. L'Atomisme ne serait ni une apparence bien fondée, ni même une apparence, mais uniquement un langage conventionnel. Mais n’allons pas si loin. Rappelons la récente el relentissante polémique entre MM. W. Ostwald, A. Cornu et Marcel Britlouin ! sur la « Déroute de l'Atomisme ». On pensera ce que l'on voudra des assertions de M. Ostwald, mais la polémique n'aurait pu naitre, nila question surgir, si l'Alo- misme avait effectivement été une nécessité lo- gique. pe Il semble donc qu'il y a des réserves à faire sur la conclusion générale de la thèse. Cerlains points de détail aussi ne paraissent pas péremptloires. Telle est, par exemple (pages 136- 142) la démonstration que le nombre des atomes ne peut être infini avec une masse finie totale de l'Univers. On se tirera d'affaire en attribuant aux atomes des masses infiniment petites, ce qui ne nous parait pas choquant. ; La Géométrie non euclidienne? occupe aussi une inlro- ! Voyez dans la Revue générale des Sciences du 15 no- vembre 1895 : W. OsrwaLD : La déroute de l’atomisme con- temporain, et, dans la Revue du 15 décembre 1895: A. Corxt: L’atomisme est-il en déroute? et M. Briccouw: Pour la matière; enfin, dans la Revue du 30 décembre 1896, la ré- ponse de M. Ostwald. ? Sur les géomélries non euclidiennes, voyez l'article que | place bien petite pages 365 à 367). La nécessité logique de l'espace euclidien a souvent été con- testée; l'auteur n'oppose aux Scepliques qu’une réfutalion bien sommaire. Assurément, c’est à propos de la droite et de la courbure ordinaires que les mathématiciens ont pensé à la droite générale el à la courbure d'un espace quelconque. Mais la marche historique des idées est-elle la marche logique? Cela reste à prouver. LV Notre réponse, on le voit, revient, en somme, à abonder dans le sens de l’auteur et à insister sur le caractère hypothèse de l'Atomisme. plus qu'il ne le fait lui-même. Surce terrain-là la Thèse ne nous à COnVaincu ni de la nécessité ni de la faiblesse de l'Alomisme. Au contraire, la critique de M. Hanne- quin parait irréfutable en tant que dirigée contre l’Atomisme (théorie séduisante. d’ailleurs. et sou- vent plausible) présenté d'ores et déja comme l'explication définitive et ultime de l'Univers. Celle critique met en garde contre les consé- quences soi-disant philosophiques, que vulgari- saleurs où publicisies fondent quelquefois sur les hypothèses dont les savants sont les inventeurs sans être les dupes. Récemment on a beaucoup parlé de la « banque- route de la science ». Nous nous garderons bien de prendre ici position dans la polémique. Un fait néanmoins parait difficilement contestable : si la Science, mère des applications pratiques, progresse vite, la Science, explicatrice de l'énigme du Cosmos, marche d’un pas incomparablement plus lent. Plus on approfondit le problème, plus on le trouve touffu et complexe. La lecture de la thèse de M. Hannequin ne peut que fortilier cette impression. L'auteur à apporté une contribution sérieuse dans la controverse. Son livre se recom- mande à l'attention des philosophes et des savants. La Aerue ne pouvait pas le passer sous silence. Léon Autonne, Ingénieur des Ponts et Chaussées, Maitre de Conférences de Mathématiques à la Faculté des Sciences de Lyon. M. H. Poincaré, de l'Institut, a donné à la Revue générale des Sciences le 15 décembre 1891, tome Il, page 769 et suiv. D: J. RÉPIN — LA STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE LA STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE L'Exposilion internationale d'Hygiène, orga- nisée au Champ-de-Mars en 1895, nous a montré la première réalisation pratique d'une idée qui avait déjà séduit bien des esprits : la stérilisation des eaux potables par l'ozone. Cette idée vient de recevoir des expériences microbiologiques et chi- miques de M. van Ermengem, en Belgique, et de notre compatriote M. Marmier, à l'Institut Pasteur de Paris, une consécration décisive. L'heure semble donc bien choisie pour indiquer l’état précis de cette grande question. Nous consi- dérerons successivement la marche des recherches, le matériel que requiert une épuration vraiment industrielle, et les résultats obtenus. I. APPAREILS PRODUCTEURS D'OZONE. Parmi tous les agents d'épuration chimique des eaux, l'ozone n’est pas seulement l'un de ceux qui possèdent les propriétés microbicides les plus énergiques, c'est encore le seul qui se détruise spontanément, après avoir agi, sans laisser aucune trace fâächeuse de son passage; par rapport à la stérilisation par la chaleur, il offre l'avantage de ne pas désaérer l’eau et de nécessiter une moindre dépense; sur les filtres, il possède cette supério- rité incontestable de détruire non seulement les germes vivants, mais aussi les substances orga- niques dissoutes dans l'eau. C'est là plus qu'iln’en faut pour expliquer la faveur qui s'était attachée, en théorie, à ce procédé de stérilisation. Toule la difficulté était de construire un appareil capable de produire économiquement de grandes quantités d'air ozonisé. Cette difficulté semble aujourd'hui puisqu'il est démontré que l’appareil qui a fonc- lionné sous les yeux du public à l'Exposition d'Hygiène se prête à d'importantes installations pratiques. Toutefois, si M. le baron Tindal et ses collaborateurs, MM. Schneller et Van derSleen, les inventeurs de cet appareil, sont les premiers qui aient atteint le but, il serait injuste d'oublier les efforts des chercheurs qui les ont précédés dans résolue, la même voie. En France, notamment, M. Gaston Seguy a beaucoup fait pour le perfectionnement des 070- nisateurs et pour l'extension des applications de l'ozone. L'appareil créé par M. Seguy, en 1871, se compose d'un faisceau de 8 à 12 lubes de verre renfermés dans un cylindre également en verre; chacun de ces tubes est lapissé intérieurement d'une lame spirale d'aluminium représentant l’une des électrodes, et revêlu extérieurement d’un fil de même mélal enroulé, représentant l’autre élec- trode. L’air à ozoniser, grâce à l'enveloppe com- mune entourant tout le système, circule autour des deux électrodes de chaque ozonisaleur, ce qui distingue cet appareil des précédents, dans lesquels on recueillait seulement l’ozone produit à l'intérieur du tube. Trois ozonisateurs de Seguy, de 30 centimètres de longueur chacun, disposés en série, peuvent donner, sous l’action d’un courant de 30.000 volts, et à une température voisine de 0°, 5 litres d’air ozonisé par minute, à raison de 36 milligrammes d'ozone par litre environ. Les appareils de M. Seguy ont rendu de grands ser- vices à l’industrie, notamment pour le blanchi- ment des plumes, de la cire, des boyaux, la déso- dorisation des huiles, la fabrication du vinaigre par oxydation de l'alcool, etc. L'auteur a depuis longtemps signalé la stérilisation des eaux comme l’une des plus importantes applications de l'ozone. Mais c'est surtoul depuis 1891 que la question est entrée dans une phase décisive. A celle époque, MM. Siemens et Halske, de Berlin, construisi- rent, sur les plans du docteur Froehlich, un appa- reil à ozone plus puissant que tout ce qu'on avait fait jusque-là. L'appareil se composait essentielle- ment de trois tubes emboilés : 1°un tube cenlral métallique, fermé à ses deux bouts, mis en rapport par des ajutages avec une circulation d'eau afin d'éviter l’'échauffement, l'ozone se décomposant, comme l’on sait, à la moindre élévation de tempé- rature ; 2°un tube moyenisolant, et3° un tube exté- rieur métallique simplement représenté par des feuilles d’étain collées sur le précédent. L'enve- loppe isolante, dont le rôle est d'empêcher l’étin- celle d’éclater entre les deux électrodes, n'élait plus en verre, mais en celluloïd. L'emploi de cette matière, moins fragile que le verre, permettait d'utiliser, sans danger de ruplure, des courants d’une intensité bien supérieure. En réunissant en série plusieurs tubes semblables, de grande dimension, aclionnés par une dynamo, M. Froeh- lich obtenait jusqu’à 3 milligrammes d'ozone par seconde et par cheval-vapeur avec une concentra- tion maxima de 36 milligrammes d'ozone par litre d'air, proportion qui ne parail pas pouvoir être dépassée lorsque l’on ozonise de l'air atmosphé- rique. Cet appareil servit à M. Ohlmüller pour d'in- téressantes recherches expérimentales, par les- quelles la valeur de l'ozone comme agent de stéri- lisation, jusque-là contestée, fut définitivement mise hors de doute. Ainsi, pour citer l’une des DENTE REÉPIN — LA STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE 997 expériences de M. Ohlmüller, cet expérimentateur parvint à stériliser absolument de l'eau distillée, contenant en suspension 3.717.000 spores très résistantes du bacille du charbon par centimètre cube, en y faisant passer, en dix minutes, cinq litres d'air ozonisé à raison de 15 milligrammes d'ozone par litre. Au cours de ces essais, M. Ohlmüller découvrit, en outre, un fait d'une grande importance : lorsque l’eau contient des matières organiques en solution, l’action de l'ozone se porte d’abord sur ces substances et elle ne commence à s'exercer sur les microbes qu'après que celles-ci ont été Lotale- ment oxydées. Dans un bouillon de culture, la destruction des microbes se trouve ainsi rendue très diflicile, im- possible même si / l'on ne peut pas | faire agir des quantités consi - El ] | Dessiccateur / } | Sterilisateurs reils, la distance entre les électrodes ne dépassail pas l'épaisseur de la paroi isolante, c'est-à-dire 2 à 3 millimètres, elle a pu être portée ici à 100 millimètres et même davantage; de plus, l'une des électrodes ayant été munie de nom- breuses aspérités, l'appareil a cessé de fonctionner comme un condenseur absorbant pour sa charge une portion considérable de l'énergie du courant, et le seul obstacle à l'emploi de très hautes ten- sions ayant disparu, on put aller bien au delà des 10 à 17.000 volts dont M. Froehlich croyait qu'il fallait se contenter. L'appareil du Champ- de-Mars utilisait des courants de 50.000 volts el M.Tindal fait en ce moment construire une machine qui fournira 100.000 volts. C'est ainsi que la distance entre les électrodes qui, dans les anciens appareils, ne dé- Predl] | [l Moteur | C'est ce qui expli- que que quelques dérables d'ozone. | |S| IE | | TÉ ë à ; | le | | S | SE passait pas 2 à 3 millimètres, à pu | | être portée à 100 expérimentateurs | tale EL | ejll miilimètres et 0 2 : SJ ù Oxonisateurs a k 2 n'aient pas réussi SE — — même davantage, à mettre en évi- TRS | Lapes Ce RR) de manière à au- dence le pouvoir Ÿ Feservoir| frierroir gmenter dans des 4 Fes ps \ 5 eau | us È microbicide de l’o- Q Die Hem bre bronisee | limites inatten - zone. ré TA dues le volume En 4893. MM. Fig. — 1. — Disposilion d'une usine à ozone du système Tindal, Schneller air soumis à l’é- À 4 el Van der Sleen. — A l’angle droit supérieur se trouve un moleur à gaz: : 5 lindal, Schneller près de lui l’alternaleur excité par une petite dynamo que commande le lectrisation. et Van der Sleen moteur à gaz. Au-dessous de ces machines est le bransformaleur. À la ; 0 sortie de cet appareil, le courant possède une force électromotrice de IL. — DESCRIPTION commencèrent les 50 000 volts et se rend aux ozonisateurs. À ces ozonisateurs est adossée la études ui de- machine réfrisérante qui les dessert. La pompe à air, située au voisinage, GÉNÉRALE D'UNE q aspire l’air atmosphérique, le refoule au travers d’un filtre d’ouate, puis JSINE A OZONE vaient aboutir à du dessiccateur (visible derrière la machine réfrigtrante) l'envoie dans le USINE À OZONE. la construction de l'appareil dont nous allons parler. Disons tout de suite en quoi con- siste la caractéristique de cet appareil. La paroi iso- lante entre les deux électrodes a été complètement supprimée et, pour remplacer la résistance que présentait cette paroi el qui est nécessaire pour empêcher la production d’étincelles, on a intler- posé sur le passage du courant, avant son arrivée à l'ozonizaleur, une autre résistance représentée par un cylindre de porcelaine ou bien un tube de verre plein de glycérine d’une longueur exactement calculée. Grâce à cette modificalion, non seulement on s'est débarrassé d’un organe fragile qui constituait le point faible des appareils antérieurs, non seule- ment on a pu utiliser des courants de haute tension allant jusqu’à 50.000 et même 100.000 volts, mais encoré le rendement a élé considérablement amé- lioré. système des ozonisateurs. L'air ozonisé sortant de ce système est refoulé dans les s{érilisateurs représentés sur la gauche de la figure. En effet, tandis que, dans les anciens appa- L'usine à ozone, semblable à celle de l'Exposition d'Hygiène, peut être ainsi dispo- sée : La force motrice est fournie par un moteur à gaz de seize chevaux. Ce moteur actionne à la fois une dynamo, une pompe à air aspirante el foulante et une machine réfrigérante. La figure 1 représente le plan de cette installation. La dynamo, source d'électricité, est une machine ordinaire destinée à l'éclairage électrique, à cou- rants alternatifs, de 1.200 volts et 10 ampères. Elle donne 200 alternances du courant par seconde el a pour excilatrice une pelite dynamo faisant 1.500 tours par minute. Des dynamos les courants alternalifs se rendent au transformateur, atteignent une tension de 50.000 volts. L'un des où ils pôles, au sortir du transformateur, étantrelié avec le sol, ilimporte, afin d'éviter de graves accidents, d'isoler avec le plus grand soin le deuxième fil. Le courant de haute tension arrive finalement 598 D' J. REPIN — LA STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE aux ozonisaleurs (fig. 2. Chacun de ces appareils est constitué par une 95 centimètres de largeur, 35 centimètres de hau- teur et 60 centimètres de longueur dont les parois caisse reclangulaire de sont formées par de fortes glaces. La face supé- rieure de la caisse livre passage aux tubes de verre remplis de glycérine, au nombre de 15 et longs de 60 centimètres, entre lesquels se divise térales. La figure 3 représente une photographie de ces effluves. Les ozonisateurs peuvent être disposés en série en nombre indéfini; la machine de l'Exposition d'Hygiène en comportait cinq. L'air à ozoniser, aspiré par la pompe, se débar- d'abord de ses poussières sur un filtre d’ouate, passe par un dessiccateur au chlorure de rasse Fig. 2. - er bo cadres extérieurs en boiï — Ozonisateurs Tindall Schneller et van der Sleen. — Ces ozonisateurs, disposés côte à côte sur un bäti , Sont constitués chacun par une cage formée de six plaques de verre épaisses, maintenues serrées par des Au centre de chaque ozonisateur, on aperçoit, portée sur un pied isolant, une électrode ES: formée par la juxtaposition d’une série de plaques métalliques, constituées elles-mêmes par une toile de platine plusieurs fois repliée (comme le montre en détail la figure 4). Ces plaques communiquent par des fils métalliques avec un nombre égal de tubes de verre contenant de la glycérine, qui traversent le plafond de l'ozonisateur. et recoivent au-dessus, par un fil bien isolé, le courant du transformateur. Les parois latérales internes des ozoni- sateurs sont, en outre, recouveries de deux électrodes de cuivre doré, communiquant avec la terre (voir aussi fig. 5). Quand le courant passe, l'effluve jaillit entre l’électrode centrale et les électrodes latérales et provoque la formation d’ozone. L'air à ozoniser entre dans le premier ozonisateur par une ouverture latèrale, s'y charge d'ozone et passe successivement par tous les autres ozonisateurs. Entre chaque ozonisateur se trouve une chambre traversée par un serpentin dans lequel circule de l'air froid, destiné à abaisser la température de l'air ozonisé. — Pholographie, faile dens l'obscurité. de l'effluve qui jaillit entre les électrodes des ozonisaleurs de la fiqure 2 le courant. Chaque tube aboulil dans l'intérieur de la caisse à «une lame métallique composée de plusieurs feuilles de Loile de platine juxtaposées fig. 4. La réunion de ces lames forme une élec- trode. L'autre électrode est représentée par deux plaques de cuivre doré, appliquées contre les pa- rois latérales de la caisse et reliées avec le sol (fig. d). Lorsque le courant passe, l'effluve jaillit entre la lame métallique intérieure et les électrodes la- calcium, puis barbote dans l'acide sulfurique. Il pénètre dans le premier ozonisaleur par des ori- fices percés dans l'une de ses parois verticales, en sort par la face opposée, passe dans le second et ainsi de suite jusqu'au dernier, en se chargeant d'une nouvelle quantité d'ozone dans chaque ap- pareil. Entre chaque ozonisateur se trouve un compar- üiment, hermétiquement clos également, et par- couru par un serpentin dans lequel cireule de au moyen d'une machine à 9 ‘ l'air refroidi à 25° à D' J. REPIN — LA STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE ———— ——— — 599 évaporalion d'ammoniaque. L'air ozonisé se re- froidit en traversant ces chambres pour passer d'un ozonisateur à l’autre. Au sortir du dernier ozonisateur, il est refoulé, par des tubes en élain, dans les stérilisateurs. Ces appareils sont des colonnes en grès ou en fonte émaillée, pourvues d’un faux fond percé de trous par lesquels l’air ozonisé est injecté en bulles. L'eau pénètre également par la partie inférieure el circule de bas en haut; suivant qu'elle est plus ou moins chargée de matières organiques, on règle la vitesse d'écoulement, et, par conséquent, la durée du contact de l’eau et de l'air ozonisé. Généralement , afin de prolonger ce contact, on dispose en série plusieurs stérilisateurs. Au Champ-de-Mars, il y avait #4 co- lonnes accouplées deux à deux. Un autre système a été récem- ment mis à l'essai: il consiste à pulvériser l’eau dans une chambre remplie d'air ozonisé. Le contact du gaz et du liquide est ainsi plus intime ; il est possible de travail- ler avec une teneur en ozone 3 à À fois moins élevée, et, comme il coûte moins de faire 5 mètres cubes d’air ozonisé à 2°/,, par exemple, que 4 mètre cube à 10 °/,, il semble que ce dernier mode doit obtenir la préférence. III. — ÉPURATION DES EAUX D'ALIMENTATION PAR L'OZONE. L'épuration de l’eau d’alimenta- RE Le — Que" R RErTE d'une des pla- tion par l'ozone est pratiquée sur ques en lLoile une grande échelle à Oudshoorn (Belgique) depuis plus d’une an- née. M. van Ermengem, qui à élu- dié sur place, d'une manière com- plèle, le fonctionnement du sys- tème, a publié les principaux ré- sultats de son enquête. À Paris même, pendant la durée de l'Exposition d'Hygiène, des analyses et des essais bactériologiques répélés ont été faits à l’Institut Pasteur par M. Marmier, qui à bien voulu nous les communiquer. Nous som- mes done en possession de renseignements sulli- samment complets sur les effets de l'ozonisation. Ces effets peuvent être groupés sous quatre chefs principaux, suivant qu'ils concernent : 4° L'action microbicide de l'ozone : 2 Les changements dans la composilion de l’eau; 3° Les modifications de sescaractères organolep- tiques ; mélallique re- pliée dont la superposilion conslilue l’élec- trode centrale des ozonisa- eurs. 4 L'addilion d'éléments nouveaux, étrangers à sa composition normale. Examinons chacun de ces points successivement. N 1. — Action microbicide de l'ozone. L'eau que l'on traite à Oudshoorn est celle du Vieux-Rhin, bras du fleuve qui recoit, outre les égouts de plusieurs villes, le trop-plein de marais tourbeux ou polders. Cetle eau litre de 0,024 à 0,063 en permanganate, alors que l’eau de la Sprée à Berlin et celle de la Tamise à London- bridge, qui sont citées parmi les eaux de rivière les plus impures, ne dépassent jamais 0,040 en- viron. C’est dire qu'il s’agit d'une eau absolument impropre à la consom- mation dans son élal naturel et bien choisie pour éprouver la valeur d'une méthode d’épura- tion. Il est même indis- pensable, tant est gran- de la quantité de détri- tus de toutes sortes que charrie celle eau, de la faire passer préalable- ment sur un filtre à sa- ble. Mais il va de soi que la filtration ne fait point partie intégrante du système ; au Champ- de-Mars, on n’y à pas eu recours. Des essais préliminai- res permirent à M. van Ermengem de se rendre compte que, dès les pre- miers instanis du con- lact de l'eau avec l’air ozonisé, la plupart des microbes en voie de végétation sont lués. Seules les spores de certaines espèces, Lelles que Bacillus subtilis, Bacillus ramosus, elc., Se montrent plus résistantes. Pour les détruire, il est nécessaire de prolonger l'action de l'ozone pendant 7 à 8 mi- nutes. En opérant dans ces conditions, avee un appareil qui débilait cinq litres d'eau purifiée par minute et élail en marche continue depuis la veille, on constala que, sur 17 tubes ensemencés avec { centimètre cube d'eau chacun, 16 restè- rent stériles: un seul donna une culture de Ba- Fig. 5. — Schéma d'un ozoni- sateur montrant l'électrode centrale recevant par le haut le courant du transforma- leur, les électrodes latérales reliées à la terre et l'efluve qui jaillit entre les élec- trodes. cillus subtilis. Dans de l'eau filtrée, tilrant 0,038 en perman- ganate, M. van Ermengem introduisit une quan- tité de spores de Bacillus ramosus telle que l'eau donnait 28.000 colonies de ce microbe par centi- mètre cube. Après l'ozonisation, 13 échantillons 600 D: J. REPIN — LA STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE furent prélevés pour l'essai bactériologique; 11 se montrèrentstériles, 2donnèrentchacun unecolonie de B. ramosus. Une autre espèce plus résistante encore, Bacillus rubiginosus, dont les spores peu- vent séjourner plus de 40 jours dans la solution phéniquée à à °/, sans être tuées, fournit un ré- sultat analogue. Plus intéressants peut-être pour l'hygiéniste sont les essais qui ont porté sur les espèces patho- gènes. Parmi celles-ci, le Bacterium coli était tout désigné comme matière d’épreuve, tant à cause de sa prédominance dans les eaux polluées par des déjections humaines, qu’en raison de sa résistance, qui est reconnue supérieure à celle de tous les autres microbes pathogènes non sporulés. L'eau, qui litrait 0,020 en permanganate, fut addilionnée $ 2. — Action de l’ozone sur la composition chimique de l'eau. Un oxydant aussi énergique que l’ozone doit nécessairement modifier quelques-uns des élé- ments dissous dans l’eau. Si l’on examine le ta- bleau I, dans lequel sont résumées les données de trois analyses faites par M. van der Sleen, on constate, en effet, des différences imporlantes dans la composition chimique de l’eau avant et après l’ozonisalion. Le trail le plus saillant est l’abaissement du taux des matières azotées. L’ammoniaque libre se trouve diminuée en moyenne de près de 50 ?/,. L'ammoniaque albuminoïde est réduite dans la même proportion, ainsiqueles matières organiques Tableau I. — Analyses chimiques de l'eau de la Seine, brute, puis stérilisée par l'Ozone. BRUTE STÉRILISÉE BRUTE STÉRILISÉE BRUTE STÉRILISÉE Echantillons du 18 sept.|[Echantillons du 19 sept.IlEchantillons du 20 sept. Milligrammes par litre ——— | ——— rm — | — RÉSAUISECRMEIROD E ET EE R cee LO 242 240 241 242 || 256 248 Matières volatiles (perte ou rougc)............. 24 20 24 24 || 28 24 SCC ON CERN EE TOP PR CR To OU. 18.8 36.1 39.6 37.3 ||) 42 31.3 Garbonate de IChAUX EE ee Let 103.6 107.8 12829 127.1 ME 101.8 GCarbonateldemannesiet---.---.--.---.- 8.4 6.8 1.8 12 6-2 5.1 Chlorure deRsOUDEEEe- ee Per 41 a 29.3 29.3 29.3 29,3 AMUIOIMAQUENTDRE STAR. ee em eer dere 0.271 0.136 0.196 0.086 0.147 0.101 AMMONIaAQUE AlDUMINONIC en EE 0.36% 0.202 0.536 0.198 0.287 0.205 ACIde MIIFEUX. EC EUR CAE er 0 0 0 0 (] 0 AGIdemitrique.-.--."- 1.42 2.02 || fioul D.4 Por 2 24 Acide phosphorique. 174 0 0 | 0 ( 0 0 Matières organiques représentés par le poils | d'oxygène emprunté au permanganate de po- || Tasse ere er cote de eco 4.29 2.14 3.98 1.79 2.64 1.44 de 7.830.000 bactéries par centimètre cube; la durée du contact fut de 10 minutes, l'air conte- nait encore 3mg. 194 d’ozone par litre à la sortie du stérilisateur. Douze ballons furent ensemencés ; après vingt-cinq jours de culture à 20° et à 35°, trois donnèrent une colonie de B. sublilis, aucun ne donna une seule colonie de B. coli. Les examens effectués à Paris par M. Marmier confirment pleinement les résullats annoncés par M. Van Ermengem. Il est donc acquis que l’ozonisation permet de stériliser les eaux de rivière les plus impures d’une manière absolument salisfaisante. Peu im- porte le nombre et la qualité des microbes pré- sents dans l’eau : toute la question se réduit à élever suflisament la teneur en ozone et à pro- longer la durée du contact de l'air ozonisé avec l’eau, conditions qu'il est loujours facile et peu dispendieux de réaliser. — C'est là, comme on le voit, un résullat important, absolument acquis. oxydables parle permanganatle de potasse. Comme, d'autre part, le résidu sec à 180° ne varie pas sensi- blement, on doit admettre que ces substances sont partiellement brûülées par l’ozone et trans- formées en corps amidés plus stables qui n’enlè- vent plus d'oxygène au permanganale. Or, c’est à cette classe de substances organiques facilementoxydables qu'appartiennent les produits microbiens, loxines, ptomaïnes, toxalbumines, comme on voudra les appeler, qui tous sont déna- turés par l’action de l’air et de la lumière. La destruction des toxines par l'ozone, mise en évidence par MM. Roux et Vaillard, a été répétée par M. van Ermengem : une dilulion de toxine tétanique au 1/10°, qui luait une souris à la dose d'un demi-centimètre cube, a élé soumise à l'ozo- nisalion pendant dix minutes; après ce traitement, elle élait devenue complèlement inoffensive. Ce résullat de l'ozonisation est des plus heureux. Nul ne peut aflirmer, en effet, que la D' J: REPIN — LA STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE 601 présence dans l’eau de certains produils micro- biens ne crée pas par elle-même un danger, soit en produisant une intoxication lente, soit en favo- risant le développement dans le tube digestif de microbes pathogènes, tels que microbes typhique, cholérique, ete. En outre, il convient de ne pas perdre de vue que c'est précisement la présence de substances altérables qui fait des eaux polluées un milieu de culture possible pour les microbes. Quel que soit le procédé employé pour stériliser les eaux d'alimentation des villes, on ne peut guère espérer que l’eau envoyée dans les conduites de distribution sera complètement privée de tout germe; le fût-elle au sortir de l'appareil stérilisateur, qu’elle rencontrerait tout aussilôl, dans les conduites mêmes, de nouveaux microbes dont quelques-uns peuvent être patho- gènes, surtout lorsque ces conduites recoivent les O0 — nn OZ 1 | a _ St Le Fig. 6. — Expérience pour montrer la décoloralion par l'air ozonisé d'une eau colorée par l'extrait de tourbe. — L'air ozonisé arrive en O et passe successivement dans chaque flacon; l’eau colorée entre en C et va en se déco- lorant de droite à gauche. allernativement, comme à Paris, de l’eau de source et de l’eau de rivière. Si ces germes trou- vent un milieu favorable à leur développement et à leur mulliplicalion, la stérilisation aura été illusoire. Or, il nous semble vraisemblable, bien que nous ne possédions pas d'expérience directe à ce sujet, qu'une eau ozonisée se prêlera beaucoup moins facilement à cette réinfection qu’une eau simplement filtrée. S 8. — Action de l'ozone sur les qualités organoleptiques de l’eau. Il ressort encore du lableau précédent que les sels auxquels l'eau doit en grande parlie sa sa- veur el ses qualités digeslives ne sont que peu touchés par le passage de l'ozone. Le chlorure de sodium en particulier se maintient à un taux invariable. Les nitrates subissent une réduction assez sensible. Il y a précipitation partielle du carbonate de magnésie et surtout du sulfate de chaux, à peu près nulle du carbonate de chaux. Il y aurail intérêt à chercher si la précipitation du sulfate de chaux ne deviendrait pas plus considé- rable avec des eaux séléniteuses, et si ces eaux ne se trouveraient pas ainsi améliorées par l’ozonisa- tion. Mais ce qui est profondément modifié, c’est la couleur, lodeur et la saveur des eaux souillées par des matières organiques. Pour la démonstra- tion du pouvoir décolorant de l'ozone, les inven- teurs avaient disposé, à l'Exposition d'Hygiène, un stérilisateur en miniature composé d’une série de cinq ou six éprouvettes de verre dans lesquelles l’eau et l’air ozonisés cireulaient en sens contraire (fig. 6). On communiquait artificiellement à l’eau une leinte jaune très marquée par l’addilion d’ex- | Fig. 7. — Photographie des ozonisateurs de Oudshourn, mon- trant la décoloration des eaux tourbeuses du Vieux-Rhin. — L'eau coule de droite à gauche; l'ozone passe en sens inverse. trait de tourbe : dès son passage dans la première éprouvelte, la teinte de l’eau était devenue beau- coup plus claire; au sortir de la seconde éprou- vetle, elle était tout à fait limpide. Nous reproduisons ici une photographie (fig. 7), prise à Oudshoorn, sur laquelle le changement de coloration des eaux tourbeuses du Vieux-Rhin, dans des bonbonnes où l’on fait passer le courant d'air ozonisé, est parfaitement apparent. L'eau de la Seine, bien que beaucoup moins fortement colorée que celle du Vieux-Rhin, présente cependant une teinte jaunàtre sensible sous une épaisseur de quelques décimètlres. On a pu se convaincre au Champ-de-Mars que cette eau, au sortir de l’appareil ozonisateur, peut rivaliser avec les eaux de source les plus pures sous le rapport de la limpidilé; vue sous une grande épaisseur, elle ne montre qu'une teinte franche- ment bleue. 602 LS. D' J. REPIN — LA STÉRILISATION DES EAUX PAR L'OZONE L'odeur et le goût répugnants, dus aux produits de putréfaction, sont détruits tout aussi rapide- ment et radicalement que la coloration. D’infecte et nauséabonde qu'elle était, l’eau est rendue en quelques instants parfaitement potable. $ 4. — Addition de substances étrangères. On avait émis la crainte, à priori, que l'ozoni- salion n’eût pour conséquence d’introduire dans l'eau des composés nouveaux, peut-être nuisibles. L'étincelle électrique s'accompagne, en effet, de la formation d'une petite quantité de corps nitreux ; mais cette formalion n’est pas possible dans un appareil où toutes les précautions ont été prises pour éviter les étincelles. M. van Ermengem n'a pu, malgré des analyses répétées, déceler la pré- sence des nitrites en proportion pondérable dans les eaux du Vieux-Rhin après ozonisation. Il en a été de même à Paris. On supposaitaussi que la destruction de l'ozone en présence de l’eau pourrait donner naissance à des traces de peroxyde d'hydrogène. C'est, en effet, ce qui a lieu avec l’eau distillée; mais il faut croire que la présence des malières organiques s'oppose à cette formation, car M. van Ermengem na jamais pu constater l'existence du peroxyde d’hy- drogène dans l’eau slérilisée d'Oudshoorn. La persistance de l'ozone dans l'eau n’est pas davantage à craindre. On sait combien ce corps est instable el avec quelle rapidité il se décom- pose spontanément: il est donc tout naturel que l’eau, au sortirdes appareils, ne possède ni l'odeur ni la saveur caractéristiques de l'ozone. Un seul des éléments de l’eau se trouve nola- blement enrichi par l'ozonisation, c'est l'oxygène. D'après les analyses que M. van der Sleen a eu l'obligeance de nous communiquer, l'eau de la Seine qui, avant l'ozonisalion, contenait à milli- grammes d'oxygène dissous par litre, en renfer- mail 10 après le traitement. C’est là encore une circonstance heureuse. L'aé- ration et même la suraération de l’eau potable ne peuvent que l'améliorer. En outre, tandis que les eaux pauvres en oxygène donnent naissance, par leur contact avec le fer des canalisations à des sels ferreux solubles, qui se précipitentensuite lorsque l’eau est exposée au contact de l'air, les eaux forte- ment oxygénées, au contraire, donnent lieu à la formation de sels ferriques insolubles : ces eaux ne deviennent donc jamais ferrugineuses. IV. — PRIX DE REVIENT DU PROCÉDÉ. Nous avons gardé pour la fin un côté fort impor- tant de la question, mais que nous ne pouvons qu'effleurer ici, le côté financier. À quel prix revient la stérilisation par l'ozone d'un mètre cube d'eau ?Il est impossible, on le comprend, de répon- dre d’une manière générale à la question ainsi posée. En laissant de côté les frais de premier élablis- sement, le coût de la stérilisation dépendra prin- cipalement de deux choses : de la leneur en ma- lières organiques des eaux considérées et du prix auquel on devra payer le combustible. Avec l’eau de la Seine, titrant environ 0,004 en permanganale, on peut compter sur un rendement de » mètres cubes d’eau stérilisée par 600 watts el par heure. L'usine de l'Exposition d'Hygiène, il est vrai, produisait davantage, jusqu'à 8 et 40 mètres cubes. Mais on a fail remarquer lrès justement l'inconvénient qu'il y aurait à vouloir obtenir un rendement trop voisin du maximum, avec un pro- cédé dont le fonctionnement ne peut être réglé que d’une manière empirique el approximative, el le risque que l'on courrait ainsi de distribuer, à certains moments sans en être averti par rien, une eau incomplètement stérilisée. Il faut done consi- dérer ce chiffre de 5 mètres cubes comme le maxi- mum compalible avec une sécurité complète. En comptant seulement vingt heures de travail par jour, on peut aisément calculer qu'une ville comme Paris, qui consomme quotidiennement 300.000 mètres cubes d'eau potable, devrait em- ployer à la stérilisation de ses eaux une force de 3.000 chevaux : chiffre qui n'a rien d’exorbitant, si l'on songe que le groupe électrogène du secteur des Champs-Elysées absorbe à lui seul cette même force de 3.000 chevaux. On peut, du reste, prévoir que le prix de revient du mètre cube d’eau stérilisée s'’abaissera encore, notamment si l’on parvient, ainsi que des essais satisfaisants permettent de l’espérer, à récupérer l'ozone non décomposé que renferme encore l'air au sortir des stérilisateurs, en faisant repasser cet air par les ozonisateurs. Les inventeurs suggèrent la possibilité d’em- ployer les mêmes machines à la production de la lumière électrique pendant la nuit, et à la stérili- salion de l’eau pendant le jour : les bénéfices réa- lisés sur la lumière couvriraient les frais de la sté- rilisation des eaux. Nous laissons aux techniciens le soin d'apprécier la valeur pratique de ce projet. D'autres combinaisons pourraient surgir: l'ozone produit en grande quantité et à bas prix se prêle- rail certainement à des applications multiples qui, vu l'impossibilité de conserver ce gaz et de le transporter, devraient se grouper autour de Pusine centrale. Beaucoup de villes, dans les régions monta- gneuses, profitent aujourd'hui de la force gratui- tement fournie par les chutes d’eau pour s'éclai- rer à la lumière électrique. 1 semble que, dans ces M. GUICHARD — SUR UNE NOUVELLE CLASSE DE COMPOSÉS DU CHROME 603 conditions, la stérilisation des eaux polables par l'ozone ne serait guère plus dispendieuse que la filtration, tout en donnant une eau d'une qualité supérieure. D'autres localités, particulièrement certaines stations coloniales, n’ont à leur disposi- tion que des eaux que la filtration ne suffit pas à améliorer : soit des eaux de pluie recueillies dans des citernes et presque toujours plus ou moins corrompues, soit des eaux slagnantes chargées de matières organiques provenant des détritus végé- taux ou animaux : devant l’impérieuse nécessité de se procurer, ne füt-ce qu'en petite quantité et pour les striets besoins de l'alimentation, une eau saine, la question de dépense devient secondaire : l’oz0- | nisation rendrait alors d’inappréciables services. Tout permet donc de présager que l’intéressante démonstration due à M. Tindal deviendra le point de départ d'importantes applications. A la suite du récent concours de filtres qui semble avoir établi définilivement l’insuflisance de ces appa- reils, la ville de Paris a traité avec M. le baron Tindal pour un essai en grand de son procédé. Une usine est actuellement en voie de construction à Saint-Maur. Nous croyons savoir qu'un sem- blable projet est également à l’étude pour les villes d'Anvers et de Saint-Pétersbourg. D'J. Répin. Attaché à l'Institut Pasteur, LES RECHERCHES DE M. RECOURA SUR UNE NOUVELLE CLASSE Le 6 juin 1896, la Société Chimique avait réuni ses membres dans la grande salle de la Société d'Encou- rayement pour entendre une conférence de M. Re- “coura, doyen de la Faculté des Sciences de Dijon. “sur « une nouvelle série de composés du chrome ». Voici le résumé de cette très intéressante confé- rence : l L'étude des sels métalliques est peut-être une “des plus ardues de la Chimie minérale. Leur apti- “lude à se combiner soit avec les acides, soit avec les bases, soit avec d'autres sels, et, d'autre part, les différences d'hydratation qu'ils peuvent pré- senter rendent ces composés susceptibles de va- rialions fréquentes, que, le plus souvent, aucun signe extérieur ne laisse soupçonner. Le cas des sels de chrome est particulièrement intéressant. Un même sel chromique peut être vert ou violet, et il semble que ce changement de couleur doive simplifier l'étude de ses transforma- tions ; or, il se trouve qu'il y a, non pas deux, mais trois formes différentes d'un mème sel. C'est ainsi, parexemple,qu'il yatroissulfateschromiques: deux verts et un violet. La confusion des deux sels verts avait introduit, dans les travaux des nombreux “auteurs qui ont étudié le métal de Vauquelin, de - fréquentes contradictions. Ce sont ces contradictions que M. Recoura s’est altaché à faire disparaitre ; ses expériences l'ont amené à découvrir des composés singuliers, anor- maux, des «monstres », suivant son expression pil- toresque, qui échappent à la loi générale et par cela même sont des plus intéressants. DE COMPOSÉS DU CHROME Nous avons dit qu’il existe trois variétés diffé- rentes d'un même sel de chrome. Le composé normal, qui est violet, peut éprouver deux modi- ficalions bien distinctes : 1° Tout sel violet dissous devient vert par ébul- lition. 2° À un sel violet solide correspond un isomère vert; la dissolution verte de ce dernier n’a rien de commun avec le sel vert obtenu par ébullition de la solution violeite. Voyons d'abord la première de ces modifica- tions : La couleur verte produile en portant à 100° la solution violette ne persiste pas indéfiniment; elle revient au violet plus ou moins vite, en un temps qui peut varier de quelques heures à quel- ques jours; c'est le sulfate chromique de Traube qui reste le plus longtemps violet, c'est lui qui se laisse étudier avec le plus de facilité. On peut démontrer, — en appliquant les mé- thodes thermochimiques, d’un grand secours dans ces expériences, — que le sulfate chromique violet Cr°0*,3S0* dissous est dédoublé à 100° en un sel basique vert et en acide sulfurique libre. En effet, si au sulfate transformé on ajoute la quantité de soude nécessaire pour neutraliser 1/6 de son acide sulfurique, on observe un dégagement de chaleur précisément égal à la chaleur de neu- tralisation d'un même poids d'acide sulfurique libre. Si, de plus, on ajoute de nouvelles quantités égales de soude, on obtient des dégagements de chaleur moindres. L'équation suivante représente donc bien le phénomène : 2(Cr203,3S0%) violet+H20 = 2Cr208, 5SO®vert+ SOH? libre. 604 M. GUICHARD — SUR UNE NOUVELLE CLASSE DE COMPOSÉS DU CHROME Ce sel basique n’a pas toutes les propriétés ordi- naires d'un sel: ainsi, il ne précipite par le chlorure de baryum que 1,5 de son acide sulfurique, ce qui conduit à le formuler : (2 Cr?0°,4S0*), SO: corres- pondant à un hydrate (2Cr?0*,4S0%)H?0. L’action des alcalis différencie nettement le sulfate vert du sulfate violet, car, alors que ce dernier laisse pré- cipiter l'hydrate normal Cr?0*,3 H?0, l’autre donne Cr°0%,2H°0, nouvel hydrate dont il existe des sels : Cr?0%,2S0*, par exemple. Il Arrivons maintenant à la seconde modification verte du sel normal violet. Lorsqu'on chauffe très modérément le sulfate violet de chrome cristallisé Gr?0*,3S0*-L18H°0, il perd 10 H°0 et devient Cr°0*,3S0*ÆSH20 vert, qui donne une solulion verte. Il semble qu'on soit en présence d’une simple déshydratation; mais ce sulfate a des propriélés singulières qui ne rap- pellent pas du tout celles d’un sulfate ordinaire. D'abord, le chrome et l'acide sulfurique y sont masqués, car il ne donne aucun précipité par le chlorure de baryum:; d'autre part, si à sa solulion, stable lorsqu'elle n’est pas trop concentrée, on ajoute du sulfate de cuivre, ii s’en empare, et le nouveau composé présente bien les caractères du cuivre, mais il ne précipite toujours pas le chlorure de baryum ; l'acide sulfurique Lotal y est masqué. L'addition de sulfate de potassium aurait donné une combinaison analogue : on peut obtenir toute une série : Cr?, 3S0ïi, SO‘ Cu, Cr2, 3S01, SO‘ K?, qui dérive de l'acide Cr°,3S0‘,SO0‘H? ou acide chromosulfurique, que l’on peut isoler. Mais ce sulfate vert peut se combiner non seule- ment à SO'H°, mais aussi à 2 SO'H° et à 3 SO‘H°?: d'où les acides suivants : Cr, 3S0%, SOH? — (Cr°.4S01)H? Cr?, 3804, 2S04H? — (Cr?.5S04)H Cr’, 3801, 3S0H2 = (Cr?.6S04)H6. Ces acides chromosulfurique, chromodisulfu- rique, chromotrisulfurique, sont tous très stables au-dessous de 170°, et dégagent, par leur union avec les bases, plus de chaleur que l'acide sulfu- rique. On peut se demander, maintenant, s'il est pos- sible d'obtenir de même des acides chromotétra- sulfurique, chromopentasulfurique, etc. — En éva- porant au bain-marie un mélange d'une molécule de sulfate de chrome avec quatre, cinq, six mo- lécules d'acide sulfurique, le liquide d’abord vert foncé devient sirupeux; puis, s'il est maintenu quelque temps à 115°, il se transforme en une lame transparente vitreuse à peine colorée en vert; l'analyse montre que les nouveaux corps ainsi obtenus ont les compositions suivantes : Cr?, 3S0i, 4S01H2 Ur?, 3S01, 5S0:H2 Cr?, 380, 6SOiH2. Ils sont solubles dans l'eau en donnant une liqueur opaline vert-clair; ils précipitent tous les sels métalliques, et, chose curieuse, le précipité esttoujours le même, qu'il provienne de l'acide chromotétrasulfurique ou de l'acide chromopen- tasulfurique. L’excès d'acide sulfurique reste dans la liqueur. Les sels de cuivre donnent ainsi : Cr?, 3S0i+SOiCu. Les sels de potassium : Cr?, 3S0i+SOiK?. Ce sont des combinaisons de même composition que les chromosulfates, maisils en diffèrent profon- dément. Le précipité cuivrique Cr°,3S0*+SO0'Cu, par exemple, ne peut être confondu avec le chro- mosulfate de cuivre, qui est soluble; de plus, si on le fait bouillir avec huit molécules de soude, au lieu de donner un précipité d'oxyde noir de cuivre, comme le fail le chromosulfate de cuivre, il donne du chromite de cuivre Cr?0*,CuO. On est ainsi amené à écrire sa formule : {SO$)' Cr°0*,CuO et à lui donner le nom de swlfochromate pour éviter la confusion avec le chromosulfute. Au $ulfochromale correspond un hydrate sul- fochromique (S0*)‘Cr?0*, H?0, qui peut être isolé en chauffant l’acide chromotétrasulfurique à 1509: C'est une poudre grise soluble dans l’eau, pouvant donner directement les sulfochromites et déplacer de leurs sels les acides les plus énergiques. | L'oxyde de chrome présente donc cetle particu= larité exceptionnelle de pouvoir s'unir à la fois à des groupes acides, à des groupes basiques pour donner les sulfochromites. Aucun fait de ce genre n'avait encore été signalé jusqu'ici en Chimie mi- nérale. il Il reste à établir que les transformations fonda" mentales du sulfate de chrome sont communes à tous les sels de chrome, c’est-à-dire qu'ils existent tous sous trois variétés différentes : une violette eë deux vertes. Le chlorure, à première vue, fait exception. On le croyait vert à l’élat normal, car sa solu- lion ne donne que des cristaux verts Cr°CI°Æ13H°0 pär évaporation. Mais, en examinant de plus près celte solution, on constate que, maintenue en vase clos pendant quelques jours, elle devient violette et conserve indéfiniment celte couleur. A. CRONEAU — LES RÉCENTS TRAVAUX DES « NAVAL De plus, si dans un calorimètre on ajoute à 1 mo- | lécule de Cr°Cl° 6 molécules de soude, on observe un dégagement de chaleur y — 63° lorsque la so- lution verte est récente. Si l’on renouvelle l'essai de temps en temps, pendant la transformation de la solution en vase clos, 9 diminue et devient bientôt égal à 43°; à partir de ce moment, ne varie plus. Enfin, l'action du chlorure de baryum sur le sulfate Fa donne le chlorure violet (Lœvwel), qui est donc bien la forme normale du chlorure chromique. On peut, du reste,obtenir des cristaux violets, non pas par concentralion de la solution, puisque celle- “ci devient alors verte, mais en faisant passer un ourant de gaz chlorhydrique dans un mélange es deux variétés : il se trouve, en effet, que le chlorure violet cristallise vingt-quatre heures avant Pautre. Il résulte de ce qui vient d'être dit au sujet du chlorure, que la forme verte, la plus stable à 100°, l’est aussi en solution concentrée. Le sulfate, lui, reste violet lorsqu'on concentre sa solution. Cette diflérence peut être effacée : elle tient à ce que le sulfate cristallise avant qu'on ail alteint la concentration pour laquelle il devient vert; car, si l’on produit du sulfate dans une quan- tilé d’eau trop faible pour le dissoudre, il se fait un précipité vert. IV l Les résultats essentiels de cette étude sur les EATAL| a a > CRI > 5 9 ca gareyl #9 = a > CICR TS me mil. © 0 é = Fa a on 222] SE] B<6l82E) 028] Giles) 228] Ssélétel Sas] S+alire) Cie) Stéléee| eu) <> io |tors A |NMETaIES NAVIRES ÉAQ || aol roro ro lot ro m0) rol sr roro role rolero ls 26)BR0eE;) MONTS 629| 446| 20 ” A or lee Et | sc I Eee pe EU PA A EE ec | | AE EU RASE en MORE less 00 Es mu] Lx) mA COURIR "Rx az mA a |) 5 2x | mA ‘ml Lnax|l ma up et ES am r2n| ELA Aov| AS aov| RS Aoc| ao Agd| 846 AO\|MELENO Ao| ans CAO PRET Re -2 À » -2 À » a À (5, -a À D +8 À > a À D SA = A A a A rl] a re] A a A [o] A a A | A sl] A ol A a E] ] A | a a A A A A A A A A a A A A A A A EE PT ne A ee nt ee RE PE RER ER RE nr re Avisos el canonnières...... 9 12.169 6,6 ! 5.930 1,6 10 11.844 4,8 8 6.225 5,2 13 24.446] 17,8 10 9.018 19 l Contre-torpilleurs.. Abc ie a c (] 5 00 ta ete 36 25.491 3,13 19 14.935 3,9 M 3.669 A5) 18 44.025 7.0 20 7.842 JO 14 9.094 5,0 Croiseurs protégés...,.... es 65.607! 35,8 13 |337.591| 41,50] 28 |104.503| 27,9 5 14,3 44.805] 22,8 # 20.414! 14,9 6 18.203| 15,9 Croiseurs cuirassès......,. 3 24.670| 13,5 9 56.890 1,0 4l 37.050 9,9 8 710. 4 26.416| 13,4 (] 0 0 8 61.438] 53,9 Cuirassés ..... es dt hi 5 48,961| 26,7 28 |330.749| 40,7 28 1|203.987| 54,6 16.126.981" 50,9 S 99.060! 50,5 13 16.403 1 8,8 ICONE DUB don dovont : 6 26.436! 14,4 0 0 Ù 0 (] 0 0 ( 0 (0 (] Ù 0 0 0 fl l il 2 8 DELYICO SDECIAl.... : 4 517 3,0 Il 6.726 0) 7.142 2 BIS (l 0 ide 6.035 3,1 1 8.127 2 6.219 HOLpilleuts ere ere cer 2 æ sde ENS : 177 = on 82 (UNE ETAIENT Are ASE : EN LE Sr dl ST | #5 1183.366| 100,0 | 330 1813.6221 100,08| 274 [374.147] 100,0 | 126 [247.966 100,0 | 496 1196.566 202 (137.286 19 |114 090 N.-B. — Le total des déplacements est fait sans tenir compte des torpilleurs. ! Ce chiffre ne comprend pas les contre-torpilleurs type Havock, mis en chantier vers la fin de 1893. 2? Bâtiments écoles et navires de types spéciaux, comme le Veswvius et le Kalahdin. Les chiffres no sont pas connus, mais il y a quelques navires de cette catégorie en chantier. ro | A. CRONEAU — LES RÉCENTS TRAVAUX meilleur plan des machines marines ; ce problème a élé résolu en pralique de manière à laisser peu de chose à faire aux auteurs de plans les plus in- génieux, sauf en ce qui concerne les détails. Un des points les plus importants est d'assurer aux machines une marche économique aux allures modérées auxquelles elles fonctionnent ordinaire- ment. Autrefois, quand la vitesse maxima était d'environ 12 nœuds, rien n’élait plus aisé que de s'arranger pour qu à égalité de distance parcourue la marche à 8 nœuds fût aussi et même plus écono- mique que celle à loule puissance, mais sur les navires modernes qui filent 18 à 20 nœuds, ce n’est pas du toutla même chose de réduire la vitesse à 10 nœuds. Lorsqu'une seule machine de 16.000 che- vaux n’en développe plus que 1.500, le frottement des pièces mobiles absorbe à lui seul un grand nombre de chevaux et réduit la puissance réelle- ment utilisable à peu de chose. En outre la conden- salion qui se produit äans les énormes cylindres d’une grande machine à expansion multiple réduit notablement la puissance. Pour ces deux causes, l'économie qu'il y a à marcher à faible allure est extrêmement réduite et peut se changer en dé- pense. Parmi les solutions proposées pour résoudre ce problème, la plus ancienne consiste à attacher sur le même arbre deux machines, de manière à pou- voir débrayer celle de l'avant aux allures réduites. C’est lecas de l'/falia, du Lepanto, du Brooklyn, du New-York et de beaucoup d’autres navires !. Quand le nombredes cylindres a été multiplié par l'adop- tion des machines à triple expansion on a eu natu- rellement l’idée de dételer les grands cylindres pour la marche à allure réduite de manière à fonctionner en compound avec les deux pelits ev- lindres seuls. Les cylindres peuvent alors travail- ler presque à pleine puissance à l'allure réduite; sans doute leur fonctionnementest loin d’être aussi économique que celui d’une machine à triple ex- pansion destinée à produire le même nombre de chevaux, mais il est encore moins dispendieux que si l’on faisail marcher à allure réduite la ma- chine à triple expansion établie en vue de déve- lopper la puissance beaucoup plus considérable, nécessaire pour réaliser la vitesse maxima.. C’est la méthode employée sur le Haine, sur les croi- seurs russes et quelques autres navires. Le procédé qu'on imagina ensuite consiste à subdiviser la puissance totale entre trois machi- nes au lieu de deux en employant trois hélices. De celte facon. aux pelites vilesses on se sert de la machine centrale seule, les hélices latérales élant débrayées el lournant librement. On perd ! En particulier des cuirasses type Hoche. DES « NAVAL ARCHITECTS » AMÉRICAINS 41 ainsi la force employée à trainer les hélices laté- rales dans l’eau, tandis qu’on gagne d'autre part en supprimant les frottements excessifs qui se produiraient aux deux grandes machines mar- chant à faible allure sur des navires à hélices jumelles. Les expériences du mécanicien en chef Isherwood, à l'arsenal de Mare Island, en 1874, sur la puissance nécessaire pour faire tourner les hélices débrayées montre que la perte résultant de cette manière de faire est très faible; elle est sans contredit bien inférieure à celle que cause- raientles frottements excessifs sur un navire à deux hélices. Les essais de la Columbix n’ont pas encore, croyons-nous, permis de chiffrer l'économie réali- sée, mais d'ici peu la comparaison des résultats observés sur la Columbia et le New-York permet- tra d'élucider complètement cette question. Un autre procédé très ingénieux a permis de combiner une machine à la fois très légère, très économique à pleine puissance el capable de don- ner encore des chiffres de consommation faibles à allure modérée. La machine est à quadruple ex- pansion; les cylindres à haute pression reçoivent la vapeur de chaudières multitubulaires, plus puis- santes que des chaudières cylindriques à poids égal ; ils évacuent dans un réservoir où la vapeur ainsi délendue se rencontre avec la vapeur prove- nant directement de chaudières cylindriques; un détendeur permet de régler la pression de cette vapeur de manière qu'elle soit exactement égale à celle de la vapeur qui sort du cylindre à haute pression. C’est, comme on le voit, une générali- sation de l’idée d'après laquelle on a quelquefois pris dans les réservoirs la vapeur nécessaire pour les machines auxiliaires. Aux allures modérées, on dételle les grands cylindres et on marche avec les trois autres en triple expansion; on a donné à ces cylindres des proportions convenables pour que la machine placée dans ces condilions puisse fonctionner économiquement à une pression de 1 k. 8. Les chaudières cylindriques sont timbrées à cette pression, landis que les chaudières multi- tubulaires fournissent la vapeur aux cylindres à haute pression à 12 k. 2 dans le cas de la marche à quadruple expansion. En ce qui concerne l’économie de charbon à vitesse modérée, il y a un point sur lequel l’atten- lion n'a pas été suflisamment attirée jusqu'ici. Tout le monde sait que les nombreux appareils auxiliaires indépendants de la machine principale absorbent une quantité de vapeur considérable qui n'est pas employée directement à la propulsion. M. le professeur #ollis a, le premier, montré en détail combien la proportion de vapeur absorbée par ces pelites machines indépendantes croit aux petites allures. Il en résulte une diminution de 612 l'économie de combustible et du rayon d’aetion. On se trompe grossièrement en calculant théorique- ment le rayon d'action d’après la force en chevaux de la machine principale aux diverses allures el en allouant ensuite pour chaque force en chevaux une cerlaine consommation de charbon d'où on déduit la capacité à donner aux soutes. Pour un navire américain dont le rayon d'action à 10 nœuds est évalué à environ 25 milles, M. ÆMeluille a fait le calcul exact en tenant compte de la consommation exigée pratiquement par les machines auxiliaires, etil a trouvé que le rayon d'action n’excéderait probablement pas 11 milles. Il y a vingt ans toutes les pompes élaient atte- lées sur la machine principale; on les a enlevées l’une après l’autre: au point de vue du fonction- nement,rien de mieux; mais, si on fail intervenirla question d'économie, on est amené à se demander si on a agi sagement en multipliant les petits mo- teurs qui sont de gros mangeurs de vapeur au lieu de faire mener comme autrefois les pompes par la machine principale qui, lorsqu'elle est bien comprise, est beaucoup plus économique. Il v a des pompes alimentaires qui, aux essais, consom- ment 54 k. 5 de vapeur par cheval, tandis que sur nos machines principales, le cheval s'obtient avec 9 k. environ. Dans cet ordre d'idées, M. Helville rappelle qu'au Congrès international des Ingé- nieurs mécaniciens à Chicago, M. Dirkie a proposé de mener la pompe à air par la machine principale, et il ajoute que M. Bailey (assistant constructor U. S. N.) a établi les plans d’une pompe à air qui, même dans des circonstances défavorables, a donné un vide de 53 millimètres à la vitesse de 1000 tours, allure qui n’a été atteinte jusqu'ici sur aucun Lorpilleur. Les petits lance-torpilles récem- ment construits en Amérique qui ont élé faits en vue de marcher à 700 tours par minute ont recu des pompes à air Bailey. En ce qui concerne le poids de l’appareil moteur et évaporatoire, des machines de 100 kilos par cheval paraissent d’un autre àge, et on descend à 25 k. sur les torpilleurs. Il ne faudrait pas aller trop loin dans celle.voie, mais jusqu'ici heureu- sement on n'a pas bu d'accident ayant la légèreté pour cause, er M. Melvilleest un chaud parlisan du tirage forcé intelligemment appliqué, el il s'élève avec force contre les gens qui soufllent alternativement le chaud et le froid sur celte question et qui, après avoir prôné le tirage: forcé, s’écrient au moindre accident que c’est une #rvention du diable et qu'il faut le proscrire partout. Si l’on employait de semblables arguments d'une manière générale, on condamnerait toutes les méthodes modernes. Entre les deux modes de tirage forcé en usage, A. CRONEAU — LES RÉCENTS TRAVAUX DES « NAVAL ARCHITECTS » AMÉRICAINS soil en vuse clos, soit avec rendriers fermés, M. Melville se déclare en faveur du second. Toute- fois il est d'avis que son application devient d’une extrême difliculté sur les navires de guerre à cause de la présence du pont prolecteur et de la subdi- vision du compartimentage; les ventilateurs qui vefoulent dans les cendriers peuvent ne pas déter- miner une circulation d'air convenable à travers toute la chaufferie ; la chaleur devient intolérable et, si les chaudières se comportent bien, les hom- mes sont à moilié cuits ; c'est pourquoi, sur les grands navires de guerre récents, on a adopté ex- clusivement le tirage en vase clos, malgré la supé- riorité de l’autre système. Un autre mode économique de tirage forcé con- siste dans l'adoption de très hautes cheminées. Ce procédé, généralement employé à terre pour acti- ver la combustion, à élé jusqu'ici relativement peu développé à bord. L’attention a été atlirée sur ce point par M. Denny de Scotland, qui a installé sur le Scotune cheminée montant à 36 m. 75 au-dessus des grilles. Bien qu'il n’y ait pas d'expériences précises, on peut admeltre qu'une augmentalion de hauteur de 1 mètre équivaut à une augmentation de un millimètre dans la pression de l'air. On voit de quelle efficacité peut être une augmentation de hauteur de 17 à 12 mètres. La Campania et la Luca- nia ont des cheminées de 30 m. 62 de haut sans autre mode de lirage forcé ; le Brooklyn et l'Zowu recevront des cheminées de 30 m. 50, et Lous les nouveaux navires américains auront désormais de hautes cheminées. M. Jelville rappelle enfin que, depuis quelques années, MM. Brown et C®° en Angleterre ont essayé le tirage forcé par aspiration des produits dela combustion au moyen de puissants ventilateurs. prenant dansla cheminée. Le principe estle même que celui des jets de vapeur insufflés dans la che- minée, mais il n'y à pas de perte d'eau douce. En ce qui concerne les chaudières elles-mêmes, la principale objection qu'on a faiteaux chaudières multitubulaires consistait dans le peu de durée qu'aurait, à ce qu'on pensail, une chaudière for- mée d’une multitude de petits tubes. Cependant certaines chaudières mullilubulaires ont servi pendant cinq ou six anssans détérioration sensible, et quelques-unes, alimentées à l'eau douce, durent depuisplusdix ans dans les mêmes condilions. Les essais sont poursuivis sur le Wonterey qui a recu quatre chaudières mullitubulaires du type Warden même temps que deux chaudières cylindriques. Si la durée de ces appareils est salisfaisante, la chau- dière cylindrique aura vécu. Le poids de l'appareil moteur proprement dit a lui-même beaucoupdiminué. Comme tout le monde le sait, cela tient à trois causes : l'augmentation de LL < ON y A. CRONEAU — LES RÉCENTS TRAVAUX DES « NAVAL ARCHITECTS AMÉRICAINS 613 la pression de la vapeur, l'accroissement de la vitesse du piston et l'emploi de matériaux plus résistants. Les vitesses du piston ont plus que dou- blé dans les quinze dernières années; surles grands navires américains récents, la vitesse de piston esl d'environ: 4 m.80 par minute et sur les plus petits, les torpilleurs notamment, elle dépasse 5 m. 10. Si on trouve des matériaux qui permettent de réduire le poids des pièces animées d'un mouve- ment alternatif. M. Yeluille ne voit pas de raison pour que la vitesse de piston ne puisse être accruc bien davantage, ce qui entrainera des réductions de poids encore plus considérables. Si l'adoption des chaudières multitubulaires se généralise, on emploiera de très hautes pressions puisqu'on atteint déjà 12 k. 2 sur les torpilleurs avec plein succès. Si l'acier au nickel devient, au cours des dix années prochaines d’un emploi aussi commun que l’est aujourd'hui l'acier doux, il en résultera une forte diminution de poids, d'autant plus qu'on atlend cette extension de l'acier au nickel pour remplacer la fonte dans la confection des cylindres des machines américaines. En fait, les questions de grande vilesse de piston et d’em- ploi de matériaux meilleurs qu'’autrefois sont con- nexes par celte raison que la limite des vitesses - de piston est maintenant fixée par le poids des pièces alternatives dont l'inertie devient si grande au delà d’une certaine vilesse que le piston ne travaille pas, mais est simplement entrainé. Si le poids despièces alternalives pouvait être réduit on pourrait accroitre la vilesse du piston jusqu'à ce que la même limilese trouvât atteinte. Un point qui intéresse beaucoup tous les méca- uiciens est la consommalion du charbon aux es- sais de puissance. Tout le monde a entendu parler de 0 k. 68 comme d'une consommation par cheval convenable pour des appareils à triple expansion bien proporlionnés, recevantleur vapeur de chau- dières à haute pression. Malgré tout le soin apporté on n'a jamais pu obtenir sur les machines améri- caines moins de 0 Kk. 90 à toule puissance, et quel- quefois la consommation a alteint 1 k.175. M. Mel- ville appelle l'attention sur ce fait que, sur des navires de commerce, le rapport de la surface de grille à la surface de chauffe est d'environ 1 à 75. Sur des navires de guerre américains, elle ne dé- passe guère 1/35 el par suite, à toule puissance. on brûle une quantité de charbon beaucoup plus considérable par mètre carré de surface de grille. La température monte beaucoup plus haut que dans le casdes navires de commerce, de Lelle sorte qu'une grande quantité de chaleur passe par la che- minée sans être utilisée. Cela suffit pour expliquer la différence précédente. M. Melville dit ensuile quelques mots du type d'indicateurs adoplés pourcalculer les diagrammes. Lorsqu'on passa les marchés pour la construction des premières machines, au moment de la réfection de la flotte, on manquait de données certaines, n'ayant comme renseignements d'essais que ceux de navires étrangers On exigea des fournisseurs une force en chevaux délerminée avec une prime de 2.500 francs par cheval en plus et une pénalité égale par cheval en moins. L'évaluation de la force en chevaux prit, par conséquent, une importance capitale, el on fut amené à faire des expériences très soignées sur les indicateurs. Ces expériences montrérent qu'if u'y a pas d'indicateurs conve- nables à toule pression, et que les meilleurs arri- vent néanmoins à donner des différences considé- rables surloutsur de grands navires.Ces différences peuvent atteindre 1/10 pour une machine de 1000 chevaux. Il en résulla des perles pour les fournisseurs qui s'étaient fiés jusque-là aux an- ciens indicateurs et on décida de ne plus employer d'autres indicaleurs que ceux qui auraient été es- sayés à l'arsenal de New-York, où on possède un laboratoire muni des appareils de mesure les plus perfectionnésetles plus précisqu'il y ait au monde. Les fabricants d'indicateurs, stimulés par ces con- dilions, présentèrent des indicateurs à ressort dont les indications ne diffèrent pas de plus de 3 % de l'un à l'autre.Ces indicateurs ont donné toute salis- faction, et leurserreurs sontremarquablementuni- formes. Dans les essais faits pour le gouvernement on lient compte des correclions nécessaires. M. Melville Lermine son article en préconisant pour le Lemps de paix la construction de toute une petite flollille d'avisos-transports de 2.500 tonnes de déplacement et de 1.500 chevaux de puissance. Ce seraient, avec un plus grand rayon d'action, des bâtiments presque identiques à nos avisos-trans- ports destinés à rendre le même service que ceux- ci et n'ayant pas plus qu'eux la prétention de prendre part à une guerre sérieuse. IV. — SOUTES A CHARBON ET EMBARQUEMENT DU CHARBON, — par M. NiBLACK. Un embarquement rapide du charbon est un facteur de la puissance d'un navire. On attache aujourd'hui une telle importance à la vitesse qu'on alloue des primes énormes aux construc- teurs pour un quart de nœud en plus de la vilesse prévue: or un quart nœud représente, à grande allure, beaucoup moins d'une minute; on ne saurait chiffrer, dans ces conditions, la valeur de du temps employé à faire du charbon. Ce qu'on peut dire, c'est que souvent les choses se passe- ront comme dans la poursuite du paquebot Z/ata par le Charleston. Ce croiseur manqua l'Z/4l4 de six heures environ à Acapulco: maisil dut relàcher 614 A. CRONEAU — LES RÉCENTS TRAVAUX dans ce port pour faire du charbon et ne put rejoindre l’Zfalu, et cependant le Charleston est un des navires de la flotte américaine les mieux amé- nagés au point de vue de l’embarquement du charbon. Sur les navires récents, la tendance à augmenter la vitesse et le rayon d’aclion rend cette question d'approvisionnement encore plus ‘importante : d'un autre côté, l'accroissement de consommation des machines auxiliaires rend indispensable une très forte augmentation de la quantité totale du charbon à loger à bord. Un approvisionnement considérable et un embarquement rapide du charbon sont deux facteurs essentiels de la puis- sance. Le temps qu'on met à remplir une soute n’est nullement proportionnel à la quantité de charbon qu'elle contient. Au moment où la soute est près d'être remplie, le temps qu'exige l’arrimage est bien plus considérable qu'auparavant. Le {a- bleau IV, ci-dessous, peut donner une idée du temps nécessaire : DES « NAVAL ARCHITECTS » AMÉRICAINS admettre que les navires de guerre auraient à prendre leur charbon soit d’un navire charbonnier, soit d'une prise par une mer un peu houleuse., Dans ce cas, on ne pourra pas ouvrir les sabords trop voisins de la flot- taison, et il faudra faire descendre le charbon soit par les écoutilles, soit ce qui vaut mieux, par des manches en tôle montant jusqu'au pont supérieur et aboutis- sant directement dans chaque soute. Des cornes, dis- posées aux différents mâts ou sur des mâtereaux spé- ciaux, peuvent alors permettre d'envoyer rapidement dans chaque soute la quantité de charbon contenue dans un très grand récipient. Naturellement la ma- nœuvre des cornes et celles des seaux, qui courent sur un chemin de fer en T placé le long de cette corne doivent se faire au moyen de treuils à vapeur ou élec- triques. La meilleure solution consisterait à avoir des manches ou des puits communiquant dans chaque soute; mais les ponts supérieurs sont déjà tellement encombrés par les passages des munitions, les manches à escarbilles et les écoutilles de toutes sortes, que, le plus souvent il sera nécessaire d'utiliser des passages destinés à d’autres usages, et on pourra s'en servir avantageusement à condition qu'on ait soin de les mettre à l’aplomb de la soute. Bien entendu, ce n’est pas une raison pour se dispenser de percer dans la mu- raille, au-dessus du cofferdam,. des sabords de dimen- sions convenables pour l’embarquement du charbon.On Tableau IV. — Temps nécessaire pour l'embarquement et l'arrimage du charbon sur les navires américains. QUANTITÉ TEMPS QUANTITÉ CONTENANCE SR NOMBRE CONTENANCE DE CHARBON DACESSRrRE DE CHARBON Tor , POUR REMPLI ; TOTALE EMBARQUÉE É E EMBARQUÉE DE INDIVIDUELLE COMPLÈTEMENT ES SOUTES PAR HEURE PAR HEURE RES OUTES DES SOUTES PES QSOUTES S 5S DES SOUTES U e r NON COMPRIS| | & . | Y compris EN ANTHRACITE OT À L’ARRIMAGE L'ARRIMAGE L'ARRIMAGE __——.———— | |". | acc | Tx lx Tx AI heures Tx AIO A eee ee 198 26 CRT IR] 33 14 Chicago .….…. 837 29 Lu" 505 30 28 29,8 Charleston... 5.2: | 170 21 122nà 132 30 26 29,6 York-Town ...... | 3S6 2% 11 Tr a%07 20 24 16,1 Baltimore......... | 1.163 33 12: à 144 22 60 19,4 San Francisco. 638 12 3,90 a 47 20 33 1953 NOTA mena ro are 813 il 4,0 ANT 30 28 29,0 Ce temps dépend beaucoup de l'emplacement des écoutilles et des trous d'homme qui servent au rem- plissage. Lorsque l'opération se fait à travers desouver- tures communiquant directement avec le pont supé- rieur, l'embarquement se fait rapidement. Les portes de côté qui existent sur beaucoup de croiseurs ne peuvent servir que par beau temps; elles se prêtent bien à l’embarquement fait dans les conditions ordi- naires où le charbon est pris dans des allèges amarrées le long du bord ; mais encore faut-il que les ouvertures soient suffisamment grandes, et que les mannes, dans lesquelles on prend le charbon pour le passer de main en main depuis le sabord jusqu’à la soute, soient d’une forme et d'un poids qui les rendent maniables. Les chiffres du tableau IV sont établis en suppo- sant que le charbon est pris dans des allèges accos- tées des deux bords. Ce procédé, très convenable lorsque le chargement se fait soit dans un port, soit dans une rade abritée, ne peut être employé à la mer lorsqu'il y a un peu de houle, Or, en Amérique, les dépôts de charbon sont assez peu nombreux, et on doit pourra d’ailleurs, au moyen de rails et de chariots amovibles, accélérerle transport du charbon du sabord au trou d'homme qui donne dans la soute. Nous avons dit tout à l'heure que l'arrimage était la partie la plus longue du travail lorsque la soute était à peu près pleine. À ce moment les hommes sont gènés, travaillent courbés dans un espace restreint et l'ouvrage n'avance pas. Plus les soutes sont grandes, plus le remplissage se fait vile et facilement. Il serait bon de donner au navire des soutes suffisamment grandes pour contenir tout le charbon nécessaire sans qu’on ait besoin de remplir complètement les soutes. Il faudrait que, lorsqu'on a pris le charbon corres- pondant au rayon d'action prévu et au fonction- nement des appareils auxiliaires pendant un laps de temps déterminé, il restàt une certaine hauteur A. CRONEAU — LES RÉCENTS TRAVAUX DES « NAVAL ARCHITECTS » AMÉRICAINS 645 _—_—_—__—— "| __ — — —"—" ——"——————_ —————""—"—"—"— ——"…"…"…"”"”"’"’—"…"’"—"—"…”…"”"’—"’’"——… "—…”…"”"—"_"_"_—_"… …”"—" — —…"…"—" "—"—"—”—"—"_—"—"_"_—_— ——"——"—"_—"—"—— au-dessous du plafond des soutes qui ne fût pas remplie, le bâtiment élant immergé jusqu'à la ligne d’eau en charge ; de cette façon on pourrait, le cas échéant, supprimer presque complètement le supplément de temps dû à l'arrimage, tout en mettant à bord du navire la totalité du charbon qui lui est nécessaire. Au point de vue de la rapidité des opérations de “chargement les grandes soutes valent beaucoup mieux que les petites. M. Niblack indique un plan dans lequel les soutes à charbon placées au-dessus du pont blindé seraient toutes disposées transversalement et séparées en deux par une cloison médiane ; malheureusement ce plan, parfait au point de vue théorique, est, comme “ ille reconnait lui-même, difiicile à réaliser en pratique, les soutes à charbon longitudinales devant être con- servées comme concourant à la protection contre les torpilles, et l'emploi exclusif de soutes à charbon transversales amenant à des augmentations de lon- gueur peu admissibles pour des bâtiments de guerre. Malgré cela, l’idée de faire les soutes à charbon les plus grandes qu'on peut, étant donné le comparti- mentage nécessaire pour la sécurité du navire, mérite d’être prise en considération, ainsi que la règle qui con- siste à faire arriver le charbon directement dans ces soutessoitdessoutessupérieures qui sontdans la tranche cellulaire au-dessus du pont blindé, soit des écoutilles ou des trous de passage, qui se trouvent à l’aplomb les uns desautres depuis le pont blindé jusqu’au pont supé- rieur. D'ailleurs, cela se concilie parfaitement avec cet -autre desideratum, d’après lequel le nombre d'ouvertures à percer daus le pont blindé doit être aussi petit que possible, même quand ces ouvertures doivent être hermétiquement bouchées au combat. S'il ne se dégage pas de la note de M. Niblack un plan bien net, du moins il en sort un certain .nombre d'idées générales qui ont paru frapper beaucoup les constructeurs américains et qui doi- vent appeler l’attention sur la disposition qu'ils donneront aux soutes et aux passages de charbon sur leurs prochains navires. V. — PLANS DES FERRY-BOATS DE NEW-—YORK, — par M. A. STEVENS Un ferry-boat est la continuation ou le prolonge- ment d'une grande route sur un cours d’eau navi- gable, Au point de vue légal, un ferry est quelque chose d’hybride entre un baleau el un pont. Cette ! Incidemment M. Niblack est amené à dire quelques mots des moyens essayés pendant les manœuvres anglaises de 1893 pour embarquer le charbon à bord des navires à la mer et en marche ; l'appareil Temperley, expérimenté pendant ces manœuvres, à permis d’embärquer jusqu’à 51 tonneaux par heure sur l'Anson. Les Anglais ont éprouvé plus de difti- cultés lorsqu'il s’est agi de délivrer à des torpilleurs ou à d’autres petits bateaux du charbon pris sur un grand navire. Un système, qui parait encore supérieur au précédent en ce qui concerne l'embarquement du charbon, est le procédé Paul, dans lequel une barque servant de charbonnier peut décharger dans le navire à approvisionner jusqu’à 100 ton- neaux de charbon par heure au moyen d’une série de seaux fonctionnant comme ceux d’une drague : cette drague permet d'envoyer le charbon soit au-dessus du pont supérieur, soit par un sabord de flancs. Naturellement, il est encore plus facile d’approvisionner un grand bateau qu’un petit. analogie n’existe pas seulement au point de vue légal, mais aussi en ce qui concerne la construc- tion. C'est surtout à New-York que les ferrys ont pris une grande importance. La situation et le commerce de New-York ont fait de sa flotte de ferrys la première du monde. Ces bateaux, qui doivent transporter rapidement d’une rive à une autre de lourdes voitures, une grande quantité de piétons, ete, sont tenus de sa. tisfaire à certaines conditions générales.Leur coque doit être très rigide de manière que les paliers de l’arbre porte-hélice restent bien en ligne droite. Il faut une forte stabilité longitudinale pour éviter qu'un lourd chargement, placé à l'avant, ne fasse trop plonger celte partie du bateau. Le navire doit pouvoir bien gouverner, même quand il pique du nez, être capable de bien manœuvrer quand il marche en avant avec les machines stoppées, porter de lourds chariots de transport sans que la coque fatigue, avoir une forme convenable pour fendre la glace. Le poids de coque doit être aussi petit que possible; le tirant d’eau n'excède pas 3"40, et on donne aux ferrys une stabilité trans- versale suffisante pour la sécurité mais sans plus. La machine doit partir et se renverser rapidement, être capable de subir de grandes variations de puis- sance, tout en étant très économique à l'allure nor- male qui correspond aux deux tiers de lapuissance:elle doit être simple, robuste et facile à manœuvrer, à visiter et à réparer. Les chaudières surtout ont à satisfaire à des exigences multiples et quelque peu contradictoires : elles ne doivent pas ètre susceptibles de primage, elles doivent satisfaire avec le moins de perte possible aux variations dans le débit. La vapeur doit être accumulée dans un réservoir à chaque stoppage; en marche les chaudières ne sont pas assez puissantes pour alimenter la machine d’une manière continue, il en résulte qu’au départ de chaque escale la pression monte au-dessus de la moyenne et, à l’arrivée à l’escale suivante, elle est tombée au-dessous. Même avec le plus grand soin, il est difficile d'éviter quelques pertes par le tuyau d'échappement. La machinerie auxiliaire des ferry-boats modernes consiste en une pompe à air, une pompe de circula- tion, une pompe alimentaire, une pompe de cale et d'incendie, les servo-moteurs de gouvernails, des dynamos pour l'éclairage et un ventilateur servant à volonté pour aspirer Pair vicié ou pour insuffler de l'air chaud dans les cabines. Les ferry-boats de New-York sont de deux sortes : à roues et à hélices : Avec les roues le bateau stoppe moins facilement qu'avec les hélices; la machine et les roues prennent une grande place sur le pont. Le bâtiment pique faci- lement du nez quand il est chargé sur l'avant, et cela au détriment de la capacité de manœuvre, d’ailleurs faible aux petites allures. Sur les ferrys à roues les machines à balancier sont les plus employées; elles sont très simples. peu coûteuses de premier établisse- ment et, jusqu'ici, on les a trouvées économiques ant point de vue de la consommation du charbon. 616 A. CRONEAU — LES RÉCENTS TRAVAUX DES « NAVAL ARCHITECTS » AMÉRICAINS Sur les ferrys à grand nombre de passagers, on emploie l’hélice comme propulseur. Les ferrys de New-York dérivent tous d’un type unique; ils ont un arbre rigide qui traverse le navire de bout en bout et fait tourner une hélice à chaque extrémité; cet arbre est actionné par une ou deux machines. Un ferry-boat avec une hélice unique a été construit et mis en service sur une des rivières du Nord, et, dans ces der- niers temps, un ferry de New-York aété remis en service avec une seule hélice à la suite de la rupture Les ferrys viennent toucher aux quais en entrant dans un court chenal formés de pilolis qui les guident : plus on accroit la masse et la vitesse de ces petits bateaux, plus on est obligé de renou- veler souvent les files de pilotis. On s’est aperçu que les navires trop stables ou troprigides étaient susceptibles de se détériorer davantage en cho-* quant contre ces pilotis. Il y a intérêt, pour moins Fig. 2. — Coupe au milieu du « Ferry-boal Netherlands », 1892. d'un de ses propulseurs. Les propulseurs n’ont pas eu à souffrir de la glace, même quand on en a mis deux. Les bateaux à une seule hélice sont beaucoup plus économiques à même vitesse ; mais la moins grande capacité à aller en arrière dans une direction déter- minée, la différence dans la facilité d'évolution suffi- sent pour expliquer que les bateaux à deux hélices jouissent d’une plus grande faveur. La nécessité de renverser promptement la marche a conduit à l’adop- tion de deux machines afin d’avoir deux cylindres à haute pression avec leurs manivelles à angle droit. La stabilité initiale est naturellement moindre sur les navires à un pont que sur les navires à deux qui sont obligatoires pour certaines routes, Les ponts dans les nouveaux navires ont moins de porte-à-faux sur la coque que dans les anciens, détériorer les pilotis, à accroitre la largeur du gouvernail et à se servir de propulseurs à trois ailes au lieu de quatre." Pour la construction de la coque, les deux figures ci-jointes, relatives, l'une (fig. 1) au Bergen, l'autre (fig. 2) au Netherlands, montrent les princi- pales différences entre les anciens el les nouveaux ferry-boats. Le Bergen a une machine à triple expansion avec des cylindres ayant respective- ment 470 millimètres, 660 millimètres et 1 m. 067 avec 61 centimèlres de course. Le Netherlands a deux machines compound avec des cylindres de 457 millimètres, 965 millimètres et 741 millimètres A. CRONEAU — LES RÉCENTS TRAVAUX DES « NAVAL ARCHITECTS » AMÉRICAINS 617 de course. La machine du Bergen est dessinée pour une pression de 11,25; celle du Wefherlands pour une pression de 9,86; les chaudières sont du type amirauté. Sur le Netherlands il y a un grand réser- voir de vapeur entre les deux chaudières. Quant à la question de luxe et de confort, il y a autant de différence entre les ferrys construits il y a dix ans et ceux nouvellement mis au service qu’il y en a entre les anciens wagons et les Pullman actuels. VI. — ÉVOLUTION DU LÉVRIER DE L'ATLANTIQUE, — par M. CuaRLEs CRAMP Le célèbre constructeur américain M. nous donne un aperçu des transformalions ap- portées aux grands paquebots transatlantiques | depuis 1870, en se plaçant principalement au point de vue de la vitesse, et il fait suivre cet historique de considérations intéressantes à connaitre. La principale faute des constructeurs anglais provient de leur aversion contre la stabilité initiale, de leur répugnance à accepter les fortes hauteurs métacentriques. Dans le but d'assurer au navire des périodes de roulis aussi longues et des mou- vements aussi doux que possible, les Anglais des- sinent des paquebots dépourvus de stabilité initiale et les font tenir droils en employant un lest d’eau très lourd, dont le transport coûte cher sans rien rapporter. M. Cramp condamne absolument ce sys- tème défectueux, dans lequel l'addition d'un poids mort considérable est indispensable pour assurer aux paquebots la stabilité requise. Sans doute les cellules du double fond doivent être installées de manière à servir de water-ballas! pour redonner au navire une assiette convenable ; mais l'introduction d'eau ne doit pas être nécessaire au point de vue de la stabilité. Avec le procédé anglais, il n’y a aucun avantage à tirer de la disparition du charbon consommé ou de l'absence de chargement ; un paquebot ainsi dessiné doit, pour être stable, rester toujours dans ses lignes d’eau, el on est conduit à lui faire trainer mille à deux mille tonnes dans ses water-ballasts. L'introduction de l’eau dans de nombreux com- partiments et l'expulsion de ce liquide sont com- mandés d'une station centrale et se font au moyen de soupapes et de pompes avec contrôleurs élec- triques. La vie d’un millier de passagers se trouve ainsi mise à la merci de l'homme de commande qui est chargé de manœuvrer habilement les touches d’une sorte de piano: il y a là une source de dangers qui est à éliminer. Les errements des constructeurs anglais sont inadmissibles, étant donné qu'on peut construire des navires qui soient stables, sans aucun préjudice pour leurs autres qualités nautiques et en élimi- nant le facteur humain, toujours dangereux au Cramp point de vue de la sécurité. Il faut donner aux pa- quebots de la stabilité iniliale, de manière qu'ils puissent se tenir droits et flotter,quelle que soit la varialion du lirant d’eau, et en dépit de toute er- reur dans la manœuvre des robinets. En ce qui concerne les dimensions des navires, la limite parait atteinte. Les conditions hydrogra- phiques imposent une limilation du tirant d'eau el, celui-ei étant donné, la longueur et la largeur sont également limitées. Le rapport de la largeur au tirant d’eau ne dépasse pas 3 el il est hors de doute que sa meilleure valeur est d'environ 2,5. Pour que la poutre formée par le navire ait la solidité suffisante, M. Cramp lui assigne un peu moins de neuf fois sa largeur. En un mot, un lirant d’eau de 850, une largeur de 21"50, une longueur de 180 à 190 mètres paraissent des maxima qu'il convient de ne pas dépasser. Au point de vue des propulseurs, il convient de ne pas atteler sur une seule hélice une machine trop puissante, élant donné le diamètre de l’hélice, diamètre qui est imposé par le tirant d'eau; la force serait mal utilisée. Par exemple, pour un grand navire calant 8" 50, à moins d'admettre un nembre de tours trop considérable pour marcher écono- miquement à pleine allure pendant cinq à six jours, on ne doit pas dépasser 12.000 chevaux sur cha- que arbre. Donc, si l’on a besoin de plus de 12.000 chevaux, il faut mettre deux hélices, et, si l’on doit dépasser 24.000, il ne faut pas hésiter à en mettre trois. Ce raisonnement s'applique aux navires de toute grandeur ; les chiffres seuls chan- gent en raison du diamèlre de l’hélice. M. Cramp termine en donnant les éléments prin- cipaux des navires qu’il construisait à ce moment pour la Compagnie de Navigation internationale: le Saint-Louis ! et le Saint-Paul. Longueur à la flottaison 1631, Longueur totale..... 168m,8 Largeur maxitua. 197,2 Creux PME : M: 127,8 Tonnage brut....... LAAT TEE" Cabines de 1re classe... 320 passagers. Cabines de 2e classe. 200 — Cabines de 3° classe..... 2e 900 — La propulsion est donnée par deux hélices jumel- les actionnées par deux machines à quadruple expansion, développant une puissance collec- tive de 20.000 chevaux environ. L'arrière est en croix avec deux bosses horizontales. Le plan mince est très réduit, presque supprimé, la quille courbe se relevant de manière à venir presque rencontrer les pieds des couples bossus de la croix. A. Croneau, Professeur à l'Ecole d'Application du Génie maritun ‘ Le Saint-Louis a été lancé le 42 novembre 1894, et le Saint-Paul a suivi quelques mois après. 61S BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques. Ocagne (Maurice d’), Ingénieur des Ponts et Chaussées, Professeur 4 l'Ecole des Ponts et Chaussées, Répétiteur à l'Ecole Polytechnique. — Cours de Géométrie des- criptive et de Géométrie infinitésimale, — { vol. in-8° de 428 pages avec 340 fig. (Priæ: 12 fr.). (Encyclo- pédie des Travauc publics.) Gauthier- Villars et fils, édi- teurs. Paris, 1896. Indépendamment des élèves-ingénieurs sortis en rang utile de l'Ecole Polytechnique, l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées recoit des auditeurs externes dont les connaissances scientifiques sont à peu près celles qui font l’objet des Cours de Mathématiques spé- ciales. Ces connaissances étant évidemment insuffi- santes pour permettre de suivre avec fruit les cours de pure application, on -a dû instituer à l'Ecole des Ponts, pour les élèves externes, un ensemble de cours préparatoires constituant en quelque sorte un résumé des partes les plus essentielles de l’Enseigne- ment. polytechnique. L'ouvrage de M. d'Ocagne est le développement de l’un de ces cours, celui de Géométrie. Il est divisé en-deux parties : la première est relativeaux compléments de Géométrie descriptive, la seconde à la doctrine des infiniment petits et à ses applications aux propriétés des lignes et des surfaces. Chacune des deux parties se subdivise en quatre autres, en sorte que l'ouvrage se compose de huit chapitres ayant des objets distincts et bien définis. Les chapitres I, III et IV (Projections cotées, ombres usuelles, perspective linéaire) ne donnent lieu à aucune observation spéciale. Les théories dont il s’agit sont exposées d’une manière fort méthodique et les prin- cipes y sont accompagnés d'exemples nombreux et soi- gneusement choisis. Le chapitre IT doit nous arrêter un peu plus long- temps ; il renferme une exposition nouvelle de la perspective axonométrique, faite particulièrement en vue de la théorie des ombres, qu'elle précède immé- diatement, Au lieu de rattacher ce mode de représenta- tion à la perspective ordinaire, l’auteur définit la perspective axonométrique par la construction même qui permet de marquer sur la feuille de dessin la perspective axonométrique d’un point. Cette manière de voir étant admise, nous n'avons que des éloges à donner à M. d'Ocagne pour la suite de son exposition. Mais n’eût-il pas mieux valu partir de la définition ordi- naire, puis transformer presque immédiament cette définition dans celle que M. d’Ocagne propose, de manière à mettre à profit l’un et l’autre des deux points de vue, pour les développements ultérieurs ? On aurait de la sorte, ce nous semble, évité quelques difficultés, notamment en ce qui concerne les con- tours apparents de la surface. Les chapitres V et VI sont consacrés à la Géométrie infinitésimale des lignes planes ou gauches et nous gage- rions volontiers qu'ils constituent la partie de son livre pour laquelle l’auteur éprouve la tendresse la plus vive. Peut-être a-t-il fait à ses travaux person- nels une part un peu trop léonine, et il n’est pas bien certain que toutes les formules qu'on trouve ici soient indispensables pour l’art de l'ingénieur, Mais. qui peut le plus peut le moins, et nous ne saurions blamer un professeur de ses nobles efforts pour sug- gérer à ses élèves le goût des méthodes fécondes et des formules élégantes! Deux choses doivent surtout frapper dans les chapitres V et VI: c’est, d’une part, le souci constant de l'évaluation rigoureuse de l’ordre desinfiniment petits négligés, et du signe des grandeurs ET INDEX géométriques ; et, d'autre part, l'application à la Cinématique. « Elle montre, » dit l’auteur, « comment « cette science peut être rattachée à la Géométrie des «figures variables lorsqu'on à d’abord envisagé celle- « ei sans faire intervenir la notion du déplacement, « ce qui, au pointde vue philosophique, paraîtra sans « doute plus satisfaisant. » Le chapitre VII concerne la courbure des surfaces ainsi que les lignes de courbure, les lignes asymptotiques, les lignes géodésiques, etc. Quant au chapitre VIIF, qui est le dernier, il se rapporte à des surfaces particulières et notamment aux surfaces réglées gauches ou dévelop- pables, On saitque la loi de variation des plans tangents aux divers points d’une génératrice d’une surface gauche comporte trois formes principales : théorème de l’obliquité, paraboloïde des normales, correspon- dance homographique entre les points de contactet les traces des plans tangents sur une droite quelconque. ILest regrettable que M. d’Ocagne ait omis de signaler la troisième forme, qui est de beaucoup le plus im- portante au point de vue de l’art du Trait; nous avons montré, en effet, dans nos cours et depuis bien long- temps, avec quelle facilité cette troisième forme per- met de résoudre dans tous les cas le problème du plan tangent et le problème inverse; les tracés auxquels elle conduit sont d’ailleurs simples, uniformes et indépendants du mode de représentation employé. Jusques à quand continuera-t-on à se complaire dans les paraboloïdes et les hyperboloïdes de raccordement? Nos Nestors (et ils sont nombreux, hélas!) parlent sans cesse du surmenage, sans soupconner que sa yraie cause est dans le maintien des calculs informes et des mé- thodes surannées! En résumé, et malgré les quelques réserves fort timides que nous avons cru devoir faire dans l’intérèt mème de l’Auteur, l’ouvrage de M. d'Ocagne nous parait un livre excellent, appelé à rendre de réels services el à figurer avec honneur dans l’Encyclopédie des Travaux publics de M. Lechalas. Parfaitement adapté, par le choix des matières, à sa destination, il est, en outre, écrit avec une merveilleuse clarté; et il suffit d’en lire quelques pages poux reconnaître, chez son savant auteur, les qualités maitresses du profes- seur habile et expérimenté. Eugène RoucHÉ. Carvallo (E.), Agrégé de l'Université, Examinateur à l'Ecole Polytechnique. — Méthode pratique pour la résolution numérique complète des équations algébriques ou transcendantes. — 1 vol. in-4° de: 32 pages (Prix : 4 fr. 50). Nony et Cie, éditeurs. Paris, 1896. C’est d'une de ses thèses de doctorat (1890) que M. Carvallo a tiré le présent ouvrage : il y rend rigou- reuse et pratique une méthode due à Gräffe, de Zurich (1839), pour la résolution des équations numériques. Les méthodes théoriques habituellement enseignées, comme celles de Lagrange ou de Sturm, sont d’un usage limité par une pratique des. plus pénibles, Au contraire, M. Carvallo à fait de la méthode de Gräffe un instrument simple et rapide et qui semble répondre au vœu de Duhamel : donner une méthode de résolution que tout le monde puisse appliquer avec le même succès, Le principe de cette méthode est de calculer d’abord des puissances des racines assez élevées pour que deux racines qui, primitivement, différaient peu, deviennent séparées, c’est-à-dire aient un rapport assez considérable pour que la plus petite des deux soit négligeable devant l’autre, au degré BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 619 —-— d'approximation du calcul. De là résulte la fragmen- tation de l'équation aux puissances des racines, en différentes parties qui, égalées séparément à 0, déter- minent les racines d'égal module. Grälfe n'avait guère fait qu'indiquer ce principe si simple; d’autres, après lui, avaient repris la méthode, sans lui donner la rigueur et la généralité indispen- sables. M. Carvallo, au contraire, a obtenu ce résultat; grâce à une proposition fondamentale sur la fragmen- tation de l'équation, il parvient à rendre le procédé rigoureux et uniformément applicable à la recherche de toutes les racines, quelle que soit leur nature; on n’a même pas à prendre des précautions préalables du genre de celles qu'exige, par exemple, la méthode de Newton. Des exemples nombreux, bien choisis et cal- culés jusqu'au bout mettent en évidence les avantages de la méthode; un dernier chapitre est consacré à son extension aux équations transcendantes usuelles, dont la théorie de l’élasticité fournit un intéressant exemple. M. LELIEGVRE. 2° Sciences physiques. Deprez (Marcel), Membre de l'Institut, Professeur d'Électricité industrielle au Conservatoire national des Arts et Métiers. — Traité d'Électricité industrielle théorique et pratique. 1° Fascicule : Electricité statique et Magnétisme.— 1 vol. in-8° de 368 pages avec 148 figures (Prix : 12 fr.) E. Deprez, éditeur, 17, rue des Bernardins. Paris, 1896. Il est bien difficile de juger une œuvre sur un pre- mier fascicule qui doit en former le quart seulement. Telle lacune qui frappe le lecteur sera comblée dans la suite de l’ouvrage, dont le plan n'apparaîtra net- “tement que plus tard. Aussi devons-nous faire crédit à l’auteur de certaines méthodes, dont l'exposé devra suivre l'explication de divers phénomènes, et de résul- tats numériques qui seront probablement rassemblés à la fin du volume, ou indiqués à propos de la des- eription des machines, description qui fera l'objet de la seconde partie de ce Traité. Cela dit, le titre du fascicule que nous avons sous les yeux en indiqae suffisamment le plan : les quelques - définitions par lesquelles on a coutume de débuter “sont rapidement exposées dans un court chapitre d'introduction; puis nous entrons dans le détail des actions mécaniques mutuelles des corps électrisés, “ pour aboutir à l’induction électrostatique ou influence; enfin, l'électricité statique, — à laquelle les deux tiers environ du volume sont consacrés, — se termine par l’électrométrie. En réalité, ces divers chapitres contiennent un peu plus que leur titre l'indique, en même temps qu'ils chevauchent légèrement les uns sur les autres. C'est ainsi que, dans l'induction électrostatique, sous le titre des actions mutuelles, nous rencontrons la théo- rie entière du potentiel, des surfaces équipotentielles, l'expression du travail électrique et des phénomènes qui accompagnent la réunion de deux corps électrisés conducteurs par un fil métallique. Ilne manque donc rien pour aborder avec fruit l’é- tude des condensateurs qui forme la majeure partie du troisième chapitre, dans lequel cet instrument est étudié d’une facon très complète. Ce chapitre se ter- mine par diverses applications fort intéressantes des condensateurs, dont quelques-unes sont dues à l’au- teur et montrent bien l'importance de l'étude de ces instruments. Nous retrouverons du reste le condensa- teur à propos de l'électrométrie, pour la mesure des quantités d'électricité, et par conséquent des capa- cités. - Le plan suivi dans l'exposé des phénomènes du - magnétisme est sensiblement le même; un chapitre pour les définitions et les lois générales, un autre pour l'induction magnétique et un troisième pour la mesure des grandeurs magnétiques, y compris le champ terrestre. Les deux exposés sont parallèles, et, à part quelques théorèmes sur la décharge des con- densateurs, nous ne rencontrons point encore le cou- rant et ses effels; c'est pour cette raison que, dans l'exposé des méthodes de mesure des pouvoirs induc teurs spécifiques, on a dù laisser de côté toutes celles qui sont fondées sur l’emploi des oscillations rapides, et qui sont seules admissibles dans le cas des corps médiocrement isolants. L'ouvrage de M. Marcel Deprez possède un cachet bien personnel qui reflète en maint endroit les qualités inventives de l’éminent ingénieur; les exemples heu- reux abondent, et les problèmes numériques accom- pagnant les déductions théoriques sont de ceux qui sravent un fait dans la mémoire. Une place importante, avons-nous dit, a été faite aux condensateurs, dont le rôle industriel, encore peu dé- veloppé, peut s'étendre d’un jour à l’autre. Ainsi, l’auteur montre comment on pourrait, sans dépasser les limites de dimensions d’une machine industrielle, utiliser ces instruments à la transmission de quantités notables d'énergie. On construirait sans peine, par exemple, descondensateurs de capacité variable, don- nant lieu au transport de plusieurs chevaux entre deux stations éloignées. Les potentiels très élevés que lon emploierait dans ce cas seraient obtenus et gouvernés plus facilement qu’on ne le fait à l’aide de machines dynamos. Traitée à ce point de vue nouveau, la matière, bien que fort connue, prend un nouvel intérêt même aux yeux de ceux qui sont le plus au courant des faits gé- néraux. La facon très simple dont les calculs sont conduits, rendrait, de plus, l'ouvrage fort précieux aux débutants, si de trop nombreuses incorrections ne déparaient un ensemble remarquable à d’autres égards, Les expres- sions dans le genre de « pression par unité de sur- face » ne sont pas rares; cette dernière n’est pour nous qu'un pléonasme peu dangereux; mais il faut penser au commencant qui sera, dès lors, exposé à confondre une pression avec une force. Nous trouvons ailleurs un calcu! conduisant à la conclusion que la capacité est, dans le système électrostatique, l'inverse d'une longueur. Ce premier fascicule ne contient que peu de résultats d'expérience, ce qui entrait sans doute dans le plan général de l'ouvrage ; et, malheureusement, pour les quelques nombres cités, le choix des sources n’est pas des plus heureux. Ainsi, pour les pouvoirs inducteurs, l’auteur donne des résultats trouvés par M. Robert Weber au moyen d'un procédé «dont il est l'inventeur.» Or, la simple comparaison des résultats de M. Weber suffit pour montrer combien sa méthode est peu exacte. Comment ne pas s'étonner, par exemple, que le pou- voir inducteur de l’air varie de 2 °, entre O°et 15°? Dans un premier travail, M. Weber avait trouvé la constante diélectrique de la benzine égale à 65; plus tard, il l'indique comme étant de 1,8 seulement, et prend la précaution de dire que le premier nombre n'était qu'approché. Nous aurions grand tort, évidemment, de rendre M. Marcel Deprez responsable des mesures de M. We- ber; mais nous regrettons qu’il ait couvert de sa haute autorité des travaux qui ne peuvent qu'embrouiller la question déjà complexe des pouvoirs inducteurs spéci- fiques. Ces quelques exemples montrent que, si l'ouvrage de M. Marcel Deprez possède une réelle valeur tant par la hauteur de vues qui en a dirigé la composition que par l’ingéniosité des procédés, il pourrait gagner en- core par un soin plus grand du détail, et une cri- tique plus méfiante des sources. Nous aurions pu multiplier les exemples; mais les quelques critiques auxquelles nous aurions pu nous livrer seraient pro- bablement tombées d’elles-mêmes devant l'erratum que Pauteur promet pour le second fascicule. Ch.-Ed. GUILLAUME. 620 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3° Sciences naturelles. ZÆZwaardemaker (D' H.). Médecin à Utrecht. — Die Physiologie des Geruchs. — 1 vol. grand in-$° de 324 pages, avec 98 figures. (Price : A1 fr. 25.) W. Engel- mann, éditeur. Leipzig, 1895. L'ouvrage du DrZwaardemaker est le seul travail d'ensemble que nous ayons actuellement sur l’olfac- tion ; il comble done une lacune importante ; Ja biblio- graphie en est très +xacte et très soignée, les expé- riences des autres auteurs y sont relatées et discutées avec impartialité, enfin quelques parties contiennent le détail des expériences originales de l’auteur qui apporte une contribution importante à l’étuce de cette question. Aussi, quoique certaines parties soient im- parfaites, ce livre sera-t-il accueilli avec reconnais- sance par tous les physiologistes, Quelques pages sont consacrées à l'anatomie compa- rée de l'appareil olfaclif; rappelant les classifications de Broca et Turner en animaux macrosmaliques, mi- crosmaliques et anosmatiques, l’auteur entre dans quelques détails sur les transformations régressives subies par l’appareil olfactif humain, aussi bien dans sa partie périphérique que dans sa partie centrale. Les recherches récentes de Brünn ont délimité plus exactement la regio olfactoria de la muqueuse nasale, dont l'étendue est beaucoup moins considérable qu'on ne l’imaginait. Le chapitre suivant, consacré aux pro- priétés physiques des/corps odorants, manque un peu d'intérêt et de nouveauté; on y trouve, longuement rééditées, des observations de Cloquet, de Liégeois, de Prévost, de Piesse, qui trainent depuis trop longtemps déjà dans la littérature, Le chapitre III, consacré au mécanisme de l'olfaction, est un des meilleurs; l’au- teur y examine les diverses méthodes employées pour suivre le trajet parcouru par l'air pendant linspi- ralion et l'expiration; celle de Paulsen qui consiste à fixer sur le cadavre de petits fragments de papier tournesol rougi, puis à établir une respiration artifi- cielle avec de l'air chargé de vapeurs ammoniacales; celle de Zwaardemaker, qui consiste à se servir d’air chargé de noir de fumée. La conclusion offre une grande importance : jamais l’air inspiré ou expiré ne parvient jusqu’à la région olfactive proprement dite; celle-ci, située dans une zone tranquille, que ne troublent pas les mouvements de l'air, conserve une température et un état hygrométrique constants, reste à l'abri des poussières et des causes d'irritation et ne recoit les odeurs que d’une façon indirecte. Toute cette partie est exposée el discutée avec beaucoup de sagacité. C'est ici également que l’auteur rend compte du travail d’Aronsohn sur l’olfaction dans l’eau; les objections qu'il présente ne nous paraissent pas bien fondées. M. Zwaardemaker aborde ensuite l'étude du champ olfactif, c’est-à-dire de la zone dont les narines peu- vent, dans une position délerminée, recevoir les éma- nations; ce sont des expériences originales de l’auteur. Les taches respiratoires formées par la condensation de l’haleine sur un miroir froid, leur symétrie, ou leur dissymétrie, leur signification pour le diagnostic des déformations et déviations congénitales ou patho- logiques de la cavité nasale ont été étudiées avec beau- coup de soin. Le chapitre V traite de l’olfaction telle qu’elle se produit pendant l'ingestion des aliments par le pharynx, à laquelle l’auteur donne le nom d'olfac- tion guslative,. Il aborde ensuite la question de l’olfactométrie; après avoir disculé les différentes méthodes qui ont été proposées, il entre dans les détails les plus circons- tanciés sur son olfactomètre et la manière de s’en servir. La discussion sur les mérites respectifs du mi- nimum perceptible moyen, et du minimum perceptible normal ou olfactie, paraît un peu longue. Le chapitre IX traite des anosmies et hyperosmies totales ou partielles; l'expérience clinique de l’auteur, qui est considérable sur ce sujet, lui a pegmis de ras- sembler beaucoup de faits intéressants et même de donner des résultats statistiques. Les anosmies par obstacle mécanique seraient de beaucoup les plus nombreuses, Les anosmies et hyperosmies expéri= mentales (cocaïne, strychnine, etc.), y sont égale ment trailées. Le chapitre XI traite de l’odorimétrie, ou mesure de l'excitant physique par opposition à l’olfactométrie on mesure de l’excitalion; le nom est heureusement choisi pour souligner une distinction utile. L'auteur y traite principalement des travaux de M. Jacques Passy, à la méthode duquel il donne la préférence. M. Zwaardemaker aborde ensuite l'étude de la sen- sation olfactive : minimum perceptible, temps de réac- tion, fatigue; il n’admet pas la distinction établie par M. Beaunis d'après le temps de réaction, et M. Jacques Passy d'après l’ensemble des propriétés physiologiques entre les odeurs et les parfums; il s'appuie pour la rejeter sur ce raisonnement à priori que les mi- nima perceplibles des différentes odeurs sont des excitations égales, puisque ce sont les plus petites possibles; cela ne nous paraît ni démontré, ni même probable ; il est fort possible que ces excitations ne correspondent ni à des phénomènes physiques compa- rables, ni à la mise en jeu des mêmes éléments ner- veux; il se peut que le minimum perceptible de la vanille — je force un peu ma pensée pour la rendre plus claire — ne soit pas plus comparable à celui de la menthe, que le minimum perceptible d’un son à celui d'une couleur. Pour les temps de réaction, après avoir rapporté les expériences de Moldenhauer, Buccola et Beaunis, lau- teur donne ses propres expériences, établies sur un plan peut-être plus physiologique et qui confirment d’ailleurs celles de ses devanciers. Un chapitre sur la classificalion des odeurs ne nous parait pas digne de ce qui précède et de ce qu'on est en droit d'attendre de l’auteur. Les vieilles divisions en odeurs fragrantes, aromatiques, nau- séeuses, ne méritent certainement pas une discussion aussi consciencieuse et aussi approfondie. Nous n& voyons, quant à nous, qu'une désignation précise pour un groupe d’odeurs, celle d'un composé chimique défini; et qu'une tentative intéressante de classifi- cation, celle d’Aronshon, qui consiste à fatiguer l’odo- rat pour une odeur déterminée, puis à rechercher quels sontles odeurs auxquelles cette fatigue s'étend. Encore cette méthode est-elle plutôt très ingénieuse que réels lement eflicace. Toute la dernière partie de l'ouvrage. d’ailleurs, n'est plus à la hauteur de la première; l’auteur y passe en revue l'odeur et le chimisme, cherche ensuite à dis- tinguer des odeurs simples dont les autres dérivent par mélange. Beaucoup d'obscurité, beaucoup de lon sueurs, beaucoun d'hypothèses et peu de faits. L’au- teur n’est évidemment pas sur un terrain aussi solide pour lui que celui de la physiologie pure. Un appendice intéressant résume l'état de nos con- naissances sur le sens chimique des espèces animales inférieures, Méduses, Cœlentérés, Mollusques, Grus- tacés, Insectes. En résumé, l'ouvrage de M. Zwaardemaker gagnerait beaucoup à être élagué de quelques longueurs, el surtout de certaines parties, que, dans l’état actuel de nos connaissances, il vaut mieux se résigner à passer sous silence, que de traiter d’une facon trop superfi- cielle ou banale. Tel qu'il est cependant, il témoigne d’un travail considérable, de beaucoup de conscience scientifique, etil rendra à tous les spécialistes, l'inestimable service de les renseigner d'une façon très complète sur l’état de la question. Jacques Passy. Herlant (A.), Professeur à l’Université de Bruxelles. — Micrographie des poudres officinales. — 1 vol. in-16 de 50 pages avec 40 planches microphotographi- ques. H. Lamertin, éditeur. Bruxelles, 1896. S'ÉÉES AS G ne BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Sciences médicales. aval (E.), de l’Académie de Médecine. — Manuel théorique et pratique du Strabisme. — | vol. in-16 de 372 pages avec #4 figures, | planche et À etui contenant 48 cartons. (Prix : 5 fr.) G. Masson, éditeur. Paris, 1896. M. Javal vient de faire paraitre, sur le strabisme, un — livre qui est l’œuvre de toule sa vie, ainsi que lui-même er d l'expose au début de l'ouvrage. On se rend facilement compte, en effet, de l'effort contenu dans ces pages et du temps passé à ce patient labeur, lorsqu'on se prend à lire les observations si nombreuses et si minutieuses, à suivre l'énoncé des épreuves d'examen que l'auteur a, en grande partie, imaginées ou modiliées, el qui, toutes, sont d’une compréhension assez délicate. En un court avant- propos, l’auteur expose d'abord les principes nécessaires de l’optique physiologique, l'étude schématique du strabisme convergent et diver- gent. Puis il aborde la partie clinique en passaut en revue tout ce qui à trait à la vision binoculaire, avec les expériences susceptibles de faire comprendre tous les phénomènes qui s’y rapportent. Vient ensuite la classification clinique des différentes formes de stra- bisme : le strabisme apparent, l'angle «, etc. Entin, la partie clinique se termine par une étude complète de l'outillage thérapeutique avec, en particulier, un chapitre important consacré aux stéréoscopes; en dernier lieu, sont mentionnées des indicalions pré- cises, relativement au traitement à employer. Notons dans la partie clinique du livre de M. Javal les quelques points qui, entre autres, ont attiré notre attention. Les déviations visuelles peuvent être corrigées par des prismes, et on sait que la déviation produite par un prisme d’un degré est d'environ 1 centimètre; tou- telois, l'auteur déconseille emploi de ce moyen de correction, parce que les prismes faibles n’ont qu'une action négligeable, et que les prismes forts sont trop lourds à porter. Mème dans l'insuffisance des droits internes, l’action des prismes reste inférieure aux au- tres moyens de traitement. Au point de vue opératoire, M. Javal ne prend parti ni pour l’un ni pour l’autre des procédés actuellement en faveur. Les opérations ne valent que par les opéra- teurs en matière de strabisme : telle parait être sa doctrine, et c’est la bonne. D'ailleurs, il faut savoir qu'un dosag se précis n’est pas de rigueur. La correc- tion opératoire peut n'être qu'approximative elle n'est que cela dans les quatre cinquièmes des cas, et les exercices destinés à rétablir la vision binoculaire font le reste. Ce chapitre est à consulter dans son en- tier pour les règles multiples à suivre dans les divers cas de strabisme, selon le degré de la déviation, la situation sociale du sujet, ses besoins. etc. Ou peut être enclin à chercher à guérir le strabisme des hypermétropes par le port de verres convexes ap- propries ; l'opinion de l’auteur sur ce sujet est im- portante à connaître. D'après lui, il est extrêmement rare que les verres convexes seuls conduisent l'enfant à la guérison, même si ceux-ci sont prescrits dès le début. Il faut y adjoindre l'usage de la louchette pour voir de près. Cette loi est tellement absolue pour M. Javal qu'il affirme que jamais les verres convexes ne sont capables de guérir un strabisme convergent permanent. La mème conclusion est applicable à la cure des strabismes permanents par les instillations d’atropine. Dans le chapitre suivant, Pauteur expose l’usage de Ja louchetté non percée, qui joue le plus grand rôle dans le traitement du strabisme, après l'opération, A partir du jour où les parents entreprennent le traite- ment du jeune strabique convergent, la louchette doit ètre portée d'une facon ininterrompue, sauf pendant le sommeil. Suivant le cas, la louchette sera installée en permanence sur l'œil le meilleur, ou bien on alter- nera d'un œil à l’autre. La louchette est indispensable jection. 621 pour guérir le strabisme sans opération, sil’onnecraint pas d'assumer une semblable tâche, toujours longue et assez fastidieuse; elle est nécessaire pour reconsti- tuer la vision binoculaire. Après l’action opératoire, c'est elle qui remonte l’acuité visuelle de l’œil stra- bique ; elle est donc un des facteurs primordiaux du traitement, Elle doit essentiellement être constituée par une coquille non perforée, ce qui la distingue des louchettes d'autrefois, percées d’un trou, et qui avaient la prétention, mal justifiée, de forcer le regard des deux yeux à rester en parallélisme, Quand l'opération du strabisme a été exécutée avec succes, il faut s'efforcer d’éviter les rechutes qui se font à la faveur de la neutralisation de l’image de l'œil anciennement strabique et qui tend à le redevenir. Pour cela, il n’est tel que les exercices de vision bino- culaire, mais rigoureusement contrôlés au moyen du miroir où, mieux, du stéréoscope. Ce chapitre du stéréoscope devait occuper dans le livre de M. Javal une place importante : car on sait que le maniement de cet instrument a été l’objet d’études constantes de la part de l’auteur. Il y est, en effet, très complet. C'est d'abord l'exposé historique des premiers stéréoscopes, celui de Wheatstone, puis de Brewster, ensuite les modifications récentes qui, pour une grande part, sont dues à M. Javal. Au livre se trouve d'ailleurs Joint un carnet contenant des modèles nombreux de cartons pour les exercices stéréoscopiques, et qui forme le supplément et le complément de l'ouvrage. Après le chapitre qui traite de la stéréoscopie, l'au- teur aborde les principes généraux du traitement du strabisme et la marche générale de celui-ci. Le traite- ment optique ne tient pas, comme on eût pu le croire, la seule ou même la première place ; M. Javal recon- nait que ce traitement n’est applicable qu’en certains cas exceptionnels et irréalisables, le plus souvent. Seu- lement, le traitement orthoptique n’est pas à délaisser, et il devient nécessaire comme complément à l’opéra- tion. L'auteur est partisan de l'opération précoce, dès que le strabisme est constaté. Chez les enfants, on peut encore essayer la cure de la déviation, quand - celle-ci n’est pas fixe, par la louchette, mais chez les adultes, ces tentatives n'auraient aucune chance d’a- boutir, et l'opération est la seule ressource qu’on puisse utiliser pour obtenir un redressement apparent. A propos des cas spéciaux de strabisme divergent des myopes et de l'insuffisance de convergence, M. Ja- val revient encore sur l'inutilité des prismes et même des verres concaves décentrés. Celle notion est impor- tante à vulgariser. Il faut opérer toujours, si la déviation est visible, et surtout corriger exactement le défaut de réfraction, notamment l’astigmatisme. Le strabisme c convergent des hypermétropes se pro- duit souvent à la suite d’une des affections fébriles du jeune âge, qui ne sont pas toujours les convulsions, malgré les dires des. parents. Au nombre de ces affec- tions figurent les angines, la scarlatine, la lombri- cose, etc., toutes maladies susceptibles de déterminer un peu de paralysie de l’accommodation. L'auteur croit que le strabisme convergent des hypermétropes est causé, dans un grand nombre de cas, par une para- lysie temporaire de l’accommodation. Comme indication de traitement, M. Javal conseille d'opérer les strabiemes allernants et, bien entendu, les strabismes fixes, d’une facon plus rigoureuse en- core; ensuite, on fera porter la louchetle en perma- nence sur le bon œil dans le strabisme fixe et, altee- nativement, sur les deux yeux, dans le strabisme al- ternantL. Le manuel du strabisme se termine par deux chapi- tres qui se raltac hent aux études précédentes, mais où il s'agit de faits spéciaux tels que nystagmus, ou d’études transcendantales de physiologie optique, M. Javal à ainsi mis à part, pour l'usage des phy- siologistes curieux de ces problèmes, des considéra- tions sur la répulsion des images et la fausse pro- D' E. VALUDE. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 1°" Juin 1896. M. le Président annonce la mort de M. Daubrée, doyen de la Section de Minéralogie, et retrace la car- rière de l’illustre géologue. — M. des Cloizeaux rend également hommage au défunt. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — On sait que le monve- ment moyen de la lune paraît être affecté par une ou plusieurs inégalités à longue période, que la théorie n’a pu expliquer. On peut faire deux hypothèses sur la cause d’une telle inégalité : ou elle est réelle, ou elle n’estqu'apparente etprovient dece que la rotation de la Terre autour de son axe ne serait pas parfaitement uni- forme, M. S. Newcomb, réunissant toutes les bonnes observations du passage de Mercure sur le disque du Soleil, montre qu'elles accusent nettement de petites variations dans la rotation de la Terre, et, d'autre part, qu’il existe réellement, dans le mouvement moyen de la Lune, une ou plusieurs inégalités à longue période ; elles sont dues peut-être à l’action mutuelle de la Terre et de Vénus. — M. J. van Cleemput adresse un mémoire ayant pour titre : « La biologie astrale et l’embryogénie cosmique. » — M. Mériau calcule la densité des étoiles variables du type d’Algol, en sup- posant que les variations d'éclat des étoiles de la classe d’Algol sont dues à des éclipses produites par des satellites obscurs. — M. Hadamard pense que la dé- monstration directe du théorème de M. Picard sur les fonctions entières, donnée récemment par M, Borel, s'étend au cas d’une fonction admettant un point essen- tiel. — M. E. Goursat étudie les systèmes en involu- tion d’équations du second ordre. Il démontre, entre autres, la propriété suivante : Si toutes les intégrales d’un système en involution vérifient une équation linéaire en #, s, {, rt — s?, ce système est lui-même linéaire. — M. Michel Petrovitch étudie l'équation différentielle du premier ordre : qui se rencontre dans plusieurs problèmes importants de Mécanique et de Géométrie supérieure. Il la ramène à une autre équation qui a déjà été l’objet de travaux importants, dont les résultats deviendront applicables aux problèmes cités plus haut. — M. L. Picart étudie la rotation d'un corps variable et, appliquant ses résul- tats à la rotation de la Terre, montre que la seule période exacte qui puisse exister dans la variation du pôle à la surface du globe, est la période dite eulérienne. — M. J. Collet étudie l’anomalie de la pesanteur qui existe à Bordeaux; il l’attribue en partie à la légèreté des couches terrestres sous jacentes, mais montre que cette explication n’est pas suffisante, — M. A. Rateau donne une nouvelle théorie des turbines, des pompes et des ventilateurs centrifuges en s'appuyant sur le théorème des moments des quantités de mouvement. Il arrive rapidement à une formule très générale, et sa méthode s'applique directement aux machines telles qu'elles existent. avec toutes leurs imperfections. — M. Bazin communique ses expériences sur la distri- bution des vitesses dans les tuyaux ; il donne de nou- velles formules du phénomène, plus approchées que celles de M. Darcy, usitées jusqu'à présent. — M. A. Rivoire décrit un enregistreur musical de son inven- tion. Avec cetappareil un air exécuté sur le piano est immédiatement et automatiquement transcrit sur une bande de papier sans fin qui se déroule, à une vitesse donnée, sous le clavier, et qui, au moyen d’une clef spéciale, est lue très facilement. 20 SGIENCES PHYSIQUES. — M. Potier présente de nou- velles objections à la théorie de M. Marcel Deprez. — MM. H. Moissan et Ch. Moureu ont constaté que le fer, le nickel et le cobalt pyrophoriques, c’est-à-dire réduits à aussi basse température que possible, mis en présence d'un excès d’acétylène à froid, décom- posent ce gaz avec incandescence en produisant du charbon, de l'hydrogène et des carbures pyrogénés. Cette décomposition est due à la porosité de ces métaux. Le même phénomène peut se répéter avec la mousse de platine. — M. M. Guichard a obtenu. en chauffant de la molybdénite dans un tube de charbon au four électrique, une fonte de molybdène exempte de soufre, — M. Delépine a obtenu des méthylamines très pures par le procédé qu’il a indiqué précédem- ment. Il donne les caractères de leurs chlorhydrates et de leurs picrates, et décrit l’action de l’iode ioduré et du réactif de Nessler sur elles, — M. H. Causse donne le procédé de préparation et les propriétés de l'aldéhydate de diphénylhydrazine : CH5—CHO.2(AzH?—A7H.C6H°) et du benzylate de diphénylhydrazine : C6H5—CHO.2(AzH?—AzH.CSH"). — M. Garchey obtient, par dévitrification de verres finement pulvérisés, une matière facilement modelable, absolument inaltérable et ressemblant à la pierre de taille, qu’il désigne sous le nom de pierre céramique, 30 SCIENCES NATURELLES. — MM. A. Chauveau et F. Laulanié ont fait de nouvelles expériences sur les échanges respiratoires dans le cas de contractions musculaires provoquées électriquement chez les ani- maux en état d’abstinence ou nourris avec une ration riche en hydrates de carbone. Les résultats con- firment leurs précédentes conclusions : le potentiel consacré à l'exécution du travail musculaire est tou- jours un hydrate de carbone : soit celui qui est em- prunté aux réserves de glycogène de l'organisme, soit celui qui provient de la transformation des réserves yraisseuses, soit enfin celui qui est fourni plus ou moins directement aux muscles par l'absorption di- gestive. — M. E. S. London étudie l'influence de cer- tains agents pathologiques sur les propriétés bactéri- cides du sang. Le jeune, la gène de la respiration, l'excitation des nerfs sensibles, l’état urémique dimi- nuent les propriétés bactéricides. — M. C. Delezenne établit que le sang des oiseaux se coagule avec une extrême lenteur lorsqu'il n’a pas été au contact des muscles: en effet, ce sont les tissus qui renferment le principe coagulant du sang chez les oiseaux, — M. Ch. Henry déerit un audiomètre qu’il a fait cons- truire, et donne la relation générale qui existe entre l'intensité sonore et le degrés successifs de [a sensa- tion. Séance du S Juin 1896. 1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. —M. J.Boussinesq donne la théorie de l’écoulement tourbillonnant et tumul- tueux des liquides dans les lits rectilignes à grande section (tuyaux de conduite et canaux découverts), quand cet écoulement s’est régularisé en un régime uniforme, c'est-à-dire moyennement pareil à travers toutes les sections normales du lit, — M. Boltzmann répond à M. Bertrand que si, avec Maxwell, on pose la condition que la distribution des vitesses ne soit pas ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 623 “changée par les chocs, lethéorème de Maxwell necom- porte pas de fonction arbitraire. — M. Bertrand ré- pond que cette supposilion n’est pas justifiée. —M. P. Painlevé présente quelques considérations sur les équations différentielles du premier ordre, d’où il dé- duit comme cas particulier le problème résolu récem- ment par M. Korkine. — M. L. Lecornu complète sa note précédente sur son nouveau régulateur en mon- trant que l'appareil réduit, en général, les oscillations dues aux petites variations périodiques du moment effectif. — M.A. Aimo montre les erreurs causées dans les nivellements par les variations de température dans les instruments géodésiques ; il propose, pour y remédier, de prendre la moyenne des cotes obtenues, en chaque point, par une même personne ayant nivelé à deux heures différentes de la journée, ou par deux observateurs passant le même jour par les mêmes points, dans des conditions identiques et opérant avec des instruments différents, — M. L. Mirinny adresse une note sur un essai de synthèse mathéma- tique. — M. le D' Clos transmet une série d’observa- tions météorologiques, faites pendant cinquante ans, à Sorèze (Tarn). . 20 SCIENCES PHYSIQUES. — On a récemment signalé comme une cause importante d'erreur dans l'emploi de la méthode cryoscopique ordinaire l'influence de la température de l'enceinte réfrigérante. M. F.-M. Raoult montre que: 1° l’influence de la température de l'enceinte n'altère en rien les lois relatives aux abaissements des pointsde congélation des dissolutions inégalement concentrées d'un même corps; 2° elle ne modifie sensiblement ni les valeurs particulières des abaissements moléculaires des différents dissolvants, ni les lois qui régissent leurs rapports; 3° elle peut être mesurée et corrigée dans chaque cas particulier. — Par réduction de l'acide vanadique, au four électrique, par le charbon, M. H. Moissan a obtenu en abondance une fonte de vanadium titrant # à 5°/, de carbone. Si la chauffe est plus longue, on obtient un carbure défini et cristallisé, de formule CVa, Le vanadium peut s'unir, à la température du four électrique, au fer, au cuivre età l'aluminium, mais pas avec l'argent. Par ses propriétés, le vanadium est plus voisin des métalloides que des métaux; son carbure se rapproche des car- bures de titane et de zirconium de même formule, — M. H. Moissan décrit une nouvelle méthode de pré- paration des alliages d'aluminium. Elle consiste à pro- Jeter sur un bain d'aluminium liquide un mélange de l’oxyde du métal à allier et de limaille d'aluminium. La combustion d'une partie de l'aluminium par lair atmosphérique, à la surface du bain, dégage une quan- tité de chaleur tellement grande que les oxydes les plus réfractaires sont réduits. Le métal passe alors d’une facon continue dans le bain d'aluminium. M. A. de Gramont a montré qu'un certain nombre de sels fondus, soumis à l’action de l’étincelle condensée, donnent le spectre de lignes du métalloïde qu’ils con- tiennent. L'auteur à ainsi étudié le spectre de lignes du soufre, en faisant porter ses recherches sur les sul- fures, les sullfates el les composés sulfurés non dé- composables par la chaleur. — M. Lachaud à étudié les propriétés d'entrainement (affinités capillaires) de certains corps, et en particulier du noir animal. — M. Ch. Fabre indique une nouvelle méthode de do- sage de la potasse: Elle consiste à précipiter les sels potassiques à l’état de chloroplatinate depotassium, à dissoudre ensuite ce corps dans l’eau bouillante, à ré- duire le platine à l’état métallique par l'emploi d’un métal (magnésium) et à titrer, dans la dissolution, le chlore du chloroplatinate. Les résultats fournis par ce procédé, sans être rigoureusement exacts, sont très suffisants pour les dosages industriels. — Mlle Doro: thy Marshall à déterminé directement la chaleur de vaporisation de l'acide formique, qui est égale à 120,4. Ce nombre se confond pratiquement avec celui qu’on peut déduire des données récemment publiées par M. Raoull sur les tensions de vapeur de l'acide for- mique employé comme dissolvaut (120,9). — MM. G. Patein et E. Dufau ont étudié les combinaisons de Pantipyrine avec les acides oxybenzoïques et leurs dé- rivés. Les acides oxybenzoiques, qu'on pouvait suppo- ser capables de s'unir à deux molécules d’antipyrine, vu leur double qualité d'acides et de phénols, ne s'unissent qu'à une seule; c'est par l’oxhydryle phéno- lique, et non par lecarboxyle que se fait l'union. Leur formule sera donc : Gta 0 CÉRCSHE N | NX CH3—A7z/ \CO | CHIC —— CH M. A.-B. Griffiths donne la composition d’un pigment rouge retiré d'Amanila muscaria;il est insoluble dans l’eau, soluble dans le chloroforme et l’éther, et corres- pond à la formule C{H!SO6, — M. Santiago Bouilla Mirat communique l'analyse d’une des météorites tom- bées à Madrid le 10 février 1896. — M. A. de Schulten est parvenu à reproduire la malachite cristaïlisée dans des conditions qui ont pu présider à sa formation natu- relle : en laissant se dégager lentement l'acide carbo- nique d’une solution froide de carbonate de cuivre dans l’eau saturée de cet acide. — M. G. Trouvé dé- crit les divers appareils pratiques qu’il a inventés pour servir à l'éclairage par l’acétylène. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau étudie la nature du processus chimique qui préside à la rrans- formation du potentiel auquel les muscles empruntent l'énergie nécessaire à leur mise en travail. Ce processus peut comprendre une foule d'états intermédiaires con- nus ou inconnus, mais il n'est en somme qu'une simple combustion, une oxydation. Les précédentes études de l’auteur lui permettent de conclure que, dans le cas où les muscles soulèvent un poids, la dépense énergé- tique qu'entraine le soulèvement même de la charge équivaut au travail extérieur que représente ce soulè- vement. — M. Aimé Girard montre qu’à poids égal le pain blanc des farines pures est aussi nourrissant que le pain bis des farines inférieures, car il contient sen- siblement la même quantité de gluten; en outre le pain blanc est, au point de vue de la perméabilité par les sues digestifs, de la digestibilité, de la conservation, supérieur au pain bis. — M. Le Hello étudie le rôle des membres postérieurs dans la locomotion du chevaï. Il est conduit aux conclusions suivantes : 1° Les muscles de la partie supérieure des membres postérieurs sont les agents essentiels de la locomotion, et, parmi eux, ceux qui sont situés en arrière du fémur sont particu- lièrement actifs. 2° Le maintien et l'extension des rayons inférieurs des membres dépendent presque entière- ment de la contraction des mêmes muscles de la croupe, de la fesse et de la cuisse, dont l’action se transmet par l'intermédiaire des jumeaux de la jambe et du fléchisseur superficiel des phalanges. 3° Il est démontré que la création des forces locomotrices peut commencer bien avant le milieu de l'appui. L'action de la pesanteur sur la masse du corps est une condi- tion nécessaire pour l’action propulsive des membres inférieurs. — M. Ch. Henry donne une nouvelle rela- tion entre l'énergie musculaire et la sensibilité et les lois des variations de cette énergie en fonction du temps. — M. L. Roule étudie les métamorphoses lar- vaires du Phoronis Sabatieri. — M. Ant. Pizon décrit un nouveau genre d'Ascidie simple de la famille des Molgulidées, le Gamaster dakarensis. — MM. Fabre- Domergue et Biétrix ont péché au filet fin dans les eaux de Concarneau des œufs de Sardine qu'ils ont soumis à l’incubation ; ils ont étudié le développement des alevins auxquels ils ont donné naissance. M. V. Jodin, ayant soustrait un certain nombre de graines à l’action de l’atmosphère extérieure en les laissant dansle vide barométrique pendant10 ans,acons- | taté qu'au bout de ce tempselles conservaient seulement 624 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES | en partie leur puissance germinative. La perte de pou- voir germinatif est due probablement à des moditica- tions intramoléculaires de la substance protoplasmique. — MM. E. Ficheur et E. Haug décrivent les domes liasiques du Zagouan et du Bou-Kournin (Tunisie). — MM. E. Brissaud et A. Londe ont photographié au moyen des rayons de Rôntgen une balle qui avait pénétré dans le cerveau, — MM. M. Hartog adresse un mémoire sur la cytologie des organes de végétation et de reproduction des Saprolégnées. Séance du 15 Juin 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Boussinesq donne les formules des pressions moyennes locales dans un fluide animé de mouvements tourbillonnants et tumul- tueux. — M. Bouny décrit les appareils ingénieux qu'il a inventés pour mesurer le travail dépensé dans l’emoloi de la bicyclette, Les valeurs qu'il a obtenues expérimentalement se rapprochent de celles qu'on peut calculer d’après les formules théoriques de M. Bourlet. — M. A. Mannheim reclifie une erreur assez répandue au sujet des surfaces apsidales, et montre, en particulier, que : Si A est l’apsidale de B, cette dernière surface n’est pas l’apsidale complète de A par rapport au même pôle. — M. D. J, Korteveg et M. G. Manoury présentent chacun une démonstra- tion simplifiée du théorème qui donne l’aire d’une parabole d’ordre supérieur, énoncé précédemment par M. G. H. Schoute. — On suppose, dans les applications habituelles de la méthode des moindres carrés, que chaque équation renferme un seul argument mesuré par une observation directe. Maïs les problèmes réels conduisent à des équations dont chacune contient au moins deux arguments, mesurés par des instruments indépendants. M. J. Andrade montre comment, dans ce cas, on peut généraliser la méthode des moindres carrés, — M. Bougon indique un procédé d’observa- tion des taches du Soleil. — Par l’examen des six premières années d'observations du Bureau central météorologique, M. A. Angot est arrivé à constater l'existence d’une variation diurne très nette de la pluie. En été, la fréquence de la pluie est la plus forte entre trois et six heures du soir; en hiver, entre trois et neuf heures du matin. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Nils Strindberg a vé- rilié expérimentalement la théorie que MM. Poincaré et Bjernkes ont donnée des phénomènes de réso- nance multiple des oscillations électriques, découverts par MM. Sarasin etde la Rive. — M. P. Weiss a étudié l’aimantation de la magnétite cristallisée ; il a observé que, tout en étant variable avec la direction, elle sa- tisfait pleinement àlasymétriecubique. —M.J. Passy montre qu'on peut opérer une réaction au sein d’une liqueur surfondue sans en troubler léquilibre. — M. A. de Gramont décrit les raies des métaux alca- lins (sodium, potassium, lithium) qu’il à observées dans le spectre de dissociation de leurs sels fondus, en particulier dans le spectre des carbonates, — M. Steinheil présente un dictionnaire méthodique de tous les tons réalisables par la superposition de trois tirages (jaune, rouge, bleu)et de toutes lesmodifications que peut produire l'addition sur les précédents d'un ti- rage noir et d’un vernis. L'auteur expose en même tempsun système simple de notation des couleurs ob- tenues. Cet ouvrage est appelé à rendre de grands services dans la chromotypographie en évitant les tâätonnements pour l'obtention d'un ton déterminé, — M. A. Carnot a analysé un grand nombre d'apatites d'origines différentes; la composition des unes est bien représentée par la formule {ype : 1 P205,3Ca0 + 2 Ca(F1.Cl)?; pour d’autres, qui renferment de l'acide carbonique, la quantité de fluor est bien inférieure à la normale ; on est conduil à l'hypothèse qu'une partie du fluorure de calcium a été remplacée par du carbonate, hypothèse qui se vérilie expérimentalement. Enfin, d’autres échantillons ne *ontiennent presque pas de fluor ou de chlore et sont constitués par du phosphate dechaux presque pur; ils offrent toutes les propriétés optiques de lapatile, mais n'ont pas de forme cristalline exté- rieure. Peut-être le phosphate de chaux a-t-il un ré: seau cristallin semblable à celui de l’apatite? — M. P. Sabatier indique une nouvelle réaction pouvant ser- vir à caractériser les azotites. On verse une petite goutte de la dissolution à examiner surune soucoupe blanche, et sur cette goutte on placeune goutte d’acide sul'urique concentré, puis on fait tomber quelques grains d’oxydule cuivreux; s’il y a un nitrite, une teinte violette apparaît. — M. L. A. Hallopeau a es- sayé de préparer des combinaisons zirconotungstiques en faisant bouillir la zircone gélatineuse avec des dis- solutions de tungstates acides alcalins, Il a obtenu le zirconodécitungstate de potassium : 10Tu0®%.Zr02?.4K20+15H20 ; le dizirconodécitungstate de potassium : 10Tu05%.2Zr0?.4K20 +20H20 ; le zirconodécitungstate d’ammoniaque : 10Tu03.7Zr02.3(AzH1)20.H?20+413H°20. MM. Ph. Barbier et L. Bouveault ont réalisé la syn- thèse de la méthylhepténone, qu'ils avaient décou- verte dans plusieurs essences naturelles. Ils ont fait réagir sur le dibromure d’isoamylène deux molécules d’acétylacétone etontobtenu l'isoaménylacétylacétone : CH3 CO—CH: DC=CH—CH—CHT ; CHS D CO—CH: Ce corps, chauffé avec une solution de soude con- centrée, donne la méthylhepténone : CH3 DC=CH—CH?—CH?—CO—CHS CH? dont la formule de constitution se trouve ainsi vérifiée. — M. A. de Schulten a reproduit artificiellement le M chlorocarbonate de sodium et de magnésium et le carbonate double des mêmes bases, puis la darapskite h et l'hydargilite en très beaux cristaux. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Lannelongue a décou- vert dans la grotte de Dargilan (Lozère) deux insectes aveugles, le Campoder staphylinus et le Sabaton « paradoæus. — M. E. Blanchard annonce qu'un espace M va être réservé dans les catacombes du Muséum pour « l'étude des modifications que subissent les organes de la vision en l’absencedelumière.—M.A.Amaudrut étudie la région antérieure de l'appareil digestif chez les Sténoglosses supérieurs et en déduit quelques con- séquences pour leur classification. — M. Aimé Girard mesure les quantités d’acide phosphorique qui se trouvent dans le pain blanc et dans le pain bis;ce dernier en renferme légèrement plus que le premier. Mais cette différence est sans importance, si l'on con- sidère que l’homme n’a besoin par jour que de 3 1/2 grammes d’acide phosphorique et que les aliments les plus simples lui fournissent déjà le triple de cette quantité. Il est done préférable de ne faire usage que du pain blanc, pluslégeret plus digeste, —M.S. Arloing étudie, par la nouvelle méthode de MM. Gruber et Durham, le pouvoir bactéricide vis-à-vis du pneumoba- cille d'un sérum immuuisant; il indique l'influence de l'addition d’eau distillée ou d’une solution physio- logique de sel marin sur ce pouvoir bactéricide. — M. C. Phisalix a filtré sur porcelaine du venin de vi- père ; il a observé que le filtre retenail la substance toxique et laissait passer une substance vaccinante. Le venin de vipère contient donc à la fois des sub- stances toxiques et des substances immunisantes; sous l'action de la chaleur les premières se détruisent plus “ vd ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 625 + ed a vite que les secondes. — M. Ch. Henry recherche la | pour sténosepylorique consécutive à l'injection d'acide * relation mathématique qui relie à la température les " diversdegrés dela sensibilitéthermique.—M.A.Lacroix atrouvé sur le glacier de la Meije (Hautes-Alpes) un certain nombre de minéraux rares : anatase, turnérite, brookite, dont il donne les caractères minéralogiques. — M. H. Douvillé expose les caractères généraux de la craie à Hippurites de la province orientale (centre et sud de l’Europe, Asie Mineure, Perse). — M. V. Paquier montre que les Caprininés sont déjà repré- sentés dans l’Urgonien et s'y montrent répartis en deux groupes: le premier représenterait une forme ancestrale des Caprines ; le second se rapproche de Caprinula. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 9 Juin 1896. L'Académie procède à l'élection d'un associé libre, en remplacement de M. Pasteur, décédé, M. Roux est élu. — A l’occasion d’une lettre de M. Audiffred con- cernant l'avortement épizootique, MM. Leblanc, No- card et Porak formulent les remarques suivantes : S'il n’est pas impossible que des maladies épidémiques ou la misère physiologique rendent l'avortement plus fré- quent à certaines époques, et que certaines causes déterminent l'avortement à répétition, on ne trouve, cependant, chez la femme, aucun état pathologique comparable à l avortement épizootique observé chez les vaches. C’est donc à d’autres causes qu'il faut attribuer l’affaiblissement de la natalité en France, — M. Berger communique deux observations de blépharoplastie par la méthode italienne modifiée. — M. Joannès Chatin étudie les conditions dans lesquelles les bhuitres peuvent présenter une certaine nocivité. Les huitres en état de reproduction ont donné lieu quelquefois à des accidents. Mais ce sont surtout les conditions de milieu qui ont une grande influence ; il est nécessaire que le : sol des parcs soit d’une nature particulière, el spécia- lement que l'eau dans laquelle l’huitre vit soit pré- servée de toute contamination, — M. Panas commu- nique un cas de sarcome choroïdien de la région de la macula avec propagation orbitaire. Séance du 16 Juin 1896. M. Aubry présente un petit appareil, construit sur les indications du Dr Forné, et permettant de faire des inhalations avec toutes substances volatiles, soitsolides, soit liquides. — M. Duplay analyse un mémoire du Dr Boisseau du Rocher concernant l’électrolyse mé - dicamenteuse dans le traitement des tuberculoses et des maladies de l’utérus etde sesannexes. L’électrolyse du bromure de sodium appliquée au traitement des tuberculoses des os et des articulations semble être d’une réelle efficacité. L’électrolyse de l'argent dans les maladies de l'utérus n'a pas encore donné des ré- sultats assez concluants. — MM. Péan et de Tornery ont mesuré, avec une grande précision, l'épaisseur des différents os de la voûte cranienne à l’état normal et à l’état pathologique. Ils en tirent de précieuses in- dications pour les opérations de trépanation, et ils ont construit un instrument perfectionné pour servir à ces opérations. — M. Marc Sée décrit une méthode d’ex- ploration hydrostatique du corps, destinée à rendre de grands services dans les cas de tumeurs de l'abdomen. — M. Delore cherche à donner une esquisse générale de l’état morbide qu'on appelle septicémie. — M. le Dr Rémy signale un cas de morve chronique chez l'homme, — M. le D' Mouchet (de Sens) communique un cas de paralysie du nerf radial consécutive à une chute sur le bras, avec élongation du nerf deux mois après l'accident et retour rapide de la sensibilité et du mouvement. — Le même auteur rapporte une obser- vation d’ovariotomie double chez une femme enceinte detrois mois avec continuation de la grossesse et ac- couchement à terme d’un enfant vivant. — M. le Dr Lejars lit une observation de gastro-entérostomie REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1590. chlorhydrique. — MM. les D'° Vignes et Batuaud lisent un travail sur un casd'irido-choroïdite à poussées menstruelles, avec endométrite chronique à staphylo- coques ; à la suite du curettage utérin, l'irido-cho- roïdite s’améliora rapidement. Séance du 23 Juin 1896. M. le Président annonce le décès de M. G. Colin, membre de l'Académie, et de M. Leloir (de Lille), correspondant. — M. Hervieux lit le « Rapport de la Commission permanente de la vaccine sur les institu- teurs et institutrices qui ont contribué le plus acti- vement à la propagation de la vaccine. » SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 13 Juin 1896. MM. Gley et Camus, étudiant l’incoagulabilité du sang sous l'influence des peptones, montrent qu'il faut plus de peptones in vitro pour produire ce résultat qu'in vivo, — M. de Nittis a inoculé dans le périloine d’un cobaye une culture virulente de Proteus (microbe de la pleurésie gangréneuse) et a obtenu un sérum thérapeutique contre ce microbe. — M. Charrin a at- ténué le virus de la clavelée en chauffant la culture pendant 12 jours à 25°; si on ne chauffe que 8 jours, on obtient un virus qui vaccine. — M. Bosc envoie une note sur la nocivité de l'injection intra-veineuse d'eau distillée, qui détruit les globules du sang, — M. Foix montre que l'augmentation dans l’excrétion de lurée qui se produit après l'injection de sérum antidiphtérique survient également après l'injection de sérum de sang de cheval normal. — M. Courmont a constaté qu'aprèsablalion de la rate leslapinsrésistent mieux à l’intoxication pyocyanique etstaphylococcique et beaucoup moins à l’intoxication streptococcique. — MM. Mougie et Sabrazès ont observé chez une poule un kyste, développé dans un repli péritonéal, qui disparaissait quand la poule n'avait pas bu depuis quelques heures et reparaissait après l'injection d’eau; ce fait peut s'expliquer par la rapidité des échanges osmotiques. —M.Marinesco a étudié l'état du système osseux dans des mains d’acromégaliques en les pho- tographiant au moyen des rayons de Rôntgen. — M. Oechsner de Coninck envoie une note sur la réac- tion dela créatinine dans l'urine. —M. Wertheimer (de Lille) envoie un travail sur lesfonctionsdes pyramides antérieures du bulbe, — M. R. Dubois envoie une étude sur la pathogénie des fièvres dites gastriques. Séance du 20 Juin 1896. M. J.-B. Charcot a observé un cas de paralysie sa- turnine chez une femme qui fabriquait des fleurs ar- tificielles avec du papier vert renfermant beaucoup de plomb. — M. Weiss étudie les effets du courant con- tinu sur le tissu musculaire; il a constaté que la polarisation croit avec le trajet et diminue avec le diamètre de section du muscle. — MM. La- pieque et Guillemenin ont dosé le fer dans les différents viscères ; ils ont constaté que la quantité variait suivant le sexe ou l’état de santé. — M. Gley, poursuivant ses recherches surl’action anticoagulante de la peptone, a reconnu que le sang du lapin n’était pas réfractaire à condition d'employer des doses suf- fisamment élevées. — M. Morau décrit les résultats de l’inoculation à des animaux de suc cancéreux dilué dans différentes substances, — M. Ch. Richet fait re- marquer que les résultats sont différents suivant que l'on emploie du suc de tumeurs sarcomateuses ou épi- théliomateuses. — M. Phisalix a obtenu la transfor- mation du venin de vipère en vaccin en le chauffant à 75° ou en le filtrant ; il conclut que le venin renferme à la fois des virus et des substances vaccinantes ; les premiers sont détruits par la chaleur ou retenus par le filtre. — MM. Capitan et Verdin présentent un ap- pareil pour la percussion et l’auscultation combinées : le splanchnoscope, 12 626 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES L SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES SCIENCES PHYSIQUES J. Norman Lockyer, F. R. S.:Sur les nou- veaux gazretirés de l'uraninite (T*note). — L'’auleur a montré, dans ses précédentes communications!, que, selon toute probabilité, le gaz retiré de la clévéite est un corps composé. MM. Runge et Paschen, ayant soumis ce gaz à la diffusion, sont arrivés à la conclu- sion que le corps qui donne la ligne D# est plus lourd que celui qui produit la ligne 5016,7. L'auteur a répété ces expériences par un autre procédé très délicat et est arrivé à un résultat absolument contraire, qui est d'ailleurs en parfait accord avec ce qu’on peut déduire des observations stellaires et solaires. SOCIÈTÉ PHYSIQUE DE LONDRES Récentes communications. M. Lehfeldt: « Sur le symbolisme en thermodyna- mique ». — M. Appleyard: « Sur l’ajustement dans le pont de lord Kelvin ». M. Reeves a décrit récemment une forme modifiée du pont de Kelvin, dans lequel un réglage est nécesaire. L'auteur propose l’emploi de deux fils tendus côte à côte, avec un double contact glissant, relié au galvanomètre. Les deux contacts étant rattachés par une liaison rigide, les segments dans lesquels un des fils est divisé sont dans le même rap- port que les deux segments &e l’autre. Un seul réglage suffit pour établir l'équilibre, — M. Reeves dit qu'il lui semble que l’auteur a complètement oublié l’objet de son mémoire à lui. Avec le nouveau dispositif, il faudrait calibrer soigneusement les deux fils, etcomme les résistances employées sont nécessairement petites, déterminer la résistance des contacts, — Après une ob- servation de M. Ayrton, M. Appleyard dit qu'ila eu en vue de constituer une méthode applicable dans une fa- brique, où le temps gagné sur une série de mesures importe plus que le prix de l’instrument. — M. Frith: « Effet de la forme de l’onde sur l’arc à courant alter- natif, » L’arc a la propriété de modifier la forme de l’onde dans le circuit à courant alternatif, sur lequel il est branché. Ainsi, dans le cas d’une dynamo, pour la- quelle, en circuit ouvert, la courbe donnant la force électromotrice en fonction du temps était une courbe sinueuse, à sinuosités nettement pointues, l'introduction d’un arc alimenté par la dynamo a pour effet de chan- ger la courbe en une courbe à sinuosités aplaties. On sait que le pouvoiréclairant, en bougies, d'un arc élec- trique est plus grand quand la forme de la courbe pé- riodique est celle de la courbe sinueuse à sinuosités aplaties, que quand c'est la forme de la courbe à si- nuosités pointues. En changeant la résistance qui est en série avec l'arc, il est possible d’altérer le caractère de la courbe; quand la résistance en série sur l'arc augmente, l’arc a de moins en moins d'influence sur la forme de l’onde, Dans de récentes expériences, dé- crites par M. Fleming, une résistance de 7 ohms était mise en série sur l’axe, de facon que la forme d’onde de la génératrice, qui n'était pas une forme efficace, était appliquée sur l'arc. Dans la pratique, par consé- quent, comme on ne met pas une résistance en série avec l’arc, on n'est pas dans ce cas, et les différences entre les rendements obtenus par les arcs à courant al- ternatif au laboratoire et dans la pratique industrielle, peuvent s'expliquer par là. — M. Blakesley remarque que, plus le courant alternatif ressemble à un courant continu, plus le courant demeure longtemps constant dans chacune des périodes, et plus est considérable le rendement de l'arc. Après cet échange d’observa- tions, l’auteur explique que si on remplace l'arc élec- trique par une résistance, la forme de l’onde est du même type que celle de laforce électromotrice de la machine en circuit ouvert. 1 Voir Rev. gén. des Sciences du 30 oct. 1895, p. 925; du 15 nov. 1895, p. 991; du 15 janv. 1896, p. 47; du 15 mars 1896, p. 273 ; du 30 avril 1896, p, 427; du 30 juin 1896, p. 591. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications récentes. M. Henry J. Horstmann Fenton relate de nom- breuses expériences entreprises dans le but de déter- miner la constitution d’un nouvel acide CH 06 obtenu par oxydation de l'acide tartrique en présence du fer. Le poids moléculaire, la basicité et plusieurs autres caractères prouvent que cet acide doit avoir une des deux formules suivantes : CHOH—ÇOOH (1) CO—COOH qui en ferait un acide avec groupement cétonique, ou bien la formule : C.OH—COOH I C.OH—COOH qui contient deux groupements hydroxyles. L'auteur croit que cette dernière formule est la vraie. — M. A. Tutton : Volume et propriétés optiques des sels de potassium, césium et rubidium appartenant aux séries monocliniques : R?2M(S0)?.6H20 (2) Dans une deuxième communication le même auteur compare les résultats obtenus dans ses différents tra- vaux sur les sulfates simples et sur les sulfates doubles contenant du potassium, césium ou rubidium. — L’ex- posé des conclusions des travaux de l’auteur sur ces différents sels et des différents rapports qui existent dans leur structure fait l’objet d’une troisième noie. — MM. Wyndham R. Dunstan F.R.S.et Ernest Goul- ding ont isolé deux iodhydrates d’hydroxylamine:, (AzH°O)HI et (AzH*O)2HI par l’action de l’iodure de méthyle sur une solution d’hydroxylamine dans l’alcool méthylique. Les auteurs ont pu arriver à préparer aussi ces corps en mélan- geant une solution concentrée d’acide iodhydrique avec la quantité calculée d’hydroxylamine en solution méthylique. Leurs efforts pour préparerl'iodhydrate nor- mal d’hydroxylamine (AzH3O HI) ont toujours échoué. — M. B. A. Burrel : Analyse d’une eau de source située près de Kanaresborough dans le Yorkshire. — MM. $. Ruhemann et E. A. Tyler, par l’action des dérivés sodiques de l’acétoacétate d’éthyle sur le chlo- rofumarate d’éthyle, ont trouvé que les deux éthers stéréoisomères des acides acéloaconitiques n'étaient pas obtenus, mais que dans les deux cas il y avait formation d’un seul et même composé dont la constitu- tion, vérifiée par les propriétés physiques et chimiques, peut s’exprimer par la formule suivante : CH°.C : C.COOC?H° L.cooc2m: 0 — CH.coocsHs L’ammoniaque réagit sur ces éthers en donnant un corps, dont la formule est probablement : CCOAzH2 /NCH.Co0c2H5 — M. Robert E. Doran étudie l’action du thiocyanate de plombsurles éthers chloro-carboniques. IL s'attache spécialement à décrire les dérivés de la carboxyéthyl- thiocarbimide. La réaction entre le thiocyanate de plomb et le chlorocarbonate d’éthyle a lieu suivant l'équation : 2Et0.CO.CIH+Pb(CAzS)?—=2Et0.C0.CAzS+PbCR. tx NOTICE NÉCROLOGIQUE 627 11 donne ensuite les propriétés et formules de vingt de ces dérivés. — M. Robert Law: Nouvelle balance pour les essais des métaux précieux, — MM. T. B. Wood, T. N.Spivey et T. H. Easterfield ont isolé plusieurs principes aclifs de la charos, résine retirée de la Cun- nabis indica. Is en ont retiré un terpène, un sesqui- terpène, une paraffine dont la formule est probable- ment C2 H60 etune huile CISH202; 5 centigrammes de ce corps produisentune intoxication suivie de sommeil. — M. Arthur Lapworth:/{Sur la décomposition de Va chloronitrocamphre. — MM. C. Revieet F. Stanley Kipping : Notesur lex bromocamphre. — MM. Arthur Lapworth et KF. Stanley Kipping : Etude des pro- duits d’oxydation de l’acide 4 bromocamphorosulfoni- que. — MM. William Henry Bentley et W.H. Perkins jun. ont repris les travaux sur l'oxydation du pseudo- cumène de Fittig et Laubinger qui au moyen de l'acide nitrique dilué avaient obtenu les acides paraxyliques, méthylthéréphtaliques et quelques dérivés nitrés. Ils ont trouvé que, par addition d'une petite quantité d'acide méthylisophtalique, il se formait un corps ayant pour formule : CH3.CSH3(COOH}? dans lequel les groupes CH? et (COOH)? occupent les positions 1. 2 : 4. Ce corps peut être isolé de son iso- mère par cristallisation fractionnée des sels méthyliques. Les auteurs étudient ensuite l'acide tétrahydropu- raxylique, CSH#COOH, l'acide hexahydroparaxylique, CSHSCOOH, Phexahydroparaxylate d’éthyle CSH15COOC?H° le chlorure de l'acide hexahydroparaxylique CSH!5CO.CI et le bromohexahydraparaxylate d’éthyle CSH1BrCOOC?H® ACADÉMIE DES SCIENCES D’AMSTERDAM Communications récentes. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. H.Schoutes’oc- cupe du prismoide à quatre dimensions et démontre d’abord à l’aide de considérations hypergéométriques et ensuite d’une manière indépendante de la qua- trième dimension un certain théorème qui se rapporte à la section moyenne du prismoïde, un corps polyfa- cial limité par des parallélogrammes et des triangles. Ensuite M. Schoute présente : 1° la thèse de M. W. Bouwman : « Les nombres plückériens de la courbe de déviation » (lieu du centre des coniques à contact de quatrième ordre avec une courbe algé- brique donnée); 2° la thèse de M.H. F. Huisken: « L'in- terseclion de lellipsoïde par un faisceau de plans » (lieu des foyers et des directrices des sections), — M. W. Kapteyn présente la thèse de M. J. C. Marx : a Sur la décomposition de transcendantes entières en fonctions premières. » 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. A. Lorentz s'occupe de l'équilibre des radiations calorifiques dans le cas des corps biréfringents, L’éther, contenu dans un espace qui est entouré d’une enveloppe parfaitement noire et maintenue à une température constante, sera parcouru dans tous les sens par des rayons calorifiques ou lu- mineux et deviendra par cela même le siège d’une certaine énergie. Un état semblable existera à l’inté- rieur d’un corps diathermane quelconque M, placé dans cet espace et, dans l’hypothèse que ce corps soit isotrope, on à calculé depuis longtemps le rapport qui s’élablira entre Ja « densité » de l'énergie, c’est-à- dire entre les quantités d'énergie par unité de volume qui se trouvent dansle corps M, d’une part, et dans l’éther ambiant, de l’autre. L'auteur a considéré le cas où le corps est biréfringent, L'état interne qui se trouve en équilibre avec les radiations de l’éther doit alors être indépendant de la direction de la surface. C’est ce qu’exige la thermodynamique et ce qu’on peut vérilier en se basant sur les lois fondamentales de l'optique. Parmi tous les rayons qui s’entrecroisent à l’intérieur du corps M, on peut isoler par la pensée ceux qui satisfont aux conditions suivantes : 1° que Ja période des vibrations soitcomprise entre T et T L GT, 20 que la normale des ondes soit située à l'intérieur d'un cône déterminé à ouverture infiniment petite dw, et 3° que la direction des vibrations soit l’une des deux qui sont compatibles avec la direction qu’on a choisie pour les rayons eux-mêmes. La densité de l'énergie, en tant qu'elle dépend du groupe de rayons As e À ARR Vo do ainsi défini, peut être représentée par A V5 2 étant la densité dans l’éther de l’énergie qui correspond aux temps d’oscillation indiqués, V, la vitesse de propaga- tion dans l’éther et Vlavitesse des ondes pour les rayons considérés, M. H. Kamerlingh Onnes fait une commmunication sur : « un moyen d’éclairement des échelles de précision, » Il s’agit de l’éclairement égalet fort d’échelles très longues à l’aide d’une source unique de lumière de petites dimensions. L'auteur donne une description détaillée de son installation qui fonctionne au Laboratoire de physique de l'Université de Leyde depuis 1885, illustrée par plusieurs diagram- mes, Ensuite il présente plusieurs photographies ex- cellentes obtenues à l’aide des rayons X par M. J. P. Kuenen, professeur de Physique à l’Université de Dundee (Ecosse). 30 SCIENCES NATURELLES, — Au nom de la commission géologique M. J. M. van Bemmelen présente un travail de M. G. Reinders intitulé. « Het worrkomen vair gek- ristalliseerd ferrocarbonaat (siderit) in mœraserts, en eene bydragetothet outstaan van dit erts in den Neder- landschen bodem » (Sur la provenance de ferrocar- bonate cristallisé (sidérite) dans le minerai de marais (allemand : Morasterze) et une contribution à la manière de formation de ce minerai dans le sol des Pays-Bas). P. H. ScHourE, NOTICE NÉCROLOGIQUE DAUBRÉE ET SON OUVRE. Le savant éminent qui vient de mourir n'était pas seulement le doyen incontesté des géologues francais, même, depuisla mort de Dana, ledoyen des géologues du monde entier. Son œuvre scientifique se distingue par un rare cachet d’homogénéité, unie à un caractère essentiellement original. M. Daubrée a été vraiment le créateur de la géologie expérimentale, et ses recher- ches synthétiques, toujours guidées par une haute pensée directrice, ont jeté une vive lumière sur plu- sieurs des problèmesles plus importants de la Géologie. Il est intéressant de suivre, dans leur enchainement logique, les diverses étapes de cette carrière féconde en succès. Entré à l'Ecole des Mines en 1834, M. Daubrée a débuté par des voyages qui l'ont conduit tour à tour en Angleterre, en Suède et en Norvège, Tandis qu'en Scandinavie il recueillait les éléments d’un mémoire sur la classification des gites métallifères, mémoire qui mérita les éloges du grand Berzélius, la Cornouailles anglaise, par ses mines d’étain, éveillait en lui des aperçus ingénieux, qu'il allait bientôt développer avec éclat. En effet, à peine avait-il pris possession du poste 628 NOTICE NÉCROLOGIQUE d'ingénieur des mines à EE et commencé les explorations locales qui devaient aboutir à la publica- tion de sa belle Description géologique et minéralogique du Bas-Rhin, qu'on le voyait, dans un mémoire daté de 1841, établir avec précision les caractères communs à tous les gisements stannifères. Le principal de ces caractères était, à ses yeux, l'abondance des composés du fluor, topaze, apatite,mica lithinifère, tourmaline, etc. d’où cette conclusion, que le fluor avait dû jouer un rôle essentiel dans la production de l’oxyde d'étain. Nommé, peu de temps après, professeur à la Faculté des Sciences de Strasbourg (dont il devait bientôt devenir le doyen), il voulut vérifier son hypothèse, et c'est ainsi qu’en 1849, il exécuta ses mémorables expé- riences sur la reproduction de la cassitérite et de l’oxyde de titane, qu’il obtint en faisant agir la vapeur d’eau, sinon sur les fluorures, du moins sur les bichlo- rures des deux métaux. Après ce premier succès, il réussit à préparer divers minéraux naturels, tantôt par l’action de vapeurs altaquant des substances fixes, tantôt, à l'exemple de Sénarmont, par l'emploi de la voie- humide, en faisant agir l’eau, dans des tubes scellés, sur divers composés chimiques. En 1857. il reproduisit de cette facon plusieurs silicates anhydres, et, deux ans plus tard, il constatait que l’eau, chauffée sous pression, attaque le verre en donnant de petits cristaux de quartz et de pyroxène. À la suite de ces diverses recherches, M. Daubrée publiait, sur la ques- tion, alors si controversée, du métamorphisme, un mémoire qui fit sensation. Pendant que le professeur obtenait ces importants résultats dans le laboratoire, l'ingénieur recueillait dans son service des observations pleines d'intérêt. De ce nombre sont les constatations qu’il sut faire à Plom- bières, où l'examen de maconneries romaines lui mon- tra toute une série de silicates, de la famille des zéolites, formés dans les cavités des briques et du béton, par la circulation longtemps prolongée d’une eau tiède et à peine minéralisée. Plus tard, il lui était réservé de découvrir, à Bourbonne-les-Bains, toutes sorles de sulfures métalliques, appliqués sur des monnaies que les Anciens avaient jetées, en guise d’ex-voto, dans des puisards remplis de matières orga- niques. Là, c'était une eau froide, où l'analyse ne révé- lait qu'une minime proportion d'hydrogène sulfuré, qui, passant pendant de longs siècles sur ces monnaies, avait engendré des sulfures cristallisés, semblables à ceux des filons, à Ja faveur d'un milieu essentiellement réducteur: faits de la plus haute portée, par Îles lumières qu'ils jetaient sur la genèse des gisements métallifères. Tant de travaux valurent à Daubrée, en 1861, le fau- teuil que la mort de Cordier venait de rendre vacant à l'Académie des Sciences. Du même coup, la chaire que le défunt avait occupée au Muséum fut attribuée au nouvel académicien, qui devait encore, deux ans après, recueillir la succession de Sénarmont comme profes- seur de minéralogie à l'Ecole des Mines, en attendant qu'il devint, en 1872, directeur de cet établissement. Dès son installation au Muséum, Daubrée songea à y créer une collection de météorites. IL y réussit si bien qu’en 1889 notre grand établissement national conte- nait des échantillons de 368 chutes (sur environ 1100 connues), soit 17 seulement de moins que le Muséum bri- tannique. En possession de ce trésor, le professeur commenca par établir une classification des météorites, basées sur leur plus ou moins grande richesse en fer natif allié au nickel. Ayant ensuite reconnu que la partie pierreuse, dans les aérolithes, est toujours constituée par un des silicates essentiels des roches basiques terrestres (péridot, pyroxène, enstatite, bronzite), il résolut d’éclaircir par l'expérience le mystère de cette constante association, D'une part, la fusion d’une météorite pierreuse lui donna une scorie de péridot et d’enstatite, avec grenailles ou culots de fer mélalli- que. D'autre part, en fondant une péridotite terrestre au séin d’une atmosphère réductrice, il obtint un pro- Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 duit entièrement semblable à celui de la fusion des météorites, et où le nickel du péridot s’était concentré dans les grains de fer métallique. C'était un résultat considérable, et d’où il était per- mis de déduire que l’intérieur de la Terre, comme celui des astres d’où dérivent les météorites, doit se composer d'un bain de fer, dont îe péridot forme la première croûte externe; de sorte que ce minéral, sui- vant l’heureuse expression de Daubrée, peut être con- sidéré comme la scorie universelle. Dans toutes ces recherches, l’habile expérimentateur avait surtout étudié le côté chimique des phénomènes. Ilallait maintenant porter son attention vers le côté mécanique, en cherchant à reproduire les traits princi- paux des dislocations terrestres. Il s'attaque d’abord aux cassures, réunies en faisceaux de directions, qui engendrent d'ordinaire les filons métallifères. Après divers tàätonnements, en se servant d'une plaque de verre épais, encastrée à un bout, tandis qu à l’autre on exerce un effort de torsion, il parvient à y faire naître un réseau de félures, ressemblant, à s'y méprendre, au plan d'un district filonien. Ensuite, il soumet diverses substances à l’action de la puissante machine de compression, par laquelle Tresca avait réussi à déterminer l'écoulement de divers corps solides. Par ce moyen, il fait naître un feuilleté dans des argiles compactes, obtient la répartition régulière du mica primilivement disséminé dans la masse, enfin repro- duit les divers accidents que présentent d’ordinaire les sédiments très comprimés, en particulier le troncon- nement de corps solides allongés, expliquant ainsi les bélemnites tronconnées du lias alpin. Il reste à rendre compte des diverses variétés de plis que rencontrent lesstratigraphes. Pour cela, Daubrée se sert de lames métalliques flexibles, encastrées à une de leurs extrémités, tandis que l’autre tend à se rap- procher de la première. Suivant que les lames sont également ou inégalement chargées ; suivant que leur épaisseur est constante ou amincie en des points déterminés, il les voit reproduire tous les genres de déformation des strates connus dans les Alpes, notam- ment les plis en S et les inflexions avec renversement, capables de devenir des failles, si la limite d’élasticité est dépassée. Le dernier sujet que Daubrée ait abordé par J’expé- rience est l'étude des explosions violentes, entreprise en vue d'établir les conditions dans lesquelles avaient dù se produire les cheminées diamantifères de l'Afrique australe. En dehors d’une multitude de notes et de mémoires, Daubrée a publié deux beaux volumes, sous le titre d'Etudes de géologie synthétique, ainsi qu'un grand ouvrage sur Les Eaux souterraines, envisagées dans le présent et dans le passé. Doué d’une rare variété de connaissances, jointe à une vaste érudition et à un diagnostic très fin, le tont associé à une grande aménité de manières, Daubrée jouissait dans le monde savant d’une autorité incon- testée. Aucun honneur n’a manqué à cette carrière, poursuivie jusqu’à près de 82 ans sans aucune défail- lance du corps ou de l'intelligence, embellie par les soins d’une famille distinguée, au sein de laquelle l'illustre savant n’a connu, presque jusqu’à la fin, que des satisfactions. Une mort douce et chrétienne a cou- ronné cette existence de tous points enviable et tout entière consacrée à la science; non point à celte science de détail qui, si grand qu’en soit le mérite, ne laisse après elle aucune trace lumineuse; mais à la science élevée et synthétique, où les découvertes sont le fruit d'idées générales intelligemment poursuivies, et ouvrent des horizons nouveaux, que les chercheurs pourront explorer avec profit, tandis que les esprits philosophiques y goûtent la jouissance qu’on éprouve toujours à se voir conduit sur des sommets. A. DE LAPPARENT, Professeur à l'Ecole libre de Hautes Etudes: Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER. 1: ANNÉE N° 14 30 JUILLET 1896 REVUE GÉNÉRALE , DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER SUR LES GRANDS PROBLÈMES L'ouvrage que M. le Professeur Yves Delage a récemment publié sur la structure du protoplasma et l'hérédité! vient très utilement ramener l'attention des zoologistes sur les grands problèmes de la biologie générale. Nous voudrions, à cetie occasion, tout en ren- dant justice aux louables efforts de l’'éminent pro- fesseur, présenter quelques critiques. Analysant son œuvre à grands traits, nous nous attacherons surtout à examiner, parmi les questions traitées, les plus importantes. Encore ne pourrons-nous considérer ces sujets sous Lous les aspects; nous nous bornerons simplement à un petit nombre d’aperçus. Il EL, d'ailleurs, l’auteur lui-même n’a point voulu faire œuvre didactique: son but a élé non d'exposer les théories actuelles, mais plutôt d'en montrer l'insuffisance. Et il se pose en apôtre d'une foi …— biologique particulière qui, suivant lui, serait nouvelle en France, bien que déjà profondément “enracinée dans les esprits en Angleterre et en Allemagne. Quelle est cette foi nouvelle? « Ce n’est rien moins, dit-il, que la recherche 1 La structure du Protoplasma el les lhéories sur l'Héré- dilé el les grands problèmes de la Biologie générale, par Nves DELAGE, professeur à la Sorbonne. — 1 vol. in-8° de SSU pages avec figures. Reinwald, éditeur. Paris, 1896. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. LES IDÉES DE M. YVES DELAGE DE LA BIOLOGIE GÉNÉRALE des conditions et des causes des grandes manifesta- tions de la vie dans la cellule, dans l'individu et dans l'espèce. » . Une remarque s'impose à ce sujet. C’est que ces éludes n'ont pas été négligées en France autant que le pense M. Delage. Les enseignements de Buffon et de Lamarck ont certainement été négligés dans leur propre patrie pendant ces quatre-vingts dernières années; mais, pour qui est familier avec la littérature zoologique, il est d'au- tres noms qui viennent facilement à l'esprit, etil est certain qu'en ces dernières années, les études de beaucoup de biologistes français se sont portées sur ces problèmes que le Professeur Delage dé- clare si délaissés en France. Je n’en désignerai que deux : Guignard et Maupas. Mais il y en aurait d'autres encore à citer, dont les noms viennent tout naturellement aux lèvres des lecteurs. Il Il semble qu'il y ait eu quelque confusion, dans l'esprit de l’auteur, entre les faits et la #héorie. «Les Fails » et « les Théories » constituent ses deux divisions principales; dans cette dernière, il distingue les Lhéories particulières et les théories générales. Enfin, il essaie de combiner ces deux sortes de théories pour établir la sienne, qu'il appelle un peu audacieusement la fhéorie des rauses actuelles. Celle-ci, comme son titre l'indique, pré- 14 630 GILBERT C. BOURNE — LES GRANDS PROBLÈMES DE LA BIOLOGIE GÉNÉRALE tend être, dans chaque cas particulier, une théorie conforme aux faits. Quels sont donc ces faits? Sont-ils de simples résultats d'expériences, dépourvus de sens théo- rique ? Sont-ils d'un caractère assez simple et assez positif pour qu'avec eux nous puissions généraliser avec sécurité et élablir une théorie suscepiible d'être vérifiée par un appel continu aux faits? Pas du tout. Dans nombre de pages où l'on prétend nous mettre uniquement en contact avec les faits, nous sommes en réalité au milieu d'un dédale de théo- ries. Sous le titre « Les Faits », M. Delage nous parle, en effet, de la cellule, de sa constitution, de sa physiologie et de sa reproduction. Tous les biolo- gistes savent combien ces matières renferment de questions contestées. Beaucoup de celles qui, con- cernant la cellule, passent pour positivement acquises, en réalité ne sont que des conjectures plausibles. Ainsi, le cytoplasma, formant le corps ou la masse de chaque cellule, estd'unecomposition très importante. Les faits positifs que nous con- naissons à son égard se réduisent à ceci : c'est un corps cellulaire composé d'un mélange de subs- tances albuminoïdes, qui, par essence, diffère du nucleus ou noyau; il est incapable de prolonger son existence si on le sépare de ce nucleus. Nous ne savons rien de positif sur sa structure. Cependant M. Delage énumère cinq hypothèses différentes à ce sujet et n'a rien de plus à dire en faveur de l’une ou de l’autre. Nous ne sommes pasici en relation avec des faits, mais bien avec des hypothèses, de simples conjectures. Après avoir rappelé les bribes que l’on sait sur les conslituants chimiques de la cellule, le savant zoologiste que nous criliquons, veut expliquer comment ces portions de connaissances peuvent être fondues et rendues intelligibles par une théorie particulière. Passant de la division nucléaire à la conjugaison, à la fécondation, à la transmissibilité des carac- tères acquis, à l’hérédité, à l’atavisme, ete., nous voyons que la distinction entre les faits et la théo- rie devient de plus en plus obscure. Nous n'insis- terions pas davantage sur cette partie du livre, si elle n’était intitulée : « Les Faits ». Il est vrai qu'il y à une grande quantilé de faits objectifs, mais ils sont souvent en apparence contradictoires, et cha- que semblant de contradiction demande une expli- cation théorique. En résumé, toute cette première partie, qui s’ef- force d’être des /vils, se montre aussi remplie de théories. Il était impossible qu'il en fût autrement. Mais cetle circonstance plaide si évidemment contre la méthode employée qu'il semble bien difficile de la défendre. Il Les théories générales demandaient à être trai- tées séparément, car elles prétendent expliquer, sinon tout, du moins la plus grande partie des phénomènes de la vie comme étant la conséquence de certains principes élémentaires. Il faut féliciter M. Delage au sujet de cette partie de son ouvrage.lLes diverses théories y sont présentées clairement ; mais quelques-unes sont naturellement mieux exposées que d’autres. Ainsi, il est douteux qu'on puisse saisir et fixer une théorie, vraiment protée, comme celle de Weismann, qui réapparait conslamment sous une forme nouvelle et pas toujours reconnaissable. D'ailleurs, chaque théorie, stable ou non, est cri- liquée avec force, quelquefois avec une sévérité nécessaire. La crilique adressée à la théorie de Nægeli est très juste et instructive : on peut y noter ce que le patriotisme de M. Delage proclame lui-même, en dépit de son admiration pour les méthodes allemandes et de sa sévérité à l'égard des méthodes françaises. L'auteur, croyons-nous, a rendu grand service en exposant, dans un espace assez limité, les opi- nions de tous les grands théoriciens, et, de plus, a éclairé les vues d’un certain nombre d’autres, dont les mémoires ne sont pas familiers mème aux zoologistes passablement versés en ces questions. Il a rendu encore un plus grand service en mon- trant la part de l'imagination dans toutes ces théories ; le « coup d'œil rétrospectif » qui ter- mine celte partie de son ouvrage est un modèle de” raisonnement. Il y a d’autres choses encore dans ces théories que le Professeur Delage a revisées; il y a des erreurs qu'il relève et auxquelles cependant il se laisse ensuite lui-même entrainer. Tous les théori- ciens ont essayé de procéder par la méthode syn- thétique. Quand on veut synthétiser, il faut au moins avoir diverses choses à réunir. Qu'est-ce donc que la Biologie nous offre? Une accumuta- tion de simples faits objectifs? De ceux-ci, beau- coup sont passibles de revision et de crilique: les « « faits » essentiellement fondamentaux. ceux qui ont trait à la cellule, à la constitution du proto- plasma et à la reproduction cellulaire, paraissent les plus contestables. L'heure ne semble donc point encore arrivée, des systèmes qui, partant des éléments les plus simples, se proposent de les combiner en un toul cohérent. Néanmoins, M. Delage conclut en exposant une théorie générale et procède, comme ses prédé- cesseurs, par la méthode de synthèse. Il n’est pas possible d'entrer ici dans une cri- GILBERT C. BOURNE — LES GRANDS PROBLÈMES DE LA BIOLOGIE GÉNÉRALE tique suflisante de cette théorie. Mais on peut dire qu'elle dépend, comme toute théorie qui part de la constitution de la cellule, d’une présomption: c'est que la cellule el ses parlies composantes, le nucléus, les centrosomes, l’archéoplasma, les vacuoles elles-mêmes sont entourés chacun d’une membrane, et que ces membranes sont les facteurs importants de l’assimiliation et de la nutrition; elles servent, si l’on peut s'exprimer ainsi, de filtres osmotiques. Mais quelles sont ces membra- nes? M. Delage exige beaucoup d'elles, mais est peu explicite sur leur structure. Nous savons, avec quelque certitude, qu'il n'y a pas de véritable membrane autour de beaucoup de cellules, et nous pouvons nier qu'il y en ait une aulour des va- cuoles. Ce sujet a été fouillé par Bütschli. Le protoplasma tout entier serait comme une sorte de gàleau de miel à contenu relativement dense et homogène quant à ses parties internes et externes. La couche superficielle ne serait qu’un faible réarrangement de la structure alvéolaire dû à la tension superficielle. Il se peut que la couche alvéolaire externe ait des propriétés osmotiques et les propriétés sélectives qui lui sont altribuées par M. Delage. Cependant, nous ne savons rien à ce sujet. Quoi qu'il en soit, son assertion ne nous mène pas loin, car elle échoue devant l’ontogenèse, l'hérédité et tous les pro- blèmes de cet ordre. Ainsi, ces suppositions demeurent non seule- ment dépourvues de tout fondement, mais encore elles sont sans usage. Pour aborder, par exemple, l’'ontogenèse et l'hérédité, il faut faire appel à une nouvelle série de facteurs. En fail, cette théorie ne peut s'appliquer à tout; c’est une série de considéralions sur des problèmes particuliers. D'autre part, M. Delage élude bien des questions embarrassantes. Un phé- nomène particulier est-il inexplicable, il prend le chemin le plus court el le plus facile pour tourner la difficulté. Par exemple, il nie que les caractères puissent être latents : « Les caractères dits latents, écrit-:il, sont des carac- tères absents, » Darwin, croisant et recroisant ses races de pi- geons domestiques, obtint une forme qui était un pigeon de roche presque parfait. Aucune des » races parentes n'avail les traitscaractéristiques du pigeon de roche, mais cependant ils réapparais- saient chez les bätards. Voilà un caractère latent qui n'est pas aisément explicable. On pourrait en ajouter beaucoup d’autres. Dans ses arguments sur l'hérédilé, la transmis- sion des caractères acquis, etc., M. Delage montre une certaine contradiction : 631 « L'œuf ne contient pas tous les facteurs de sa déter- mination. Il contient seulement un certain nombre de facteurs nécessaires à la détermination de chaque partie et de chaque caractère de l'organisme futur. » (p. 795.) Un peu plus loin : « Les phénomènes sont combinés de telle manière que le reste des conditions nécessaires à un dévelop- pement identique se présente nécessairement, en partie par la nature même des conditions extrinsèques. » Cela signifie que, dans chaque génération, un corps de constitution chimique définie, l'œuf, réa- gissant sous des forces définies el extrinsèques semblables, doit nécessairement produire un résul- tal similaire : la forme spécifique de l'animal ou de la plante en question. Mais les forces extérieures ne sont pas loujours les mêmes. Les variations des conditions externes sont, nous dit M. Delage, les causes des variations de la forme spécifique. La fixité d'une espèce est assurée par la constance des forces extérieures, sa varialion par les modi- fications de ces forces survenant de temps en temps. C'est ici qu'est la difficulté. Tous les observateurs savent que les forces extérieures ne restent pas constamment les mêmes, même d’une année à l’autre. Cependant les espèces restent constantes, pour des variations considérables, comme dans le cas des plantes et des animaux introduits en Aus- tralie. Là les animaux et les plantes indigènes sont si différents de ceux de l'Europe que l'influence de changement de milieu doit être très grande. Mas nous ne voyons pas du tout se produire de modifi- cation sur les organismes qui sont ainsi déplacés. Quelques animaux ou plantes se modifient, d’autres pas. Et, si nous consultons la Géologie, nous trou- vons que quelques formes; telles que les Zingula, ontsurvéeu sans changements à travers de longues périodes de temps. Pendant ces périodes elles ont dû être exposées à des variations extrêmes des con- ditions extérieures, el nous savons que leur lieu d'évolution, au moins, a subi de profondes modi- fications. Malgré cela, les organismes n'ont pas réagi contre ces forces extrinsèques. Comment cela se fait-il? Nous ne le savons pas exactement, mais nous pouvons voir que cette grande fixité est due à quelque puissante stabilité dans la constitution du germe. De plus, si les vues de M. Delage étaient exactes, on devrait s'attendre à trouver, là où les condi- tions extérieures sont les plus uniformes, le moins de variations. Il n’en est rien. Les conditions de la vie pélagique sont les plus uniformes que l’on puisse envisager, el cependant nous y trouvons les plus grandes variétés; du fait que, parmi les formes pélagiques, se trouvent beaucoup d'espèces et de genres possédant d'étroites affinités, nous pouvons en conclure que la variation a été active. 632 GILBERT C. BOURNE — LES GRANDS PROBLÈMES DE LA BIOLOGIE GÉNÉRALE Ainsi, nous arrivons à celle inconséquence que la théorie demande, à la fois, que la réaction entre la constilution du germe et les conditions exté- rieures conserve l’immutabililé, et qu’elle pro- duise nécessairement la mutabilité. Après lout, c'est le grand problème de la forma- lion des espèces, et puisque l'auteur décline modes- tement la prétention que ses explications soient complètes, nous n'insisterons pas sur ce point. On peul néanmoins conclure que de tels phénomènes trouvent leur explicalionrationnelle dansla lhéorie de la sélection naturelle. L'auteur admet l’exis- tence de cette sélection, mais, à la suite de Pfefler, il en réduit l'influence à des proportions infinité- simales. Suivant lui, la sélection préserve la race de toute altération, mais n'a aucune influence pour l'améliorer. On est Lenté de croire qu'il ne se repré- sente pas la théorie de la sélection naturelle exac- tement telle qu'elle fut proposée par Darwin. Il ne donne aucun résumé des travaux de Darwin ou de Wallace sur ce sujet: il parle souvent des « Darwinistes » et non de l’œuvre de Darwin, et il place la sélection entre les néo-Darwinistes et les néo-Lamarckistes, deux écoles extrêmes dont les doctrines ne nous semblent pas acceptables. Le néo-Darwinisme n’est pas du Darwinisme, mais en représente une sorte de travestissement. Il est inexcusable, dans un livre comme celui-ci, d'imprimer celle erreur, si souvent faite et si sou- vent réfutée, à savoir que la sélection naturelle crée quelque chose. Darwin, en particulier, se gar- dait lui-même de cette interprétalion ‘. ILest réellement étonnant de voir à quel point M. Delage Lienl peu compte des arguments de Dar- win, et combien, au contraire, il attache d’impor- tance à ceux de ses détracteurs. C’est ainsi qu'il accorde un grand poids à l’opinion de Pfeffer, à savoir que la destruction est fortuite et opère prin- cipalement sur les jeunes. Le sujet a été complè- tement traité dans l’Origine des Espèces, bien avant Pfeffer. Ce dernier est cité, el Darwin ne l’est pas! A la place de la sélection naturelle, M. Delage met l'action directe des conditions extérieures, — facteur auquel Darwin attribuait une grande importance — et les résultats de la création bril- lante de Roux: l'excitation fonctionnelle. Qu'est donc cette excitation fonctionnelle? Rien de plus que la théorie de notre illustre et regretté Maitre sur l'usage et le non-usage des organes, habillée selon une mode nouvelle et spécieuse. Celaest si évident que l'on peut s'étonner que M. Delage distingue ces deux théories. Des fails de première importance nous amènent directement à l'adaptation phylogénétique. Il est clair, en effet, que l'adaptation onltogénique ne peut 1 Voy, p. 63. The origin of Species, 6° édition anglaise. pas expliquer ces cas. La Plante ne peut pas prévoir la visite de l'Insecte qui la fertilisera et portera plus loin son pollen. L'ensemble de ce sujet, si brillam- mentexposé par Darwin, est ignoré de M. Delage, qui écrit : « L'adaptation phylogénétique n'existe pas. » Il est encore une critique que nous ne pouvons séparer de celle-ci : «Il n'y a rien à répondre lorsque je demande pour- quoi les éleveurs n'arrivent pas à faire du cochon un cheval. Ce n’est pas la nature qui impose ici des limites, puisqu'elle a fait des transformations analogues et plus - étendues. » Rien à répondre! A-t-on jamais signalé un cas où la Nature ait fait évoluer un animal hautement différencié dans une direclion, vers un animal éga- lement très différencié dans une autre direction? En émettant cette idée, le Professeur Delage avait à l'esprit l'exemple du PAenacodus. Le Phenarodus est l’ancêtre du cheval. Il ressemblait à un cochon plus qu’il ne ressemble à aucun autre animal ac- tuellement vivant. Mais comment peut-on tirer cette conclusion qu'un cheval peut provenir d'un cochon? Le Phenacodus et ses parents élaient des formes primitives: leur structure est commune à tous les Ungulés. Ils présentaient une ébauche des formes futures qui devaient descendre d'eux, mais aucune représentalion exacte d'un trait quelconque. C'étaient, avant tout, des types généralisés. — Est- il permis de rappeler à M. Delage que ce qu'il a concédé pour la cellule est aussi vrai pour la race ? IV Si je me suis laissé entrainer à discuter ainsi les idées de M. Delage, je prie le lecteur de voir dans la vivacité de ma crilique un hommage très sincère au réel mérite de son œuvre. L'ouvrage, dont j'aicombattu un certain nombre de tendances, se recommande, je me plais à le reconnaitre, par des qualités que je prise très haut. M. Delage a soigneusement rendu compte des idées des auteurs dont il expose les théories ; il s'est appliqué à établir un départ très net entre leurs opinions personnelles et ses propres vues, qualité d'autant plus précieuse qu'elle est fort rare. En second lieu, son impartialité est absolue. Mais un écrivain désinléressé de toute doctrine au- rait été extrèmement ennuyeux et M. Delage ne l'est pas. Qu'on l’approuve ou qu'on le désap- prouve, il reste toujours intéressant et stimulant. A travers la foule des détails et la complexité des théories, jamais il ne fatigue par des délails super- flus ou un inutile développement d'érudition. Il attache et séduit, même quand il ne réussit pas à nous convaincre. Gilbert C. Bourne. Fellow de New-College, à Oxford, A. LARBALÉTRIER er L. MALPEAUX DE LA BETTERAVE EN FRANCE 633 CULTURE 688 L’ÉTAT ACTUEL DE I PARTIE : CHOIX DES VARIÉTÉS. — Peu de plantes ont ,une importance culturale aussi considérable que celle de la betterave; non pas qu'elle occupe dans le domaine agricole une étendue supérieure à celle des autres cultures, mais bien en raison de la destination mulliple de ses produits et des capilaux qu'elle engage. En effet, non seulement elle est cultivée en vue de la pro- duction fourragère, mais encore, plusieurs de ses variélés constliluent des plantes potagères très appréciées; enfin, la betterave, améliorée par la séleelion, est l’objet d'une culture en grand, en vue des besoins de l'industrie sucrière et de la distillerie. Non seulement la culture doit alimenter de racines les fabriques de sucre et d’alccol, mais ces usines lui livrent en retour des betteraves épuisées, pulpes ou drèches, qui fournissent au bétail une précieuse ressource alimentaire pour l'affouragement hivernal. La culture de la betterave, tant fourragère qu'in- dustrielle, permet dorc l'entretien d’un nombreux bétail qui fournit des produits variés et, par son fumier, reslitue à la terre une partie de ce que la récolte lui à enlevé. Peu de cultures industrielles, il faut le reconnaitre, possèdent un avanlage aussi marqué au point de vue de l'amélioration du sol ou tout au moins du mainlien de sa ferti- _lité. Mais, ce n'est pas tout : les sucreries et distil- leries restiltuent encore à la cullure d’autres résidus de fabrication de nature différente, qui, appliqués directement sur la Lerre, constituent des matières fertilisantes très appréciées, notamment les écumes ou boues de sucreries et les vinasses des distilleries. C’est cette importance énorme de la culture bet- teravière dans la vie économique de la France, que M. Méline, ministre de l'Agriculture, estimait ainsi en 1884 devant le Parlement : « Qu'est-ce que la betterave représente dans la richesse de la France? 245 millions de francs. La grande industrie de la houille n’en représente . que 241; le fer et la tôle 222. L'industrie sucrière occupe 65.000 ouvriers d'usine, 110.000 ouvriers de culture, en tout 175.000 ouvriers... Les 100.000 bœufs qu’elle ulilise produisent 30 millions de kilogrammes de viande et la fumure pour 100.000 hectares de terre ». Ces chiffres ont leur éloquence, el justifie- ront, pensons-nous, l'étendue de la monographie que nous entreprenons ici. LA CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE I. — HisrortQuE. | | ! La betterave semble avoir été introduite en | France vers 4595 ; depuis cette époque elle a subi Ve transformations profondes, non seulement comme aspect, mais dans son mode de végétation. D'annuelle qu’elle est dans les contrées méri- dionales de l'Europe, elle est devenue bisannuelle dans les régions septentrionales; ce dernier fait, en apparence peu important, doit être pris en sérieuse considération au point de vue pratique, ainsi que nous aurons l'occasion de le voir plus loin. IT. — VARIÉTÉS DE BETTÉRAVES. — CHOIX ET ADAPTA- TION DE CES VARIÉTÉS. Il est fort difficile, pour ne pas dire impossible, d'établir même une énuméralion complète des différentes variétés de betteraves cultivées aujour- d'hui. Les producteurs de graines sont parvenus, par une culture raisonnée et une sélection mé- thodique, à établir et à fixer un très grand nombre de types qui se distinguent entre eux par la forme, le volume et la couleur des racines, ainsi que par l'aspect général, le développement et la coloration des feuilles. Il y a tout d'abord à remarquer que, d'une manière très générale, la plupart des variétés de betteraves cultivées pour les besoins de la sucrerie ont les racines entièrement enterrées, tandis que les betteraves fourragères sont plus ou moins émergentes; quant aux betteraves de dis- tillerie. on peut les considérer comme intermé- diaires, non seulement à ce point de vue, mais encore en ce qui concerne les rendements et la richesse saccharine. Nous ne donnerons ici que la description très sommaire des variétés les plus importantes, celles qu’on rencontre le plus com- munément dans les grandes cultures. S $ 1. — Betteraves fourragères. Le but de tout agriculteur progressiste est d'ob- tenir la plus grande valeur fourragère possible. Comme cette valeur ne coïncide pas toujours avec une récolte abondante, on choisira, pour chaque condition de sol et de climat, l'espèce qui donne la plus grande valeur fourragère par hectare. A ce point de vue, outre les betteraves sucrières, qui, dans cerlaines conditions, comme il est dit plus loin, peuvent être cullivées avec succès comme | fourrage, nous nous contenterons de signaler les A 63 cinq types de betteraves fourragères suivantes; elles peuvent être considérées comme les souches d'où dérivent presque toutes les variétés récem- ment obtenues : 1. — Betterave champètre ou Disette d'Allemagne. — Cette betterave est caractérisée par une racine longue, grosse, émergeant à moitié de terre; la peauest rouge, la chair blanche, veinée de rose. Elle est de bonne conservation et convient surtout aux sols calcaires. Ce type à donné naissance à deux sous-variétés remar- quables : 1° La Disetle corne de bœuf (fig. 1), ainsi appelée à cause de sa forme et qui mesure environ 60 centimètres de lon- gueur; 2 La Géante Mam- mouth (fig. 2), à racine énorme, atteignant par- fois jusqu'à 75 centimè- tres. 2. Belterave blanche à collet vert (fig. 3), — La racine est volumineuse, mesurant de 40 à 50 cen-. timètres de longueur to tale; elle est cylindrique ; le collet est longet à moi- tié hors de terre ; la peau est verte sur la partie aé- rienne et blanche sur la partie enterrée; la chair est blanche. C'est une va- riété très productive, mais un peu tardive. 3. — Betterave globe. — Essentiellement caractérisée par sa racine ovoide; elle a fourni un très grand nombrede races, parmi lesquelles il faut mentionner : la Globe rouge à peau violacée ; la Globe jaune (fig. 5): la Globe jaune à petites feuilles ; la Jaune ovoïde des Barres (lig.4) d’untrès grand mérite, la plus cultivée d'ailleurs; enfin, la Jaune Géante de Vauriac (fig. 7), variété nouvelle qui possède toutes les qualités de la précédente, dont elle dérive par sélection. 4, — Betterave cylindrique Tankard (fig. 6). — Magni- fique variété, d'origineanglaise, jouissant d’une grande réputation et qui rivalise déjà avantageusement avec Ja précédente. Elle à à peu près la même forme quela Jaune ovoïde des Barres, mais est plus large à la base et comme tronquée brusquement; la coloration est d'un beau jaune cuivré; elle sort presque complète- ment hors de terre et il est très facile de l’arracher. 5. — Betterave jaune plate d'Oberndorff. — Race très répandue en Allemagne, qui rappelle un peu par sa forme la Globe jaune, mais plus plate et sortant pres- que entièrement hors de terre. S 2, — Betteraves sucrières. Les betteraves à sucre sont bien plus nom- breuses; mais il règne une grande confusion dans leur synonymie. La plupart des variétés cultivées en France dérivent de la Disette blanche de Silésie (fig. 8). 1. — Disette blanche de Silésie. — Betterave de moyenne grosseur, plutôt petite ; la peau est blanche et rugueuse, le feuillage bien fourni et étalé. C’est une variété fortement sucrière et trèsproductive, surtout cultivée en Allemagne où elle a donné de nombreuses sous-variétés. Elle a été introduite en France par M. L. Vilmorin, qui, en 1855, l’a améliorée par voie de sélec- fion, créant ainsi la Betterave améliorée Vilmorin qui a eu une très grande vogueil y a une dizaine d'années. 2, — Betterave blanche à collet rose. — Egalement obtenue dans les cultures de M, Vilmorin, elle est aujourd’hui quelque peu délaissée. 4 A. LARBALÉTRIER £r L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE 3. — Belterave Braëant Fouquier d'Hérouël. — Nariété à racine petite, à peau rugueuse; ses formes sont très régulières, la chair est compacte. 4, — Betterave Simon-Legrand améliorée. — Blanche, bien pivolante, à chair dure et sans racines latérales; elle renferme de 1#à 16°/, de sucre. Elle a fourni deux sous-variétés : 10 l'Améliorée blanche conique, 29 l’Améliorée rose. 5. — Belterave à chaire dure de FI, Desprezs. — Peau rugueuse ; racine {rèslongue, rose ou blanche, collet peu développé. Cette betterave, dont M. FI. Desprez a obtenu un très grand nombre de races, demande une terre riche et profonde. 6. — Betterave Impériale. — Cette race, obtenue en Allemagne par M. Knauer, est caractérisée par une racine allongée, piriforme, bien pivotante; le collet est petit, les feuilles peu développées, fusées et retombant sur le sol, 7. — Belterave Klein- Wanzleben. Excellente variété, très riche en sucre, qui a pris son origine dans la précédente. Sa forme est conique, la racine est blanche, à côtes très prononcées; le feuillage est abon- dant. Elle est très cultivée en Belgique. C'est d'ailleurs uné variété de cette betterave, améliorée par M. Heine de Hadmersleben, qui a obtenu le {27 prix à l'Exposition d'Anvers en 1894; eile dosait 15,90 °/, de sucre. S. Betterave Dippe. — MM. Dippe frères, pro- ducteurs saxons, ont a- mélioré les deux variétés précédentes et ils ont créé : 4° la Betterave Klein Wanzleben amélio- rée Dippe, qui convient surtout aux sols pro- fonds; 2° l’ Impériale a- méliorée Dippe, un peu moinsriche,pouvantètre cullivée en terres moins profondes; 3° enfin, /a plus riche de Dippe, qui accuse une richesse de 16 à 18 °/,; mais dont le rendement n'atteint qu'exceptionnellement 30.000 kgr. à l'hectare. Cette betterave est au= jourd'hui très répandue dans le Nord et le Pas- de-Calais. Signalons aus- si les betteraves Lemaire et les betteraves Carlier d'Orchies, dont une va- riété désignée sous le n° { (bis), croisement de l’Elite braune et de la plus riche de Dippe, a également été primée à l'Exposition internationale d'Anvers. Cette race à une racine allongée et sans radicule, la peau est très rugueuse, elle dose de 15 à 16°/, de sucre. Enfin, la betterave Demiautte, la Breustedt, la spécialité Mette, ete. Fig. 1. Diselle corne-de-bœuf. $3. — Betteraves de distillerie. Ce sont les moins nombreuses; on peut d'ail- leurs les considérer comme intermédiaires entre les variétés fourragères et sucrières, quoique se: rapprochant davantage de ces dernières; il est, d’ailleurs, de toute évidence que, plusune belte- rave sera riche en sucre, plus elle fournira d'alcool. Beaucoup de betteraves sucrières, à teneur moyenne, sont cullivées en vue de la distillerie, notamment la #ouquier d'Hérouël, la Brabant, V Tm- périale, V Améliorée Vilmorin et la Blanche à collet rose ; en outre, on rencontre assez communément dans Fig. 5. ig. 6 Fig. 1. Fig. 2 à 7. — Espèces diverses de betteraves fourragères. — Fig. 2. Bellerave géante Mammoulh. — Fig. 3. Belterave blanche à collet vert. — Fig. 4. Betlerave jaune ovoïde des Barres. — Fig. 5. Betlerave jaune globe. — Fig. 6. Betterave cylindrique Tankard. — Fig. 7. Bellerave jaune géante de Vauriac. 636 A. LARBALÉTRIER er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE les cultures la Blanche à collet gris (fig. 9), variété intermédiaire, demi-sucrière, qui, tout en conser- vant une richesse saccharine assez élevée, donne en poids presque aulant de racines que les variétés fourragères; enfin, la PBellerave jaune à sucre, à racine demi-longue, enterrée, à chair blanche, teintée de jaune. S 4, — Choix et adaptation des variétés. À quelle variété, dans chacun de ces groupes, faut-il donner la préférence? C'est là une question fort complexe, que l’agrieulteur seul peut résoudre. En tous cas, celle qu'on choisit doit ètre appro- priée au climat, à la nature du sol et à sa fertililé. Il faut aussi examiner les condilions économiques el fiscales dans lesquelles on se trouve. C'est ainsi que ces dernières peuvent quelquefois obliger le Fig. 8. — Diselle blanche de Silésie. distillateur à se désintéresser partiellement de la richesse saccharine, car l'expérience montre que tels jus peu riches en sucre fermentent plus faci- lement que d'autres. Au point de vue industriel, comme le conseillent MM. Fritsch et E. Guillemin, il faut, en général, choisir les espèces qui donnent les rendements en sucre les plus élevés par unité de surface emblavée; au point de vue agricole, il faut donner la préférence à celles qui donnent de grands rendements en poids et laissent beaucoup de pulpes pour l’alimentation du bétail. Comme on le voit, le criterium n'est pas le même pour la culture fourragère, la sucrerie et la distillerie, Cette dernière a, sur la sucrerie, un avantage con- sidérable au point de vue agricole, car le distilla- teur peut, sans préjudice pour la marche écono- mique de sa fabrique, envisager avant tout le rendement en poids par hectare. Il a, de plus, l'avantage de pouvoir choisir la variété la plus apte à concilier ses exigences comme industriel et comme cultivateur. Au poiat de vue de la sucrerie, celte question « du choix de la variété a une importance encore plus grande, surtout en présence de la crise ac- tuelle. À ce sujet nous ne saurions mieux faire que de nous en référer aux conseils donnés par M. FI. Desprez, directeur de la Station expérimentale de Capelle (Nord) : « C’est, dit-il, en choisissant, dans les diverses races, les variétés qui conviennent à nos lerrains et à nos climats, c’est en appropriant les soins de culture et les engrais aux espèces que nous voulons employer, qu'il y à d'immenses progrès à réaliser. Pourquoi vouloir, par exemple, cultiver la même variété dans un rayon servant à l’approvisionnement d'une sucrerie ou d’une distillerie, lorsque les terrains ne se ressemblent en aucune facon, lorsque les engrais, la manière de cul- liver ne peuvent être les mêmes? Pourquoi ne pas choisir des variétés plus ou moins précoces afin de les Fig, 9. — Bellerave blanche à collet gris. employer au fur et à mesure des besoins de la sucre- rie? Quels avantages n'obtiendrions-nous pas si nos usines pouvaient travailler un mois plus tôt, faisant ainsi une fabrication de 120 à 130 jours au lieu de 80 à 90 jours, et si les cultivateurs pouvaient également commencer un mois plus tôt leurs semailles de blé après betteraves 1? » III. — BETTERAVE A SUCRE. S 1. — Avantages de la betterave riche. Sous le régime de la nouvelle législation sucrière loi du 29 juillet 1884), le cultivateur ne doit plus faire que de la betterave riche, c'est-à-dire dosant au moins 14 ‘/, de sucre. Nous n'’insisterons pas cette nécessité, les remarquables mono- graphies publiées ici même par MM. Urbain et Lindet ? l'ont suffisamment démontrée. Nous vou- lons seulement faire remarquer qu'en ce qui con- cerne l'épuisement du sol, la cullure de la betterave sur ! Communication faite à la Sociélé des Agriculleurs du Nord dans sa séance du 5 décembre 1888. ? Dans la Revue générale des sciences,n° du 15 mars 1895. | eu A. LARBALÉTRIER er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE à forte teneur saccharine est encore bien plus avan- lageuse. En effet, il résulte d'expériences nom- breuses el qui ne laissent subsister aucun doute, que la betterave riche épuise beaucoup moins le solen azote et en sels minéraux. On a calculé qu'une bette- rave dont le jus marque 7 de densité, enlève au sol 76 kilos d'azote par hectare, landis qu'une bet- terave ayant une densité de 5, en enlève 150 kilos, et une à 4,5 de densité en prélève 192. En outre, — comme l'a montré M. H. Raquet, professeur d’Agricullure de la Somme, — lorsque, dans la betterave, le sucre augmente de à ?/,, l'azote di- minue de 00 grammes pour °/,,. En ce qui concerne les sels minéraux, il résulte des expériences de M. Leloup, faites sur 43 lots de betteraves d'origines diverses, qu'il ÿ a une varia- tion inverse du sucre et des sels. Les résultats groupés en quatre séries, donnent en effet : Richesse en sucre. Sels alcalins p. 100 de sucre. 9,16 S,21 11,42 5,89 11,92 3,39 44,17 3,18 Ainsi, la culture de la betterave riche, c'est non seulement le bénéfice pour le cullivateur, mais encore la fertilité du sol ménagée et l'avenir sau- Tableau I. — Épuisement du sol par la betterave riche et la betterave pauvre. RENDEMENTS SUCRE SELS AZOTE VALEUR ENLEVÉ DE % ENLEVÉS A DE A PAR L'ENGRAIS L HECTARE |BETTERAVE|L'HECTARE | HECTARE ENLEVÉ 38.000 Kk. É 114 k. 76 k. 40.000 3.0 140 88 43.000 7/8 176 103 46.000 e 207 114 50.000 .: 250 150 55.060 5 330 192 vegardé. M. Pagnoul, l'éminent directeur de la Station agronomique d'Arras, l'a montré d’une façon saisissante dans le tableau I ci-dessus : $2, — Élaboration du sucre dans la betterave. On sait que le sucre est élaboré dans les feuil- les, aux dépens du gaz carbonique, de l'air et de l’eau. C’est grâce aux minulieuses recherches de MM. Peligot, Violetle, Corenwinder, Dehérain, Pagnoul et A. Girard, que ce fait est aujourd'hui acquis à la science. C’est de toute pièce que se forme la matière sucrée, sous l’influence de la lumière. Le sucre, aussitôt produit dans la feuille, se dirige par le pé- tiole vers la racine, où il s'emmagasine. Mais, tan- dis que l'élaboration du saccharose dans les feuilles 637 ne se fait que pendant le jour, le mouvement de descente s'exécute la nuit comme le jour, et, sil'on trouve,enanalysant des feuilles, une quantité de su- cre plus grande le jourquela nuit,c'est que pendant le jour le péliole est insuflisant pour débiter toute la quantité qui se forme dans le limbe. La consé- quence pratique de ce fait, c'est que, toutes choses égales, plus une betterave aura un système foliacé abondant, plus elle sera aple à former du sucre. Cela nous fait voir aussi la grande faule que l’on commeltait en effeuillant les betteraves dans le cours de leur végélalion, pour donner aux bes- taux Enlever les feuilles, c'est empêcher le sucre de se former. Notre savant maitre M. comparant une betterave riche à une betterave pauvre, a trouvé que le poids des feuilles pour 100 de racines était de 61 dans la première et de 20 dans la seconde. L'influence de la lumière sur l'élaboration du sucre est manifeste; M. Pagnoul a fait à ce sujet des expériences très concluantes eu cullivant des betteraves à l’air libre, sous cloche transparente et sous cloche noire; les résullals oblenus mon- trent que la lumière influence non seulement la formation du sucre, mais qu’elle agilencore sur la formation des principes azotés el des sels miné- raux, surtout des nitrales et des carbonales. De la quantité de chaleur reçue par la belterave dépend surtout la durée de la végétation. Souvent les agriculteurs, parfois les agronomes, peu versés dans les questions de Physique, ont cru éclairer le problème en tolalisant les nombres moyens des degrés de chaleur auxquels la plante s'est trouvée quotidiennement portée, à une même heure du jour, pendant les semailles el la levée, le dévelop- pement de la partie végélative et la maturation. Est-il besoin de dire que de tels calculs n'offrent aucun sens? Ce qu'il importe de délerminer, pour chaque phase de l’évolution végélale, c'est d’une part le degré de chaleur minimum , optimum, maximum et la quantité de chaleur (nombre de calories) reçus par la plante. Il est regrettable que nous manquions de données précises à ce sujet. La lumière, dont l'intensité représente la force sous l'influence de laquelle s'opère l’élaboralion du sucre, doit agir surtout pendant les mois de juin, juillet, août et septembre Les observations actinométriques donneront donc des indications précieuses en ce qui concerne la culture de la bet- une nourriture d’ailleurs assez médiocre. Dehérain, en terave à sucre. Le diagramme ci-joint (fig. 10) montre nette- ment l'influence des circonstances almosphé- riques sur le rendement et la richesse de la bel- terave depuis 1870. 638 A. LARBALÉTRIER er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE = $ 3. — Production de la betterave riche. Pour arriver à produire de la betterave riche, les efforts de l’agriculteur doivent se porter sur trois points principaux : 1° choix de la graine; 2° fumure appropriée; 3° soins culturaux. 1. Choix de la graine. — Le choix de la semence joue un rôle capital, el c'est ici surtout que nous trouvons un nouvel exemple de l'application des données de la science à la culture pratique. En effel, il résulte des recherches de M. Petermann, directeur de la Station agronomique de Gembloux (Belgique) qu'une graine de betterave de bonne qualité ne doit pas con- par le Syndicat des fabricants de sucre de France: les expériences ont montré une différence dem 203 kilogrammes de sucre à l'hectare, en faveur de la graine française. Plus récemment (1895), « M. Manteau, directeur de l'École d'Agriculture « de Wagnonville (Nord), a publié le résultat des expériences qu'il a faites sur le même sujet, et desquelles 1l ressort que la comparaison est en- tièrement à l'avantage des graines françaises. En- fin, des essais faits à l'École d'Agriculture de la Somme en 1895 sur sept variétés ont encore véri- fié ce qui précède. Les moyennes, dans ces der- nières expériences, ont donné les chiffres relevés dans notre tableau IL. Il est d’ailleurs de tenir plus de 15 °/, | & & [7rés bon. toute évidence que les d’ À CUS ONE SOS eau et pas plus de | À 2 8 ] Assez bon-- agriculleurs ont inté- : ; SES is Er 15°/,d'impuretés; elle | SSÈ ris rêl à employer des doit posséder un pou- | & à (Wauwais— graines de betteraves . . . HS 5 LA = à . voir germinatif mini- | È 50! sélectionnées , culti- mum de 80 °/, et doit SÈS F vées sur des terres : : QI PRES fournir environ 100.000 SÈS aussi voisines que pos- Ê Ÿ 46 à germes par kilogram- SR sible des leurs, ou, tout A L'S 44 H â me. DS au moins, de même Ilvasans dire qu'elle à #2 nature agrologique, où Ge à : & |/rés bonne. ; É Av re doit être issue d'une 2 & à Bonne Fa l’on à eu soin d'em- ôre riche: I: , SENTE ssez bonne! | c mère riche; la culture Ê&S À Passable… ployer, suivant le vœu desporle-grainescons- | & © | Wéarocre. formulé par le Con- titue d'aill spé Res ès betteravier en 1882 itue d'ailleurs une spé- a. rt grès betteravi 382, cialité dans les détails Ÿ ss PA PARU «desbetteraves-mères 2 sn 2 Ê iv = de laquelle nous ne l'ÈSÈ js cultivées dans des con saurions entrer ici; il | S ÈS PE ditions normales el : à 11 l :| : en résulte que, dans la Sr S SE & & 2 à = $ = + à + non des racines ame- grande majorité des RARES VESTE MS SNS TES ES 8 $ $ nées par une culture cas, le cultivateur doit APTE exceplionnelle à pré- : out Fig. 10. — Diagramme montrant l'influence de la température sur K À à se procurer Sa graine le rendement et la richesse en sucre de la betterave. senter des caractères dans des maisons de de richesse et de forme commerce; souvent aussi la graine est livrée Tableau II par le fabricant. Mais, dans tous les cas, la semence doit être soumise à un contrôle rigou- ea RER TeUXE , à NÇAISES LLEMANDES La grosseur de l'enveloppe n’est pas, comme FRANÇAISES | ALLEMA on le croit souvent, une garantie de la grosseur el TT LU de la bonnequalité des semences qu’elle renferme. Roses TE PÈRE . ensile au Jus à 19°........ n ,12 Jusque dans ces dernières années on a cru que les Sucre par décilitre de jus... 15,68 A5 A4 di nes ; ; & Quotient de pureté.......... 85,15 84,13 graines de provenance allemande, plus DAANseS ANT La 2 14245 133% que les nôtres, leur élaient supérieures; s’il en a élé ainsi jusqu'en 1885, il n’en est pas moins vrai qu'à l'heure actuelle les choses ont changé. C’est ce qui ressort notamment des résultats obtenus dans les nombreux champs d'expériences établis, en 1889, dans quatorze circonscriptions françaises, ! I ne faut pas confondre l'enveloppe extérieure du glo- mérule avec les graines proprement dites qui s'y trouvent contenues; cette distinction a une très grande importance pratique en ce qui concerne les soins culturaux. qui ne sont pas inhérents à la race elle-même ! ». 1 Dans ces dernières années, on a également essayé, prin- cipalement dans quelques exploitations du département de l'Aisne, des graines de provenance russe, qui ont donné, en général, de bons résultats, principalement les graines do Mayzel de Bzozowka (Pologne). Voici à ce sujet ce que di- sait le Journal des fabricants de sucre du 16 octobre 1894 : « La supériorité de ces semences à la levée, la parfaite uni formité de la plante pendant la végétation sont incontes- tables, et tous les renseignements qui ont été communiqués # A. LARBALÉTRIER er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE 639 == 2, Semailles. — L'époque du semis n’esl pas moins importante que le choix de la graine. Plus on sème tôt les betteraves, fait observer M. Hilier, répétiteur à l'Institut Agronomique, mieux cela vaut; des semis effectués fin mars ont donné un rendement supérieur de 30 pour 400 à des semis du commencement de mai. On ne peut guère semer plus tôt, car on s'exposerait à voir un assez grand nombre de betteraves monter en graines. Souvent l'état de la terre, très humide, oblige à des semis tardifs ; dans ce cas, M. Ladureau conseille, pour ‘ hâter la germination, de maintenir la graine dans un tonneau plein d’eau à la température de 30 à 35° pendant quelques heures. On laisse ensuite écouler l'eau et on sème la graine, qui germe alors en très peu de temps. Il convient toutefois de faire observer que cette pratique serait très dangereuse si la sécheresse survenait aussitôt après le semis. S'il est hors de doute que les semis précoces sont les plus favorab'es, il n'est pas moins vrai que les terres doivent être suffisam- ment réchauffées. En effet, les graines exigeant, pour la germination, une température de 8° C.,rien n'est plus pernicieux que de les laisser plusieurs semaines dans la terre sans germer, car alors elles pourrissent ou deviennent la proie des insectes. 3. Espacement des lignes et profondeur du semis. — La betterave se semant toujours en lignes. l’espa- cement de celles-ci doit être aussi réduit que pos- sible, tout en permettant, bien entendu, d'effectuer sans aucune gêne les binages ct sarclages néces- Saires. Celte influence du rapprochement se fait senlir, non seulement sur la richesse en sucre, . Tableau III. - Influence de l'écartement des lignes. iMENT DE SUCRE a Æ © < LA < SUCRE % CENDRES ALCALINES û A L'HECTARE a o am Grande distance (35 cm.). Petite distance (25 cm.). 48.000 mais encore sur le taux des matières minérales; c'est donc bien à tort qu'on dit parfois que les bet- teraves rapprochées épuisent davantage le sol. Voici d'ailleurs (tableau IT) les résultats obtenus par M. Pagnoul; ils ne laissent aucun doute à ce sujet. M. Pelermann a également fait, sur l'influence de la distance, de nombreuses expériences, des- sur [la forme, le poids et la qualité de ces betteraves leur attribuent un rang souvent supérieur et jamais inférieur à celui des graines allemandes les plus renommées. » quelles il résulte que, toutes choses égales d'ail- leurs, le rapprochement des plants détermine une augmentation du produit des racines, mais que cette augmentation a cependant une limite. C'est l’espacement de 40 centimètres qui semble le plus avantageux, tout au moins dans la région du Nord. Ce n’est que pour les variétés à racines très peu volumineuses que le rapprochement peut être poussé à 35 centimètres. Quant à la distance à laisser entre deux betteraves sur une même ligne, elle se règle lors de l’éclaircissage et du déma- riage, dont nous parlerons plus loin. Une question beaucoup moins étudiée, bien que d'un grand intérêt pratique, est celle de la profon- deur à laquelle il convient d’enterrer les semences. Le Dr Grassmann a fait à ce sujet des expériences très coneluantes à la Station Agricole de Græbers. Ces expériences ont montré qu’au delà de 2 centi- mètres, la proportion de germes pour 100 diminue rapidement, pour tomber à moins de 10 au-des- sous de 6 centimètres. Au delà de 9 centimètres, la graine ne lève plus. C’est donc à environ 2 cen- timètres de profondeur que le semis est dans les meilleures conditions de réussite. L'ensemencement se fait exclusivement aujour- d’hui avec les semoirs mécaniques, qui, seuls, peuvent donner la régularité d’espacement el de profondeur ainsi que la célérilé voulue dans le tra- vail. On arrive ainsi, dans les cultures, à répandre de 28 à 32 kilogrammes de semence par hectare. D'ailleurs, mieux vaut en meurtre trop que pas assez, car les insectes se chargent, en général, d’éclaireir le semis, qu'on pourra d’ailleurs facile- ment dégager par la suite s’il est Lrop serré. Quels que soient les systèmes de semoirs em- ployés, — etils sont nombreux, — il faut qu'ils tassent un peu le fond de la raie qu'ils ouvrent ; de plus, une fois recouverte de lerre, celle-ci doit être de nouveau foulée ; c'est pour cela que les tubes distributeurs, dans beaucoup de semoirs à betteraves, sont généralement suivis de petiles roulettes qui effectuent ce tassement. A. Influence des engrais. — La question des engrais pour la betterave à sucre est absolument prépondérante; elle a trait non seulement à la na- ture et à la quantité de ceux-ci, mais encore à l'époque de l’épandage et à leur mode de réparti- tion dans le sol; elle dépend aussi, dans une cer- taine mesure, de l’assolement adopté. Dans la plupart des assolements français, la betterave occupe la première sole sur fumier ; le blé occupe la sole suivante ; c'est donc tout l'op- posé de ce qui a lieu en Allemagne. a. Préparation du sol. — Tout d’abord, la terre devra être bien préparée, et surtout profondé- 640 A. LARBALÉTRIER £r L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE ment ameublie, car la betlerave est essentielle- ment pivotante ; d'ailleurs les engrais seront beaucoup mieux répartis dans une terre ameublie. Autant que possible, le premier labour sera donné avant l'hiver, en novembre ou décembre,pour que les gelées puissent agir sur la Lerre retournée. Voici à ce sujet (tableau IV les résultats obtenus par M. Mariage el communiqués en 1882 au Con- grès belleravier : Tableau IV. — Influence de la préparation du sol. BETTERAVES CULTIVÉES En Il sur labour ordinaire printemps sur défoncement pratiqué avant l'hiver de Poids moyen......... 1 k. 397 1 k. 073 Densité du jus........ | 6 1 5 1 | SuCrelp-U0D "| uU2 97 10 37 Mais on sait que les labours profonds ne sont pas toujours possibles ; parfois la nature du sous- sol s'y oppose ; dans ce cas, pour aérer le sous-sol sans ramener la terre du fond à la surface, on a souvent recours à l'emploi des charrues fouilleuses, ou bien on se sert d'une sorte de griffe adaptée à la parlie postérieure de la charrue et qui fouille le fond de la raie. Quoique le sucre n’enlève rien au sol de ses élé- ments de fertilité, il faut, pour que celui-ci s’accu- mule dans la racine, que la plante dispose d’une nourriture abondante et appropriée. D'après MM. Münlz et Girard, une récolle moyenne de bet- terave sucrière, de 30.000 kilos de racines et 12.000 kilos de feuilles, enlève au sol les quantités suivantes d'éléments uliles ! (tableau V). Tableau V. — Quantités d'éléments pris au sol. RACINES FEUILLES TOTAL Ke. Kg. Kg. ADOBE ane Maeletele lee 48.0 36,0 84,0 Acide phosphorique. 33,0 2,0 15,0 Potaase ren 120,0 180 168,0 CLAUXEE EP EEE 15,0 43,2 58,2 Magnésie.... 21,0 39 j b. Appäcation el appropriation des engrais. — Ce sont donc au moins ces quantilés de matières nulrilives que la betterave doit trouver dans le sol. Or, le fumier de ferme seul ne pourrait être employé dans ce but, d'autant plus que, lorsqu'il ! Nous ne donnons ces chiffres qu'à titre de simple indi- cation, Car nous avons vu qu'ils sont très variables avec la richesse saccharine de la betterave. A. L. ET LM. est appliqué directement, il déprime la richesse saccharine, augmente la richesse en sels minéraux et donne des belleraves racineuses ; aussi est-il recommandé d'appliquer le fumier le plus tôt pos- sible en automne et de ne faire usage que de fu- mier #irle, bien décomposé, pour que la nitrifica- tion se fasse régulièrement et au fur et à mesure des besoins de la plante. Cette fumure, — qui, dans la plupart des terres, ne doit pas dépasser 20.000 à 25.000 kilos par hectare, — sera com- plélée par des engrais de commerce.En Allemagne on n'emploie même pas de fumier pour la bette- rave qui vient après un blé fumé. Cependant, M. Maerker fait remarquer qu'un grand nombre de cultivateurs des plus distingués de la province de Saxe emploient maintenant des doses modé- rées de fumier à l'automne, et ils obtiennent des rendements quantitativement élevés, sans que la richesse et la pureté du jus en souffrent. Le complément de fumure est fourni: par le sulfate d'ammoniaque ou le nitrate de soude, qui est généralement préféré : par des phosphates ou des superphosphales et par des sels de potasse. Mais il faut être très prudent en ce qui concerne les proportions relatives de ces engrais. C'est ainsi qu'il faut éviter l'excès d'azote nitrique ; quoique donnant une augmentation de poids, cet azote relarde, en effet, la maturité, diminue la richesse et augmente la proportion de sels. En général, il n’est pas prudent de dépasser la dose de 300 à 400 kilos par hectare ; encore faut-il y associer des engrais phosphatés. Beaucoup d'agronomes recommandent d’asso- cier toujours les engrais de telle sorte que pour 1 d'azote il y ait 2 d'acide phosphorique soluble dans l’eau ; c'estlà une bonne indication, mais elle ne saurail être généralisée : car elle ne considère pas la composition chimique du sol, qui, dans cerlains cas, est manifestement riche en acide phosphorique et pauvre en azole, ou inversement. Néanmoins, les nombreuses expériences cultu- rales de M. Petermann constatent l'efficacité d’une fumure à l’hectare de 60 kilos d'azote nitrique et de 120 kilos d'acide phosphorique de superphos- phate, tout au moins en terre forte. L’augmenta- tion de la production dans ces conditions, qui sont sensiblement celles de la majorité des cul- tures de betteraves en Belgique, peut être fixée au chiffre moyen de 11.000 kilos environ par hectare. Cette action si favorable de l’acide phosphorique a, en outre, été constatée par M. Prianichnikow en 1889, dans le tchernozème de Russie. Dans ces expériences, l’action de l'acide phos- phorique, tout en élevant le rendement, rehausse aussi la richesse saccharine !. l Voy. GRaNDEAU : Annales de la Science agronomique, | Î no cé fthtffij été illdsÉ ARS SSD À. LARBALÉTRIER gr L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE GA L'acide phosphorique est généralement distribué sous forme de superphosphates, à la dose de 500 à 800 kilos; plus rarement cet engrais est remplacé parles phosphales naturels ou les scories de dé- phosphoration, à dose double. En Allemagne, on à beaucoup préconisé l'emploi des engrais polassi- ques; toutefois il ne faut pas en abuser, surtout dans les terres fortes, qui sont généralement bien pourvues de potasse. À dose modérée, ces engrais donnent souvent de bons résultals, Lant pour la qualité que pour la quantité; mais, ici encore, comme le recommande M. À. Damseaux, l'essai doil guider le praticien. « On ne peut pas méconnaitre, dit ce savant, que la betterave a de grandes exi- gences en potasse et que la diffusion de ce corps dans la couche arable el dans les profondeurs est très lente. Si des cultivateurs ne l’appliquent pas utilement à l’état d'engrais polassique proprement dit, il fautconsidérer s’ilsn'enalimentent pas leurs lerres autrement, par exemple, par des fumures abondantes d'engrais d'étable riche, par des chau- lages dégageant la potasse de ses combinaisons inertes, ete. Quoi qu'il en soit, c'est sous forme de sulfate ou bien de carbonate de potassium qu'il convient surtout d'appliquer la potasse à la bette- rave et, pour plus de sécurité, à la culture précé- “lente. » } D 1892T. I], | Dans beaucoup d'exploitations du Nord et du Pas-de-Calais, on diminue souvent la proportion d'engrais minéraux et on applique des tourteaux, surtout ceux desésame, à des doses de 1.000 à 4.800 kilos par hectare. M. P.F. Dehérain a particulière- ment étudié l’action des tourteaux sur la bette- rave à sucre. Dans les expériences faites à Grignon en 1887 sur des belteraves Dippe, les fortes doses de tourteaux ont légèrement élevé le rendement, mais elles ont un peu diminué la richesse ; toute- fois ces différences sont très faibles. Dans les ex- périences faites à Wardrecques, lamêmeannée, sur la betterave Vilmorin, le rendement le plus fort à été obtenu avec une dose moyenne de tourteaux : les doses, doubles l'une de l’autre, n’ont donné en faveur de la plus forte qu'une différence de 1.100 kilos !. [ne faut pas oublier, d'ailleurs, queles tourleaux de graines oléagineuses sont, avant tout, des en- grais azolés. Enfin, il va sans dire que le sol doit renfermer de la chaux en quantité suffisante; la meilleure manière pour lui restituer cet élément est d’ap- pliquer des écumes de défécalion qu'on trans- porte sur les terres en janvier et en février et qu'on enterre par des labours; dans la région du Nord,on 0. 362. . Zhysiologie et cullure de la betterave à sucre, par PRIANIC&NIKOW, trad. par J. Vilbouchevitch. ! Annales agronomiques. T. XII, p. 37. | les applique à la dose de 20.000 à 30.000 kilos par hectare. Ces matières ferlilisantes, qui renferment non seulementducalcaire, mais encore de la chaux libre et de l'azote organique, réussissent particu- lièrement bien dans les terres argileuses. Les fa- briques de sucre les livrent aux cullivateurs au prix de 3 à 4 francs les 1.000 kilos. Enfin on a aussi préconisé, en ces derniers temps, l'emploi des sels de magnésie et de fer. Pour les premiers, la question n’est pas encore élucidée; cependant les expériences faites parnous, l’année dernière, à l'École d'Agriculture du Pas-de- Calais, ont montré que l'emploi du sulfate de ma- gnésie à la dose de 300 kilos par hectare augmente quelque peu les rendements '. Avec le sulfate de fer, le rendement a été également bon, moins tou- tefois qu'avec la magnésie; mais, par contre, la richesse en sucre s’est trouvée notablement accrue avec cette substance. Un résultat semblable, moins accentué toutefois, avait été constaté en 1889 par M. Marguerite Delacharlony, qui s'est tout spécia- lement occupé de l’action de sulfate de fer ?. L'aug- mentalion du rendement sous l’action de ce sel a varié de » à 30% , suivant les circonstances. Une dose de sulfate de fer variant de 100 à 300 kilos parait surtout appropriée aux terres peu cal- caires ou chaulées, comme le sont d'ordinaire les terres à belteraves. On voit, d’après tout ce qui précède, que les en- grais judicieusement appropriés permettraient de culliver la belterave sans interruption et presque indéfiniment sur le même soi. Ainsi, près de Bé- thune, se trouve un champ appartenant à M. De- lisse, qui a porté des betteraves d'une matière con- tinue depuis plus de quarante ans, sans que la plante ait cessé d'y présenter ses caractères nor- maux. Sur le champ d'expériences de la Station Agronomique du Pas-de-Calais, M. Pagnoul a cul- tivé de 1870 à 1886. des betteraves dans des con- ditions semblables, et cette expérience a montré que la pauvreté des betteraves longtemps culti- vées dans le nord de la France devait être attribuée à la nature de la graine ou au mode de culture et non pas à l'épuisement du sol, comme on l'avait prétendu l Voy. Annales agronomiques du 25 janvier 1895 l’action des engrais magnésiens, par A. MALPEAUX. 2 Voy. Journal de l’Agricullure, 1889. T. 1. Effets du sul- fate de fer sur les betteraves. ® Cet article était composé lorsque nous avons eu con- naissance des recherches faites aux champs d’expériences du Comice agricole de Saint-Quentin, ayant pour objectif de concilier la production de la betterave très riche avec de forts rendements en poids. Le rapport publiè, à ce sujet, par M. A. Vivien, montre que cet important problème peut, dès maintenant, être considéré comme touchant à la solution. C'est non seulement au choix des graines qu'il faut s’atta- cher, mais peut-être aussi ÿ aurait-il lieu, comme le fait Note sur LARBALÉTRIER et 642 Il nous reste à dire un mot du mode d’épandage des engrais, qui est loin d’être indifférent. M. De- rôme, de Bavay (Nord), qui a particulièrement étu- dié cette question, a trouvé, après des expériences poursuivies pendant plus de douze ans, que l'en- fouissement des engrais artificiels à la charrue est de beaucoup supérieur au procédé qui consiste à les répandre à la surface du labour et à les enfouir à l’extirpateur. Il a démontré, en outre, que l'emploi de l'engrais dansle rayon du semoir était encore préférable. et que les résultats de ce mode d'em- ploi sont d'autant plus élevés que les plants sont plus rapprochés. 5. Soins d'entretien. — Une bonne graine, semée dans des conditions normales, sur un sol bien préparé, lève du dixième au douzième jour, sui- vant la température. Aussitôt après, on donne un premier binage destiné à briser la croûte du sl entre les lignes, tout en enlevant les mauvaises herbes, si elles existent. Quelques jours après, on donne un second bi- nage, qui doit être plus profond et qui précède et parfois même se confond avec le démariage. D'ail- leurs, les champs de betteraves nesont jamais bi- nés ni trop tôt ni trop souvent. Pour obtenir une bonne récolte, il faut donner au moins quatre bi- nages et les frais que nécessitent ces opérations sont, en général. largement payés par l'excédent de produit qui en résulte, surtout si on les exécute avec des instruments attelés. M. Knauer, fabricant de sucre à Groebers, cite à ce sujet un exemple très remarquable : «Sur un sol complètement homogène on sarcla, d'une à cinq fois, cinq parcelles de, betteraves situées les unes à côté des autres; les intervalles étaientplus longs pour celles qui avaient moins de sarclages que pour celles qui en avaient davantage, en sorte que, par exemple, le troisième sarclage fut fait sur le n° 3, en même temps que le cinquième sur le n° 5, ce qui avait lieu en faveur des parcelles moins sarclées, et cepen- dant celles-ci donnèrent, par hectare, le rendement suivant : 1 sarclage par hectare — 15.920 kilos. 2 sarclages — — 48.252 — JU — — 94.311 — ! - - — 28.145 — 5 — — —N29.480u— « Dans les autres expériences, les betteraves sarclées une seule fois ne donnèrent presque aucun rendement et rarement il dépassa 100 quintaux par hectare. Si nous considérons que la qualité des betteraves sarclées plus souvent est bien supérieure, personne ne pourra plus rester dans le doute sur le nombre de sarclages remarquer le savant rapporteur, de modifier la nature des en- srais, en employant un peu moins d’azote pour obtenir, comme en Allemagne, des betteraves de grande richesse et réduire les frais à l’hectare. L'excès d’azote diminue la richesse, pousse au développement exagéré des feuilles et nuit à l’ac- croissement de la betterave proprement dite. Une terre con- tenant trop d’azote donne moins de rendement que celle où tous les éléments utiles à la végétation sont en proportion convenable. A. LARBALÉTRIER er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE r qu’il doit faire. Actuellement, où les travaux de sar-« clages se font à l’aide de la machine, l'ouvraison des betteraves est facile et à bon marché, et on fait bien après le dernier sarelage, de butter encore les plantes à l'aide de la machine. » 6. Démuriage el écluircissage. — L'opération dun démariage consiste à enlever à la main les touffes qui constiluentchaque pied, de manière àn'’enlaisser qu'une quisera, bien entendu,la plus belle.Ce déma- riage a une importance de premier ordre, car on sait que ce qu'on nomme vulgairement une graine de betterave est, en réalité, un fruit qui, contenant plu- sieurs graines, donnenaissance à plusieursplantes. Cette opération ne doit pas être différée ; on y pro- cédera néanmoins lorsque le sol sera un peu hu- mide. Le démariage laisse généralement à désirer en France, M. Simon-Legrand ! attribue à son im- perfection les nombreux manques que l’on cons- late dans nos cultures. M. Simon-Legrand conseille de ne démarier que lorsque la betterave a la gros- seur d’un crayon. Elle résiste mieux à la perturba- tion que cette pratique jette momentanément dans son développement, et elle oppose une plus grande force de résistance aux insectes. Tableau VI. — Résultats du Démariage et de l'Eclaircissage. BETTERAVES RENDEMENT RICHESSE PAR A EN CARRÉ| L'HECTARE SUCRE HECTARE MÈTRE 1.232 k: 44.400 k. 16.25 56.960 16.62 9.470 On fait en même temps l’éclaircissage surles lignes et on s'arrange de manière à ce que les bet= teraves soient suflisamment rapprochées. Nous avons vu, en parlant des semis, que les lignes ne doivent pas être trop écarlées, mais il n’est pas moins important de ne laisser sur une même ran- gée qu'un nombre déterminé de racines. Pour avoir richesse et quantité, on admet qu'ilfaut au moins dix belteraves au mètre carré; de cette manière, elles mûürissent plus facifement et résistent mieux aux excès de sécheresse ou d'humidité. Par le rap- prochement, l’appareil foliacé se développe et la plante se trouve de ce fait dans de meilleures con- ditions pour l'élaboration du sucre. Mais, comme le recommande aussi M. FI. Desprez, l’écartement entre les plants doit être proportionné à la na- ture et à la fertilité du sol, à la façon de les culti- ver el à sa richesse en engrais. C’est ainsi que dans des conditions identiques, cet agriculteur a ob- tenu les résultats relatés dans le tableau VI. DER R ORNE D EUPR TE REE PERRET 1 Cité par G. Dureau dans son Trailé de la cullure de la bellerave à sucre, p. 339. A. LARBALÉTRIER er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE 643 Le calcul de cet espacement est facile en se ser- vant de la relation suivante, dans laquelle e repré- sente en centimètres l’espacement que l'on donne entre deux lignes, 4 en centimètres la distance entre les betteraves sur la même ligne, et » le nombre de betteraves par mètre carré : 10.000 en e x (950 & © vd S |a5o & % & $ 4 750 = S = S |.650 ASL | ME > & (550 s francs Se ( 30— 3 NS > % À 1 S & CE | 20b-+— à vd SES à Qu > S D 10 | a À + 0 1881 1885 5 1890 1894 Années Fig.18. — Diagramme montrant le produit brut par hectare et le prir d'achat de 1000 kilogr. de betterave à sucre en France de 1881 à 1894. d'œuvre et aussi le fermage et les impôts, qui sont loin d'arriver aux chiffres atteints chez nous. $ 7. Rendements et étendue cultivée. — Compa- raison avec l'étranger. Les rendements de la betterave à sucre sont très variables suivant les années, et cette variation est surtout influencée par les circonstances météoro- logiques. C'est ainsi qu’en 1889 le rendement moyen par hectare pour toute la France a atteint le chiffre de 31.565 kilos, tandis qu'en 1891 il esk tombé à 25.122. Le diagramme de la figure} 49 donne d'ailleurs les rendements moyens en quin taux depuis 1881. Sucre p.% Tonnes LE] LI l] 220 1881 1885 , 1890 1894 Annees Fig. 49. — Diagramme montrant la marche du rendeme en poids el de la richesse saccharine de la betlerave“à sucre en France de 1881 à 1894. Mais le rendement varie non seulement dans lé temps, mais encore dans l’espace pour une mêmi année, ce qui tient non seulement à la nature des terres, mais encore aux espèces et au mode dé culture. À ce sujet, il y a des différences marquée entre les divers départements belleraviers, et convient de faire remarquer que ce ne sont pas, ef général, ceux qui consacrent la plus grande étendus à la betterave, qui obliennent les plus forts ren dements ; c’est ainsi que, pour 1894 par exemple, le Pas-de-Calais, qui cultive 35.120 hectares, na obtenu qu’une production moyenne de 25.000 kil, tandis que la Meurthe-et-Moselle, avec 35 hectares, a récolté en moyenne 32.500 kil. ; l'Indre-et-Loire avec une surface Lolale de 200 hectares, a récolt 36.000 kil. par hectare. Les cartes 20 el 24 montren d’ailleurs ce fait que les rendements moyens e poids ne sont nullement en rapport avec l'étendu consacrée à la betterave. En France, la betterave à sucre est cullivée dan quarante départements; ceux de la région du Non lui consacrent les plus grandes élendues ; mai tandis qu'il ya vingt ans, ils élaient à peu prè seuls à faire de la belterave, depuis la promul galion de la loi de 188%, quelques département du Centre et du Midi ont également entrepris cet cullure, notamment le Vaucluse, le Gard et 1 Bouches-du-Rhône. Pour l’ensemble de notre pay l'étendue totale consacrée à cette culture a égal ment varié dans une notable mesure depuis quel ques années ; c'est ce que montre le diagramme 21 qui donne non seulement la superficie, mais encore la production totale, On peut voir que c’est en 189% ce 2 Ç 7 MER fe AMNAGATIENT EE RARE 4 D U NORD 7 A 2 Re?) LONDRES CUS n æmsrène! Re de oR tu ne Ke non té DRE coe Pa ! ’ SU ee (MATENNE , : MORBIHAN » S Le) ù s (e] we: k °-— CORRÈZE : æ. Mae ‘ de L F ee re + DORDOGNE 7 GIRÔOYDE!/ à 7 LOT 2 DS J NLOT ET < NN _fG LÉECRE \ a FRE ci Ge “ Dé AVEYRON \. DANDRIS DERRC ENE CNT ” ET n ni \ à € NORCIE RAS Va dt SOS 2 \ FR ZHŸTE: D îTe Per LCARONNE A a Ÿ L,B=* PYRENÉES pret LE ne AT er \AUDE À 1 ï 3 2 LI — 2 A Le. pm E Fe ame de DARIEGE 1 #ÿ S Ke | ARENEES 0e : : P re EE MA DICICTUELR R AU NIDELE 4 G DIRE L OBERLIN Fig. 20. — Carte montrant la répartition et l'étendue de la culture de la betterave à sucre dans les divers départements français. iparteme : ; ) EN il Départements ne cultivant pas de betterave à sucre. a DÉDRERE EEE NE PAS CREER TOR PAST O RER FA Départements cultivant moins de 209 hectares. HI Départements cultivant de 5.000 à 10.000 hectares É Æ Départements cultivant plus de 20.000 hectares. Le Départements cultivant de 500 à 2.000 hectares. 648 A. LARBALETRIER Er L. MALPEAUX que la plus grande surface plantée a été atteinte, soit 268.230 hectares, d'après la Sfatislique agricole annuelle publiée par le Bulletin du Ministère de l'A- griculture (fig. 21). 280 = — TT ++ cultivée 200 160 Milliers d'hectares 120 quintaux à S Millions de 1885 ù 1894 Annees Fig. 21, — Diagramme montrant les varialions de la super- ficie cullivée et de la production lolale de la betterave à sucre en France, de A882 à 1894. Il est vrai qu'en 1895, par suite de la crisé su- crière, l'étendue a été quelque peu réduile, sur- tout dans le Nord, élant donnés les prix offerts par les fabricants lors des compromis effectués à la fin de l'hiver. Cependant cette diminution n’a pas été auss: forte qu’on a bien voulu le dire, car, dans ces régions, il est irès difficile aux culliva- teurs de remplacer la betterave par autre chose; ils n’ont pas d'autre plante sarclée rémunéralrice à y substituer et ils ne peuvent se résoudre à bou- leverser leurs assolements de fond en comble. Il n'en est pas moins vrai que la culture subit durement le contre-coup de la crise industrielle sucrière due à la surproduclion: c’est ce que montrent les chiffres du tableau VIII qui indiquent Tableau VIII. — Influence de la crise sucrière sur la production de la betterave. CAMPAGNES © 1894-1895 1895-1896 | 399 3306 SITES ACLINES LS eee evene Betteraves travaillées; tonnes.......[1.559.665| 878.385 Rendement en sucre rafliné %....... 1.54 9.09 Densitémmoyennes.-"2r cree 1.3 S.0% Quotient de rendement par degré..... 1.05 1:08 la situation de la culture betleravière au 15 oc- Lobre pour les campagnes de 1894 et de 1895 : Si maintenant nous comparons la cullure de la betterave sucrière française à celle des autres pays (fig. 22 et 23), nous voyons que, comparalivement — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE à la superficie totale, c’est la Belgique qui tient la tête, c'estla Russie quiculiive relativement le moins de betterave. En ce qui concerne la surface absolue, x à Z -Ÿ ÿ S à È S à à 1881 1885 ; 1890 1896 Annees Fig. 22. — Comparaison entre la production de la betterave à sucre en France, en Allemagne el en Autriche, de l’année 1881 à l’année 1894. c'est l'Allemagne qui occupe le premier rang; puis viennentl'Autriche-Hongrie et la Russie; la France vient en quatrième rang. Le tableau IX (page 650), d’ailleurs dressé d'après une note présentée par M. G. Dureau à la Sociélé nationale d'Agriculture de France le 26 juin 1895, indique l'étendue cul- tivée en betteraves à sucre en Europe de 1884 à 1895; ce lableau montre, en outre, le dévelop- pement pris par celte culture. Le développement de la culture betteravière a donc pris, de 188% à 1895, un essor considérable, dans Lous les pays, sauf la Russie. Mais la baisse sans exemple, survenue il y a quelques mois, dans le prix du sucre brut sur tous les marchés de l'Univers, a ralenti cet essor. « En somme, dit M. Dureau, de 188% à 1895, la cul- ÿ .& Ÿ è È S Ÿ È & & Ÿ s LÙ & Ÿ à à à È à K È È S + È À È S à X & S à > & & a LD & NN 1 Lu SAS TER 50 & SAS À 2 Re (2 Z ZA —— Fig. 23. — Produclion de la bellerave à sucre en A894 dans les differents pays. Lure de la betterave à sucre a progressé d’une façon générale et dansla proportion de 36 °/, pourl’ensem- ble des principaux pays producteurs. Puis, après la crise de 1894-95, elle a rétrogradé dans la propor- . tion de 13 °/, par rapport à la campagne écoulée. » AMNAGAL ENTER RERSE LONDRES ! | \ BE! . À RL NES DEENOnDL ILLE-ET-| «. ‘ ESS NE ? jorBIHAN "LAINE ’ Le] e \* CS . +" CORRÈZE 7 > L. - DORDOGNE 3-7, ç/, CANTAL ! ù LA AY ciRÔwDE 7 LOTS ù 2 Dee JNLOT ET 4 NS GARGANE 5 4 an a Épnaaiamet-AVEYR OX \ / EN ve : j ? B2* PYRÉNÉES / LE ‘ ++... /PYRÉRÉE SZ) 1° ; “ee. ] du ; CORSE Vs A PUS OR Ss x PYRENEES 01* \ P PRE ME DD TNT EE RARE A CN MEL E « 4 G N c E FE. OBERLIW Fig. 24. — Carle montrant le rendement de la betleruve à sucre duns les départements francais. Es] Départements ne cultivant pas de betterave à sucre. AL ns é e 7 — Départements où le rendement moyen oscille entre 250 et 300 quintaux par hectare. Départements où le rendement moyen oscille entre 100 et 200 quintaux par hectare. +,+,+] Départements où le rendement moyen oscille centre + 200 et 250 quintaux par hectare. Départements où le rendement est supérieur à 300 quin- taux par hectare. 650 A. LARBALETRIER er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE C'est la culture allemande qui est la plus pros- père, c'est elle qui peut servir de modèle, puisque depuis longtemps on y cultive, non pas pour le rable, et la production de sucre brut par hectare y est plus forte encore qu'en Allemagne. Les chiffres du tableau X, empruntés à M. J. Troude, montrent Tableau IX. — Étendue consacrée à la betterave à sucre en Europe, de 1884 à 1895. AUTRICHE- CAMPAGNES ALLEMAGNE RUSSIE HON GRIE hectares .100 hectares hectares 316.200 261.000 234.100 138.000 1.400 276.900 205.000 296.000 263.800 168.000 52,400 280.400 216.200 68.500 299.000 272.700 258.500 329.000 293.600 ..500 336.000 327.900 .500 352.000 331.000 9.000 1893-1894 386.000 350.000 300.147 1894-1895,.... 441.427 316.160 5.363 1895-1896 ....| 370.884 289.430 346.500 1884-1885..... 1885-1886 1886-1887 1887-1888 1888-1889 1889-1890 1890-1891... FRANCE hectares .800 2,800 20.000 55.800 35.000 1.300 35.000 .100 2.200 10.006 5.200 50.000 21.600 592 148 AUTRES BELGIQUE HOLLANDE PAYS hectares 32.000 hectares hectares 11.000 1.098.100 848.300 986.960 899.600 997.300 25.000 414.400 29.000 .225,100 ie 21.400 .260.500 49. 23.700 .252.400 SH 27.000 36.000 .340.347 4235 33.917 #5.000 . 495.172 56. 2.843 » .296.145 hectares 21.400 5.000 .200 .000 poids, mais bien pour la richesse. Chez nos voi" sins, cette culture est d’ailleurs en voie de pro- grès notable. Tableau X. — Importance comparée de la culture de la betterave en Belgique. en France et en Allemagne. BELGIQUE FRANCE ALLEMAGNE Surface p.100 du territoire total. Nombre de fabriques en activité. Proportion par rapport à la po- pulation Rendement en hectare (kgr.) 39.450 Rendement en sucre brut par hec- are (KES) E-rea 3.760 Sucre brut p. 100 de betteraves. .| 10.592 1.94 111 59.450/103.360 20.70 2.665 10.53 Ni l'Angleterre, ni l'Italie, ni le Portugal, ni la Suisse, ni la Turquie ne cultivent la betterave à | Sucre .L'Espagro a, depuis quel- 28.60% ques années, en- _ trepris cette cul- lure aux envi- rons de Grenade. Betterave L'Australie tente aussi dans ce Sucre 7, FRANCE sens d'impor = ALLEMAGNE tants essais. Cependant, nouslerépétons, c’est en Belgique ‘que la culture de la betterave à sucre a le plus d'importance par rapport à la sur- face du terriloire et à la population ; le nombre de fabriques en activilé y est relativement considé- pays producteurs. Kigm. 95. —\ Diagramemontr® nstsurface clonasacrée à la culture de la betterave à sucre comparalivement à la uperficie totale dans chacun des quatre grands la siluation comparée de la Belgique, de la France et de l'Allemagne ; ils sont relatifs à la campagne de 1893-94. La crise sucrière fait également subir ses effets chez les autres puissances,car la surproduction esl générale. Nous donnons ci-après, d’après les chiffres four- nis par M. G. Dureau et sous forme de carrés (fig. 25,, la surface consacrée à la betterave à sucre pour les quatre principaux pays produeteurs,com- parativement à la surface totale; ces données s’ap- pliquent à l’année 1895. « En définitive, conclut M. Dureau, il ne semble pas que la baisse des sucres ait modifié d’une façon appré- ciable la situation respective des principaux pays pro: ducteurs de sucre de betteraves, quant à l’étendue con- sacrée à la plante. L'Allemagne et l’Autriche-Hongrie occupent, comme par le passé, le premier rang, et on ne voit pas dès lors les raisons qui pourraient détermi- ner les gouvernements de ces pays à relever, ainsi que le réclament les industriels, le taux des permis d’'ex- portation octroyés jusqu'ici. Il n’y a non plus, cela est de toute évidence, aucune raison de modifier la légis- lation de 1884, qui a permis à la su- crerie française de résister à la con- currence austro- allemande. » 2248 % 2676 %/e Dans un pro- chain article , nous lermine - rons celte étude en traitant de la betterave de dis- tillerie, dela bet- lerave fourragère et de l'emploi des diverses va- riélés belleravières à l'alimentation des animaux de ferme. Alb. Larbalétrier et L. Malpeaux, Professeurs à l'École d'Agriculture du Pas-de-Calais. AUTRICHE -HONGRIE RUSSIE H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION 654: 910.9 > II se publie tous les ans un nombre considé- rable d’études relatives à la Géographie, à l'Explo- ration et à la Colonisation. Les citer toutes serait condamner le lecteur à suivre une nomenclature insipide de noms propres. Aussi bien les personnes désireuses d'épuiser la bibliographie d’une question trouveront tous les renseignements dans les index que publient en supplément les rédacteurs des Annales de géoyra- pluie à Paris et ceux des Petermanns Mitteilungen à \Gotha. Mais ici un choix s'impose. Fidèles à la méthode précédemment adoptée, nous avons traité 2Y REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION Il quitta Pangani en octobre 1893, à la tête d'une caravane forte de 620 personnes. Il s'engagea sur le plateau des Massaï, puis coupa la route que sui- vent les caravanes de Tabora au lac Victoria. Ensuite il atteignit la vallée de la Kagera, le tri- butaire le plus important du lac Victoria, et qui, par conséquent, représente le Nil sous sa forme primitive. Jusque-là, le voyageur avail, sinon suivi des sentiers battus, au moins traversé un pays déjà amplement reconnu. Le pays des Massaï a été ex- ploré, en 1883, par le voyageur intrépide, préma- SN 2S 200%. 24, R[ Bounyaboungou Ve Oushirgbo” si 77 Msalala , ÈS ME mt Rimändjaro SN atshembe Sr © ee | A ETTR 47 Ne + A + Échelle = nr Mie Mission cxthôTiqUE e Tabora 200 0 Fig. 1.— Itinéraire du comte von Gœlzen et du docteur Prellwitz à travers l'Afrique équaloriale. quatre questions, qui nous ont paru propres à donner un apercu de la variété des travaux accom- plis dans le domaine de la Géographie et de l'Ex- ploration. 1.—LE VOYAGE DU COMTE VON (GOETZEN A TRAVERS L'AFRIQUE ÉQUATORIALE. Le comte von Gœtzen et le docteur Prettwitz ont traversé l'Afrique, depuis l'océan Indien jus- qu'à l'Atlantique (fig. 1}. La première de ces grandes ‘expéditions transcontinentales fut celle de Livings- tone, qui, parti de Saint-Paul de Loanda le 20 sep- tembre 1854, arrriva à Quilimane, à l'embouchure du Zambèze, le 12 mai 1856. , Celle du comte von Gœætzen est la treizième. Il a publié récemment une narration complète de son voyage, qui permel d'en exposer les principaux résultats !. À 1 Durch Afrika von Ostnach West. — Resultate und Bege- turément enlevé à la science l’année dernière, qu'était Joseph Thomson. Plus récemment, en 1892, l'Autrichien Oscar Baumann l'avait parcouru. 'outefois l’aisance, l’absence de difficultés, quiont caractérisé le passage du comte von Gœtzen, ont dé- montré de nouveau que les pasteurs Massaï n'é- taient pas ces pillards redoutables, que, sur le té- moignage erroné de Stanley, on s'était longlemps figuré. En quittant les rivages de la Kagéra, von Gætzen pénétrait dans l'inconnu. Désormais il marche de découvertes en découvertes. Il entre dansle Rouanda. Cette région étaitentou- rée d'un certain mystère. Les Arabes quisillonnent l'Afrique orientale, à la recherche de l'ivoire et des benheilen einer Reise von der Deutsch ostafrikanischen Kuesle bis zur Kongomuendung in den Jahren 1893-94, von C. A. Graf von GœTzEN, lieutenant in kgl. Preuss. 2 Garde- Ulanenregiment. Berlin. D. Reimer. 1895. 652 esclaves, redoutaient de s’yaventurer. C'étaitparmi eux comme un dicton qu'on y entre plus aisément qu’on n'en sort. Des explorateurs européens, Stanley, Stuhlmann, Baumann en avaient longé les confins au nord et à l'est, mais en réalité on n’en savait rien de plus que le nom même. Le comte von Gœtzen l'a traversée de l’est à l'ouest. Il a rapporté de ce pays de hauts plateaux. (1800 à 2000 mètres d'allitude), de ce « Pamir de l'Afrique centrale», une excellenteimpression : «On peut le compter parmi les régions les plus belles et les plus fertiles de l'Afrique. Nous avons là un pays d'une valeur inappréciable, qui deviendra pour nous Allemands une précieuse possession, grâce à sa fertililé, à la fraicheur de son climat, à la densité de sa population ». Le nord paraît surtout pays de culture; le sud pays d'élevage. Il y a six ans environ, une de ces terribles épizooties telles qu'il s’en propage parfois en Afrique a ravagé ies troupeaux. Ils se reconsliluent peu à peu et l’on voit réapparaître ces grands bœufs efflanqués, aux cornes immenses. Les hommes de la race dominante sont d'une taille extraordinaire. Le chef Luabugiri et ses proches parents sont certainement parmi les hommes les plus grands qui vivent sous le soleil. Amenés en Europe, ils susciteraient un profond étonnement. Ce pays réservait d’autres surprises au comte von Gœtlzen. A l'extrémité occidentale du Rouanda, il découvrit six volcans, dont l’un, le Kirunga, est encore en aclivilé. On soupçonnait leur existence. Dès 1861, Speke et Grant, en marche vers l'Ouganda, avaient aperçu « ces cimes coniques qui élincelaient sous les feux du soleil couchant. » Plus récemment, en 1892, Stuhlmann avait recueilli des témoignages très précis de la part des indigènes. Mais, en somme, on en élail resté à des suppositions. Elles viennent d'être changées en certitude. Le comte von Gœtzen cheminait vers le nord, quand il apercut six montagnes rangées de l’est- nord-est à l’ouest-sud-ouest. De la plus occiden- tale, leKirunga, s'élevail une colonne de fumée. La nuit, le soldat qui montait la faction devant la tente du voyageur, le réveilla en criant : « Maître, le ciel est en feu. » Aucun doute n'était possible. On se trouvait bien en présence d’un volcan en activité. Von Gœlzen parvint au sommet du Kirunga, mais non sans difficulté, car la vie végélale se dé- veloppe sur les flancs de la montagne avec l’exubé- rance propre aux régions tropicales. Le cratère a environ 1 kilomètre et demi de dia- mètre et 30 mètres de profondeur. Ses parois sont inclinées d'environ 50 degrés. D'un puits qui peut avoir un diamètre de 400 à 450 mètres, sort, avec H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION un grondement semblable à celui du tonnerre, une fumée rougeâtre. « Je crois, dit l'explorateur, que“ nous nous trouvons en présence d'un lac de lave: A en juger par le feu qui s'échappe du cratère, il semble qu'il doit exister un second centre d’érup- tion du côté de l’ouest. Je n'ai pu m'en assurer, ayant élé arrêté dans ma marche par l'épaisseur de la forêt. » L'allitude de ce volcan serait, d'après les calculs, de 3470 mètres au-dessus du niveau de la mer. A celle première découverte, qui aurait suffi à illustrer le voyage du comte von Gælzen, en suc- céda une autre non moins curieuse, celle d'un nouveau grand lac africain : le lac Kivou. Sa direc- tion générale est nord-sud. L'élendue doit en être considérable. Pendant qu'il le traversait perpen- diculairement à l'axe, l'explorateur voyait l'im- mense nappe disparaître au loin dans les nuages. “ Mais n’ayant pas reconnu l'extrémilé méridionale, il lui est impossible d'en donner les dimensions exacles. | Peut-être le Kivou sert-il de réservoir au Tanga-« nika. Il jouerait à son égard un rôle analogue à celui de l’Albert-Edouard par rapport à l'Albert. Au dire des indigènes, une rivière sorlirait de son extrémité méridionale. Or on connaïil un cours d'eau nommé Roussissi qui pénètre dans l'extré- mité seplentrionale du Tanganika. Si ce Roussissi élail l’affluent du lac Kivou, il serait analogue au Semliki, qui porte,comme l’on sait, les eaux au lac Albert-Edouard dans l’Albert. Après sa traversée du lac Kivou, le comte von Gœtzen se dirigea droit vers l’ouest pour atteindre le Congo. Nous ne savions absolument rien de la contrée, longue de 700 kilomètres, qui s'étend entre l’Arouhimi au nord et la Loukouga au sud. Ici même nous avons exposé, naguère, comment Emin Pacha, parti des rivages du lac Albert pour gagner ceux du Congo, avait malheureusement péri avant de mener à bien son aventureuse tenta-m live: La reconnaissance de cette partie de l'Afrique était donc l’un des desiderala des géographes. Le comle von Gætzen vient de le salisfaire partielle- ment. Il a découvert un nouvel affluent de droite du Congo, la Lowa, longue rivière qui descend vers l’ouest par une succession de rapides. Mais nous attendions surtout avec impatience son impression sur la « grande forêt équaloriale ». Puisque Slanley lui avait libéralement accordé unesuperficie de 825.000 kilomètres carrés, bien que l'ayant vue seulement sur les bords de l’Arouhimi, von Gæœtzen devait forcément la traverser. Eh bien! il faut en prendre notre parti, la végétation des 1 Revue générale des Sciences, 1894, p. 385. H. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE DE GÉOGRAPHIE ET D'EXPLORATION 653 bords de la Lowa ne rappelle en rien les descrip- tions fantastiques de Slanley. Le pays est boisé, certainement, mais jamais le feuillage n’est assez épais pour qu’il fasse nuit noire dans le sous-bois; les clairières sont fréquentes et étendues. Bref, cette parlie de l'Afrique n’est pas couverte de cette sylve impénétrable qu'on nous avait décrite,et von “ Gœtzen ne pouvait pas se vanter de sorlir des bois, de ces rubans de forêt vierge qui accompa- gnent les cours d’eau et dessinent sur le sol un immense échiquier irrégulier, dont les cases sont couvertes de grandes herbes. À beaucoup d’autres, cette gloire aurait suffi; mais pour lui, c’élait le premier pas desa course. Il voyage en Arabie. Puis il séjourne dans cette île de Socotora,située à l'issue du golfe d'Aden,et encoresi ff a NE 22 = eo \At \RAF-Abed= A \\ \ FT \|\\\ A \ \\\L ASS AOUAH 27777 PUS T las agé AE - sE PE nt er PUUT. À RTE m7 PS goss acte : U Col de drascoreht Echelle. ÿ Ÿ = 4 (me CAzHMe, NcH2.A7/ qui est la pu méthyl-y- brompenthiazoline. Il a obtenu de même la diméthylallylthiocarbamide. — Le même auteur publie une note sur les dérivés de plusieurs thiocarbimides acides, {hiourées et urées. — M. U. M. Doherty décrit un nouvel appareil de laboratoire pour la recherche de l'acide borique dans les sub- stances alimentaires. CORRESPONDANCE SUR LES TUBES FOCUS EMPLOYÉS EN RADIOGRAPHIE Au sujet du récent article de MM. Imbert et Bertin- Sans et de la remarquable radiographie qu'ils y ont publiée !, nous avons recu une foule de lettres et de documents intéressants. [l nous est impossible d’insé- rer les épreuves que beaucoup de nos correspondants ont eu l’amabililé de nous adresser. Mais voici deux lettres d’un grand intérêt, l’une de notre collaborateur M. Gouy, de Lyon, l’autre de M. l'abbé J. D, Lucas, de Namur, DE M. GOUY Dans un article récent, MM. Imbert et Bertin-Sans signalent les avantages des tubes focus pour la photo- graphie Rôntgen, tout en se plaignant que la source radiante soit de forme annulaire et d'une certaine éten- due, ce qui nuit à la netteté. Je crois utile de signaler aux praticiens ce fait que l'inconvénient en question n’est pas inhérent au sys- tème ; je me sers depuis assez longtemps d’un tube focus, où la sourceradiantea, tout au plus, 3 millimètres de diamètre, ou même 2 millimètresense bornant aux parties réellement actives, On a ainsi des photogra- phies d’une extrême finesse. En se placant presque dans le plan de la lame, on peut réduire la largeur ap- parente de la source à 0 millim. 03 ; mais cela est sur- tout utile pour les expériences de Physique, où une source linéaire rend les mêmes services qu'un point sans étendue, C’est ainsi que }ai fait des photographies très nettes de l'ombre d’un fil de platine de 1/25 de mil- limètre, placé à 2 m. 50 de la plaque. Le tube, construitde manière à permeltre un réglage précis de la cathode et de l'anode, a été amené, par des tàätonnements successifs, àce fonctionnement satis- faisant; je dois noler aussi que le transformateur Tesla me donne seul ces résultats. Le problème d'une source presque réduite à un point peut donc être résolu: c’est une question de bonne construction et de tâätonnement. G. Gouy, Professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Lyon. LETTRE 1 Voir dans la Revue générale des Sciences du 30 juin 1896, p. 556 : Radiographie du corps entier d’un enfant. LETTRE DE M. LUCAS J'ai étudié en détail le rayonnement d'un tube forme poire à cathode légèrement concave. Ce tube étant en activité, on voit, au milieu de Ja plage fluorescente, un anneau vivement lumineux dont le centre esl relative- ment obscur. C’est bien le cas de M. Imbert. Or, deux radiographies d’un même objet, prises dans des conditions tout & fait semblables (plaque unique, durée de pose, distance...) m'ont permis de comparer l'intensité actinique de l'anneau lumineux et de son centre obscur, et, chose curieuse, j'ai trouvé que cette plage d'éclat moindre et de surface trois fois plus pelite avait une efficacité photographique nettement plus grande que la plage annulaire. Le détail de ces expériences et d’autres analogues a fait l’objet d’un petit mémoire présenté à l’Acadé- mie Royale de Bruxelles dans sa séance du 4 avril. Le fait que je prends la liberté de vous signaler peut avoir son importance. Il montre que la fluorescence et la production des rayons X, ou plus généralement des radiations hyperdiabatiques, ne sont pas aussi intime- ment liées qu'on est généralement tenté de le croire, L'hypothèse géniale de M. H. Poincaré pourrait être vraie — pourtant, M. Léa vient de la trouver en dé- faut !; — il nes’ensuivrait pas encore que sa réciproque fût nécessaire : c’est-à-dire qu'il n'y aurait de radia- tions hyperdiabatiques que là où il y a phosphores- cence. Effectivement, les recherches de M. Becquerel nous ont fait reconnaitre de ces radiations dans les sels uraneux dépourvus de tout pouvoir phosphores- cent. J.-D. Lucas, Professeur de Physique au Collège N.-D. de la Paix (Namur). J,.-D, Dans le même ordre d'idées, M. le Dr F, Bordas, du Laboratoire de Chimie de la Préfecture de police, nous indique que M. J. Ogier a présenté, à une récente séance de la Société de Médecine légale, un certain nombre d'épreuves photographiques représentant des fœtus à différents âges, chez lesquels on pouvait constater des faits intéressants se rapportant aux points d'ossification ou à des fractures des os. | American Journal of Science, mai 1896. Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER CE si N°15 15 AOÛT 1896 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER 661 ; 667 | LES INDUSTRIES CHIMIQUES NORMANDES A L’EXPOSITION DE ROUEN PRODUITS CHIMIQUES ; INDUSTRIES DU BLANCHIMENT, DE LA TEINTURE ET DE L'IMPRESSION DES TISSUS L'Exposilion de Rouen offre l'inconvénient, commun à beaucoup d'exposilions, d’être unique- ment disposée pour les yeux, sans souci de rensei- gner le public sur les procédés généraux de fabri- cation, les appareils employés, l'utilisation el les débouchés des produits exposés. Les produits chimiques disposés avec art, dans des vitrines bien décorées, sont représentés par des échantillons que leur banalité mème rend peu intéressants : sel marin, cristaux de soude, sulfate de soude, chlorure de chaux, ele., elc.; à côté sont d'élégants flacons avec des étiqueltes : acide sulfurique, acide chlorhydrique… Pour les tissus teints et imprimés, même re- marque : les étoffes sont drapées avec soin; les couleurs chatoyantes flaltent agréablement l'œil. Et c’est tout. Quant à mettre les noms des colo- rants employés ou indiquer le geure de la fabrica- tion : couleurs, vapeurs, enlevages, réserves, elc., les exposants n'en ont eu nul souci. — Môme silence sur l'importance de l'usine, sa production, le nombre de ses ouvriers, ses prix de vente. Y a-t-il donc vraiment inconvénient à rendre publics des renseignements que fous les concurrents intéressés connaissent ? Généralement, le jury en reçoit la confidence et, quelques années après, on trouve dans les Rapports officiels des dé- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. Lails qu'il eût élé agréable de voir figurer à l'Ex- posilion même et qui, pour le public, eussent été autrement instructifs que la vue d’un flacon ou d’une pièce de coton imprimé. L’attrait des exposilions serait singulièrement augmenté le jour où, rompant avec la tradition, l'on s’efforcerait, dans la mesure du possible, de faire d’une exposilion un vaste champ de fructueuses études, en disposant logiquement les produits ex- posés, réunissant les matières premières aux ma- chines qui les mettent en œuvre et plaçant celles- ci à côté des produits fabriqués. On nous promet cette disposition pour 1900; espérons, mais sans confiance aveugle. Dans cet article, nous nous bornerons à exa- miner l’élat actuel des industries normandes rela- lives à la fabrication des produits chimiques et à l'emploi de ces produits au dégraissage, au blanchi- ment, à la teinture, à l'impression et aux apprèts des textiles et tissus divers de la région normande. I. — INDUSTRIES CHIMIQUES $ 1. — Acides, bases et sels. La grande industrie chimique est représentée à l'Exposition par les importants établissements 15 670 Malétra, dont la principale usine est siluée à Peul- Quevilly près Rouen. Celte usine fabrique les acides sulfurique, chlorhydrique, nitrique, la soude, les chlorures décolorants, divers sels, etc. L'exposition de ces produits ne montre rien qui ne soit connu, comme l'acide sulfurique à diverses concentrations : à 92-93 °/,, SO*H? (66°B.) pour les emplois ordinaires, à 94°/, pour la préparation du superphosphale, à 96 °/, pour quelques emplois particuliers et, enfin, à 100 °/, (monohydraté) pour l'industrie des couleurs. Ce dernier acide n’a pas réalisé les espérances que sa préparation avait fait concevoir, le prix très bas de l’anhydride sulfurique permettant de préparer économique- ment des acides renfermant des quantités variables de SO’ et plus énergiques dans leur action que l’acide monohydraté. L'acide chlorhydrique est toujours fabriqué par l’ancien procédé : rien n'indique, à l'Exposition, l'existence des nouvelles méthodes électrolytiques en Normandie; mais les élablissements Malétra ne se désintéressent pas, paraît-il, de ces procé- dés de l’avenir qui n’atlendent que des prix de re- vient plus favorables pour se développer. Toute- fois, on peut se demander si les conditions écono- miques de la région rendront possible à Rouen l'application de ces procédés. La soude et ses dérivés, carbonates, sulfates, n'offrent rien de particulier ; ils sont obtenus par l’ancien procédé de Nicolas Leblanc. Le soufre des charrées n’est pas récupéré. Comme produits dont l'emploi augmente cons- tamment, nous citerons l'acide borique et les bo- rates. La matière première de ces produits est le borate de chaux d'Asie Mineure qui a remplacé la boronatrocaleite du Chili. Les autres produits exposés : chlorures de zinc, d'étain, de chaux sec et liquide, le sulfite, bisul- fite et hyposulfile de soude, les sulfates de fer, de zine, etc., le chloral,le sélénium extrait des pyrites, n’offrent rien de particulier ni de nouveau. A côté de l'exposition Malétra, se trouve celle de la Société du Cobalt, compagnie filiale de la précédente. C’est là une industrie nouvelle dont larégion est redevable à l’énergique administrateur de la maison Malétra, M. Knieder. Malgré une concurrence élrangère acharnée, cette industrie du cobalt se développe et il est permis d’espé- rer qu'elle triomphera des difficultés sans cesse renaissantes que lui suscitent ses concurrents. Les minerais traités proviennent de la Nouvelle- Calédonie et renferment 2 à 3 °/, de cobalt et un peu de nickel. Ce dernier n’est extrait que comme résidu de la purificalion du cobalt. La Société du Cobalt expose une belle collection des principaux sels de ce métal: oxyde noir, phosphate, sulfale, L. LEFÈVRE — INDUSTRIES CHIMIQUES NORMANDES A L'EXPOSITION DE ROUEN nilrale, nitrite de Co et de K (jaune de cobalt), sili= cale ‘bleu de cobalt), etc. De tous ces corps, le plus employé est l’oxyde\ noir, qui sert à la préparation des émaux bleus ulilisés en céramique, et dont quelques spécimens se trouvent dans la vitrine. On en fait usage aussi pour blanchir la pâte jaunâtre des faïences, comme on blanchit par azurage la pâte à papier ou le sucre. L'émaillage bleu des métaux, vaisselle, laques indicatrices, etc., en absorbe aussi une grande quantité. Les sels de cobalt et de nickel commencent à ètre employés, comme mordants, en teinture et en impression. Comme autres produits chimiques de la région, nous signalerons les produits de la distillation du bois, fabriqués par MM. Decaen et fils à Deville- lès-Rouen. D'autres établissements importants ont exposé, mais ne sont pas de la région. $ 2. — Engrais chimiques. L'établissement Malétra, comme Saint-Gobain et d’autres maisons de premier ordre, ont donné. à la vente des engrais chimiques une vigoureuse impulsion, en s'atlachant à faire disparaitre la dé- fiance des agriculteurs, défiance bien compréhen- sible, en présence des fraudes scandaleuses aux- nelle a donné lieu le commerce ‘des engrais. Actuellement, grâce aux syndicals el à ces mai- sons d'une indiscutable honnêteté, le mal disparait petit à pelit. On estime à 800.000 tonnes environ la consommation annuelle de la France en engrais chimiques, el cette consommation ne représente encore qu'une faible partie de la quantité qui se= rait nécessaire pour amender convenablement l'ensemble des terres cultivables dans le pays. Les établissements Malétra importent directe= ment le nitrate de soude et les phosphates el préparent des superphosphates. Tous ces engrais sont vendus d’après leur richesse en azote ou en acide phosphorique, laquelle est garantie sur fac- Lure, ce qui est une garantie pour l’acheteur. Saint-Gobain, qui livre annuellement 400.000 tonnes d'engrais, a aussi une exposition spécialem d'engrais ; dans une brochure remise au public, on trouve les divers modes d'emploi des engrais selon le genre de culture. C’est un excellent moyen de propagande ; toutefois, il est regrettable de trouver dans cette notice des aflirmations hasar- dées comme celle-ci: l'analyse des terres est inutile. Et, cependant, à la même page, on demande aux cultivateurs, d'indiquer, pour leurs commandes, si leur terre est calcaire, argileuse ou siliceuse. Sans doute, l'analyse chimique de la terre est insufli- ù sante el il faut y joindre l'analyse du sol par la Sn Le el eh et ns GE | L. LEFEVRE — INDUSTRIES CHIMIQUES NORMANDES A L’'EXPOSITION DE ROUEN 671 plante elle-même, mais de là à la considérer comme inutile, il y a loin. Certains modes d’em- ploi indiqués ne sont pas non plus exempts de crilique. Ÿ 3. — Savons et bougies. L'industrie des savons et bougies est surtout lo- “calisée à Elbeuf, où les fabriques de draps utilisent “ses produits. Deux maisons importantes de cette ville exposent des savons et des bougies: ce sont MM. Perré et fils, et M. Maubec. Rouen possédait, autrefois, des fabriques de savon de Marseille; elles ont disparu; la savon- nerie des Chartreux (Lacour et Hofman) seule sub- siste, elle s’est consacrée aux savons de toiletle. $ 4. — Matières colorantes. Au point de vue régional, une seule petite usine serait à citer, celle de M. Steiner à Vernon, qui expose quelques couleurs azoïques et diverses matières premières assez impures. Mais cette in- dustrie des matières colorantes louche de trop près d’autres industries rouennaises pour que nous ne disions pas quelques mots de ses produits. La maison Poirrier soulient vaillamment la con- currence contre les produits allemands, et, si elle n'arrive pas à un résullat aussi brillant qu'on le Souhailerait, il serait injuste d'en faire retomber . la faute entièrement sur elle. Sans doute, les Alle- mands sont supérieurement oulillés au point de vue commercial et leurs agents montrent une habi- leté et une souplesse que l’on se plairait à rencon- rer chez nos commerçants, qui doivent faire ap- pel à toutes leurs facultés pour lutter avec avan- lage dans la mêlée moderne des intérêts. Mais, dans l’industrie des couleurs, il faut encore autre chose : la science, et c’est là qu'apparaït encore notre infériorité. Il serait trop long d'exposer les causes qui ont porté nos voisins d’outre-Rhin à la tête de beaucoup de fabrications; nous en indique- rons une qui rentre plus spécialement dans notre cadre : c'est l'alliance féconde de la science et de l'industrie. Alors qu’en France la science officielle . semble se désintéresser des choses indusirielles et que, réciproquement, beaucoup de manufacturiers ont pour la science une estime médiocre, nous voyons, en Allemagne, des savants éminents aider de leur savoir des usines qui, de leur côté, mettent leurs puissants moyens d'action à la disposition des laboratoires: En France, autrefois, il en était ainsi. Les Gay- Lussac, les Pelouze, les Peligot ne croyaient pas S'abaisser en étant les chimistes de grandes manu- factures. Par leurs glorieux travaux scientifiques, ils soutenaientlerenom de la Franceintellectuelle, en même temps que leurs recherches techniques contribuaient à maintenir notre industrie natio- nale au premier rang. Aujourd'hui, cette bienfai- sante alliance semble, en bien des points, rompue ; c'est profondément regrettable. Parmiles matières premières exposées par la maison Poirrier, on remarque de la benzine dé- barrassée de {hiophène par une réaction brevetée, qui consiste à distiller le carbure sur du chlorure d'aluminium (procédé Haller). A côté des couleurs anciennes, qui sont toujours employées, on trouve quelques nouveautés doublement intéressentes pour la région, puisque ce sont des couleurs pour impression appelées »uphtines nitroso-naphtol sulfilé). Ces couleurs sont polygénétiques et colo- rent les mordants en nuances différentes, solides à la lumière et au savon. Un produit un peu plus ancien, mais tout aussi intéressant, est la sigrisine d'Ehranann, qui donne, en teinture et en impression, de jolis gris variés. Le noir Vidal et la thiocatéchine sont destinés à la teinture du coton non mordancé. Deux maisons allemandes seulement sont repré- sentées par leurs commissionnaires français : ce sont MM. Ruch et fils qui exposent les couleurs directes de l’Actiengesellschaft, de Berlin, etla Munu- Jacture lyonnaise de matières colorantes. qui a dis- posé, dans une élégante installation, les couleurs brevetées de MM. Cassella et Cie de Francfort, en particulier les couleurs diamines et les couleurs azoïques, rediazotables sur fibres, lesquelles offrent un intérêt assez grand pour la teinture. Le Havre doit à sa situation de port d’importa- tion d'avoir localisé l’industrie des extraits de bois de teinture, industrie représentée à l'Exposi- lion par deux maisons bien connues : 3oëz, Lan- glois et Cie, du Havre, et Hailard et Cie, dont les usines sont à Suresnes, au Havre et à Saint-Denis- des-Murs (Haute-Vienne). La maison Hortoloup, à Bapeaume-lès-Rouen, expose des laques et pré- cipités colorés, ainsi que des huiles et mordants pour la teinture. Il. — INDUSTRIE pu corox. N 1. — Blanchiment. Outre les fabriques d’indiennes qui blanchissent les pièces de coton qu’elles impriment, il existe à Rouen trois établissements qui font uniquement le blanc fleur, Leur principal client est l'Algérie, qui consomme d'énormes quantités de tissus de coton blanchi ou écru et apprêté. Mais les prix de facon payés sont en raison inverse du nombre de pièces, c'est-à-dire très bas. Ce bas prix devrait inviter les blanchisseurs à produire le plus économiquement possible et à rechercher s’il ne serait pas avanta- 672 L. LEFÈVRE — INDUSTRIES CHIMIQUES NORMANDES A L'EXPOSITION DE ROUEN geux d'employer les nouveaux procédés rapides, comme celui de Horace Kæchlin ef Mather Platt, ou les procédés électrelytiques, ou simplement le vitriolage (passage en acide sulfurique dilué, puis chlorage). Ilne semble pas que les blanchisseurs rouen- nais soient entrés dans cette voie. Toutefois, M. Schultz, de Darnétal, le seul qui ait exposé, lessive « à la continue » en soude caustique; sa pro- duction, 5 à 600 pièces par jour, est presque ex- clusivement consacrée à l'Algérie. Il n’est donc pas étonnant que son blanc, peu payé, paraisse infé- rieur à celui de la grande usine de Thaon, dont la réputation n'est plus à faire et que dirige avec tant d'habileté M. Lederlin. La vitrine de cette maison offre un ensemble remarquable, tant au point de vue des blancs en pièces que de la teinture en uni pour la doublure. S 2, — Teinture des filés. La teinture fut une industrie rouennaise par excellence. Il y a une vingtaine d'années, une quarantaine de teinturiers produisaient à eux seuls les 4/5 des filés teints consommés en France; leur production journalière s'élevait à environ 20 à 25.000 kilogrammes. À cette époque, le maté- riel mécanique n'existait pour ainsi dire pas, les couleurs, peu variées, se faisaient à l'indigo et à la garance, et ne sorlaient guère du noir, du rouge et des violets, auxquels s’ajoutaient les jaunes et orangés de chrome, le cachou et quelques couleurs d'aniline basique. La mode exigeait alors de la solidité, et les prix élevés payés pour la leinture (de 4 franc à 6 francs le kilogramme) permettaient aux teinturiers de se laisser vivre tranquillement, en suivant les antiques errements des ancêtres. Mais voici que les progrès succèdent aux progrès et que lies découvertes chimiques bouleversent toute l’industrie. Les matières pre- mières tombent à des prix extraordinaires : la soude, de 80 francs à 12 francs les 100 kilo- grammes; l’alizarine, de 30 francs le kilogramme à 2 francs, et pour tout de même. Les couleurs nouvelles inondent le marché, amenant avec elles de radicales transformations dans les anciens procédés de teinture.” La mode s’en mêle. Sans trop se préoccuper de la solidité, elle veut du brillant, du neuf et surtout du bon marché. La main-d'œuvre ne variant pas, il faut demander à la mécanique une rapidité de travail inconnue jusque-là ; il faut étudier les nou- velles méthodes, apprendre à les appliquer. Mais elles demandent des connaissances scientifiques étendues, exigentunesüreté d'exécution que ne pos- sèdent pas les vieux teinturiers, Loujours attachés à leurs anciennes receltes transmises de père en — fils.-Ern un mot, il faut secouer la routine et marcher de l'avant. C’est trop demander à la plupart des teinturiers rouennais ; au lieu d'affronter virilement la lutte, le plus grand nombre préfèrent fermer boutique. Aujourd'hui, ils sont une douzaine qui produisent autant que leurs devanciers; mais il n'en est pas moins vrai que, sauf quelques rares exceptions, ils travaillent uniquement pour la ré" gion. Leur clientèle extérieure n'existe plus, elle a disparu, enlevée par d'autres teinturiers plus ha=« biles et plus novateurs. Pour être juste, il faut ajouter que la tendance, de plus en plus grande, chez les fabricants et les | tisseurs, d'être leurs propres teinluriers, surtout lorsqu'ils sont éloignés du centre de production, el la facilité d'application des couleurs substan- lives, sont également des causes qui ont amené la réduction de la teinture dans les usines spécia - lisées. Parmi les teinturiers qui exposent, un seul pré= sente des nouveautés dans sa vitrine : c’est M. Blondel, de Saint-Léger-du-Bourg-Denis, établi seulement depuis une dizaine d'années. Son expo= silion comprend, outre les couleurs classiques d’alizarine et autres, de beaux échantillons de cou- leurs azoïques formées sur la fibre : grenats d'a naphlylamine, bleu de dianisidine et, en particu= lier, le rouge éclatant de paranitraniline, dont l'emploi va sans cesse grandissant. Mais son ap- plication demande un peu de savoir et une certaine habileté, choses assez rares à Rouen, parait-il, puisque, sauf M. Blondel, aucun teinturier n’a exposé celte couleur, qui date cependant de plu= sieurs années. " Les autres teinturiers n’ont que des choses connues. M. Coron expose des filés de coton, de lin et de la ramie; mais cette dernière, en cel élat,M n’a plus l'éclat qu'elle possède au peigné et qui avait fait naïtre tant d'espoir pour son emploi. La vitrine de M. Miray renferme une belle série dem couleurs sur filés et aussi sur chaîne. MM. Belzer et Daniel Fauquet, à côté de leurs échantillons de filés, ont mis les différents produits résultant de la régénération du chrome des bains de teinture par le procédé, très ancien et bien connu, qui consiste à précipiter l'oxyde de chrome et à le calciner ave la chaux. M. Lecœur, pas plus que les précédents, ne pré sente de nouveautés. . | | ; $S 3. — Impression. Quand l’annexion de l'Alsace à l'Allemagne amena l’émigration d'un certain nombre d'indus- tries, on pensa que la Normandie prendrait en France la première place pour l'impression. L’oc- casion était propice à tous les points de vue, capi- L. LEFÈVRE — INDUSTRIES CHIMIQUES NORMANDES A L'EXPOSITION DE ROUEN 673 _ laux, encouragements, ete. Comment et pourquoi n'a-t-elle pas abouti? S'il y eut un effort tenté, il ne fut certainement pas continué, car la concur- rence, toujours à l'affût, a monté, il y a une dizaine d'années, à Épinal un magnifique établissement “ (Bæringer et Zurcher) qui, aujourd'hui, possede 30 machines à imprimer, et l’on installe actuelle- ment à Remiremont une nouvelle usine d'im- .… pression. — Siles indienneurs rouennais, au lieu de suivre - lentement ce mouvement, en avaient pris la tèle, s'ils avaient su altirer el garder la clientèle dans - leur centre, l'établissement d'Épinal ne se fût pas monté. Mais on n'arrète pas la concurrence en - achetant des usines pour les démolir. On ne réussit qu'à amoindrir l'importance industrielle de la ré- gion. Aujourd'hui, la Normandie possède seulement 75 machines à imprimer, alors que l’on en comple 130 en Alsace !. Sans doute, les imprimeurs rouennais ont réalisé d'imporlants progrès depuis quelques années, mais leur point faible, et nous y insistons däns leur intérêt, c'est, au lieu d'inventer ou de susciter des nouveautés, de les adopter seule- ment après qu'elles ont paru et souvent long- lemps après. Cela ressort de leur exposition, qui n'offre aucune nouveauté et où ne figure aucune fabricalion nouvelle, comme celle des enlevages à - l'albumine sur tissu lamisé el teint en couleur d'aniline, ou des enlevages colorés sur tissu mor- dancé au chrome et teint, fabrications qui datent déjà de deux ans. La maison Laveissière et Chamont (ancienne- ment Girard et Bardin offre une exposition pleine d'intérêt. Les indienneries françaises de Bolbec ont une ins{allalion peu réussie. L'établissement Keltinger a exposé quelques spécimens du genre Prud'homme et des réserves sous caroubier à l'a-naphlylamine, ce qui est une nouveaulé pour Rouen; mais ses blancs sont encore imparfaits, le bleu est verdâtre et le jaune est orangé. M. Stackler expose d'étranges éloffes brodées de perles, d'un goût spécial. M. Mills, qui a fondé -une nouvelle usine à Darnétal, s’est consacré à la . fabrication des genres bon marché. Une exposition qu'il faut citer à part et qui sort de l’ordinaire, est celle de M. Besselièvre. - Elle est de beaucoup supérieure à celles de ses . confrères et de toul premier ordre. Habilement 1 Il existe environ 3.700 machines dans le monde entier, … dont 4.200 en Angleterre, 300 aux Etats-Unis, 800 en Russie, 250 en Allemagne, 200 en Autriche, 125 en France, etc. composée comme dessins et comme coloris, elle offre un aspect séduisant pour l'œil et fait honneur à celui qui l’a installée. La maison Besselièvre est celie qui montre le plus de goût et est le plus en progrès. K 4. — Apprèts. Les apprèls jouent un grand rôle dans l'in- dustrie des Lissus, el il ne suffit pas qu'une étofte soit bien tissée ou bien imprimée: pour être mar- chande, il-faut encore qu'elle soit bien apprètée pour flatter le client. Aux étofles minces, on donnera de « la main », par l'emploi de pare- ments, dout on fera disparaitre la raideur à l'aide de différents moyens mécaniques appropriés. Les lissus teints ou imprimés acquerront l'aspect de la soie à l'aide du cylindrage et du butlage. Le gaufrage permettra d'obtenir de jolis effets à bon compte. L'apprêt des rouenneries occupe plusieurs usines, dont une seule est représentée : celle de M. Aubert. Les indiennes sont généralement apprètées dans l’usinemême ; toutefois, les apprèts Spéciaux, comme le gaufrage qui exige un maté- riel coûteux, sont exéculés par des maisons spéciales. À Rouen, cette industrie est exercée par M. Wallon, qui expose des spécimens intéressants de l’article gaufré pour la reliure, article pour lequel nous étions jusqu'ici lribulaires de lAn- gleterre. M. Wallon expose, en outre, des tissus teints en uni, quelques impressions el des Lissus lainés ou graltés. L'imporlante maison Volland, de Lyon, qui a, pour ainsi dire, le monopole du gaufrage des arlicles de luxe, à aussi une belle exposition, mais elle n'appartient pas à la région. IT. — INDUSTRIE DE LA LAINE. Comme tant d'autres industries, la fabrication des draps de laine a subi, dans ces dernières années, de profondes transformations, dont le contre-coup s’est fait sentir dans les anciens centres de production. En Normandie, à côté de Lisieux et de Louviers, Elbeuf est le centre le plus célèbre et le plus renommé pour ses draps de laine cardée. En 1860, cette ville comptait 250 fa- bricants, grands, moyens et petits. Un certain nombre ne faisaient chez eux pour ainsi dire que l'échantillonnage et dépendaient, partiellement ou totalement, pour le reste de la fabrication, d'une foule de faconniers, dégraisseurs et teinluriers de laine brute, filateurs, ouvriers Lisserands répartis dans les campagnes environnantes, foulonniers, dégraisseurs, apprèteurs pour le tondage, le la- vage, le décalissage, le pressage, Aujourd’hui la grande industrie a modifié cette 674 L. LEFÈVRE — INDUSTRIES CHIMIQUES NORMANDES A L'EXPOSITION DE ROUEN facon de travailler, la concurrence l’a obligée à perfectionner et à concentrer davantage sa fabri- cation. Les maisons qui ont résolument abordé la lutte — on souhaiterait les voir plus nombreuses — ont réuni chez elles la plupart des branches multiples de la confection du drap, et, maitresses de leur travail, elles peuvent surveiller elles- mêmes la coordination comme la bonne exécution des opérations qui se font suite et dépendent les unes des autres. Malgré l'effort méritant de quelques industriels d'Elbeuf, cette place s'est vivement ressentie du développement de l'industrie lainière dans le Nord. Aujourd'huiellene compte plus qu’une soixantaine de fabricants, et, bien qu'à eux seuls ils pro- duisent autant que les 250 de 1860, il n’en est pas moins vrai que cette production, restée stationnaire pendant 20 ans, si on la compare à celle sans cesse grandissante de Roubaix et de Tourcoing, a bien besoin d’être relevée. Le Nord a développé surtout la production de la laine peignée et celle des articles bon marché. El- beuf a aussi abordé les articles en laine peignée : mais une bonne partie de sa fabrication est restée en laine cardée, qui a fait sa réputation et dont le travail exige un tour de main particulier, des apprêts longs, minutieux, trop coûteux pour les industriels du Nord, qui cherchent avant tout le bas prix. Dans la haute nouveauté, où domine aujour- d'hui la laine peignée, grâce à son bon goût et à ses façons soignées, Elbeuf a conservé son renom, bien que les Anglais lui aient fait une concur- rence acharnée. Mais quelques industriels, en n'hésitant pas à reconstruire leurs usines et à les munir des métiers les plus perfeclionnés, ont réussi à soutenir la vieille réputation. Les industriels elbeuviens et quelques maisons de Louviers ont envoyé à Rouen une exposition col- lective des plus intéressantes ; naturellement la plus grande partie est consacrée à la nouveauté. Cependant on y trouve des draps teints en uni; l'exposition de MM. Blin et Blin est particulière- ment remarquable, par ce fail que ces industriels sont les seuls à Elbeuf qui teignent eux-mêmes leurs produits. Installés dans cette villeaprès la guerre, MM.Blin et Blin sont àla tête du mouvement, et leur activité, toujours en éveil, a amené un courant nouveau dans la vieille cité drapière. Ils ont introduit les premiers à Elbeuf la fabrication du drap de dames, pour lequel le marché français était en partie tri- butaire de l'étranger, puis celle du drap de troupe, des flanelles genre Reims. Citons encore MM. Fraenkel Blin, dont le très inportant élablissement rivalise avec celui de MM. Blin et Blin, et qui fontà la fois du drap noir, du drap de troupe, des peignés, et des étoffes de laine pour dames. Sauf MM. Blin et Blin qui teignent eux-mêmes, tous les autres fabricants font teindre à façon. Bien qu'aucun teinturier n'ait exposé, nous nous" ferions un scrupule de ne pas citer ici le nom des habiles teinturiers MM. Monpain el Saint-Rémy, dont l'établissement est un des plus importants d'Elbeuf, ainsi que celui de MM. Tassel et Blay et celui de MM. Blay frères. La même différence signalée entre les produits du Nord et ceux d’Elbeuf se retrouve dans la tein- ture de ces deux centres : les Elbeuviens ne con= somment que des couleurs d’alizarine grand teint, les Roubaisiens absorbent énormément de couleurs petit teint. Chose curieuse, il parait que Roubaix" n’est pas encore arrivé à égaler la solidité de la teinture d'Elbeuf, et le Nord envoie teindre dans celte ville ses articles grand teint. | Les principales couleurs employées sont la céru- léine, le brun d’anthracène, les bleus d’alizarines et d’alizarine cyanine, le noir d'alizarine cyanine, plus solide que la naphtazarine; et, en moindre quantité, le noir naphlylamine, quelques ponceaux et orangés, etc. La consommation des couleurs, pour Elbeuf, est estimée à 5 ou 600.000 francs. Naturellement, ces couleurs sont employées en mélange: l'indigo forme le pied de beaucoup de nuances, auxquelles il donne une grande soli= dilé: c'est ainsi que la céruléine sur indigo est plus résistante qu'employée seule. IV. — ConcLusIoN. En résumé, l'Exposition de Rouen ne montre pas les industriesrégionales sous un jour bien favorable; mais il es! possible qu'elle ne représente pas l'état exacl de ces industries, car tout industriel n'aime pas montrer ce qu'il a de neuf. Toutefois, il semble bien que la Normandie et Rouen en particulier ne tiennentplus la place prépondérante qu'elles occu- paient autrefois. Sauf les très honorables et trop peu nombreuses exceptions indiquées, on peut dire qu'en général l'industriel normand est routi- nier par tempérament; il lui manque ce qui fait le succès : une instruction scientifique suffisante, l'audace, jointes à l'initiative et à la persévé- rance. Peut-être trouvera-t-on sévères les appréciations qui précèdent, mais ne vaut-il pas mieux montrer les points faibles de nos industries nationales que de les dissimuler sous des compliments trom- peurs? E Léon Lefèvre, Préparateur de Chimie à l'Ecole Polytechnique. A. LARBALÉTRIER Er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE 675 633 L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE DEUXIÈME PARTIE : BETTERAVE DE DISTILLERIE ET BETTERAVE FOURRAGÈRE J. — BETTERAVE DE DISTILLERIE. Les développements dans lesquels nous sommes entrés pour la betterave à sucre ! nous permettront d'être brefs en ce qui concerne la belterave de dis- tillerie. Ces deux cultures présentant d'ailleurs beaucoup d'analogie, nous nous contenterons de signaler les points culturaux essentiels qui les différencient. C'est vers 1855, alors que le fléau foudroyant de Poïdium sévissait sur la vigne, que l’initialive fé- conde de M. Champonnois a créé la distillerie agri- cole de betteraves. | d'alcool, la betterave a fourni 800.982 hectoli- tres; dans ce chiffre, le département du Nord a fourni, à lui seul, 379.007 hectolitres d'alcool de betteraves. Le diagramme de la figure 1 donne pour la France, depuis 1850, la production comparée de l'alcool total et de l'alcool de belteraves. La stalislique ne sépare pas la betterave de dis- lillerie de la betterave à sucre ; aussi les rensei- gnementis précis font-ils défaut à ce sujet ; cepen- dant, pour le département du Nord, sur une pro- duction Lotale de 48.149.250 quinltaux métriques de belteraves indus- Depuis lors, celte 397 trielles cultivées industrie a pris en 1894 sur 54.859 unegrande exlen- 2000 hectares, la bette- sion dans notre À rave de distillerie pays, car, tandis À comprend 11.277 qu'en 1887 on à ee ! hectares ayant _ complaitenFrance À £ produit au total “environ 160 dis- © 1000! . : - 3.074.650 quin- lilleries de bette- È . taux métriques. Il .raves, en 1894, — nn Ï EE Ti Fest ET Hi Le i AE est, d’ailleurs, à moins de dix ans HART es Pef re pe RRRERRnSE a El ME —- remarquer que, après, — 300 en- Ares Æ nr = 2 es es es s - _ ë S 2 dans la région du viron étaient en È à = ? E = : e So SNord MINE ATrNe aclivilé, sur un ù Û à Années. ttes 2 très souvent, sur- D np A tn de AO tout, dépuis que 438 ; c'est-à-dire que la distillation des betteraves l'emporte de beau- coup — tout au moins comme nombre d'usines — sur la distillation des mélasses, des grains et des pommes de terre. C'est surtout dans le département du Nord que l'industrie de l’alcool de betteraves a une grande importance. En 1894, ce département possédait, à lui seul, 76 distilleries de betteraves; ensuite vien- nent Seine-et-Oise avec 41 usines, le Pas-de-Calais avec 44, Seine-et-Marne avec 38, l'Oise avec 25 et l'Aisne avec 13 distilleries de betteraves. Il esl à noter, Loutefois, qu'un certain nombre de ces usines alcoolisent à la fois des betteraves et des mélasses, quelques-unes même y ajoutent des grains.En 1890 sur une production totale de 2.171.290 hectolitres PR nr nn 5 © 1 16: eue 1 Voyez dans la précédente livraison (Revue du 30 juil- «ler 1896, t. VIT, pages 633 et suivantes) la première partie de ce travail, qui traite des diverses variétés de betteraves, du choix et de l'adaptation des races, et qui expose, en par- “culier, l’état actuel de la culture de la betterave à sucre. ques années, que des belleraves, primilivement destinées à la sucrerie, sont livrées aux distillaleurs par suite de l'insuffisance de leur richesse saccha- rine. $S 1. — Culture. Comme nous l’avons déjà dit, les racines des- tinées à l’alcoolisalion sont des variélés inter- médiaires, moins riches en sucre, mais don- nant un poids à l'hectare plus élevé. Ici l’agricul- teur peut s'écarter à la rigueur des assolements pratiqués pour la belterave à sucre: la racine peut venir après le trèfle, même sur défrichement,et, en général, sur les terres bien fumées, car l'excès d'azote, si préjudiciable à la betterave de sucrerie, a beaucoup moins d’inconvénients pour les pro- duits destinés à faire de l'alcool. Suivant la remarque de MM. Fritsch et Guillemin, comme les petites distilleries agricoles n’exigent pas de cultures aussi étendues que les fabriques 676 A. LARBALÉTRIER er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE de sucre, le danger de cullures trop uniformes n'existe pas pour elles, et la succession des récol- tes peut facilement être pratiquée d'une façon rationnelle. Par suite, aura la faculté de n’eusemencer de betleraves que là où le succès sera assuré ; son propre intérêt lui commande de ne pas culliver betteraves sur bel- teraves ; de penser que la belterave est une mau- vaise récolle antécédente pour le blé d'hiver, que le seigle, semé à temps après la betterave, réussit toujours mieux que le blé, que la betterave réussit bien après lapomme de lerre, enfin qu’il vaut mieux n'ensemencer la betterave sur une même terre que tous les quaire ans, pour se meltre plus sûrement à l’abri des insectes parasites de cette racine . Dans les expériences faites en 1892 et 1893 à Melun, par MM. Brandin el Vivier, sur l’aclion des trois éléments azote nitrique, acide phosphorique et potasse, sur la befterave de distillerie, ces expérimentateurs ont observé que l'azote nitrique a exercé une influence progressive et très nette sur le rendement en poids, et, même employé à fortes doses, il n’a pas eu sur la richesse une ac- tion trop dépressive. L'acide phosphorique, sous forme de superphosphale, n'a eu aucune influence sur le rendement en poids et il n’a pas eu surla richesse de la betterave toute l'action bienfaisante qu'on se croyait en droit d'espérer; enfin, la po- tasse n’a donné ni supplément de poids, ni aug- mentalion de richesse. Dans la région du Nord, on distribue de préfé- rence à la betterave de distillerie des engrais organiques azolés et plus particulièrement des tourteaux, voire même du guano de poisson, nolamment en Belgique. Les racines de distillerie étant plus volumi- neuses que celles de sucrerie, on laisse le plus souvent un grand écarlement sur les lignes et entre les lignes. Les soins d'entretien ne diffèrent que fort peu ; cependant, en général, on multiplie moins les sarclages. Pas plus que la betterave de sucrerie, la belte- rave de distillerie n’est à l'abri des accidents et maladies parasilaires que nous avons mentionnées dans la première partie de cet article; les racines nématodées surtout semblent exercer une action défavorable sur le travail de la distillerie. À ce sujet, M. E. Kayser, directeur de laStation œnolo- gique du Gard, a observé que les racines atteintes par ce parasite sont beaucoup plus riches en acide oxalique que les racines saines; l'auteur attribue à ce fait les mauvaises fermentations dont se plai- gnent depuis quelques années les dislillateurs. PU TP RER 1 Briem : Die Rubenbrennerei. l’'agriculleur-distillateur M. Kayser a lrouvé, pour 100 de racines sèches; les résultats suivants (tableau Î\ : 3 Tableau I. — Composition des racines saines et. nématodées. SAINES | NÉMATODÉES SIEMENS NAN A doi bre à 2 de 71.8# 53.67 Acide oxalique soluble dans l’eau..| 0.07 0.1! — insoluble — O.U# u.09 Chaux Ve smse Re ER Et EUR PONS 7.96 6 03 Botasseseuee SM AT re | 4091 30.13 ! SOUL rare ee deu eee CT 19235 29.74 j ——_—_—_————— Ï — Comme on le.voit, les racines alteinles con tiennent une forle proportion d'acide oxaliques elles sont également plus riches en soude que les racines saines el notablement plus pauvres en potasse et en sucre. Or, des expériences directes ont montré à M. Kayser que l'acide oxalique peub être très nuisible à la fermentation: J'ai, dit-il, fait séjourner une levure de distillerie dans des solutions de 1 24, 3 et 5 0/4 d'acide oxalique pendant 1, 3 et 7 heures; je l’ai ensuite ensemencée dans un milieu approprié comparativement avec la même levure non trailée ; il y a eu partout des retards allant en augmentant et avec la durée de séjour eh avec la concentration. C’est ainsi qu'un séjour de 7 heures dans la solution à 1 °/, a retardé la fermen tation de 48 heures, le séjour de 3 heures dans la solu tion à 3°/, de 100 heures; les levures ayant séjourné dans les solutions à 3 °/, et 5 °/, pendant 7 heures n'étaient pas encore Jarlies après 125 heures, elles sont probablement mortes: l’effet est donc très nets Comme on le voit, les Nématodes, déjà bien nui= sibles pour la betterave de sucrerie, le sont encore bien davantage pour la distillerie. $ 2, — Prix de revient. Maintenant se pose une autre question, d'une imporlance pratique considérable : Dans l'état actuel des deux industries du sucre et de l’acool de belterave, y a-t-il plus d'avantage à cultiver la betterave de distillerie que celle de suererie, @ supposant qu'on se trouve à égale distance des deux sortes d'usines, ce qui égalise les frais de transport ? 3 Pour répondre à cetle question, nous ne sau= rions mieux faire que de reproduire ici le compte des frais de culture par hectare de betteraves de distillerie, tel que le donne M. Brandin, agricul teur-dislillateur à Galande (Seine-et-Marne); ce compte porte sur quatre années d'exercice (ta bleau IT). ; Dans ces condilions, il y a si peu d'écart entre 1 Agricullure nouvelle. La. A. LARBALÉTRIER er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE 61% le prix de revient et le prix de vente de l'alcool que, même dans-une distillerie achetant ses bet- teraves 13 fr. 48 à 18 fr. 60 la tonne et vendant ses pulpes 7 fr. la tonne, il faut bien peu de choses pour friser la perte. Il est vrai que, dans la plupart des cultures, le prix de revient des betteraves de distillerie n'esi pas aussi élevé que chez M. Bran- din, qui arrive à 700 fr. par hectare. Dans le nord de la France, il est mème rare que ce prix dépasse 500 fr. Mais, pour voirs'il y a des bénéfices à réa- liser, il faut que le prix d'achat des betteraves soit élevé et il dépend lui-même du prix del’alcool sur le marché, qui est soumis, comme on le sait, à de grandes varialions:; ce prix est même tombé très Tableau II. — Prix de revient Hongrie dont la surface emblavée en belteraves fourragères soit plus considérable que celle de la France, mais le rendement total y est plus faible. La surface consacrée à celle culture en Allemagne était, en 189%, de 446.132 hectares; celle de l'Au- triche-Hongrie, 494.223. En France, la bellerave fourragère est très iné- galement réparlie; c'est le département de la Dor- dogne qui vienten tête, avec 28.500 hectares, puis les Deux-Sèvres, avec 17.380 hectares, el au troi- sième rang, Seine-et-Marne avec 17.295 hectares. Les départements qui en cullivent le moins sont: les Alpes-Maritimes avec 10 hectares, l'Hérault avec 13 hectares, enfin les Hautes-Pyrénées avec de la betterave de distillerie. 1885 1556 18S7 1888 | | Dépenses : Labours, hersages,roulages, ensemencemenis, binages à la houe. 25 » 195212 120.51 120» Transports aux silos et livraison à l'usine. ........ Rbocedsace 86.55 83 10 53.10 13.50 HAUTE IAE S LIEN OT AIS ee me im eee ere CAT Ki 33 1.93 3.40 Binages SET boss 0 TE Ac SES DUB Eee JO 17.26 49.93 | 47.24 | 51.81 | Arrachage, chaxpement, mise CnISUOS EC -erre = ecere 60.65 63.49 58.55 69.88 | Couverture et décachage PT Le ÉCLAIR ES E 6.34 11.48 6.80 8.21 CAPE MERE SOS Eee ee ed. colo mob ss 4.82 12.47 8.42 10.47 (Ce URLS AL OR PP Re Re PE LE NP Ee 29.64 27.74 33.92 26.99 NT COMM PTE ENST En OU ENT OO D Dao 95.44% 125 05 EE) 112.54 Bon DATA IV ALEUDI. de = entra crie Me loee 130 » 119.50 122 » 95.50 Frais généraux (entretien des chemins, réparation de l’outil- aET-EO)Le 2280 MODES RO ee noob on 0m ous 47.68 16.45 62:59 Fermage et impôts......................................s.e 113.40 113.10 114.71 Intérêts à 5 p. 100 sur un capital d'exploitation de 700 francs. | 35 » 35 » 35 » ToTAL DES FRAIS PAR HECTARE........2---..0. 805.60 839.19 148.62 [0584.63 Produils : RNA En tp he CLAT Etes en Rte TN doter eee 43.300k. 62.220k. 41.720k 51.913k. Prix de revient de la tonre de betters :S.60 13.48 17.94 Sea Rendement de la tonne (1000 k.)en litres d’ one à 100° non rectifié. 38.91% 47.47 Rare 56.50 Récolte en alcool à l’hectare en litres....... ............:.... 16.87 29.47 22199 29.30 bas dans ces dernières années, ce qui motive les plaintes de la plupart des distillateurs. I]. — BETTERAVE FOURRAGÈRE. La betterave fourragère est cullivée en France dans quatre-vingt-quatre départements: elle oc- cupe une étendue totale qui varie, suivant les an- nées, entre 380.000 et 450.000 hectares; en 1894 la superficie lolale consacrée à cette cullure était exactement, d'après la slatislique oflicielle, de 413.465 hectares (fig. 2. C'est donc, comme on le voit, plus du double de la betlerave à sucre; la valeur {o/ale des produits est également beaucoup plus forte, car, tandis que les 268.239 hectares consacrés en 1894 à la belterave sucrière ont pro- duit 76.401.820 quintaux, représentant 73.957.665 francs, les belleraves fourragères ont rendu 108.017.708 quintaux, soit 204.963.811 francs. Il n’y a guère que l'Allemagne et l'Autriche- 25 hectares; trois déparlements, la Lozère, la Corse et le Gers, ne cultivent pas celte plante. La carte de la figure 3 montre la répartition de cette culture entre nos divers départements pour l'année 1894 $ 1. — Exigences et préparation du sol. Le plus souvent la belterave succède à une cé- réale. Quoique donnant des rendements nolable- ment plus élevésque la betterave à sucre, la racine fourragère est aussi plus épuisante, comme le montrent les chiffres suivants empruntés à MM. Müntz et Girard, qui donnent les principes fertilisants enlevés à unhectare de terre par une récolte de 40.000 kilos de racines et 20.000 kilos de feuilles (tableau IT). C'est dire que le sol devra être abondamment pourvu d’engrais. Comme pour la belterave à sucre, la terre doit être bien ameublie et préparée par des labours et des hersages, dont le nombre 678 A. LARBALÉTRIER Er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE variera avec la nature du sol et la récolte précé- dente. La profondeur de la couche végétale a ici 20. j Milliers d'hectares Quintaux quintaux Millions de 1885 1890 Années 1894 Fig. 2, — Graphique montrant l’état de la culture de la betterave fourragère de 1882 à 1894. une moindre importance, car, si l'épaisseur de la terre ne permet pas de cultiver les races pivo- Tableau III. — Éléments pris au sol par la betterave fourragère. RACINES FEUILLES Azote Acide phosphorique.... Potasse tantes, on peut avoir recours à des espèces moins exigeantes, sorlant davantage hors du sol. $ 2. — Influence des engrais. En général, on applique à cette culture des doses élevées de fumier de ferme, car ici l'excès d’azote n'eslplus à craindre. Cependant bon nombre de cullivateurs, ne disposant pas de quantités assez fortes de fumier, complètent avec des engrais de commerce, soit des tourleaux, soit du guano de poisson ; quelques-uns mêmeemploient les engrais chimiques. C’est ainsi que, dans beaucoup d'ex- ploilations, où la betterave fourragère est cultivée sur une grande étendue, on n'incorpore à l’au- tomne que 25.000 à 30.000 kilogrammes de fumier de ferme; puis, au dernier labour de printemps, on applique environ 250 kilos de nitrate de soude et même 200 kilos de plâtre dans certains sols. MM. C. et H. Denaiffe indiquent le mélange sui- van qui, en terre moyenne, donne aussi de bons résultats : 100 à 600 kil. de nitrate de soude 200 à 250 kil. de superphosphate 150 à 200 kil. de chlorure de potassium par hectare \ au printemps. Le Bulletin de la Société des Agriculteurs de France recommande les formules que résume le ta- bleau IV (page 680). Si l'analyse du sol montre que ce dernier est suffisamment riche en l’un ou l’autre des éléments, . on peut, cela va sans dire, en restreindre l’adjonc- tion dans des proportionsnotables et réaliser ainsi une économie sérieuse tout en obtenant de forts rendements. MM. Denaille font également observer, et nous avons pu constater nous-mêmes en maintes cir- constances, que l’arrosage au purin dilué dansen- viron dix fois son volume d’eau, effectué en temps humide et, si possible, entre les lignes, produit un bon effet; mais il est essentiel qu'il ait lieu de bonne heure, car autrement il causerait un déve- loppement foliacé exagéré qui nuirait à la valeur nutritive de la racine. Le D' A, Vœlcker s'est parliculièrement occupé de l'influence des divers engrais sur le rendement des betteraves fourragères. Nous ne pouvons men- tionner ici les nombreuses expériences auxquelles il s’est livré ; cependant nous devons résumer, en raison de leur importance, les résultats obtenus par ce savant expérimentateur en 1865 à Henfields (Bewdley) et desquels il résulte: 1° Que les sels de potasse employés seuls ont fourni seulement un excédent de 4.395 kilos par rapport à la parcelle laissée sans engrais; 2° Que le sel marin employé seul a été plus efli- cace que celui de Stassfurth ; 3° Quele mélange de superphosphate etde sels de polasse a produitun excédent de plusde 4.500kil., c’est-à-dire qu'il a plus que doublé le rendement de la parcelle sans engrais; 4 Que le mélange de superphosphate et de sel marin, sans produire la même augmentation, n'en a pas moins élé très eflicace ‘. Il est à remarquer que ces essais comparalifs ont élé faits dans une lerre argileuse rouge et froide; cette remarque peut avoir son importance, étant donnés les résultats obtenus avec le sel marin, qui n'est jamais, à nolre connaissance du moins, employé comme engrais dans la culture de la betterave. Mais la nature et les doses d'engrais ne varient pas seulement avec les terrains: elles diffèrent aussi selon les variélés cultivées, qui sont loin 1 Travaux et expériences du D' Vælcker, par A. RonNa, tome Il. AONAGALHETI ER IMERME LONDRES + y s + à PRRE—————— +52 Se Le j +4 + ÉSCDE-DOME k} > = £ S > P ANELRE RS AUNMENE SERRE er, : LOBERLN Fig. 3.1 — Carte montrant la répartilion et l'étendue des surfaces cullivées en bellerave fourragère dans les départements français. Départements ne cultivant pas de betterave fourra- gère. HE] Départements cultivant de 5.000 à 10,000 hectares. Départements cultivant moins de 500 hectares. ET TL 7?) Départements cultivant de 10.000 à 20.000 hectares. + + Départements cultivant de 500 à 2,000 hectares. == Départements cultivant de 2.000 à 5.000 hectares. Départements cultivant plus de 20.000 hectares. 680 d'avoir les mêmes exigences. C'esl ce qui ressort de nombreuses expériences et notablement de celles de M. P.-P. Dehérain à Grignon et de M. Gorry-Bouteau dans le canton de Thouars. M. Dehérain a expérimenté sur les variétés Jaune ovoide des Barres, Tankard, Géante de Vauriue, Jaune Globe à peliles feuilles et la Mammouth. Notre savant maitre ne s'est pas contenté de peser les A. LARBALÉTRIER er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE Le lableau V résume les résullats obtenus : Mais, quels que soient les résultats pris isolé- ment, ce que recherchait M. Dehérain, c’élait la détermination de la meilleure variété à propager, c'est-à-dire de celle présentant la plus grande ri- chesse en matière sèche et la plus faible proportion en nitrate de polasse. M. Dehérain, insistant sur l'inconvénient du nitrate de potasse dans les bet- Tableau IV. — Formules d'engrais. ÉPOQUE NATURE DE DES terre granitique L'ÉPANDAGE ENGRAIS ( DES ES ne en Eee 35 à 40.000 k. : Scories métallurgiques .. 400 k. ‘Superphosphate.... » Automne Nitrate de soude intemps | Si. Printemps |} bjitre TERRES LÉGÈRES EE TERRES FORTES ———— => a terre calcaire terre argilo-calcaire terre argileuse 35 à 40.000 k. 35 à 40.000 k. 400 k. » » 200 k. 35 à 40.009 k, 300 300 300 200 betteraves; le poids, étant donnée la quanlilé d'eau que conlient la racine, ne pouvait êlre pris comme base d’apprécialion pour élablir un clas- sement entre les variétés cultivées. M. Dehérain a donc dosé la matière sèche, et, dans celle-ci, l'azote. C'est évidemment là le moyen d'avoir des teraves, à fait remarquer qu’elles en contiennent d'autant plus qu’elles sont plus grosses, par suite. plus aqueuses : d’où la nécessité de les maintenir serrées, pour les empêcher d'atteindre un poids su- périeur à 1 kilogramme. Comme on le voit, les ré- sullals praliques de ces expériences onl une im-" Tableau V. — Expériences de M. Dehérain sur les betteraves fourragères (1890). RENDEMENT MATIÈRE SÈCHE A A L'HECTARE L'HECTARE 81.170 k. S1.80) 52.930 S1.000 117.400 Jaune ovoiïde des Barres... Tankard CPS Jaune géante de Vauruc... Globe à petites feuilles..... Mammouth ... 10.713 k. 14.70% 11.942 11.988 10.990 AZOTE NITRATE MATIÈRE DE POTASSE ORGANIQUE ENLEVÉ A L'HECTARE ER — ENLEVÉ PRODUITE organique nitrique A L'HECTARE | A L’HECTARE 190 51 147.2 79. 62.2 185 k; 592 805 748 638 DOS données sérieuses sur la valeur alimentaire des betteraves. Voici le résultat des analyses : Teneur en matière sèche p. 100 des belleraves : Jaune ovoïde des Barres... ,. .... ...... 43.2 Tank EE ae ete EN CR 14.2 Géanterde VaAUTIAC NA eee ee 14.4 Globetwpelites teuilies EC PE SEE 14.8 MAMMOULREE ECM bec ce 14.2 Si, dans la matière sèche, les malières azotées varient peu, l'azote nitrique, au contraire, est très variable; tandis qu'il y en a moins d’un millième dans la T'ankard, la Mammouth el la Globe, dans la Géante de Vauriac on en trouve, par contre, 0,174, et, dans la Jaune ovoïde des Burres, 0,245. Or, ce ni- trale de potasse, absorbé en quantité considérable, peut devenir nuisible aux animaux. porlance capilale et jettent un jour tout nouveau sur la culture de la belterave fourragère : c'est" d'ailleurs ce qui motive les développements dans lesquels nous avons cru pouvoir entrer à son sujet. M. Gorry a expérimenté sur deux variélés, la Mammouth et la Vauwriac!. Il résulle de ses essais qu'avec 1.500 kilos d'engrais valant 306 francs, on a obtenu une augmentalion de 41 à 45.000 kilos de belteraves, valant au minimum 400 francs, sans compter les feuilles qui ont donné un fourrage vert, peu estimé il est vrai, mais qu’on peut cepen- dant évaluer à 5 francs les 1.000 kilos, soit 100 francs par hectare. ES ———— 1 Journal d'Agriculture pralique, n° du 23 janvier 1890. ANGLET EP EERSERNE LONDRES LIRE Dre + ST Le AE PÉRUcIPREE KDE m+ MES DU DT EUR R ANNEE £.OBERLIN Fig. #4. — Carte montrant le rendement de la betterave fourragère dans les départements français. Départements ne cultivant pas de betterave fourra- gère. & Départements où le rendement est inférieur à 100 quin- taux par hectare, Départements où le rendement oscille entre 100 et 200 quintaux par hectare. Départements où le rendement oscille entre 200 et 250 quintaux par hectare, Départements où le rendement oscille entre 250 ct 300 quintaux par hectare. Départements où le rendement oscille entre 300 et 390 quintaux par hectare. Départements où le rendement estsu] érieur à 350 quin- taux par hectare. 682 A. LARBALÉTRIER er L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE N 3. — Soins culturaux. — Rendements. Commerce. Les soins d'entretien pour la betterave fourra- gère sont un peu moins minutieux que pour la betterave à sucre; cependant, ils ne doivent pas être négligés. L’éclaircissage se fait dès que les jeunes plantes ont deux ou trois feuilles, en les espaçant de 30 à 35 centimètres suivant les variétés. L’écartement entre les lignes est, en général, plus considérable que pour les betteraves sucrières; mais c’est peul- être un tort que la pratique rectifiera par la suite, car M. Dehérain a démontré, à la suite des expé- riences faites en 1890 et 1891, que les betteraves fourragères doivent être semées en lignes rappro- chées. On obtient ainsi des racines plus petites, mais plus riches en matière sèche. La terre doit être tenue propre par des binages; le premier doit être donné environ lrois semaines après le semis; un mois après on donne le second; sou- vent un troisième en juillet. Les binages effectués dans les cent premiers jours de la végétation ont surtout une heureuse influence sur cette cul- ture. On récolte généralement en octobre, un peu avant les gelées. Si les racines ne sont pas rentrées immédiatement, il faut avoir soin de les mettre à l'abri en les rassemblant en tas, qu'on recouvre avec les feuilles coupées, car les betteraves gèlent à + 4° et perdent alors toute leur valeur‘. Comme la betterave à sucre, la racine fourragère, pendant sa végétation, est la proie de plusieurs en- nemis, parmi lesquels il faut surtout mentionner le ver blanc, larve du Hannelon, qui attaque les radicelles et le pivot, la larve du Sylphe obscur, la larve du Taupin, qui attaque la base des feuilles et parfois les racines; les larves de ver gris, les Né- matodes, etc., etc. Les rendements de la betterave fourragère sont très variables; ils sont surtout influencés par la nature du sol, les engrais, le mode de culture et la variété choisie. L’obtention de 80.000 et même 100.000 kilogrammes de racines à l’hectare ne constitue pas un fait très rare; par contre, dans certaines conditions très défavorables, on a cons- taté aussi des rendements de 12.000 et même 10.000 kilos. D'une manière générale, 50.000 à 60.000 kilos par hectare constituent une bonne récolte. En 1 On peut admettre que, pour la plupart des variétés cul- tivées aujourd'hui, le poids des feuilles, au moment de l’ar- rachage, est au poids des racines comme 35 est à 100. Ces feuilles constituent un aliment très aqueux et peu nutritf, aussi est-il préférable de les laisser sur le champ et de les enfouir comme engrais. France, le rendement moyen par hectare pour 1894 a élé de 26.112 kilos. C’est le département du Nord qui vient en lête avec une production moyenne de 50.000 kilos par hectare ; puis vient l'Oise, avec 40.000 ; le département des Basses- Pyrénées n'obtient que 7.300 kilos par hectare. La figure 4 montre d’ailleurs, pour l’année 1894, les rendements moyens de cette culture dans nos départements. Le graphique de la figure 5 donne, en oulre, la production totale de la betterave fourragère en 189% pour les différents pays d'Eu- rope. Ÿ 250 Q # = À 20 Ÿ Ÿ À 150 S & re S S S > È 100 È à 50 25 0 Fig. 5. — Produclion de la betterave fourragère en 1890 dans les différents pays. Nous avons représenté sous formes de carrés (figure 6) l’étendue consacrée en France, compara- tivement à l'Europe, à la betterave fourragère et à la betterave à sucre, On voit par là que l'étendue consacrée, en Europe, à la culture de la betterave fourragère, surpasse un peu celle qu'occupe la betterave à sucre; c'est surtout en France que la première de ces cultures surpasse le plus la se- conde. La betterave donne lieu à un certain commerce d'importation et d'exportation, peu important d’ailleurs, et qui a lieu surtout dans les départe- ments de la frontière de l'Est et du Nord. La sta- tislique officielle ne donne pas d'indications en ce qui concerne la nature de ces racines ; cepen- dant ce sont surtout des betteraves industrielles qui passent, principalement par chemin de fer, de France en Belgique, en Allemagne, même en Suisse ou vice versa, les sucreries ou distilleries du pays voisin se trouvant parfois plus rapprochées des cultures. Le tableau VI indique les quantités el valeurs de ces opérations pour les trois dernières années. Comme on le voit, le chiffre des importalions est sensiblement égal à celui des exportations, tout au moins pour les racines fraiches, D EP CL PP Tes A. LARBALÉTRIER ET L. MALPEAUX — CULTURE DE LA BETTERAVE EN FRANCE 683 III. — BETTERAVES SUCRIÈRES, FOURRAGÈRES ET DE DISTILLERIE DANS L'ALIMENTATION DU BÉTAIL. Dans ces dernières années, en présence du bas prix des betteraves de sucrerie, plusieurs agricul- teurs se sont demandé s’il n'y aurait pas avantage à distribuer ces racines au bétail, plutôt que de les livrer aux fabriques. Étant donné, d’une part, le profit qu'on relire depuis quel- ques années des spécula- tions animales, et, d'autre part, la composition chimi- que des betteraves à sucre, cetle question avait son im- portance. Sur elle s’est greffé un autre problème non moins intéressant, celui de l'influence du sucre dans l'alimentation des animaux de la ferme. De multiples expériences ont élé faites dans ce sens par bon nombre de chercheurs, et, quoique la question soit encore actuellement à l'étude, Betterave à Sucre ( AOPE on peut dire, dès maintenant, que le sucre en na- Surface cullinée Fig. 6.— Rapports des surfaces consacrées en France et dans l'Europe entière à la culture de la betterave à sucre et de la betterave fourragère. comparé des belteraves sucrières, fourragères et de distillerie. Néanmoins, l’'auleur arrive aux conclusions sui- vantes qui méritent, croyons-nous, de fixer sérieu- sement l’attenlion des agriculteurs : 1° À quantité de matière sèche égale, les trois varié- tés de betteraves ne possè- dent pas les mêmes quali- tés nutrilives, leurs coeffi- cients de digestibihité élant différents. 2° La betterave de distil- lerie ayant donné, à la ra- tion dans laquelle elle en- trait, le coefficient de diges- libilité le plus élevé, se montre sous ce rapport supérieure aux deux autres variétés; après elle, vient la betterave à sucre et enfin la betterave fourragère. La première question qui se pose alors à l'agri- culteur est la suivante : « Puisque la betterave fourragère, à quantité de matière sèche égale, est la moins nourrissante de ces trois variétés, ne Belierave fourragéère / LIIÉ, z Tableau VI. — Commerce des betteraves à la frontière. QUANTITÉS LIVRÉES A LA CONSOMMATION (EN KGR.) BETTERAVES a — 1894 | 1893 12.902.353 Betteraves fraiches..,...... | .228.136 | Betteraves séchées......... 401.957 302.625 Bettcraves fraiches 9:255.759 Betteraves séchées 50 I. — Importations : II. — Exportations : VALEUR EN ARGENT (FRANCS) 1892 1892 16.871.885 3:9.001 36.468 3.282 4.326.631 350 ture, distribué à une certaine dose, exerce une action plutôt favorable, tout au moins dans l’en- graissement. Non seulement on a essayé le sucre, mais encore la betterave sucrière. Relater ici toutes les expé- riences qui ont été faites sur cet intéressant sujet serait sortir de notre cadre; aussi nous contente- rons-nous de résumer les résultats obtenus par M. P. Gay !, répétiteur de Zootechnie à l'École na- tionale d’Agriculture de Grignon, sur l'emploi 1 On trouvera le détail de ces recherches dans les Annales agronomiques, t. XXI, ne du 25 avril 1895, doit-on pas la remplacer, pour la nourriture du bétail, par lune des deux autres ? et, dans ce der- nier cas, à laquelle doit-on donner la préférence ? Grosse question qui offre énormément d'intérêt, et qui est bien près, pensons-nous, de recevoir une solution absolument définitive !.» Alb. Larbalétrier et L. Malpeaux, Professeurs à l'Ecole d'Agriculture du Pas-de-Calais. 1 Nous devons à l'obligeance de MM. C. et H. Denaife les figures 1 à 7 qui accompagnaient la première partie de cet article, parue dans le n° du 30 Juillet. Nous tenons à les remercier ici de leur amabilité, x ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES LES MACHINES DE M. TORRES A RÉSOUDRE LES ÉQUATIONS M. Saavedra et M. Marcel Déprez ont successivement présenté, l’un à l’Acaäémie des Sciences de Madrid, l’autre à l'Académie des Sciences de Paris, une machine très curieuse, très intéressante, due à M. Torrès et qui mérite à tous les titres d'attirer notre attention. Elle permet de trouver, simplement et avec une grande approximation, les racines positives des équations : a + ax a — ax a et e étant des nombres plus grands que zéro !. Mais, ce qui en fait surtout l'immense mérite, c'est que le principe sur lequel elle repose offre la possibilité d'obtenir des machines donnant toutes les racines, positives, négatives ou imaginaires, des équations al- sébriques, des équations transcendantes, des groupes d'équations à plusieurs in- connues. Celle que M. Carpentier construit en ce moment per- mettra de résoudre une équa- tion quelconque de la forme : axm + ban Æ cæp = 0 a, b, c, étant des nombres réels arbitrairement choisis; m, n, p, des nombres entiers. Nous supposerons, pour ex- poser la méthode de M. Tor- rès, qu'il s’agit de trouver les racines de l'équation encore plus générale : GA) Ajam + Ajgmi Æ A,gm2 EL ... + Am — 0. Pour représenter les valeurs des diverses quantités variables, qui sont, dans notre cas, les m + 1 coeffi- cients A,, À,, ... À et l’inconnue æ, on a recours au déplacement de certains corps. Le problème est ensuite de relier et de combiner ces déplacements, de manière à reproduire successivement et dans l'ordre voulu toutes les opérations indiquées dans l'équation (1). Comment convenait-il de choisir le mouvement à donner aux corps représentant les variables? Celles-ci sont susceptibles de prendre des valeurs quelconques comprises entre — æ et + . Elles ne peuvent donc être pratiquement mesurées que par des angles, et chaque variable devra être figurée par un corps tour- nant autour d’un axe convenablement choisi. La va- leur de l'angle de rotation, qui comprendra, s’il est nécessaire, une et mème plusieurs circonférences en- tières, donnera la valeur de la variable, coefficient ou inconnue, Nous aurons, par exemple : Lo —= 2ko7 + Ba = f: (Ab). C'est à dessein que nous venons d'écrire f (A). L’éga- lité la plus simple et celle qui se présente tout d’abord à l'esprit est : c C LI Fig... mant'un arithmophore. - absolue des chiffres; le disque V' indique la place de la virgule. — Ensemble schén 2kon + Bo = & A0: u étantun facteur constant. Mais doit-elle être acceptée ? Evidemment non. D’après elle, quelle que soit la valeur de A,, l'erreur absolue commise dans l’évaluation de celte quantité ne change pas, puisqu'à chaque accrois- 1 Cette même machine a fait l'objet d'une brochure de M. d'Ocagne, présentée tout récemment à l'Académie des Sciences. ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES - l'angle de rotation. Il en résulte que l'erreur relative est très variable. Si elle est satisfaisante pour une va- leur donnée de A,, elle devient ridiculement petite ou ridiculement grande, pour les valeurs qui s’éloignent beaucoup de la première, en plus ou en moins. La fonction f la plus rationnelle est évidemment celle | sement dA, correspond un même accroissement de ; RU A À : pour laquelle l’erreur relative —©? est égale à une constante. Soit da,, l'erreur, toujours la même, commise sur la lecture des angles. Nous aurons : d'A A5 d'aj — d’où, en intégrant : 20 = 2ho7 + Bo = log, Au, L }, étant égal à e)et e étant la base des logärithmes né- périens. Il conviendra donc de représenter les variables par leurs logarithmes. Pour faciliter la construclion des machines, on prendra : BTS —MIUE lisue des deux disques for- disque V donne la suite Dans ces conditions, suppo- sons qu'une rotation 27 d'un disque V(lig. {) représente une unité du logarithme . Un autre disque, V, portant 40 divisions marquées 90149)... — 1, 0,7... 10/20 avances division chaque fois que le disque V fait un tour com- plet. Le disque V' pourra servir à lire les parties en= tières des logarithmes ; le disque.V, les parties déci= males. L'ensemble des deux disques permettra de figurer des nombres compris entre 10-20 et 1020, c’est- à-dire pratiquement entre — æ et + æ.La disposi- tion précédente obligerait le calculateur à recourir à une table pour passer des logarithmes aux nombres. Il est plus simple d’inserire immédiatementsur le dis- que V les nombres eux-mêmes, La graduation est, par suite, faite en parties inégales depuis 4 jusqu’à 10, ou depuis 10 jusqu'à 109, ces intervalles correspondant à une unité logarithmique. Rien n’est changé à la gra- duation du disque V’. On lit, par exemple, sur le pre- mier, au moyen d'un index fixe, la division 19,9, tandis que l'index V' marque + 4. Le nombre indiqué est 19.900. Ceci est bien évident, d’après la manière dont sont reliés les disques. Nous avons admis que l'intervalle 10—100 était ins- crit sur une seule circonférence. En réalité, il peut correspondre à un nombre quelconque de circonfé- rences, par exemple #4. Dans ce cas, le disque V' n'a- vance plus que d'une division tous les quatre tours de V. La graduation est faile, comme l'indique la figure 2, sur quatre couronnes juxtaposées dans la largeur de la tranche. L'index occupant une certaine position [, comment saura-t-on sur quelle couronne on doit faire la lecture? M. Torrès emploie dans ce but un anneau transparent, concentrique au disque et tournant quatre fois moins vite, sur lequel est tracée une hélice dont le pas est égal à la largeur du | disque, ou bien encore un disque opaque présentant ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 685 EEE __-_———. ——.—_———" —— — — —…—"— —"— " ——"——<—< une échancrure en forme d’hélice. Cette hélice est représentée dans notre figure 2 par des tirets. Elle “coupe l'index au-dessus de la troisième colonne; c'est dans celle-ci qu'il faut lire si, pour la position initiale, Mhélice indique effectivement la division 10 : il est facile de s’en rendre compte, et nous ne croyons pas devoir le démontrer exactement. L'ensemble des deux disques V et V' porte le nom d’writhmophore. Il donne, en résumé, le moyen de représenter très simplement tous les nombres avec une approximation aussi grande “que l'on veut. L’équation (1) nécessite m -L- 2 arithmo- hores correspondant à AR AU CE -, Am, Z. “Nous supposons momentanément que les exposants de æ sont des constantes, pour une machine donnée; nous verrons plus tard comment on peut en changer les valeurs. Ne pouvant lire sur les arithmophores que des nombres positifs, puisque seuls ceux-ci possèdent des logarithmes avant de résoudre l'équation (1), on doit la mettre sous la forme (2) Bo! Fa Ba?! Fo Cox 0 ue Cx2! en BB ae 10... ctant des quantités plus grandes que zéro. De l’arithmophore æ dé- pend une roue dentée qui représente æ?, et qui, en même temps que l’arith- mophore B,, conduit une seconde roue dentée don- nant la valeur de B,2”0. Il en est de mème pour les autres monômes. Les roues des deux premiers condui- sent la roue relative au bi- nôme qu'ils composent. Du binôme, on passe au tri- nôme, et ainsi de suite. d'un «ithmophore. I est L'équation (2) peut se met- un index fixe qui indique tre sous À forme dans quelle colonne doit RES PEN se faire la lecture. F (ke # = G (x), mire 2, — Représentalion schématique du disque N x k étant un terme constant. En dernier lieu, la position de l’arithmophore k est réglée de telle sorte que la valeur indiquée par la … roue G (+) résulte précisément de la combinaison des mouvements de cet arithmophore avec ceux de la roue F (x). Afin d'éviter les erreurs qui pourraient se produire par suite de glissements dans les transmissions de mouvements, M. Torrès n’emploie que des commandes par engrenages. Les mouvements sont alors réversi- bles; nous voulons dire par là que, si une rotation dA d’une roue A détermine une rotation dB d’une autre roue B, réciproquement dB déterminera dA.Il en résulte que, les diverses liaisons étant établies d’a- “près l'équation (2), il suffira de régler une fois pour “toutes la position des arithmophores, de manière que “les valeurs indiquées satisfassent à cette équation : quel que soit le mouvement imprimé ensuite à l'une “quelconque des roues dentées, les nouvelles valeurs des quantités variables satisferont à la même équa- tion. Les coefficients nous étant donnés, pour résoudre : ENT) U0; | que nous mettrons préalablement sous la forme : (3) H (x) = H, (x , -H, et H, ne contenant que des termes positifs, nous procéderons de la manière suivante : nous donnerons aux arithmophores de tous les coefficients, sauf un 4P, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1895. les valeurs qu'ils ont dans l'équation (3), puis nous les fixerons dans leurs positions. En faisant ensuite tourner l’arithmophore #, nous ferons également tourner l’arith- mophore A, et seulement celui-là : chaque fois qu'il passera par la valeur qu'il a dans l’équation (3), nous lirons pour æ une racine positive de cette équation. Les racines négatives seront données par la transformée en — x: H(—° 2) =" 0: Quant aux racines imaginaires, nous verrons plus loin comment on peut les obtenir. Tel est le principe sur lequel repose l'appareil. Voyons comment se font les transmissions de mouve- ment. Rien de plus simple que de commander la roue #, puisque les grandeurs sont représentées par leurs logarithmes, et que p logx — logxpP. Il suffit d’un simple train RD d’engrenges. D'autre part : log A? æn — low A? + los. Si l’on a deux roues A, et a" reliées à une roue d'angle R, de manière à former le train épicycloïdal indiqué sur la figure 3, on peut vérifier que 2{(dépl.R)= dépl. Ap + dépl. æn A les déplacements éfant 7 comptés autour de l’axe 4b. Par conséquent, une roue solidaire de R, et tournant également autour de ab, re- présentera la DRE de log ab; RR est une roue den- A æ". Il est facile dès lors tée susceptible d’un dou- d’avoir, s’il en est besoin, ble mouvement de rota- log A," lui-même. tion autour de l’axe ab IL existe dans la machine d'une part et autour de de M. Torrès une troisième l'axe cd d'autre part. sorte de transmission de mouvement. C’est la plus ingénieuse et la plus intéres- sante. Elle sert à passer de deux monômes au binôme qu'ils forment, et donne log (A + B) en fonction de log A et de log B. On sait qu'il n'existe pas de relation algébrique simple entre ces trois quantités. Le pro- blème à résoudre pouvait donc sembler insoluble. Or B a o (A = == laps Al AN 1 los (A LB) — log [ (< ne )] B log (A Æ B) = log A + log (< ee 1). Fig. 3. — Représentation d'ensemble d'un train épi- cycloidal. Ap Ap et an an sont deux roues dentées tournant autour de l'axe A et B Bee 108 x: Ti 1 Donc / B \ B loc low é + = log (ro °ë A + 1) A \ et € PRB log (A + B) — log A — los (oise ne 4) Nous avons la roue de A; il nous suffit d’avoir celle / B log de Æ : > By 2 cb roue de q (que nous savons aussi construire) par un _ 5) et, pour cela, de relier celle-ci à la 686 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES engrenage tel que les déplacements angulaires de ces deux roues satisfassent toujours à la relation : : (4 y = log (107 + 1). L’équation (4) représente la courbe donnée par la fi- gure #, ayant pour asymptotes l'axe des x et la bissec- trice oz, avec lesquels nous pouvons supposer qu'elle se confond en dehors d’un certain intervalle — 4, + «. Considérons le rapport des vitesses qui seraientsuscep- tibles de prendre les roues # et y dans leurs diverses L T positions. Ce rapport est du ou 0 dx 107 1 devient égal à — æ ou pratiquement — «, ce rapport devient nul. Il est impossible de réaliser une telle . Mais, lorsque x ÿ RE N Fig. 4. — Courbe représentant l'équation y == log (107 +1). transmission de mouvement. Ecrivons, pour tourner la difficulté : LA y = log (02 1) + mx — mx; log (A + B) devient ( EE ) B B log A + log \10 © A+H1/+ 0m log — m log re Fig. 5. — Courbe représentant l’équalion y = log AUT + 1) + mr. | : B Nous savons construire 104 À — 7» log LÉ Il reste donc B log — ) log é RUES log + Les déplacements de la roue correspondante seront Re B : reliés à ceux de la roue par la relation : y = log (102 1) + mx. quireprésenteune courbe (fig.5)ayant pourasymptotes: Li = MI et y = (m +El)x asymptotes avec lesquelles elle se confond pratique- ment pour des valeurs de x, non comprises dans lin= tervalle — 8. + g. Le rapport des vitesses est main= tenant : dy 10% PER 1 +i + m. Ilesttoujours plus grand que 0, si l’on à soin de choisir »# positif, et la transmission peut se faire. Pour la réaliser, on emploie une fusée telle que celle qui est représentée en F dans notre figure 6. Elle porte à ses deux extrémités deux parties cylindriques cor Fig. 6. — Représentalion d'ensemble d'une fusée et de ses accessoires. — La figure supérieure représente un plan de la fusée, la figure inférieure, une coupe par M Z U. —F, fusée; H, axe de la fusée; Q. Q, R, roues dentées:; V, V, bras mobiles autour de l'axe O; J, axe des roues Q et Q. respondant aux régions de la courbe pour lesquelles! celle-ci se confond avec ses asymptotes (le rapport des vitesses est alors constant). Le corps même de la fusée, qui offre grossièrement la forme d’un tronc de cône, est muni d’une série de dents disposées suivant une sorte d'hélice et engrenant avec une roue Q. Celle- ci, mobile le long de l'axe I, en commande successi- vement deux autres Q et R. Pour racheter les varia- lions de diamètre de la fusée, l’axe I peut, au moyens de deux bras V, V,, tourner autour de l'axe G. On comprend qu'en calculant convenablement le profil dem la fusée F, il soit possible de faire varier, suivant une loi quelconque, le rapport des vitesses de deux roues convenablement placées. Nous connaissons maintenant toutes les transmis- ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES missions de mouvement utilisées dans la machine Torrès. Il nous reste à montrer comment se fait leur combinaison. La figure 7 est le schéma de la machine que construit en ce moment M. Carpentier, et qui, nous l'avons dit, servira à résoudre les équations de la forme : (5) Axm + Bæn = Ca. Elle comprend trois axes principaux : E, G, H, qui ortent les arithmophores, les roues dentées et la usée F. Les roues peuvent être solidaires des axes ou folles et munies d'un manchon de glissement. L'axe E est commandé par l’arithmophore X sur lequel on lit les valeurs de la variable x; il porte trois roues x, &,x, E--— DU c'est-à-dire, au signe de logarithme près : 1e Am Amir es CE Bar + 1) =) (Sur la figure schématique 7, nous avons supposé que la fusée F conduisait directement la roue qui corres- pond à R de la figure 6.) "mn Nous obtenons ensuite, en ajoutant » log moyen d’un train épicycloïdal : Am ( loc ) — log \10 ©? Bm +1 D Fig. 7. — Plan schématique de la nouvelle machine de M. Torrès. Les parties hachurées représentent les diverses portions du bäti, sauf A, B, C, X, qui sont les arithmophores: E, G, H sont des axes. Les roues, lorsqu'elles sont solidaires des axes, ont été représentées par une simple droite coupant ces axes; logsqu'elles portent un manchon de glissement, elles sont repliées perpendiculairement à l'endroit de l’axe. En regard des divers roues ou arithmophores sont inscrites les quantités qu’ils représentent. Cependant, pour simplifier l'écriture, on à fait partout abstraction du signe log et par suite, lorsque l’on trouve par exemple — B', il faut lire — log Bzr — M, N, P, trains d’engrenages ayant les pouvoirs multiplicateurs #», n, p. — K, fusée. conduisant par les trains d'engrenages M, N,P, les roues qui correspondent à 2”, 2" , x, et que, sur la figure, nous avons désignées par ces quantités. Les roues +”, æ" , æP, sont respectivement associées aux arithmo- phores A, B, C, sur lesquels on lit les valeurs des coef- ficients de mème nom, et qui composent avec elles des trains épicycloïdaux donnant le mouvement aux roues “Az, Bar, Car. De Az" et Ba”, nous passons, en renversant convenablement le sens de rotation de et, par un second train épicycloïdal : Arm (uoss .)) — log \10 © Ban Æ 17 — los Bzr c'est-à-dire, si l’on se souvient de la théorie exposée plus haut : ; -- [log (Axm + Bz2)]. : : AT Cette dernière roue est reliée, par un pignon intermé- certaines r. g Az" —_]locBa* , c'est-à-dire ——— : Re : : 5 QUE Le) 5 : es roues, à log Ax log Bz" , c'est-à-dire zyn * | diaire servant à changer son signe de rotation, à la roue Cæ? qui donne en réalité, nous le savons, log Cx?. Les trains d’engrenages M, N, P, sont groupés dans des petites boites que l’on peut séparer de la machine puis, au moyen de la fusée F, à la roue que nous avons appelée R sur la figure 6, et qui donne : A æm et remplacer par d’autres, de manière à faire varier — los 10 Bar us à os À æ les exposants =, n, p, de l’équation (5). On peut même ; ? Ban enlever sans la remplacer l’une des boîtes; la valeur 688 de l’exposant correspondant est alors zéro. Celte dis- position a pour but de permettre de résoudre avec la même machine, et sans exception, toutes les équa- tions entières à trois termes. En effet, quoique les coefficients doivent toujours être positifs, nous pou- vons, de cette facon, aborder aussi bien l'équation : kx'? L5at = 10 que l'équation : Dans la première, c’est l’exposant p qui est nul, Pour la seconde, nous la mettrons sous la forme : bat + 10 = 4x1? et c’est le coefficient » qui sera nul. On voit pour quelle raison on à été amené à considérer l’équation : Axm + Bxn — Cr? qui semble à priori n'être pas plus générale que : Am + Ban — C et qui conduit à ajouter quelques organes de plus à la machine, c’est-à-dire en apparence à la compliquer. Les principes précédents offrent évidemment la possibilité d'obtenir toutes les solutions réelles des équations à coefficients réels ayant un nombre de termes quelconques. Il suffit d'augmenter celui des organes. Nous dirons, avant de terminer, quelques mots de la facon dont on pourrait construire une ma- chine donnant aussi les racines imaginaires. Nous n'avons plus besoin, dans ce cas, de supposer que les coefficients de l'équation donnée : (6) DAT — 0 sont réels. Posons : Am — Am(COSdm +Æ ? Sin dm) æ = p(cos B + à sin f). L’équation 6 est alors équivalente au groupe : (7) { Dampcos (om + MB) = 0 | Samp" sin (œm + M) = 0 a, p, &, B. peuvent être représentés par des arithmo- phores. Mais il est impossible de résoudre les équa- tions (7), parce que sin et cos sont susceptibles de devenir négatifs. Ecrivons : 8 \ Sampn[cos (am mp) Hli— 1] = 0 (8) | Samem[sin (om + m8) +l—1]=0 l étant une quantité plus grande que l'unité. Posons cos (am + MB) +1= dm sin (om + M 8) +l=em dm et em sont toujours positifs. Les équations (8) de- viennent : ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES (9) { Samendm —= 1E am pr ‘ | Zamp"em = l'Eamp". On conçoit maintenant que l’on puisse passer des Toues amGap à celles qui donnent la valeur des mo» nômes des équations (9). En les additionnant convena= blement, on obtiendra trois nouvelles roues représen= tant respectivement E am ep dm ; Lam pt em, lEam pm. Il suffit, pour réaliser la machine, de les relier de manière qu'elles indiquent à chaque instant des valeurs égales. Nous n’insisterons pas davantage sur ce sujets remarquons, toutefois, que les équations (9) forment; en somme, un groupe de deux équations à deux incon= nues. En généralisant encore les principes exposés, nous pouvons donc dire que la méthode de M. Torrès permet de concevoir des appareils d’un usage prati- que dennant la solution complète des équations algébriques ou transcendantes, à une ou plusieurs inconnues. Le résultat est assurément remarquable: La machine que M. Torrès a présentée à l’Académie des Sciences est la première qui ait été construite; c'est une machine d’études et de démonstration. Elle repose sur les principes que nous avons exposés, mais la disposition des organes est inférieure à celle qui est indiquée dans notre figure 7. Malgré des imperfecM tions, absolument inévitables lors d’un premier essai,« M. Torrès évalue à de au plus l'erreur que cette ma chine peut commettre. Personnellement, nous avons été invité à résoudre l'équation: md + 3x5 — 1980. Nous connaissions, à ce moment-là, l'instrument depuis quelques minutes à peine, c’est-à-dire que nous étions, à le manier, aussi inexpérimenté que possible. Cependant, au bout de fort peu de temps, après un tour ou deux de manivelle, nous avons annoncé comme solution : x — 1,99. La véritable valeur est x = 2. L'erreur n'était done que de _ . Nul doute que, dans la machine nouvelle qui est confiée à un habile constructeur et dont tous les organes ont été très soigneusement étudiés, ler reur probable ne soit encore beaucoup plus faible. Le détails d'exécution, dont nous n'avons pu parler, can cela nous aurait entrainé trop loin, mettent en évi dence les énormes difficultés qui se sont présentées lorsqu'il a fallu passer du schéma théorique à la réalisation pratique. Tous les problèmes ainsi soulevés semblent d'ailleurs résolus de la facon la plus élégante et la plus simple, et il résulte en définitive, de l'examen) de ses plans et de ses dessins, que M. Torrès est à la fois un excellent mathématicien et un mécanicien des plus ingénieux. AGAY, Ancien élève de l'Ecole Polytechnique BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 689 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Klein (F.), Professeur à l'Université de Gættingue. — “… Vorträge über ausgewählte Fragen der Elemen- —._ targeometrie, ausgearbeitet von F. Tägert. — 1 vol. «= jn-8° de 66 pages avec 10 figures et 2 planches (Priæ : 2 fr. 50). B. G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1895. Le même ouvrage. Traduction francaise par M.J.Griess. (Prix : 2 fr.). Nony et Cie, éditeurs. Paris, 1896. Dans une série de conférences faites à Gættingue, il y à deux ans, M. Klein a développé quelques questions de Géométrie élémentaire dans le but de montrer que certaines démonstrations, considérées souvent comme difficiles et d'une abstraction exagérée, peuvent cepen- dant être introduites dans l'enseignement secondaire supérieur, Ces conférences ont été rédigées par M. Tägert et viennent d'être traduites en francais par M. Griess. Cet opuscule se divise en deux parties. L'auteur examine d’abord d’une manière générale la possibilité ou l'impossibilité d’une construction géométrique avec la règle etle compas; puis il applique ces consi- dérations à quelques problèmes qui ont déjà préoccupé les géomètres de l'Antiquité : duplication du cube, tri- section d’un angle quelconque, construction des polygones réguliers. La deuxième partie est consacrée aux nombres trans- cendants et à la quadrature du cercle. La transcendance des nombres e et n, démontrée d’une facon rigoureuse par MM. Hermite et Lindemann, à fait l'objet d'une étude de M. Gordan qui est parvenu à en donner une démonstration tout à fait élémentaire. C'est à cette dernière que se rattache l'exposé de M. Klein. Voici done un ouvrage qui intéressera vivement les professeurs et les élèves des classes de mathématiques “spéciales, et l’on ne peut que féliciter M. Griess d’avoir | “contribué à répandre cette publication en France. H. Fenr. Coculesco (N.), Sur les expressions approchées des termes d’ordre élevé dans le développement de la fonction perturbatrice. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-4° | de 8% pages. Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. IL s'agit du fameux problème des trois corps, où RARE s'occupe de perfectionner un point particu- ier. : Quand on a développé la partie principale de la fonc- tion perturbatrice en série de sinus ou cosinus des multiples de deux arcs ou en série d’exponentielles imaginaires, il est important d'obtenir la valeur appro- chée des termes d'ordre élevé, afin de savoir s'ils sont ou non négligeables, M. Poincaré a ramené la question à l'étude d’une certaine fonction æ d’une seule variable imaginaire Z. Si æ est développable en série procédant : : ke ae - suivant les puissances entières de Z et de 7 il y aura, dans le plan de Z, un double contour de convergence. Un théorème dù à MM. Darboux et Flamme ramène alors le problème à la considération des points singu- liers de æ, situés sur les contours de convergence. On voit que la matière n’est pas sans analogie avec les recherches récentes de M. Hadamard. æ se rattache à une certaine fonction F !{7, t), à deux variables; sur une certaine surface, analogue à la sur- face de Riemann dans le domaine algébrique, on peut suivre la genèse des points singuliers de æ. Telle est Pidée que met en œuvre M. Coculesco, dans une discussion très ardue et délicate, où la difficulté est d’être complet. Le résultat final est celui-ci : sauf dans quelques cas limites, qui ne se rencontrent pas dans notre système solaire, il n’y aura sur le contour de convergence de æ qu'un seul point singulier. Le procédé de MM. Darboux et Flamme s'appliquera sans ambiguïté. C'est tout ce que je puis dire ici d'un travail aussi spécial, qui fait honneur à la science et à la sagacité de l’auteur. Léon AUTONNE. Deharme (E.), Ingénieur principal du Service central de la Compagnie du Midi, Professeur du Cours de Che- ins de fer à l'École Centraie, et Pulin (A.), Ingé- nieur- inspecteur principal de l'Atelier central du Che- nin de Fer du Nord, — Chemins de fer. Matériel roulant. Résistance des trains. Traction. — 1 vol. in-80, de &41 pages avec 93 fig. (Priæ : 15 fr.) (En:yclo- pédie industrielle de M. C. Lechalas.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs, Paris, 1896. Les auteurs ont su présenter sous une forme intéres- sante la question, quelque peu aride et encore si con- troversée, de la résistance des trains. Ils ont exposé avec beaucoup de netteté les diverses méthodes expé- rimentales et les nombreuses formules proposées pour la solution du problème. L'analyse détaillée de tous les facteurs de la résistance montre clairement les causes des divergences qu'on rencontre dans l'application de ces diverses formules et permet de se rendre compte de la complexité de la question. La méthode ration- nelle de Desdouits, basée sur l'emploi du dynamomètre d'inertie, a été très justement mise en valeur; par contre, la méthode chronométrique n’est indiquée que dans son principe. Il eùt peut-être été intéressant d'entrer à ce sujet dans quelques détails; la simpli- cité de cette méthode en fait, certainement, la solution la plus élégante qu'on puisse imaginer : elle est, de plus, susceptible de se généraliser et peut être trè- commodément appliquée au cas particulier de l’étude du rendement des dynamos de grande puissance. Nous nous proposons de développer prochainement cette application. La seconde partie de l'ouvrage, relative à la traction, a été également traitée avec beaucoup d'originalité. Après avoir examiné les questions classiques, les au- teurs se sont attachés à faire valoir les avantages des machines compound : diminution de la condensation dans les cylindres, admission prolongée et, comme conséquence : efforts plus réguliers, diminution de la fatigue et de l'usure des organes et, enfin, meilleure utilisation de l’adhérence. L'état actuel de la traction électrique ne permettait pas de bien longs développements; néanmoins les auteurs l'ont prise en considération en lui reconnais- sant comme avantages particuliers : 1° la suppression des pièces à mouvements alterna- tifs et leur remplacement par un moteur à rotation directe assurant une stabilité plus grande que celle des locomotives à vapeur; 2° Ja constance de l'effort tangentiel pour un travail donné, qui permet une meilleure utilisation de l'ad- hérence et diminue l’usure des bandages et des rails; 3° la possibilité de donner aux machines des formes fuyantes pour diminuer la résistance de l'air; 4 l'indépendance des essieux moteurs qui facilite l'inscription en courbes; 5e l'élasticité des moteurs électriques et la facilité de réaliser par leur emploi de grandes vitesses. J.-L. ROUTIN. 690 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 2° Sciences physiques. Montpellier (J.-A.), Rédacteur en chef de l'Electri- cien.— Les Accumulateurs électriques: Montage. Installation. Conduite. Entretien.—1 volume in-18 de 22 pages, avec 83 figures {Prix 5 fr.) A. Grelot, édi- teur, 18, rue des Fossés-Suint-Jacques. Paris, 1896. Le succès ou l’insuccès de l’emploi des accumula- teurs dépend autant de leur mode d’entretien que de leur construction, au moins si l’on en excepte quelques modèles récents, remarquablement insensibles à tou- tes les causes de destruction de leurs aînés, Aussi a-t- on pris l'habitude, dans les installations importantes, de confier la surveillance de la batterie à un ingénieur qui exerce une surveillance continue sur le régime de charge et de décharge, et fait mettre hors cireuit tous les éléments qui ne fonctionnent plus normalement. On peut ainsi, avec un entretien convenablement or- ganisé, tirer le meilleur parti des piles secondaires et éviter de gros déboires. On saura donc gré au rédac- teur en chef de lElectricien d’avoir minutieusement décrit tout ce qui a trait à la construction et à l'emploi des accumulateurs. Il ne s’est pas borné à des vues gé- nérales, il entre dans la petite technique du métier, dont il donne jusqu'aux moindres ficelles. L'auteur procède du simple au composé ; après avoir indiqué rapidement le principe des accumulateurs dans deux chapitres où l’on est heureux de retrouver, comme un hommage à Gaston Planté, d’abondantes citations empruntées au créateur désintéressé de cette grosse industrie, nous entrons dans le détail du montage des accumulateurs, pour aboutir aux tableaux de distribu- tion, dont nous trouvons un certain nombre d'exemples. Nous avons vu, du reste, comment les accumulateurs doivent être employés dans certains cas particuliers, par exemple, dans les habitations ou dans les théâtres. Le montage terminé, l'emploi commence; un impor- tant chapitre est consacré à Ja charge et à la décharge, et quelques pages à l’entretien et aux réparations. Jusqu'ici, nous sommes restés dans les conditions générales, Nous abordons maintenant l’étude d’un cer- tain nombre de types d'installations dont les accumu- lateurs ne constituent que l’un des éléments. Enfin, le dernier chapitre, qui forme à lui seul un tiers de l'ouvrage, contient la description de tous les instruments accessoires: conjoncteurs et disjoncteurs, rhéostats, appareils de mesure, etc. Le sens essentiellement pratique qui a guidé l’auteur dans la composition de l'ouvrage, en fera un excellent catéchisme de tous ceux qui auront à installer ou à conduire des accumulateurs. Ch.-Ed. GuiLLaue. Joannis (A.), Professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaur, Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de Paris. — Traité de Chimie organique appliquée. Tome I. GÉNÉRALITÉS, CARBURES, ALCOOLS, PHÉNOLS, ÊTHERS, ALDÉHYDES, CÉTONES, QUINONES, SUCRES. — 1 vol. in-8° de 688 pages avec figures. (Priæ : 20 francs.) (En- cyclopédie industrielle de M. C. Lechalas.) Gauthier- Villars et fils, étiteurs. Paris, 1896. S'il n’est pas toujours aisé, dans la période de pro- duction intensive que nous traversons, d'entreprendre la publication de traités de Chimie organique donnant un apercu d'ensemble de l’état actuel de la science, combien plus difficile encore est la tâche de celui qui ose aborder les applications de cette partie de la Chi- mie! Le nombre des composés organiques qui font l’objet d’une application industrielle est, en effet, lé- sion, Ils ont pénétré dans tous les domaines, se sont imposés au médecin, au teinturier, au parfumeur et à beaucoup d’autres industries. Ils ont même enrichinos moyens de défense. Aussi faut-il un certain courage pour aborder la rédaction d’un traité embrassant, dans leur ensemble, les variétés si diverses de composés or- ganiques que nous fournissent les fabriques de pro- duits chimiques. Le volume que nous offre M. Joannis n’a pas en réa! lité la prétention de passer en revue la préparation de tous ces produits. Il nous semble plutôt que l'auteur ait voulu, à propos de chaque fonction, donner une esquisse des corps qui ont recu une application. C’est en quelque sorte une initiation modeste à quelques méthodes employées par l'Industrie pour préparer cer- tains types, certaines catégories de composés. Le cadre trop restreint de l’ouvrage ne lui permettait pas d'en- trer dans des détails, de traiter à fond tous les sujets. Le chapitre des matières colorantes dérivées des gou- drons de houille demanderait à lui seul un traité deux fois plus volumineux. L'ordre adopté dans cet ouvrage n’est pas celui qu'on emploie généralement dans les traités didactiques cou- rants. L'auteur s’est inspiré de la classificalion intro- duite par M. Berthelot dans le traité de Chimie orga- nique que l’éminent chimiste a publié en collaboration avec M. Jungfleisch, Après les généralitésobligatoires, il aborde l'étude de la fonction « carbures d’hydro- gène », décrit les principaux carbures employés ainsi que leurs dérivés de substitution. Les différents gaz d'éclairage, l’industrie des pé- troles, des carbures benzéniques, des essences de té- rébenthine, sont traités au point de vue de leurs ap-- plications. Dans le troisième chapitre l’auteur étudie la fone- tion alcool et passe en revue ies principaux représen-" tants de cette classe de composés. Le quatrième chapitre est consacré aux phénols et à leurs applications principales. Les éthers, les aldé- hydes, les cétones, les quinones, font l’objet des cin- quième et sixième chapitresetle volume se termine par une étude particulière des sucres, où l'auteur donre un apercu des différentes méthodes d'extraction de ce produit ainsi que des essais analytiques auxquels il donne lieu. En résumé, écrit dans une langue sobre et élé- gante, l’ouvrage de M. Joannis permei d’avoir ure idée générale des produits organiques qui sont d’un usage courant et de leurs principales méthodes de pré- paration. A. HALLER, 3° Sciences naturelles. Mangin (Louis), Professeur au Lyrée Louis-le-Grand. — Recherches anatomiques sur les Péronosporées: 4 brochure in-8° de 56 pages, avec 12 figures et 2 planches. (Extrait du Bulletin de la Socièté d'Histoire naturelle d'Autun, t. VIII.) Imprimerie Dejussieu. Au- tun, 1896. M. Mangin étudie depuis plusieurs années la compo- sition microchimique de la membrane des végétaux, et ses mémoires sur ce sujet ont notablement modifié les idées classiques, Les résultats qu'il vient de pu- blier sur les champignons de la famille des Pérono= sporées sont aussi fort intéressants, L’attention était attirée depuis longtemps sur la constitution de la membrane de ces parasites, à cause de l'importance de cette question dans la lutte entreprise contre eux par les agriculteurs et les viticulteurs. Leur mycélium présente une résistance toute particulière aux agents proposés comme remèdes à leur envahis= sement; la putréfaction qui détruit la plante hospita- lière laisse intacte ce mycélium, et c'est même un procédé qui a été proposé pour l’étudier. On supposait, pour expliquer cette résistance, que la cellulose y possède un état d'agrégation particulier. Pour M. Man- sin, elle est formée par l'association très intime de Ja cellulose et de la callose, celle-ci étant la même substance que le cal des tubes criblés des Phanéro- games. La callose se reconnaît par les agents chimiques et par les réactifs colorants; toutefois, ceux-ci n’a- gissent pas toujours directement, et il est alors néces- saire de modifier préalablement son état d’agrégation par différents agents chimiques. Les composés pec- tiques font totalement défaut. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX … Au point de vue anatomique, l'auteur donne des détails fort intéressants sur ces plantes. Les Pérono- Sporées appartiennent au groupe des champignons à structure continue; mais M. Mangin y a reconnu des bouchons irréguliers, surtout callosiques, irréguliè- rement répartis, qui remplissent le rôle de cloisons, de sorte qu'en réalité, le protoplasme est fragmenté. Il montre l’analogie, sous ce rapport, entre les tubes mycéliens et les tubes polliniques. Ces parasites vivent aux dépens des cellules de la lante hospitalière par des sucoirs qu'ils envoient dans our intérieur, Les sucoirs ont déjà été étudiés par “différents auteurs, et en particulier par de Bary; mais M. Mangin nous les fait connaître avec plus de détails et de précision; leur forme est, suivant les espèces, aussi variable que curieuse. Et, fait nouveau et d'un intérêt biologique tout particulier, le protoplasme de la cellule hospitalière se préserve du contact du sucoir en sécrétant autour de lui une gaine callosique qui le recouvre tout entier, de sorte que la nutrition du para- site ne peut s'effectuer que par une double diffusion à travers cette gaine et la paroi du sucoir. L'effort fait par la cellule pour se protéger l’épuise cependant peu à peu, etelle ne tarde pas à mourir. Quant aux arbres conidifères, bien qu'ils soient externes, ils sont exclusivement cellulosiques, sauf en certains points où la callose existe. Ils ne sont donc pas protégés par une cuticule de cutine. Ceci vient à l'appui de l’idée déjà émise par l’auteur que la eutine n'existe pas là où les composés pectiques sont absents et que, quand elle existe, elle provient de la transformation des composés pectiques et non de la cellulose. C. SAUVAGEAU. Le Dantec (F.), Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Lyon. — La Matière vivante. Avec une préface de M. À. Granp, Professeur à la Sorbonne. — 1 vol. petit in-8° de 192 pages avec fiqures, de l'Ency- clopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix : cartonné, 3 francs; broché, 2 fr. 50.) Gauthier- Villars et G.Masson, éditeurs. Paris, 1896. La plupart des biologistes admettent à priori que les hénomènes vitaux sont simplement des réactions de “l'être vivant vis-à-vis des influences physiques ouchimi- “ques. Depuis quelques années, on connait mieux la struc- Lure intime et la physiologie des êtres unicellu!aires, et Jes savants ont cherché, en partant des faits acquis, à démontrer cette conception mécanique de la vie. Par ses remarquables études, Bütschli a réussi à constituer un milieu artificiel très simple reproduisant tous les détails physiques apparents du protoplasme avec sa structure alvéolaire. Or, ce milieu présente un certain nombre de phénomènes qui, observés chez les êtres unicellulaires, étaient regardés comme des phé- nomènes vitaux. M. Le Dantec, s’engageant dans cette voie, s'occupe surtout des plastides nucléés les plus simples, les Rhi- zopodes. Il part d’un certain nombre de faits observés et cherche à montrer qu'il est possible « de rapporter « tous ces faits aux réactions, dans des conditions dé- « terminées, de substances chimiques déterminées ». La lumière, la chaleur, l'électricité, l'oxygène, les anesthésiques, certains composés chimiques modifient le mouvement des êtres unicellulaires, Dans les phénomènes d’addition, pour M. Le Dantec, ce qu'il importe de considérer, c'est la tension superfi- cielle au contact du protozoaire étudié et de l’eau qui le baigne. Chez les Rhizopodes réticulés, cette tension serait très faible,et les corps solides qui, par hasard, viennent au contact d’un pseudopode, sont englobés peu à peu. Chez les Rhizopodes lobés, la tension super- ficielle, au contact de l’eau, serait assez considérable, et les corps englobés ne seraient pas touchés par le protoplasme de l’amibe ; ils seraient dans une vacuole remplie d'eau. La forte pression qui existerait dans cette vacuole expliquerait les phénomènes rapides de 691 diffusion qui s’y passent et permettrait une transfor- mation chimique du corps envacuolé. Ce corps devient peu à peu assimilable au Rhizopode. Tout ce raisonne- ment suppose que les Rhizopodes ne choisissent pas leur nourriture. M. Le Dantec en a observé de semblables; mais chez beaucoup d’amibes, chez les leucocytes des Vertébrés, cette sélection existe. L'auteur aborde ensuite le rôle du noyau. Pour lui, ce noyau est une partie différentiée du reste du proto- plasme et séparée de lui par une certaine tension superficielle. Les expériences de merotomie si intéressantes de Balbiani, Bruno Hofer, Verworn, Le Dantec, ont permis de préciser le rôle important du noyau: les parties nucléées gardent seules le pouvoir d’assimiler, c’est-à- dire de faire que le protoplasme puisse rester sem- blable à lui-même. Les parties non nucléées présentent encore bien des propriétés du protoplasme, mais elles ne tardent pas à dégénérer. Le noyau agit donc pour maintenir la constance de composition du proto- plasme. Et cette notion conduit l'auteur à celle de la spécificité du protoplasme. Disons que ce petit livre, bien qu'écrit dans un but de vulgarisation, reste néanmoins marqué d’un cachet très personnel. Beaucoup de faits d'expérience ou d'observation sur lesquels l’auteur s’appuie, ont été établis par lui dans des mémoires tout récents; le chapitre de l’Addition, qui tient une grande place dans l'ouvrage, est surtout très personnel. D'autre part, le soin avec lequel il a défini tous les termes qu'il emploie, expliqué d’une facon simple et schématique toutes les lois physiques qu’il fait inter- venir, rend son livre accessible à tous ceux que les sciences biologiques intéressent et qui cherchent à préciser leurs connaissances sur la notion de la vie. F. MESNIL. 4° Sciences médicales. Séglas (D'J.).— Le Délire des Négations. — { vol. in-18° de 234 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonne, 3 fr.) G. Masson et Gauthier- Villars, éditeurs. Paris, 1896. Baillarger avait déjà signalé l'existence des idées de négation dans la paralysie générale (il regardait mêrae le délire hypocondriaque de non-existence des organes comme caractéristique de cette affection), mais c’est seulement à la suite des travaux de Cotard que l’attention des aliénistes s’est portée sur ce syn- drome qu’on rencontre au cours de plusieurs psychoses et particulièrement du délire mélancolique. Depuis 1880 les observations se sont multipliées, des polé- miques assez vives se sont engagées sur les conclu- sions que les auteurs avaient cru pouvoir tirer des faits qu'ils avaient recueillis; des essais d'interpréta- tion systématique ont été tentés; l'heure était venue de reprendre la question dans son ensemble, de faire le départ entre ce qui est définitivement acquis et ce qui repose sur des observations incomplètes et de trop hâtives sénéralisations, de rechercherenfin de ces phé- nomènes, dont l'histoire clinique est esquissée en ses grandes lignes, une explication psycho-physiologique ; c'est la tâche qu'a voulu accomplir M. Séglas, et, bien que l’on doive faire sur le bien-fondé de certaines de ses interprétations d'expresses réserves, on ne saurait méconnaitre qu'il a apporté dans l’étude de ce sujet difficile etueuf les mêmes qualités de clarté, de préci- sion et d'ordre dont il avait fait preuve dans la belle monographie qu'il consacrait récemment aux troubles du langage chez les aliénés !. La première chose à faire, c'était de définir nettement le sens de l’expres- sion « Délire des négations ». Un grand nombre des polémiques qui sont périodiquement soulevées dans le monde des aliénistes sont, il faut bien l'avouer, des RC 1 1892, Paris. Rueïf et Cie, in-16, 303 p. querelles de mots: on s’entendrait aisément d’'ordi- naire sur les faits eux-mêmes, on parviendrait même parfois à s'entendre sur les interprétations qu'il con- vient d’en donner; mais ce qui rend toute entente la- borieuse et précaire, c’est l'habitude, malheureuse et difficile à déraciner, de désigner par le même nom des affections différentes ou de donner à une même affec- tion des noms multiples qui s'appliquent en même temps à d’autres maladies. Aussi est-il à souhaiter que l'accord se fasse et que les définitions formulées par M. Séglas soient acceptées de tous ou telles autres que l’on voudra à leur défaut ; les dénominations n’ont ici, après tout, qu'une valeur arbitraire ; ce quiimporte, c’est que tout le monde entende la même chose par le même mot. M. Séglas propose d'appeler syndrome de Cotard ou délire des négations mélancolique ou délire des né- gations type Cotard le complexus symptomatique, où les idées de négation apparaissent comme l'aboutisse- ment de conceptions mélancoliques délirantes, qui puisent elles-mêmes leur origine dans l’état émotion- nel particulier aux malades de cette espèce. On pourra alors désigner par le nom de « folie des négations » les cas de mélancolie où se rencontrera ce syndrome, tandis que le terme de « délire des négations » s’appli- quera à tout ensemble systématique d'idées de néga- ton, quelle que soit la forme psychopathique où nous les rencontrions. Il faut enfin noter qu'en dehors des cas où les idées de négalion se présentent à nous groupées en un système, il en est d’autres où elles apparaissent isolées, diffuses, sans liens et presque in- cohérentes. M. Séglas a consacré à l'étude du délire des néga- tions mélancolique la première partie de son livre; c'en est, à vraidire, la partie essentielle et de beaucoup la plus intéressante. M. Séglas présente, en untableau d'ensemble, la symptomatologie complexe de l'affection qu'il étudie : idées denégation, idée d’'immortalité, délire d’énormité, idées de grandeur, idées délirantes mélan- coliques (incapacité, ruine, culpabilité, indignité, etc.), idées de possession et de dampation, troubles de la sensibilité, hallucinations, ce sont autant de mani- festations diverses de la maladie qu’il décrit succes- sivement. Il indiquealors lesréactions que provoquent, chez cette catégorie de malades, à la fois leur état émotionnel et les conceptions délirantes dont ils sont les sujets ; il retrace à grands traits l’évolution de cette entité morbide qu’il a désignée sous le nom de folie des négations; puis il s'attache à déterminer la genèse psychologique des phénomènes qu'il a décrits et les rapports de subordination qui les unissent les uns aux autres, et, après avoir passé en revue certaines formes frustes ou à évolution rapide, qui ne répondent qu'in- complètement au schéma clinique qu'il a tout d’abord tracé, et consacré quelques pages au diagnostic diffé- rentiel entre le délire mélancolique de négation et les autres types de délire de négation, il analyse certaines observations où les conceptions délirantes négatives se trouvent associées à de véritables idées de persécution etquiconstituent ainsi des formes de transition ou de pas- sage, Tout d’abord, ce qu'ilimporte de signaler, c’estque la couleur mélancolique du délire persiste pendantl'évo- lution tout entière de la maladie ; lorsqu'il apparaît des idées de grandeur, elles n’ont pas le caractère qu’elles présentent soit chez le délirant chronique ambitieux, soit chez le dégénéré mégalomane; elles n’entrainent pas un jugement favorable du malade sur sa personne, ni sur sa conduite. Il en arrive à se considérer comme un être d'exception, mais dontla misère seule ou la méchanceté est exceptionnelle et d’une incomparable grandeur. S'il se montre parfois des idées véritables de satisfaction, elles ont trait à l’ancienne per- sonnalité du malade, à une personnalité qui m'a plus de lien, à vrai dire, avec sa personnalité actuelle et qui constitue avec elle un frappant et douloureux con- traste ; c'est à ce moi d'autrefois qu'il attribue mille qualités dont il souffre cruellement d’être, dans le BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX jectives apparaissent presque en tous les cas et parfois malheur profond où il vit, si complètement dépourvu Ces idées de grandeur sont au reste rares et n’appas raissent qu’à une période très avancée de la maladie; alors qu’elle a pris un caractère chronique très nets Elles succèdent d'ordinaire à des idées pseudo-méga lomaniaques, dont l’ensemble constitue ce que Cotardi avait désigné du nom de délire d’énormité, et parm lesquelles la plus fréquente est l’idée d’immortalité: Elle a, semble-tl, son origine dans certaines idées d négation. Les malades croient qu'ils ne mourront pas, parce qu'ils n’ont plus d'organes, de chair, de sang, d'os, que déjà ils ne vivent plus au sens habituel du mot, Ces diverses conceptions délirantes coexisten avec les idées délirantes qu'on rencontre d'ordinaire chez les mélancoliques et qui, au reste, chez ces mas lades négateurs, les précèdent-toujours.Le délire mé lancolique lui-même n’est jamais un délire d'emblée: Ce qui est ici primitif, c’est l’état émotionnel, l’état de dépression ou d'anxiété, la douleur morale. La douleur préexiste aux idées délirantes ; ce sont d'inconscientes explications que se crée à lui-même le malade de l’état pénible et inaccoutumé où il se trouve; le délire est une conséquence et non une cause de l'état mélan: colique, Aussi ne faut-il pas s'étonner que le malade, déprimé par la douleur qu'il ressent et qui ne fait du reste que traduire dans sa conscience les troubles or- ganiques dont il est atteint, n'ait pas dans ses réactions la même énergie que le dégénéré chez lequel des idées de persécution apparaissent d'emblée, ni même que le délirant chronique dont les facultés intellec= tuelles n’ont pas subi la déchéance dont sont temporai= rementfrappées l’intellisence et lavolonté du mélanco= lique. Il est donc d'ordinaire résigné et passif et les idées mêmes de possession et de persécution dont il est fréquemment le sujet affectent chez lui un carac: tère tout différent que chez les autres malades. Il n’est pas à craindre que le persécuté mélancolique devienne jamais persécuteur ; il ne reud pasles autres respon- sables des souffrances qu'il endure, il les juge légi= times et y voit un châtiment de sa propre perversité: Cet état émotionnel pénible, qui est à la racine de tous les désordres intellectuels dont un mélancolique peut être le sujet et quivient colorer d’une teinte uniforme toutes ses conceptions délirantes, trouve lui-même son origine dans un ensemble de troubles organiques qui, en s'accentuant, donneront naissance à une période plus avancée de la maladie, aux idées de négation, Il semble, en effet, qu'à analyser de très près les faits réunis par M. Séglas lui-même, on en arrive à la con- clusion que les idées de négation qui apparaissent chez les mélancoliques ne sont pas, ainsi qu'il l’affirme à plusieurs reprises, sous la dépendance directe de leur état émotionnel, mais bien plutôt que ces idées de né= gation et les autres conceptions qui leur font cortège, résultent directement, comme l'état émotionnel lui- même, des troubles de la cénesthésie et des altérations consécutives de la personnalité; elles ne feraient alors qu'exprimer une aggravation de ces allérations et de ces troubles. La sensibilité à la douleur, les sensibilités. tactile, articulaire et musculaire sont également alté-= rées; la notion de la position des membres, de leur dimension, de la résistance des corps extérieurs est pro= fondément troublée, Des sensations douloureuses sub= de la névralgie générale; en même temps les sensa lions viscérales, dont l’ensemble forme la véritable base organique du moi, se modifient profondément et affectent d'ordinaire un caractère pénible. Les halluci= nations auditives et visuelles semblent avoir en ces formes psychopathiques un caractère secondaire et traduire au dehors pour le sujet, extérioriser ses con- ceptions délirantes: elles ne les font pas naïtre, elles les réalisent objectivement. IL faut noter aussi l’exis- tence d’hallucinations musculaires (sentiments de dé- placement, de chute, etc.) et celle d’hallucinations génitales. Parmi les hallucinations musculaires, il en est une catégorie à laquelle M. Séglas (qui a du reste LÉ BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX consacré à son étude plusieurs importants mémoires) assigne une importance toute spéciale, celle des « hal- lucinations verbales psycho-motrices ». C'est là un nom,à mon sens,fâcheux; il traduit,eneffet, des conceptions psycho-physiologiques inexactes et ar- riérées ou prête du moins à des équivoques qu'il serait utile d'éviter; toute représentation. en réalité, est mo- trice, psycho-motrice si l’on veut, initiatrice de mou- vements; les sensations et les images visuelles ou tac- tiles le sont au même degré que les sensations et les images musculaires; elles atteignent d'autre part les unes et les autres les centres cérébraux par voie centri- pète, elles sont les unes et les autres des processus affé- rents. Si l’on peut admettre l'existence d’un sentiment d’innervation centrale, de tension motrice, ilest certain, en revanche, en dépit des théories longtemps en vogue, que nous n'avons pas conscience de la décharge mo- trice et que nous ne connaissons les mouvements que nous accomplissons que par les sensations de divers ordres qu'ils provoquent. Mais si les hallucinations ne sont que la résurrection dans notre conscience de sen- sations passées, diversement groupées et combinées entre elles, si, identiques en nature aux sensations, elles sont liées comme elles au fonctionnement de cellules sensitives, il faut admettre que les hallucina- tions musculaires, qu'il s'agisse d’hallucinations loca- lisées dans la langue ou d'hallucinations localisées dans la main, sont, elles aussi, la réapparition dans le champ de la conscience d'images d’une certaine caté- gorie, qu'elles ne diffèrent pas en cela des hallucina- tions des sens spéciaux ou des hallucinations viscéräles et qu'elles ont même signification et mème portée. Elles sont excitatrices de mouvements, cela n’est pas douteux; mais, ce qui apparait en nous, c’est l’image des contractions musculaires effectuées : les hallucinations verbales sont au sens propre du mot des hallucinations, c'est-à-dire des sensations spontanément renaissantes, ce ne sont pas, ce que semblerait vouloir indiquer le nom qu'on leur à attaché, des hallucinations de ten- dances, si j'ose ainsi parler, la conscience d’une dé- charge motrice illusoire. La question sans doute serait demeurée claire pour tout le monde, si ces hallucinations verbales ne se compliquaient pas la plupart du temps d’impulsions verbales, qui aboutissent à des mouvements réels de la langue et souvent à des mots prononcés tout bas et parfois même à haute voix. Que se passe-til alors? Sim- plement, ce qui se passe à l’état normal, chez les gens du type moteur; l’image verbale d’articulation pro- voque l'apparition du geste vocal, ensemble de contrac- tions musculaires, que nous connaissons par voie centri- pète, comme la provoquerait une image tonale ou vi- suelle; en ce cas l’imageet la sensation musculaires se confondent presque en un seul état de conscience, et il nous semble connaître avant qu'il s'accomplisse le mouvement complexe que nous effectuons, Il en est de même chez l’halluciné, et, comme le complexus de représentations qui détermine chez lui ces gestes vo- caux involontaires est dissocié des autres représenta- tions qui forment le contenu de sa conscience, il a l'im- pression qu'on le fait parler; il sent qu'on fait malgré lui remuer sa langue, et non pas seulement sa lan- gue qui remue. Mais encore une fois, ce n'est pas là une catégorie spéciale de phénomènes et la seule difré- rence entre les images musculaires motrices et les autres images, motrices elles aussi, c’est que dans le premier cas la représentation excitatrice du mouve- ment et la sensation provoquée par le mouvement effectué sont identiques, tandis que dans le second elles appartiennent à des domaines sensoriels diffé- rents et ne peuvent, par conséquent, se fondre de la même manière en un seul état de conscience. Si j'insiste aussi longuement sur cette question en apparence secondaire dans le sujet qui nous occupe, cest que M. Séglas, en une autre partie de son livre, tente de caractériser le délire mélancolique, et en par- ticulier Le délire mélancolique des négations, en le qua- 693 lifiant de délire psycho-moteur. C’est là une expression ambiguë et dont le sens est fuyant; cette discussion sur la signification psychologique véritable des hallucina- tions motrices verbales nous permettra peut-être de la préciser, Avec grande raison, M. Séglas voit dans es troubles somatiques que présentent les mélancoliques au début de la maladie, dans l’état défectueux de leur nutrition et l'épuisement nerveux qu'on remarque chez eux, la cause initiale des altérations de leur sensibilité perceptive et affective, qui déterminent à leur tour ces désordres fonctionnels de leur intelligence, dont l’abou- tissement fréquent est la création de conceptions déli- rantes. Ces troubles ont de très étroites analogies, au début du moins, avec ceux de la neurasthénie. Ce sont les mêmes douleurs vagues, les mêmes sensations viscé- rales anormales, qui se traduisent dans la conscience en une impression confuse de malaise général et de gène indéterminée; ces malades ne se reconnaissent plus eux-mêmes, ils s’apparaissent à eux-mêmes diffé- rents de ce qu'ils étaient autrefois, ils sont comme dépaysés dans leur propre moi; il y a conflit et con- flit pénible entre le moi cénesthétique actuel et cet autre que constitue l’ensemble des images et des sou- venirs. Les centres nerveux, d’ailleurs, participent à la souffrance générale de tout l'organisme et les images anciennes subissent, elles aussi, comme les sensations actuelles de profonds changements; les malades voient les objets, les touchent, mais ne les reconnaissent plus qu'à demi, c'est qu'ils leur apportent des impressions nouvelles et qu’à leur tour ces sensations inaccoutumées n'évoquent plus que très imparfaitement les images, altérées elles aussi, qui étaient liées aux sensations d'autrefois. Ces troubles de la perception et de l’asso- ciation, ces altérations de la cénesthésie, s'accompa- gnent nécessairement d'émotions pénibles, qui se tra- duisent assez vite dans l'aspect du malade par des conceptions hypocondriaques. En mème temps l'exer- cice de la pensée, le raisonnement, l'attention devien- nent douloureux et difficiles en raison à la fois de l'instabilité, de la nouveauté, de l’incohérence entre elles et avec les images anciennes de ces nouvelles sensations, en raison aussi de la mauvaise nutrition des centres nerveux, et la conscience de cette impuis- sance croissante contribue à donner au mélancolique un sentiment plus aigu encore de sa déchéance. Ce sont ces troubles de l’idéation que M. Séglas qua- lifie de psycho-moteurs, parce que ce sont, dit-il, des modifications «des mouvements internes de la pensée », Il y a là un véritable abus de mots. Parce qu’on a com- paré le passage d’une pensée à une autre au passage d’un lieu à un autre, il ne s'ensuit pas qu'au sens précis et scientifique du terme, il y ait rien là qui ressemble à un mouvement. Les processus psy- chiques, sans doute, sont tous associés à des processus cérébraux, ou plutôt ils ne sont qu'un autre aspect de ces processus cérébraux, et les processus cérébraux, comme les autres processus biologiques, se peuvent réduire, probablement, à des systèmes complexes de phénomènes mécaniques; mais si c’est sous cet angle que M. Séglas nous convie à regarder les choses, il pourrait donner en toute certitude le nom de phénomènes psycho-moteurs à tous les raisonne- ments de l’arithmétique ou de l'algèbre. Il est vraisem- blable cependant que c'est en ce sens vraiment bien général qu'il faut entendre les expressions qu'emploie M. Séglas, car un peu plus loin il en arrive à écrire : « La douleur morale est absolument assimilable à la douleur physique, qui n’est, elle aussi, qu'un simple mode de mouvement.» Sentir n’est pas se mouvoir, qu’il s'agisse d'une piqûre d’aiguille oude la mort d’un être aimé, et ce n’est sans doute que l’étroite liaison qui existe entre l’activité des centres cérébraux et les phénomènes psychiques que M. Séglas a voulu mettre ici en lumière. Mais si c’est ainsi qu'il faut entendre l’ex- pression de « psycho-moteur » et, à vrai dire, dans le cas où l’emploie M. Séglas, il n’y a guère d'autre sens à lui attribuer, à moins que l’on n'y veuille voir une 69% simple métaphore, les renseignements qu’elle nous apporte sur la nature d'un délire sont pauvres, puis- qu'ils se réduisent à affirmer que cet état mental a, comme tous les autres états psychiques, certains phéno- mènes cérébraux pour antécédents nécessaires. Si on laisse de côté cette conception inutile et parasite du caractère psycho-moteur présenté par le délire mélancolique, il demeure des analyses de M. Sé- glas de très solides et très importants résultats; les causes à la fois sensitives et intellectuelles de la dou- leur profonde et inapaisable du mélancolique, sont nettement dégagées, et on comprend aisément alors comment l’aggravation des mêmes troubles organiques doit donner naissance à ces multiples altérations de la personnalité, qui apparaissentdans la mélancolie chro- nique. La rareté des hallucinations auditives et vi- suelles, la multiplicité au contraire des hallucinations viscérales, tactiles, musculaires, etc., expliquent le ca- ractère de ce délire où l’ esprit semble être replié sur lui-même et regarder en soi, fermé aux impressions du dehors. L’altention aux objets extérieurs devient en de telles conditions presque impossible, et c’est chose frappante. en effet, que la perpétuelle distraction du mélancolique. La conséquence, c’est qu’il connaît mal ce qui l'entoure, qu'il n’a plus des êtres et des objels au milieu desquels il vit que des notions incertaines et vagues et ce vague, cette incertitude même augmentent encore l’état d’appréhension et d’anxiété où il se trouve par instants plongé. La faiblesse et l’incohérence des images visuelles, l’altéralion des images musculaires font | pour ces malades les mouvements pénibles et lents, et ceux-là seuls continuent à s’accomplir aisément qu'un long usage a rendus automatiques. Si la faiblesse de la plupart des représentations à ici un rôle de première importance, l'intensité, l'énergie de certaines classes d'images contribue, elle aussi, à arrêter les processus normaux d'association et à maintenir l'esprit dans la perpétuelle et douloureuse contemplation des mèmes souffrances. Peu à peu, il se produit dans la conscience de ces malades uneespèce de monoïdéisme ; l'angoissante préoccupation qui les torture chasse de leur esprit toutes les autres images, toutes les autres idées, toutes les autres sensations; ilsen arrivent à une sorte d'extase, à cette stupeur, ” véritable hypertro- phie de l'attention, qui forme avec la stupidité de l'idiot, si semblable par certains côtés, un contraste psychique parfait. Et il semble que ce soit avec raison que M. Séglas, à la suite de Griesinger, voit dans celte morbide concentration de l'esprit l’une des origines des idées de négation. Des deux facteurs de notre personnalité : la mémoire, ensemble des souvenirs, et la cénesthésie, le premier demeure chez les mélancoliques relativement intact. Aussi peut-on comprendre facilement que lorsqu'une personnalité nouvelle se forme chez ces malades, leur ancien moi subsiste pourtant à côté d'elle, et c’est pour cela qu'ils ont l'impression de n'être plus eux-mêmes, d’avoir cessé d’être, de ne plus vivre et de durer cepen- dant. Leur personnalité ancienne ne demeure pas tou- jours assez intacte pour que, comme chez les possédés, le moi nouveau semble en changer et comme un in- trus ; mais du moins les souvenirs ne sont pas abolis à ce point qu'une personne nouvellese puisse substituer à l’ancienne sans ie nulle conscience ne se manifeste du changement. C’est là un aspect du sujet que M. Sé- glas à étudié avec ne grande sûreté d'analyse et son livre constitue à ce point de vue une très utile contri- bution à la psychologie, il peut prendre rang à côté des travaux classiques de Krishaber et de Taine sur la névropathie cérébro-cardiaque, L'auteur a consacré la seconde partie de son ouvrage à l'étude du délire de négation et des idées de négation en dehors de la mélancolie. Tout d’abord, il est des cas, rares il est vrai, où des troubles de la sensibilité, analogues à ceux qui servent d’origine et de point de départ au délire mélancolique, déterminent les mêmes BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX altérations de la conscience et de la personnalité, les mêmes idées systématiques de négation, mais sans faire apparaitre les réactions émotionnelles habituelles, c'est qu'un élément fait défaut, un élément essentiel à la zenèse de la mélancolie, la dépression organique, la faiblesse irritable du système nerveux. On a shnple- ment affaire ici à des malades chez lesquels les hallu- cinations de la cénesthésie tiennent la place prépondé- rante et qui présentent, en même temps que des anes- thésies de diverses natures et diversement localisées, des troubles marqués des processus d’association, Les sensations visuelles et auditives sont normales, l’atten- tion objective possible, la volonté demeure intacte; au lieu de la résignation du mélancolique, des réactions parfois fort énergiques, au lieu de son délire mono- tone et fixe, un délire actif, progressif et varié..…Les malades de cette catégorie, loin de s’accuser eux-mêmes de crimes imaginaires que leur font expier leurs souf- frances, attribuent les douleurs qui les assaillent à la méchanceté de leurs ennemis. Ces délires où les idées de persécution et de possession font cortège aux idées de négation et où manquent les émotions dépressives, caractéristiques de la mélancolie, constituent une tran- sition entre la folie des négations de Cotard et les idées systématisées de persécution des délirants chroniques et des dégénérés. Mais où le délire des négations apparaît Le plus net- tement et avec la symptomatologie la mieux définie en dehors du groupe des mélancoliques, c’est dans cette classe particulière de dégénérés que forment les hypo- condriaques. Les troubles de la cénesthésie sont ici encore à la racine même de l'affection, mais ils ne revètent pas le même aspect que chez les mélanco- liques. Cette sorte d’indifférence, d’anesthésie à la douleur physique qui est de règle chez le mélanco- lique, fait place à une sensibilité exaltée, exagérée, que tout heurte et fait souffrir; nulle dépression organique, nulle atonie du vouloir, les images ont conservé iu- tactes leur intensité, leur puissance motrice. Si l’on remarque d'ordinaire chez ces malades une extrême concentration d'esprit, ils ne sont pas fermés, tant s’en faut, aux impressions qui viennent du dehors; ils sont perpétuellement au contraire en éveil, en garde contre tout ce qui pourrait exciter encore les douleurs multiples et insaisissables qui les assiècent et les sup- plicient. Ils ressemblent bien davantage, à vraidire,aux perséculés négateurs qu'aux mélancoliques, mais il n'y achez eux ni les mêmes troubles des processus d'association, ni la même activité hallucinatoire. Chez les paralytiques généraux, les séniles, les in- dividus atteints de lésions cérébrales circonserites, on peut noter aussi la présence d’idées de négation, mais qui, en raison du caractère démentiel que pré- sentent les délires de ces diverses classes de malades, n'arrivent point à se systématiser, Elles sont particu- lièrement fréquentes dans la paralysie générale. Elles apparaissent aussi parfois dans les délires fébriles et l'alcoolisme ; elles sont habituelles dans la confusion mentale primitive, ce qui ne saurait étonnér, puisque le trait dominant de cette psychose aiguë, c'est une perturbation profonde de tous les processus d’associa- tion. Le malade, condamné à ne plus rien reconnaitre, est bientôt entrainé à nier l'identité, la réalité, l’exis- tence même des objets qui l'entourent et de sa propre personne, d'autant que ces troubles empêchent, en même temps que le rappel des perceptions anciennes, l'intelligence des sensations actuelles, tant périphé- riques que viscérales. Tel est, en ses traits essentiels, le livre de M. Séglas; nous espérons que les vives critiques auxquelles nous ont contraint les quelques vues psychologiques très contestables qui s’y sont glissées ne feront pas se mé- prendre sur l'opinion que nous a inspirée, comme elle l'inspirera à tous ceux qui la liront, cette originale, ulile et pénétrante monographie. L. MARILLIER, "7 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 695 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE EX DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 6 Juillet 1896. M. Christie est élu Correspondant dans la Section d’Astronomie en remplacement de M. Hind, décédé. 10 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Gill présente cinq photographies de la région entourant » d’Argus, faites avec des poses variant de 6 minutes à vingt- quatre heures; la dernière montre plus de 400, 000 étoiles. UM: 7. Boussinesq donne les lois générales du régime uniforme dans les lits à grande section. — M. A. Korkine discute les résultats obtenus. par M. Painlevé dans sa précédente note sur les équations différentielles ordinaires du premier ordre. — M. Vé- nukoff donne la valeur des attractions locales observées en divers points de l’Europe Orientale, 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Marcellin Langlois envoie un mémoire sur une nouvelle théorie de la Capillarité. — M. E. H. Amagat a vérifié d’une facon très ingénieuse et avec une assez grande rigueur la loi des états correspondants de Van ‘der Wals. Cette loi peut se traduire ainsi : Si les réseaux d’isothermes de deux substances quelconques ont été construits à une même échelle (les constantes critiques étant prises pour unités), les deux réseaux devront pouvoir coin- cider. M. Amagat a gravé sur verre les réseaux de deux substances (éthylène et acide carbonique) et a projeté le premier.sur le second en lumière parallèle, de facon à le ramener à la même échelle; la coïnci- dence des traits est presque parfaite, et la loi se trouve vérifiée. — M. Gouy a repris ses expériences sur la réfraction et la diffraction des rayons X en essayant de les rendre plus précises; les écarts produits par la réfraction ne dépassent pas quelques microns et sont de l’ordre des erreurs admissibles; l'indice n excède 1 1.000.000 fraction; si elle existe, la longueur d’onde des rayons X est considérablement plus petite que 0,005. — MM. Jean et Louis Lecarme se proposent d'étudier la combinaison des mouvements pendulaires par le procédé suivant : deux pendules oscillent dans deux plans différents; l'un à une longueur fixe, l’autre une lougueur variable: le premier porte une plaque de verre enfumée, l’autre un style d'acier inscrivant son mouvement sur cette glace; on obtient ainsi des courbes analogues à celle de Lissajous. — M. C. De- charme à déterminé la hauteur des sons rendus par des tiges cylindriques entaillées vibrant transversale- ment; lorsque les entailles sont faites du milieu de la tige en allant vers les extrémités, le son baisse rapide- ment, à mesure que les entailles augmentent, passe par un minimum et remonte légèrement; quand les entailles sont faites en allant des extrémités vers le milieu, le son monte, passe par un maximum, redes- cend, passe par un minimum et remonte à la même hauteur que dans l’autre cas. — M. H. Moissan à obtenu le tungstène pur au four électrique en rédui- sant l’acide tungstique par le charbon au-dessous du point de fusion du métal. Si le charbon est en excès ou si on dépasse le point de fusion du tungstène, on obtient un carbure défini CTu?. Le tungstène pur peut se limer, se forger, se cémenter; il n’agit pas sur l'aiguille aimantée. — M. H. Moissan à reconnu que, de même que le platine, le rhodium, le palladium et l'iridium dissolvent le carbone avec facilité à la tem- pérature du four électrique, l’abandonnent avant leur solidification sous forme de graphite, mais ne s’y com- l'unité de moins de de même pour la dif- binent pas et ne forment pas de carbures. Tous ces graphites sont foisonnants. — M. R. Colson à constaté que, si une plaque de zinc décapée est mise en con- tact à l'obscurité avec une plaque sensible au gélatino- bromure, le développement fait apparaître une teinte d'un gris foncé sur la surface de contact. M. Colson conclut de l'étude de ce phénomène qu'il y a produc- tion de vapeurs de zinc qui amorcent probablement la réduction du bromure d'argent, complétée ensuite par le révélateur. — M. V. Thomas a fait réagirle peroxyde d’azote sur le trichlorure d’antimoine fondu; il n’y a pas de combinaison, mais simple dissolution; à mesure que le chlorure se solidifie, le peroxyde d'azote se dégage. — M. A. Mourlot a fondu au four électrique les sulfures de plomb, d'antimoine, de zinc et de cadmium et les a obtenus cristallisés par refroidisse- ment; soumis à une température plus élevée, les deux premiers de ces sulfures se décomposent en donnant du métal pur sans formation de sous-sulfure. — M. Ch. Moureu a fait la synthèse de deux isomères de l’anéthol ou parapropénylanisol, les dérivés ortho et méta, en faisant réagir à chaud Fantianue pro- pionique et le propionate de soude Sur l’anhydride Dee ou meta-méthoxybenzoïque. — En faisant réagir chlorure d’éthyloxalyle sur le naphtalène en pré- ne de chlorure d'aluminium, M. L. Rousset a obtenu l'acide «-naphtyl- glyoxylique, dont il étudie les dérivés. — M. Christomanos a trouvé à la sur- face de la calamine du Laurium un sédiment pulvéru- lent, en grains très fins, de couleur orange; cette poudre est du sulfure de cadmium presque pur, donc de la greenockite, mais elle est tout à fait amorphe. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Albert Gaudry présente son ouvrage : Essai de Paléontologie philosophique, et en expose {es idées générales, — M. A. d'Arsonval décrit un nouveau dispositif simple et pratique pour produire d’une facon continue les courants à haute fréquence et étudier commodément leur action physio- logique, Il à vérifié de nouveau, en placant les ani- maux en expérience sur une balance enregistrante qui indique leur diminution de poids, que les cambus- tions organiques s’exagèrent sous l'influence des cou- rants à haute fréquence. — M. A. d’Arsonval a soumis à l'influence des courants de haute fréquence des personnes atteintes de maladies dites par ralentisse- ment de la nutrition (diabète sucré, obésité, etc.). Les résultats sont très encourageants, Chez les diabé- tiques, la quantité de sucre a considérablement di- minué, tandis que la toxicité urinaire a augmenté. — MM. Bosc et Vedel ont recherché expérimentalement les effets des injections intra-veineuses massives des solutions salines simples ou composées. La valeur phy OA de la solution saline composée (NaCI, SO, etc.) n’est pas supérieure à celle de la solu- tion salée Se par suite, la solution salée simple à 7°, de NaCl est suffisante et paraît la plus con- venable pour les injections intra-veineuses. — M. Le- cercle a observé que l'évaporisation cutanée, admise comme nulle, jusqu'à présent, chez le lapin, est, au contraire, assez abondante pour le train postérieur débarrassé de poils; Ja pilocarpine à une influence variable sur cette évaporation suivant les animaux. — M. A. Gruvel signale quelques points intéressants de son étude histologique sur les muscles des Cirrhi- pèdes. — MM. Frêche et L. Beille signalent la pré- sence accidentelle chez l'homme d’un pan appar- tenant à l’ordre des Thysanoures. — M. A. Delebecque explique, d’après certaines expériences de M. Schlæ- sing, comment certains lacs ne possèdent pas de 696 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ravins sous-lacustres. Dans les lacs dont la teneur en bases alcalino-terreuses descend au-dessous de 0 gr. 06 par litre, la précipitation des alluvions argi- leuses apportées par les affluents ne se fait qu'avec une extrème lenteur et sur toute l’étendue du bassin; il ne peut donc se former de ravins sous-lacustres dans ces lacs. — M. E. Belloc décrit un nouveau sondeur portatif à fil d'acier. Séance du 13 Juillet 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Boussinesq donne les lois du régime uniforme dans les canaux rectan- gulaires larges et dans les tuyaux ou canaux à section circulaire ou demi-circulaire. — M. P. Painlevé éta- blit de nouveaux résultats relatifs aux équations dif- férentielles du premier ordre et répond aux remarques de M. Korkine. — M. G.-A. Miller rectilie une note de M. Levavasseur sur les groupes de substitutions et établit, en outre, la formule qui donne le nombre de groupes de substitutions (transitifs et intransitifs) dont l’ordre est le produit de deux nombres premiers p et q (p> q).— M. J. Hadamard établit, par une autre démonstration plus rigoureuse, les résultats qu'il a déjà énoncés sur la fonction £ (s). — MM. Edmond et Maurice Fouché montrent qu'étant donné un système matériel sur lequel n’agit aucune force extérieure, en mouvement autour de son centre de gravité, ce mou- vement s’effectuant d'abord comme si le système était solide, on peut, par un cycle d'opérations fermé, c'est-à- dire en ramenant finalement le système à sa force primitive, et en ne faisant intervenir que des forces intérieures au système, arriver à faire prendre à l'axe de rotation du système une position relative qu'il n'au- rait jamais pu prendre si le système était demeuré invariable. — M. L. Lecornu établit les formules de l’é- quilibre d’élasticité d’un corps tournant et en fait une application aux meules cylindriques. — M. L. Gar- dère adresse un mémoire intilulé : « Navigation aé- rienne. Aviation. Machine volante. » 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E.-H. Amagat s'est servi de la coïncidence des réseaux, qui lui a permis de vérifier la loi de Van der Wals, pour déterminer les constantes critiques d’une des substances, celles de l’autre étant connues. An moyen des mêmes réseaux, il a aussi vérifié la loi de Young d’après laquelle, à D v dés températures correspondantes, le quotient 7 est le même pour tous les corps. — M. C. Raveau indique un autre moyen de vérifier le théorème des élals cor- respondants. Au lieu de prendre pour coordonnées d’un point p v et p comme le fait M. Amagat, on porte sur les axes les logarithmes de ces quantités; on pas- sera d’un point au point correspondant en augmentant son abscisse et son ordonnée de deux constantes (au lieu de les multiplier par deux facteurs constants), c’est-à-dire qu'on passera d’une courbe à la corres- pondante par une simple translation. Si donc le théo- rème de Van der Wals est vrai, les réseaux des diffé- rents corps seront superposables, — M. Marcellin Langlois adresse un mémoire intitulé : « Nouvelle théorie capillaire. Tensions superficielles. Volumes moléculaires. Congélation. » — M. G. Vert commu- nique un mode de représentation graphique des ondes lamineuses, — M. A. Broca a réalisé un galvanomètre absolument astatique et de grande sensibilité par l'emploi des équipages à aiguilles verticales, ces ai- guilles ayant en leur milieu un point conséquent. — M. Ernest Moussard indique un procédé pour photo- graphier en creux les objets en relief et vice versa. — M. A. Graby adresse un mémoire intitulé : « Fixage des photographies en couleur sur papier. » —M.H. Pal- lat a observé des effets analogues à ceux signalés récemment par M. Colson. Un barreau d'acier, placé sur une plaque sensible, mais séparé d’elle par une carte de visite, l’a impressionné dans l’ebscurité. Ces effets sont dus soit à l'émission de vapeurs par le métal, soit à l'émission de radiations invisibles, analogues à celles produite par l'uranium. — M. E. Villari étudie la décharge des corps électrisés par les rayons X. La décharge du conducteur se ralentit lorsqu'on diminue la surface de conducteur isolé en le recouvrant en partie ou en totalité avec de la paraffine ou lorsqu'on l'entoure d’un tube de paraffine ou de métal isolé; l'électricité de la décharge se transporte sur ces tu- bes, qui jouent alors l’office de condensateurs. — M. E. Villari étudie l’action des tubes et des disques métalliques sur les rayons X: d’après ses expériences, il lui semble que les rayons X agissent non seulement du côté de leur direction, mais aussi latéralement. — M. H. Gautier, par l'étude des courbes de fusibilité de différents alliages, a cherché à obtenir des rensei- gnements précis sur la composition chimique de ces alliages. Les courbes de fusibilité des alliages étain- nickel, étain-aluminium, aluminium-argent, anti- moine-aluminium, font prévoir l'existence de com- binaisons définies de formules NiëSn?, SnAl ou Sn#AP, Ag?Al et SbAI. — Dans le but de confirmer les expé- riences de Moissan sur la fabrication du diamant, M. Rossel a recherché si certains aciers très durs, produits à haute température et refroidis sous haute pression, ne contenaient pas de diamants microsco- piques. Il a en effet trouvé des résidus cristallisés en octaèdres réguliers d’une dimension de 15 microns, inattaquables à tous les agents chimiques, et brûlant dans l'oxygène en donnant de l’acide carbonique. — M. R. Vigouroux étudie l’action du silicium sur les métaux; ceux-ci peuvent être divisés en deux groupes : 1° Les uns (métaux alcalins, Zn, Pb, Sn, Sb, Bi, Au, Ag) dissolvent plus ou moins le silicium et l’abandonnent ensuite sous forme de cristaux; les autres (Fe, Cr, Ni, Co, Mn, Cu, Pt,) s'unissent directement avec lui pour former des siliciures parfaitement cristallisés, dont quelques-uns dissolvent le silicium.— M. Raoul Varet termine ses études sur les cyanures doubles. Les sels doubles que forment les cyanures métalliques propre- ment dits avec les cyanures alcalins et alcalino-terreux ont sensiblement même chaleur de formation dans l’état dissous, lorsque l’on considère un même groupe de sels. Ils ne sont pas dissociables par la dialyse. Ces caractères permettent de les considérer comme des dérivés d'acides complexes qui n’existent pas à l’état libre, ou sont tout au moins très instables, comme l'acide argentocyanhydrique. — M. Marcel Delépine a constaté qu'à haute température et en tubes scellés l’eau réagit sur l’aldéhyde formique suivant les deux équations suivantes : 2CH20 + H?0 = CH?20? + CHi0 3CH?20 + H?0 — CO? + 2CHi0 Il est possible que des réactions semblables se pas- sent physiologiquement à la température ordinaire dans les végétaux, ce qui permettrait d'expliquer plu- sieurs points obscurs des réactions chimiques des plantes. — M. E. Charon a obtenu, en réduisant l'al- déhyde crotonique par le couple zinc-cuivre, deux corps, l'alcool crotonylique CH#— CH — CH — CH?.0H et un slycol diéthylénique, pinacone de l’aldéhyde crotonique : CH3—CH—CH—CH.0H—CH.O0H—CH=—CH.CHS. — M. Henriet donne un procédé de dosage rapide de l'acide carbonique dans l'air et les milieux confinés. Il consiste à absorber par la potasse l’acide carbonique contenu dans un volume connu d'air, et à titrer l'acide carbonique par l'acide sulfurique et la phénolphtaléire avant et après l'absorption; la différence donne la quantité d'acide carbonique absorbé. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Ch. Henry adresse un mémoire sur une méthode nouvelle de détermination des distances respectives des centres de localisations cérébrales. — M. Ch. Rouget a constaté l'existence de terminaisons des nerfs sensitifs musculaires appli- quées sur les faisceaux striés, mais extérieures au sar- colemme, tandis que les terminaisons motrices déjà ' ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES connues sont en contact immédiat avec la substance contractile; ces nerfs complètent le cycle nerveux hypothétique de Ch. Bell. — M. E. Solvay adresse une lettre sur le rôle du circuit électroneuro-musculaire; d'après lui, la totalité de l'énergie produite par les oxydations intersticielles ne passe pas sous forme d'é- lectricité dans les nerfs, car ceux-ci seraient le siège de courants décelables par l'exploration téléphonique, ce, qui n’a pas été confirmé. — M. Lecercle montre que la galvanisation augmente l'évaporation cutanée chez le lapin, — M.le D' R. Vigouroux envoie une note sur le traitement des maladies par ralentissement de la nutrition par les courants de haute fréquence; il fait remarquer que l'électricité statique lui a donné de bons résultats dans le traitement de ces maladies. — M. Bouffé adresse une note sur les résultats fournis par l’orchitine, en injections graduées, dans le trai- tement de la lèpre. — M. Balland a constaté que le poids du gluten dans les farines des divers passages n'est pas en rapport constant avec leur teneur en azote total. Le dosage du gluten, qui fournit de précieuses indications sur la qualité d’une farine, est, dès lors, insuffisant pour permettre d'apprécier comparativement les matières azotées contenues dans les farines, et, par suite, leur valeur nutritive. — MM. Chartron et Welsch indiquent la succession des faunes du Lias supérieur et du Bajocien dans les environs de Lucon (Vendée). — MM. A. Lacroix et Sol décrivent au point de vue miné- ralogique de remarquables cristaux de topaze, prove- nant du district de Batang-Padang, dans le royaume de Pérak. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 21 Juillet 1896. M. P. Reclus analyse un mémoire du D' Legrain (de Bougie) sur la fréquence du sarcome en Algérie et sa guérison par les empiriques indigènes. L'auteur si- gnale trois cas, qu'il a eu l’occasion d'étudier et de contrôler, de guérison de sarcomes par application du goudron arabe. M. Reclus croit àune guérison effective, mais pense que l’auteur a pu confondre des sarcomes cutanés avec des tuberculoses cutanées. Il serait dési- rable que de nouveaux cas fussent examinés avecsoin. — M. Empis lit le rapport sur les travaux adressés à l’Académie pour le prix Daudet. — M. Duguet signale un cas d’actinomycose bucco-faciale, d'origine récente, observé chez un homme jeune chez lequel le champi- gnon actinomycique a pénétré vraisemblablemeñt à la faveur d’une dent cariée, sans que son métier de blan- chisseur l'y exposàt plus particulièrement qu'un autre. La guérison, obtenue en quatre mois, a été singulière- ment favorisée par l’adjonction, au traitement par liodure de potassium pris à l’intérieur, de quelques injections de teinture diode du Codex dans les trajets fistuleux et dans les tissus malades. — M.Lancereaux signale un certain nombre de cas d'intoxication consé- cutive à l'emploi de larsenic et met en évidence les inconvénients sérieux de ce médicament. Les accidents toxiques auxquels il donne naissance simulent des af- fections de la moelle épinière, ou encore des maladies fébriles, et le diagnostic en est des plus difficiles. Ce n'est pas à dire qu'il faille renoncer à tout emploi thé- rapeutique de l’arsenic, mais ce poison doit être pres- crit avec la plus grande prudence, et seulement par faibles doses, chez les jeunes gens surtout. — M. Ch. A. François-Frank présente un travail sur la défense de l'organisme contre les variations anormales de la pression artérielle. Il examine : 1° lesconductions pro- ductrices de l’exagération anormale de la pression ar- térielle par influence nerveuse et les influences qui entrent automatiquement en jeu pour ramener cette pression à sa valeur physiologique ; 2° les conditions multiples qui provoquent la chute excessive de la pression dans les artères et les moyens dont on dispose pour combattre cette dépression (en particulier les in- 697 jections salines). — M. le D° Clozier (de Beauvais) lit un mémoire sur la toxhémie des gastro-entéropathes. — M. leD' Barré communique quatre observations de guérison par désintoxication du sang. Séance du 28 Juillet 1896. M. Ch. Perrier analyse un mémoire du D' Mouchet (de Sens) concernant l’élongation des nerfs dans les paralysies post-traumatiques. Il croit que les bons ef- fets attribués par l’auteur à l’élongation proviennent en partie du fait même de la libération du nerf et de ses branches sans élongation. — M. Ch. Monod ap- puie cette manière de voir. — Zambaco-Pacha pré- sente un long travail sur l’ainhum et conclut que cette affection ne constitue pas une entité morbide distincte, mais bien une simple modalité de la léprose. — M.S. Pozzi signale une observation de pseudoherma- phrodite androgynoïde; il s’agit d'une femme ayant de chaque côté un testicule, un épididyme (ou trompe?) kystique et-une corne utérine rudimentaire à gauche formant hernie dans le canal inguinal; cette hernie fut curée radicalement. L'auteur donne l'examen mi- croscopique des pièces enlevées. — M. le D: Moty donne lecture d’une note sur la maladie de Fauchard. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 11 Juillet 1896, M. Kauffmann a constaté que, pendant la fièvre, les phénomènes chimiques intra-organiques sont exagérés, mais non modifiés ; ces phénomènes varient d'intensité suivant les organes; la température générale du corps ne peut donc donner aucune indication précise sur leur intensité, — MM. Ramond et Picou ont étudié les changements de position de la rate qui se produisent lorsque les organes voisins varient de volume; à cet effet, ils enfoncaient dans la rate une forte aiguille aimantée dont ils suivaient, du dehors, les mouve- ments au moyen d'une boussole, — M. P. Carnot, se basant sur le fait que la gélatine augmente la coagu- labilité du sang, a utilisé des solutions à » ou 10 °/ de gélatine pour arrêter des hémorrhagies et a obtenu de bons résultats. — MM. Carvalho et Athanasiu ont observé que l'injection de peptone dans la Iymphe s'accompagne des mêmes phénomènes que l'injec- tion dans le sang. — M. Charrin signale chez l'homme plusieurs infections dues au bacille pyocyanique, entre autres une masiite chronique, avec écoulement de pus bleu.— M.A.-M. Bloch présente un perfectionnement de son sphygmomètre. — M. d'Arsonval indique de nouveaux dispositifs permettant de rendre indéniable l’atténuation des toxines par les courants à haute fréquence. — MM. Bose et Vedel envoient une note relative à l’action des injections intra-veineuses d’eau et de sérum artificiel. — M. Trouessart décrit une variété de sarcoptes ne produisant pas de galle. Séance du 18 Juillet 1896. M. Heymans (de Gand) injecte à des lapins 6 mil- ligrammes d’un poison très violent, le dinitrile malo- nique ; lorsque les accidents toxiques se sont déclarés, il parvient à arrêter l’empoisonnement par l'injection d'hyposulfite de soude; ce corps est un véritable anti- dote, car il détruit le composé cyanhydrique et le remplace par un composé sulfuré. — MM. Gley et Camus ont remarqué que le sperme du cobaye après éjaculation se prend en masse; le sperme est formé de deux parties, le liquide des vésicules séminales et le liquide prostatique ; c'est ce dernier qui produit la coagulation en agissant comme ferment, — M. Gley. en injectant chez les chiens de la peptone dans le sang, a observé que la mort survenait pour une injec- tion de0,50 centigr. par kilog. d'animal; le sang se coa- gulait dans les vaisseaux. — MM. Charrin et Desgrez ont étudié l'influence sur les animaux des injections de solutions minéralisées. = M. A. Claisse a constalé que la leucocytose, qui augmente très rapidement chez 698 LÉ ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES les sujets infectés, baisse immédiatement après qu'on a pratiqué des injections massives. — MM. Remlinger et Schneider ont constaté, par la méthode d'Elsner, la présence du bacille d'Eberth dans un grand nombre d'échantillons d'eaux, de sols, de matières fécales ; Jexistence du bacille d'Eberth dans l'intestin d'indi- vidus sains est un puissant argument en faveur de l’auto-infection de la fièvre iyphoïde, défendue par MM. Arnould et Kelsch. — MM. Bourquelot et Ber- trand ont retiré des champignons qui noircissent à l'air une substance chromogène, la thyrosine, et un ferment oxydant qui produit le noircissement, la thyrosinase. — M. Abelous envoie une note sur les fonctions du thymus; son ablation provoque, chez la grenouille, des troubles dynamiques et trophiques, des altérations du sang et un changement de coloration de la peau. — M. Mislawsky expose des recherches sur les lésions consécutives à l’ablation des ganglions ciliaires, — M. Féré a trouvé que les substances téra- togènes produisent, non seulement des difformités, mais aussi un retard de développement. M. P. Weiss est élu membre de la Société. Séance du 25 Juillet 1896. MM. P. Claisse et O. Josué déduisent de leurs expériences sur les animaux que la présence d’an- thracose, chez un sujet qui n’est pas particulièrement exposé aux poussières de charbon, n'est pas un fait physiologique, mais l'indice d’un état pathologique ; d'autre part, l'anthracose existant chez un sujet exempt d'autre tare pathologique a peu d'influence sur le développement des états morbides. — M. Ré- non a étudié le mécanisme de l'infection dans le premier stade de l’aspergillose expérimentale; ses recherches mettent hors de doute l’action de la leu- cocytose au début de l'infection : elle est plus ou moins intense chez les divers animaux. — MM. Phisalix et Bertrand ont étudié l’action venimeuse du sang de cobra chauffé à diverses températures; le venin de cobra résiste beaucoup plus que celui de la vipère à l'action de la chaleur. — M. Critzman a observé la manière dont se comportent les réilexes cutanés dans la neurasthénie héréditaire; le réflexe crémastérien est aboli; le réflexe bulbo-caverneux est profondé- ment modifié. — M. Remlinger présente un lapin qui a été inoculé avec une culture de pneumocoque stéri- lisé par le chloroforme; il présente une atrophie com- plète des muscles des membres antérieurs, due pro- bablement à une myélite. — M. Déjerine donne le résultat de l’autopsie d’un tabétique qui présentait de l’ophthalmoplégie externe et une paralysie laryngée. — M. Lamy étudie les iésions des centres nerveux consécutives aux injections intra-vasculaires de subs- tances pulvérulentes chez le chien. — M. Hallion décrit l'influence des injections intra-veineuses de chlorure de sodium sur la constitution de l'urine. — M. Nicolas envoie une note sur l’action du sérum de mouton contre le bacille de Lôffler et le coli-bacille. (La Société entre en vacances jusqu'en Novembre.) SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 17 Juin 1896. M. Guinchant expose quelques considérations sur les différentes méthodes physiques qui permettent de rechercher si les acides méthéniques A—CH?—A: et méthiniques A—CHY (A, A, A’, élant des radicaux A" acides oxygénés), possèdent à l’état liquide la constitu- tion des cétones —C—CH< ou des phénols —C0—C< (E) OH Deux méthodes ont déjà été appliquées : le pouvoir rota- toire magnétique eM par M. Perkin et le pouvoir réfrin- gent RM par M. Brühl. Ce sont, en somme, deux rela- tions différentes entre l'indice et la constitution, . 2 (n? — 1 puisque 9 — TT — (formule de H. Becquerel), et cependant les résultats auxquels elles ont conduit ne sont pas absolument identiques. M. Guinchant applique aux mêmes composés l’élégante relation établie par M. Traube entre la densité et la constitution. Cette méthode conduit encore à des résultats souvent diffé- rents des précédents: l’éther acétylacétique serait hydroxylé, l’'éther acétylmalonique serait cétonique, Enfin, M. Guinchant expose le résultat de ses recher- ches expérimentales par deux autres méthodes : la cryoscopie dans la benzine et la chaleur de combus- tion, La cryoscopie dans la benzine des éthers acétyl- cyanacétiques, qui sont cependant des acides forts, n'a jamais donné les anomalies qui caractérisent les composés hydroxylés. Les acides méthéniques plus faibles, déjà étudiés par M. Auvwers, se comportaient également comme de véritables cétones. Les chaleurs de combustion mesurées par l’auteur pour un grand nombre de ces dérivés sont également celles que lon pouvait prévoir pour de véritables composés cyanés ou cétoniques. En calculant, d’après les observations de M. Berthelot, la chaleur de formation des composés hydroxylés, on trouve qu’elle serait inférieure d’en- viron 20° C. à celle des isomères cétoniques; ceux-ci seraient donc plus stables : c’est une démonstration de l1 règle d'Erlenmeyer. L'acétylacétone, seule, a une cha- leur de formation bien supérieure à celle que l’on peut attendre d'un composé cétonique; l'écart est donc en sens inverse de celui prévu par la formule phénolique. De ce désaccord entre les conclusions auxquelles on est amené par différentes méthodes physiques, en con- servant aux coefficients leurs valeurs normales, M. Guin- chant conclut qu'au point de vue physique, pas plus qu’au point de vue chimique, il n’est légitime d’ad- mettre que ces corps possèdent les propriétés géné- rales qui caractérisent soit les cétones, soit les com- posés hydroxylés. Un fait purement qualitatif per- mettrait de décider de la constitution de ces corps à l'état liquide ou dissous : l'existence de pouvoir rota- toire dans les dérivés méthéniques qui possèdent trois radicaux différents. L'auteur se propose de faire la synthèse de quelques-uns de ces composés à partir de dérivés actifs. — MM. Guntz et Férée ont analysé les M amalgames de baryum et de lithium. L’amalgame de baryum cristallisé, qu’on obtient en chauffant l’amal-. game obtenu par expression dans une peau de cha- mois, à pour formule Hg!'6Ba. Trouvé : Ba = 4,03 et 4,29: théorie,4,10°/,. Lorsqu'on comprime cet amalgame à la pression de 200 kilos par 5 cm*, il perd du mercure et donne un nouveau composé défini ayant pour formule HglBa. Trouvé : Ba — 5,63 et 5,43; théorie, 5,431): L'amalsame de lithium obtenu par électrolyse d'une solution concentrée de lithine est solide, très pauvre en lithium; il répond à la formule HgLi. Trouvé, Li — 0,695; théorie, 0,696 °/,. — M. Minguin prépare de l’isobornéol gauche en partant du mélange de bor- néols (5) !. Il prépare le dérivé sodé de ce mélange, transforme celui-ci en bornéocarbonate d'après la mé- thode de Baubigny, et.fractionne les dépôts qu'aban- donne la solution aqueuse. Après soixante-six heures, on obtient du bornéol de pouvoir rotatoire —33°,9, Cette manière d'opérer a l'avantage d’utiliser les bor- néols qu’on met de côté dans la préparation de l’ins- table —34°. De plus, le rendementest supérieur à celui que l'on obtient en partant du camphre, et d'autant : ; de plus grand que le pouvoir rotatoire du mélange « 6 est plus gauche. Le pouvoir rotatoire —3%°, limite qu'on n'a jamais pu dépasser, semble être le pouvoir rota- toire véritable de 6. 1 Notation de M. Haller. (Diclionn. de Wurtz-Friedel, 2e sup- plément, t. I, 856.) ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÈTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Communications récentes. M. Appleyard : Sur les diélectriques. L'auteur a étu- dié l'influence de la température sur la résistance des » diélectriques. Il a employé à cet effet des condensa- teurs isolés avec du mica ou du papier paraffiné. Pour éviter tout effet de perte par les surfaces, il a employé dans toutes les expériences la disposition de l'anneau de garde de Price. L'auteur trouve que la capacité d'un condensateur à lame de parafline varie irrégu- lièrement avec la température, mais qu'au degré de précision dont est susceptible l'instrument ({ pour°/,) la capacité d’un condensateur en mica est constante entre 330 F. et 110° F. (entre 0°,6 Centigr. et 44,7). Si la résistance de la paraffine à la température t est re- présenté par R = Rat, la valeur moyenne de log. 4, déduite de toutes les mesures de l’auteur, est 1,9634#. Desexpériences faites avec un condensateur à plateaux parallèles, à isolant de paraffine, montrent que quand la température arrive à environ 20° du point de fusion, la résistance diminue rapidement; quand la fusion commence, il ya une chute brusque, mais, pendant que la fusion continue, la résistance reste constante. — M. V. Jones : « Champ magnétique dû à un courant elliptique en un point du plan de l’ellipse et à son in- térieur. » De ce mémoire, d'ordre surtout mathéma- tique, il résulte qu'il ya lieu d’apporter une correc- tion aux résultats de M. Jones sur la détermination de la valeur absolue d’une résistance; et ainsi l'ohm international se trouve plus voisin de l’ohm vrai. L'ohm déduit des nombres rectifiés de M. Jones, serait la ré- sistance d’une colonne de mercure de 106,302, — M. Campbell : « Nouveaux instruments pour la me- sure directe de la fréquence ou de l'alternance de cou- rants électriques périodiques. » L'un des dispositifs consiste en un fil d'acier dont la tension est ré- glable, l'autre en un ressort d'acier de longueur va- riable fixé à un bout, et sur lesquels agit un électro- aimant actionné par le courant périodique. La ten- sion ou la longueur, suivant l'instrument employé, se règlent jusqu'à ce qu'on ait obtenu la résonance maxi- mum. L'instrument est capable de mesurer la fréquence de courants périodiques ayant de 49 à 150 vibrations doubles par seconde. Cefte communication donne lieu à diverses observations sur l'emploi du téléphone et les autres procédés qui permettent de mesurer la fré- quence. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications récentes. MM. W. H. Symons et F. R. Stephens décrivent un nouveau procédé d'analyse volumétrique de l'acide carbonique contenu dans l'air; cet acide est absorbé au moyen d'un mélange d’une solution de soude et de chlorure de baryum. Ils donnent ensuite la description de l’appareil et quelques-uns des résultats. — M.R.F. d'Arcy : Sur l’état des substances dissoutes dans des so- lutions de sulfate de sodium. — M. A. G. Perkin con- tinue ses travaux sur la lutéoline dont il à fait le dé- rivé triéthylique C'#HT06 (OCH°)#, qu'il a converti ensuite en dérivé monoacétylé. Chauffé à 130-140° avec de la potasse alcoolique, l’éthertriéthylique de la lutéo- line donne un éther diéthylique de l'acide protocaté- chique. Examinant ensuite la formule, il compare la constitution de la lutéoline à celle de la fisétine et de la quercétine. Cette dernière serait probablement une hydroxylutéoline qui aurait pour formule : 0 oH /X , OH nee Jon ot CÜ M. Hermann Bablich et A.G@. Perkin publient leurs 699 recherches sur la morine retirée de la Morus tincloriu. Ils lui attribuent la formule C5H!"07 et décrivent les principaux dérivés bromés et sulfonés ainsi que les éthers éthyliques et méthyliques. La constitution de la morine se rapproche beaucoup de celle de la quercé- tine. La quercétine fondue avec un alcali donne du phloroglycol et de l’acide protocatéchique ;la morine du phloroglycol et de l'acide g résorcylique. — MM. Francis R. Japp F.R. S. et Druce Lander étu- dient les dérivés de l’anhydroacétonebenzyle et de ses homologues, notamment la diphénylhydroxycyclopen- ténone : CG6H5 :C———CH | No). C5H5.C(OH)CH:/ l'acide diphényldihydroxyglutarique, l'acide isocinna- mènylmandélique, l'acide désylacétique, la diphényl- cyclopenténone, le diphényleyclopentane : C6H°.CH.CH= Ncx2 C5H5.CH.CH? — Dans une deuxième communication, les mêmes au- teurs examinent les produits résultant de la condensa- tion du benzyle avec l'acide acétonedicarboxylique ; ces deux corps chauffés avec de la potasse alcoolique diluée se condensent suivant l'équation: CiH5.CO CH2COOH CéH.C C—C00H Le À = SRE los f) CéH5.C0 Co CeHe C(OH).CHa/ C0 C0 HO CH?COOH et donnent l’acide anhydracétonebenzylearboxylique. — Les mêmes auteurs étudient ensuite la réduction de l'acide désyléneacétique qui produit l'acide désylacé- tique, puis ils exposent leurs vues sur la constitution de l’acide pyroamarique de Zinnin. — MM. James Walker ei James Henderson : Electrolyse de dalloé- thylcamphorate de potassium. — M. R. Hodgkinson : Sur le flucrène et l’acénaphtène. MM. Frederick D. Chattaway et R.C.T. Evans relatent leurs essais relatifs à la synthèse du diphé- nylbenzène C6H#* (C6H5), dont deux isomères sont connus sur trois prévus par la théorie; ils ont obtenu les composés ortho et méta. Ce dernier a été préparé en partant en métadichlorobenzène. — M. F.-Stanley Kipping a étudié les dérivés de l'acide camphorique, et plus spécialement l’anhydride trans-r-camphani- que C20H% 07, la trans-r-camphanamide C?H1#02C0A7H?, le cis-r-camphanate de méthyle, l'acide w-acétoxy-cis-x- camphanique C!0H1#05 (OAc), l’anhydride +-acétoxy- camphorique C'2H1605 et les anhydrides cis et h'ans- camphotricarboxylique. —M.William-Jackson Pope : Sur quelques substances douées de l’activité optique à l’état liquide et à l’état cristallin, L'auteur a trouvé que l'acide eis-x-camphanique possède, à l’état cris- tallin, un pouvoir rotatoire de même signe qu’à l’état amorphe ou de solution. — M. John.-E. Mackenzie a préparé le diméthoxydiphénylméthane en faisant réagir le méthylate de sodium sur le chlorure de benzo- phénone. La réaction a lieu suivant l’équation : (CSH5)2CCL2Z-L2Na0 CH3—(CSH5)2C(OCH2)2+2Na 01. mème le diéthoxydiphénylméthane (CGH°Ÿ C(OC2H5)? et le dibenzoxydiphénylméthane (Cé H5)?C (OCTHTZ. — M. W.-H. Perkin F. R. S. ex- pose ses recherches sur le pouvoir rotatoire magné- tique des composés aromatiques; il décrit l’appareil dont il s’est servi pour effectuer ses mesures à des températures voisines de 1009. L’abaissement du pou- voir rotatoire, dû à l'élévation de température, est très faible et varie suivant les différentes substances. L’au- teur étudie plus spécialement les éthers sels; les dérivés benzéniques des acides gras, les phénols, les hydrocarbures, etc. Suivant les classes de subs- tances, il existe une grande différence dans le pou- IL a obtenu de 100 CORRESPONDANCE voir rotatoire des composés gras et de leurs dérivés aromatiques. L'introduction d'un noyau aromatique produit un grand changement dans le pouvoir rota- toire. Dans beaucoup de cas, les corps agissent comme s'ils étaient réellement formés de deux molécules, l’une appartenant à la série grasse, l’autre à la série aromatique. Ce phénomène se remarque plus particu- lièrement dans le cas des substances qui renferment un groupe carbonyle reliant le noyau à la chaine grasse. Des résultats obtenus, il résulte qu'on ne peut attribuer aucune valeur fixe à l'introduction d’un groupe phénylique dans les hydrocarbures ou autres composés aromatiques; il en est de même pour les autres groupes associés directement à un noyau benzé- nique. Ainsi le groupe AzH?, entrant dans une paraf- fine, élève son pouvoir rotatoire de 0°.971; dans le benzène, de 4,792, et dans la naphtaline, de 129,353 pour la position a. L'auteur pense que ces grands changements dans le pouvoir rotatoire ne sont pas sim- plement dus à la composition chimique des molécules, mais tiennent surtout à leur nature physique, que l’on ne connaît pas encore, CORRESPONDANCE SUR L'ETAT ALLOTROPIQUE DES GAZ ÉLEMENTAIRES Monsieur le Directeur, Dans une note, communiquée à la Société royale des Sciences de Prague le 9 décembre 1891, j'ai montré que les corps simples dont les propriétés chimiques se rapprochent beaucoup, et les corps simples polymor- phiques (tels que le carbone, le bore, le silicium, le phosphore, l’arsenic, le soufre, le sélénium, l'or, etc.) Jouissent de cette propriété que les produits de leur chaleur spécifique par leur densité sont constants il cifiques C, calculées à l’aide de la moyenne des va- leurs de « et de la densité observée par la formule : (2) GC et enfin la différence ce — C, des chaleurs spécifiques calculée et observée. On voit qu'en appliquant aux gaz élémentaires la TABLEAU I CORPS SIMPLES c d « C5 | ce —C ——————— ——— — | — 4. Carbone. C,, (diamant).....10,1128 3,470 |0,391% |0,1018)-+-0, 0110 Cg (graphite) ....10,1604 |2,060 |0,3304 |0,1717|—0,0107 Cy (anthracite)... |0,2415 |1,400 |0,3381 |0,2523|—0, 0108 0,3533 —0,0035 REA oyenne moyenne 9, Bore. B,, (cristallisé)...10,1960 12,69 0,5272 10, 1969/—0,0009 Bg, (amorphe,pur)|0,2171 |2,45 0,5319 |0,2161|+0,0005 0, 5296 —0Ù, 0002 3. Phosphore. Ph,, (cristallin)...10,18177 11,826 |0,5428 |0,1912,—0; 0035 Phg (amorphe)...[0,1698 [2,100 |0,3556 [0,1663|+0, 0035 0, 3492 0,0000 4. Sélénium. Se,, (vitreux)....… 0,07468 4,30 0,3211 10,076! —0, 001% Sep (métallique)..|0,07446/4,48 |0,3336 |0,0731/0,001# ; 3273 0, 0000 CORPS SIMPLES c d a mm | me | ms 5. Soufre. S,, (octaëdrique)..[0,20259/2,070 [0,4194 |0,2006, +0, 0020 Sg (prismatique).|0,20680!1,970 |0,4074 |0,2108|—0, 0040 Sy (amorphe)....10,23400/1,794 |0,4191 |0,2319|+0,0021 0,4153 0, 0000 6. Oxygène (air = 1). O,, (oxygène) ....10,21751]1,0533 |10,2291 ,0,2229}—0,005# O8 (ozone) 2er 0,14501/1,6580 |[0,240% |0,1416|—0, 003% 0,2348 —0,0010 1. Asole. A7, (azote) ...... 0,24380,0,9730 9,+-0, 0009 Azg (argon)...... 0.17066|1,3800 2|—0,000 0,2364 +0, 0002 $S. Hydrogène. H,, (hydrogène)..13,4090 10,0692510,2361 [3,050] +0, 0040 He (hélium) ....… 17045 |0,1390 |0,2369 |1,7015|+0, 0030 0,2365 +0, 0035 pour chaque groupe ou pour les différents états allotro- piques de la même substance polymorphique. Cette loi, que j'appelle la loi de condensation de la matière, s'exprime donc par la formule : : c d (£ cd = a ou = re V4 € d Le tableau ci-joint donne les valeurs de €, d, a, pour s éléments chimiques polymorphes,les chaleurs spé- € Il porÿ ) même loi qu'aux corps simples solides, on obtient la même constance du produit : ed = a, et qu'il en ré- sulte que les deux gaz nouveaux découverts par lord Rayleigh et le P' W, Ramsay, l’argon et l'hélium, sont des états allotropiques de l'azote et de l'hydrogène, comme l'ozone est une modification de l'oxygène. Veuillez agréer, etc. Ch.-V. ZENGER, Directeur de l'Observatoire de Prague . Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. 7° ANNÉE N° 16 30 AOUT 1896 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS 621,19 LA SURCHAUFFE DE LA VAPEUR \S\wass © OLIVIER CA DANS L'INDUSTRIE On pourrait croire que tout a été dit sur la sur- chauffe de la vapeur, et que la parole est mainte- | nant uniquement à l'expérience. Et pourtant les revues techniques ne considèrent pas que le sujet soit épuisé, puisqu'elles reviennent fréquemment sur une discussion ouverte il y a plus de quarante ans par Ilirn; d'autre part, les juges compétents ne se sont pas encore mis d'accord dans leur appré- cialion de l'utilité de la surchauffe. Qu’on nous permetle donc de présenter quelques considé- ralions critiques empruntées à la théorie et à la pratique, qui pourraient contribuer à dégager le problème des nombreuses inconnues qu'il com- porte et, par suite, à en hâter la solution. Nous chercherons d’abord à établir nettement par la théorie le rôle de la surchauffe, puis nous ferons une sorte d'enquête sur les résultats pra- tiques qu'elle a donnés jusqu'ici: nous discuterons enfin la manière dont il convient de l'appliquer. I. — LA THÉORIE. C’est Hirn qui a donné la loi simple du fonction- nement économique de la machine à vapeur; pour en améliorer le rendement, il faut, par-dessus tout, supprimer les condensations intérieures pro- duites au contact des parois du cylindre. L'eau dans le cylindre, voilà l'ennemi; l'empêcher d'y entrer ou de s'y former, Lel est le but à atteindre. Admise sèche, la vapeur devrait êlre encore sèche à la fin de la course motrice du piston, quelle REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, que füt la détente subie : la perle au condenseur, qui est la plus grave, serait ainsi réduite au mini- mum. Toute la théorie du maitre se résume en ce peu de mots. MM. Hallauer, Leloutre, Dwelshauvers-Dery, Cotterill, Bryan-Donkin, Thurston, Ledieu, Le- doux, et tant d’autres, ses collaborateurs de la première heure et ses plus illustres disciples, ont admirablement développé et vulgarisé la thèse, qui est classique aujourd'hui et ne trouve plus guère de contradicteurs. Or, trois moyens cherché : 1° On peut alimenter le cylindre de vapeur qui soit non seulement sèche, mais surchauffée au degré nécessaire pour que la détente ne produise aucune condensation. 2° On peut entourer le cylindre d’une enveloppe de vapeur qui élève le métal à la température voulue pour que son contact ne donne lieu à au- cune liquéfaction à l'admission, qui maintienne cette température tout le long de la course motrice, et fournisse même à la vapeur détendue le calo- rique dont elle a besoin pour conserver son litre. 3° On peut effectuer la détente dans des cylindres successifs, disposés en cascade, de telle sorte que la chute de température dans chacun d’eux ne soit qu'une fraction de la chute totale; dans ces con- ditions, les différences de température entre la vapeur et le métal sont réduites, et l’action nui- 16 conduisent au résultat 702 A. WITZ — LA SURCHAUFFE DE LA VAPEUR DANS L'INDUSTRIE sible de la paroi est conjurée dans une mesure déterminée. Le premier de ces procédés est immédiat el complet; avec une vapeur suflisamment sur- chauflée, il ne se produira aucune condensation sur le métal, la vapeur sera encore sèche après sa détente, etpartantlerefroidissementau condenseur sera négligeable. Pas n’est besoin, dans ce cas, de réchauffer le métal, ni de scinder la détente entre plusieurs cylindres. Le second etle troisième moyen sont d’ingénieux palliatifs d'une situalion à laquelle il faut absolu- ment porter remède, dans les machines monocylin- driques; l'efficacité de ces moyens n’est pas dou- teuse, et l'application en est, d’ailleurs, relative- ment aisée. On peut les combiner parce qu’ils se complètent l’un l’autre; c’est ainsi que, dans la plu- partdescas,onarrive à corriger,parlasuperposilion de leurs effets, les imperfections de leur applica- tion. On a donc pu trouver avantageux de pourvoir d’enveloppes les parois latérales et les fonds des deux cylindres d’une compound, voire même les trois cylindres d’une machine à triple expansion, et d’en réchauffer les réservoirs intermédiaires, quand on admettait de la vapeur trop humide, ou bien quand les enveloppes élaient mal condition- nées ou mal alimentées, ou enfin quand il existait dans ces moteurs une source de condensations intérieures. Toutefois, on peut discuter l'opportunité d'un système complet d’enveloppes dans les machines à multiple expansion; avec de la vapeur réelle- ment sèche à l'admission, dans des machines à allure tcès rapide, sans détente exagérée, bien pro- tégées contre le refroidissement, l'enveloppe des cylindres fait réaliser une assez faible économie, et le réchauffage du receiver à la vapeur peut quelque- fois même devenir inutile. C'était le cas d’une com- pound Dujardin, de 600 chevaux, essayée par nous en 1893, qui consommait 5 kil. 985 de vapeur sous une pression de 6 kil. 28 quand on ne chauf- fait pas le receiver, et 6 kil. 407 quand toutes les enveloppes étaient alimentées; l'enveloppe de ce réservoir intermédiaire était done une superfé- lation; cet organe faisait payer trop cher les faibles services qu'il rendait, attendu quel'essai a démontré qu'il s’y condensail 8 °/, de vapeur, alors qu'on ne gagnait sur le piston que 6,5 °/,. M. Gyssling, direc- teur de l'Association bavaroise des propriétaires d'appareils à vapeur, à oblenu un résultat ana- logue avec une compound de 750 chevaux du lype Sulzer, laquelle a donné un meilleur rendement théorique quand on ne recevait point de vapeur dans les enveloppes du grand cylindre et du re- ceiver. Il n’en sera évidemment pas ainsi dans n'im porte quelle machine compound, nous nous em- pressons de le déclarer; mais les faits que nous venons de signaler démontrent au moins que la superposition des enveloppes et de la multiple expansion peut quelquefois être inutile dans cer- taines bonnes machines, qui n’en ont pas besoin !. À fortiori, la surchauffe de la vapeur sera-l-elle peu profitable dans un moteur bien compoundé, pourvu des enveloppes dont il a besoin, eflicace- ment protégé contre le refroidissement externe, marchant à une allure rapide, et développant le travail pour lequel il a élé calculé. Alimentez ce moteur de vapeur réellement sèche, au titre 1, à son entrée au petit cylindre, et vous réaliserez les plus beaux rendements thermiques qu'on puisse obtenir; nous le démontrerons tout à l'heure par les faits, mais nous tenions à établir d’abord cette proposition par les arguments de Hirn. La réciproque est vraie, également : si une ma- chine compound, pourvue d’enveloppes de vapeur, donne plus d'économie quand elle est alimentée de vapeur surchauffée, c'est que cette machine n'était. pas établie dans les conditions les plus parfaites, ou bien l'essai comparatif, sur lequel on se base pour établir le bénéfice dû à la surchauffe, n’a pas été fait avec de la vapeur réellement sèche. En résumé, le procédé consistant à surchauffer la vapeur avant son introduclion au cylindre est théoriquement le plus rationnel, parce qu’il sup- prime la cause des condensations au lieu d'en corriger les effets; la surchauffe se suflit à elle- même, et elle assure par elle seule les meilleures conditions économiques de marche.Les enveloppes et la multiple expansion constituent d’autres moyens d'arriver au même résultat; en les com- binant, on peut aussi obtenir d'excellents rende- ments sans surchauffe. La surchauffe, d’une part, les enveloppes jointes au compoundage, d'autre part, sont, par conséquent, des procédés logiques; mais nous n’en dirons pas autant du principe d’ac- cumuler à la fois sur un même moteur tous ces moyens d'action. Ainsi opérerait un médecin, qui administrerait à ses malades tous les remèdes dont ildispose, afin d'être sûr de guérir tous leurs maux; elle existait autrefois, celte panacée universelle : les hommes de l’art la préparaient en associant, dans une même préparation, les drogues les plus variées du Codex, et ils l'appelaient la thériaque; la Chériaque est abandonnée aujourd'hui, car elle a cessé de guérir. Il serait regrettable qu’on y revint en machine à vapeur. Il — LES Farrs. Lisez, dans les meilleurs livres, traités et cours écrits ou professés sur la machine à vapeur, le DR ES MR Se 1 Voyez à ce sujet A. Wzrz : Les chemises de vapeur dans les machines Compound. Revue gén. des Sc.,t. IV, p.223 à 227, LÉ Cr at do A. WITZ — LA SURCHAUFFE DE LA VAPEUR DANS L'INDUSTRIE chapitre relatif à la surchauffe ; vous ÿ apprendrez qu'en 1856 Hirn a obtenu des économies de 20, 31 et 47 °/, avec des surchauffes de 50, 65 et 85°; qu'il a repris ces essais en 1873 et 1875, et qu'il a constaté des économies de 20 et 22°/, ; que, depuis lors, les meilleurs expérimentaleurs ont continué ces observalions, qu'ils ont encore relevé tant pour cent d'économie; ete., etc. Tous les auteurs con- cluent de ces citations en faveur de la surchauffe ; mais ils sont d'accord aussi pour gémir sur les difficultés de l'appliquer et pour prêcher la modération : ne dépassez pas 220°, dit l’un; allez hardiment à 250°, dit un autre; mais le même au- teur traite d'audacieux l'ingénieur qui oserait dépasser 260°, parce qu'à cette lempérature les surchauffeurs se brülent, les joints se détériorent, les bourrages se consument, les huiles de grais- sage se décomposent, etc. Tous d’ajouter que c’est vraiment grand dommage, car la surchauffe ferait merveille. Telle est la conclusion stéréotypée des articles consacrés à la surchauffe. N'y aurait-il pas dans ce cliché plusieurs aperçus dont on pourrait, sans inconvénient, modifier la forme dans les éditions de l'avenir? Et d’abord, pourquoi revenir, toujours et si lon- guement,surlaconstatation, dûment vérifiée et bien établie, de l'amélioration du rendement thermique résultant de l'emploi de la surchauffe? Ce fait est acquis. Il s'agirait maintenant d'en découvrir d’autres. En 1855, c'était faire preuve d'un grand esprit que de ramener l'attention des ingénieurs sur la surchauffe, de poser le principe des avan- _ tages qu'elle procure, d'en édifier la théorie et de démontrer expérimentalement qu'on réalise ainsi des économies de 10, 20, voire même 47 °/, si l’on veut. Mais aujourd'hui, en 1896, alors que des enveloppes de vapeur entourent tous les cylindres, et que la multiple expansion est appliquée à tous les puissants moteurs, alors que, par suite, la consommation des machines a été grandement diminuée, la question se présente différemment. Il serait intéressant de savoir si la surchauffe isolée donne d'aussi bons ou de meilleurs résultats que ceux que l’on obtient par des compound ou des triplex bien étudiées, correctement enveloppées et alimentées de vapeur réellement sèche. Si la réponse de l'enquête était affirmative, on revien- drait sans doute à la Corliss monocylindrique, à grande vitesse, à longue détente et sans enve- loppe; au cas contraire, on ferait de la quadruple expansion, comme dans la marine. Il est possible qu'une surchauffe très légère, ne créant pas d’em- barras et ne coûtant presque rien, soit la solution de l'avenir : on la superposerait donc au compoun- dage et à l'emploi des enveloppes à circulation active; mais on découvrira peut-être que la sur- 703 chauffe est facile jusqu'à 300°, et, alors, le génie des inventeurs créera des appareils qui ne brüûle- ront pas, des joints qui resteront élanches, des bourrages métalliques qui ne se consumeront pas, et des huiles qui ne se décomposeront pas. Tout cela est-il un rêve? Mais qu’on le démontre, et la question sera tranchée. Au lieu de cela, les défenseurs de la surchauffe s'obstinent à nous répéter que telle machine a consommé tant de kilos de vapeur de moins quand on l’alimentait de vapeur surchauffée : or ils omettent le plus souvent de s'assurer que la vapeur saturée, admise dans l’essai de comparai- son, était sèche, el cette omission enlève à leur constatation d'économie toute sa portée. Que si- gnifie d’ailleurs cette économie? Une machine peut réaliser 20 pourcent d'économie sursa marche antérieure et ne pas être brillante; le chiffre ab- solu de sa consommation est au contraire très si- gnificatif. En effet, ce qu’il importe de savoir, c'est le nombre de calories transformées par cheval- heure; on comparera ce nombre à celui qui res- sort des meilleurs essais effectués sur les ma- chines les plus parfaites, alimentées de vapeur sa- turée et sèche, et nous verrons s’il est recomman- dable de compliquer nos générateurs d'appareils ordinairement coùteux et toujoursdifficiles à con- duire!. Établissons par des exemples la consommation actuelle d'unebonne machine à vapeur, de quelques centaines de chevaux de puissance, alimentée de vapeur saturée, sèche, sanssurchauffe. Les chiffres du tableau I (page 704) sont empruntés à des pro- cès-verbaux signés, présentant, par suite, le ca- ractère d'authenticité désirable pour baser un ju- gement motivé ; nous y avons condensé les don- nées les plus importantes de l'essai, n'omettant qu'une chose, le nom du constructeur; nos lec- teurs comprendront que nous ne prenions pas le droit de faire de cette comparaison un élément de réclame pour personne. Les consommations indiquées au tableau com- prennent les poids de vapeur condensés dans les enveloppes des cylindres et des receivers : celte remarque esttoujours de la plus haute importance et elle prend, dans l'espèce, une valeur plus grande enccre. Or, maintenant 1 Les industriels trouvent même que ce nombre de calo- ries, compté d'après la consommation de vapeur, ne les instruit pas encore suflisamment, car la dépense de combus- tible peut ne pas diminuer parallèlement avec la dépense de vapeur, surtout quand on se sert de surchaufleurs séparés. M. Walther Meunier a observé qu’une augmentation de 2,43 pour cent de consommation de charbon, accompagnait une réduction de 7,38 pour cent deconsommation de vapeur, dans une certaine machine de 700 chevaux. Un tel résultat ne fait nullement l'affaire de celui qui paie les wagons de charbon. voici un second tableau 704 A. WITZ — LA SURCHAUFFE DE LA VAPEUR DANS L’INDUSTRIE (tableau II) dans lequel nous rapprochons les meilleurs résultats obtenus en surchauffant la vapeur : c’est aux remarquables et judicieux essais de M. Walther-Meunier que nous devons la plupart des chiffres réunis ici. Nous avons calculé les calories transformées par cheval-heure indiqué en tenant compte de la sur- chauffe : on a pris le nombre de 0,485 pour valeur de la chaleur spécifique moyenne de la vapeur, à pression constante. Pour avoir le nombre de calo- riescorrespondant au kilo de vapeur surchauffée,il a donc fallu ajouter aux calories de la vapeursaturée, le produit de 0,485 par le nombre de degrés de TABLEAU I.— Consommation sans surchauffe. 0 à à ! en RTE D P Si! mn n sl a B Sa al Mr a | EN. Joe Ve D B| nu [us |Sie Salt) tn DE LA Éno| 48% Ë Sue mi 2oË | na |[ 350 | 64, 39 | 6, 28 |560, 25 | 6, 067 |3986, 08 | 50, 425 TEpler cr mee 1890 | 1057" Schrôter } 5 150 1, 401 | 66, 47 | 10, 12 |609, 5 | 5, 66 |3753, 99 120, | { 52, 50 Mriples 2e 1" 1891) /5n31m Ses Nan IE sl 4, 350 | 64, 47 | 5, 80 1277, 4 5, 61 |3522, 20 0, 00 | loppes efficaces et fonctionnant dans de bonnes conditions : par exemple, une bonne triplexnede- mande que 3.522 calories par cheval-heure indi- qué sans surchauffe, et l’on n’a pas encore obtenu mieux avec des triplex alimentées de vapeur sur- chauffée. On y arrivera peut-être, mais aucun résultat de ce genre n’aélé publié au jour présent. Les partisans de la surchauffe m'arrétent ici et ils me disent, en me montrant du doigt la dernière colonne du second tableau : « Et pour- tant, nous avons obtenu 7,38 pour cent d'écono- mie ! » — Je le reconnais, mais la triplex à la- quelle vous vous comparez consommait plus de surchauffe : c’est ainsi que nous avons calculé le nombre de calories utilisées par cheval-heure in- diqué, nombre qu’on voit dans l’avant-dernière colonne. C’est sur cette colonne que doit se porter l'attention du lecteur : la dernière colonne n'est là que pour mémoire, car elle a, en réalité, une assez minime importance. Que voyons-nous dans ces Fe Comparons les calories au prix desquels est ob- tenu le cheval-heure indiqué sans surchauffe de la vapeur ou bien avec surchauffe ? L'ordre des cita- tions est le même dans les deux tableaux, pour la plus grande facilité du parallèle ; les monocylin- driques sont en tête, les compound viennent en second et les triplex les suivent. Or, la différence n’est pas appréciable. La théorie est donc confir- mée par les faits, et nous constatons qu'il n'y a pas d'avantage réel jusqu'ici à alimenter de vapeur surchauffée des moteurs excellents, munis d’enve- 3.800 calories ; faites un essai de surchauffe sur une bonne tbe consommant 3.522 calories en vapeur saturée, et nous verrons le résultat. On conclura peut-être de ce qui précède que ce- lui qui écrit ces lignes est un adversaire de la surchauffe : ce serait une déduction erronée de son argumentation, car il n’a voulu prouver qu’une seule chose, à savoir que l’on a tort d’em- barrasser des impedimenta de la surchauffe des \ machines bien conçues, bien exécutées, bien con- duites et pourvues de tout ce qui peut supprimer les condensations intérieures : ces machines n'en ont pas besoin. C'est une question d'application et d’opporlu- nité qui ne diminue en rien la valeur intrinsèque de la surchauffe. La surchauffe est, au contraire, un moyen sûr et excellent de réaliser l'idéal de Hirn, et de sup- primer complètement les condensalions contre les 0 ‘O0r | 8e ‘L 6 ‘égge | où ‘g | #7 ‘oz LH 6 ‘cz | eg ‘sr lc OL | 007 CT VA | d0qoA\ 39 SIMPOT | metulp | g6gr |" ee xaçdu, 0 ‘Ly | 0 ‘O&r | & SI + ‘go9e | 0 ‘c YG (IE j 9 ‘608 9 ‘€9r ‘g &9 ‘49 0€ ‘7 0 ‘08 JOUE MN lu Gtut | TEST | ESS xoTdtu G ‘eg LO ‘G0ï 18 ‘0 y (geste | € ‘9 LG ‘886 &L 0 ‘688 8 ‘99 ‘9 0 ‘99 0€ ‘7 Suyss{r) MO FUOE I |ENERS Pl MAR MERRETTES *:*punodwo 49 ‘L9 0 ‘Or ds G ‘692Y | 90 ‘9 90 ‘OLL 007 L ‘98 Y ‘cor ‘G ‘Y9 008 ‘5 JOTUNOJY-LOUITE AN — CRT | AT AsssEur *:‘punoduwo 0 ‘OL }) 6 ‘08 8 “cs6r | 1 ‘L € ‘08 02 8EG ÿ “L9T ‘9 — — UTAUN] = a 10e ce J'TH TD ALE punodwo9 2 Ge 0 “6C0S ge ‘y cg ‘0YE dé 66} 10 47 COL 000 ë (l 0 SI | dorunarr-19u11 A | meOutt | veer |: . ss. 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Nous allons en donner deux preuves péremptoires. C’est dans cette Revue même ! que, l'an dernier, nous avons rapporté les admirables résultats éco- nomiques obtenus par Schmidt avec une petite machine de 60 chevaux, qui ne consomme, d'après A. Schrôter, que 4 k. 55 de vapeur à 11 k. 9 de pression, surchauffée à 344° à son entrée au cylin- dre : cela fail. 3.397 calories par cheval-heure in- diqué. On peut formuler des réserves sur l'avenir de cette machine, en critiquer laconstruction, énu- mérer les aléas qu’elle comporte, douter de sa vita- lilé, mais il n’en reste pas moins acquis pour nous que ce moteur de 60 chevaux ne consomme pas plus que les plus belles machines de 700 et de 1.000 chevaux. Voici un autre triomphe de la surchauffe : il est inédit. Soumettant, il y a quelques semaines, à une série d'essais un moteur de tramway, nous avons relevé des chiffres de consommation de vapeur réellement remarquables. Il s'agissait d'une toute petile machine sans condensation construite par MM. Buffaud et Robatell, appartenant au genre compound, dont les cylindres avaient 8 et 14 cen- timètres de diamètre et 0 m. 09 de course: elle était à changement de marche par coulisse et n'avait d'autre prétention que de tolérer une très grande vitesse et d'être fort maniable. Mais la vapeur lui était fournie par un générateur Serpollet dans un état de surchauffe tel que la vapeur d'échappement conservail encore 18 à 20 degrés de surchauffe. Le mercure bouillait dans les tubes destinés à rece- voir les thermomètres servant à mesurer la tem- pérature de la vapeur à l'entrée du cylindre : elle était donc surchauffée à plus de 36%, Nous extrayons de notre carnet d'expériences les chiffres qui suivent : 3 heures 309,7 ( 5,16 chev, Consommation par cheval-heure effectif... 6 k. 88 Calories {correspondantes 022. Ce Remarquons qu'il s'agit ici d’un petit moteur de six chevaux marchant sans condensation, dont la consommation est rapportée au cheval-heure effectif : ce moteur a la moindre part aux beaux ré- sullats oblenus, qui sont dus entièrement à la sur- chauffe. Le pelit moteur des tramways Serpollet l Revue Générale des Sciences pures et appliquées, N° du 30 juillet 4895, page 613. A. WITZ — LA SURCHAUFFE DE LA VAPEUR DANS L’INDUSTRIE détient ainsi, de par la surchauffe de la vapeur qu'il recoit, le record tant disputé des machines à va peur de faible puissance, et ces 5.148 calories par cheval-heure effectif, sans condensation, consti= tuentle plus puissantargument en faveur dela su! chauffe. III. — L’APPLICATION. Les faits confirment donc la théorie et démon trent que la surchauffe de la vapeur se suffit à elle même pour assurer les plus beaux rendements“ quand on s'impose, au contraire, de ne faire qu’uné surchauffe modérée, équivalant tout au plus à une dessiccation de la vapeur, et qu’on l'applique à des machines, d'ailleurs excellentes, à multiple expan sion, bien enveloppées, habilement conduites, of peut arriver à améliorer leur rendement, mais on n’abaisse pas leur consommalion au-dessous de celle d'autres bonnes machines sans surchauffe @ alimentées de vapeur sèche. Nous conclurons, par conséquent, de ce qui pré cède que la surchauffe est utile et efficace dans les machines qui en ont besoin, mais que, dans les ma: chines armées par ailleurs contre les condensations internes, un simple dessécheur de vapeur donnera les résultats du meilleur surchaufleur: ce n'es alors pas la peine de s'imposer les frais d’établis sement, la conduite, la surveillance et l’entretier d’un appareil coûteux, assez délicat et quelquefois dangereux. Ces réserves faites, nous préconisons la su chauffe, plutôt comme un admirable procédé d'avenir que comme un moyen immédiatemen applicable. Quelques études praliques sont encore à faire. Et d’abord, il faudra déterminer avec soin le de: gré de surchauffe à atteindre pour qu'elle produise des effets suffisants, sans compromettre la marche et la durée des moteurs : suffit-il de 100° de sur= chauffe ou bien faut-il monter à 150°? La vapeur peut-elle recevoir une température de 260° sans inconvénient? Certes, la question a déjà été posée depuis fort longtemps, etla solution est entrevues mais nous croyons qu'on a exagéré l'argument de la décomposition des huiles et de la combustior des bourrages. Les moteurs Schmidt marchen! sans accident; nos essais sur le moteur de tram way de M. Serpollet durant de longues heures n’on! donné lieu à aucune constatation fàcheuse à ce égard; enfin, les moteurs à gaz peuvent serwif d'exemple, car ils s’accommodent bien de tempé ratures très élevées. Des huiles minérales dont point d'éclair est supérieur à 200°, peuvent être es sayées sans crainte; ilexiste des bourrages métal liques qui supportent les hautes température Bref, il ne faut pas nous laisser suggestion- C. RIVIÈRE — CULTURE INDUSTRIELLE DES PLANTES ORNEMENTALES EN ALGÉRIE 707 ner outre mesure par les échecs d'autrefois, et ne pas oublier que nous possédons des moyens nou- veaux qu'il s’agit de meltre en œuvre. L'application rationnelle de la surchauffe de- mande donc encore de longues études : on a beau- coup fait déjà, mais il reste néanmoins encore beaucoup à faire. Ce n’est plus dans leslaboratoires qu’il faut expérimenter, mais le moment est venu d'opérer sur le terrain même de l'application, en suivant la marche de puissantes machines, actionnant des ateliers, et soumises aux conditions mêmes de leur emploi industriel. Les premiers essais devraient porter sur des machines mono- cylindriques, sans enveloppe, à grande vitesse, ayant au moins 75 centimètres de diamètre et 1 mètre de course : il serait intéressant de marcher avec et sans condensation, à des détentes et pres- sions variables, à des vitesses différentes, etc.; on ferait varier la surchaufle suivant les cas, et l'attention des ingénieurs se porterait, pendant de longues journées, non seulement sur la consom- malion de calories, mais sur tous les éléments de la marche. Nos meilleures machines actuelles de 100 à 200 chevaux de puissance exigent 4.000 ca- lories par cheval-heure indiqué; si la surchauffe permettait d'y atleindre pratiquement avec une monocylindrique sans enveloppe, le résultat serait important, car on aurait fait l’économie du second cylindre et des enveloppes compliquées, et cette simplification réduirait les frais de premier éta- blissement et paierait largement le prix du sur- chauffeur. On pourrait, d’ailleurs, bénéficier encore de quelques centaines de calories sur les 4.000 dont nous parlons : ce serait un progrès industriel d’une grande portée, car il importe aujourd’hui de réduire le prix des forces motrices, dans les pays surtout où les revendications ouvrières tendent constamment à faire monter les salaires. Pour quelques industriels, c’est une question de vie ou de mort; pour tous, c'est une question d’huma- nité,car, si nos machines consommaient moins de charbon, on pourrait donner aux travailleurs les moyens d'acheter plus de pain et d'élever plus d'enfants vigoureux pour le service du pays. Aimé Witz, Doyen de la Faculté libre des Sciences de Lille. 149 LA CULTURE INDUSTRIELLE DES PLANTES ORNEMENTALES EN ALGÉRIE En Algérie, la culture des plantesornementales destinées soit à l'embellissement de la colonie, soit à l'exportation, se trouve, de par les condi- tions climalériques, étroitement limitée à cerlai- nes parties du littoral (fig. 1, page 708). La topographie accidentée du payset le voisi- nage du Sahara réservent uniquement le long de la côte une zone où l'influence marine lempère les influences saisonnières. Au sud de cette bande étroite s'élève une vaste région àclimatcontinental, avec grands écarts de température et d'humidité, froids extrêmes et pluies peu abondantes pendant hiver, chaleurs desséchantes pendant l'été. Il en résulte que, contrairement à une opinion assez répandue en France, plus on s’avance, à partir de la côte, vers le sud, plus les conditions d'existence deviennent défavorables à la végétation; aussi le touriste peu instruit éprouve-t-il quelque désillu- . sion à l'aspect de ces montagnes nues, de ces plai- nes couvertes d’une chélive broussaille qui ne lui rappellent en rien les images jadis évoquées par ces mots : « Terre d'Afrique, pays du palmier. » Vers la côte, dans la partie basse du Tell, règne le climat méditerranéen. Là encore, cependant, la réalité est loin de répondre à la vision enchantée que beaucoup de nos compatriotes, trop séden- taires, se sont faite du monde africain : les plantes arborescentes y sont rares, les formes végétales demeurent monotones, monotones aussi les tons grisâtres du feuillage. Par bonheur, l’horticulture européenne est venue modifier çà et là cette tristesse du pays. Les Maures émigrés d'Espagne avaient, dit-on, changé, en quelques points, l'aspect naturel du paysage. Mais, à l'époque de notre occupation, plus rien de leur œuvre ne subsistait, en dehors des vergers entourés de sombres pyramides de cyprès, des orangeries et jardins murés où les indigènes continuaient d'entretenir des roses, des jasmins et quelques autres plantes odoriférantes. Parfois s'y apercevaient le bananier el la colocase, derniers représentants de la flore cultivée dans les palais sous le doux climat de l’Andalousie méri- dionale. Et c'était tout. Dédaigneux de l'horti- culture, peu attaché au sol, l’'Arabe d'Algérie avait laissé se perdre cette tradition de la culture ornementale qui avait été en honneur chez les Maures et dont nous retrouvons encore, bien 108 C. RIVIÈRE — CULTURE INDUSTRIELLE DES PLANTES ORNEMENTALES EN ALGÉRIE * qu'affaibli, le goût chez le musulman de Tunisie. Au lendemain de la conquête, les Français eurent donc à se préoccuper d'introduire en Algérie des végétaux exotiques. Le Muséum et le Jardin botanique de la Faculté de Médecine de Paris rivalisèrent de zèle pour envoyer dans notre nou- velle colonie des plantes utiles et ornementales, susceptibles de s’y acclimater. E: pose à l’horticulture des soins spéciaux, que nous allons indiquer. | I. — PARTICULARITÉS CULTURALES IMPOSÉES PAR LE CLIMAT. L'horticulture commerciale exige tout d'abord. la formation d’un sujet de choix, bien établi, san e tare, offrant en même temps qu'un port gracieux pu Ê PBoufarik L Le 25 LS EL j Pleine du Hodna = à sie euh a) 12 ET) est SES 2 ESS é nl AS Fig. 1. — Parties du littoral algérien les plus favorables à la culture ornementale.— Ces parties sont représentées en noir. Les expéditions de France se sont succédé nombreuses et diverses pendant de longues années, si bien qu'aujourd'hui on compte en Algérie une riche variété de plantes cultivées pour leurs propriétés odorantes ou leurs qualités décora- lives. La carte ci-jointe (fig. 1) montre en quels endroits 1 Fevrier 1894 8 Fevrier 1894 9 Fevrier 1894 CRU 246810 2468710 7468 10 246870 2 10 Fevrier (894 8110/2468 246810/246810/246810/2468 et des couleurs séduisantes, une vitalité prononcée, une cerlaine souplesse d'adaptation, puisqu'il est. destiné à l’ornementation d’une serre, d’un appar-« tement ou d'un jardin d'Europe, et cela exige: qu'on le préserve, en élé, de l’extrême sécheresse: et de l’insolation, en hiver des intempéries. La croissance ayant lieu surtout pendant la. 12 Fevrier 1894 246810 if Fevrier 1894 + + Ù = DEEE EE À Same \ Ÿ = SE Fig. 2. — Durée d’une série de refroidissements au-dessous de zéro. (Observations enregistrées à 10 centimètres au-dessus du sol.) de la côte cette culture se localise : elle est limitée à six centres, tous situés au bord même de la mer el voisins des ports d'expédition : Miserghine et Mostaganem dans la province d'Oran!; Alger et ses environs immédiats; la baie de Bougie, Phi- lippeville et un groupe de villages au voisinage de Bône, dans la province de Constantine. Même en ces endroits privilégiés le climat im- ! Nous ne citons pas iciles beaux jardins privés de Tlemcen, nous bornant à l’horticulture commerciale. saison estivale, qui est longue et sèche, il faut alors irriguer le sol à l'eau courante, et arroser à l’arrosoir les plantes en pots. Il ya, de ce fait, d’une part une grosse dépense, en raison de la rareté de l’eau en Algérie, d'autre part une circonstance qui. contribue àlimiter très étroitement la culture à un: tout pelit nombre de centres, au plus bas niveau -du sol. En outre, pendant les mois d'été, l'insolation est si intense qu'il est de toute nécessité d'en atté- ” C. RIVIÈRE — CULTURE INDUSTRIELLE DES PLANTES ORNEMENTALES EN ALGÉRIE 709 nuer les effets au moyen d’abris : quelquefois, en effet, l’aclinomètre à boule noire accuse jusqu'à 67°, Enfin, le sirocco souffle de temps en temps, arrivant à la température de 40° à 44° et avec un degré hygrométrique très bas. La végétation serait - brûlée, si l'on ne prenait soin de la soustraire par quelque artifice à de tels fléaux. En hiver, ce sont surtout les variations brusques de l’état atmosphérique, les bourrasques accom- pagnées de grêle, la réfrigération parrayonnement - nocturne, les rapides oscillations de la température et de l’éclairement, qui sont à craindre. Les refroi- dissements au-dessous de zéro, même à 00 au - dessus du -sol, ne sont pas rares. Contraire - La loiture est le plus souvent à elaire-voie; elle est alors constituée par un clayonnage de bambous ou de roseaux, et supportée par des piliers, plus ou moins élevés, mais qui offrent ordinairement une hauteur de deux mètres et demi. Au jardin du Hamma, celte méthode est en vigueur sur une sur- face d'environ trente mille mètres carrés. Cette disposition, dont notre figure 4 (p. 170) représente un fragment, n’est pas seulement ulile aux plantes : elle permet aussi aux jardiniers de prendre soin des végétaux pendant les chaleurs de l'été; ils s'y trouvent protégés contre l’ardeur excessive du soleil et peuvent, matin et soir, va- quer aux opéra- mentàune opinion très accrédilée en France, de tels a- 30 18 Déc. 1891 19 Dec. 1891 20 Déc. 1891 21 Dec. 1891 tions de leur mé- 2468 19/2468 10 246810 8 10/2 468 10/2466 10 246810/2468 10 tier. LIT Il. — VÉGÉTAUX : E CULTIVÉS. L 2 baissements de Notre but n’est ni de décrire ni température sont 2 souvent de longue même d’énumérer durée:quelquefois FE toutes les espèces ils se prolongent EEE Sas: végétalesquel'hor- pendant une di- iii E 2e : BE ticulture algé- zaine d'heures , 07 = = — _— See: rienne cullive pour c'est-à-dire pres- FE = E a la vente. Nous nous que toute la nuit. 10 — É &EEQ bornerons à un ra- Le graphique de la = LIT as: dvi pidecoupd'æilsur figure 2 montre Fig. 3. — Graphique montrant une série d’extrêmes thermiques instantanés les plus importan- qu'ils se manifes- tent fréquemment par séries. Quelquefois ces abaissements au-dessous de zéro sont suivis, quand vient le jour, d'un magnifique éclat du ciel, et même d'un rayonnement solaire intense. La figure 3 nous donne un exemple de ce phénomène : on y remarque le maintien de — 5° pendant plusieurs heures, puis le relèvement rapide de la tempéralure jusqu'à + 25°. Point n’est besoin d’insister sur l'influence né- faste que de tels écarts exerceraient sur des plantes délicates si l’horticulteur ne s’appliquait à les soustraire à ces causes de destruction. Pour com- battre l’action de tels facteurs, pour éviter l’arrêt de certaines végétations, les développements in- complets, le dessèchement ou la pourriture des bourgeons terminaux ou centraux, les taches ou les décolorations du feuillage, l'horlicullure algé- rienne a recours au système des «abris permanents (fig.4,p.711).C'estle Jardin d’Essaid’ A'yer, — appelé aussi le Famma, — qui, il y a environ vingt-cinq ans, prit l'initiative de cette innovation. Actuelle- ment tout le travail horticole de l’Algérie s’accom- plit sous toiture; c’est une pratique dont il n’est plus possible de se départir. suivant des refroidissements au-dessous de 0. tes des familles vé- gétales où elle pui- se, en ayant soin d'indiquer, au sujet de chacune, son rôle particulier, ses exigences spéciales el ses représentants les plus précieux. $ 1. — Palmiers. Aucune autre famille ne caractérise mieux la puissance de végétation et la nature du climat. Celle-ci a imprimé au littoral africain de la Médi- terranée le cachet particulier de son origine in- tertropicale. La culture des Palmiers joue donc, en Algérie, un grand rôle, non seulement comme embellisse- ment local, mais aussi comme article d'exporta- tion pour toutes les régions du nord et du centre de l'Europe, depuis que ces belles plantes ont pris dans l'ornementation des appartements un droit d'occupation permanente. Les Palmiers introduits dans la colonie et pros- pères sont déjà très nombreux. Il suflira de signa- ler les plus en vue, ceux dont la nature est rus- tique, qui atteignent leur complet développement et montrent normalement leurs inflorescences et leurs fructificalions fertiles. Les espèces de Cocoliers s’élevant en gran ds 710 C. RIVIERE — CULTURE INDUSTRIELLE DES PLANTES ORNEMENTALES EN ALGÉRIE stipes en forme de colonnes lisses sont les Cocos brésiliens. Le plus beau, comme le plus rustique parmi eux, est le (Cocos datil Hort., très apprécié pour l’ornementation des serres et des apparte- ments. Le genre ?hænix a un très grand nombre de re- présentants. Le Palmier-dattier, ?hænir dactyli- fera Lin., de nos oasis, reste encore une des plus belles plantes du genre, mais à l’état de dévelop- pement complet. Les oasis composées par cette espèce ont un aspect des plus pittoresques. L’al- lée du /ardin dEssai, qu'ils bordent de cha- que côté, est une des curiosités horticoles du monde. Les principaux ?hænix ont eu autrefois une grande vogue, notamment le ?#. leonensis, mais sont déchus aujourd'hui : ils ont été brusquement remplacés par le PAænir canariensis, magnifique plante naturellement, mais qui n'a pas toujours, comme végélal d'appartement, une réelle élé- gance. Ce Palmier constitue un article d’exporta- tion : car il est maintenant très recherché sur les marchés de toute l’Europe. Il supporte bien, avec un bon emballage en caisse, les longues traversées des ports algériens à Paris par la voie Atlantique etle Havre. Dans les Coryphinées et les Borassées, beaucoup de plantes de nature particulièrement rustique offrent un caractère très ornemental. Dans ce groupe on rencontre quelques espèces devenues de vente courante, telles que le Zatania borbonica etles Corypha australis et gebanga. Le genre Subal alleint souvent des proportions gigantesques. Quelques-unes de ces plantes, beau- coup plus rustiques et de meilleure tenue que les Latania el les Corypha, commencent à être utili- sées l’été sur les pelouses de l’Europe, en sujets isolés, résistant sans souffrir jusqu'à la fin de l’au- tomne. Le groupe des Chamzærops est apprécié pour sa rusticité, et notamment le Chameærops exvelsa du Nord de la Chine, qui remonte presque dans la région montagneuse en Algérie. Du Chamrops lunilis, ce palmier nain de nos broussailles, l’horticulture a retiré des formes élé- gantes : Chamaærops lomentosa et Ch. macrophylla et notamment le Ch. eleyans, que tout le monde con- nait. Le Rhapis flabelliformis du Japon, composé de belles touffes dans les endroits frais et pas trop ensolcillés, est une plante de vente courante, dont le monopole a été longtemps à l'Allemagne, mais que l'Algérie peut aujourd'hui produire facilement. Le genre Xentia se cullive bien et prend-place parmi les plantes à la mode. $ 2 2, — Musacées. L'aspect ornemental de quelques sujets de cette famille est dû à un large feuillage ou à quelques fleurs originales aux brillantes couleurs. Les Musacées sont, dans nos jardins du littoral, la plus haute expression de la forme tropicale. Deux genres principaux s’y remarquent: les Musa et les Strelitzia. Les Bananiers Musa, réunis sous la zone la pluss chaude et abritée du climat marin, sont déjà nom= breux. Mais le genre Sfrelitziu, originaire de l'A= frique australe, beaucoup plus rustique, doué d’une puissante végétalion, est peut-être encore plus ornemental que le groupe des Wusa. On y re marque deux formes différentes : l’une, grande et à large feuillage; l’autre, naine, à floraisons aussi curieuses que brillamment colorées. Parmi less premières, il n’y a à relever que le Sérehitzia Au- qusta, Thunb Cup. dont la place est indiquée dans les appartements et les jardins d'hiver. Il y est, du reste, apprécié à cause de sa végétation à dis position distique, lui permettant de produire un grand effet sans être encombrant. Dans les plantes. naines en touffes florifères, le type est le Sérelitzim Regin:æ, Ait Cap. avec des variétés nombreuses. $S 3. — Amaryllidées. Cette famille, très voisine des Liliacées, ren- ferme un grand nombre de plantes dites bul- beuses qui prospèrent fort bien à l’air libre dans la zone tempérée du Nord de l'Afrique. Il y a de très belles floraisons dans les genres Crinum, Pancratium, Amaryllis, Clivia. Les Narcis- sus sont recherchés par les indigènes. Mais toutes ces petites plantes disparaissent de-. vant le très intéressant genre Ayave aux massives végélations, aux feuilles crassulantes et hampes gigantesques. Toutefois le commerce auquel don= nent lieu les espèces de ce genre est beaucoup. moins actif qu'autrefois : car la multiplication facile de beaucoup d'espèces dans le bassin médi- terranéen en a déprécié la valeur. $ 4. — Liliacées et groupes voisins. Les tribus et les groupes voisins de la grande famille des Liliacées constituent un nombre consi- dérable de plantes curieuses dans leurs formes tantôt élevées, tantôt naines. É Dans la série des bulbes, les floraisons sont or- dinairement hivernales el vernales en Algérie : jacinthes, ornithogales, muscari, tulipes, ete. La tribu des Aloïnées peut être fortement repré- sentée dans la collection des amateurs par le genre Ale. Mais les plantes les plus originales de ce groupe. ‘919.7 2pP SANA[EU9 S9JIOF SAT ne Jour t1qe 100 ‘inoqney 8p Wap Jo soajou g op Saortd sop aëd apqaoddns 159 a7je ‘xnvosOI 9p n0 Sn0C à EE IQ sUOEEA SD sojue[d sof doadosond R Qursep Js9 1] — ‘(42/97 D) Dub np Wpurf nn puaunuuad 214 -= ‘Y * 7112 C. RIVIÈRE — CULTURE INDUSTRIELLE DES PLANTES ORNEMENTALES EN ALGÉRIE sont les formes élevées, quelquefois à prodigieux développement, comme quelques sujets des genres Yucea, Dracæna, Cordyline. Voisines des Ziliacées, les Asparagées jouent un grand rôle dans le commerce horticole de l'Algérie ; quelques-unes sont également des types remarquables de la végétation facile à l'air libre. Au premier rang des grands sujets se distingue le fameux Pracwna Draco Lin. des Canaries, aux formes épaisses et fortement ramifiées. Les grandes allées du jardin du Hamma en offrent en bordure d'admirables spécimens. Les nombreux lypes des Dracena australis et indivisa vivent mieux vers les parties fraîches et monta- gneuses. Les espèces à feuillage coloré, dont le type est le Dracana lerminalis, résistent mal à la pleine terre el sont de culture peu facile. Tout le groupe des Cordyline congesta, brasiliensis, cannæfolix, ele., se multiplie en grande quantité pour la vente courante de plantes à bon marché. Dans un autre groupe, les Aspidistrées, se trouve une plante d'appartement connue pour sa rusticité, son bas prix et l'effet qu'elle produit sans exiger de grands soins : c'est l'Aspidistra elatior Blum, et surtout sa variélé : l’A. elatior variegata. NS 5. — Aroïdées. L'humidité par trop froide de l'hiver restreint le nombre de ces intéressantes plantes dans la pleine terre. D'autre part, elles exigent pen- dant l’élé des arrosements permanents. Les grandes espèces à feuilles vertes du genre Caladium se comportent bien sur le littoral. Mais la culture des Culadium panachés exige de grands soins, ainsi que celle des Anthurium, Dieffen- bachia, ele. L'Aroïdée la plus ornementale, en même temps que rustique, est, pour le rivage africain, le Philo- dendron pertusum, où Monsterin deliciosa Liebm, de l'Amérique intertropicale. $ 6. — Graminées. Le groupe horticole des Bambusées occupe le pre- mier rang par ses effets décoratifs, sa rusticité et sa rapide croissance. Les grandes espèces sont à végélation estivale : elles se montrent les plus délicates et ne sortent pas de lazone marine : Bambusa macroculmis, A. Riv. Inde; Bambusa vulgaris, Wendl. Madagascar; le Bambusa vulgaris villata est remarquable par les panachures de son chaume. Dans la section des Phyllostachyées, qui comprend principalement des espèces de moindre taille, à végétation vernale et très traçante, la rusticité est plus accusée et permet à ces bambous de re- monter à de fortes altitudes, où ils rendent des services. Le Phyllostachys mitis Poiret, de Chine, est le type le plus important de ce genre. Les petits bambous à rhizomes traçants font rapidement des haies verdoyantes et élégantes. Plantées en pots, ces espèces, par la flexibilité de de leurs chaumes, offrent un gracieux aspect, qui leur assigne une place dans les appartements. Leur multiplication est facile et la plante se traite comme un article de pépinière. $ 7. — Araliacées. Ces plantes à feuillage très ornemental sont très employées par l’Horticulture. Dans la zone tempérée de l’Algérie beaucoup d'espèces s'y montrent très rustiques, même avec arrosements limités : elles forment des massifs où se remarquent en sujets isolés : l’Oreopanax dactyliferum, le Sciado= plyllum pulchrum, Hort. de Java. Quelques autres espèces à feuillage plus fin sont recherchées par les amateurs. Tels les Aralia Chabrieri et Gracillina Veitchii. Mais une plante est spécialement recomman- dable et est fort utilisée par le commerce local et par celui de l'exportation : c’est l’Oreopanax nymphæfolia, plante à grande feuille, d'un très beau vert vernissé et d'excellente tenue : elle est appelée à remplacer le Æicus elaslica dans les appartements. $ 8. — Artocarpées; Morées. Les Ficus arborescents présentent deux formes : les espèces à racines adventives et aériennes et celles dont le tronc est simple. La première série est la plus pittoresque. De longues racines fili- formes se balancent au vent pendant leur élon- gation vers le sol; puis, quand elles l’atteignent, elles s’y fixent solidement. Parmi les plus beaux types de ce genre figure en première ligne le Pieus Roxburghii. Dans la série des troncs simples se rencontrent des sujets de première taille : le Ficus laurifolia Lam des Indes orientales, et le Fieus racemos«. Mais l’horticulture s'occupe plus spécialement de la multiplication de quelques espèces qui ont une place marquée dans le commerce. L'espèce la. plus recherchée est le Ficus elasticx où Caoutchouc destiné aux appartements. Autrefois celte plante élait à la mode, et l'Algérie en expédiait une cer- laine quantité sur Paris, mais depuis quelques années elle est moins appréciée. Les espèces encore en vogue dans l’horticulture d'amateurs sont : Ficus nobilis, F. Chauvierii, F. ru- brinervis, F. nymphæfolia. Elles prospèrent toutes en pleine terre sur le littoral, et beaucoup se multiplient à l’air libre. Ryæs" C. RIVIÈRE — CULTURE INDUSTRIELLE DES PLANTES ORNEMENTALES EN ALGÉRIE 713 $ 9, — Bignoniacées. Le plus bel arbre d'ornement appartenant à cette famille est, sans doute, dans nos jardins, le Jacaranda mimosæfolia, Don, du Brésil, aux florai- sons bleues avant la pousse des feuilles, au feuil- lage élégant et découpé comme celui d'une fou- gère. Quelquefois les petits sujets bien faits figurent dans les appartements. Mais c'est principalement dans la section des grimpants, sarmenteux et lianes, que les Bigno- Hiacées concourent, chez nous, à l’embellissement des troncs d'arbres et à la confection rapide de tonnelles et de berceaux. Le Phædranthus Lind- leyanus est une des plus belles espèces du genre; c’est une plante à fleurs pourpres. $ 10. — Bombacées; Sterculiacées. Encore une famille de grands arborescents qui concourent à l’ornementation des jardins du litto- ral, où ils sont remarquables par leur développe- ment quelquefois rapide, le revêtement épineux de leur tronc et la beauté de leurs floraisons. Citons le Chorisia speciosa Saint-Hilaire, du Brésil, la plus belle espèce à cause de sa floraison automnale, réellement merveilleuse. Le genre Pachira ou Carolinea renferme des es- pèces bien acclimatées et du plus haut intérêt. Le Pachira macrocarpa Hort., du Mexique, se signale par samagnifique floraison estivale. Le genre Sfer- culin ne présente, au point de vue ornemental, que des espèces de taille moyenne à belles feuilles dans le jeune âge. S 11. — Composées. Cette grande famille, qui renferme tant de végé- laux intéressants, n’a cependant pas un rôle bien marqué dans l'Horticulture algérienne. Cependant deux plantes font exception : Le Ferdinanda eminens Lagase, du Mexique, for- mant des touffes dont les Liges atteignent six à huit mètres de haut, à larges feuilles entières et à inflorescences blanches paraissant au printemps. Le Montaynea heracleifolia Ad. EBrong., du Mexique, dont les touffes ramifiées, de 4 à 5 mètres de haut, à belles feuilles découpées, ont une floraison au- tomnale. $ 12. — Conifères. La plante de cette famille, qui a la plus grande vogue dans le commerce, est l'Araucarit excelsa. y a déjà en Algérie des sujets qui ont plus de 30 mètres de hauleur. Au Jwrdin d'Essui d'Alger, ils produisent des graines ferliles qui servent à la multiplication de ces charmantes pelites Conifères, très recherchées actuellement sur les marchés de Paris et des grandes capitales. $ 13. — Cycadées. Parmi les Gymnospermes à végétation étrange, quelques espèces se montrent rustiques et ne craignent pas, quand elles s’avancent vers les régions montagneuses, quelques chutes de neige. L'espèce la plus remarquable est le Cycas revo- luta Thrumb, du Japon. Elle forme en pleine terre de gros troncs ayant plus de 150 feuilles, ou est cul- tivée en petiles plantes très recherchées dans les appartements. Alors elle constitue une rosace de feuilles pennées, très vertes el très luisantes, du plus bel effet. $ 14. —- Légumineuses, Dans cette vaste famille il convient seulement de signaler les principaux types qui intéressent le Nord de l'Afrique. Les grands arborescents, les plus remarquables dans nos parcs et jardins, appartiennent au genre Ærylhrina. Us s'y mulli- plient par boutures en pleine terre. Un groupe intéressant, en arbres, arbrisseaux etarbustes, et largement représenté sur tout le lit- toral et même dans la partie montagneuse soumise au elimal marin, c’est la lribu des J/imosées, d'o- rigine australienne principalement. Ces plantes ont pris sur lout le littoral algérien une extension considérable, à cause de la rapidité de leur crois- sance, de leur résistance à la sécheresse, et par leur belle floraison dans les saisons hivernale ou vernaie: Acacia dealbata, A. mollissima, A. flori- bunda, etc. Leurs belles inflorescences jaune d’or, pâles ou vives, en chaton ou en globule, sont recherchées par la floriculture. Tous ces rameaux fleuris ornent économiquement vases et jardinières des appartements. Les difficultés de transport, notamment les mauvais effets de la traversée, malgré des embal- lages soignés, empêchent ces fleurs d’arriver sur les grands marchés de l'Europe, où accèdent les produits similaires du midi de la France. $ 15, — Rosacées. Quelques types exoliques ont une place dans les jardins : les Photina à l'état d'arbrisseaux; les Rapliolepis et les Spiræa en gros buissons fleuris. Mais c’est le genre Rosa, le véritable rosier, qui est le plus beau représentant de cette famille, comme le plus beau type de la floriculture de l'Algérie. Les hybrides remontants, les Bourbons, les Indica, Yes Bengules, etc., n’offrent aucune difficulté de culture; le groupe des 7%és est principalement remarquable. Toutes les espèces grimpantes ou fortement sarmenteuses ont une grande exubé- rance de végélalion et se signalent par plusieurs floraisons annuelles très abondantes par période : 714 C. RIVIÈRE — CULTURE INDUSTRIELLE DES PLANTES ORNEMENTALES EN ALGÉRIE Thé Maréchal, Rève d'or, Chromatellu : Safrano , Hombre , Maréchal Nil, elec. La culture rosiers en constitue un Com- des pots merce local. Quant à l'exportation des roses coupées, elle a été constamment entravée par la mauvaise influen- ce de la traversée. III: — CONDITIONS ÉCONOMIQUES DE LA CULTURE. Les conditions économiques im- posées à la cul- ture des plantes ornementales cei- dessus énumérées sont assez dures en Algérie. Le loyer de la terre est fort cher pour les établis- sements d'horli - culture, que la né- cessité d’écouler leurs produits rap- proche des villes desservies par des transporls mari- times. L'eau d'arrose- ment, assez rare, est d'un emploi dispendieux, car il faut l’élever, par des machines (or- dinairement des norits). Les engrais, les fumiers nolam - ment, ne se trou- vent qu'aux envi- rons des villes ayant des garni- sons de cavalerie ou un grand ser- vice de voilures : Alger, Oran, Bône, La main-d’'œu- ESA : Es À 2 É “Abe : Rn-ehtsse Raré se) Fig. 5. — Lremple d'une caisse d'emballage servant à l'exportalion des plantes ornementales. — Les racines sont débarrassées de la terre qui les entoure et enveloppées de fibres de palmier humides avec un revé- tement de feuilles de bananier; les plantes sont scrrées les unes contre les autres el supportées par des traverses vre est relative- mentchère:lesim- ple ouvrier, euro- péen ou indigène, est payé à raison de 2 fr. 50 la jour- née. A Alger la plu- partdes jardiniers d’origine française , espa - plutôt malonaise. Dans l'Est, les Italiens el les Maltais do- ninent. Dans l'Ouest ce sont les Espagnols. Les in- digènes ne détes- tent pas le jardi- nage, mais comme manœuvres ouser- vants. A Alger, les descendants des Maures et les Ka- byles montrent quelques goûts culluraux , Mais non les Arabes. Quelques grands élablissements d'horticulture existent en Algé- rie : le plus impor- ant est le Jardin d'Essai d'Alger où Hamma,quiocceupe un nombreux per- sonnel,a degrands frais généraux qui ne chargent aucun budget de l'État, ce qui est consi- déré comme une heureuse, mais u- nique exception. Les difficultés d'emballage des plantes vivantes, articles de luxe, restreignent for - cément les rela- tions commercia- les. Cependant le système adopté au Jardin d'Essai, el quiaélé imité par- sont gnole ou D: H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE 715 tout, permet l'heureuse arrivée, à Paris ou dans les ports du Nord de la France et de la Belgique, des principaux végétaux, quelles que soient leurs dimensions. L'emballage se fait en caisse bien construite et ne dépassant pas 500 kilos (fig. 5}. Chaque plante est fortement démottée, puis entourée de matières humides, principalement de fibres de palmiers, avec un revêtement de feuilles de bananiers. Ser- rées les unes contre les autres, par rangs soutenus par des traverses, les plantes sont ainsi immobi- lisées et conservent une humidité suffisante même pour de longs trajets. La voie la plus économique est celle de mer. On peut transporter la tonne à Paris, vià Alger par le Havre, au prix de 90 francs avec un trajet de 25 jours. Par chemin de fer en pelite vilesse par Marseille-Paris, la tonne revient à environ 200 fr. d'Alger à Paris; la durée du trajet est 10 à 15 jours. Ces dernières conditions, très onéreuses, opposent un véritable obstacle au développement du com- merce horticole de l'Algérie. L'estimation du commerce horticoleen France est généralement exagérée : il en est de même pour l'Algérie, dont l’exportation en plantes ornemen- lales ne dépasse pas 300.000 francs. - Quel est l'avenir de ces cultures ? Par suite de causes diverses, l’horticulture est restée longtemps stationnaire. Pendant cette pé- riode, le Midi de la France, de Toulon à Nice, a { 511,4 | 611 Comme les années précédentes, nous adoptons | la division eu chapitres répondant aux divers sys- tèmes organiques. Nous y ajoutons un chapitre d'embryologie générale pour faire rentrer dans cette revue quelques mémoires qui ne sauraient trouver place dans les autres subdivisions, telles que nous les établissons. 1. — SYSTÈMES DE SOUTIEN ET DE MOUVEMENT. — SQUELETTE ET MUSCLES. Le crâne et les extrémités terminales des mem- bres sont toujours les parties du squelette qui suscitent les plus nombreux travaux des anato- mises. Dans le crâne, il s’agit de délerminer, si possible, le nombre des métamères primitifs qui ont pu in- tervenir dans la constitution de la tête, problème assez difficile, parait-il, car les chercheurs sont loin d'être d'accord, malgré le soin qu'ils appor- tent à leurs études. Cependant il semblerait que de sérieux progrès ont été faits dans ces dernières fait des progrès considérables et a pris sur les grands marchés de l'Europe la place que l'Algérie avait droit de convoiter. Économiquement, le Midi de la France est bien mieux placé : il tient au con- linent, charge sur place en wagon complet et reçoit facilement la visite des intéressés, sans ou- blier la clientèle créée par la riche colonie qui l'habite. D'autre part le mouvement horticole est telle- ment développé depuis quelques années en Bel- gique, les méthodes cullurales bien précisées et le milieu économique si favorable à tous les points de vue, que l'immense production de ce petit pays, où l’horlicullure est en quelque sorte une affaire nationale, trouve en France un débouché assuré, non seulement sur Paris, mais déjà sur nos villes du centre. Le droit de douane de 3 francs par 100 kilos, imposé à la frontière, est insuflisant pour relever l'horticulture française, devenue en grande partie tributaire de la Belgique, et qui le sera peut-être aussi, avant peu, de l’An- gleterre pour certains articles. Ces dernières considérations sont de nature à inspirer de réelles inquiétudes, quant à l’avenir du commerce de plantes d'exportation en Algérie, malgré la beauté et la vigueur, bien reconnues, des produits de notre grande colonie. Charles Rivière, Directeur du Jardin d'Essai « le Hanma », à Alger. REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE années, tout au moins en ce qui concerne une im- portante partie du cräne, je veux parler de la ré- gion occipilale. C’est pourquoi, conformément à l'habitude que j'ai prise de n'’insister dans cette revue que sur les questions qui me paraissent suffisamment étudiées ou sur celles qui ont une importance de premier ordre, je vais essayer de présenter aussi succinctement que possible l’état de cette déjà bien vieille question de l'os occipital et de son homologation à une vertèbre, la vertèbre cränienne postérieure. Nous verrons plus loin que c'est en Italie sur- tout qu'on parait se préoccuper beaucoup de l’oc- cipital et de ses dépendances; mais les anato- mistes italiens que j'aurai à signaler ne visent pour la plupart qu'un point particulier, tandis qu'en France un mémoire de Debierre ! sur le « développement du segment occipital du crâne » 1 Ch. Derierre : Développement du segment occipital du cräne, 2 pl., in Journ. de l’'Analomie et de la Physiologie, 1895,p. 9385. 716 embrasse la question d’une façon beaucoup plus générale; aussi est-ce par ce mémoire que je com- mencerai. Il s’agit là à la fois d’une œuvre biblio- graphique — où sont rappelées les phases parles- quelles a passé l’occipital depuis Oken qui, le premier, en 1807, y vit une vertèbre cranienne, — et d’un document nouveau, car l’auteur donne le résultat d'observations personnellessur le dévelop- pement de l’os en question, particulièrement chez l’homme, où il a pu étudier une belle série de 24 cränes de fœtus compris entre à et 40 centimè- tres de longueur. Voici quelques premières conclusions : «4° La portion occipitale du cràne est fondamen- talement composée, chez tous les Vertébrés, de quatre os : un médian et basilaire traversé par la corde dorsale, le basioccipital; deux latéraux, pairs et symétriques, les exoceipitaux; un médian, situé au-dessus du trou occipital, l’occipital écailleux. 2° Chez les Vertébrés supérieurs, ces quatre os se soudent dans le cours du développement pour constituer un os unique, l’os occipilal. Chez les Poissons osseux et chez les Reptiles écailleux, ils restent distincts toute la vie. Ils restent longtemps séparés chez les Monotrèmes et les Marsupiaux, parmi les Mammifères. Chez les Oiseaux, leur soudure est précoce. 3° La portion occipitale du crâne des Mammi- fères, de l'homme notamment, passe transitoire- ment, dans le cours de l’ontogénie, par un état qui est permanent chez les Vertébrés inférieurs. » Tous ces points d’ailleurs sont admis actuelle- ment sans conteste, et il n’y aurait rien de bien nouveau dans le mémoire de Debierre, si l’auteur s’en tenait là. J’ai rappelé ces premières conclu- sions parce qu'elles m'ont paru bien poser la question. Mais où la lutte est vive, c’est lorsqu'il s’agit de déterminer la valeur réelle de certaines anomalies qui s’observent en proportion plus ou moins grande dans la constitution de chacune des parties qui composent l’occipital, et qui font des variantes au type fondamental, tel que l’établis- sent les conclusions ci-dessus. L'auteur n’a pas manqué d'examiner à fond ces questions contro- versées, auxquelles ses observations lui ont permis d'apporter parfois une solution satisfaisante. Est-il vrai, tout d'abord, que l'os occipilal, comme on l’admet assez généralement, représente la première vertèbre crânienne? Pour se faire une opinion sur ce point, Debierre a étudié successive- ment le développement des diverses parties de l'occipital. Dans la région basilaire, basioccipital des auteurs, il n’a vu qu'un seul point d’ossifica- tion médian. Or, on s'accorde à admettre que le corps des vertèbres se développe par deux points d'ossification. Est-ce une raison pour refuser au D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE basioccipital la valeur d’un centrum? Non; d'une part, en effet, s’il existe deux points d’ossification pour le corps vertébral, ce n'est que d’une ma- nière très fugitive et, rapidement, les deux points primitifs s'unissent en un point unique et médian; d’autre part, on connaît des exemples de bifidité de l'extrémité du basioccipital et autres anoma- lies de même ordre ! qui semblent indiquer qu'il a pu y exister deux centres primitifs d'ossification, dont l'existence séparée serait plus éphémère en- core que dans les vertèbres, puisque l’auteur n’a jamais trouvé au basioccipital qu'un point d'ossi- fication médian; enfin le basioccipilal est traversé par la corde dorsale comme le sont les corps ver- tébraux. Ainsi le basioccipital peut très bien ètre homologué à un corps de vertèbre, bien que l’au- teur n’y ait jamais rencontré qu’un seul point d'os- sification. Mais il y a plus : quelques anatomistes sont tout à fait en désaccord avec l’auteur au sujet du nombre des points d'ossification du basioccipital. Ainsi, MM. Rambaud et Renault (1864) y admettent deux points d’ossification, non pas symétriquement pla- cés de chaque côté de la ligne médiane, maïs dis- posés l’un derrière l'autre sur cette ligne médiane. D'ailleurs, pourles mêmes auteurs, c'est également ce qui existe pour le corps des vertèbres rachi- diennes, el ils concluent à l'homologation de ces parties. Debierre pense que MM. Rambaud et Renault se sont trouvés en présence d’une anomalie prise par eux pour une disposition générale, mais qui n’en est pas moins d'un haut intérêt, si on l'interprète autrement. E. G. Saint-Hilaire, en effet, pour expli- quer certaines malformalions, supposait qu'il de- vait y avoir quatre points d’ossification pour le basioccipital. D'autre part, Albrecht a signalé, dans certains cas, rares il est vrai, l'existence d'un os (os basiotique) placé entre le basioccipital et le basisphénoïde, et Froriep, de son côté, a élé amené, par ses études d’embryologie, à admettre quatre protovertèbres dans la formation de l’occipital. Debierre se demande, en présence de tous ces faits, si l'os basiotique d’Albrecht ne serait point l’une de ces protovertèbres venant à persister anorma- lement, indépendante, et en même temps si l’anté- rieur des deux points d’ossification en série linéaire de Rambaud et Renault ne représenterail pas le point d'ossification de ce basiotique que ces auteurs auraient eu la bonne fortune de rencontrer persis- lant encore. Du même coup, les vues théoriques de E. G. Saint-Hilaire se trouveraient confirmées, si 1 SrauRENGuI (Ancora su l’ossificat. del basioccipitale del Sus scropha, Bollet. Scientifico, Pavia, 1895) a trouvé un noyau double osseux en avant du basioccipital, chez le Sus scrofa. Antérieurement (1894), il avait fait quelques observa- tions analogues. cs ns CRÉTEIL RS - : Le wo D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE les deux points de la série linéaire provenaient eux-mêmes de la soudure de deux points, primili- vement nés de chaque côté de la ligne médiane. Somme toule, les divergences d'opinion des auteurs pourraient, si l’on admet les ingénieuses considérations de Debierre, s'expliquer par ce fait que le basioccipilal est un complere dans lequel deux éléments au moins se lrouveraient bien dé- montrés : le basiotique et le basioccipital propre- ment dit. Ce basiotique est déjà considéré par Albrecht! comme le corps d’une vertèbre céphalique dont les neurapophyses sont représentées par les pério- tiques ; le basioccipital, de son côté, serait encore susceplible de présenter des subdivisions; pour Debierre, en effet, c'est un complexe de corps ver- tébraux qui, normalement, en l’état actuel, se pré- sente comme le corps d’une vertèbre dont les neu- rapophyses sont représentées par les exoccipitaux et la neurépine par l'infra-occipilal qui s'est adapté aux nouvelles condilions que lui crée le dévelop- pement des parties de l’'encéphale qu'il doitrecou- vrir. Donc, et c’est la conclusion finale de l'auteur, ce qu'on a appelé la « vertèbre occipitale » ne répond, en aucune facon, dans le crâne adulte ou fœ- tal, à un segment métamérique occipilal du crâne primordial. Et cela se comprend, si on réfléchit aux nombreuses contractions, fusions et flexions qu'ont dù subir les pièces du squelette primordial pour s'adapter aux conditions spéciales déterminées par le développement de la portion céphalique du névraxe. _ Beaucoup d'autres points intéressants sont étu- “ diés par Debierre; nous ne pouvons ici les retenir … tous ; nous signalerons seulement une longue dis- eussion à propos de l'osselel de Kerckringe, ce petitos «libre ou soudé à l'occipital qu'on observe parfois au milieu du bord inférieur de l’infra-occipital. Les uns assimilent cet osselet au manubrium de l’écaille occipitale, les autres le considèrent comme un rudiment neurapophysaire du proatlas. Pour De- bierre, ce n’est qu'une ossilicalion accidentelle d'une valeur secondaire. Il est, toutefois, un point qui suscite ailleurs de … nombreux travaux et au sujet duquel Debierre - n'apporte point de données nouvelles el ne nous fait point part de sa manière de voir. Je veux par- ler d’une formation qu'on a désignée sous le nom … de 3° condyle de l'occipital. Ge 3° condyle est un tuber- cule osseux, simple ou double, représenté parfois par une surface articulaire ou par une éminence portant une facette articulaire, et qu'on observe dans quelques crànes anormaux sur le bord posté- rieur du basioccipital.Si Debierre ne nous dit point sa manière de penser à l'égard de ce 3° condyle, : 1 Arsreour : Mémoire sur le basiotique.. Bruxelles, 4883. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. 717 nous trouvons, par contre, chezles auteursitaliens, comme nous le disions au début de celle revue, de nombreux travaux et divergences de vues. Romiti (1884 et 1885) avait émis l’idée que le 3° condyle est homologue au condyle basilaire de la Lortue et à la portion médiane du condyle des Crocodiliens et des Oiseaux. Celle manière de voir est aujourd'hui complètement abandonnée. L. Ca- aussi de nombreuses lori ! fait observer en effet que le condyle, unique aussi bien chez les Reptiles que chez les Oiseaux, est composé des mêmes parties que les condyles occipitaux des Mammifères et de l'Homme, et il démontre que la portion moyenne du condyle unique est homologue aux deux portions de l'occi- pital basilaire qui contribuent, chez les Mammi- fères et chez l'Homme, à former les condyles occi- pitaux. On ne peut donc admettre l'homologie du 3° condyle occipital de l'homme et de l'unique condyleoccipital des Sauropsides.Kalenscher (1893) avait émis l'opinion que le 3° condyle résulte de l’ossification des points d'attache du ligament odonloïdo-occipital médian. Il ne parait pas avoir été suivi dans cette voie, car Lachi, qui, ayant ren- contré une ossification du ligament atloïdo-occipi- tal, avail pensé que ce pouvait être là l’origine du 3° condyle, arrive dans un nouveau travail à des conclusions tout autres. Lachi? commence par repousser l’idée des anatomistes qui considéraient le 3° condyle comme représentant la portion moyenne du condyle des Reptiles. La portion mé- diane du condyle des Chéloniens se trouve, en effet, en rapport avec la notocorde, ce qui en fe- rait un corps vertébral bien plus qu'un os apo- physaire ; d'autre part, la segmentation de l'occi- pital des Reptiles ne correspond pas à la segmen- tation de l'occipital des Mammifères. Pour ces raisons, Lachi pense que le troisième condyle de l’occipital doit être considéré comme un des éléments du complexe dont est formé l'os occipital ; il a tendance à y voir la partie la plus distale de ce complexe, c’est-à-dire le proatlas. Un autre anatomiste italien, Chiarugi#, abonde dans. le même sens. Pour lui, le troisième condyle repré- sente un élément vertébral et plus spécialement la partie hypo-apophysaire du proatlas. À l'appui des observations de Froriep sur le proatlas des Ruminants, il apporte les siennes propres sur le lapin. Chez ce dernier, comme chez les Ruminants, le proatlas se constilue de la même manière que les autres vertèbres: ils'y forme un arc hypocordal 1 L. Cazor:: WMem. della R. Accad. delle Scienze dell Inst. di Bologna. Série V, t. IV, et Arch. ilal. de Biologie. t.XXIII, fasc IIL, 1895: 2 Laon: : Boll. della R. Accad. med. di Genova, 1895, n° 2. » 3 CraruGr : Monitore Zoolog.italiano, an. vi,n°2, 3,4.1896. 16° 718 très rudimentaire et éphémère qu’on voit repa- raitre d'une manière accidentelle. Le troisième condyle, et avec lui, d’autres processus basilaires, constituent des anomalies régressives : ce sont des organes non destinés à se développer, qui de- viennent permanents d'une manière fortuite ; c'est le cas du troisième condyle qui représente, en somme, un corps vertébral, le proatlas de Froriep. Signalons encore une autre manière de voir où l'hypothèse semble avoir une part moins grande : c'est celle de Vittorio Carucci!. Cet auteur se range à l’avis des anatomistes qui expliquent la formation du troisième condyle occipital par le développement anormal des condyles latéraux et un trouble dans le processus d'ossification. A propos dusquelette desextrémités desmembres, nous trouvons un nombre assez considérable de mémoires qu'il nous est malheureusement impos- sible d'analyser ici même brièvement; nous ne ferons donc que les signaler : De Dueret ?, une contribution au développe- ment des membres pairs et impairs des Poissons Téléostéens. De Gaupp 3, des recherches sur la museculature des membres antérieurs et posté- rieurs de la Grenouille. Il y établit un parallèle entre les animaux coureurs chez lesquels les mus- cles ont tendance à s’allonger, et les animaux tels que la Grenouille, où des masses musculaires puissantes et courtes surchargent les articles ter- minaux des membres. Perrin, d'autre part, conti- nuant ses études sur les membres des Amphibiens, laisse de côté le point de vue fonctionnel et se préoccupe d'établir l'homologie du membre anté- rieur des Anoures et de celui des autres Vertébrés. Il a commencé par étudier très exactement la mus- culature de ce membre chez les Anoures, car c'est la base de la méthode qu'il institue dans ses re- cherches. « Partant de ce principe, dit-il, que les organes homologues ont entre eux des rapports conslants, j'ai cherché à établir l’homologie des os en déterminant celle des muscles qui les font mouvoir. » Les auteurs s'étaient appuyés jusqu’à ce jour sur le nombre des os du carpe et sur leur position relativement aux os correspondants des autres Vertébrés, ou bien encore sur des études embryologiques ; mais cette dernière méthode, pas plus que les autres, n’a donné de résultats, car, même chez de très jeunes larves d'Anoures, la disposition de la main est franchement du type 1 V. Caruccr : Ercolani, an vu, n° 2, 1894. 2 Ducrer : Lausanne. F. Rouge, in-8°, 32 p. 8 E. Gaurre : Mittheilung zur Anat. des Frosches, II Band, und Fuss-Muskeln des Frosches, in Anal. Anzeig. 1895, Bd. XI. 4895, n° 7. 4 Perrin : Remarques sur la musculature du membre an- térieur de quelques Urodèles, Bull. de la Soc. Philomat. de Paris, 1894; et Constitution du carpe des Anoures, Bullet. Scient. de la France et de la Belgique, avril 1896. D: H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE anoure et rend impossible la comparaison avec le carpe des autres Vertébrés. On conçoit, dans ces conditions, que les interprétations ont dû varier considérablement. Il n'existe, en eflel, pas moins de six théories différentes. La nouvelle méthode de M. Perrin l'amène à en formuler une septième, d'après laquelle la main des Anoures, sans différer beaucoup de celle des Urodèles, rappelle la struc= ture du pied des Anoures, par la présence d’un: doigt supplémentaire. « La main des Anoures a, en effet, quatre doigts homologues des quatre doigts des Urodèles ; elle a, en outre, un præpollex homo- logue du præhallux du pied. Si dans le carpe des Anoures on ne lient pas compte du carpalien du præpollex,on a un carpe qui ne diffère de celui des Urodèles que par l'absence d’un central distinet. » Pour en finir avec le squelelte, je signalerai quelques recherches sur la colonne vertébrale: Gadow, Hans et Abbott ! ont étudié la colonne vertébrale des Poissons et des Amphibies. Gar- bowski ? a publié sur celle des Oiseaux, et Cou- vreur et Bataillon * sur celle du Grand Fourmilier. II. — SYSTÈME NERVEUX. — ORGANES DES SENS. L'encéphale des Vertébrés a été l'objet d'un cer- tain nombre d’études parmi lesquelles il en est qui présentent vraiment quelque intérêt. C'est d’abord une note de W. Turner‘ sur le cerveau de l’'Orni- thorhynaque. L’auteur s'est attaché à disséquer l’encéphale en place. Il le figure et le décrit suc- cinctement. On peut voir le cervelet à peu près complètement à découvert, tandis que le corps pinéal et les lobes optiques sont entièrement cachés. En avant, les lobes olfactifs sont comme étranglés en leur milieu. La partie située en ar- rière de l’étranglement siège dans la fossette ol- factive; elle représente donc le bulbe olfactif; las partie siluée en avant de l’étranglement occupe un É prolongement tubulaire de la fossette olfactive ; il £ semble que ce soit le commencement du 1 olfactif, Nous n’insistons point sur cette élude purement morphologique, pour arriver à des recherches d’un intérêt plus général, publiées par G. Elliot Smith. En 1895 *, cet anatomiste concluait de ses études. 1 Gapow, Hans et Aggorr : On the Esolution of the vertebral column of Fishes, in Philos. Trans. of (he Roy. Soc. Lon- don, 1895, p. 163-221; et Column of Amphibia, id. 4895, p. 257-59. 2? Tan. Garsowski : Zur Beurteilung vertebraler Regionen bei Vôgeln, in Anal. Anzeig. Centralbl. XI Band, n° 14, p. 444-454. 3 Couvreur et BATAILLON : Etude sur le Grand Fourmilier, organes génitaux et structure vertébrale, in Ann. de la Soc. Linn. de Lyon, 1893, p. 115. 4 W.Turxer : Furthernotes on the Brain ofOrnithorhynchus paradoxus, Journ.of Anat. and Physrol., vol XXX;nouv. série, vol. X, Part. Il, janv. 1896, p. 280. 5 G. Eruior Smuiru : The connection between the olfactory D: H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE 719 sur les rapports entre le bulbe olfactif et l'hippo- campe, que le fwscia dental a certainement des re- lations étroites avec le lobe olfactif, car il varie de taille comme celui-ci, et qu’il doit être considéré comme un « poste récepteur » hautement diffé- rencié pour les impressions olfactives. Plus récem- ment, le même auteur ! a publié un mémoire im- portant sur une question du même ordre, c’est-à- dire sur la constitution du « lobe limbique », ou mieux sur les parties de l’encéphale qui doivent être considérées comme faisant partie du vrai lobe limbique. On sait que Broca a appelé grand lobe hmbique ou limbe de l'hémisphère un ensemble qu'il considé- rait comme intimement uni au point de vue fonc- tionnel et qui comprenait les circonvolutions cal- leuses de l’hippocampe etle lobeolfactif. Schwalbe, en 1881, a ajouté à ces parties le fuscia dentata, le septum pellucidum et le fornix, et, excluant le bulbe olfactif, il a appelé l’ensemble ainsi reconstitué lobe fulciforme. Dès ses premières recherches, l’auteur a cru reconnaitre que la constitution du lobe limbique, Lel que le comprenait Broca, n’était point appli- cable aux Mammifères implacentaires, pas plus que celle du lobe falciforme de Schwalbe. Étu- diant l’encéphale de l'Ornithorhynque et de l’É- chidné et le comparant à celui des Marsupiaux, il constate qu'il lui est impossible d’adopter la ma- nière de voir de ces anatomistes. Tout d’abord des défauts de nomenclature ont amené des con- fusions très grandes; ainsi, on a appelé, chez l'homme et beaucoup de Mammifères microsma- tiques, du nom d’hippocampe la partie postérieure du lobe pyriforme, qui n’est point, comme la partie antérieure, affectée par le processus atrophique général qui atteint tout l'appareil olfactif, et on lui a donné ce nom parce qu'elle confine à la partie caudale de l'hippocampe, qui est seule re- présentée chez les mêmes animaux. L'examen du cerveau des Mammifères inférieurs, Marsupiaux et Monotrèmes, indique nettement combien cette désignation est fautive, et il en faut conclure qu'on devrait définitivement abandonner le terme « d'hippocampe » pour désigner la partie susdite du lobe pyriforme. L'auteur écarte aussi la désignation de « rhi- nencéphale », proposée par M. Turner pour désigner le lobe pyriforme, et il y substitue le terme de Zobe limbique. Je passe sur d’autres détails concernant le fornix, le septum pelluci- Bulb and the Hippocampus in Anat. Anzeig. Band. X, n° 45, 1895, p. 470. 1 G. Eccior Smiru : The morphology of the thrue « lobe limbic », corpus callosum, septum pellucidum and fornix, in Journ. of Anal. and Physiol., vol. XXX ; nouv. série, vol. X. Part, I, 1895, p. 157 et Part. Il, 1896, p. 185. dum, etc., et j'arrive aux conclusions générales : 1° En ce qui concerne l’hippocampe : bien qu’il ne soil pas marginal et qu'il ait probablement d’autres fonctions que celles qui ont trait au sens de l’olfaction, il est si intimement uni à l'appareil olfactif, et particulièrement au fascia dentala, qu'il doit être considéré, à l’exemple de ce dernier, comme une formalion essentiellement olfactive. 2° En ce qui concerne le corps calleux qui, pour Broca et autres, fait partie du lobe limbique: il ne peut, en réalilé, être conservé comme portion in- tégrante du « vrai lobe limbique » ou rhinencé- phale de W. Turner; d’abord, il n’est point mar- ginal ou « limbique » dans le sens de Broca, Fo- ville et Gerdy, car il est séparé du hile (yrande ouverture de l'hémisphère de Foville et Gratiolet) par l'hippocampe ou par son représentant, la circon- volution supra-calleuse. D'autre part, il n’est pas en relation directe avec l’appareil olfactif; enfin, phylogénétiquement, il est de beaucoup plus ré- cente origine que toutes les parties du vrai lobe limbique. Comme considération générale, l’auteur ajoute que, dans l’hémisphère cérébral, les régions les plus anciennes en date sont situées au voisinage du «hile » ; si de nouvelles formations se produi- sent, elles apparaissent à la périphérie des pre- mières qui, dès lors, deviennent Zmbiques. C'est ainsi que l'écorce cérébrale des Reptiles a élé re- léguée chez les Mammifères dans la région qui en- toure immédiatement le hile de l'hémisphère, où elle forme dorénavant le vrai lobe limbique. L'Aypophyse ou glande pituitaire est une partie de l’encéphale encore énigmatique, aussi ne faut- il point s'étonner de voir périodiquement paraitre quelques travaux qui la concernent. Ainsi, nous trouvons une note de M. Eliz. Bickford ! d'après laquelle l'hypophyse d’un poisson, le Calamoicthys, apparaît comme une glande capable d’une active sécrétion. Il ressort des coupes faites par l’auteur que cette sécrétion trouverait issue dans la cavité buccale. Cette conclusion n’est point conforme à celle de Waldschmidt qui étudia, il y a plusieurs années, l'hypophyse d’une espèce voisine, le Po- lyptère, et qui admit que la sécrétion de l’hypo- physe se déversait dans l'infundibulum, et avait manifestement pour fonction de constituer le li- quide du ventricule. Quoi qu'il en soit, si le de- venir de la sécrétion de l'hypophyse est encore problématique, on commence à se rendre mieux compte de sa structure et de son origine. On ad- meltait jusqu'à ces derniers temps que cet organe était toujours formé par le concours de deux sortes d’ébauches d'origine ectodermique : une 1 Eraz. Bicxrorp : The hypophysis of the Calamoiclhys calabaricus, in Anat. Anzeig. Band. X, n° 15, mars 1895. 120 D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE ébauche cérébrale dérivée de linfundibulum et une ou plusieurs ébauches buccales correspondant au diverticulum ou poche de Rathke qui, chez les Oiseaux et les Mammifères, est située immédiate- ment en avant de la membrane pharyngienne. Kuppfer ‘, dans un travail récent, a montré que, chez les Vertébrés inférieurs, il existe une autre formalion, de nature endodermique, participant au développement de l'hypophyse, «une invagination, tantôt creuse, tantôt pleine de l’endoderme, nais- sant en arrière de la membrane pharyngienne ». Cette formation répondrait (d’après ses obser- vations sur la Brebis) au diverticulum pharyngien connu sous le nom de poche pharyngienne de Seessel chez les Mammifères. Le D° Saint-Rémy ? a repris cette étude chez les Mammifères et les Oiseaux. Chez ces Verlébrés, la poche pharyngienne neprend plus une part directe au développement de la glande hypophysaire. «Chez les Oiseaux, cette poche doit être considérée comme représentant morphologiquement l’ébauche endodermique de l’hypophyse, mais sous forme d'un rudiment qui ne concourt pas anatomique- ment à sa formation. Chez les Mammifères, il semble que cette ébauche endodermique de l’hypo- physe, encore plus réduite que chez les Oiseaux, ne soit plus qu'un vestige presque nul. » Cepen- dant le D' Saint-Rémy considère l'interprétation de Kuppfer comme absolument exacte, et il regarde avec lui la poche pharyngienne de Seessel comme l’homologue de l’ébauche endodermique de lhypo- physe qu'il a décrite chez les Vertébrés inférieurs. Nous avons parlé, dans notre revue de l’an der- nier, d'un autre organe assez énigmatique aussi, l'organe de Jacobson, et nous avons en particulier insisté sur l'opinion de Garnault qui estimait, con- trairement à Gegenbaur, que la connexion entre l'organe de Jacobson, et les cartilages de Huschke n'est pas essentielle, ces cartilages étant des or- ganes de soutien qui ne deviennent qu’accidentel- lement organes de protection. Le même auteur a fait, cette année, en collaboration avec M. le Profes- seur Mathias Duval”, des recherches sur le même sujet chez les Cheiroptères. Ils n’ont trouvé d’or- ganes de Jacobson que chez la Pipistrelle (Vesperugo pipistrellus). Le Murin (Vespertilio murinus) et le Rhinolophe fer à cheval n’en possèdent point. Or, c’est chez une des espèces qui ne possèdent point d’organe de Jacobson, chez le Rhinolophe, qu'on trouve les dispositions les plus accentuées pour le 1 Kupprer : Silzungsb. d. Gesellsch. f. Morph. u. Phys. in München, 1894. 2 Dr Sainr-Rémy : C. R. hebd. Soc. de Biologie, 1895, n° 19, p. 423. 3 M. Duvaz et P. Garnauzr : L'organe de Jacobson des Cheiroptères, in C. R. hebdom. de la Société de Biologie, 1895, p. 261. soutien de la cloison. Chez le Murin et chez la Pipistrelle, on trouve de très petits cartilages de Huschke. Somme toute, ces cartilages « sont, chez les Mammifères, des organes de soutien pour la cloison, et leurs relations avec le tube de Jacobson sont purement contingentes et accidentelles ». Pour en finir avec les organes des sens, chez les Vertébrés, nous signalerons un mémoire de MM. Coyne et Cannieu‘ sur la constitution de la membrane de Corli ou {ectoria des auteurs. On sait que c’est une formation disposée au-dessus de l'organe de Corti comme une sorte de velum et au sujet de laquelle les opinions sont assez variables. Pour beaucoup d’anatomistes, cette tectoria ne serait fixée que par son extrémilé ou mieux son bord interne, et serait libre au-dessus de l'organe de Corti. Pour d’autres, elle est également fixée à son bord externe au niveau du ligament spiral. Les recherches de MM. Coyne et Cannieu les con- duisent à admettre que la tectoria offre deux inser- tions relativement fort étendues; l’interne sur la protubérance de Huschke, l’externe à la foissurtoute la surface qui s'étend du bord externe de la gout- tière spirale interne jusqu'aux cellules de Claudius. Cette tectoria est d’origine cuticulaire, assimilable aux cupules terminales qui coiffent les crêtes acous- tiques chez les Mammifères. Nous avons eu per- sonnellement l’occasion d'étudier ces cupules ter- minales chez les Cheiroptères, où elles acquièrent un remarquable développement, et nous devons dire que la manière de voir des auteurs que nous analysons nous paraît tout à fait acceptable. 2 4m © LA : | Emades ann L'étude de la texture de la tectoria a conduit - MM. Coyne et Cannieu à une conception toute nou= velle de cette membrane. « Elle n’est point formée, disent-ils, par une masse solide ; elle n'est pas constituée par une masse compacte de substance homogène, claire, transparente, parcourue par des fibrilles plus foncées. Elle est formée, au con- traire, par des cloisons d’une substance spéciale, circonscrivant des cavités polygonales, se présen- tant sur des coupes perpendiculaires avec stries sous la forme d’un réseau. Les mailles de ce réseau sont assez larges au niveau de l'organe de Corti;… aussi peut-on se représenter celle tectoria comme constituée par une foule de cavités plus ou moins pyramidales, inclinées sur l'organe de Corti, sur lequel elles s'appuient par leur base. » C'est dans les cavités en question que sont contenus les cils des cellules du sommet et de Corti. Il y a lieu de faire remarquer combien cette con- ception nouvelle de la tectoria laisse loin derrière elle tout ce qu'on avait imaginé jusqu'à ce jour. Elle laisse le champ ouvert aux physiologistes qui 1 Coyneet CanNieu : Contribution à l'étude de la membrane de Corti, in Journ.de l'Anal. et de la Physiolog., 1895, p. 261. D° H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 121 ne manqueront pas de tirer parti de ces notions nouvelles pour expliquer le fonctionnement de l'organe de Corti, et la part que prénd particulière- ment la tectoria dans les phénomènes de l'audition. IIT. — SYSTÈME VASCULAIRE. Van der Stricht ! a suivi, chez de très jeunes em- bryons de lapin, les premières phases du dévelop- pement du sang el des capillaires sanguins dans l'aire vasculaire. Il à pu, en s’aidant de réactifs appropriés, différencier très nettement les trois feuillets et constater que, dans l’aire opaque, c'est dans le mésoblaste el à ses dépens que se forment les premiers capillaires et les érythroblastes (cor- puscules rouges nucléés). Ces recherches viennent done à l'appui de l'opinion de A. von Külliker, qui admet que, chez le lapin, de même que chez le poulet, les premières cellules sanguines se forment aux dépens de cellules mésoblastiques. Elles com- plètent en même temps les recherches récentes de Hubrecht?, qui avait décrit des îlots de cellules sanguines, analogues à ceux qu'a observés Van der Stricht, mais qui n'avait pu déterminer avec certitude l’origine réelle de ces éléments. Parmi les travaux d’embryologie relatifs au sys- tème vasculaire, nous avions eu l’occasion de signa- ler, l'an dernier, les recherches de M. Duval sur le Placenta des Carnassiers el des Rongeurs. Cette année, le même anatomiste * a entrepris l’étude complète de l'embryologie des Cheiroptères. C'est un travail considérable qu'il ne nous est malheu- reusementpas possible d'analyser ici; nous devrons _nous borner à indiquer quelques-uns des résultats. “Pour ce qui regarde la placentation, M. Duval EN s'exprime ainsi: « En résumé, la fixation de l'œuf (chez le Murin) sur le terrain maternel s’accomplit selon un processus très semblable à ce que nous avons vu dans nos études antérieures sur les Ron- geurs etsur les Carnassiers : l’ectodermes’applique étroitement à la surface de la muqueuse utérine dont l’épithélium disparait; puis l'ectoderme com- mence à pénétrer par petites poussées dans le tissu de cette muqueuse, pour envelopper ses ca- pillaires, dont l’endothélium est remarquablement “ modifié. » Pour le moment, l'auteur attire l'atten- tion d’une facon spéciale sur la disparition de l'épithélium utérin au cours et dans la région du développement du placenta. On sait que cette dis- parition de l’épithélium utérin s'observail égale- 1 Vax DER Srriour: C. R. hebd. de la Soc. de Biologie, 1895, p.181. ? Hugrecur : Studies in mammalian Embryology. II. The placentation of the Shrew (Sorex vulgaris), in Quarterly Journ. of. Microse., vol. XXXV, fasc. 4., 1894. 3 M. Duvas : Etudes sur l’'embryologie des Cheiroptères, Journ. de l'Anat. et de la Physiol. 1895, n° 2, p. 93: n° 5, p- 425 et 1896, n° 2, p. 105 ment chez les Rongeurs et les Carnassiers, si bien que « nous pouvons, dit M. Duval, dès maintenant poser cette loi générale que, à part les Ruminants, les Pachydermes et les Équidés, l'épithélium utérin disparait chez {ous les animaux que nous avons étudiés jusqu'ici (Rongeurs, Carnassiers, Cheirop- tères et Insectivores). Il en est de même chez les Singes. » En collaboration avee M. Boulart ‘, j'ai eu l’oc- casion d'étudier le placenta du Gerf sica. Comme chez toutes les espèces du même genre qu'il nous a été possible d'observer, le placenta ne compte qu'un très petit nombre de cotylédons, soit six en tout. Quatre des masses cotylédonaires sont volu- mineuses et mesurent de 7 à 9 centimètres de diamètre, les 2 autres sont beaucoup plus petites. Cette observation vient à l'appui de celles que nous avions déjà faites et sur lesquellesnous nous étions fondés pour etasser les Cervidés avec les Moschidés dans le groupe des Ruminants Oligocotylédonés que nous opposons aux ?olycotylidonés (Bovidés, Antilopidés) et aux Acotylédonés (Camélidés, Tra- gulidés). Nous avons, d'autre part ?, étudié la circulation du cœur chez les Balænides ; nous avons pu cons- tater l'existence d'un cercle artériel et d’un cercle veineux marginaux, formés de troncs vasculaires très volumineux occupant les bords des ventri- cules, en même temps que des dispositions plexi- formes très riches s’observent en cerlains points. Ces caractères particuliers de la circulation du cœur chez les Cétacés sont évidemment liés à l’a- daptation de ces animaux à la vie aquatique, car nous n'avons rien trouvé de semblable chez les Mammifères terrestres {Equidés), tandis que l'Otarie et le Castor nous ont montré des dispo- silions anatomiques de même ordre. IV. — SYSTÈME DE NUTRITION. Nous avions attiré l’altention, l'an dernier,sur les recherches que Laguesse poursuivail sur la struc- ture et le développement du pancréas. Cet anato- miste * a continué ses éludes et a publié un important mémoire sur l'histogénie du pancréas chez le mouton. On admet {voir notre revue de 1895) que le pancréas des Vertébrés dérive de deux ébauches primitives : une dorsale, qui four- nit la plus grande partie de la glande et le canal __ 2 POESIE GR 1 BeaurecarpD et Bourarr : Note sur le placenta du Cerf sica. C. R. hebd. de La Soc. de Biologie, 1895, p. 629. 2 BeaurecarD et BouLarr : Note sur la circulation du cœur chez les Balænides. Bulletin du Muséum d'histoire na- turelle, 1896, p. 16. 3 Lacugsse : Recherches sur l'histogénie du pancréas chez le mouton, in Jowrn. de l’Anat. et de la Physiologie, n°5, 1895, et n°2 et 3, 4896, et C. R. hebdomadaires de la Société de Biologie, 1895, p. 602 et p. 699. 122 D' H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE de Santorini, et une ventrale, née dela paroi même du conduit hépatique primitif; elle donne une portion de la glande et le canal de Wirsung. Mais il y a plus; on sait que, chez certains animaux (Bœuf), il existe de petits pancréas plus ou moins enclavés dans la paroi même du canal cholédoque. L'auteur s’est demandé si ces petits pancréas n'auraient pas une origine indépendante, et l’ob- servalion lui a donné raison. Il a trouvé, en effet, chez le mouton, une série de nouveaux petits bour- geons qui se détachent tardivement de l’épithélium du canal cholédoque et qui forment autant de glandes pancréaliques accessoires. « Le bourgeon primitif du foie, dit Laguesse, nous apparaît donc de plus en plus comme un véritable bourgeon hépato-pancréalique, possédant la propriété de donner naissance à du tissu pancréalique, non seulement tout à son origine, mais encore à une période relativement reculée du développement. » Dans ses recherches sur l'histogénie du pan- créas, l’auteur s’est principalement préoccupé d'établir la signification des cellules dites centro- acineusesel des formations dites pseudo-follicules, points folliculaires, etc., qu'il désigne sous le nom d’Z/ots de Langerhans. Comme il ne nous est pas possible de donner une analyse complète de ce Mémoire, nous nous arrêterons iei seulement à la question des ilots de Langerhans. On sait qu'on désigne ainsi des îlots ou masses pleines, formés de cellules troubles, qui se montrent entre les acini, et qui sont entourés d’un réseau à mailles serrées de capillaires tortueux et irréguliers. La- guesse a constaté que ces ilots, qu'on observe chez l'adulte, apparaissent de très bonne heure chez l'embryon et qu’ils y sont même comparativement beaucoup plus nombreux, ce qui semble indiquer qu'ils jouent aux premières époques de la vie fœtale un rôle important. En effet, dans la paroi des tubes pancréatiques primitifs qui proviennent des bourgeonnements de l’ébauche première du pancréas, on voit se former des sortes de verrues, saillantes au dehors et formées de cellules un peu troubles. Ces cel- lules venant à proliférer par karyokinèse, il se forme bientôt des masses arrondies, volumineuses, pleines, qui sont les ilots primaires de Langerhans. Cette première génération d’ilots pleins entre bientôt en régression et s’élimine, en majeure par- tie, au moins, par les canaux, mais bientôt une nouvelle génération (ilots secondaires) apparaît, suivie de plusieurs autres, formées aux dépens des cavilés secrélantes par leur métamorphose en ilots pleins. Ces îlots secondaires continuent à se former pendant toute la vie. « Ils représentent une por- tion de la glande temporairement modifiée — pour s'adapter à une fonction nouvelle que nous croyons être la sécrétion interne — et destinée, au bout d'un temps relativement court, à se transformer de nouveau en cavités sécrélantes. «Le foie et le pancréas nous apparaissent ainsi comme deux glandes, probablement de même ori- gine phylogénétique, en tout cas, intimement rap- prochées par l'ontogénie, par la structure, par la fonction. Mais tandis que, dans le foie, la cellule semble accomplir simultanément sécrétion interne et sécrétion externe, dans le pancréas, où la sécré- tion externe est beaucoup plus importante, pré-« dominante dans la digestion, une division plus complète du travail semble s'être accomplie. Par une sorle de balancement réguiier, toute cavité sécrélante, après avoir fourni un certain nombre de fois une sécrétion externe, se transformerait temporairement en ilot plein endocrine (a sécrétion interne) et déverserait alors dans les vaisseaux une sécrétion interne; puis elle reviendrait à l’état primitif et recommencerait indéfiniment à par- courir le même cycle. » On sait combien les opinions diffèrent sur la nature des diverses parties de l'estomac composé des Cétacés. Un travail de MM. Pilliet et Boulart ! parait être une excellente contribution à la solu- Lion du problème. L'étude histologique des diverses poches formant l'estomac complexe des Cétacés était seule capable de fournir des renseignements précis pour l'interprétation exacte de ces organes; mais il fallait, pour cela, des pièces anatomiques nombreuses et en bon étal de conservation. LS auteurs ont trouvé les matériaux nécessaires à leur étude dans les nombreuses pièces anatomiques dont le regretté professeur Pouchet avait doté le service de l’Anatomie comparée au Muséum. Voici les conclusions auxquelles arrivent les auteurs: Bien que très compliqué, à la façon des Ruminants, M l'estomac des Cétacés n'offre aucune comparaison possible avec ce dernier. Chez les Ruminants, en effet, les premières poches gastriques, panse, bonnet et feuillet, ne sont que des réservoirs, sans formations glandulaires; la caillette seule repré- sente le vrai estomac. Chez les Cétacés, il n'existe rien de semblable. En dehors d’une panse, qui peut exister (Balénides) ou être absente (Sirénides), il n'existe qu'un estomac glanduleux, mais la caractéristique de cet estomac des Célacés, c'est la séparation de l’estomac pylorique et de l’estomae cardiaque. Chacun d’eux peut, en outre, être subdi- visé, « mais, au milieu de cette complexité appaz rente, on retrouvera toujours la division analo= mique des deux estomacs, dont la division n'est que physiologique et histologique chez les autres Mammi= fères. C’est ce qui fait du Cétacé un type à part, 1 Prier et BouLarr : L’estomac des Cétacés, in Journ. de l'Anat. et de la Physiol. 1895, p. 250. D: H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 723 impossible à rapprocher du Ruminant, chez lequel, malgré la multiplicité des poches, l'estomac vrai est unique et ne forme qu’une poche, la caillette, comprenant les glandes à pepsine et les glandes pyloriques. » Nous ne pouvons que signaler un mémoire de Brachet ! sur le développement du diaphragme el du foie chez le lapin, etles recherches de A.Swaen * sur le développement du foie, du tube digestif, de l'arrière-cavité du péritoine et du mésentère. V. — EMBRYOLOGIE GÉNÉRALE. Quelques recherches sur le cælome ont été ré- cemment publiées. C’est d'abord un mémoire de Goodrich #, dans lequel l'auteur se propose d’at- tirer l’attention de ses compatriotes sur la théorie d’après laquelle la cavité, connue sous le nom de cœlome chez les Cœlomates les plus élevés en organisation, est homologue à la cavité des folli- cules génitaux des types inférieurs: Les observa- tions des auteurs sur ce point ayant plus particu- lièrement trait au groupe des Polychètes ou formes voisines, Goodrich résume dans une série de dia- grammes les connaissances actuelles sur la dispo- sition du cœlome et des néphridies chez les Pla- naires, les Rotifères, les Mollusques,les Némertiens, les Oligochètes, les Hirudinées, les Polychètes, les Arthropodes, le Siponcele, les Échinodermes, les Vertébrés, et il conclut ainsi de cet examen gé- néral : le cœlome est une ou plusieurs cavités où se développent les cellules sexuelles; il s'ac- croit graduellement jusqu’à devenir la cavité du - corps dans laquelle siègent les viscères. Quant aux conduits génitaux, ils sont homologues (à quel- ques exceptions près) chez tous les Cœlomates, et les néphridies, que l’on a souvent confondus avec ces conduits, peuvent toujours en être distingués ; enfin le cælome peut acquérir secondairement une fonction rénale, les entonnoirs péritonéaux rem- plaçant les néphridies propres comme conduits excréteurs. D'un travail de Van der Stricht * sur les pre- miers moments du développement du cœlome chez le lapin, il résulte que cette cavité se forme par délamination, plusieurs fentes séparées s'unis- sant et se fusionnant pour former la cavité elle- 1 Bracner. Journ. de l'Anat. et de la Physiol., 1895, p.511. 2 A. Swan. Journ. de l’'Anat. et de la Physiol., 1896, p. 1. 3 Epwin S. Gooprica : On the cœlom, genital Ducis, and Nephridia, in the Quarterly Journ. of microse. Sc. London, 1895, vol. 31, part. #, p. 417. 4 Van per Srricur : La première apparition de la cavité cœlomique dans l'aire embryonnaire du lapin. C. R. hebdo- mad. de la Soc. de Biologie, 1895, p. 207. même, dont les parois sont représentées par un épaississement latéral du feuillet moyen où les cellules acquièrent des caractères épithéliaux. Pour terminer cette revue, nous reviendrons sur le travail de M. Duval, relatif à l’'embryologie des Cheiropières, pour dire quelques mots d’une im- portante discussion qui y est soulevée à propos du mode de formation de la masse amniotique du Murin et qui intéresse en même temps la destinée des feuillets blastodermiques. La cavité amniotique du Murin prend naissance d’une façon très spéciale. Il se forme d’abord un épaississement massif de l'efoderme, puis celte masse, au lieu de se creuser d'une cavité centrale close de tous côtés, se disloque irrégulièrement et s'ouvre à la surface de l’œuf, «figurant une bourse largement étalée, dont les bords se relèvent alors selon le type classique des replis amniotiques et produisent l’occlusion de l’amnios par leur rappro- chement et soudure ». M. Duval attire l'attention sur l'origine ectodermique de la masse amniotique du Murin, parce que les observations de divers anatomistes, et particulièrement celles de Hubrecht* qui, tout récemment, assigne, à ce qu'il appelle bouton embryonnaire chez le Tupaya etla Musaraigne, une origine endodermique, lui paraissent devoir comporter une autre interprétation. Le bouton embryonnaire en question n’est point, comme le pense Hubrecht, l'homologue du résidu vitellin ou masse interne endodermique connue des embryo- logistes; c'est, en réalité, une formation ectoder- mique analogue à la masse amniotique du Murin, mais qui est seulement en rapport moins intime avec la formation des plisamniotiques que chez le Mürin. Si cette manière de voir est juste, — et M. Duval le croit fermement et le démontre en effet par la reproduction de figures empruntées aux auteurs dontil discute les opinions, —les con- séquences en sont très importantes. Si, en effet, la masse cellulaire en question est bien d'origine ectodermique, comme, finalement, elle vient s’éta- ler à la surface de l'œuf en une lame ectodermique qui correspond à la tache embryonnaire, la con- clusion suivante s'impose, à savoir : que, «dans tous les cas, l’ectoderme formalif, définitif, dérive de l’ectoderme primitif et non du reste vitellin ou masse interne, cette masse interne (masse endo- dermique) étant destinée à donner uniquement l'endoderme (d’où dérivera plus tard le méso- derme). D° H. Beauregard, Docteur ès sciences et en médecine, Assistant d'Anatomie au Muséum. 1 Hugrecur : loc. cil., et aussi : Die Phylogenese de Amnions und die Bedeutung des Trophoblastes. Verhandel. der K. Akad. van Wissenschaflen le Amsterdam, 1895. 1 19 ra BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Kæœnigs (G.), Professeur suppléant au Collège de France. — La Géométrie réglée et ses applications : coor- données ; systèmes linéaires ; propriétes infinité- simales du premier ordre. —1 vol. in-4° de 148 pages (Prix : o fr.) Gauthier- Villars, Paris, 1896. L'auteur des recherches sur les Propriétés infinité- simales de l’espace réglé était mieux préparé que per- sonne à l'exposition de cette importante théorie : théorie intéressante à plus d'un titre, puisque, née de l'Optique géométrique, elle a enseigné à considérer systématiquement, comme éléments de l’espace, des figures autres que le point, transformant ainsi à la fois la Géométrie et l'Analyse. Un autre côté par lequel la Géométrie réglée mérite particulièrement d’atirer l'attention est son caractère invariant. La géométrie des lignes droites se corres- pond à elle-même tant homographiquement que dua- listiquement : que l’on définisse une ligne droite par les points dont elle est le lieu ou par les plans qui ia contiennent, on est conduit à la représenter par le même système (corrélatif à lui-même) de six coor- données z,, z,, …, z,, liées entre elles par une relation quadratique w (z) —0, la forme polaire w (2/2) de w (z) s’annulant lorsque les droites se rencontrent ou (ce qui revient au même) lorsqu'elles sont dans un même plan. De ce caractère dualistique résulte immédiatement une conséquence curieuse. Si les coordonnées d’une droite variable dépendant d'un paramètre sont des combinaisons linéaires de celles de deux droites fixes, soit : Zi == Gi + Xbi, ces deux dernières se rencontrent, et la droite variable décrit un faisceau-plan (ensemble des droites passant par un point fixe dans un plan fixe). Mais si l’on intro- duit trois droites fixes telles qu’une combinaison li- néaire arbitraire : zi= di + hbi+ pe de leurs coordonnées donne une droite variable, dépen- dant de deux paramètres, cette droite décrira soit un syStème-plan (ensemble de toutes les droites d’un plan), soit une gerbe (ensemble de toutes les droites issues d’un même point). Ces deux notions sont corrélatives l’une de l’autre : la Géométrie réglée ne distingue pas entre elles; elle les confond sous le nom d’hyper- faisceau. Après avoir exposé ces généralités, l’auteur étudie les complexes linéaires, puis les systèmes de com- plexes, à propos desquels il définit les corrélations linéaires (correspondances homographiques entre les points d'une droite et les plans qui passent par celte droite) et introduit la notion du rapport anharmonique et de l’involution de deux complexes. Il aborde en- suite la Géométrie infinitésimale en coordonnées de droites par l’élude des complexes linéaires tangents à une série réglée (série de droites dépendant d’un para- mètre). Si cette série réglée constitue une surface gauche, on a les notions de quadrique de raccordement et d'hyperboloïde osculateur. Mais la série réglée peut aussi se composer des tangentes d’une courbe gauche; c’est à propos de cette espèce de séries réglées que M. Kænigs définit l'élément de contact de Lie, ou plutôt présente, à ce nouveau point de vue, la notion de fais- ceau-plan. Etant donnée la simplicité avec laquelle s’'introduit l'élément de contact, la Géométrie réglée (= 1,2, .….. 6), est particulièrement propre à l’étude de la Géométrie de Lie. L'identité, sous ce point de vue, entre les sur- faces, les courbes et les plans, s’y présente naturel- lement. Si maintenant, au lieu d’une série réglée, on consi- dère un complexe quelconque f (x) — 0, l'équation : SE du +u de), dxi où les ; sont les coordonnées d’une droite du com- plexe et les y; des coordonnées courantes, représente un système de complexes linéaires tangents au com- plexe donné suivant cette droite. Ces complexes sont tous spéciaux si l’on a : df (1) ONE () ( (Q étant la forme adjointe de w), et la droite considérée est une droite singulière du complexe. Les théories pré- cédentes permettent de démontrer avec une remar- quable simplicité l'existence de la surface des singu- larités. On arrive non moins simplement à la solution d’un des problèmes fondamentaux de la théorie des com- plexes : à quelle condition un complexe est-il composé des tangentes d’une surface (ou plus exactement de droites ayant une enveloppe, c’est-à-dire tangentes à une même surface ou rencontrant une même ligne, ou passantpar un même point)? Cette condition est précisément que toutes les droites du complexe vérifient la condition (1). Le dernier chapitre se compose de deux parties : il est tout d'abord consacré à la représentation de l’es- pace réglé par les coordonnées de Klein, coordonnées choisies de manière que la forme w soit réduite à une somme de carrés. Les six complexes cordonnées C; offrent alors entre eux de remarquables rela- tions. Ils sont en involution deux à deux. A toute distribution des six coordonnées en deux groupes de trois correspond une quadrique qui contient les direc- trices A;; de la congruence commune à deux complexes quelconquesC; , C;j , d'un mêmeterme ; à toute distribu- tion &@es six coordonnées en trois groupes de deux coirespond un tétraèdre ayant pour arêtes des droites A; de sorte qu’il y a 15 pareils tétraèdres. Les 60 sommets de ces létraèdres sont trois à trois sur 220 droites qui servent aussi chacune d'intersection à trois faces, etc., etc. L'auteur reprend ensuite, à un autre point de vue, la théorie générale des représentations de la droite en considérant les six coordonnées z,, z, ...,, comme des coordonnées homogènes dans l'espace à cinq dimensions; il est clair que les droites de l’espace. ordinaire correspondront aux points d’une quadrique E?, à quatre dimensions dans cet hyperespace, qua- drique représentée par l'équation w (z) — 0. Cette qua- drique contient une infinité d'espaces linéaires à une dimension (correspondant aux faisceaux-plans de les- pace ordinaire) et une infinité d'espaces linéaires à deux dimensions, correspondant aux hyperfaisceaux. Puisqu'il y a deux sortes d'hyperfaisceaux, la gerbe et le système-plan, il doit y avoir deux sorles de ces espaces linéaires, C'est, en effet, ce qui se produit : les espaces linétires en question se groupent en deux sys- tèmes, absolument comme les génératrices rectilignes d’une quadrique ordinaire (avec cette différence, tou- telois, que deux espaces du même système se coupent, et non deux espaces de systèmes différents). D BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 125 appareils une source intarissable de problèmes : il a Mais on sait que toute quadrique est représentable sur un plan (par la projection stéréographique, conve- nablement généralisée). Le même procédé, appliqué à Ja quadrique E?,, permet de représenter chaque droite par un point de l’espace à quatre dimensions, de manière que tout complexe linéaire ait pour image une hypersphère. Les transformations homographiques et dualistiques de l’espace réglé correspondent, dès lors, aux opérations anallaugmatiques (c'est-à-dire qui con- servent les sphères) : déplacements, homothéties, sy- métries, inversions dans l’espace à quatre dimensions, “ autrement dit : la Géométrie réglée, au point de vue pro- jectif et dualistique, est identique à lu géométrie anal- lagmatique de l'espace à quatre dimensions. La projection stéréographique admet une figure d’in- détermination, qui est une quadrique à deux dimen- sions I[,, dont les génératrices des deux systèmes cor- respondent aux hyperfaisceaux des deux sortes. Le développement de ces curieuses analogies termine l’ouvrage actuel (qui, dans la pensée de l’auteur, n’est, d’ailleurs, qu'une première partie), Dans l’exposé des questions que nous venons de résumer, M. Kænigs apporte ce fini de discussion auquel il a habitué les lecteurs. Les cas singuliers, sans être mis sur le même plan que le cas général, sont traités avec le même soin. Nulle part, peut-être, cette précaution n’est-elle mieux justifiée que dans la Géométrie réglée. J. Hapawarp. 2° Sciences physiques. Foussereau (G.), Docteur ès Sciences, Secrétaire de la Faculté des Sciences de Paris. — Leçons de Phy- sique, à l’usage des élèves de la Classe de Mathéma- tiques Spéciales. Tome I : Optique. — 1 vol. in-8° de 454 pages, avec 343 figures. (Prix : 12 francs.) Société d'Editions scientifiques, 4, rue Antoine-Dubois. Paris, 1896. Ces lecons de Physique procèdent de l'esprit nou- veau dans lequel sont concus les ouvrages scienti- fiques récents destinés aux classes préparatoires aux grandes Ecoles. M. Foussereau a cherché à mettre en relief le véri- table intérêt physique des diverses questions, en ne perdant jamais de vue que la seule base véritable est l'expérience. Ce n’est qu'après avoir bien fait ressortir la nature physique d'une question qu’il en aborde la théorie générale, et il sait l’exposer sans paraitre aride. Il ne craint pas de montrer comment les di- verses questions se rattachent à des vues plus géné- ralés. De simples apercus suffisent pour montrer l'état actuel d’une question, pour faire apercevoir le but et l'étendue d’une étude plus élevée de la Phy- sique. Un cours, concu dans cet esprit, présente un attrait particulier d'originalité. M. Foussereau y a apporté en même temps la clarté et la précision, dési- rables toujours, absolument indispensables pour des élèves, et qui ont été tant appréciées dans son ensei- gnement. Ces qualités apparaissent même dans les questions les plus simples. Les maitres sauront re- connaître la rigueur avec laquelle il formule les lois de la réfraction, sans attendre jusqu’à la dispersion - pour développer sa pensée. Il a su renouveler heureu- «sement un certain nombre de dispositions consacrées de figures. Il a généralisé les notions de grossisse- ment, de champ et de clarté dans les instruments d'optique, afin d'éviter la diversité que présente ordi- nairement leur application aux divers appareils et de les rattacher à une définition commune. On remar- - quera la clarté des figures relatives à la marche des rayons dans les instruments d'optique avec l'emploi des plans principaux. L'étude pratique des appareils n'est pas oubliée, La discussion du réglage du spec- troscope et du goniomètre est particulièrement appro- fondie. Incidemment, M. Foussereau à trouvé le moyen le plus ingénieux d’enlever aux examinateurs la ten- tation de chercher encore dans le retournement des consacré quelques notes à en traiter tous les points délicats. La photométrie devient intéressante par l’ex- posé des travaux modernes et par l'étude de la sensi- bilité des yeux. D'ailleurs, l'œil cesse d'être considéré uniquement comme un instrument d'optique particu- lier, digne seulement d’être étudié à son rang, à un seul instant du cours : comme dans la réalité, il inter- vient partout. Ainsi, aux droites focales, M. Foussereau montre élégamment dans quelles conditions l'image d’un point devient plus nette par la vision binocu- laire. On remarquera l’exposé des indices de réfrac- tion, l’étude des spectres et la vitesse de la lumière. Ce volume, d'un caractère original, écrit avec simpli- cité et précision, bien informé et très complet pour toutes les questions récentes, sera pour tous, lecteurs bénévoles ou spécialement intéressés, à la fois utile et attrayant. Edgard HaAunié. Carnot (Ad.), Membre de l'Institut, Inspecteur général des Mines. — Méthodes d'analyse des Fontes, des Fers et des Aciers. — 1 vol. in-8° de 185 pages avec À planche. (Prix : à fr.) Vve Ch. Dunod et P. Vieq, édi- teurs. Paris, 1896. Il n'existait pas encore de traité en langue francaise, spécialement consacré à l’exposé des méthodes analy- tiques employées dans la métallurgie du fer. Cepen- dant, l'importance de l’analyse devient de plus en plus yrande, depuis que la métallurgie emploie dans ses in- vestigations, et même en cours de fabrication, les mé- taux les plus divers. Le chimiste d'usine à maintenant à faire les analyses les plus délicates et les plus va- riées; à côté des dosages courants de carbone et de ohosphore, de silicium, de soufre, etc., il a à étudier la séparation de produits naguère considérés comme des raretés : le titane, le tungstène, le molybdène, le vanadium, l’uranium, etc., opérations des plus déli- cates et sur lesquelles on ne trouve que des renseigne- ments épars dans une foule de publications. Sur la demande de Ja Commission des méthodes d'essai des matériaux de construction, M. A. Carnot a rédigé un ouvrage qui vient combler cette lacune, et que nul ne pouvait écrire avec autant de compétence et d'autorité. Le premier chapitre est consacré au dosage du car- bone total contenu dans un acier, et à la séparation des différentes formes sous lesquelles il se trouve uni au fer; puis vient le dosaze du silicium, du phosphore, de l’arsenic, du soufre et du manganèse; M. Carnot s'occupe ensuite de la séparation des métaux unis au fer dans les aciers dits spéciaux, le chrome, le nickel, le tungstène, le molybdène, le titane, le vanadium, la- luminium; enfin, les derniers chapitres sont relatifs au dosage du laitier ou de la scorie et des métaux alcalino-terreux, et au dosage du fer, peu pratiqué en général, mais qui permet de contrôler l’ensemble des opérations effectuées et se trouve ainsi fort utile dans les analyses de précision. Les différentes méthodes d'analyse sont décrites avec tous les détails nécessaires pour l'application directe ; on sent que le livre résume une longue série de re- cherches de laboratoire, recherches qui ont, d’ailleurs, conduit M. Carnot à la découverte de plusieurs des méthodes indiquées; telles sont, en particulier, les méthodes de dosage du chrome et du manganèse au moyen de l’eau oxygénée, le dosage de l'aluminium dans le fer, qui constitue une des opérations les plus délicates de la chimie analytique, enfin, la méthode de dosage du silicium et du phosphore qui est générale- ment adoptée aujourd’hui. Le livre de M. Carnot résume complètement et ma- gistralement l’état actuel de la question, et il rendra les plus grands services aux chimistes métallurgistes ; on ne peut que remercier l’auteur de n'avoir pas reculé devant le travail considérable que représente la rédaction d'un tel ouvrage. G. CHarPy. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Oechsner de ŒConinck (W.), Professeur à la Faculté des Sciences de Montpellier. — Eléments de Chimie organique et de Chimie biologique 1 vol. in-16 de 116 pages. (Prix : 2 fr.) G. Masson, éditeur. Paris, 1896. Ce petit ouvrage expose, d’une facon aussi simple que possible, les éléments de la Chimie organique, et fait suivre cet exposé des premiers principes de la Chimie biologique. Il trouvera un accueil favorable auprès des candidats au certificat d’études P. C. N., auxquels il est surtout destiné. 3° Sciences naturelles. Scudder (S. H.).— Revision of the american Fos- sil Cockroaches with descriptions ofnew forms. — 1 vol. in-8° de 145 pages avec 12 planches (Bulletin of the United-States geological Survey, n° 124). Washing- ton, 1896. Les documents qui ont permis à M. Scudder de rédiger une revision monographique des Blattides paléozoïques ont été découverts par MM. Lacoe et Huston dans les gisements permiens et carbonifères de VOhio et de la Virginie. Dans ce remarquable travail, l’auteur signale qu'au- cune espèce n'a été rencontrée en mème temps dans les deux régions et que les formes de l'Amérique diffèrent complètement de celles de l’Europe. Des tableaux très minutieusement redigés nous donnent la liste des Blattides du Nouveau Monde, leur distribution géographique dans ce continent et en Europe, et l’énumération des formes prétertiaires de la faune néarctique et des gisements européens. M. Scudder indique aussi la répartition géologique des Paleoblattariæ, et des Neoblaltariæ C’est avec raison que ce paléontologiste ne mentionne pas les em- preintes liasiques paléarctiques. Son mémoire nous fait beaucoup mieux connaître les Orthoptères des temps primaires, Mais M. Scudder, en donnant un nom spécifique à presque toutesces pétrifications, surcharge la nomenclature de termes qui ne rendent aucun ser- vice pour l’étude des Arthropodes fossiles. Les généra- lités soigneusement enregistrées nous permettront de mieux comprendre l’évolution probable de ces Articulés, et nous suggéreront les premières idées d'un essai de philosophie paléo-entomologique. M. Scudder indique qu’en 1879 on connaissait seulement 58 espèces de Blattides, et que ce nombre s'élève actuellement à 193, Il est indispensable de faire l'étude comparée des Paleoblattariæ et des Neoblattariæ du Stéphanien de Commentry, avant de pouvoir formuler des conclusions d'ensemble sur l’histoire des Blattides paléozoïques. L'auteur signale que 5 des 14 genres connus du Nouveau Monde n'existent pas dans les terrains pri- maires de l’Europe. Les Mylacridæ ont ordinairement le corps plus grand que les Blattinariæ, à l'exception des Lithomylacris, qui sont plus grêles. En comparant la grandeur alaire des individus appartenant à la sous-famille des Mylacridæ, M. Scudder a constaté que celle-ci est de 27mm,5 chez 29 de ces Orthoptères et réduite à 22 millimètres chez les 104 Blattinariæ sou- mis à son examen. Les entomologistes qui s'occupent des insectes exotiques, n’ignorent pas que les Blattides américaines du genre Blabera peuvent acquérir une taille de 60 à 70 millimètres de longueur. M. Scudder a trouvé une aile antérieure de blatte qui devait avoir environ 80 millimètres de longueur. Ge savant indique des chiffres très précis concernant les mesures du corps et celles des organes alaires de ces insectes et, comme il le dit lui-même, il s’est ins- piré, pour rédiger cette partie de son mémoire, des belles recherches de Brunner de Wattenwyl sur le nouveau système des Blattaires. Les Orthoptères de cette famille des couches permiennes et du carbonifère étaient donc plus grands que les espèces actuelles et, comme chez les Libellulidæ, leur taille a progressi- vement diminué jusqu'à l’époque tertiaire. Grâce à l’obligeance de M. le P' Josua Lindahl, l'auteur a pu étudier l’abdomen d’une Blattide de l'Illinois. Il décrit très exactement cette partie du corps de l’articulé, puis il revient sur l'opinion déjà émise par M. Ch. Brongniart, en disant que ce curieux et rare spécimen possède un loug oviducte assez semblable à celui des Phasmides. Nous ne pouvons que féliciter M. Scudder de s'être borné à faire connaître avec soin la morpho- logie des segments abdominaux de cette Blattide, et de ne pas lui avoir donné, suivant sa tendance habi- tuelle, un nom générique ou spécifique. Les ailes pos= térieures des Blattides ont été rarement conseryées. L'auteur mentionne celles de trois formes appartenant aux genres Eloblattina et Blattina latinervis en Europe, et cinq empreintes référables aux Promylacris, Paro- mylacris, Archimylacris, Oryctoblattina et Etoblattina en Amérique. Lorsque l’étude des ailes postérieures sera mieux connue, on trouvera probablement des si-= gnes morphologiques distincts pour la division de cette famille en Mylacridæ et Blattinariæ. Comme le dit M. Scudder, la paléo-orthoptérologie ne peut nous donner des éclaircissements nouveaux que si M. Ch. Bronguiart publie les riches matériaux du gisement de Commentry qui sont en sa possession. Les lignes où l’auteur s'occupe de la mimigue qui a pu exister chez les Blattides paléozoïques sont extrême- ment intéressantes au point de vue de la philosophie paléoentomologique. Les deux vignettes de Gerablat- tina permanenta et de Neuropteris odontopteroides in- diquent d’abord que nous devons comparer très pru- demment les restes d’Articulés fossiles et nous font facilement comprendre comment M. Ch. Brongniart a ensuite désigné sous le nom de Paleoblattina Dou- villei une pétrification que M. Scudder considère comme étant celle d’un Neuraptère. Dans les terrains primaires d'Europe on trouve les genres Etoblaltina, Gerablattina, Anthracoblattina, Hermatoblattina, Pro- gonoblattina, Oryctoblattina, Petrablattina et Lepto- blattina. L'auteur donne la figure de l’aile d’un Etoblat- tina, en indiquant les différents noms qui ont été assi- gnés aux nervures. Puis, avant de donner la description d’une quantité de nou'elles espèces, il signale les genres qui ont été rencontrés dans les couches pri- maires de l'Amérique du Nord. Ceux-ci appartiennent aux formes suivantes : Mylacris, Promylacris, Lithomy- lacris, Paromylacris, Necimylacris, Microblattina, Ar- chimylacris, Spiloblatlina, Etoblattina, Gerablattina, Anthracoblattina, Hermatoblattina, Progonoblattina, Oryctoblattina, Poroblattina, Petroblattina, Neorthro- blattina, Sculinoblattina, Zetobora, Homeogamia et Paralindia. Sans critiquer, à cause de documents insuffisants, cette profusion de nouveaux noms génériques de Blat- tides, on ne peut, cependant, pas s'empêcher de si- gnaler que plusieurs des coupes établies par ce savant, paléontologiste sont souvent peu tranchées, et semblent être soumises à des fluctuations de variabilité aussi grandes que chez les individus, Ces caractères sont, d’ailleurs, extraits seulement de la disposilion des nervures sur le champ de l'aile. Le travail de M. Scudder est une admirable contri= bution à l'étude des Orthoptères paléozoïques; mais il présente encore de nombreux desiderala, en ce qui concerne le domaine de la philosophie paléoentomolo- gique et del’évolution générale des Arthropodes. Nous espérons que M. Scudder publiera prochainement une notice où il résumera, dans quelques réflexions syn- thétiques, tout ce qu'il sait concernant la phylogénie et le développement organique des Blaitides et des autres Insectes aux différentes périodes géologiques. Les nombreux dessins d'ailes des planches 1 à 42 sont malheureusement reproduits par la lithographie et nécessairement schématisés. En résumé, le travail de M. Scudder à une grande valeur scientifique, et il mérite d'être longuement médité par les paléontologistes les plus instruits de l'Ancien et du Nouveau Monde, P:' Fernand Meunier. + ' BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX = 127 4° Sciences médicales. Lermoyez (Marcel), Médecin des Hôpitaux de Paris. — Thérapeutique des maladies des Fosses nasales, des Sinus de la face et du Pharynx nasal, — 2 vol. in-12 de 396 pages et 80 fig. et de 420 p. et 66 fig. (Prix : 4 fr. le volume.) O. Doin, éditeur, Pa- ris, 1896. Il serait puéril de nier l'importance qu'a prise, depuis une vingtaine d'années, l’étude des maladies du nez et du larynx. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à parcou- rir la liste des travaux publiés dans les recueils spé- ciaux des différentes parties du monde (il en existe au moins une dizaine en France) et qu’à voir le nombre croissant de jeunes médecins qui s’adonnent à cette spécialité. Ce n’est pas que l’enseignement en ait été jusqu'ici favorisé par l’'Alma mater, la Faculté de Mé- decine. Alors qu’à l'Etranger cette branche de la mé- decine était enseignée eæ cathedrä au même titre que les autres, par un professeur égal de ses collègues, chez nous on ne s'en préoceupait pas le moins du monde. Insouciance, dédain de ce qui paraissait un accessoire de la médecine, insuffisance de budget, je cherche la raison valable de cet ostracisme. Il y à deux ans, la Faculté de Bordeaux bravait cette impo- pularité en appelant, comme chargé de cours, un de nos plus distingués collègues de province, à un ensei- gnement officiel. Cédant enfin aux pressantes sollici- tations du doyen de la Faculté de Paris, le Conseil universitaire vient de décider cette année l'ouverture d’un cours spécial, sans oser cependantcréer une chaire nouvelle, Et pourtant, n’y aurait-il pas intérêt à mettre l’enseignement des maladies du nez, des oreilles, sur le même pied que celui des maladies des voies uri- naires, des yeux, des maladies de la peau ? Ne meurt- on pas par l'oreille, le nez aussi bien que par le cœur, le poumon, le rein, la vessie? N'en meurt-on pas même souvent, plus insidieusement et sous le couvert de méningite, d’encéphalite, alors qu’une interven- tion judicieuse eût pu modifier, en quelques minutes, une situation en apparence irrémédiable ? . Ce que n’a pas fait l'enseignement officiel, l’initia- tive privée s'en est chargé, et, depuis longtemps, les nombreuses cliniques de Paris et de la province sont devenues autant de petits centres d'enseignement d’où sortent des élèves instruits, qui, s'ils ne se destinent pas tous à devenir spécialistes, seront à même de bien Juger les indications de tel ou tel cas, et d'appliquer un traitement efficace au moment opportun. Ee livre du Dr Lermoyez est le reflet de cet ensei- gnement particulier. OEuvre très personnelle et sor- tant du cadre banal des manuels ordinaires, le Traité de Thérapeutique que je présente au lecteur mérite de tous points une mention spéciale. Il ne s’agit point là d’une compilation où l’on trouvera l'exposé de toutes Jes méthodes de traitement, une sorte de revue géné- rale des procédés de tel ou tel praticien. Notre confrère a cherché à mettre en relief les indications précises applicables à tel ou tel cas et, entrant dans la minutie des détails, à éliminer, en quelque sorte, les difficul- tés techniques et à établir des règles précises. Con- vaincu que la précision et la délicatesse, dans les pe- tites et grandes opérations, sont, en y joignant, cela ya sans dire, les précautions minutieuses de l’antisep- sie, la raison du succès, ou tout au moins de l'inno- cuité, M. Lermoyez s’est attaché à décrire, pour chaque variété de lésions, le procédé le meilleur comme in- tervention; puis il le détaille, il ne passe aucun temps sans insister sur les minuties du modus fuciendi : c'est un véritable enseignement et l'ouvrage devient ainsi un guide parfait pour qui veut le suivre aveuglément. L'ouvrage est précédé de considérations générales sur l’anesthésie, l’électrothérapie, les méthodes géné- rales d'examen, qui résument, de la facon la plus claire et la plus instructive, les notions utiles au pra- ticien. Les maladies spéciales du nez, du sinus et du pharynx sont l’objet d’études détaillées pour chaque lésion. Nous n'entrerons pas dans l'examen de ces cha- pitres; qu'il nous suffise de dire que c’est, à notre avis, de tous les livres publiés sur ce sujet, le meilleur et le plus pratique. Dr A. CarTaz. Chaput (Dr H.), Chirurgien des Hôpitaux, membre «de la Société de Chirurgie. — Thérapeutique chirurgicale des affections del'intestin, du rectum et du péri- toine. — 1 vol. in-S° jésus de 244 pages avec 51 fig. dans le texte, (Priæ : 4 francs.) O. Doin, editeur, Paris, 1896. Ce volume fait partie de la Bibliothèque de Thérapeu- tique médico-chirurgicale inaugurée sous la direction de MM. Dujardin-Beaumetz et Terrillon, C'est un ou- vrage de vulgarisation, dont le but est de résoudre, en un petit nombre de pages, toutes les questions rela- tives au traitement chirurgical des maladies de lin- testin, du rectum et du péritoine, L'auteur, qui s'est fait une spécialité du sujet, était particulièrement à l’aise pour le traiter, ayant à décrire, à propos des sutures intestinales, des boutons anastomotiques ou du traitement du cancer du rectum, des procédés qui lui sont propres ou des instrumeuts dont ilest l'inventeur. Il est à regretter que M. Chaput ne s’en soit pas tenu à cette partie de son programme. On n'aurait, en effet, qu’à louer la clarté de ses descriptions, la netteté de sesschémas, l’ingéniosité de son manuel opératoire.Mais il a cru devoir donner une importance peut-être exa- gérée aux arguments et aux commentaires statistiques destinés à défendre quelques-unes de ses idées — qu'il semble du reste avoir quelque peu modiliées depuis, notamment à propos du bouton de Murphy et du trai- tement des néoplasies rectales ; — et, ainsi, il semble avoir fait plutôt œuvre de polémique qu’œuvre d'ensei- gnement. Gela jette quelque trouble dans l'esprit du lecteur qui, dans les livres de cet ordre, cherche le précepte et redoute la discussion. L'ouvrage de M. Chaput n’en reste pas moins d’une lecture facile et intéressante, et sera consulté avec profit par tous ceux qui s'occupent de chirurgie intes- tinale. Dr Gabriel MAURANGE. 5° Sciences diverses. Schirmer (Henri), Professeur de Géographie à la Fa- culté des Lettres de Lyon. — Pourquoi Flatters et ses compagnons sont morts. — Une brochure de 35 pages in-8°. (Prix : 1 fr.) Challamel, éditeur, 7, rue Jacob. Paris, 1896. La première mission Flatters, ceile de 1880, et dont le point extrême a été le lac Menkhough, a échoué parce qu’on avait des notions erronées sur la géogra- phie politique du Sahara. On croyait à l’autorité de lémir Ikhenouken sur toute la tribu des Azdjer. L’au- torité de ce vieillard était, en réalité, illusoire. Les bandes indépendantes des Imanghasaten, après avoir recu les largesses de Flatters, l'ont obligé par leur at- titude hostile à revenir en arrière. Pour leur en im- poser, il aurait fallu que la mission fût accompagnée de 150 à 200 soldats francais et firailleurs algériens, au lieu de n'avoir pour toute escorte que des Chaamba de fidélité très douteuse. Malgré cette expérience, la seconde mission ne fut pas mieux pourvue que la première; on sait qu’elle a abouti au désastre de Bir el Gharama. I] n’y a donc que deux moyens de pénétrer dans le Sahara: ou bien y aller seul, en s’assurant le patronage d'un ou plusieurs chefs influents; ou bien constituer une petite colonne d'hommes disciplinés capable de « passer outre aux Jnanœuvres dilatoires qu'emploient si volontiers les diplomates du désert ». Telles sont les conclusions auxquelles M. Henri Schir- mer a abouti après une minutieuse étude critique de { tous les documents relatifs aux deux missions Flatters. Henri DEHÉRAIX. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 20 Juillet 1896. M. le Secrélaire perpétuel annonce à l’Académie la mort de M. A.-F. Kékulé von Stradonitz, Corres- pondant pour la Section de Chimie. — M. Berthelot ajoute quelques mots sur les travaux de M. Kékulé. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Boussinesq donne les lois de deuxième approximation du régime uniforme dans les tuyaux circulaires et dans les ca- naux demi-circulaires. — M. Bassot fait un rapport sur un mémoire de M. Jaderin concernant une nou- velle méthode de mesure de base. Cette méthode re- pose sur l'emploi de deux fils minces, longs de 25 m., dont l'un est en acier et l’autre en bronze phosphoré. La base est sectionnée en portées de 25 mètres, les extrémités de chaque section étant marquées par des lignes de foi tracées sur des trépieds; deux porteurs prennent successivement chacun des fils, les tiennent librement suspendus dans l'air en les raidissant au moyen de dynamomètres-ressorts et les présentent tangentiellement au-dessus des lignes de foi. Les fils étant gradués à leurs extrémités, deux observateurs lisent à chaque bout les appoints correspondant aux lignes de foi. Cette simple opération suffit à la mesure d’une portée. — Le P. de Séguier présente une note sur les sommes de Gauss. — M. A. Lœwy étudie les formes quadratiques définies à indéterminées conju- guées de M. Hermite, et montre, en particulier, qu'à tout groupe linéaire d'ordre fini à n variables, il cor- respond une forme quadratique définie à indétermi- nées conjuguées, qui est transformée en elle-même quand on effectue les substitutions du groupe d’ordre fini sur les variables. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. F.-A. Forel précise les conditions d'apparition des réfractions et des mirages qu’on observe sur le lac Léman; ces phénomènes dé- pendent de la température relative de l’eau et de l'air en contact avec cette eau. — M. L. Benoist a modifié l’électroscope à feuilles d’or, en le garnissant de trois feuilles au lieu de deux; la sensibilité est notablement augmentée, et, en outre, la feuille du milieu sert de repère pour la mesure des angles. — M. H. Moissan, en chauffant au four électrique un mélange d'oxyde de lanthane et de charbon, à ubtenu avec facilité un carbure transparent et cristallisé de formule C?La. Ce carbure est décomposable par l’eau à la température ordinaire en fournissant un mélange d’éthylène, de méthane (moins que le carbure de cérium), avec des traces d’acétylène et un peu de carbures liquides et solides. — Par l'étude des courbes de fusibilité des alliages métalliques, M. H. Gautier à reconnu que certains métaux non isomorphes donnent, comme c’est le cas pour certains sels, une combinaison isomorphe avec l’un d’eux; il en est probablement ainsi pour les alliages zinc-argent et cadmium-argent. — M. R. Va- ret montre que les sels oxygénés de mercure suivent rigoureusement Ja loi des modules thermochi- miques. L'azotate mercurique est à l’état de sel neutre au sein de. ses dissolutions azotiques., Le sulfate mer- curique, dissous dans un excès d'acide sulfurique, est à l'état de sel acide absolument comparable aux sels de potassium et de sodium correspondants, — M. A.Gran- |! ger a étudié l’action des combinaisons halogénées du phosphore sur le fer, le nickel et le cobalt; ila obtenu un phosphure de fer FeiP3 et des sous-phosphures de nickel et de cobalt Ni2P et Co?P, — M. Paul Chrétien a remarqué que l’acide iodique se combine facilement à d’autres acides; il a obtenu : un acide molybdo- iodique 105, 2Mo0*, 2H20 ; des molybdo -iodates de sodium, de potassium, d'’ammonium, de baryum, de formule générale 1:05,2M00%, M°0,nH°0 ; des méta- tungstoiodates, de formule générale : L20°(4Tu02)7,M20, n H?20; un acide phospho-iodique P20ÿ,18205,4H20, — Par l’action de l’ammoniaque sur les paratungstates alea- lins, M. L.-A. Hallopeau a obtenu les sels doubles suivants : 12Tu 05, 5[ 16 (AzH1}20 + K20] 11H20 12Tu03, 4(AzH1)20, Na°0+14H20 { ( On voit que les paratungstates de potasse et de soude donnent naissance à des composés différents. — M. L. Brizard, en réduisant par le formol ou le chlorure stanneux l’osmiamate de potassium Os.Az0.0.0K, a obtenu un corps brun marron finement cristallisé, le chlorosmiate amidé de potassium, Os. AzH?.Cl,2KCI, dont il décrit les propriétés. — Poursuivant ses re- cherches sur la fermentation de l'acide urique, M.E. Gé- rard est arrivé à séparer les microorganismes qui la produisent; les uns transforment uniquement l'acide urique en urée, les autres l’urée en carbonate d'am- moniaque. — M. J. Bougault a fait. réagir le chlorure de soufre sur la pentaérythrite ; il se produit à la fois un éther dichlorhydrique et un éther disulfureux neutre, probablement suivant la réaction : CSHS(OH)1--4S2C12—6S-+6HCI-CSHS(OH)2CI2+ CHHS(SOS)2. — M. A. Ponsot présente quelques remarques sur la détermination du point de congélation exact des solu- tions aqueuses étendues. — M. M. Nicloux adresse une note intitulée : Dosage direct de l'alcool éthylique dans des solutions où il est dilué dans des proportions . 1 1 comprises entre == et. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau démontre, d’après les échanges respiratoires, tout aussi bien que d’après la valeur de l’échauffement musculaire, que la dépense énergétique des muscles s’accroit, pour un même travail mécanique accompli, avec le degré de raccourcissement qu'affectent ces organes lorsqu'ils entrent en travail. — M. A. de Holowinski est par- venu à photographier les bruits du cœur, au moyen d’un appareil comprenant : 1° un microphone perfec- tionné, appliqué sur la surface du cœur; 2° un télé- phone optique, excité par le microphone et produisant les anneaux colorés de Newton ; 3° un système optique pour éclairer les anneaux et en réfléchir l’image sur une étroite fente; 4° un tambour entouré de papier: sensible, tournant derrière cette fente. — M. N. Gré- hant a introduit de l'alcool dans le sang par injection directe dans les veines ou par respiration pulmonaire de vapeurs alcooliques; il a ensuite dosé d'heure en heure la quantité d'alcool contenue dans le sang jus- qu'à disparition complète. — MM. L. Camus et E.Gley ont constaté que la coagulation du sperme, qui se pro- duit immédiatement après l’éjaculation chez les Ron- geurs, est due à l'action du liquide prostatique ; ce liquide ne coagule ni le sang ni le lait. — M. B. Dani- lewsky a constaté que l'injection de la lécithine en petites quantités dans l'organisme des animaux à sang chaud, donne une sensible augmentation de poids pendant la période de croissance, — M. Causard à étudié le développement de l'apodème dorsal et la grandeur de la dépression qui lui correspond chez les 129 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES diverses familles d’Aranéides. — M. F#, Lataste a | densités différentes et de réfractions également diffé- constaté que la maladie tuberculeuse de la vigne est très contagieuse; l'agent de la contagion est principa- lement l'insecte Dactylopius; le seul moyen prophy- lactique est la destruction radicale des ceps contami- nés. — M. Crôtte adresse un mémoire relatif à une méthode de traitement de la tuberculose. Séance du 27 Juillet 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. Lallemand établit une formule qui donne la valeur approchée de l'erreur de réfraction, due aux températures diffé- rentes des diverses couches de l'air, dans le cas du nivellement géométrique. — M. G. Charpy a étudié la répartition des déformations dans les métaux soumis à des efforts. Il conclut : 1° que les déformations, ob- servables à la surface d’une éprouvette soumise à une déformation permanente, sont localisées d’après la nature et la répartition des constituants que met en évidence l'étude micrographique du métal; 2° que Vattaque chimique des métaux agit avant comme après la déformation, en mettant en évidence des constituants inégalement attaquables et déformables. 20 ScIENCES PHYSIQUES. — M. J. Laborde a recherché la densité et la chaleur spécifique moyenne entre 0° et 100° des alliages de fer et d’antimoine. Les densités sont égales ou supérieures à celle du fer; il y a donc une contraction considérable pendant la formation de l’alliage. Les nombres trouvés pour les chaleurs spé- cifiques sont tous plus grands que ceux calculés par la règle des mélanges. — MM.G.Maneuvrier et J.Four- nier ont cherché à obtenir une valeur plus exacte du C Pme 2 rapport - pour les gaz; cette quantité est donnée par C APq la valeur limite du rapport —(rapport des variations t de pression adiabatique et isotherme) quand la varia- tion de volume Av tend vers zéro. Si l’on porte en abseisses les valeurs décroissantes de Av et en ordon- nées les valeurs correspondantes de in : pe une courbe dont l'intersection avec l’axe des ordon- nées donne rigoureusement, par son ordonnée, la - quantité cherchée. — M. Smoluchowski de Smolan a vérifié expérimentalement la loi de Clausius, d’après - Jaquelle le pouvoir d'émission d'un corps rayonnant - est proportionnel au carré de l'indice de réfraction du milieu environnant, — MM. Remy et Contremou- . lins présentent de belles épreuves d’endographie crà- nienne, obtenues au moyen des rayons de Rôntgen. — M.E. Hardy décrit une méthode destinée à faire connaître exactement la direction apparente d'un si- gnal sonore, en se servant comme auxiliaires, soit de la vitesse du son, soit des interférences des ondes s0- nores. — M. A. Baudoin adresse un mémoire relatif à la nature de lPélectricité. — M. H. Moissan a fait de nouvelles expériences sur la préparation du dia- mant; les unes consistent à faire tomber goutte à - goutte de la fonte en fusion dans un bain de mercure - où elle se solidifie immédiatement; les autres à couler la fonte dans un trou pratiqué dans un bloc métal- lique; d’autres encore sont faites au moyen de la gaine de feu. L’auteur a obtenu chaque fois des dia- = mants blancs de grosseurs variables, qui, brûlés, ont donné la quantité théorique d’acide carbonique. — M. H. Moissan a réduit un diamant noir en poudre très fine et l'a chauffé dans un courant d'oxygène à une température inférieure de 200° à la température de combustion du diamant. Il se dégage un peu d'acide carbonique et, après refroidissement, la matière res- tante est constituée par du diamant parfaitement blanc. — MM. W. Ramsay et J. Norman Collie ont soumis l’argon et l’hélium à ja diffusion dans le vide pour voir s'ils étaient homogènes. Pour l’argon, il semble que la question doit être tranchée par l’affir- mative. Pour l’hélium, on a obtenu deux parties de , on obtient rentes, mais proportionnelles; toutefois, ces deux parties ont absolument le même spectre. Il ne semble donc pas qu'on ait affaire à deux gaz distincts; peut- être y a-til eu séparation des molécules légères et des molécules lourdes d’un même gaz. — En chauffant le chlorure d’acétyle avec l’isonitrocamphre, MM. A. Haller et J. Minguin ont obtenu le mononitrile cam- phorique et son anhydride, dont ils décrivent les pro- priétés. — M. Th. Schlæsing fils, ayant analysé un grand nombre d'échantillons de grisou, y à trouvé constamment de l’azote, souvent en très fortes pro- portions. On admet généralement que cet azote pro- vient des principes azotés des matières végétales qui ont donné la houille; l’auteur pense, au contraire, que cet azote provient d'air enfoui avec la houille; il renferme, en effet, la même proportion d’argon que l’azote de l'air atmosphérique. — M. R. Metzner à préparé l'acide sélénique dissous, en oxydant l'acide sélénieux par la quantité correspondante d'acide per- manganique retiré du permanganate de baryte. La réaction est la suivante : Mn?07—+ 4Se0? — 4Se0: + Mn?0%. — M.E. Dufau a chauffé au four électrique un mé- lange de sesquioxyde de cobalt et de magnésie; ce mélange fixe de l’oxygène et se transforme entière- ment en cobaltite de magnésium cristallisé, de for- mule MgCo 03. — M. Paul Rivals étudie les chaleurs de dissolution de l'acide trichloracétique. — En fai- sant réagir la poudre de zinc et l'alcool sur la tétra- bromhydrine de la pentaérythrite [C(CH?.Br)'|, M. G. Gustavson a obtenu le vinyltriméthylène : CH? DCH—CH—CH? CH? dont il donne les propriétés; son iodure traité par la potasse redonne un hydrocarbure C°H$, qui est son isomère : l’éthylidène-triméthylène : CH? D C=CH—CHS. CH? — M. M. Delacre apporte de nouvelles preuves en faveur de la formule symétrique de la pinacoline, — M. J. Minguin donne les propriétés cristallogra- phiques de quelques alcoylcamphres de la série aro- matique. — M. E. Charon explique les réactions qui se passent dans la réduction de l’aldéhyde crotonique par le couple zinc-cuivre. — M. J. Hamonet a étudié l’électrolyse des acides gras monobasiques et a re- connu que le phénomène ne se passe pas toujours comme Kolbe l'avait formulé. Souvent il ne se forme pas ou presque pas d’'hydrocarbure saturé, et l'hydro- carbure non saturé tient alors le premier rang; enfin, il se forme toujours de l’alcool à n carbones quand l’acide en contient n + 1. — M. Paul Sabatier étudie divers modes de formation de l'acide nitrososulfu- rique bleu et de ses sels : 1° par réduction de la li- queur nitrososulfurique; 2° par action de l’acide sul- fureux sur la liqueur nitrososulfurique ; 3° par action de l’oxyde azotique sur un sulfate métallique en solu- tion sulfurique. 3° SciENGES NATURELLES. — M. Milne-Edwards donne quelques renseignements sur les dégâts causés au Muséum d'Histoire naturelle par la trombe du 26 juillet. — M. Ad. Chatin décrit un Terfis d'Espagne et trois nouveaux Terfis du Maroc. — M. A. Lé caillon présente de nouvelles observations sur la scatoconque ovulaire (ou enveloppe excrémentitielle des œufs) du Clythra quadripunctata. — M. Em. Bour- quelot a soumis une solution d’aniline à l’action du ferment oxydant des champignons; en milieu alcalin, l'oxydation est presque nulle; en milieu acide (acide acétique), elle est assez prononcée; elle est même très prononcée pour l’ortho- et la paratoluidine qui se 730 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES colorent en violet et en rouge. On voit que le milieu a une grande influence sur les oxydations par les fer- ments. — M, Henri Pottevin obtient, avec des fibres de cellulose finement pulvérisées et tamisées, mises en suspension dans l'eau, une pâte qui, abandonnée à la dessiccation‘ lente, donne des plaques capables, sous une épaisseur de quelques millimètres, de rem- placer la porcelaine pour la construction des filtres ; ces filtres de cellulose ont donné de bons résultats. — M. E. Bataillon présente ses recherches sur la courbe respiratoire de l’œuf de Poisson et la mécanique de l'extension du blastoderme. — M. E. Hédon a cons- taté la présence, dans le nerf laryngé supérieur, de fibres vaso-dilatatrices et sécrétoires pour la mu- queuse du larynx. — MM. E.-G. Balbiani et F. Hen- neguy établissent que la division cellulaire directe ou amitose n’est pas toujours un phénomène de dégé- nérescence, mais qu'elle exerce souvent une action régénérative, à la suite de laquelle les cellules peu- vent continuer à se multiplier. — M. Bordas étudie l’armature masticatrice du gésier chez les Blattidæ et les Gryllidæ. — M. L. Cayeux étudie la constitution des phosphates de chaux suessoniens du sud de la Tu- nisie; au microscope, ils se trouvent formés essentiel- lement de carapaces de Diatomées avec de nombreux restes de Bacillariées. Séance du 3 Aoït 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Fuchs fait re- marquer que le théorème, donné par M. A. Læwy dans sa note : Sur les formes quadratiques de M. Hermitte, n'est qu'un cas particulier des résultats d'un de ses mémoires : Sur une classe d'équations différentielles li- néaires et homogènes. — M. E. von Weber donne une méthode d'intégration des équations aux dérivées par- tielles simultanées en ramenant le problème proposé à l'intégration de plusieurs systèmes d'équations diffé- rentielles ordinaires. — M. A. Thybaut démontre lexistence d'une nouvelle classe de fonctions isother- miques dépendant de deux fonctions arbitraires. — M. C. Lallemand discute la formule qu'il a donnée pour les erreurs de réfraction dans les nivellements de précision et présente, à ce sujet, un curieux abaque hexagonal, sorte de table graphique à six entrées, per- mettant de connaître, immédiatement etsans calcul, cette erreur dans un cas donné. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Beaulard a faitpasser les rayons X à travers un prisme du métal potassium et n’a constaté aucune déviation appréciable. — M. J. Dussy à déterminé, par une ingénieuse méthode, la chaleur spécifique du soufre à l’état de viscosité ; il a trouvé des valeurs variant de 0,279 à 0,324 entre 160° et 2640, valeurs supérieures à la chaleur spécifique à l’état liquide. — M. H. Moissana constaté la présence, dans les sables diamantifères du Cap et du Brésil, de diamants microscopiques, noirs ou transparents ; dans les deux cas, ils sont accompagnés de graphite — M. Th. Schlæsing fils a analysé le gaz des mines de Rochebelle; il est composé presque exclusivement d'acide carbonique avec un peu de méthane et d’azote; cet azote renferme de l’argon, mais en proportions va- riables, différentes de celle qui existe dans lair. — M E. Defacqz signale de nouveaux caractères analy- tiques des combinaisons du tungstène. Ces combinai- sons, transformées en acide tungstique, sont traitées par le bisulfate de potasse, puis l'acide sulfurique ; une goutte de la solution sulfurique donne avec un grand nombre de corps organiques (en particulier le phénol et l'hydroquinone) des colorations intenses et caractéristiques. — M. Eyvind Boedtker a constaté que, si on chauffe avec du chlorure d’aluminium du benzène contenant du thiophène, il se dégage constam- ment de l’hydrogènesulfuré provenant dela destruction du thiophène; on pourrait de cette facon purifier le benzène; toutefois les produits de la réaction contiennent encore un peu de soufre, indiquant pro- bablement la formation d’un thiophène condensé. — M. L. Henry fait connaître de nouveaux composés tri- méthyléniques mixtes, obtenus par l’action de sels métalliques sur le chlorobromure de triméthylène, — M.Ch.Gassmann donne une méthode de dosage rapide des composants d'un mélange des amines primaire, secondaire et tertiaire ayant le même radical alipha- tique. — MM. P.-P. Dehérain etE. Demoussy étudient les conditions de l'oxydation de la matière organique du sol. L’oxydation est assez active entre 40 et 60° pour faire concevoir que, dans les régions chaudes, les terres labourées et laissées sans engrais deviennent stériles par disparition de l’humus qu'y avait accumulé la vé- gétation spontanée, Dans nos régions tempérées, cette disparition est pluslente, mais cependant appréciable: Lorsque la terre est bien fumée, l'oxydation se ralen- tit, et il est nécessaire de bien l’ameublir pour y faire pénétrer l'oxygène qui amène l’humus à une forme telle que la nitrification de son azote puisse se produire, — M. Em. Bourquelot a fait agir le ferment oxydant des Champignons sur plusieurs composés organiques ; l’oxy- dation a lieu surtout en milieu acide et se traduit par colorations intenses. — M. Balland étudie les diffé- reüts fleurages dont onse sert en boulangerie pour sau- poudrer les pâtes et en donne l'analyse chimique, — M. E. Fleurent a étudié la composition immédiate du gluten des céréales; il en a retiré trois produits dis- tincts : le gluten-caséine ou gluténine, pulvérulent ; le gluten-fibrine ou gliadine, analogue à la colle forte; la conglutine, en très petite quantité. La présence de la gluténine et de la gliadine est nécessaire pour consti- tuer le gluten; dans les farines des céréales dont le des est inextractible, il n’y a presque pas de glia- ine. 39 SCIENCES NATURELLES, — MM, A. Giard et M. Caul- lery étudient l’hivernage de la Clavelina lepadiformis Müller et concluent que la reconstitution des cormus de Clavelina, après l'hiver, s’accomplit par un bour-" geonnement homologue du bourgeonnement normal. — M. Ch. Cornevin s’est livré à une enquête minu- tieuse sur la nature des Chabins, considérés par quel- ques zoologistes comme résultant de l'accouplement des espèces ovines et caprines. De ses recherches ana- tomiques surle mouton, la chèvre et le chabin, comme de ses essais d’accouplement entre mouton et chèvre, qui n’ont donné lieu à aucun produit, l’auteur conclut que l’origine hybride des Chabins est sans fondement ; ces animaux ne sont autre chose qu'une race de Mou- tons. — M. A. Milne-Edwards confirme les observa- tions de M. Cornevin ; toutefois, en 1895, un Mouflon à manchettes du Nord de l'Afrique féconda une chèvre au Muséum, mais la mère avorta au troisième mois de la gestation. — M. A. Sabatier présente son mémoire : Sur la spermatogenèse chez les Poissons sélaciens. — M. A. Chauveau montre que la dépense nécessaire au soutien d’une charge, presque nulle avec les con: tractions qui raccourcissent à peine les organes mus- culaires, s'’accroit graduellement à mesure que le rac- courcissement se prononce davantage. D’où il résulte que le rendement mécanique de l'énergie consommée dans le cours d’une contraction dynamique quisoulève une charge diminue sans cesse jusqu’à la fin du rac- courcissement musculaire. D'autre part, le travail né- gatif constitué par l'allongement du musele sous lin- fluence de la surcharge, ou la chaleur que ce travail négatif ajoute au muscle, représente la valeur de la force de tension qui a été transformée en force vive, c’est-à-dire de lénergie primitivement consacrée à la création de l’élasticité de contraction. — MM. F.-J. Bosc et V. Vedel ont traité des infections expérimentales coliba- cillaires par les injections intraveineuses massives de la solution salée simple (Na CI à 7 °/,,) et ont obtenu la guérison lorsque l'infection n’était pas trop grave. — M. Gosselet décrit les conditions dans lesquelles s’est produit le dépôt de phosphate de chaux de la Picardie. — M. A. Coret signale une modification apportée par lui, dès 1866, à un marégraphe installé à l'embouchure du Guadalquivir. Louis BRUNET. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 731 ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 4 Août 1896. M. le Président annonce à l’Académie le décès de M. E. Nicaise. — M.S. Pozzi donne lecture du dis- cours qu'il a prononcé aux obsèques du défunt. — MM. Nocard et R. Blanchard font un rapportsur un mémoire du D' P. Ducor, relatif à un cas d’actimycose de la mâchoire, datant de huit ans; la guérison a été obtenue par la médication iodurée et le badigeonnage ou l’injection de la tumeur par la teinture d'iode, — MM. Cornil et Chaput communiquent leurs observa- tions sur les phénomènes histologiques qui se pro- duisent dans l’accolement de deux surfaces séreuses d’anses intestinales qu'on maintient en contact l’une avec l’autre par des ligatures. Séance du 11 Août 1896. - M.Berger fait un rapport sur un mémoire de M. Kirmisson relatif à un cas de spina-bifidu (myélo- cystocèle), renfermant vers son pédicule un prolonge- ment de la moelle et une expansion épendymaire allant aboutir à un kyste situé au centre de !a tumeur, La tumeur fut extirpée et l’enfant guérit parfaitement. Le succès obtenu montre que la moelle peut être inté- ressée au cours de l’opération sans que des accidents graves, ni même des troubles fonctionnels marqués en soient la conséquence. — M. H. Monod communique, de la part du D' Yersin, l'historique du premier cas de peste traité et guéri par l’emploi du sérum anti- pesteux, à Canton. — M. A. Riche rend compte des travaux de la Section de Chimie médicale et pharma- ceutique au deuxième Congrès international de Chimie appliquée. — M. le D' Maurel (de Toulouse) lit un tra- vail sur les diverses leucocytoses post-phlébotomiques et post-révulsives. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY, Séance du 22 Juillet 1896. L'existence de deux séries d'acides camphoramiques, camphoraniliques, d’éthers camphoriques acides diffé- rents, fait supposer qu'il peut exister deux campholides isomères, une « ou ortho, et une 8 ou allo : Sr No CsH14/ CAN X co 1 \cx2/ * L'«, fondant à 210-212°, a été décrite par M. Haller. Une première détermination faite avec une solution étendue de cette campholide n'ayant donné qu’une déviation très faible, l’auteur a conclu qu’elle était inactive. Elle est en réalité active en solution concen- trée et possède le pouvoir rotatoire & — + 5061 (moyenne de deux déterminations). On connaît une seconde campholide, fondant à 176-477, de M. Martin Ouslow Forster, que l’auteur a obtenue en partant du bibromocamphre «. Le mode de formation de ce corps et la formule qui lui est attribuée n'autorisent pas, pour le moment, à le considérer comme l’isomère que M. Haller cherche à préparer. Sa transformation en acides $ cyanocampholique, homocamphorique et en camphre permettrait seule- de le considérer comme l'isomère 8 de la campholide connue. — M. Haller a entrepris de réduire le chlorure de camphoryle, bien que pareille tentative ait déjà été faite sans succès par M. Marsch, dans le but de s'assurer s’il se forme de la campholide + ou de son isomère 6. La réduction a été opérée en ajoutant du sodium en fil à une solution éthérée de chlorure, rendue de temps à autre humide par l'addition de quelques gouttes d'eau, On n’a obtenu dans ces conditions que de l’anhydride camphorique et isocamphorique. Il en est ainsi quand on opère sur un chlorure de camphoryle exempt de produit chloré de substitution. Le chlorure qu’on obtient par les pro- cédés connus renferme toujours du chlorure de cam- phoryle chloré, comme l’ont montré M. Friedel et M. Marsh. Aussi la réduction d’un pareil produit donne- t-elle, alors, de l’anhydride camphorique fondant à 332, décrit par M. Ossian Aschon et tout récemment par MM. Marsh et Gardner, et des acides camphanique, camphorique et isocamphorique, ces derniers sous la forme de sels de sodium. Pour obtenir un chlorure de camphoryle exempt de dérivé chloré de substitution, il convient de faire agir de l'acide camphorique sec sur le perchlorure de phosphore baigné dans du sulfure de carbone, de chauffer le mélange au bain-marie, de dis- tiller le produit pour éliminer le sulfure qui entraîne l’'oxychlorure de phosphore, de séparer par essorage lanhydride formé, de le remplacer par une quantité équivalente d'acide et de recommencer le traitement du sulfure de carbone. Après évaporation de ce dernier qui entraine l’oxychlorure, et séparation de l’anhydride camphorique, on rectifie dans le vide. On obtient ainsi : un chlorure de camphoryle ne renfermant plus que des traces de chlorure de chlorocamphoryle. — M. Haller décrit encore : 1° la tétraphénylcamphora- mide fondant à 2529 : COAZ!C6H5)2 CSH1i” NCOAz(C6H5)2 qu'il a obtenue en faisant agir le chlorure de campho- ryle sur la diphénylamine, et qu’il avait vainement essayé de préparer par l'action de la tétraphénylurée su r l'anhydride camphorique; 2° un anhydride de l’éther camphorique 2 : CAN C°’H Nco C2H:C0? NcsHu 0 co” obtenu, comme son homologue inférieur, en traitant du camphorate acide d’éthyle par l’isocyanate de phényle. Cet anhydride fond à 99-1000. ; ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Récentes communications. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. P.H.Schoute fait voir que le système de formules trouvé, il y a deux cents ans, par Côtes, pour l’aire de la parabole d’ordre supé- rieur n (voir J. Bertrand, Calcul intégral, p. 333, 1870) se simplifie par la remarque que la formule obtenue pour n — 2m est encore de rigueur pour n — 2m +1 (voir Comptes rendus, 1896, 18 mai et 15 juin). 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A.-P.-N. Franchimont communique des recherches faites avec M. van Erp concernant des isomères des nitramines neutres. Ces corps se forment non seulement dans l’action des dé- rivés argentiques des nitramines acides avec les iodures d’alkyles, ainsi que M. van Erp l’a trouvé en 1893, mais aussi avec les dérivés potassiques, quoique comme produits accessoires, Leur point d’ébullition ainsi que leur poids spécifique est situé beaucoup plus bas que ceux des nitramines. Ils réagissent violem- ment avec l'acide sulfurique, en dégageant des gaz, ce que ne font pas les nitramines neutres. L'action d’une lessive potassique à 100° C. a donné aussi des résullats tout différents. Car tandis que la butylméthylnitramine avait donné la butylamine, son isomère fournit l'alcool butylique; il semble donc que le groupe butyle est attaché, non pas à l’azote comme dans la butylméthyl- nitramine, mais à l’oxygène. M. H. Umbgrove, en pré- parant l’allylméthylnitramine avec la méthyinitramine potassique et le bromure d’allyle, a obtenuain si, comme produit accessoire, un isomère bouillant à température plus basse etréagissantvivementavec l'acide sulfurique. En chauffant la méthyinitramine, il se dégage du pro- toxyde déjà au-dessous de 400° C., puis jusqu'à 130° C. il distille un couple de liquides non miscibles et enfin à 187°C. la diméthylnitramine. Par fractionnement des liquides on obtint un corps bouillant à la même tem- pérature que celui que fournit l’action de l’iodure de we 132 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES méthyle sur le dérivé argentique de la méthylnitra- mine et réagissant vivement avec l'acide sulfurique; c’est donc une troisième méthode de formation de ces isomères, La méthylnitramine chauffée avec le 8-na- phtol à 100 C. dégage de l’azote, et il se produit l’éther méthylique du naphtol en mème temps que des corps fortement colorés. — M. À. F. Holleman publie quel- ques résultats nouveaux sur le phénylnitrométhane en rapport avec les recherches antérieures de l’auteur = de MM. fHantzsch, Nef et Kissel. — M. H. Kamerling Onnes fait connaître en détail les appareils pour mesure de très basses températures qui fonctionnent depuis quelques années dans le Laboratoire cryogène de l’Université de Leyde. Les instruments ont été cons- truits par M. N. A. Blom, mécanicien du laboratoire, d'après les indications de l’auteur. La base de la mé- thode est formée par le thermomètre à hydrogène à volume constant, Successivement l’auteur s'occupe : de la construction particulière de ces thermomètres à hydrogène, destinés à évaluer des températures très basses, et pour cela de dimensions aussi petites que possible; de deux modèles de ces thermomètres dont lun remplit principalement la condition des petites dimensions, l’autre celle de la précision; des précau- tions et des expédients dans ia construction et dans l'usage de ces thermomètres; de l'appareil pour la forma- tion d'hydrogène pur; du remplissage du thermomètre avec ce gaz; de la fixation du point-zéro, etc. — Ensuite M. Kamerlingh Onnes fait deux communications de la part ne M. E. van Everdingen. La première a pour titre : « Remarques sur la méthode d'observation du phénomène de Hall », la seconde se nomme : « Evalua- tion de la dissymétrie du phénomène de Hall chez le bis- muth et l'antimoine. — Rapport de MM. D. J. van der Waals, C. Lely, D. J. Korteweg, S. Hoogewerff sur le danger que pourrait causer lPemploi de gaz com- primé dans le Laboratoire cryogène de l'Université de Leyde, avec des avis de MM. J. Dewar, K. Olszewski, W. Hennicke, Dr Raydt. La tendance du rapport est de prouver que le danger est illusoire. — M. A. F. Hol- leman présente son « Leerboek der organische schei- kunde » (Cours de chimie organique). 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. A. W. Hubrecht s'occupe de la vésicule embryonnaire de l’homme et du singe et de sa signification pour la phylogénie des Primates. La vésicule embryonnaire de l’homme se distingue d’abord de celle des autres Mammifères par des déviations caractéristiques. Ce sont : 4° la vascula- risation presque immédiate de la paroi; 2° le caractère et la petitesse de la vésicule ombilicale ; 3° Papparition d’une tige connective ; 4° l'absence d'un allantois libre, Tandis qu'on croyait, il y a quelque temps, que, à cause de ces déviations, l'homme occupe une position isolée, les recherches de M. E. Selenka ont prouvé que ces mêmes déviations se montrent chez quelques es- pèces de singes, anthropoïdes ou non. L'auteur présume que les singes américains, non encore examinés à ce point de vue, se comportent de la même manière, L’au- teur se demande comment les déviations indiquées peuvent être mises en correspondance avec le caractère de la vésicule embryonnaire des autres Mammifères, qui rappelle ce que nous font voir les Reptiles et les Oiseaux, aussi bien par le rapport de l'embryon à la paroi de la vésicule, que par l'union secondaire de l'embryon à la vésicule à laide de l’allantois agrandis- sant. Il passe en revue les théories usuelles des MM. Keibel et Graf Spee et y oppose la sienne déve- loppée en 1889. Surtout ses recherches sur Tarsius spectrum démontrent l’inadmissibilité de l'hypothèse de M. Keibel. Chez Tarsius : 10 la vésicule ombilicale est d'abord et reste toujours plus petite que la vésicule embryonnaire; 2° le mésoblaste s'étend également sur la paroi inférieure de la vésicule embryonnaire et la fente du cas ordinaire ne se présente pas; 3° la tige Paris. — Imprimerie F. Levé, rne Cassette, 17 connective existe dès le commencement ; ni l’'amnion,ni l’'aflantois ne prennentune partactive dans sa formalion: Ainsi il se croit obligé de ranger Tarsius avec les Singes et l’homme dans l’ordre des Primates et de rompre le rapport fictif de Tarsius avec les autres Lémurides et il termine par des considérations paléontologiques qui y correspondent, — M. C. A. Pekelharing s'occupe d'un nouveau mode de préparation de la pepsine. Le suc gastrique artificiel de concentration suffisante se ] trouble par dialyse avec de l’eau. Ce phénomène se montre le plus fort quand la teneur de HI s’est abais= | sée à 1/50 pour cent; en diminuant davantage la teneur de HCI, le précipité se dissout de nouveau. Le précipité est caractérisé par la faculté de digérer de l'albumen,« à l’aide d'acide. Pour l’étudier de plus près 1l fut pré- paré de la manière suivante. Les membranesmuqueuses Ï de dix estomacs de porcs furent digérées pendant cinq jours à 37°C avec HCI de 1/2 pour cent et fillréess ensuite à travers du papier à filtrer, comprimée d’une manière particulière. Le précipité obtenu fut dissous en HCI de 1/5 pour cent, précipité de nouveau par dialyse avec de l’eau distillée dissous de nouveau dans l'acide, précipité de nouveau par dialyse, filtré, dilué avec un. peu d’eau et séché au-dessus d'acide sulfurique. Le liquide primitif, dont on venait de séparer le précipité à l’aide de centrifugation, contient encore de la pepsine en abondance; on y ajoute donc de l’acétate basique de plomb et de l? ammoniaque, eton décompose le précipité à l’aide d’acide oxalique. La solution concentrée dem pepsine ainsi obtenue, qui contenait de l'acide oxalique et de l’acide acétique, fut dialysée avec de l’eau cou- | rante. Alors se formait encore un précipité de pepsine qui fut séparé par centrifugation et purifié de la même Î manière que la première partie. La matière ainsi pré parée est un albumen très composé contenant à peu près 1 pour cent de phosphore. La solution à réaction acide se trouble quand on l’échauffe rapidement. Alors elle se décompose en une albumose une nucléoprotéide contenant 3/10 pour cent de phosphore et une troisième substance contenant également du phosphore et qui se dissout facilement dans l’alcoo!l chaud et difficilement dans lalcoo!l froid. L’échauffement lent cause une dé- composition toute différente. L'auteur croit qu’on doit présumer que cet aibumen, extrêmement composé, con- tient non seulement l’enzyme, mais qu'il forme lui-. même l’enzyme. La substance a une action extrème=" ment forte. Un millième d'un milligramme, en six cen= timètres cubes de HCI de 1/5 pour cent, digère un flogon de fibrine en quelques heures. De plus ‘la faculté de digérer de l’albumen diminue par l'échauffement et disparait précisément à la température de décomposi- tion de l’albumen. Une solution de pepsine préparée d’après la méthode de Brücke ne présente pas de réac- tions sur l’albumen. Ce fait connu n’est pas contradic-. toire à lhy pothèse qui veut que l’enzyme est un albu- men après tout. En vérité, une solution préparée de la manière indiquée plus haut digère très fortement à la teneur de 1/100 pour cent, quoique le diluement con- sidérable soit cause que les réactions sur l’albumen sont imperceptibles. Enfin l’auteur a trouvé que toute la pepsine examinée, appliquée en quantité suffisante, fait coaguler le lait à réaction neutre, — Rapport de M. E. Giltay sur des recherches faites au Jardin botanique de Buitenzorg” (ile de Java), du 3 sep- tembre 1895 jusqu'au 22 Janvier 1896. Les recherches ont trait à l’évaporation et à l'assimilation, —- M. B. J. Stokvis présente sa brochure : « La colonisation et l'hygiène tropicale », M. K. Prins sa thèse : «Over terpentyn als bloedsteipend geneesmidde] (La téré- benthine dans l’étanchement du sang)», et M. J. L. C: Schroeder van der Kolk son travail : «1 Mikroskopische Studien über Gesteine aus den Molukken (Etudes mi- croscopiques des pierres des îles Moluques) ». P. H. Scnoure. Le Directeur-(Gérant : Lours Orrvrer. 1° ANNÉE N° 17 15 SEPTEMBRE 1896 REVUE GÉNÉRALE SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LE SÉRUM ANTI-PESTEUX DU D' YERSIN Bien que les feuilles quotidiennes n'aient pu qu'annoncer la nouvelle, sans l'accompagner des références nécessaires, nos lecteurs ont, sans aucun doute, appris le très grand succes que le D' Yersin vient d'obtenir des injections de Sérum anti-pesteux. M. Yersin est bien connu du monde savant : ses beaux travaux sur le processus microbiologique de la tuberculose, sur les toxines paralysantes du microbe de Loeffler (avec M. Roux), etc. sont présentes à tous les esprits ; ils imposent à notre confiance les résultats que le Jeune savant nous annonce : 27 cas de peste déclarée traites par Son sérum et suivis ae quérison. La lettre suivante de M. C. Huart, Consul général de France à Canton, écrite immédiatement après le traitement du premier cas, nous apporte à ce sujet de précieux détails et montre tout l'intérét que nous avons à développer dans la France Orientale et les pays voisins le bon renom de la science francaise. L, O. COMMUNICATION DE M. C. Huarr. Il y a quelques jours, j'étais avisé par M. Le Roux, consul de France à Hong-Kong, que le Dr Yersin, chargé d’une mission, comptait monter à Canton pour continuer les études qu'il avaitentreprises sur la peste lors de son premier séjour à Hong-Kong en 1894. Le vendredi 26, vers 11 heures, je recus la visite du D' Yersin, qui m’exposa le but de sa mission et me demanda si je croyais qu'il réussirait à obtenir l’en- trée des hôpitaux chinois de pestiférés et à y essayer l'emploi du sérum curatif qu'il avait découvert. Je ne dissimulai pas au docteur qu'il m'était impossible de VPautoriser à tenter ici les expériences auxquelles il voulait se livrer, expériences que l'hostilité de la popu- lation cantonnaise contre tout ce qui est européen pouvait rendre très dangereuses pour les résidents. Je proposai au docteur de se rendre avec moi à la mission catholique pour obtenir quelques renseigne- ments de statistique qui nous intéressaient tous les deux. Dès le début de l'entretien, Mgr Chausse nous fit part de ses inquiétudes : un de ses séminaristes venait presque subitement d’être pris de symptômes ressem- blant à ceux de la peste, et il craignait vivement, si la maladie se confirmait, que le séminaire et l’orphelinat, jusque-là indemnes, fussent atteints par l'épidémie. Entendant les paroles de l’évêque, le Dr Yersin lui fit part du motif de son voyage, de sa découverte et dure- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4896, gret qu'il éprouvait de ne pouvoir essayer sur un malade l'application d’un remède dont il avait maintes fois constaté l’eflicacité sur des animaux. Après une série d'expériences conduites d’après une méthode rigou- reuse, méthode qui a amené la découverte du sérum anti-diphtérique, les lois de la science microbiologi- que lui permettaient d'espérer le succès. Dans tous les cas, il garantissait absolument l’innocuité du remède. Le docteur se rendit au séminaire et procéda à un examen attentif du malade; plus de doute, on avait affaire à un cas de peste aiguë. Il y eut alors, je l'avoue, un moment de très grande anxiété. Enfin Mgr Chausse, me regardant, déclara que l'intervention inattendue du docteur était l'unique chance de salut qui restât à son élève. Après les paroles de l’évêque, je ne pouvais que laisser au D' Yersin la liberté d'entreprendre une cure se présentant dans des conditions satisfaisantes et avec des garanties de sécurité extérieure. Je répondis à Mor Chausse : « Je ne m’oppose pas à ce que l’ino- « culation du sérum anti-pesteux soit faite, à la con- « dition toutefois que l’opération ait lieu hors de la « présence de Chinois, et que les détails en seront stric- « tement tenus secrets jusqu'au rétablissement com- « plet du malade, De telle sorte, nous éviterons les « ennuis qui pourraient survenir en cas d'insuccès. » Ces conventions furent rigoureusement et d’autant plus facilement observées que l'enfant était déjà isolé dans une chambre séparée du séminaire, Trois injec- tions du sérum anti-pesteux furent faites: la première à cinq heures du soir, les deux autres à six heures et à neuf heures du soir. La guérison a été complète Tel est l'historique du premier cas de peste traité et guéri par l'emploi du sérum anti-pesteux. Cette dé- couverte fait le plus grand honneur à la science fran- caise et à l’Institut Pasteur dont le Dr Yersin est un des plus brillants disciples. Elle est destinée, si, comme on n’en peut douter, la suite des expériences, à Amoy et à Fou-Tchéou, confirme le premier et si concluant résullat, à augmenter considérablement notre influence dans cette région. Il sera alors possible de venir, à Canton, essayer l'application d’une méthode qui aura fait brillamment ses preuves en Chine et dont les succès auront certainement un très grand retentissement ici, C. Huarr, Consul de France à Canton, 17 9. 134 C. VOITELLIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AVICULTURE EN FRANCE 636,5 Depuis une vinglaine d'années, une production raisonnée, basée sur l'observation et l'expérience, s'est substituée à l'élevage des volailles, pratiqué jusqu'alors avec peu de soins, sans aucune mé- thode et sans aucune recherche pour le rendre plus lucratif. Par son appel au concours des sciences dans ses procédés, l'Aviculture, qui est une branche importante de la Zootechnie, mérite de fixer l'attention des biologistes. Dans ses applications, c'est, le plus souvent, une industrie annexe de la ferme, au même titre que la laiterie ou la fromagerie; mais, quelquefois, elle constitue une industrie spéciale, produisant, uni- quement ou simultanément, des œufs, des pous- AAUQES 29, F 4 = L'ÉTAT ACTUEL DE L'AVICULTURE EN FRANCE en aucune facon pour provoquer, chez elles, ce besoin, ou pour soustraire la couvée et ies pro- duits aux causes nombreuses de destruction qui les environnent. On distribuait du grain, on ré- coltait des poulets. Aussi, de même qu'on a dit que le bétail est un mal nécessaire, on a répété que « celui qui veut et ne sait comment perdre de l'argent, n’a rien de mieux à faire que d’entrete- nir de la volaille ». L'incubation forcée, au moyen de dindes, fut le premier pas dans la voie du progrès. Mises pen- dant une huitaine de jours dans une caisse ou un panier muni d'un couvercle, et de dimensions telles qu'elles ne puissent s’y tenir sur leurs 12 si Fig. 1. — Coupe d'une couveuse artificielle. — 1, chaudière en tôle ; 2, sciure de bois tassée; 3, enveloppe en bois: 4, chässis vitré; 5, sable pour l’entretien de l'humidité; 6, casiers tourne-œufs; 7, tuyau pour l’entonnement de l'eau; 8, trop-plein ; 9, robinet de déversement; 10, thermo-siphon; 11, lampe à pétrole; 12, thermomètre; 13, tuyau donnant de la vapeur d’eau de la chaudière : 14, 15, tuyaux d'aération. sins, ou des volailles adultes destinées, les unes à la consommation, les autres à la reproduction; ou encore, par la multiplication du gibier, elle con- court au peuplement des chasses. Elle est aussi devenue une distraction fort recherchée des pri- vilégiés de la fortune, qui estiment quelquefois autant une jolie collection de volailles ou d’oi- seaux qu'une collection de roses ou d’orchidées. C’est l’état actuel de ses procédés, tant d’incu- bation que d'élevage et d’engraissement, que nous allons passer ici rapidement en revue. I. — PROCÉDÉS D'INCUBATION. Autrefois les volailles, poules, canes, oies ou dindes couvaient leurs œufs dans les condilions les plus voisines de celles que leur instinct les pousse à rechercher. L'exploitant n’intervenait tt Monte ntimenianiase Evene re air eos ions asie pattes, ni s’y retourner, les dindes finissent assez facilement à se résoudre — c'est le terme consacré — à Couver sans en avoir éprouvé le besoin, sans même avoir pondu. Elles peuvent faire ainsi quatre à cinq couvées sans interruption et rece- voir une vingtaine d'œufs de poules ou de canes, à chaque fois. Ce système, simple en apparence, a des inconvénients : la casse des œufs est assez grande ; le mirage au 3° ou 4° jour d’incubation est souvent impossible à cause de la malpropreté des œufs !; les dindes exigent des soins nombreux, il faut les lever presque toutes pour qu'elles prennent leur nourriture ; enfin, les nids sont souvent envahis par les poux, lesquels tour- mentent les dindes, les font maigrir et les mettent 1 Le mirage est l'opération pratiquée pour apercevoir au travers de la coquille l’état de l'embryon. C. VOITELLIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L’AVICULTURE EN FRANCE 135 dans un élat qui ne leur permet pas de continuer leur mélier de couveuses. Bien que connue depuis longtemps, l'éncubalion artificielle n’est réellement pratiquée en France que depuis vingt-cinq ans. Réaumur, à la fin du siècle dernier, l'ayant vu pratiquer en Egypte au moyen d'immenses fours en briques, l'avait réalisée, d’une facon très primitive, dans des tonneaux et des caisses où la chaleur nécessaire était donnée par du fumier ou de l’eau chaude. Quelques essais furent encore faits au milieu du siècle par divers inventeurs; mais ce ne fut guère qu’en 1876 que des appareils pratiques furent présentés au public au Concours général du Palais de l'Industrie. De- puis lors, il a été construit des systèmes nombreux d’incubateurs. La figure 1 montre un des systèmes les plus perfectionnés. Quel que soit le mode d’incubation, — pour que le développement de l'embryon s'effectue et aboutisse à la formation d’un être viable etnorma- lement constitué, certaines conditions s'imposent, sur lesquelles nous allons maintenant insister. N 1. — Conditions à réaliser avant l'incubation. L'ovule doit non seulement avoir été fécondé, mais les différentes parties de l'œuf s'être formées normalement et provenir d’un animal en bon état de santé. Ainsi, l'embryon des œufs de poules très grasses n'arrive pas souvent à terme, soit qu'il ait lui-même une vitalité moindre, soit que la parlie du jaune qui constitue le vitellus nutritif, ou encore l’albumine, aient une composition plus susceptible d'altération. Il en est de même, à plus forte raison, pour les œufs d'animaux ra- chitiques ou atteints par la maladie. Le déve- loppement de spores microscopiques de cham- pignons à l’intérieur des œufs, comme c'est sou- vent le cas pour ceux des poules anémiées ou simplement privées d'exercice, dont la ponte s'effectue difficilement, suffit à empêcher le déve- loppement complet de l'embryon. Les risques croissent donc d'autant plus que les œufs sont mis en incubation plus longtemps après la ponte et que les échanges d’air ont été, par con- Séquent, plus nombreux au travers de la coquille poreuse. $ 2. — Conditions à réaliser pendant l’incubation. 1° Conditions thermiques. — L'œuf doit posséder, — pendant un nombre de jours, dont le maximum et le minimum diffèrent peu, pour chaque espèce d'oiseau, de l’optimum qui convient pour l'ob- tention d'êtres normalement constitués el viables, — une température non constante, présentant elle- même un optimum comprisentreunelimitemaxima très rapprochée etune limite minima très éloignée. Ce degré optimum, qui croît faiblement du com- mencement à la fin de l’incubation, doit être main- tenu, sinon rigoureusement, du moins approxima- tivement, pendant la plus grande partie du temps qu'elle dure. Les limites maxima et minima sont variables : 1° suivant les phases de l'incubation ; 2° suivant la durée du temps pendant lequel elles sont atteintes; 3° suivant le nombre de fois précé- dentes qu’elles y sont parvenues. On s'accorde généralement aujourd’hui à consi- dérer comme durée optima de l’incubation et tem- pérature optima moyenne : pour les œufs de poules vingt et un jours et 40° C.; pour ceux de canes , vingt-six jours et 39°; pour ceux d’oies trente jours et 395; pour ceux de dindes et de pintades vingt-huit jours et 40° C. Nous ferons remarquer, en passant — beaucoup de chercheurs l'ayant méconnu : — 1° que la tem- pérature de l'œuf n’est pas celle qu'indique un thermomètre placé à côté dans la même atmos- phère; 2° que la température d’un œuf placé sous une poule est notablement inférieure à celle de cette poule ; 3° que les œufs dans lésquels le déve- loppement de l'embryon s'effectue voient moins rapidement queles œufs non fécondés leur tempé- rature s’abaisser. 2 Conditions de mouvement. — Les œufs doivent être changés de position, sinon quotidiennement, du moins plusieurs fois pendant l’incubation. M. le Professeur Dareste en a démontré la néces- sité. Dans ses expériences de tératologie, il a vu que, dans la plupart des œufs conservant constam- ment la même position, il y avait adhérence des membranes qui enveloppent le fœtus — l’amnios et l’allantoïde, — et qu’il en résultait ou sa mort ou la création d’un monstre. 3° Conditions de respiration. — En outre de ces con- ditions générales, les incubateurs ou couveuses artificielles doivent remplir toutes les conditions dans lesquelles s’accomplit l’incubation naturelle. La dessiccation des membranes doit être évitée par l'entretien d’une humidité suffisante dans l'atmosphère ambiante. L'état hygrométrique qui convient n’est pas scientifiquement délerminé : on considère, dans la pratiqne, qu'il doit être assez voisin de la saturation et plus grand pour les Pal- mipèdes que pour les Gallinacés. L'atmosphère entourant l’œuf doit être renou- velée, car le développement de l’embryon et le fonctionnement de son cœur à l’intérieur donnent lieu à des oxydations et à des produits de combus- tion qui s’échappent par les pores de la coquille. Si ceux-ci viennent à être obstrués, comme cela arrive après l'enlèvement (total seulement en appa- rence) des produits les plusrecommandables jus- qu'ici pour la conservation des œufs, il y a empoi- 736 sonnement du fœtus par ses produits excrémenli- tiels. Actuellement, le conditionnement de la plupart des incubateurs répond à ces données :iln'yaplus guère de divergence entre les constructeurs qu’au sujet de la constance ou de la non-constance de la température à y obtenir. En réalité, cela a peu d'importance, car on obtient toujours, par une mé- thode ou par l’autre, si les appareils satisfont aux autres conditions générales de l’incubation, le dé- veloppement de la grande majorité des embryons. Les pertes ne portent que sur les œufs à germes faibles ou mal constitués ou altérés, dont nous par- lions plus haut et dont il est possible d'éviter l'emploi. Ce- C. VOITELLIER — L’ÉTAT ACTUEL DE L’AVICULTURE EN FRANCE suffisante ; 5° dans le retournement facile des œufs; 6° dans un rapport étroit entre le conditionnement et le prix de revient. Il existe actuellement en France plusieurs mil- liers de couveuses artificielles fonctionnant régu= lièrement pendant plusieurs mois de l’année (fig. 2}; les meilleurs systèmes procurent, en moyenne, des éclosions représentant 75 à 80 °/, des œufs soumis à l’incubation ; les cas où le rendement est de 95°}, ne sont pas rares. Par l’incubation naturelle ou forcée, au moyen de dindes, on n'obtient qu'un: résultat moyen inférieur. Aussi, dès que la produ tion des volailles a un peu d'importance, ne tarde- t-on pas à remplacer par des incubateurs les poules et dindes cou- veuses , Ce pendant, si la dernièressont démonstration de moins en expérimenta- le ! de la né- cessité d'un - refroidisse- ment journa- lier et du ré- chauffement moins em - ployées,même graduel des œufslaisseen- core à désirer, l'observation de ce qui se passe dans l’incubation naturelle et la proportion des insuccès, — d'autant plus ARTE du 7 grande que la régularité é- tait plus par- faite dans les essais que plusieurs expérimentateurs et nous avons faits, — nous poussent à porter nos recherchessur la détermination des courbes qui doi- vent représenter l’accroissement de la température optima moyenne au cours de l’incubation, ainsi que les limites maxima et minima par lesquelles elle doit passer journellement, et non surla détermina- tion d’une température optima, invariablement fixe. La plus ou moins grande perfection des systèmes réside aujourd’hui : 4° dans l’obtention et le main- tien, faciles pour l'amateur, économiques pour l'aviculteur de profession et le cultivateur, de la température voulue ; 2° dans une égale répartition de la chaleur pour tous les œufs; 3° dans l'entre- tien constant dans l'atmosphère ambiante de l’état hygramélrique désirable; 4° dans une aération ! Expériences relatées dans le Bulletin du Ministère de l'Agricullure, n° 3, mai 1895. Fig. 2. — Vue d'un couvoir industriel de 26 incubateurs constituant deux rangées pa- rallèles. — Au fond, chambre de la chaudière; la vaneur d’eau est envoyée aux incu- bateurs par un système de tuyaux et de robinets. Il.— PROCÉDÉS D'ÉLEVAGE. L’incuba- tion et l’éle- vage artifi - ciels se sont développés à peu près simultanément. La poule a élé rem= placée, pour les poussins éclos dans un incu= bateur, par un appareil chauffé, sous lequel ils prennent, dès le premier jour, l'habitude d'aller chercher la chaleur dont ils ont besoin et qu'on appelle l’éleveuse ou mère artificielle (fig. 3). Cependant, pour l'élevage du gibier, — bien qu les couveuses arlificielles soient très employées dans les chasses où l’on s'occupe de repeuplement, — l'emploi d’éleveuses s’est moins généralisé que pour les animaux de basse-cour. Cela tient à ce que, se pratiquant au milieu des champs ou de bois, à grande distance de toute habitation, les appareils qu'on a construits jusqu'à ces années dernières, ne répondaient pas aux exigences du problème. Il faut que les élèves y soient à l'abri de toutes les intempéries, et que cela ne nécessite pas: des frais trop onéreux d'installation ou de manu- C. VOITELLIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L’AVICULTURE EN FRANCE 131 . tention journalière pour le chauffage et pour la mise en sûrelé pendant la nuit. Les systèmes récents d’éleveuses, où ia chaleur est donnée par une lampe à pétrole ou une bri- quette et où les poussins, perdreaux et faisan- deaux, ne peuvent se tasser, se vulgarisent rapi- dement. Ils réalisent, en effet, cerlaines conditions qu'on a*été toujours trop enclin à transgresser, comme celles qui ont pour but d'éviter l’agglomé- ralion de jeunes animaux sur le mème espace; leur réunion pour se réchauffer muluellement ou pour prendre leur nourriture, enfin d'assurer l'en- tretien d’une grande propreté. Avec l'élevage artificiel, les notions qu'on pos- sédait sur les besoins des jeunes volailles se sont développées. On a reconnu qu'à l'exception des Palmipèdes, qui sont granivores et herbivores, nos oiseaux de basse-cour et ceux qui constituent le gibier, sont om- nivores eb récla- ment, pour leur | niques générales, sont les plus favorables à la ponte, telles que : le libre parcours, qui permet aux animaux de se procurer une nourriture variée el substantielle en même temps qu'écono- mique, et une protection suflisante contre le froid, l'humidité et le vent, comme la procure le séjour dans les étables ou sur le fumier 2° L'emploi des races ou variétés, plus spéciale- ment aptes à une production abondante d'œufs el les plus adaptées au milieu où elles doivent vivre. Il n’est pas une race qui puisse être recommandée exelusivement. Les différences individuelles entre sujets d'une même race sont très grandes, el telle qui est classée première dans un élevage, n'arrive qu'en cinquième ou sixième rang dans un autre. Nos races francaises, pures ou croisées, bien que n'occupant pas la têle de liste, comparées avec quelques races étrangères, sont des pondeuses moyennes, d’au- tant plus accep- tables qu'il n’y a développement pas lieu de les rapide,unenour- acclimater . Le rilure tout à la “{ croisement avec fois animale et les races étran- végélale. Aussi, Le gères les plus re- dansles élevages commundables à bien adminis - ce point de vue trés, on donne ee spécial : Ham - concurremment Fig. 3. — Coupe d'une éleveuse à lampe. — 1, enveloppe extérieure de zinc; bourg (fig. 4, Le- délaviendecuite ? conorel 2, ire pormeuant de Ko a lampe ei dé L nier sens outBet Corn, Andalous, et hachée, du encuivre emmagasinant la chaleur; 9, tubes en laiton au milieu desquels les Scotch-Grey, — nm ne A ae RE le Gecsiqnne une ou desséché, des œufs durs et hachés, des insectes, des œufs de fourmi, naturels ou artificiels, avec des feuilles de salade, de chou, de chicorée. Les grains : millet, chènevis, sarrasin, avoine, orge, dari, blé et les | farines d'orge, de maïs et de dari y forment la base de la nourriture des jeunes volailles. Les poudres d'os, très fines, adjointes à la pàtée obtenue avec les farines, sont souvent employées. Suivant le produit qu’on recherche, l'élevage présente quelques différences. Il est certaines exploitations où presque tous les œnfs sont vendus; d’autres, où la vente des jeunes volailles, à l'état maigre ou à l'état gras, constitue la principale recette : d'autres enfin, où la production des œufs et celle des jeunes volailles sont sensiblement égales. $ 14. — Production des œufs. Les moyens de rendre la production des œufs intensive et rémunératrice sont : 4° L'entretien du troupeau dans les conditions spéciales qui, en dehors des conditions hygié- diminution de leur taille, de leur précocité ou de leur finesse de chair, diminution qui n'est pas compensée par une augmentation suflisante de la ponte. Le croi- sement avec les Cochinchinois, Brahmas, races un peu moins prolifiques que les nôtres, a cependant quelque avantage au point de vue spécial que nous examinons. La rusticité des produits est, en général, augmentée, et, comme elle fait souvent défaut, la production moyenne des œufs devient plus grande. Il est à noter aussi que ces races asiatiques ont l'avantage de pondre un peu aux époques où les nôtres ne donnent plus d'œufs, c’est-à-dire au moment où ils valent le plus cher. 3° Le renouvellement du troupeau aux condi- tions les:plus avantageuses. Il se fait par tiers, en vendant les sujets ayant atteint deux ans et demi d'âge, après cessation de la ponte, à l’époque de la mue, et en élevant une quantité égale de pou- lets, nés dans les trois ou quatre premiers mois de l’année, dont la grande majorité donnent un certain nombre d'œufs dès le mois d'octobre et de novembre, c'est-à-dire à l'âge de six à huit mois. 7138 C. VOITELLIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AVICULTURE EN FRANCE 8 2. — Production des volailles pour la consommation. À quelques exceptions près, où il y a division du travail, la production des volailles pour la con- sommation comporte, partout où elle se fait en France, l'entretien d'un troupeau pour la pro- duction des œufs, la mise en incubation de ceux- ci, l'élevage, puis l’engraissement des jeunes. Les qualités que les produits doivent posséder pour que cette production soit rémunératrice sont, par ordre d'importance au point de vue du bénéfice dontelles facilitent généralement la réa- lisalion : rusticité, précocité, finesse de chair, développement des parties charnues les plus esti- Fig. 4. — Poule de Hambourg crayonnée. mées, facilité d’engraissement, développement de la taille ; ces qualités obligent l’exploitant à appor- ter quelques soins particuliers à l'entretien des vo- lailles composant sa basse-cour. Ces qualités sont, en effet, essentiellement héréditaires, et, quil s'agisse de races pures ou croisées, il doit s'atta- cher à les développer ou à les conserver. Le choix des reproducteurs, l'adoption d’une race pure ou d’un croisement sont des opéralions qui se font presque partout, mais qui laissent sou- vent à désirer. Comparées aux volailles étrangères, la plupart de nos races françaises, sélectionnées, se montrent supérieures comme finesse de chair et facilité d’engraissement. Elles se trouvent distancées de très peu : 1° pour la précocité, par la race italienne de Leghorn ; 2 pour la rusticité, par les races co- chinchinoise, Brahma, malaise, indienne, anda- louse, Leghorn, Wyandotte,Scotch-Grey,Plymouth- Rock ; 3° pour le développement des parties char- nues les plus eslimées, par les races malaise, indienne ; 4° pour la taille, par les races cochinchi- noise, Brahma, Langshan, malaise, indienne et Dorking. S'il s’agit donc de satisfaire la consomation de luxe, qui est très développée, en fournissant des poulets très fins et très gras, nos races pures de Crè- vecœur, La Flèche, du Mans, de la Bresse, de Mantes fig. 6), de Houdan (fig. 5), sont celles qui convien- nent le mieux. Dans leurs pays d'origine respectifs, il est de nombreuses basses-cours où la population galline existante peut être améliorée par le croise- ment dit d'implantation ou continu avec des reproduc- teurs de race pure. Mais cette amélioration n'a de Fig. 5. — Poule de Houdan. valeur que si l’on opère chaque année une sélection portant sur tous les produits, et consistant à con- server pour la reproduction les sujets les mieux constitués, les plus rustiques et les plus précoces, et parmi ceux-ci un lot de ceux possédant le plus les qualités recherchées, lot qu'on doit faire se re- produire isolément (fig. 7), pour augmenter le nom- bre des sujets se rapprochant du type améliorateur introduit, On à le tort, en général, d’attacher trop d'importance au choix du mâle relativement à celui des femelles. Dans une même race, la rusticité et la précocité ne sont appréciables que par la com= paraison du développement qu'ont acquis les ani- maux considérés au même àge. Les plus forts, mâles ou femelles, et les mieux constitués sont les seuls à conserver pour la reproduction. Pour laconsommation générale et l'approvision- nement des grands marchés, les poulets les plus 2 Î : | $ | $ | : 4 | D D DEL de te el OR Rat rire C. VOITELLIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AVICULTURE EN FRANCE 139 —————— volumineux, d’une finesse de chair moyenne et | volaille apportée sur une table un aspect des plus moyennement gras, sont ceux dont la vente est la | flatteurs, comme, d’autre part, ce croisement com- plus facile. S'ils sont à la fois précoces et rus- | munique une rusticité au moins égale à celle procu- tiques, l’exploilant rée par les Cochin- a un bénéfice cer- chinois el Brahma, tain à les produire. et que la diminu- Pour cela/nos races tion de la finesse de françaises, pures ou chair qui en résulte croisées , laissent est plutôt moindre, souvent à désirer il devrait être plus au point de vue de pratiqué qu'il ne l’a la rusticité et du été jusqu'à présent. volume. La repro- Dans les centres duction des métis où l’on éléve des obtenus par le croi- canetons, la métho- sement des races de du croisement cochinchinoises, d'implantation, pra- Brahma, malaise, tiquée avec des re- indienne avec nos producteurs de race races, donne de {rès pure et sélection- bons résultats, 1é- née de Rouen ou de moin le poulet dit Pékin, a le grand de Faverolles, mé- avantage d’augmen- tis Brahma - Hou - ter le volume, la fi- dan, qu'on produit nesse de chair, la très avantageuse - précocité, et de ren- ment en Seine-et- dre ainsi cette pro- Oise et Eure-et- duetion encore plus Loir pour l’appro- rémunératrice visionnement de qu'elle ne l'est. Paris (fig 8). Le croi- Dans la production sement avec les des oies, l’introduc- races malaise et indienne, dont la conformation | tion dans les troupeaux de reproducteurs de la est toute particulière, procure des sujets dont les | race {de {Toulouse sélectionnée (fig. 9), augmente Fig. 6. — Poule de Mantes. de! se RSS x +, GONG enearere Fig, 7. — Poulailler avec parc pour l'entretien d’un lot de volailles sélectionnées. muscles pecloraux et alaires sont très développés | la taille, la précocité et la finesse de chair des relativement aux autres parties du corps. Comme | produits. Notre race noire de Sologne peut, lors- ces muscles constituent les morceaux les plus esti- | qu’elle est bien sélectionnée, servir à améliorer la més et que leur développement donne à la pièce de | plupart des troupeaux de dindes. Cependant, l'in- troduction du dindon cuivré d'Amérique peut être aussi avantageuse pour augmenter la rusticité et la taille des dindonneaux. III. — HYGIÈNE DES ANIMAUX DE BASSE-COUR. Les soins hygiéniques ont, dans la pratique avi- cole, une importance peut-être plus grande que dans l'élevage du bétail. C'est qu’en effet, en de- hors des accidents ordinaires, — indigestion, diar- rhée, congestion, qui peuvent être évités par une alimentation bien comprise, — les méthodes pro- phylactiques permettent de restreindre au mini- mum les pertes qui résulteraient de maladies Frs Fig. 8. — Téle de poule Brahim. graves, tandis que les méthodes curatives de ces mêmes maladies laissent beaucoup à désirer. Les voici brièvement résumées : $ 1. — Anémie. L'anémie peut être occasionnée par : l°’unenour- riture insuffisamment substantielle ; 2° un manque d'exercice; 3°l’envahissement du poulailler par des Acariens des genres Dermanysse, Arqas, qui se gorgent du sang des oiseaux pendant la nuit; 4° le pullulement à la surface de leur corps de Dip- tères du genre Puler, d'Hémiptères de la famille des Ricinidès [genre Docophore, Goniode, Goniocote, Lipeurus, Menopon, ete.) qui les font maigrir en vi- vant à leurs dépens, et, en les tourmentant sans cesse, finissent par les déprimer. C. VOITELLIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L’AVICULTURE EN FRANCE La distribution d’une nourriture animale et vé-m gétale variée prévient l’anémie dans le premier cas. Il est facile d’obvier à la deuxième cause. Quant aux troisième et quatrième cas, on doit y remé- dier simultanément. Le procédé le plus simple de destruction des acariens consiste : si le poulailler est démontable en bois et fer, à en badigeonner les différentes parties au pétrole et à les peindre ensuite ; s’il est en maçonnerie, àagirpareillement pour les boiseries (perchoirs et pondoirs), puis à badigeonner les parois avec un lait de chaux. La destruction des insectes sur les animaux se Fig. 9, — Oie de Toulouse. fai : 1°en lustrant soigneusement les plumes seules avec une brosse imbibée de pétrole, ou 2° en les trempant, la tête exceptée, dans un bain de Barèges (procédé le plus pratique et le plus économique pour les jeunes poulets, qu'il est facile de réchauf- fer même en hiver); ou 3° en les plaçant dans un appareil fumigatoire, où ils sont exposés à l’action de vapeurs sulfureuses pendant dix minutes. K 2. — Diphtérie. La diphtérie, maladie éminemment contagieuse et ravageant le plus les basses-cours, atteignant surtout les sujets les moins robustes, les plus ané- miques, peut être combattue par l’arrosage du sol et l’aspersion des murs du poulailler avec une so- lution de sulfate de fer au 1/20, ou d’eau crésylée au 4/100, et par l'isolement des malades. Elle peut être guérie, à ses débuts, par le maintien des sujets atteints à une température de 10 à 15 degrés; l'enlèvement, répété plusieurs fois par jour, des fausses membranes et la cautérisation des plaies par le badigeonnage de la gorge au moyen de plumes imprégnées d’un mélange d'hui- le, de pétrole et de crésyl; par une nourriture tonique et fortifiante et l’ad- dition de sulfate de fer (1 °/,) à la bois- son ; enfin, par une ou deux fumigations journalières de cré- osote ou de gou- dron de Norvège (ce dernier plus économique, mais moinseflicace qu'ils doivent respirer. $ 3, — Gape. La gape est provoquée par le ver rouge (Syngamus trachealis), qui vit dans la trachée des faisans. Il en décimait, il y a quelques années encore, les éleva- ges. On ne le dé- truit pas, car les œufs du ver,rejelés par les animaux dans leurs accès de toux,infectenttous les terrains que ceux-ci ont par- courus; mais on parvient à sauver la plupart des fai- sandeaux en les soumettant deux ou trois fois, jus- qu'à l’âge de 5 mois, à des fumi- gations d’acide phénique dans un appareil fumiga- toire où l’on peut les observer pendant que dure l'action des vapeurs, afin d’éviler les cas d’as- phyxie. C’est là un procédé des plus recomman- dables et, d’ailleurs, fréquemment employé. Fig. 10. — Epinelle pour l'engr aissement naturel des volailles. Le picage, perversion du goût des animaux, qui les porle à s’enlever mutuellement les plumes, peut être évité ou tempéré au moyen d’une nourriture a- nimale et végétale variée. Notre cadre étant restreint, nous con- sidérerons toutes les autres affections comme secondai - res , comparées à celles dont nous venons de parler, et les passerons sous silence. HINES PROCÉDÉS D'ENGRAISSEMENT. Dans la produc- tion des volailles pour la consomma- dion, l’engraisse- ment procure un bénéfice souvent égal à celui qui ques centres d'élevage. ‘Le = Dai ul \ UT === Po TE Ge es Fig. 11. — Gaveuse pour l’engraissement forcé des volailles. ou gavaye (fig. 11). résulte de l'élevage; aussi est-il pratiqué partout et acquiert-il une grande importance dans quel- On engraisse les volailles de deux façons différentes : 1° en leur donnant une nourrilure Ca- pable de satisfaire leur appétit et en les privant d’exer- cice : c'est, l'en- graissement natu- rel, pour lequel on emploie des appa- reils appelés épi- nettes (fig.10),rues, séemincires, Où cha- que bête est seule, dans une case é- troite , et placée constamment de- vantsa nourriture ; 2% en leur ingur- gitant de force, deux ou trois fois par jour, une ration beaucoup plus grande que celle qu’elles prendraient pour satisfaire leur appétit : c’est l’engraissement forcé RE ARTS LE RM ANDRE PE ENVOI ARTE = CAE VE SERRE EM ET TIRE Fig. 12. — Gaveuse économique pour l’engraissement de S00 volailles, ayant fonctionné au Jardin d'Acclimatation. C. VOITELLIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'AVICULTURE EN FRANCE — Quel que soit le procédé de gavage, les ani- maux sont mis pendantune vingtaine de jours en épinettes et recoivent, deux ou trois fois par jour, une ration de pâtée, croissant graduellement de 15 à 25 centilitres. Celle-ci est faite en délayant 300 grammes de farine d'orge ou de maïs dans un litre d'eau, ou mieux dans du lait écrémé ou du petit lait, qui sont relativement plus riches en ma- üères protéiques que le lait pur. . Pendant cette période, le poids des poulets peut augmenter de 700 grammes à un kilogramme. Pour les canards, les oies et les dindons, on la prolonge ordinairement de hüit à quinze jours, pendant les- quels l'augmentation est, pour le moins, propor- tionnelle à celle des poulets. L'engraissement le plus rémunérateur est celui des animaux chez lesquels commence à se mani- fester l'instinct de reproduction, c'est-à-dire à trois mois pour les races les plus précoces de poulets et de canetons; à six mois pour les oies et les din- dons. Il faut toutefois que les animaux ne soient pas anémiques, couverts de poux; que les soins de propreté ne laissent rien à désirer ; que l’aug- mentalion de la ration se fasse progressivement et ne provoque pas à ses débuts une indigestion, en- travant l'assimilation pendant les quatre ou cinq jours qui suivent, enfin, que l’arrivée de la pâtée dans le jabot ne soit pas brusque. Le chaponage ou castration des coqs, qui procure une chair plus fine et permet d'obtenir du même animal un poids plus élevé, est moins praliqué aujourd'hui qu'autrefois, à cause des difficultés de l'opération et surtout de la rareté des opéra- teurs. Les procédés de gavage aupäton (Sarthe), à l'en- tonnoir (Seine-et-Oise, Eure-et-Loir), à la bouche (Paris), sont encore suivis, mais sont remplacés de plus en plus par celui qui se fait au moyen de ya- veuses mécaniques. Ces appareils se composent d'épinettes et de pompes compressant la pàtée et la chassant plus ou moins doucement dans le jabot de l’animal ; leurs dimensions sont {rès variables : les uns permettent l’engraissement simultané de six volailles ; d’autres, celui de deux cents sujets. Plusieurs établissements, où trois ou quatre deces grands appareils fonctionnent ensemble, existent en France. L'engraissement est alors considéré comme une industrie spéciale. La plupart sont organisés sur le modèle de celui qui a fonctionné pendant une quinzaine d'années au Jardin d’Acecli- malation (fig. 12). V. — DÉVELOPPEMENT DE L'AVICULTURE. Il nous reste, après avoir passé en revue l'état actuel de nos procédés d’incubalion, d'élevage et d'engraissement, à indiquer l'importance des 743 transactions commerciales auxquelles donne lieu l’aviculture et le développement que ces transac- tions sont susceptibles de prendre. Bien qu'on puisse trouver dans la plupart des villages toutes les espèces de volailles, chaque département semble se spécialiser dans la pro- duetion de l’une d'elles. Mais, comme il sort sou- vent d’une basse-cour, dansle courant d’une année, trois fois le nombre de volailles adultes qui la composent, on comprend que le dénombrement des animaux soit fort diflicile à faire. C’est surtout en tenant compte des envois aux grands centres voisins, à Paris et à l’Étranger, qu’on peut con- naître l'importance relative des produits de chaque espèce pour un département. A Paris, la consommation de la volaille est considérable : on en peut juger par les chiffres suivants, qui supposent que le pauvre et le riche ont une part égale. Chaque habitant aurait con- sommé en 1893: RADAR RE eee ee eee devient 145 kg Viande de boucherie...........:..... 65 TÉPUMESMCREETULÉSER PART ere 160 P'OUETS Re lire 4,319 CETTE NE SAS Lee ee 0,521 OBS Ra nee de it odes oiee 0,835 PISBODS PEER ec de LP ae 0,208 TÉPINSEETERE Rem ec eeetei eee 1,960 ŒES(AOMPDLE) EE EE CE 192 Les départements contribuant le plus à l’appro- visionnement de Paris (fig. 13, page 744) sont, dans l’ordre de leur énumération, pour les : Poulets. — Eure-et-Loir, Ain, Côte-d'Or, Eure, Loire-Inférieure, Seine-et-Oise, Saône-et-Loire, Indre-et-Loire, Loiret. Dindes. — Eure-et-Loir, Loiret, Indre, Cher, Loir-et-Cher, Orne. Oies. — Sarthe, Eure-et-Loir, Vienne, Indre, Cher, Loiret. Cunards. — Loire-Inférieure, Vendée, Sarthe, Eure-et-Loir, Loiret. Pigeons. — Saône-et-Loire, Somme, Nord, Pas- de-Calais, Jura. Voici, d'autre part, quelles ont été, en 1893, à la frontière, les transactions concernant les pro- duits avicoles : IMPORTATIONS EXPORTATIONS Volailles vivantes ..... 5 1.476.146fr. _— MOPHES. =. 2.465.738 Pigeons vivants.......:. 3.954.022 =Wimorts. #7. 92.424 Œufs de volaille et de gibier. ee 6.026.542 23.251.298 Jaunes d'œufs impropres à la consommation... 1.387.112 182.458 Pätés de foie gras....... 458.900 1.128.390 Plumes de parure : coq et vVautour..:-2.-rue 181.422 634.127 Autres blanches......... 6.021.081 5.262.642 Autres noires:::4-:..:.% 968.486 38.928 AN GET VE TEE RARE LONDRES o Salisbury LES " es -DU- 1 SZ \COTES-DU-NORD luxe Er.) PES 77 ‘ “RLET-LOIR : | ù, & L: MORBIHAN a N / CÔTE! D'OR st NIÈVRE 4, # BU*PYRENÉES / es Ÿ jE= S g NEES O PAR < ME UD LISTE RP RINAT IN EIRE = OBEPLIN Fig. 13. — Carle montrant les départements où la production des poulets, dindons, oies, canards el pigeons, a pris le plus grand développement. ô Départements produisant plus spécialement des poulets. » » » » » dindons, Q » » » » » oies. » » » » » canards. » » » » » pigeons. C. VOITELLIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L’AVICULTURE EN FRANCE 145 RE ——————— —— — + à IMPORTATIONS EXPORTATIONS Autres de toute autre CORIGUL: -55 5. ecole cote 10.832.871 15.912.918 Plumes à écrire brutes ou APPrCHÉBS cell 67.80% 55.834 Plumes à literie (duvet et AUÉTES)--. seras 701.721 2.544.000 Notre importation de poulets et d'œufs se fait aux frontières belge et italienne, notre exportation se fait presque exclusivement sur l'Angleterre. La plupart des pigeons importés proviennent d'Italie: sur 1.385.000 kilogr. constatés à la frontière, 1.350.000 ont été vendus aux Halles de Paris, tandis que Saône-et-Loire, département qui en fournit le plus, n’en envoyait que 30.000 kilogr. 1893 96 millions A 68 mtions 1873|_ — 4 millions | 1863 ee ———— 50 rallions | | | | | | | Il Î | | | | | D SRE fe 2 es jui] :) Fig. 1%. — Valeur en francs des œufs consommés en Anglelerre. Nos importations de volailles et d'œufs vont en se restreignant continuellement ; nos exportations augmentent, au contraire, d'année en année. Cependant, nous nous laissons distancer par les Belges dans l’approvisionnement de l'Angleterre. Les quantités de volailles et surtout d'œufs récla- més par l’Angleterre à l'Étranger augmentent dans des proportions considérables (fig. 14) et notre exportation ne suit pas, il s’en faut de beaucoup, cette progression (fig. 15). Bien qu'ayant progressé et s’élant développée très rapidement, la production avicole peut encore être augmentée et améliorée. Quelques établissements modèles, les journaux spéciaux et les ouvrages d’aviculture de différents auteurs ont été, pendant longtemps, seuls àcontri- buer à la vulgarisation des meilleurs procédés. On a, depuis quelques années, créé deux écoles pra- liques d'Aviculture dans deux établissements pri- vés, à Gambais (Seine-et-Oise) et à Sanvic, près du Havre, et organisé, en principe du moins, l’en- seignement de l'Aviculture dans toutes les Écoles d'Agriculture. Des encouragements sont accordés par le Gouvernement à la production des repro- ducteurs sélectionnés dans les concours agricoles. Trois associations : la Société des Aviculteurs français, la Société Nationale d’Aviculture à Paris, et la Société des Aviculteurs du Nord, à Lille, organisent des expositions et concours spéciaux, à la suite desquels ces Sociétés décernent aussi des prix. La diffusion des méthodes perfectionnées se 1887 1893 Fig. 15. — Courbes représentant en millions de kilogrammes : À, les importations d'œufs en Angleterre; B, les impor- tations d’origine françase. fait néanmoins lentement dans les .campagnes. Cela tient à l’inaction des Sociétés d'agriculture régionales, ainsi qu'au manque d'études spéciales pour chaque région et de démonstrations pra- tiques. Quant aux mesures qui auraient pour résultat d'augmenter la production des animaux de basse- cour, ce sont celles — comme pour la production des légumes, des fruits, du lait, du beurre et du fromage — qui favoriseraient l’arrivage rapideelà bon compte des produits sur les lieux de consom- mation, tant en France qu’à l'Étranger; ce seraient, en outre, la diminution ou la suppression des droits d'octroi et les facilités accordées au pro- ducteur pour qu'il puisse ne pas subir les exi- gences des intermédiaires. Ch. Voitellier, Ingénieur agronome, Professeur spécial d'Agriculture à Meaux 746 627 Il n'est question depuis quelque temps, entre Orléans et Nantes, que de comités d'initiative, de réunions des comités, de banquets en l'honneur de la transformation de la Loire. Nous ne voulons point entrependre ici une discussion économique sur la concurrence des chemins de fer et des voies navigables, bien que le grand développement de celles-ci en Allemagne, depuis 1870, puisse donner à réfléchir; notre but est seulement de dégager les points principaux de la question technique, en ce qui concerne notre grand fleuve central. Il est de notoriété publique que l'abondance des sables, les déplacements qu'ils subissent, créent le grand obstacle à la navigation de la Loire. Il faut donc, tout d’abord, s’enquérir de leur origine, de l'importance des nouveaux arrivages au lit du fleuve, du volume solide débité chaque année aux divers points de celui-ci, et des moyens à employer pour améliorer la situation sous ce rapport. Mais, alors même qu'on parviendrait à diminuer les apports de sables, les mouvements irréguliers résultant des crues pourraient suffire pour bou- leverser le chenal ; on a donc à rechercher quel est le meilleur tracé à adopter pour les rives. En même temps s'impose la question de la division en biefs, car cette division a seule permis de faire de la Seine l’admirable fleuve qu'on connait, bien que le problème à résoudre fût beaucoup plus facile que celui de la Loire. Ainsi donc, nous devrons nous occuper sucees- sivement : des sables, du tracè des rives, du profil en long. . I. — LES SABLES DE LA Loire. Cette première question a élé surtout traitée par M. Comoy, chargé d’études sur l’ensemble du bassin de la Loire après la grande inondation de 1856. Son mémoire a été seulement autogra- phié, et il est très regrettable qu'il n’ait pas reçu une plus large publicité, car il résume des re- cherches on ne peut plus consciencieuses, dues à un homme de très grand mérite. Nous allons en reproduire les passages principaux, en les résu- mant : Le lit de la Loire offre, dans sa partie supérieure, tous les caractères de la mobilité, et ces caractères sont encore plus prononcés dans le lit de l'Allier. Les berges sont corrodées dans toutes les courbes concaves, des alterrissements se forment le long des rives convexes, et en définitive la forme et la position du lit se modifient incessamment. Une masse considérable de matières tombe dans ce lit M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA LOIRE LA NAVIGATION DE LA LOIRE chaque année, par suite des corrosions. Il résulte des métrages faits sous la direction de M. Comoy, qu’en 1856 il y a eu effondrement de 448.684 mè- tres superficiels de rives de la Loire supérieure, en amont du Bec d’Allier; le cube correspondant a été de 1.554.782. Dans la même année 1856, les surface et cube ont été pour l'Allier de 2.255.319 mètres superficiels et 6.311.454 mètres cubes. Les terres ainsi jelées au fleuve et à son prin- cipal affluent se composent d'argile, de sable et de gravier. La proportion de ces deux derniers est den 67 centièmes dans la Loire supérieure et de 57 cen- tièmes dans l’Allier; l'argile entre en suspension dans l’eau et est emportée parles courants, qui en déposent une partie en route. Les sables et gra-m viers, en réunissant les nombres relatifs à une longue période, constituent un apport annuel moyen de 2.300.000 mètres cubes, livrés à l’action des eaux en amont du Bec. Mais tout n'entre pas dans le courant des sables et graviers entraînés au loin; la plus grande partie se dépose sur les grèves voisines et, à la longue, se colmate par le mélange de vases reprises aux eaux des crues. Il en résulte un travail de reconstitution des terres riveraines qu'on observe sur toute la longueur de la Loire supérieure et de l'Allier; s’il ne se faisait pas, il y a longtemps que les plaines submersibles de ces cours d’eau seraient complètement anéanties. On a reconnu que celles de la Loire supérieure auraient été entièrement détruites en deux mille ans et celles de l'Allier en deux cents ans. Cepen- dant ces plaines existent encore; elles ont donc dû se reformer. Mais les surfaces des nouveaux terrains cullivables n’égalent pas celles qui ont été détruites, car les lits de la Loire supérieure et de l'Allier ont pris un excès de largeur incontestable (on rencontre souvent des largeurs de 400 à 600 mètres sur le fleuve, de 800 à 900 sur l’affluent). Les reconstitutions de terrains à de petites dis- tances n’en constituent pas moins une cause im-" portante de réduction du volume des sables voya- geurs, et la quantité annuelle se trouve certaine- ment réduite au-dessous de l'Allier à moins de moitié des 2.300.000 mètres cubes. — M. Comoy, après avoir démontré qu'il n’y à qu'un très pelit cube à descendre actuellement des montagnes et collines aux lits de l'Allier et de la Loire, fait allu- sion aux personnes qui portent à des chiffres de fantaisie le débit solide du fleuve ; il constale qu'il « serait difficile de trouver l'origine d’une masse » « de sable atteignant chaque année plusieurs mil- M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA LOIRE « lions de mètres cubes. Tout porte à penser que « le chiffre de 1 million représente mieux l'impor- « tance du phénomène » [immédiatement en aval du Bec d’Allier). De ce dernier volume il faut retrancher celui des matières extraites parles riverains. Les documents relevés montrent que ce retranchement doit êlre de 600.000 mètres cubes. Reste donc 400.000 mè- tres pour le volume solide versé à la Loire mari- lime, année moyenne, en sus du limon. En résumé, on aurait à compter avec un volume d'environ 700.000 mètres cubes de sables et gra- viers à Orléans et avec 400.000 mètres cubes à Nantes. En rapprochant ces deux chiffres, on comprend qu'il doit y avoir une grande différence dans la pente Æilométrique du lit entre Orléans et Tours d’une part, entre Angers el Nantes d'autre part. Si l’on fixe les rives de la Loire supérieure et de l'Allier, une différence existera toujours entre les pentes, mais les déclivités du lit qui sont actuel- lement, du Bec à Nantes, en rapport avec les débits solides totaux, 1.000.000 à une extrémité et 400.000 à l’autre, s'abaisseront en raison de la diminution des sables et graviers. Cette question se représen- tera au chapitre III. IT. — LE TRACÉ DES RIVES. il y a soixante ans, on a établi dans le lit de la Loire des digues de rétrécissement. Elles sont venues s'ajouter aux digues hautes, bien plus an- ciennes, dites insubmersibles, que nos ancêtres ont élevées pour se défendre contre les crues. On sait que le prétendu remède à été pire que le mal, mais c'est un sujet qui demanderait un article spécial el que nous ne traiterons pas ici. — Les digues construites dans le lit suivent des tracés arbitraires et elles sont discontinues:; elles n’ont pas amélioré la Loire, et l’on sait maintenant qu'il faut régulariser les rives au moyen de digues con- tinues, suivant des tracés très étudiés. C'est à M. Fargue, aujourd'hui Inspecteur géné- ral des Ponts et Chaussées, que revient l'honneur d'avoir posé les règles de ces tracés et d'avoir ex- périmenté ces règles avec le plus grand succès sur la Garonne. La Garonne a été pourvue, vers 1840, d'endi- guements continus et réguliers entre Agen et le département de la Gironde, et même un peu plus bas, principalement par Baumgarten; mais on ne se doutait pas alors des conditions à suivre dans le détail des tracés ; on faisait succéder des courbes courtes à de longues courbes bien développées, on donnait la mème largeur au lit aux points de pas- sage du thalweg d’une rive à l’autre et aux points 747 où le courant s'appuie nettement à une rive, ete. Il semble aujourd'hui qu'il était élémentaire de resserrer la rivière lorsque la profondeur tend à s'égaliser (points de passage d’une rive à l’autre), mais on sait depuis longtemps qu’en toutes choses les considérationsles plus simples viennent les der- nières à l'esprit. — Finalement, la Garonne n'a pas été sérieusement améliorée au point de vue de la navigation, mais les propriétés riveraines ont été garanties contre les divagations du fleuve; c'est beaucoup, mais le but principal a été manqué. — Appelé plus tard à endiguer une partie de la Ga- ronne dans le département de la Gironde, M. Fargue reprit la question «b ovo, en basant ses études sur les résultais des travaux de ses devan- ciers. Entre les bourgs de Gironde et de Barsac, le lit est fixé depuis longtemps par une suile non in- terrompue de travaux; c'est là principalement qu'ont porté ses observations : le fond est partout composé de sable et de gravier; les vingt-deux kilomètres étudiés présentent 17 courbes de 1.330 mètres de longueur moyenne. M. Fargue à reconnu que les plus longues courbes, de même que les plus courtes, élaient loin de correspondre au meilleur chenal; il y a donc une certaine lon- gueur moyenne dont il faut s'écarter le moins pos- sible. Il a reconnu aussi que le profil en long du thalweg ne présente de régularité que si la cour- bure varie graduellement ; tout changement brusque occasionne une diminution brusque de profondeur. Enfin, l’observalion a également monlré que le rétrécissement aux points d'in- flexion amène l’abaissement des sommets du chenal. Quasi-uniformilé des longueurs des. courbes, variation graduelle des courbures dans chaque courbe et raccordement bien ménagé d’une courbe à l’autre, rétrécissement aux points d'inflexion, telles sont en définitive les lois principales (nous ne pouvons entrer ici dans les délails). Il va sans dire que telle longueur de courbe, convenant bien pour une seclion de rivière, ne conviendrait plus pour une section éloignée de la première, et en- core moins pour un autre cours d'eau. Pour la Loire, la première chose à faire est de trouver, dans le dédale des digues tracées sans idées géné- rales, quelques passages se rapprochant des con- ditions voulues et pouvant servir de base à la détermination de la longueur de courbe dans chaque section, par exemple de la Maine à Nantes, parlie qu'on jugera sans doute nécessaire d’atta- quer la première. La largeur normale sera plus facile à fixer. Ensuite il faudra procéder à un essai comprenant deux ou trois courbes, afin d'être en mesure de se rectifier avant d'engager sérieuse- ment les dépenses. 148 M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA LOIRE Les études de M. Fargue l'ont conduit à des projets dont l'exécution a procuré les résultats suivants, dans une section de la Garonne peuéloi- gnée de celle qui a servi de base à l'établissement des lois dont nous avons donné un aperçu : au passage de Cadroit, où la profondeur n'était que de À mètre, on a obtenu 2"90 sous l’éliage ; sur la passe de Mondiet, au lieu de 0®75, on est arrivé à 2u90, Les nouvelles profondeurs se sont mainte- nues; on n'a eu à draguer que très exceptionnelle- ment, lorsqu'un petit amoncellement de gravier s'était formé à la fin d’une crue. Mais il faut aussi étudier la question des pentes longitudinales du cours d’eau et de son lit, ques- tion dont s’est principalement occupé l’auteur du présent article. Il ne faut pas compter qu'après les travaux la pente totale, de l’origine à la fin d’une courbe, puisse en général se maintenir (elle quelle, puisque cette pente est un effet dont on modifie les causes. Les travaux de M. Fargue ont été suivis d'une diminution de la pente, diminu- tion qui s'est révélée par l’abaissement de l’étiage sur le radier de l’écluse d'embouchure du canal latéral, à Castets. Comme les travaux de cet ingé- nieur ne s'étendent pas sur une grande longueur de Garonne, le changement de la pente n'a pas eu assez d'importance pour avoir des effets nuisibles dans ce fleuve lui-même ; mais on peut dire qu'il serait impossible de maintenir des travaux bien faits sur toute la longueur d’un cours d’eau qu'on ne diviserait pas en biefs, si le lit ne présentait pas de points fixes (roches, radiers de ponts). En effet, supposons que la pente du lit se réduise de ! 010 par kilomètre; au bout de 200 kilomètres, cela ferait 20 mètres, et longtemps avant la réali- sation d’un tel abaissement les rives se seraient effondrées. 11 y a donc toute une étude nouvelle à faire; ce sera l’objet du chapitre suivant. III. — LE PROFIL EN LONG, Les déclivités moyennes de la Loire sont, aux basses eaux, par kilomètre : Du Gerbier de Jonc à Retournac........ 7,41 De’Retournac à Roanne.” -......2.... A1 De Roanne au Bec-d’Allier.............. 0.5 Du Bec-d’Allier,à Briare...t...........e 0.45 DeBriarb 2 Orlando ete ecn 0.41 Orléans tauRONer AMP er ere 0.37 DuiCher alaVienne...."..-.---.,.-"-. 0.28 DetaWionne Ua Maine cr. 7"... 0.20 De Ta MAn0 AUNANTER Error 0.16 Les vilesses moyennes suivent une marche dé- croissante analogue, qu’indique le tableau I ci- joint. On a vu que le débit de sable est beaucoup plus considérable dans le haut que dans le bas de la Loire ; comme, d’ailleurs, le débit moyen d'eau varier dans le sens inverse, la vitesse devait intervenir pour établir un équilibre mobile dans le lit. Sup- posons un cours d’eau amené par des dragages à avoir un lit peu incliné, malgré l’arrivée inces- sante de nouveaux sables; les vitesses seront trop faibles pour transporter annuellement vers l'aval un volume égal à celui qui viendra s’ajouter aux existences antérieures. Il y aura donc encombre- ment. Mais cet encombrement aura pour effet d'augmenter la pente et, par suite, la vitesse des eaux; on arrivera donc tôt ou tard à l'équilibre mobile du lit, le débit de sable étant fonction de la vitesse de l’élémentliquide. Tableau. I. — Vitesse moyenne. VITESSES A 30 AU-DESSUS DE L'ÉTIAGE VITESSES AU MOMENT DEL'ÉTIAGE SECTIONS DU FLRUVYVE La Vienne à la Maine... La Maine à Nantes....... Mais si, au lieu d’un cours d’eau théorique, nous considérons la Loire, telle que la Nature et les hommes l’ont faite, nous devons nous préoccuper des moyens d'augmenter sa profondeur sans aug- menter la vitesse des eaux, et, si c'est possible, en la diminuant. Or, les deux effets peuvent con- corder, car la vitesse diminue avec l’augmenta- tion de la section, et cette augmentation résulleram de l’amoindrissement de la pente, élément dont la marche a lieu dans le même sens que les varia- tions de la vitesse. La diminution de la pente étant une conséquence des tracés de M. Fargue, en même temps que l'augmentation du mouillage, nous voyons que tout se combine pour assurer l’a- venir de la navigation, à la seule condition de garantir les rives contre l'effondrement en ne per- mettant pas à la diminulion de la pente de cu- muler ses effets sur de trop grandes longueurs. Cela revient à dire qu’il faudra diviser la Loire en biefs au moyen de barrages annulant de distance en distance l’abaissement du lit. Nous avons appelé ces futurs ouvrages barrages de soutènement du lit, parce qu'à leur amont le lit sera maintenu à son ancien niveau, tandis qu'à leur pied se trouvera la profondeur résultant des réductions de pente cu- mulées de tout le bief aval. Si la pente kilomé- trique entre la Maine et Nantes estramenée à 0,06, au lieu de 0,16, on aura à répartir 0"J0 >< 80 kilo- mètres, ou 8 mètres entre les barrages de soutè-1 nement. Ceci est indépendant des parties mobiles … M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA LOIRE dont on pourra surmonter les barrages afin d’aug- menter les profondeurs en temps de basses eaux; il serait possible de revivifier la navigalion de la Loire, quoique dans une plus faible mesure, en se contentant des barrages fixes. Ceux-ci n'auraient aucun des inconvénients des anciens barrages fixes de nos rivières, qui élaient des saillies au-dessus du lit naturel, tandis qu'il s’agit maintenant de barrages soutenant le lit à son ancien niveau, en quelques points, tandis que ce lit serait abaissé partout ailleurs. Dans tous les cas, de courtes dérivalions éclusées seraient nécessaires auprès -de chaque barrage. Une remarque essentielle doit être faite : M. Fargue est arrivé à de grands résullats, dans la courte section de Garonne qu'il a traitée, par le seul perfectionnement du tracé des rives; il ne serait donc pas impossible d'arriver à rénover la navigation de la Loire, actuellement presque nulle, en n’ajoutant au procédé Fargue que l’établisse- ment des barrages de soutènement du lit; mais combien plus importante serait la transformation du fleuve si les nouveaux arrivages solides à soniit élaient diminués dans une forte mesure ! On y arriverait par la seule défense des berges de l'Allier, ou mieux par le règlement des rives decet affluent, de manière à le régulariser en même temps qu'on mettrait fin à la démolition de ses berges. Les idées qui viennent d'être exposées sont maintenant entrées dans l’enseignement, comme le montre le passage ci-dessous du cours d'Aydrau- tique de M. Flament à l'Ecole des Ponts et Chaussées, publié dans l’ÆZncyclopédie des Travaux publies : «.. La correction des rivières par l’élablisse- « ment de digues longitudinales a les conséquences « suivantes : l'abaissement des hauts fonds du « thalweg: la diminution de la pente et l’abais- « sement de l'éliage vers l'amont. « Cet abaissement peut produire en amont : ou 749 « ment protégées, ou bien des rapides raccordant «l'ancien niveau avec le niveau abaissé. Ces « désordres ne peuvent êlre évités que si l’on éla- « blil dans le lit des barrages de soutènement, ou « seuils résistants, en des points convenablement « choisis. La construction de ces seuils peut, d'ail- «leurs, être complétée par l'établissement de «hausses ou barrages mobiles augmentant le «tirant d'eau et les chutes à racheter par des « écluses. «Chacun de ces barrages de soutènement du « lit localise en un point l'effet de la diminution « de pente produite par le règlement des rives. » IV. — ConcLüsIoNs. On voit que la question de la Loire n’est plus ce qu'elle a été longtemps; les bases de la transfor- malion sont posées, et il ne reste qu'à procéder avec méthode à la rédaction des projets et à l’exé- culion des travaux. Malheureusement, il y a toujours des craintes à concevoir en ce qui concerne les digues dites in- submersibles, établies dans la plaine sur les deux rives du fleuve, d'une manière presque continue à partir d'Orléans. En 1856, Nantes a été inondée en partie, malgré l'effet des nombreuses ruptures de digues qui ont amené l’abaissement du maxi- mum. On a, depuis, beaucoup travaillé à la con- solidation de ces digues, dites insubmersibles: si elles ne se rompaient plus, les circonstances mé- téorologiques de 1856 revenant, il y aurait de grands désastres dans notre malheureux port de l’ouest : l’Hôtel-Dieu, établi dans une ile, serait emporté, ele., etc. !. M.-C. Lechalas, Inspecteur général des Ponts et Chaussées en retraite. 1 Toutes les digues dites insubmersibles se sont rompues en 1856. L'effet des déversoirs de superficie établis sur quel- ques parties des digues depuis cette époque, serait loin de la chute des rives, si elles ne sont pas suffisam- | compenser l'absence des ruptures. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. 150 665,3 LEUR SYNTHÈSE NATURELLE ET LEUR SYNTHÈSE INDUSTRIELLE Les graines grasses à huiles ou à graisses con- crètes (beurres, graisses, cires végétales) sont trop utiles à l'industrie pour ne pas prendre une place prépondérante dans les préoccupations de ceux qu'intéressent le développement de nos Colonies francaises tropicales et la mise en œuvre indus- trielle de leurs richesses naturelles. Il est incon- testable qu'à l'heure actuelle les graines coloniales constituent le principal appoint de nos industries de la savonnerie et peut-être de la stéarinerie, en tant que matières premières capables de donner des corps gras ‘. Le fait n’a rien de surprenant si l’on veut bien remarquer que c'est seulement sous le soleil des tropiques que se forment, à l'exception des produits des Hyrica, les graines donnant des huiles concrètes, si appréciées des fabricants de savons, et que c’est encore sous ces climats favo- risés que l’on compte, sur un nombre déterminé de végétaux producteurs, le plus de graines grasses dont la richesse en huile permette une exploila- tion rémunératrice. Il semble donc qu'il y ait une corrélation entre la densité des corps gras dans les graines végétales et la température moyenne annuelle du milieu où elles se sont formées, l'abon- dance et la densité de ces corps gras augmentant avec la moyenne thermique. Ces deux faits suffisent à expliquer l’élat actuel de nos industries basées sur l’ulilisation des huiles liquides ou concrètes, c’est-à-dire leur tendance de plus en plus marquée à devenir tributaires de nos possessions tropicales. Il en résulte naturellement que, notre domaine co- lonial s’accroissant chaque jour, le devoir de ceux qui se préoccupent des approvisionnements de nus industries nationales est de rechercher, dans ces régions chaudes, les nouveaux produits de cet ordre qui pourraient augmenter la puissance des- dites industries et surtout diminuer la dépense qu'occasionne forcément leur approvisionnement à longue distance de la métropole. Cette pensée m'a conduit à consacrer quelques recherches à ce genre de produits dans ros co- lonies les plus récentes comme le Congo et le Ga- bon, et même dans nos colonies les plus anciennes et les moins connues à ce point de vue, comme la Guyane. Je comple publier prochainement jes ré- ! Actuellement les graines coloniales le plus souvent exploi- tées par nos industries sont celles de coco (coprah), de sésame, d'arachide, de coton et des illipés, de ricin, de palmiste; mais il en existe bien d’autres qui pourraient entrer utilement en concurrence avec elles et changer la face de ces industries. D: E. HECKEL — LES GRAISSES VÉGÉTALES DES COLONIES FRANÇAISES LES GRAISSES VÉGÉTALES DES COLONIES FRANCAISES sultats de ces recherches, avec l'espoir que, pour la plupart des graines que j’étudie, mon but sera atteint; j'ai la certitude qu'il le sera pour quel= ques graines qui, sous mon impulsion, ont déj fait à Marseille leurs preuves industrielles. J'ai à cœur, en effet, de signaler, d’abord à l'attention des industriels, ensuite aux savants que ces ques=\ tions intéressent à un autre point de vue, des graines grasses inconnues ou peu connues, leur rendement en corps gras (huile ou beurre), la na ture et l'emploi possible de ces corps gras, lan richesse de leur tourteau, les meilleures condi= tions de leur exploitation ‘. Je ferai précéder ces données de tout ce qui touche à l’histoire bota= nique des végétaux producteurs de ces graines Ce travail sera poursuivi, et il devra l’être, dans: les régions que nous annexons à la France (Mada= gascar par exemple), jusqu'au moment où, la syn= thèse des corps gras étant connue, nous aurons, par des moyens simples et nouveaux, la possibilité. de réaliser, au sein de nos laboratoires indus triels, la formation des graisses telle qu'elle se produit au milieu des tissus végétaux ou animaux les plus simples et les plus variés. - L L Cette possibilité est théoriquement entrevue au* jourd’hui, et il ne manque plus, semble-t-il, comme consécration aux considérations chimiques qui permettent de comprendre cette formalion, qu'une expérimentation heureuse, un tour de main favo+ rable qui en rende la réalisation pratique. Voici, en ce qui me concerne, à la suite de quelles consi= déralions j'ai engagé des recherches en vue de cette. réalisation et comment il me semble permis de comprendre la formation des corps gras dans la cellule vivante, au moins chez les Végétaux. Les corps gras, liquides ou solides, et la fé= cule jouent, dans les graines où l'industrie va le chercher, un rôle si considérable qu'on comprent aisément comment, dans une certaine mesure, ce produits, — véritables réserves alimentaires mise en œuvre pendant la germination pour la nutri tion de l'embryon, — peuvent se remplacer l’unt l’autre dans différentes graines. Ces réserves on entre elles des liens multiples tant d’origine que d'utilisation ultérieure dans la graine, et cepen dant ilsemble, d’après les idées courantes, que ces 1 Ce travail paraïtra vers la fin de la présente année danS les Annales de l'Institut colonial de Marseille. D' E. HECKEL — LES GRAISSES VÉGÉTALES DES COLONIES FRANÇAISES deux produits s’excluent le plus souvent l’un l'autre. Il est, en effet, ordinairement admis que les semences se divisent en graines grasses el en grai- nes féculentes; maisiln'y a, dans ces dénominations, qu'une constatation de la prédominance de l’une de ces réserves sur l’autre. Les graines féculentes ne sont pas toujours exemptes de matières grasses (maïs, etc.), et il arrive quelquefois que les graines grasses renferment des fécules, même en abon- dance, comme le Coula edulis Baillon ou noisette du Soudan, \'Entada gigalobium, etc. I semble donc que la formation de ces deux réserves, dans les mêmes lissus et au sein de la même cellule, est due à des phénomènes biologiques et à des conditions chi- miques semblables, puisqu'elles peuvent se réaliser simultanément dans les mêmes milieux et avec les mêmes organes. On sait, en outre, que l’une des formes de ces réserves hydrocarbonées, l'huile par exemple, comme l’a démontré M. Van Tieghem dans le ricin, peut passer à l’autre (fécule), dans certaines conditions spéciales il est vrai, durant la germinalion de l’endosperme séparé de l’em- beyon. Il y a donc des relations étroites entre les deux formes principales sous lesquelles les ma- tières ternaires se mettent en réserve dans les graines, et il résulte, en outre, des récentes re- cherches de M. Leclerc du Sablon! que ces réserves, tout en étant digérées pendant l'acte germinatif de facons différentes, donnent les mêmes produits as- similables par la plante. Il est dès lors permis d’ad- mettre que la synthèse industrielle des corps gras deviendra possible, quand on aura pu, tout d’a- bord, comme le fait la Nature, transformer avec nos moyens de laboratoire l’une de ces réserves en Pautre (la fécule en graisse), ce qui ne semble pas irréalisable à priori, puisque l'on sait que l’une et Pautre proviennent du glucose préexistant dans la cellule végétale, et que, pendant la germination, là fécule et les corps gras se transforment en \glucose , qui sert seul à alimenter la plantule. Ces réserves (corps gras et fécule) proviennent donc du glucose, subissent les conditions de la Mie latente et retournent à l’état primitif de glu- cose. Comment peut-on chimiquement donner une explication acceptable de ces formations? Voici une de celles qu'en l’élat de nos connaissances actuelles, j'ai cru pouvoir adopter et que je donne comme simple déduction basée sur quelques faits bien démontrés. On admet que l’aldéhyde méthylique, dont la syn- thèse à été réalisée par l’élincelle électrique agis- Sant sur l’oxyde de carbone et l’eau, peut se produire dans les tissus végélaux par l’action directe de RE Re LL l'Revue générale de Bolanique, t. VII, 1895, p. 165. 151 l'eau (H?0) sur le carbone mis en liberté par l'ac- tion chrophyllienne. Or, les aldéhydes jouissent de la propriété de se polymériser facilement ; on peut done admettre que l'aldéhyde méthylique subisse dans la cellule végétale des phénomènes de poly- mérisalion. Parmi les polymères possibles de cet aldéhyde se trouve l'aldéhyde glycérique (C*HSO®) et les glucoses, dont la formule brute générale est C'H0°. Les travaux de Grimaux et de Fischer ont montré que, sous l'influence des bases, l’a/déhyde méthylique et l'aldélyde glycérique sont susceptibles de se polymériser en donnant des glucoses artifi- ciels et même, après certains détours, des glu- coses naturels (dextrose et lévulose); il est donc per- mis de supposer que, dans les végétaux, l'a/déhyde méthylique et son produit de condensation, l'aldéhyde glycérique, sont la source des sucres naturels et par suile aussi des matières amylacées qui en dérivent incontestablement. Il Pour les corps gras, leur origine glycosique directe est plus difficile à expliquer, et, cependant, on est conduit à l’admettre par ce fait, actuellement démontré, que, dans l'acte de la germination, des acides gras (probablement sous l'influence d'un ferment non isolé jusqu'ici) se forment directement aux dépens de l'huile ou des graisses, sans donner naissance à de la glycérine. Par un simple phéno- mène protoplasmiquelié sans doute àlarespiration, les corps gras de la graine s'oxydent et donnent, comme premier produit d'oxydation, des saccha- roses, puis, sous l'influence d'une diastase, des glu- coses. Il n’y aurait donc rien d'élonnantque, par un phénomène inverse de désoxydalion réductrice, ces sucres retournassent à l’élat de corps gras directe- ment, comme les corps gras passent à l’état de glu- cose durant la germination, d'après M. Leclerc du Sablon. D'autre part, si l’on admet, ce qui est plus ration- nel, la nécessité d'une production simultanée de la glycérine et des acides gras pour former, par leur combinaison dans la cellule végétale, les glycé- rides qui y constituent les divers corps gras, on peut admettre, fait parfaitement établi, que l’al- déhyde glycérique (C*HSO*), par des influences hydro- génantes, est susceptible de donner de la glycé- rine, base de tous les corps gras. On peut s’'expli- quer, en outre, la genèse des acides gras, dont les éthers glycériques constituent les principes gras naturels, en considérant qu'une action oxydante exercée sur l'aldéhyde méthylique donne de l'acide formique, qui est le premier terme de la série des acides gras; les homologues supérieurs s’en dé- duisent peut-être par la réaction générale qui, en présence de l'acide cyanhydrique (il se forme 152 D’ E. HECKEL — LES GRAISSES VÉGÉTALES DES COLONIES FRANÇAISES très facilement dans les végétaux ‘), donne le nitryle correspondant, que les agents d’hydratation (cer- tains ferments, par exemple), transforment en acide homologue immédiatement supérieur. D'après cette dernière théorie, dont la seconde partie ne concorde pas, il faut le reconnaître, avec les termes actuellement connus de la transforma- tion des corps gras par l'acte germinatif dans la graine ?, l'aldéhyde glycérique, produit probable de polymérisation de l'aldéhyde méthylique, pourrait être considéré comme le générateur commun des matières grasses et des matières amylacées. Si cel aldéhyde glycérique se trouve soumis, au moment de sa formation, à une aclion hydrogénante (réduc- trice), il donne de la glycérine et par suite des matières grasses; si, au contraire, il est soumis à une action alcaline, il donne des glucoses, et par suile des matières amylacées. III Il est donc permis d’entrevoir, d'après la pre- mière de ces théories, qu'en partant du glucose {issu industriellement de la fécule) on pourrait, par une succession de désoxydations et de fer- mentations diaslasiques, arriver aux corps gras. C'est peut-être par cette voie que le grand pro- blème industriel de la fabricalion des corps gras sera résolu. Quant à la seconde théorie, elle ne parait pas devoir conduire à des résultats pra- tiques, au moins à l'heure actuelle, même au cas où elle permettrait la réalisation d’un corps gras dans le laboratoire de chimie, ce qui n'a pas été fait encore. En ce qui me concerne, toutes les ten- tatives expérimentales que j'ai pu faire dans ce sens ont complètement échoué, malgré la persis- tance que j'ai pu metlre à varier les procédés d'hydratation et d'oxydation en vue de conduire l'aldéhyde méthylique jusqu'à l’état d'acide gras ou de glycérine. Je n'ai pas été plus heureux dans mes recherches faites en vue de transformer directement le glucose en corps gras. D'autres seront sans doute plus heureux ou plus habiles. En somme, il ne reste debout de tout cet exposé qu'une théorie n'ayant jusqu'ici d'autre valeur qu'une conception de l'esprit en vue d'expliquer des faits dont la réalité est incontestable. Il y a 1 A l'appui de cette appréciation, voir un travail récent de M. Treub « Sur la localisation, le transport et le rôle de l’acide cyanhydrique, dans le Pangium edule (Ann. du Jardin bot. de Builenzorg, vol. XII, 1'° partie). » ? Dans l'acte germinatif, les corps gras donnent naissance à des acides gras, mais jusqu'ici on n’a pas trouvé le second terme de ce dédoublement, c'est-à-dire la glycérine. expérimentale, seule capable de servir de base une industrie nouvelle. Toutefois, les théorie servent quelquefois à éclairer la voie desrecherches aussi ai-je cru devoir exposer l’une de celles qu'0 peut concevoir comme répondant aux faits & tuellement connus. Mais ce qu'il ne faut pas perdr de vue, comme je l'ai dit au début, c’est que graines végétales indigènes ou exotiques serok pendant longtemps encore, selon toute probabilité le réservoir commun où nos industries nationale puiseront lescorps gras qu’elles mettent en œum et, dès lors, il convient de faire, avec le plus détails possibles, l'inventaire et l’histoire de celle qui sont peu connues ou inconnues. stéarineurs, dont les souscriplions volontaire! jointes à celles des autres négociants et indus: triels, m'ont permis de créer à Marseille un Musé et un Institut de recherches coloniales. En rais même de la situation de Marseille au point confluence de tous les services maritimes qui des servent nos colonies; en raison du développemeï constant que prend l'industrie des corps gr dans cette ville, les fabricants marseillais doivel profiter les premiers des données utilisables qi ce travail pourra fournir. Je désire vivemël qu'il en soit ainsi et je serais heureux s’il m'éta pe rmis de payer en partie, de cette façon, la del de reconnaissance que j'ai contractée vis-à-vis\ ces généreux donateurs. Ils trouveront au Musé Colonial toutes les matières grasses avec graines dont elles proviennent et les dérivés j'ai pu en faire extraire ”. D: Edouard Heckel, Directeur de l'Institut Colonial Professeur à l'Université de Marseille-Aix, 1 M. le Pr Heckel, qui publiera à la fin de cette anne dans les Annales de l'Institut Colonial fondé par Jui Marseille, un travail de longue haleine sur les Gr4@ grasses peu connues ou inconnues de nos Colonies caises, a bien voulu nous communiquer l'introduction} joindra à ce mémoire. En raison de l'importance de la.qu tion traitée, et malgré l'incertitude où nous sommes réactions qui s'accomplissent dans la cellule vivantesn avons cru être agréable à nos lecteurs en leur donnant dë présent connaissance du sens dans lequel l’éminent professe a déjà orientè les travaux de l'Institut Colonial. Note de la Direction BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX — © Co BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Appell (Paul), Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté des Sciences de Paris. — Traité de Mécanique rationnelle. Tome II : Dynamique des systèmes. . Mécanique analytique. — 1 vol. gr. in-8. de 528 p. avec 99 fig. (Pric : 16 fr.) Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris. 1896. Le Tome II du beau Traité de Mécanique de M. Appell s'ouvre par un chapitre relatif à la dynamique ana- lytique du point qui, bien que constituant par sa na- ture une sorte de prolongement du Tome I, peut être considéré aussi comme une introduction à la Dyna- mique analytique des systèmes, exposée dans ce Home Il; il permet, en effet, au lecteur de faire, sur le cas le plus simple, une première connaissance avec les principes si délicats de cette science, Le reste du volume contient l'exposé didactique de la Dynamique des systèmes, le plus complet et le plus rigoureux, en même temps que le plus intéressant, qui ait sans doute, jusqu'à ce jour, été offert aux étudiants. A titre d'observation générale, constatons tout de suite que, si, sous la plume d'un Géomètre tel que M. Appell, le côté purement analytique de la théorie est loin de perdre de son importance, ce n’est en aucune facon au détriment du côté mécanique. Cette constatation n'est pas inutile, alors que les auteurs qui traitent de la Mécanique analytique ont parfois une tendance assez marquée à se cantonner dans le domaine des spéculations abstraites, Il ne faut pas que la beauté de l’outil qu'a mis entre nos mains le génie des fondateurs de la Mécanique analytique, en captivant notre attention, nous fasse perdre de vue le but auquel il est destiné, à savoir de défricher le champ si vaste de la Mécanique. Avec M. Appell ce danger n'est pas à craindre. Il nous semble, tout au contraire, que jamais encore on n'ait groupé tant d'applications de la théorie et de si variées, ni qu'on en ait poussé la discussion aussi à fond. Non content d’ailleurs de donner dans le texte même de son livre toutes ces applications, M. Appell en fait connaître, sous forme d'exercices en fins de chapitres, un grand nombre d’autres, et de très intéressantes, que les étudiants pourront très efficacement s’essayer à développer. Le cadre de ce compte rendu nous permet seulement de signaler quelques points où l’exposé nous a semblé particulièrement original. Tout d’abord, parmi les exemples traités dans le premier chapitre, on peut noter : les équations du mouvement d'une planèle sous la forme que leur a donnée Jacobi, la détermination des lignes géodé- siques des surfaces de Liouville, les applications si curieuses du principe de la moindre action aux courbes brachistochrones, au problème de la réfraction, à l'équilibre des fils libres ou mobiles sur une surface, lorsqu'il existe une fonction de forces, questions qui doivent à M. Appell lui-même de très notables per- fectionnements. Parmi les théorèmes généraux, celui des aires donne lieu, dans le cas des systèmes déformables, à d’intéressantes remarques suggérées par les récentes dissertations sur le retournement du chat en cours de chute. En ce qui concerne celui des forces vives, l’au- teur met en évidence les cas où le travail des forces de liaison est nul. La notion de l'énergie est une des plus importantes de la Mécanique, en raison du rôle qu'elle joue dans les Sciences physiques, une de celles aussi qui donnent lieu aux idées les plus confuses engendrant les applications erronées. L’exposé si précis qu’en présente M. Appell est bien fait pour éviter un pareil écueil, Jamais, pensons-nous, la belle théorie du mouve-. ment d’un solide autour d’un point fixe, sur laquelle, depuis d’Alembert, s’est exercée la sagacité de tant de géomètres, n’a encore recu, dans aucun traité didactique, un développement comparable à celui que lui accorde M. Appell, poussant les intégrations jusqu’au bout et discutant dans les moindres détails toutes les particularités que peut offrir la solution. Le mouvement du corps solide libre n’est pas étudié avec moins de soin, surtout dans le cas du corps pesant en contact avec un plan horizontal, qui se prête à une si grande variélé de curieuses remarques susceptibles d’être vérifiées expérimentalement. Parmi les très nombreux exemples donnés par l’au- teur à l’appui d’une étude directe du mouvement re- latif, il convient de noter ceux qui ont trait à la bicyclette, devenue de nos jours un objet d'universelle curiosité, et pour lesquels l’auteur s’est inspiré des intéressants travaux de M. Bourlet, A propos du principe de d’Alembert envisagé dans le cas des systèmes, nous signalerons l’extension, due à M. Appell lui-même, au cas du frottement de glis- sement. De même, l'exposé admirablement précis des équations de Lagrange est suivi d’un cas curieux d’ex- tension pour lequel les liaisons ne peuvent s’exprimer sous forme finie, et dont la découverte est due à M. Lindelôf, C’est avec un soin tout particulier qu'est présentée l'étude si délicate des petits mouvements autour d’une position d'équilibre stable. La théorie des équations canoniques, avec les théorèmes de Jacobi et de Poisson, les principes d’Hamilton et de la moindre action, donne lieu à un exposé magistral auquel on peut spécialement appliquer les remarques d'ordre général présentées lus haut. A la théorie du multiplicateur de Jacobi, complétée par les résultats importants dus à M. Kænigs, l’auteur rattache celle des invariants intégraux de M. Poincaré, dont l’illustre géomètre a tiré un si heureux parti dans sés profondes études sur la stabilité, et qui n'avait pas encore, que nous sachions, trouvé sa place dans un traité didactique de Mécanique. A propos des chocs et percussions, nous relèverons d’une part l'introduction, qui nous semble nouvelle, d'un principe analogue à celui de d’Alembert et qui conduit, en particulier, à un énoncé très net du cé- lèbre théorème de Carnot, d'autre part, l'application à cette étude des équations de Lagrange qui, à la suite d'essais incomplets de MM. Niven et Ronth, a dù sa forme définitive à M. Appell. A la fois méthodique et rigoureux, original et pro- fond, élégant et complet, le beau Traité de M. Appell rendra les plus grands services à tous ceux qui ont le souci de s'initier exactement aux théories de la Méca- nique rationnelle, sources fécondes de progrès pour la plupart des sciences physiques. 3 M. n’OcaGne. Hennebert (Feu Lieutenant-Colonel E.), Ancien pro- fesseur à l'Ecole militaire de Saint-Cyr.— Travaux de campagne.— | vol.in-18°de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire dirigée par M.H. Léauté, de l'Institut. (Prix: broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.). Gauthier- Villars et G. Masson, éditeurs. Paris, 1896, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 2° Sciences physiques. Æroost (L.), Membre de l'Académie des Sciences, Professeur à la Faculte des Sciences de Paris. — Traité élémentaire de Chimie (11° édition, avec la notation atomique). — 1 vol. in-8° de 802 pages avec 542 figures. (Prix : 8 fr.) G. Masson, éditeur. Paris, 1896. La nouvelle édition de ce livre diffère beaucoup des précédentes. La notation en équivalents a été suppri- mée; elle est remplacée par la notation atomique, dont l'emploi, maintenant universel, permet aux chimistes du monde entier d'écrire des formules serablables pour représenter les mêmes réactions. Beaucoup de formules gdécomposées ont pris place dans ce volume. Si éloigné que puisse être encore de la réalité, dans l’état actuel de nos connaissances, ce moyen graphique conven- tionnel de représenter les éléments groupés dans une molécule, il fait saisir des relations intéressantes entre les corps d’une même famille, comme les acides oxygénés du soufre ou du phosphore. L'emploi de cette notation amène des comparaisons utiles, et sou- lage beaucoup la mémoire. La partie du livre qui traite de la Chimie organique a subi également des transformations fondamentales. En face des noms usuels des combinaisons, que l’usage fera sans doute subsister dans beaucoup de cas, comme l'éther, le sucre, l’indigo ou l’alcool, les noms nouveaux ont été inscrits entre parenthèses. On sait que, d’après les conventions faites au Congrès de la No- menclature chimique à Genève, l'énoncé seul du nom d’une combinaison suffit pour que l’on puisse, sans ambi- guité, en écrire immédiatement la formule et en prévoir les réactions principales. Ces réformes très rationnelles seront fort utiles pour l'étude et pour l’enseignement de la Chimie, En dehors de ce qui concerne l'écriture etlelangage, beaucoup de faits nouveaux figurent dans cette der- nière édition, très soigneusement mise au courant des progrès de la science, Quelques questions, laissées de côté dans les éditions précédentes, comme celle des métaux rares et de leurs combinaisons principales, ont été traitées sommairement dans celle-ci. C’est que l’évolution, très rapide en ce moment, de la Chimie, fait en quelques mois, d’un corps réputé rare, un pro- duit presque courant, dès que l’industrie a besoin de lobtenir en abondance. Tel est Le cas pour les oxydes appartenant à la famille de la Cérite. C’est un des caractères de ce temps, que ce déplacement des ques- tions par la science industrielle, la question hier presque oubliée passant aujourd’hui au premier rang. L'un des caractères de ce livre est d’avoir laissé une large place aux applications de Ja science. Produits chimiques, métallurgie, verre et porcelaine, alcool, sucre, Corps gras, teinture, fermentations diverses, toutes ces industries sont traitées, rapidement sans doute, mais avec des indications nettes et des croquis en grand nombre, qui permettent à l’élève de s’en faire une idée juste, qu'il complétera, s’il en est besoin, par la lecture des traités spéciaux. La multiplicité, toujours croissante, des questions de détail sur lesquelles un traité de Chimie doit donner des renseignements au lecteur, a obligé l’auteur à laisser aux généralités une place relativement res- treinte. Le chapitre où sont traitées les lois qui fixent le choix des poids atomiques, et aussi les pages con- cernant la Thermochimie, gagneraient, croyons-nous, à recevoir un peu plus de développement. Dans la Chimie organique, on pourrait peut-être exposer avec un peu plus d’étendue les principes de la Stéréochi- mie, dont importance n’est pas douteuse. Il seraitavan- fageux aussi de faire place aux méthodes parlesquelles M. Raoult évalue le poids moléculaire. On trouvera dans cette édition, comme dans les précédentes, un ouvrage traité avec beaucoup de clarté, des préparations bien décrites avec des figures bien gravées, et, sous un volume restreint, un très grand nombre de renseignements. Ce livre est, du reste, classique depuis longtemps, L. PIGEON. 3° Sciences naturelles. Gaudry (Albert), de l'Académie des Sciences et de la Sa ciété Royale de Londres. — Essai de Paléontologie philosophique. (OUVRAGE FAISANT SUITE AUX ENCHAINE® MENTS DU MONDE ANIMAL DANS LES TEMPS GÉOLOGIQUES.) 1 vol. grand in-8° de 231 pages, avec 204 figures. (Priæe 8 francs.) G. Masson. Paris, 1896. M. Albert Gaudry, l’un des premiers en France, a su apprécier la valeur de la doctrine transformistes Darwin, dans une lettre adressée à M. de Quatrefages en 1870 (Vie el correspondance de M. Ch. Darwin, W, p. 437), écrit ce qui suit : « Il se passe rarement une semaine sans que j’entende parler de quelque natu= raliste en Allemagne qui soutient mes idées et qui sou vent attache une valeur exagérée à mes ouvrages, tandis qu’en France je n’ai pas entendu parler d’un seul zoologiste, à l’exception de M. Gaudry(encore ne le fait-il que partiellement) qui défende mes idées» Dans une lettre adressée à M. Gaudry, l’illustre savant anglais félicite le naturaliste français de son intentiot d'examiner les relations des animaux fossiles au poinb de vue de leur généalogie. Cette intention, M. Gaudry l’a réalisée dans ses trois volumes surles Enchainements, du monde animal dans les temps géologiques. Tous ses ouvrages ont pour objet de mettre en évidence l’évolu tion des formes animales, et, dans le présent volume, l’auteur, guidé par les mêmes idées de transformation graduelle des êtres vivants, fait la synthèse des résul= tats généraux acquis par la Paléontologie. Pour lui, le monde animé est une grande unité dont on peut suivre le développement comme on suit celui d’un individu. Dès le début des temps géologiques, les embranchements, les grands groupes du règne anima sont caractérisés ; il n'y a pasde lacune véritable entre le monde vivant actuel etle monde fossile considéré cation des êtres a été facilitée parce qu’à l’ori ont été protégés par une enveloppe résistante; il donn al comme exemples les Polypes rugueux et tabulés, les: Cystidés, les Blastoïdes, les Crinoïdes, les Céphalo= podes anciens tels que Phragmoceras et Gomphoceras; les Poissons Placodermes, etc. Le nombre des indivi- dus parait avoir augmenté progressivement, au moins jusqu’au Miocène,et, en même temps, la différenciation des types s’est produite peu à peu. Chaque grand groupe a eu sa période de complet développement, pour décliner ensuite, tant au point de vue de la variété des: formes que de la grandeur du corps. Il en est ainsi en. particulier pour les Reptiles dans le Secondaire et les Mammifères terrestres à la fin du Tertiaire. Mais pour M. Gaudry, le perfectionnement des êtres a été continu, la loi du progrès gouverne le monde. L’auteurmontre que la fonction delocomotiona pris de plus en plus d'importance. Les animaux anciens, tels que Brachiopodes, Cystidés, Blastoïdes, Crinoïdes sont des animaux fixés; les Crinoïdes libres n’ont paru qu'au Jurassique ; les Bélemnites ont eu, comme nos Calmars etnos Seiches, une locomotion plus rapide que les Céphalopodes primaires emprisonnés dans une cos quille, Les Crustacés décapodes ont des membres mieux adaptés pour marcher et nager que les Trilobites eb autres Crustacés primitifs. Les Poissons, d’abord pro= tégés par une cuirasse solide, ont pris ensuite des écailles minces, légères et, en même temps, leurs nas geoires se sont développées davantage. Les Mammi= fères éocènes pentadactyles, tels que Coryphodon: étaient moins rapides à la course que les Solipèdes eb les Ruminants qui ne se sont développés que plus tard: Il y a eu progrès également dans la préhension ; c'est chez les Mammifères qu’elle atteint sa perfection avec la main des Singeset de l'Homme. Les organes des sens’ (œil, oreille, etc.) se sont aussi perfectionnés dans les temps géologiques etatteignent leur complet développe- ment chez lesMammifères; le toucher, encore médiocre chez les Pachydermes, dont l’origine remonte à la pre= mière partie destemps tertiaires, a acquis toutesa délica-n BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 155 tesse chez l'Homme. L'intelligence à évolué de la même ! loams ou terres de gazon, terres de bruyère, terreau manière; elle a été nécessairement très imparfaite chez les Invertébrés qui ont dominé dans les temps primaires ; le moulage de la cavité cranienne à . montré que le cerveau était très rudimentaire chez les Reptiles gigantesques du Secondaire (Stegosaurus, Tri- ceratops, etc.) ; il était beaucoup moins développé, avec des hémisphères petits et lisses, chez les premiers Mammifères tertiaires (Phenacodus, Coryphodon, Dino- ceras) que chez ceux de nos jours. L M. Gaudry termine son livre par un chapitre sur les applications géologiques de l'étude de l’évolution; il montre que le développement des fossiles correspond, dans la majorité des cas, à leur âge géologique. . Cet ouvrage, rempli de faits résumés en un petit nombre de pages, est un modèle de concision et de clarté. M. Gaudry s’est attaché à être compris du grand public à l'intention duquel il a fait paraître, avec un légitime succès, un certain nombre de cha- pitres de son livre dans la Revue des Deux-Mondes. Comme les savants anglais, il pense que la science ne doit pas rester confinée dans les ouvrages spéciaux et les périodiques accessibles seulement aux initiés, Son ouvrage rendra le grand service de faire con- naître à toutes les personnes éclairées les faits géné- raux de cette grande science de la Paléontologie, trop peu en honneur dans la patrie de Cuvier et de A. d’Or- bigny et qui,même dans lesprogrammes universitaires, n’a obtenu jusqu'ici qu’une place très modeste. Ajou- tons que ce livre vient à son heure; tous ceux qui visi- teront la nouvelle galerie de Paléontologie du Muséum, organisée par M. Gaudry et dont l'inauguration aura lieu prochainement, le liront avec fruit. F. PRIE. Truffaut (Georges), Horticulteur. — Sols, terres et composts utilisés par l'Horticulture.(Avec une pré- face de M. Behéraïin,membre de l'Institut). — 1 vol. in-16° de 310 pages. (Prix cartonné : 4 fr.) O. Doin, éditeur. Paris, 1896. Au fur et à mesure que les sciences progressent, les diverses branches de l’activité humaine les mettent à contribution pour s'étendre et se perfectionner d’une manière rationnelle; l’horticulture est une des plus arriérées sous cerapport. Depuis quelque temps cepen- dant, elle cherche à se mettre au courant en suivant la voie qui a si bien réussi à l’agronomie. Le livre de M. Truffaut l’y aidera puissamment ; fort bien placé par sa situation d’horticulteur et d’ancien élève de l'Ecole de Grignon pour traiter le sujet dont ‘il s'occupe, l’auteur a su donner à son ouvrage une forme à la fois pratique et scientifique qui en fait l'originalité et qui contribuera certainement beaucoup à le répandre dans le milieu auquel il est destiné. Le volume que nous analysons est divisé en deux grandes parties : la première, après deux chapitres relatant les rapports des plantes avec le sol et donnant diverses considérations générales sur les terres, com- prend l'étude du sol comme soutien des plantes; l’au- teur s'étend longuement sur le rôle si important de l’eau, sur les rapports de l’eau du sol avec les plantes et sur les modifications des propriétés physiques des terres. Ayant examiné le point de vue physique de la question, M. Truffaut aborde le côté chimique et consi- dère le sol comme source d'aliments des plantes; il indique les éléments que peut apporter l’eau d’arro- sagé, l’humus; il relate, en passant, les diverses fer- mentations nuisibles et utiles qui peuvent s’y déclarer et insiste avec raison sur la nitrification; les matières minérales du sol, les propriétés absorbantes des terres et les causes de stérilité forment autant d’études qui terminent la première partie. Dans la seconde partie est traité l'examen des sols naturels en place; toutes les diverses sortes de ter- rains y figurent; le sous-sol y est l’objet d'une mention particulière. M. Truffaut entre ensuite dans le vif de son sujet avec les chapitres relatifs aux sols modifiés par l’humus ou les amendements, terres de jardins, de feuilles, aux mousses et sables, aux terres modifiées artificiellement, terreaux de couches, composts, dé- chets, etc. Dans le chapitre IX, l’auteur, dans des ta- bleaux dont un certain nombre lui sont personnels, indique la composition des récoltes qui peut servir de guide dans l'emploi des engrais et en donne de suite un exemple très net en exposant les expériences qu'il a effectuées à cet égard sur les Azalées, Ce livre, qui témoigne d’un labeur très considérable et de recherches de laboratoire très nombreuses, est au courant des théories les plus récentes; les horti- culteurs, qui profiteront de ses enseignements, pour- ront augmenter dans une large mesure les rendements économiques de leurs serres; enfin, on peut résumer l'appréciation de l'ouvrage de M. Truffaut en disant que la préface très élogieuse qu'y a écrite M. Dehé- rain, membre de l’Institut, est de tous points mé- ritée; nous ne saurions mieux recommander ce livre à l'attention de tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à la science horticole. A. HÉBERT. 4° Sciences médicales. 1° G. Sergi, Professeur d'Anthropologie à l'Université de Rome.— Dolore et Piacere, storia naturale dei sentimenti. — 1 vol, in-12° de X V-398 pages (Prix ; 4 fr. 50.) Dumolard, Milan, 1896. — 2° D' Lange, Professeur à l'Université de Copenhague. — Les Emo- tions, étude psychologique, traduit d'après l’édi- tion allemande du D' Kurella, par le D' G. Dumas. — 1 vol, in-12° de 168 pages. (Prix : 2 fr. 50,) F, Alcan, Paris, 1896. W. James, en 1884, dans un article du Mind, et le physiologiste danois Lange, en 1885, dans un mémoire dont la traduction allemande, due au D' Kurella, a paru sous le titre de : Ueber Gemüthsbewegungen, ont, indé- pendamment l’un de l’autre, donné des émotions une même théorie, qui pouvait se réclamer, au reste, de plus lointaines origines, françaises celles-là : elle a été esquissée d'avance en ses traits essentiels, autant, du moins, que le permettait la physiologie rudimentaire de ce temps, par Descartes et par Malebranche. D'après cette théorie, les diverses réactions musculaires, cir- culatoires, viscérales et sécrétoires, qui accompagnent une émotion, ne l’expriment pas seulement, mais, à vrai dire, la constituent. Les phénomènes somatiques, qu’on était accoutumé à considérer comme les signes de l’émotion et ses conséquences immédiates, sont, en réalité, la condition même de son apparition, ils sont directement provoqués par la perception de l’objet ou de l'événement effrayant ou comique, agréable ou odieux ; l'émotion elle-même se réduit à la conscience de cet ensemble de réactions motrices. Elle peut, à ce point de vue, être assimilée à une sensation ou plutôt à un ensemble de sensations. C’est, en effet, comme les sensations spéciales, à des processus nerveux afférents qu’elle est ainsi liée, car nous ne connaissons les réactions motrices que par les modifications qu’elles déterminent dans nos appareils nerveux périphériques. Si l’antécédent immédiat de l'émotion est un certain ensemble de réactions organiques, elle devra demeurer identique, quelle que soit la cause qui ait provoqué ces réactions. Les émotions d’origine pathologique deviennent ainsi plus aisément intelligibles, et l’on pourra donner de la tristesse du mélancolique et de celle de l'homme qui a perdu sa fortune une interpré- tation unique, ce que ne permet guère la théorie encore classique des émotions et de leurs signes expressifs. W.Jamesa exposé, avec desdéveloppementsnouveaux, dans ses Principes of Psychology (t. I, p. 445-482), parus en 1890, son interprétation des phénomènes affectifs, et cette théorie, à laquelle Th. Ribot ayait donné, dans son enseignement, une complète adhésion, forme l'idée directrice et la conception centrale du livre qu'a récem- ment publié G. Sergi sur le Plaisir et la Douleur. Le doc- teur G. Dumas, enfin, vient de faire paraître, précédée 756 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX d’une courte, mais très précise et très substantielle, introduction, une traduction francaise du livre du D' Lange, dont la traduction allemande était presque épuisée. En dépit du ton affirmatif qu'a cru devoir prendre Sergi, et auquel Lange et James s'étaient déjà laissé entrainer, on doit reconnaître que la théorie somatique ou périphérique des émotions n’est encore qu'un ensemble d’hypothèses, et que les preuves di- rectes et qui contraignent à une définitive adhésion, font encore défaut; les quelques cas pathologiques où l’alté- ration de la sensibilité tactile, superticielle et pro- fonde, semble avoir amené une modification de l’état exceptionnel du sujet sont encore en trop petit nombre, et en même temps trop complexes, pour fournir à une démonstration-décisive des arguments suffisants, et les expériences faites sur des hystériques, rendues anesthésiques par suggestion, ne permettent pas ici de très fermes conclusions. Mais il faut cependant bien admettre que nulle autre hypothèse n’est à la fois plus plausible et plus satisfaisante, que cette théorie rend compte des faits,et qu'on serait fort empêché, à l'heure présente, de lui en opposer une autre, qui eût pour elle du moins quelque vraisemblance. La tâche que s'était assignée Lange était plus res- treinte que celle qu'a entreprise Sergi ; tandis, en effet, que le psychologue italien a cherché à donner de tous les phénomènes affectifs, de tous les sentiments, et des sentiments moraux, esthétiques et religieux comme des autres, une interprétation d'ensemble, ce sont des émotions seules, au sens étroit du mot, que Lange avait tenté de fournir une explication scientifique, et encore n’avait-il pas traité de toutes les émotions, mais seulement de celles auxquelles s'associent le plus net- tement les divers phénomènes somatiques dont il s’était efforcé de dégager la signification : ce sont la joie et la tristesse, la peur et la colère. En quelques pages ra- pides, il a, de plus, esquissé à grands traits le tableau que présentent les gens en proie à certaines émotions secondaires, telles que l'embarras, la confusion, l’im- patience, le désappointement, et indiqué les réactions motrices et vasculaires qui constituent à ses yeuxleur véritable base organique. La tristesse et la peur appar- tiennent à la même famille d'émotions, et, dans un autre groupe, caractérisé par l'apparition de phénomènes somatiques inverses, viennent se ranger côte à côte la colère et la joie; ce qui constitue la joie ou la colère, c'est une augmentation de l’innervation des muscles volontaires et une vaso-dilatation générale; lesémotions qui appartiennent au groupe de la tristesse impliquent, au contraire, une résolution de tous les muscles volon- taires, une vaso-constriction généralisée, qui s’accom- pagne, dans le cas de la peur, de spasmes des muscles de la vie organique. On voit que, d’après Lange, les phénomènes somatiques, qui forment les antécédents immédiats des états émotionnels, se peuvent répartir en deux catégories principales : les réactions muscu- laires et les réactions vaso-motrices. Cesontcelles-ci, qui, en modifiant l’état des centres nerveux, conditionnent toutes les autres, et déterminent même la plupart de ces réactions glandulaires et sécrétoires qui, en cer- tains cas, viennent s'ajouter aux réactions qui ont pour siège les muscles et les vaisseaux. La cause véritable de cet ensemble de phénomènes somatiques, dont la conscience, unie à celle de la sensation de l’image ou de l’idée qui les a provoqués, constitue l’émotion, est donc l'excitation des centres encéphaliques qui tiennent sous leur dépendance l’innervation vaso-motrice, et qui sont situés principalement dans le bulbe. Que le point de départ de l'excitation soit un organe sensoriel périphérique ou l'écorce cérébrale, le mécanisme est le même dans les deux cas, la voie seule diffère, par la- quelle l'excitation atteint ce centre vaso-moteur. Les centres corticaux ont un double rôle dans la produc- tion des émotions : c’est leur irritation qui irrite les centres bulbaires, lorsque l'excitation qui détermine l'émotion n’est pas une pure excitation sensorielle, et c’est à eux qu'aboutissent les processus afférents qui l conditionnentlaconscience que nousavons des réactions. motrices périphériques. 1 Si nous traduisons en termes psychologiques la théorie de Lange, nous dirons que les émotions qui ont une cause purement sensorielle ou organique (trouble de la nutrition, etc.) se réduisent à la cons- cience des modifications dont les muscles, les vais- seaux, les glandes, etc. sont le siège, c’est-à-dire à des sensations, et que, dans les émotions morales, vien= nent se combiner, à ces sensations, les images et less idées qui les ont provoquées, phénomènes, eux aussi, d'ordre représentatif. On pourrait donc soutenir que celte théorie, dont certains psychologues ont voulu se faire un argument pour creuser une profonde sépa- ration entre la vie affective et la vie intellectuelle, aboutit précisément à faire considérer comme une classe particulière d'états intellectuels les émotions,« | base commune de tous les phénomènes affectifs. : Le professeur Sergi, dans le livre qu'il a consacré au plaisir et à la douleur et qu'il intitule « Histoire naturelle des sentiments », bien que les descriptions n'y tiennent que la plus petite place, a repris à son compte la théorie de W. James et de Lange, qu'il a revètue d’une forme nouvelle. De tout temps, dit-il, l'opinion commune a assigné le cœur comme siège aux sentiments, tandis qu’elle faisait de la tête l'organe de Ja pensée. Son but est de démontrer scientifique= ment le bien-fondé de la croyance habituelle. Nos seutiments, ou du moins les émotions qui en consti-= tuent les éléments, résultent directement pour lui de l'activité, non pas des centres corticaux, mais des centres bulbaires, qui tiennent sous leur domination les fonctions diverses de la vie organique et en parti- culier celles du cœur et des poumons. Une émotion, ce n’est à vrai dire que la conscience du trouble ap- porté par une excitation d’origine périphérique ou corticale dans les fonctions vitales et spécialement dans les fonctions respiratoires et cardiaques. M. Sergi indique sommairement dans sa préface les antécédents de sa théorie sur la localisation bulbaire des états émotionnels et Le rôle prépondérant du cœur dès leur apparition; il emprunte en grande partie cet historique au livre de Hack Tuke : Le corps et l'Esprit (traduc. francaise, p. 85 et suivantes). On s'étonne que ni Hack Tuke ni Sergi ne parlent de la théorie de Vul= pian qui prétendait, en s'appuyant sur des expériences dont la signification est contestable, localiser exclu- sivement les émotions dans la protubérance. M. Sergi s’est atfaché à montrer comment l'inter- prétation qu'il donne des états affectifs, se relie à sa conception d'ensemble des phénomènes psychiques, telle qu’il l’a exposée dans ses précédents ouvrages : L'origine dei fenomeni psichici e loro significazione bio- logica et les Elementi di Psychologia (traduit en francais sous le titre de : La Psychologie physiologique). A ses yeux les phénomènes psychologiques sont des phéno- mènes «vitaux » au même titre que les phénomènes de nutrition et de reproduction, et leur rôle est un rôle de protection pour l'individu et pour sa descen= dance. Ce rôle est analogue à celui des autres phéno- mènes vitaux; la seule différence, c’est que les fonctions de la « psychè » sont moins spécialisées et s'étendent à un plus large domaine que les fonctions de nutri- tion et de reproduction. Les fonctions psychiques auxquelles est dévolu ce rôle général de défense de. l'organisme contre les ennemis et les dangers du dehors ne s’individualisent du reste que lorsqu'au cours de l’évolution, des organes spéciaux se sont formés, qui sont plus particulièrement le siège des fonctions de nutrition et de reproduction ; jusque-là les phénomènes mentaux n’ont pas d'existence distincte. À mesure que l'alimentation et la reproduction des organismes exi- gent la réalisation de conditions plus compliquées, l'importance des fonctions psychiques s'accroît. Elles ne sont pas un «luxe », mais un ensemble de moyens efficaces de protection et de défense pour l'individu et pour l'espèce. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1 Les phénomènes psychiques se manifestent tout d’abord au dehors par des mouvements de réaction à des excitations qui pour des organismes plus élevés, seraient agréables ou pénibles; le sentiment du plaisir et de la douleur est ainsi à la racine de tout le déve- loppement mental. L'irritabilité de la matière vivante el les réactions motrices de cette matière organisée aux irritations qui viennent l’atteindre, c’est à cela que se ramènent les fonctions psychiques sous leur forme la plus élémentaire; la sensibilité n’est autre chose que l'irritabilité consciente, et c'est de cette sensibilité que naît à son tour, non plus seulement la connaissance des états intérieurs agréables ou doulou- reux, mais de leurs causes, c’est-à-dire la perception des objets et des événements extérieurs. La sensation, c’est-à-dire l’irritation consciente, se retrouve chez . tous les êtres chez lesquels existe un système nerveux différencié : c’est à la fois la conscience de la qualité de l'icritation et le plaisir ou la douleur que cette irritation provoque; en d’autres termes. toute sensation est à la fois une perception ébauchée et un sentiment. Ces irritations, pour donner lieu à des perceptions distinctes, doivent ne pas dépasser certaines limites ; lorsque ces limites sont franchies, il y a douleur et la perception en est obscurcie, La douleur est donc toujours due à un excès d'excitation. De même les fonelions de nutrition sont d'ordinaire inconscientes, mais nous en prenons conscience, et une conscience douloureuse, dès que les organes qui en sont le siège sont soumis à des excilalions trop violentes. La dou- leur sera d'autant plus intense qu'il se dépensera sous forme de mouvements une moins grande quantité de ce surplus d’excitalion, ce qui explique ce fait, en apparente contradiction avec la théorie que nous avons exposée, que les marifestations bruyantes du chagrin en atténuent souvent l’acuité et en diminuent la durée. La fonction biologique de Ja douleur, son rôle « esthophylattique » apparaît ici clairement, Le plaisir résulte des excitalions d'intensité moyenne qui, au lieu d’apaiser l'organisme, augmentent son énergie vilale ; sa siguification n’est pas moins nette, mais il importe de remarquer que ces excitations doulou- reuses ou agréables ne se localisent pas à l'organe irrité, pour peu qu'elles aient quelque intensité (et les excitations agréables peuvent acquérir une intensité considérable, tout en n'étant pas trop violentes pour un organisme donné à un moment particulier), elles retentissent sur toutes les fonctions vitales, et spécia- lement sur les fonctions respiratoires et cardiaques. Ce sont ces perturbations des fonctions organiques, qui, percues par les centres corlicaux, constituent les sentiments généraux de plaisir et de douleur; elles ont pour point de départ une irritation du bulbe qui dépasse le niveau normal et qui a elle-même son ori- gine dans des excitations périphériques. La conscience que l'animal possède des troubles des fonctions vitales, qui sont sous la dépendance de l'ir- ritation bulbaire, n'a nulle action sur la production de ces troubles ; ils apparaissent alors même qu'on a pratiqué l’ablation des hémisphères. Les émotions pro- xoquées par une image ou une idée se produisent par le même mécanisme que les plaisirs et les douleurs d’origine périphérique; la seule différence, c’est que le point de départ de l'irritation est la corticalité céré- brale au lieu d'être un organe périphérique d'impression. Aussi ont-elles la même fonction défensive, le même rôle esthophylattique que les plaisirs et les douleurs physiques. Chacune de ces émotions constitue ce que l’auteur appelle un organisme psychique, c’est-à-dire, un complexus d'états de conscience et de mouvements liés les uns aux autres et dont des causes déterminées et différentes pour chaque espèce d'émotion pro- voquent seules l'apparition; mais, cette apparition, elles la provoquent immédiatement. Ces réactions émotives sont donc analogues aux réactions instinc- tives, elles résultent, comme elles, des conditions orga- niques et sociales; comme elles, elles ont été fixées en 14 1‘ quelque sorte par la sélection et l'hérédité et sont de- venues automatiques et instantanées. Sergi donne des émotions une classification un peu arbitraire et artificielle, mais d'un usage commode dans la pratique. IL les divise en deux genres : les émotions dépressives, et les émôlions excilantes, qu'il partage à leur tour chacun en deux espèces : les émo- tions dépressives en émotions écrasantes ou d'inertie etémotions d'impuissance; les émotions excitantes, en émotions de plaisir et émolions de réaction. Chaque espèce comprend une variélé instantanée et une variété durable. Voici quelques exemples ; la peur appartient à la variété instantanée des émotions d'i- uertie, le désespoir à la variété durable; la honte à la variété instantanée des émotions, d'impuissance, la soumission à la variété durable ; le type. des émotions de plaisir est la joie, le type des émotions de réaction : la colère. Les chapitres où l’auteur traite des sentiments moraux, esthétiques et religieux, ne sont guère que le développement des pages qu'il avait consacrées à leur étude dans sa « Psychologie physiologique ». Ce qu’il importe de noter ici, c'est que ces sentiments divers ne diffèrent à ses yeux les uns des autres et des émo- lions communes que par la nature de leurs excitants intellectuels, mais que, dans tous les cas, le méca- nisme émotionnel est le même, et que toutes ces émo- lions ont, à l'exception des sentiments esthétiques, la même fonction biologique de protection et de défense. En ce qui concerne le plaisir esthétique, Sergi se rallie à la théorie de Spencer et cherche à établir qu'il faut rechercher son origine dans le plaisir du jeu. Mais le jeu lui-même à son origine dans la tendance qu'ont toutes nos représentations à s’objectiver en des mou- vements: le besoin de jouer résulte d’une surabon- dance d'activité qui ne trouve pas à semployer à des fins immédiatement utiles. D'autre part, il est certains éléments conslilutifs des représentations esthétiques, tels que la symétrie et le rythme, qui sont directement engendrés par des conditions organiques. IL nous semble qu'il y a sur cette théorie du plaisir esthétique d’extrèmes réserves à faire ; il est probable, à notre sens, que c’est non pas dans le jeu, mais dans cer- taines qualités particulières des excitations senso- rielles et des relations que soutiennent entre eux nos concepts, qu'il faut chercher l’origine des sentiments esthétiques. Lorsque M. Sergi rattache notre goût pour la symétrie à notre structure organique, notre goût pour le rythme au caractère rythmique de nos fonc- tions vitales, il nous paraît alors engagé dans la véri- table voie. Mais ce qu'il faut redire, c'est que, si nos jugements esthétiques s'accompagnent d'états émo- tionnels, c'est que la perception d'objets ou d'événe- ments que nous jugeons beaux déterminent l'appari- tion en nous des mêmes phénomènes respiratoires, cardiaques, vasculaires, ete., que telle ou telle excita- tion périphérique ou corticale capable de déterminer une réaction utile à l'organisme. Les limites où il faut nous renfermer ne nous per- mettent pas d'analyser les pages que M. Sergi consacre à l'étude des variations de Ha réceptivité émotionnelle suivant le sexe, l'âge, les conditions ambiantes, à-l'ex- pression des émotions (il rejette, mais moins complé- tement que Lange. les explications des expressions de la physionomie et de lamimique émotionnelle, fournies par Darwin et Spencer), à la pathologie des sentiments (il ne parle des émotions morbides que pour puiser dans ces analyses de nouveaux arguments à l'appui de sa théorie), au caractère social du sentiment reli- gieux, etc. Nous avons tenu seulement à mettre en lumière les deux idées maîtresses du livre : la signifi- cation biologique des émotions, leur étroite liaison avec les fonctions organiques. Egoïstes ou désintéres- sées. sociales, morales on esthétiques, les émotions pour Sergi ont toutes même mécanisme ; seules diffè- rent les excitations corticales ou périphériques qui les provoquent. L. MARILLIER. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 10 Août 1896. M. le Secrétaire perpétuel expose à l’Académie les résultats obtenus jusqu'à ce jour au sujet de la sous- cription destinée à élever un monument à Lavoisier, La somme déjà recueillie s'élève à 47.553 fr. 30. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Weïinek présente une série d’agrandissements sur papier de clichés pho- tographiques lunaires obtenus à l'Observatoire Lick et à celui de Paris; l’amplification varie entre 20 et 24 lois, et le procédé d'impression photogénique sur papier aux sels d'argent assure une finesse extrême, — M. A. Noury adresse une note relative à une « Nouvelle théorie de Dynamique générale, » 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Perrin montre qu’un corps électrisé, situé dans une atmosphère en repos, se décharge si quelques-uns des tubes de force qu'il émet sont rencontrés par les rayons X, ces tubes se comportant comme des conducteurs. On est conduit à supposer que les rayons X dissocient certaines molé- cules du diélectrique où ils pénètrent, libérant des ions positifs et des ions négatifs, qui, dans le cas d’un diélectrique gazeux, filtrent au travers les uns des au- tres et suivent les tubes de force jusqu'aux charges qui les terminent. L'électricité qui traverse ainsi le gaz est au plus égale à la quantité d’électricité neutre dissociée par les rayons. — M. G. de Metz présente de nouvelles photographies faites à l’intérieur du tube de Crookes au moyen des rayons cathodiques et au travers d'une plaque de carton; il dresse une liste des corps d’après leur perméabilité par les rayons cathodiques et conclut que les rayons cathodiques ont des propriétés photographiques à peu près semblables à celles des rayons X. — M. H. Poincaré pense qu'il y aurait lieu de voir sile carton frappé par les rayons cathodiques n’émet pas de rayons X, lesquels produi- raient les phénomènes observés. — M. Berthelot a déterminé la chaleur de neutralisation de l'acide cyanique par les bases en traitant son sel de potasse par un acide plus fort et en notant le premier dégage- ment de chaleur, qui correspond au déplacement de acide avant qu’il se soit transformé: cette chaleur de neutralisation est égale à 12,2 cal. et la chaleur de for- mation de l’acide dissous à partir des éléments de 37 cal. L'auteur donne également la chaleur de forma- tion du cyanate d’ammoniaque dissous, qu'il obtient en décomposant le cyanate de potasse par le chlorhy- drate d’ammoniaque. — MM. Berthelot et G. André ont observé que l'acide lévulique cristallisé CH$0, placé dans le vide en présence de chaux vive ou d’a- cide sulfurique, diminue continuellement de poids et change de composition; il se volatilise un produit CSH803 — : H?0, c'est-à-dire un mélange d’une partie d'anhydride CÿHfO? et de trois parties d'acide CH803; dans le résidu, l’eau excédente n’est pas libre, mais combinée, et forme un acide C#H1004 (dioxyvalérique). MM. Berthelot et G. André ont déterminé le coeffi- cient de partage de l'acide phosphorique entre l’eau et l’éther, c’est-à-dire le rapport du poids d'acide phos- phorique (par em®), enlevé par un volume d’éther à un volume égal d’une dissolution aqueuse d'acide phos- phorique, au poids (par cm3) de l’acide phosphorique qui reste dans la solution aqueuse. Pour les dissolu- tions très étendues, ce coefficient de partage est très faible; c’est-à-dire qu'une solution aqueuse d'acide phosphorique ne cède à l'éther avec lequel on l’agite qu’une dose insignifiante, Si l'on opère avec de l'acide phosphorique pur ou très concentré, on observe qu'il est très soluble dans l’éther, mais il se forme dans ce cas une combinaison particulière qui trouble le phé- nomène, Si l’on ajoute de l’eau en quantité conve- nable, l’éther finit par lui céder tout l'acide phospho- rique. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. V. Poulet, ayant traité par l’eau acidulée le chevelu mondé et lavé des racines d'un certain nombre de plantes, a obtenu un liquide clair ambré, qui renferme du tartrate ferreux en quantité notable; pour lui, ce corps est le principe essentiel de la digestion des plantes et le fer leur est indispensable. — M. J.M. Krassilschtchik, ayant fait avaler à des oiseaux les corps d'insectes morts de la pébrine et contenant des corpuscules vieillis, a observé dans les excréments de ces oiseaux des germes actifs de pébrine; des vers à soie qui mangent des feuilles salies par ces excréments contractent la maladie; les oiseaux doivent donc contribuer beaucoup à la propa- gation de la pébrine d’une année à l’autre. — M. C. Sauvageau a observé la fécondation hétérogamique d’une algue phéosphorée, l’Ectocarpus secundus ; ce fait devra entrainer une modification de la classification des Phéosporées. — M. L. Lecercle a constaté, sur des lapins, que l'action des rayons de Rüntgen, pour- suivie pendant trois jours, aurait pour effet d’augmen- ter l'élimination des phosphates par les urines. Séance du 17 Août 1896. 19 SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M. de Jonquières montre qu'aucun nombre premier, appartenant à une forme linéaire #1 + a (k — 0, 1, 2, 3,...), ne peut avoir pour racine primitive un nombre b, premier ou non, s’il est prouvé que celui-ci est résidu quadratique des nombres premiers de ladite forme; ce théorème est . déjà vérifié par les nombres 2, 3, 5 et 7, — M. L. Mi- rinny adresse une « Note relative à la résolution de l’équation générale du cinquième degré », — M, 9. Tac- chini présente le résumé des observations solaires faites à l'Observatoire royal du Collège romain pen- dant le premier semestre 1896. Le phénomène des taches solaires a continué à diminuer, de même que celui des protubérances. La fréquence des protubé- rances par zones est la même dans les deux hémis- phères du Soleil; les taches, comme les facules, ont été plus fréquentes dans les zones australes, — M. Ho noré adresse un « Mémoire relatif à un appareil des- tiné à la navigation aérienne ». 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. P. Villard a trouvé que largon se combine à l’eau pour former un hydrate cristallisé dissociable, analogue aux hydrates de gaz déjà connus, et prenant naissance dans les mêmes con- ditions que ces derniers. — M. A. Delebecque a obser- vé sur le Léman le phénomène du Fata morgana (allon- gement dans le sens vertical des objets éloignés). Avec une puissante lunette, il a constaté que, en réalité, les objets ne sont pas agrandis, mais qu'il se produit plu- sieurs images superposées du même objet. Le Fata morgana ne serait donc qu'un mirage à images mul- tiples, qui se produit lorsqu'une couche d’air chaud vient se saperposer à une couche d’air froid, —M.Ber- thelot communique ses recherches sur les mines de cuivre du Sinaï, exploitées par les anciens Egyptiens. Il décrit les minerais qui étaient exploités, les produits métallurgiques obtenus (qu’on retrouve encore sur les ruines), enfin les outils trouvés dans les habitations des mineurs, qui étaient incontestablement des pro- duits de la fabrication. L'auteur constate que l’on était arrivé, probablement dès le début de l'exploitation, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES c’est-à-dire il y a près de 7.000 ans, aux procédés sui- vis de nos jours. 30 SCIENCES NATURELLES. — Mlle Wanda Sczawinska a observé nettement un vrai réseau du cytoplasma ner- veux dans les cellules des cornes antérieures de la moelle de la Raja macrorhynchus fixée et durcie, pen- dant six mois, dansle bichromate de potasse et colorée au picro-carmin de Ranvier. — MM. J. Athanasiu et J. Carvallo démontrent : 1° que, à l’état normal, ce sont les éléments figurés du sang et de la lymphe, de préférence les leucocytes, qui fournissent le ferment fibrine nécessaire à la coagulation de ces liquides; 2 que, lorsque ces éléments sont empèchés par un moyen quelconque (peptone) de remplir cette fonction, les tissus de l’organisme, spécialement le foie, se char- gent de les suppléer. — M, London continue ses re- cherches relatives à l'influence de certains agents sur les propriétés bactéricides du sang. L’inanition prolon- gée fait disparaître ces propriétés ; l'injection de H CI à faibles doses, fréquemment répétée, les diminue, celle de Na H CO* les augmente. — M. P. Lory étudie la tectonique du Dévoluyetdes régions voisines à l’époque crétacée. Dans cette tectonique, constituée par des brachy-anticlinaux et des dômes, toute une série de caractères atteste l'indépendance presque complète des éléments structuraux et la faiblesse des forces di- rectrices en jeu dans le mouvement qui lui a donné naissance, Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 18 Août 1896. M. le D' H. de Brun (de Beyrouth) cite trois cas de tétanos suivis, après guérison, de raccourcissements musculaires qui empêchaient les malades de plier le corps pour s'asseoir et les forcaient à marcher sur les avant-pieds sans que les talons pussent toucher le sol. L'auteur signale également quelques symptômes nouveaux ou peu connus du tétanos : une constipation - tenace, une soif ardente, une insomnie tenace et par- fois complète, des sueurs excessivement abondantes, le besoin de se déplacer. — MM. Rémy et Contremoulins présentent deux photographies du crâne obtenues à l'aide des rayons X, SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Récentes communications. M. Delépine a obtenu la méthylformothialdine de Wobhl : (CH2)SAzCH3S? par l’action de l'hydrogène sulfuré gazeux sur la tri- méthyltriméthylènetriamine. Le sulfure de carbone agissant sur cette même base donne un nouveau com- posé : CS(CH2=A7—CH5)2. Les propriétés de ce corps en font une carbothialdine : la diméthylformocarbothialdine; l’iodure de méthyle donne, avec ce corps, un iodhydrate cristallisé : CiH°AzS?.HI. M. Rosenstiehl discute les arguments apportés par M. Tortelli contre la constitution qu’il admet pour la fuchsine. D’après M. Tortelli, les fuchsines réagissent comme des sels et on doit conserver la formule de MM. Fischer et Nietski. M. Rosenstiehl fait remarquer, par des exemples connus, que la facilité de la double décomposition en solution aqueuse n'est nullement le propre des sels seuls ; il y a des éthers qui réagissent aussi rapidement; d'autre part, les acétochlorures fer- riques de M. Scheurer-Kestner, les iodométhylates de triamidotriphénylméthane, et surtout les sulfates de chrome de M. Recoura n'obéissent pas immédiatement aux lois de Berthollet. En réalité, dans l’état actuel de la science, on ne connaît pas de réaction permettant de distinguer les éthers des sels. — MM. Guerbet et 159 Béhal ont obtenu l'acide diméthylphénylacétique : CSHS. (CH®),(CHS),(CH2.CO2H),. dans l'oxydation des acides campholéniques par le brome et l’eau en employant les quantités théoriques d'halogène. L'oxydation par l'acide nitrique fournit des résultats différents : il se produit dans un des deux cas une fransposition moléculaire qui rend impossible l'établissement d’une formule définitive de constitution du camphre. — M. L. Lapicque a étudié avec M. Aus- cher un cas de diabèle pigmentaire., Le foie, la rate, les ganglions lymphatiques renfermaienten abondance un pigment en grains couleur ocre. (était de l’hydrate ferrique de formule Fe? 0#, 3H? O. On peut isoler ce corps en détruisant les tissus par la soude étendue et chaude. Ce corps se forme dans l’organisme sous l’in- fluence des hémorragies internes. L’injection du sang dans le péritoine d’un chien permet de le reproduire facilement. On Le trouve fréquemment chez l’homme dans le cas de mort par tuberculose, M. Lapicque appelle ce corps rubigine, de rubigo (rouille). — M. Moureu a préparé deux propénylanisols isomères de l’anéthol. Ils s’obtiennent en chauffant les aldéhydes méthoxybenzoïques correspondantes avec un mélange d’anhydride propionique et de propionate desoude sec. L'orthopropénylanisol : OCH3S (1) CîH1” NCH=CH—CH (2) est un liquide bouillant à 2200-2250, de densité 1,0075 à 0°; il possède une odeur rappelant le vératrol. L’acide non saturé correspondant : OCH3 (1) CH=—C—CH3 doom (2) fond à 107°-108°. Le méta-anéthol : OCR (1) NCH=OH—CH® (3) est un liquide bouillant à 226°-229, de densité 1,0013 à 0°; son odeur rappelle celle de l’élémi, L’acide non sa- turé correspondant : CSHi / OCH3 (A céHi/ (1) \CH—0—CHs (3) COOH fond à 920-03°5, — M. Cavalier a déterminé la chaleur d’éthérification du phosphate triéthylique. Son procédé consiste à traiter l’oxychlorure de phosphore par alcool iodé ; la réaction est complète et permet les mesures thermochimiques. On trouve dansle cas présent 9°,4, — M. Colson communique ses recherches sur la congélation des dissolutions à température constante. La température de congélation du benzène est abaissée par la dissolution d’un corps étranger; une compres- sion relève cette température. On peut régler la pres- sion et faire congeler toutes les solutions benzéniques à la même température. M. Colson a cherché la rela- tion qui relie la pression au poids moléculaire du corps dissous dans ces conditions. Un abaissement de tempé- rature donné est à peu près compensé par une pres- sion correspondante, quel que soit le corps dissous. L'abaissement est en raison inverse du poids molécu- laire ; done une molécule d’un corps dissous dans la même masse de benzène exige la même pression pour la constance de la température de congélation. M. Col- son a recherché aussi si la nature du corps dissous était sans influence, En opérant successivement avec des dissolutions variées de paradibromobenzène et de métadinitrobenzène, il a reconnu que la pression com- pensatrice n’est pas absolument indépendante de la 160 nature du corps. — M. Ch. Combes donne un nouveau mode de préparation des alliages d'aluminium par réaction chimique. On fait agir à la température de fu- sion de l'aluminium un sulfure ou un chlorure métal- lique sur le métal fondu; il se produit dusulfure ou du chlorure d'aluminium; la réaction est quantitative. L'auteur présente des échantillons, obtenus au Perrot, d’aluminium-chrome à 13 %, d'aluminium-nickel à 20% et d'aluminium-manganèse à 30 %. — M. Moissan rap- pelle qu'il a publié une méthode pour obtenir les alliages d'aluminium par réduction directe des oxydes au moyen de ce métal. Dans quelques cas on amorce la réaction avec de la limaille d'aluminium. Il apu obtenir ainsi les alliages aluminium-nickel, manganèse, molybdène, tungstène, titane. Ces alliages permettent de faire entrer le métal réfractaire dans un bain quel- conque ; l’aluminium est ensuite détruit par oxydation. On peut ainsi obtenir des alliages métalliques qu'on ne pourrait pas produire par union directe. — M. Combes fait remarquer que sa méthode lui paraît plus avanta- geuse au point de vue industriel; elle évite l'emploi de la limaille d'aluminium et des oxydes en poudre; la réaction est quantitative, les chlorures et sulfures for- més sont plus faciles àséparerque les oxydes, on peut enfin les recueillir et les utiliser. — M. Moissan fait remarquer qu'il est très facile d'obtenir de la limaille d'aluminium. — M. Léon Lefèvre a envoyé une note sur quelques réactions du diméthylaminophénol. — M. Rosenstiehl a montré que le carbinol A3 = C — OH, dans lequel A représente C6H‘Az (CH#}?,secombine à froid, même en présence d’eau, en donnant : (ICH#)5A =COH; que l’oxyde d'argent transforme en base énergique que l’on peut litrer alcalimétriquement. Cette propriété permet de démontrer que les bases colorantes mé- thylées (bleu méthylène, vert malachite, violet cristal- lisé) sont, en solution aqueuse, en partie hydrolysées. 11 faut tenir compte de ces faits pour interpréter les phénomènes de conductibilité électrique étudiés par M. Miolali; mais ces faits ne permettent pas de décider entre la fonction éther ou la fonction sel. — M, Hébert a extrait des graines d’isano un nouvel acide gras non saturé : l'acide isanique. Ce corps extrêmement alté- rable aurait pour formule C!#H20?2. L'auteur donne ses propriétés et étudie ses principaux sels. — M. Colson rappelle que M. Moutier a signalé la nécessité de classer les corps par groupes pour étudier leurs pro- priétés dynamiques; ses recherches sur les dissolu- tions benzéniques confirment les conclusions de M. Moutier, déduites de la Thermodynamique, De ses recherches l’auteur déduit que, si la formule de Cla- peyron est applicable aux dissolutions, tout revient à définir L et surtout » et v, dans 1 L= A (213 + 4) (v'— v) É [e Ces variables appartenant à des dissolutions benzéni- ques de corps différents et non à des dissolutions diffé- rentes d’un même corps, ces définitions paraissent difficiles et incertaines. — M.Béhal présente deux notes de M. Apéry. Dans la première l’auteur signale comme réactif de l’aloès la belle couleur brun-marron que donne le perchlorure de fer avec une solution de ce | corps. Il signale, dans la seconde, ce fait que, lorsqu'on chauffe une solution très diluée de perchlorure ferrique, elle devient jaune d'or. Si l’on ajoute 1-2 gouttes de perchlorure de fer dans une quantité d’eau telle que la solution obtenue paraisse incolore, en chauffant la partie supérieure on constate une coloration jaunâtre, Cette réaction est très sensible. — M. Genvresse a adressé une note sur le disulfure de trioxyphénylène. — M. Berlemont présente une trompe à garniture métallique. — M. Rabaut a envoyé une note sur quel- ques phénylsulfamides. — M. Maumené fait une com- munication sur l’action de l'acide sulfureux sur l'hypo- sulfite de soude. E. Caron. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SECTION DE Nancy. MM. Haller et Minguin, en traitant de l’isonitroso- camphre par du chlorure d'acétyle, ont obtenu un composé répondant à la formule C2H?S47203 et un acide CI0HI$AZO?, Ils ont reconnu que ce dernier n'était autre chose que le mononitrile de l'acide campho- rique, tandis que le premier en était l'anhydride cor- respondant. Chauffé avec une solution de potasse, le corps C?0H?$A7203 se scinde, en effet, en deux molécules du composé C'OH15A70? : ,CAZz CAz CA CŒHUC DCSHI4+2KOH—2CSH +-H? CO -0—CO NCOOK Inversement, l'acide CA CsHU/ L ; NCO0H chauffé au bain-marie avec une molécule d’isocyanate de phényle, régénère l’anhydride avec formation de diphénylurée : co — 2 A2 NCsHs CAz =COAZ2H2(C5H5)2+CSHUC NCsHii+ Co. CO—0—C0” Chauffe-t-on à une température plus élevée, la diphé- nylurée réagit sur l’anhydride pour donner, suivant le mécanisme déjà indiqué par l’un deux, l’anilide : CA 2cSHue NcooH CAz .CAz CS H14- N co / AtHCSH5 _CAz Yo+co —C02+20SHU / NAzHCSH5 CUOAzH CHE. CsH11“ NCaz Enfin l'acide chauffé avec une solution concentrée de potasse donne lieu à un dégagement d'ammoniaque et formation d'acide camphorique qui a éfé transformé en anhydride au moyen du chlorure d'acétyle. Ges recherches avaient pour but la préparation de l’acide aminocampholique qui, traité par de l'acide azoteux, devrait fournir la campholide x, déjà préparée par l'un des auteurs, ou son isomère 8; mais MM. Oddo et G. Leonardi, dans un très beau travaii, viennent de préparer par l’action du chlorure d'acétyle sur l'isoni- trosocamphre le mononitrile de l'acide camphorique, ainsi que son anhydride. Le mononitrile réduit a fourni de l’acide aminocampholique qui, aves l’acide nitreux, a donné une campholide. — MM. Haller et Min- guin communiquent encore leurs recherches sur des dérivés bromés des benzal et benzylcamphres. Avec le benzalcamphre, au sein d'une solution de sulfure de carbone, on obtient un dérivé C!TH2!BrO fondant à 82° et ayant lep.r. «° — 7, Cemémedérivé seforme quand on chauffe du benzyleamphre avec du brome. Point de fusion 8°, Pouvoir rotatoire + 32°, Mais, indépendam- ment de ce corps il se forme, dans cette dernière réac- tion, un composé bibromé C!7TH20Br?0 qui bout à 92e et qui possède le p.r. « — “+ 61°. Traite-t-on au con- traire la benzylidène camphre en solution dans l’acide acétique soit par HBr, soit par HCI, soit par HI, on ob- tient, par précipitation avec l’eau, un composé acide, bien cristallisé, qui répond à la formule C!7H2103, Cet acide s’est donc formé par addition de deux molécules d’eau à une molécule de benzylidène camphre,. Il fond à 206° et donne par oxydation de l'acide camphorique et de l’acide benzoïque. Sa constitution peut être repré- sentée provisoirement par l’une ou l'autre des deux formules : CHOH —CH?—CSHS CsH14/ CH?—CHOH.C5H* ou CAS NCooH COOH. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 761 MM. A. Halleret A. Guyot ont signalé autrefois que le chlorure de phtalyle, même purifié avec soin, ren- ferme toujours des traces de tétrachlorure de phtalyle, et ont montré que c'était à la présence de ce corps, qu'était due la formation de la diphénylanthrone quand on traite la benzine par ce chlorure en présence de chlorure d'aluminium : CôHs C6Hs 2 NA CC Pb ceHt{ NCI + 3C6H6— CiHt/ YCSHi + £HCI. COCI co Ayant eu à préparer du vert phtalique d'après la méthode de M. E. Fischer (action du dichlorure de phtalyle sur la diméthylaniline en présence de chlorure de zinc), les auteurs n’ont obtenu que des traces de ce corps d’après cetle méthode et ont conclu que la for- mation du vert, en aussi petites quantités, n’était peut- être due qu'à la présence de tétrachlorure de phtalyle dans le dichlorure employé. Ils ont donc fait agir, au sein du sulfure de carbone, du tétrachlorure de phtalyle pur et fondant à 88° sur la diméthylaniline en présence de chlorure d'aluminium et ont observé la formation d’une matière colorante verte dont le chlorhydrate se dépose en petites aiguilles à reflets cuivrés quand on reprend le produit de la réaction par l’eau. L'azotate se présente en paillettes dorées peu solubles dans l’eau. L'analyse de ces deux sels conduit à donner à la base libre la formule brute C# H#0?2A7%, Quant au mode de formation de ce corps et par suite à sa constitution, on peut les représenter par les deux équations suivantes : CI c£el CHE NCI +305H5A7(CH3) — CoclI (CHS)2AzH1CS \ C'HiA7(CH5)2 C 6 Ve | o c (1) ci / ŸC'HsAz(CHS)> | HCI + 3HC1 co Chlorhydrate d'hexarméthyltriamidodiphénylanthrone CI cZc e CiHi/ NC1 + 3C'HFA7 (CH)? — COCI NE CH417 \CSH1A7(CH3)? + 3HCI CO CSH4Az(CHS)2. Vert malachite substitué en ortho par COCSHAA7(CH)?, CoHtAz(CH3)2 La première interprétation est calquée sur la forma- tion de la diphénylanthrone dans des conditions sem- blables où, au lieu de diméthylaniline, on emploie de la benzine. La seconde nous a été suggérée par M. Rosenstiehl et fait de ce vert un dérivé du vert ma- lachite. Si l’on suppose en effet que le tétrachlorure de phtalyle agit comme du phénylchloroforme ortho substitué et qu'on se rappelle la formation du vert malachite au moyen de ce phénylchloroforme et de la diméthylaniline, l'interprétation de M. Rosenstiehl se justifie. Il nous reste maintenant à démontrer qu’il en est bien ainsi; nous nous proposons de faire la démons- tration par plusieurs voies. Mais ce vert ainsi obtenu ne concorde pas comme composition avec celui de M. Fischer. Les traces de ce corps qui se forment dans les conditions indiquées par le savant allemand ne nous ont pas permis dele comparer avec notre produit, — M. Arth expose les résultats comparatifs qu'il a trouvés pour le pouvoir calorifique des houilles de Bascoup par le calcul d’après la règle de Dulong et par la combustion dans l’obus de M. Mahler. Pour les treize couches de cette localité, la différence la plus grande entre les deux valeurs n’atteint pas 0,5 °/, du nombre trouvé par l’obus. A. HALLER, SOCIÈTE ROYALE DE LONDRES SCIENCES PHYSIQUES M. -J. N. Collie et WWilliam Ramsay, — Action des décharges électriques sur l'Argon et l’Hélium. — Ce mémoire présente un très grand intérêt, non seulement au point de vue de l'étude par- ticulière des deux corps nouveaux, l’Argon et l’'Hélium, mais surtout parce que les premiers résultats obtenus ouvrent un champ très vaste d’investigations relatives à la conductibilité électrique des gaz et à leur consti- tution moléculaire. Les auteurs divisent leur travail en deux parties. Dans une première série d'expériences, ils comparent les distances explosives de l'étincelle d’induction dans l’Argon et l’Hélium sous la pression normale, à celles des autres £az; ils déterminent en outre, pour chaque gaz, la pression à partir de laquelle l’étincelle se transforme en effluve. Dans une seconde série, ils recherchent quelle est la proportion de gaz dont on peut déceler la présence dans un excès d’un autre gaz par l'analyse spectroscopique. — M. Natterer avait énoncé (Wied. Ann., 1889, page 663) que, pour une certaine différence de potentiel, la distance explosive dans un gaz varie en sens inverse de son atomicité; ainsi, dans la vapeur de mercure qui est monoatomique, cette distance est plus grande que dans l’oxygène, l'hydrogène, l'azote, le protoxyde de carbone qui sont diatomiques, et dans ces gaz plus grande que dans des corps à molécule plus complexe. Sur le conseil de ce savant, les auteurs ont étudié l'Argon et l’Hélium : pour l’Argon, la longueur de l’étincelle est déjà supérieure à celle des gaz diato- miques; pour l'Hélium, elle est incomparablement plus grande. Leur dispositif expérimental est très ingénieux, Le gaz est contenu dans un tube de verre À (fig.1) de 15 centimètres environ, portant une électrode 0 Fig. 1.— Disposilif pour mesurer la distance explosive dans l'argon et dans l’hélium. — À, tube de verre ; B, électrode fixe ; C, électrode en spirale pouvant s’allonger et se rac- courcir sous l'influence d’un aimant; D, entrée des gaz. de platine fixe B; l’autre électrode est portée par une spirale C, et entourée d’un petit capuchon de verre contenant un morceau de fer. A l’aide d'un aimant extérieur, on peut tirer ou replier la spirale et faire varier la distance des électrodes. La longueur mesurée n’était pas celle qui correspondait à l'apparition d’une étincelle isolée, mais à une série continue d'étincelles, ce qui donnait des résultats bien plus concordants (à un demi-millimètre près). Voici les résultats obtenus pour les gaz suivants soigneusement purifiés : OCR RE RE ETC Ce Air 200% à 300% probablement Pour ce dernier, le tube à électrode mobile était trop court; mais on à pu constater avec d’autres la grande longueur de l’étincelle, ce qui est un point très remarquable. La suite des expériences permettra d’en proposer une explication. Au cours de ces expériences, les auteurs ont été conduits accidentellement à re- connaître que, pour chaque gaz, la pression diminuant, il existe une limite à partir de laquelle la décharge change de caractère ; les étincelles font place à un = [er] 19 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES effluve ayant l'apparence d’un ruban lumineux strié. Les pressions limites sont les suivantes : Abo alain 73 où 74% HVAOBOTEM AMAR ectrrecte : 42 ou 43 OXVEONEEN EAST ANA UNIERREERE CIE Oxyde decarbone.:............0 49 Anhydride carbonique.......,..... 92 ou 9% Cyanogène "A MeRtERAECERRECEC EE 23 AZOte 0 Doon do be see 20070048 33 ÉOiebantianceneopédtoc tac 448 1270 L'Hélium se comporte donc encore d'une facon par- ticulière, — Les dernières expériences portent sur la visibilité du spectre d’un gaz en présence d’un autre et furent entreprises pour préciser jusqu’à quel point l’étude du spectre permet de juger de la pureté d'un gaz. La méthode expérimentale mérite de fixer l’at- tention, Une pompe à mercure A (fig. 2) communique Fig. 2, — Dispositif pour éludier la visibililé du spectre d’un gaz en présence d’un aulre gaz. — À, pompe à mercure; B, E, tubes; C, F, réservoirs desséchants à anhydride phosphorique; D, H, robinets; G, tube à vide entouré d'ar- matures métalliques pour la production du spectre ; K, tubes eflilés contenant les gaz; I, cuve à mercure. par le tube B avec un réservoir desséchant C à anhy- dride phosphorique fermé par un robinet D; le tout a un volume de 290 cc. Le reste de l'appareil, tube E, tube desséchant F, tube vide G jusqu'au robinet H, cube 57,5 ce, soit à peu près 1/6 du volume total, Une extrême précision n'étant pas indispensable, on peut admettre qu'en traversant le robinet D pour entrer dans la pompe, le gaz est amené à une pression six fois plus faible. Les deux renflements du tube vide G sont entourés de plaques métalliques sur lesquelles s’enroulent deux fils reliés à une bobine d’induction. Pour l'introduction des gaz, le robinet à deux voies H est en relation avec deux tubes en U à pointes très efflées (fig. 3), fermées à la lampe et arrivant dans deux éprouvettes K remplies de gaz sur la cuve à mer- cure I. On commence par faire le vide dans tout l'ap- pareil, y compris les tubes en U qui sont fermés; on casse la pointe eflilée sur la paroi de l’éprouvette et le tube en U correspondant se remplit de gaz, L'intervalle entre H et le robinet voisin est de 0,066 cc.; on peut donc, en manœuvrant ces deux robinets, introduire ——_—__ ————.—...—.——..—]-—_—_—_—_——— — ——]—]—"————————. ———…— —“——"—"“0ûû0û0û00 dans l’appareil du gaz par fraction de 0,066 ec. Le second tube en U permet d'amener un autre gaz. On peut ainsi opérer soit sur un gaz unique à pression Fig. 3. — Tube à pointe effilée contenant le gaz fs (K. de la fig. 2). variable et parfaitement déterminé, soit sur des mé- langes en proportions connues et sous pression égale- ment connue, Voici les résultats : Proportions de gaz reconnaissables dans un mélange. Hélium dans l’'Hydrogène 33 % d'Hélium invisible à 2% 16 » » 10 » à peine visible, basse pression Hydrogène visible à toutes pressions Azote à peine visible Hydrogène dans PHélium 0.001 Azote dans l’Hélium..... Hélium dans l’Azote..... 10.00 Héliumdificilement visible Argon dans l’Hélium.... 0.06 à peine visible à toutes pressions Hélium dans l'Argon.... 33.0 invisible à 2%,62 de pres. » » 25.0 invisible à 0%,58 pression Azote dans l’Argon...... 0.42 invisible à 0,17 » » » 0.08 invisible à 0%,18 » Argon dans l’Azote...... 31.0 Argon à peine visible Argon dans l'Oxygène... 2.3 difiicilement visible à 1%,40 En résumé, il faut de notables proportions d’Argon ou d'Hélium mêélés à l’Azote ou à l’Hydrogène pour que leurs spectres soient visibles, tandis que de très faibles doses d’Azote ou d'Hydrogène sont visibles dans l’Ar- gon ou l'Hélium; un léger accroissement de pression accroit d'une manière très sensible la visibilité de l’Azote dans ces derniers gaz. Enfin, il faut beaucoup d'Hélium pour être visible dans un excès d’Argon et des traces d’Argon apparaissent dans un excès d’Hé- lium.— En rapprochantetcoordonnant les résultats de ces diverses recherches, les auteurs sont conduits à ces conclusions : Sous la pression normale, la décharge électrique traverse bien plus facilement l'Hélium que les autres gaz; l’Argon est moins con- ducteur que l’Azote. Ils en proposent une explication, en adoptant l'hypothèse, qui d’ailleurs ne paraît pas sans fondement, que sur son passage la décharge dé- termine une sorte d’électrolyse; la molécule d’un gaz diatomique comme l’Hydrogène serait dédoublée en ions ; cette dissociation ne serait que partielle sous la pression normale et serait plus complète pour de fai- bles pressions, Or, la conductibilité des gaz ou la con- vection de la décharge par les atomes gazeux doit dépendre : 1° du nombre des ions ou atomes mis en liberté ; 2° de leurs vitesses relatives, qu’on peut consi- dérer comme proportionnelles aux racines carrées des densités, IL va en résulter des conséquences concor- dant avec l’expériénce. Pour les gaz diatomiques comme l'Hydrogène, l’'Oxygène, l’Azote, la dissociation moléculaire en ions croît quand la pression diminue; le nombre d’atomes libres augmentant, la conductibi- lité doit bien augmenter. Pour les gaz monoatomiques, ou supposés tels : l’Argon et l’Hélium, les atomes étant libres dès la pression normale, la conductibilité doit être bien plus grande que pour les autres gaz; elle est plus grande pour l’Hélium que pour lArgon à cause de la différence des densités, La pression diminuant, l’état moléculaire ne semble pas être modifié sensi- blement et leur densité varie ; il y a diminution de conductibilité par rapport aux gaz diatomiques. Ce qui reste inexplicable, c’est la différence entre l’Argon et l'Hélium aux faibles pressions. Les auteurs n’attri- buent pas une importance ni une valeur exagérées à ces considérations hypothétiques, mais elles ont leur intérèt en ce sens qu’elles peuvent conduire à de nou- velles recherches sur la conductibilité relative des gaz. Le travail de MM. Collie et Ramsay en indique d'avance la méthode expérimentale, CHRONIQUE 163 CHRONIQUE LA PRÉVISION ASTRONOMIQUE DU CYCLONE DU 26 JUILLET 1896 Depuis 1875, je me suis occupé des relations qui existent entre l’état de la surface solaire et les phéno- mènes atmosphériques et sismiques de notre planète. Cette étude m'a conduit à constater des faits qui peuvent servir à prévoir les perturbations terrestres. Tout récemment, j'ai fait l'application de cette mé- thode à la prévision, cinq jours à l’avance, du cyclone qui, le 26 juillet dernier, a tant effrayé les Parisiens. Les observations journalières sur lesquelles la mé- thode est fondée ont trait aux rapports constants que . j'ai cru saisir entre deux ordres de phénomènes : d’une part la périodicité de formation des taches, protubé- rances et facules du Soleil; d'autre part, la formation des cyclones terrestres, l’apparition de tremblements de terre et d’éruptions volcaniques. Les perturbations terrestres causées par le Soleil m'ont paru résulter de l’action inductrice de cet astre sur la Terre et les autres planètes. Pourtant, en dehors des périodes d’activité solaire maxima, on constate des perturbations de notre atmosphère. Mais il con- vient de remarquer que les perturbations qui se pro- duisent dans ce cas sont toujours en coïncidence avec des passages d'étoiles filantes à travers notre atmos- phère. Ces passages y causent des troubles profonds, parce qu'entrant dans l’atmosphère terrestre avec un potentiel électrique trèsdifférent de celuide la Terre, les bolides donnentlieu àde puissantes décharges d’électri- cité. C’est donc bien à ces deux causes cosmiques que sont dues les grandes perturbations d’origine cosmique dans l'atmosphère et dans les couches intérieures du globe encore fluides, On sait que les météorologistes admettent que la sur- face du Soleil est parcourue par de vastes mouvements tourbillonnaires ; or j'ai constaté que de tels mouve- ments se produisent aussi sous l'influence des dé- charges électriques et découvert que l’action de ces tourbillons se fait sentir tous les 12,6 jours, parce que le Soleil tourne autour de son axe en 12,6X2 — 25,2 jours. Après chaque demi-rotation du Soleil autour de son axe, un des deux centres de perturbation maxima de cet astre se trouve en face de la Terre au méridien central du disque solaire, c'est-à-dire à sa moindre distance d’un certain lieu de la surface terrestre. De son côté, M. Janssen a montré qu'il ya, près de l'équateur solaire, à 7°, à peu près, unezone de pertur- bation maxima où se forment de préférence les taches très étendues dites cyclonales, montrant un mouvement rapide, tourbillonnaire et de grande activité. L'année terrestre de 365,242 jours contient exactement 29 fois la durée d’une demi-rotation du Soleil, qui est précisé- ment 12,5935 jours à l'équateur solaire, De même 7 de- mi-rotations du Soleil font exactement l’année de Mer- cure; 18, l’année de Vénus, etc.!. C’est donc la même action du Soleil qui s'exerce sur toutes les planètes. L'influence solaire produit une zone analogue de perturbations maxima sur la Terre. En effet, à la lati- tude de 18° nord, se trouvent deux centres de plus grandes perturbations atmosphériques près de l’île Saint-Thomas, où se trouve l'origine des cyclones d’A- mérique, et exactement par 180 degrés de longitude est situé l’autre centre de perturbalions, à la même lati- tude 18° Nord dans la mer indo-chinoise, où Les ty- phons de l'Inde orientale prennent naissance. Outre cette période de 12,6 jours due à la rotation solaire, s’en trouve une autre, qui est de longue échéance: la période de 10,6 ans à peu près, période de l’activité maxima du Soleil, de la formation maxima des taches, des protubérances et des facules à la sur- face de cet astre. Ainsi les perturbations reprennent un surcroît d'activité après chaque laps de 10,6 ans, de 1 Voir : Le système du Monde électrodynamique, Paris, 1893, chez Georges Carré. même que les éclipses solaires et lunaires reviennent dans le même ordre après une période de 18 ans. Les figures 1 à 7 (page 764) montrent un certain nombre de perturbations solaires et les légendes indi- quent les phénomènes atmosphériques correspondants qui se sont produits sur notre planète, Comparons mes observations de 1886 à celles de 4896, ces dernières faites, comme on voit, pendant la dix-sep- tième période solaire du 22 juillet, suivie du passage dés essaims périodiques d'étoiles filantes, très connus et bien étudiés au Brésil du 20 et du 26 au 29 juillet ; nous trouvons à peu près le même état du ciel à ces deux époques distantes de dix années. Voici les faits : 1. — Période de 1886. — 19 Juillet. Tempête effroyable en France à l'Est; les vignes et les arbres fruitiers détruits. Le 20. Orage épouvantable de neige au Labrador 15.000 hommes se trouvent isolés, privés de toute communi- cation, en proie à la famine. Le 21. En Bohème, température énormément élevée, de 300,4° à l'ombre; à Prague plusieurs averses et orages pen- dant le jour. Du 22 au 23. Orages généraux en Bohème, en Moravie et en Bavière; à Olmütz, grains de grêle pesant 20 déca, les arbres et les supports de fils télégraphiques brisés, orage et averses causent grands dommages aux montagnes du Taunus et en Westphalie, beaucoup de morts et blessés. Avalanches de pierres causant grands dommages à Windisch-Matrei en Styrie; orages violents à Vienne, Munich, Wiesbaden, Chem- nitz, Breslau et Berlin. Du 25 au 27 juillet. Une série d'orages épouvantables en Bohème, grélons de la grandeur des œufs de pigeon causant grands dommages. Orages violents en Hongrie, à Ischl et à Karlsruhe; ouragan à Leeds, en Anglelerre, avec ondée épou- vantable le 26 juillet au soir; le 27 juillet en Bohème, orage violent avec coups de foudre causant des incendies. La photographie journalière du Soleil à l’aide d'une len- tille aplanètique de Steinheil 14mm96 vient en aide à la prévi- sion du temps, au moyen de la période solaire de courte et longue échéance et au moyen des passages périodiques des essaims d'étoiles filantes. Il se forme autour de l’image so- laire (négatifs) des zones plus ou moins blanches, circulaires, elliptiques, même paraboliques en forme des queues de co- mètes. Ces zones montrent, à l'intérieur, des spires plus ou moins foncées, et le tout représente la tranche de cyclones s’interposant enire nous et le Soleil de forme conique. En effet, les zones se montrèrent, depuis le 18 juillet 1886 à 10 h. 30, de 2 à 5 diamètres solaires, grisâtres et elliptiques. Le 19 juillet à 2 h.20 pendantune chaleur de 490C. à l'ombre, zones très nettes elliptiques et grisâtres. On voit à la sur- face du soleil un groupe de taches très grandes et étendues. Le 20 juillet à 9 h. 45. Chaleur étouffante, zones rougeätres elliptiques de 3 à 4 diamètres solaires. Le 21 juillet à 3 h. 30. Zones elliptiques grisätres de 1 à 5 diamètres solaires. Le 22 juillet. Trois orages violents, avec des coups de foudre violents à Prague pendant la journée. Le 23 juillet à 10 h. 5, 10 h. 10, 40 h. 25 et à 10 h. 45. Zones énormes en forme de flammes recourbées très blanches, de # à 6 diamètres solaires; bourrasques et ondées à Prague à 5 heures après midi et à la nuit. Le 24 juillet à 10 h. 40. Zones très blanches elliptiques. Le 25 juillet, à 1 h. 40. Zones énormes en- forme flammes de 6 diamètres solaires. Le 26 juillet à 40 h. 50. Zones très blanches elliptiques. Le 27 juillet à 10 h. 40. Zones blanches circulaires de 3 diamètres solaires; à 4 h. 15 de l'après-midi, bourrasques et averses à Prague, Le 29 juillet à 4 h. 35. Zones trés de 5 diamètres solaires. £ On voit que les zones d'absorption dans les photographies solaires ont commencé d’agrandir depuis le 20 juillet pour obtenir leur étendue maxima le 26 juillet, et indiquant ainsi d'avance l’arrivée des grandes perturbations fin juillet 1856. Méme période en 1896. — Le 19 juillet à 10 h. 45, par un ciel nuageux, zones circulaires grisätres de 2 diamètres s0- laires:; à 1 h. 35, éclaircie, zones énormes de 3 à 5 diamètres solaires, blanc de neige, coniques. sé Le 20 juillet, à 9 h. 25. Zones circulaires, blanc de neige, de 3 diamètres solaires. de nettes, blanches, ovales, 764 CHRONIQUE Le 21 juillet à 9 h. 55. Zones en forme de comèies, énormes. grisâtres, de # diamètres solaires, perturbation magnétique, Le 22 juillet. Chaleur accablante, zones énormes, dentelées, 27 juillet 1896, des orages d’une violence extraordinaire ont éclaté, comme le 26 et 27 juillet 4886. spiraloïdes à l’intérieur, de 4 à 5 diamètres solaires, ellip- Avant de quitter Prague, j'ai donc pu annoncer, me tiques. À 12 h. 15 de l'après-midi, court orage avec ondée à | fondant sur des données fournies par la photographie Prague, orage épouvantable causant par la chute de grélons | du Soleil, que j'arriverais en plein orage à Paris, et d'énormes dommages à la vallée d’Elbe. J'ai pu prédire du mauvais temps en général sur toute Le 23 juillet. Parti de Prague pour Paris, arrivant à Paris le 26 l'Europe du 8 au 10 août 1896 et par conséquent, l’in- vers 6 h. 13, j'ai pu observer à 4 heures après midi la for- visibilité de l'éclipse en Norvése et Pate ee mation de nuages tourbillonnants au zénith et trés foncés, à Ja L ni PSE OIN CESR PER $ ne ee peu près noirs, et deux trombes atmosphériques descendant apon. Au commencement de juillet, d'ailleurs, Ia vers 4 h. 35 de ces nuages mouvementés, et détruisant en | recu une lettre du savant directeur du Lick Observatory Fig. 1. Fig. 2. Fig. 3. Fig. 1 : Période solaire du 5 mars; zones énormes doubles en queuss de comète. Du 5 au 8 mars, perturbations magné- tiques; du 6 au 7 mars, averses de pluie et orage de neige; à la nuit du 6, forte tempête et tourbillons de neige de 6 à 7 heures du soir, le 7. — Fig.2 : Période d'activilé solaire cu 18 mars. Le 19 mars, chaleur accablante de 270C.: ondée; destruction de la vallée de Roxmital en Bohème ; dépression de 120 mm. à Prague. — Fig. 3 : Aspect du soleil le 22 mars à 11 h.; deux zones d’absorplion en queues de comète. Cette observation fut faite pendant une éclaircie qui suivit les pluies énormes qui eurent lieu du 19 au 22 mars, à la suite de la période solaire du 18 mars (fig. 2). Fig. 4. Fig. 5. Fig. 6. Fig. 7. Fig. 4 : Période solaire du 2% avril (1 k. 40 m.). Passage des essaims périodiques d'étoiles filantes du 19 au 23 avril. Le 24, tempête et averses à Prague. Fig. 5 : Aspect du soleil le 25 mars à 1 h. 25; deux zones d'absorption. Pertur- bation magnétique. — Fig. 6 : sniode solaire du T mai: deux zones en queues de comèle, le 8. à 8 h. ki. Averses énormes et perturbations magnétiques. — Fig. 71: Période solaire du 20 mai (10 h. 23); zones énormes en forme d’éclairs. Forte perturbation magnélique, dépression barométrique énorme; 3 orages violents à Prague dans la journée du 20 mai, à 11h. 30 du matin, l'après-midi et le soir ; du 21 au 26 mai, pluie incessante. marche les récoltes, les arbres et broussailles sur son chemin; | qui m’engageait d'aller photographier en Norvège une odeur d'ozone assez forte se fait sentir pendant la chute | l’éclipse solaire; mais j’ai pu, en m’appuyant sur les de la grèle indiquant ainsi l'origineélectrique de cestrombes. | Ghservations météorologiques de 1886, répondre que Le 25 juillet. Orage violent au département d'Auch, causant | des ravages par la grèle plus grosse que des noix; les beaux vignobles d'Armagnac sont anéantis. Orage et grele détrui- ce serait là chose inutile, tandis qu’au Japon on aurait quelque chance de succès, et c’est ce qui est arrivé. — sant les récoltes autour d'Angoulème. Beaucoup d'incendies | De même, le temps effroyable, qui a commencé Je iu même jour en France. Vent fort sur les bords de l'Océan. 20-21 août (passage des étoiles filantes) jusqu'au 27 août Le 26 juillet, vers 4 heures, cyclone à Paris, avec trombe (jour de la période solaire), confirme par sa ressem- d’eau, avec grélons d’une grosseur extraordinaire, brisant | blance avec les faits de 1886 les périodes indiquées. les vieux arbres du jardin zoologique, des boulevards et ren- Qu'il me soit permis de faire remarquer que ma mé- versant une maison. une fillette tuée raide, et renrersantune | {h6de m’a permis de prédire le grand cyclone de Nancy grue de 22.000 kilowrammes à la gare de Lyon. Quatre bal- . : 5 lons qui planaient sur Paris étaient sérieusement avariés par etdeT rèves (Trier), le 10 août 1886, le grand cyclone de l'orage, 2 aéronautes morts, 5 blessés. Les environs de Paris la même année en Angleterre, Belgique et Allemagne, étaient sérieusement atteints. que j'ai prédit cinq jours d'avance, le grand cyclone ; . A n : qui, en 1895, a eu lieu ce même jour du 10 août, à Bor- On voit que le même jour, en 1886 au soir, le cyclone deaux, et enfin le cyclone de Prague du 25 juin dernier. et les ondées ont ravagé Leeds en Angleterre. A Ch. W. ZENGER Paris, et dans la France entière, pendant la nuit du 26 au Directeur de l'Observatoire de Prigue. Paris. — Imprimeria F. Levé, rue Cassette, 17 Le Directeur-(érant : LOUIS OrIVIEP. 1° ANNÉE N° 18 30 SEPTEMBRE 1896 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LE CENTENAIRE DE LA BIBLIOTHÈQUE UNIVERSELLE La Bibliothèque universelle vient de consacrer, par une petite fête de famille, l’entrée dans le deuxième siècle de son existence, et nous sommes heureux de pouvoir, à cette occasion, envoyer à ses éminents directeurs l'hommage de notre sympathie et de nos vœux pour la prospérité de Pœuvre qu'ils poursuivent avec tant de dévouement et un succès si mérité. Dans la grande crise de transformation que subit lEurope à la fin du sv siècle, il se trouva, dans la petite république de Genève, un groupe de ‘citoyens éclairés, désireux de rassembler des forces éparses au- tour d'une publication littéraire et scientifique, et de les utiliser pour le bien de tous. Charles Pictet de Rochemont fut l'âme de cette nouvelle création ; il eut pour collaborateurs de la première heure son frère, Marc-Auguste Pictet, et Frédéric-Guillaume Maurice. La Revue, créée en 1796 sous le nom de Bibliothèque britannique, avait pour but premier de faire counaitre Angleterre au continent, à une époque où la politique avait isolé la grande ile. Dès ses débuts, la Bibliothèque britannique eut la main heureuse : deux ans à après sa fondation, elle signalait la première la grande découverte de Jenner; la petite rérole des vaches fut décrite par le Dr Odier dès l’année 179$; peu après, elle fut mise en pratique à Genève, et c’est de là qu’elle se répaudit en Europe. Au bout de peu de temps, la nouvelle publication avait gagné à tel point l'estime du public, que M. de falleyrand, faisant allusion au peu de sympathie de Napoléon pour la Revue gènevoise, put dire à Pictet de Rochemont, qu'il rencontra au Congrès de Met « Au point où vous aviez l'opinion pour vous, c’eüt été un coup d'Etat de vous supprimer. » Depuis la séparation de la Revue en deux recueils distincts, la Bibliothèque universelle et Revue suisse et les Archives des Sciences physiques et naturelles, la tendance imprimée par Pictet de Rochemont à son œuvre s’est maintenue en s'élargissant. La partie scientifique, tout en faisant une large place aux travaux de toute nature qui voient le jour sur le sol helvétique, a entrepris de faire connaitre aux lecteurs de langue francaise un certain nombre de questions auxquelles elle s’est plus particulièrement consacrée. Comme autrefois pour la Yaccine, les découvertes étrangères trouvèrent à Ge- uève un sol propice : il nous suffira de citer, dans ces REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, dernières années, la part prise par les savants gènevois, “ plus particulièrement par M. Ed. Surasin, directeur des Archives, et par son éminent collaborateur, M. L. de la Rive, à l'extension des découvertes de Hertz. La Géologie suisse, si intéressante à tous égards, est tout entière contenue dans les Archives , où Jes travaux suisses ont été patiemment rassemblés et analysés dans des revisions annuelles. C’est en partie aux A7- chives que l'on doit d'avoir alimenté à Genève ce foyer d'inteliectualité qui fait tenir en si grand honneur la cité du Léman, Il suffirait de rappeler les noms des Pictet, des de Saussure, des Colladon, des de Can- dolle, des Marignac, des Soret, des Favre, pour évoquer l’idée d’une pléiade de savants comme aucune ville d’é- gale étendue n’en a produits. De son côté, la Bibliothèque universelle et Revue suisse qui se publie à Lausanne, sous la direction éclairée de M. Ed. Tallichet, poursuit sans interruption son œuvre digne du passé de la Revue. La stricte neutralité de la Suisse lui fait une place à part, en laissant son juge- ment plus libre; elle se trouve ainsi, mieux qu'aucune publication étrangère, en mesure de rapporter les évé- nements sans la passion qui, trop souvent, tend à les déformer. Plus d’une fois, dans ces dernières années, nos gr inds journaux ont reproduit ses articles très documentés , et écrits avec un bon sens et une impar- tialité qui les rendaient précieux à ceux qui désirent avant tout connaître la vérité. A plusieurs reprises, dans les luttes politiques de la Suisse, ses magistrats les plus éminents et le président de la Confédération lui-même n’ont pas dédaigné de faire connaître, dans.les pages de la Bibliothèque universelle, leur opinion personnelle sur la politique du pays; et leurs travaux ont rapidement dépassé les frontières de l'Helvétie, car, dans la grande évolution de la politique actuelle, ia plus ancienne répu- blique de l'Europe est demeurée à la tête du mouve- ment pac ilique, tout en évitant, gràce au bon sens du peuple suisse, les égarements qui ont trop souvent signalé toute transformation dans d’autres pays. Ce n’est pas le moindre des services que nous rend la Bibliothèque universelle de nous faire connaitre les mo- difications de l’état politique de la Suisse et la facon dont ce petit peuple, l'un des plus instruits non seule- ment de l'Europe, mais du monde, essaie de résoudre les problèmes sociologiques actuels. LA REVUE. 18 630 La queslion des cartes agronomiques commu nales a été mise à l'étude en France depuis peu d'années; elle a déjà suscité d’intéressants travaux, el l’on peut espérer que l'exemple donné par quelques communes et par quelques sociélés d’a- griculture trouvera d'ici peu beaucoup d'imita- teurs. Je me propose de faire ici un exposé rapide de l’état de cette question. I Les plantes ne peuvent se développer et donner des récoltes que si elles trouvent, soit dans le sol végétal où elles poussent leurs racines, soit dans l'eau qui vient à leur contact, soit dans l'air qui les environne, les éléments nécessaires pour leur végétalion et leur fructification. Certains de ces éléments, l'oxygène, l'hydrogène, le carbone et même l'azote, dans des conditions données, peuvent être fournis par l'air ou par l’eau ; mais d'autres ne peuvent être empruntés qu’au sol végétal. Tels sont les éléments qu'on appelle les éléments minéraux : acide phosphorique, acide sulfurique, potasse, chaux, magnésie, fer, manga- nèse et quelques autres encore, qu'on trouve dans les plantes par l'analyse chimique. Lorsque le sol ne renferme pas, en quantité suf- fisante et sous la forme où ils sont disponibles pour les plantes, les éléments nécessaires aux ré- colles, ilest indispensable de les y introduire; si une partie seulement fait défaut, cette parlie au moins doit être apportée du dehors, sous forme d'engrais ou d'amendements. Qu'est-ce qui fera connaitre au cultivateur l'ab- sence ou l'insuffisance dans sa lerre de tel ou tel élément utile? Comment jugera-t-il si l'introduc- lion de tel engrais est une dépense nécessaire, dont il sera amplement récompensé par la récolle à venir, où si, au contraire, ces éléments se trou- vent déjà dans le sol naturel et s'il est inutile de faire la dépense de cet engrais ? 11 peut l'apprendre de deux facons. Un premier moyen est un essai de culture directe, fait avec méthode sur des parcelles de terre distinctes. Il élablira la culture en question, dans l'une sans addition d'aucun engrais, dans les autres en es- sayant séparément el comparativement divers en- grais. C'est ce qu'on a appelé l'analyse du sol par les plantes, méthode excellente en ce qu'elle est de nalure à apporter la conviction dans l'esprit du cullivateur (sitoutefois l'essai n’est pas contrarié par les intempéries atmosphériques), mais qui né- cessile un temps assez long, de nombreux làton- | A. CARNOT — LES CARTES AGRONOMIQUES COMMUNALES LES CARTES AGRONOMIQUES COMMUNALES nements et l'intervention d'un agronome très expert pour en déduire les conséquences. Le second moyen d'informalion pour le cultr vateur est l'analyse chimique du sol. Celle-ci à besoin d'être faile par un homme de l’art dans un laboratoire et d'être ensuite bien interprétée; mais elle a l'avantage de s’exécuter en un temps relalis vement court et de n'être pas contrariée par les saisons. Ce moyen estle plus fréquemmentemploy À Ila été mis à la portée des cullivateurs par la fondation récente d’un grand nombre de stations ayronomiques, où se font aujourd’hui les analyses de sols et d'engrais. Quel que soit le mode d'essai employé, les ré- sullats ne s'appliquent qu'à la parcelle même dans laquelle a été fait l'essai, ou aux terres voi sines et de composilion analogue. Mais un cham p peu éloignéou même une autre portion du même champ, surtoul en pays accidenté, peut avoir une composition toute différente, comportant l'emplo d'engrais d’une autre nature. Or, les essais son trop longs et Lrop coûleux pour pouvoir être mul Lipliés outre mesure, il importe donc de trouver un moyen d'informalion plus simple. C'est à ce désideratum que répondent les cartes ayronomiques. Elles ont pour objet immédiat de réunir sous une même dénomination et de désigner sur les cartes par une même couleur l'ensemble des terrains de même nature, auxquels conviendronl les mêmes cultures et les mêmes engrais; il faut que l'examen soigné du sol, en quelques points seulement, mais en des points bien choisis, suf fise à caractériser ces lerrains surune assez grande étendue et dispense de multiplier à l'infini les analyses destinées à faire connaître en chaque endroit la nature et la composition du sol. On arrive pratiquement à grouper les lerrains de même nature en se servant des distinctions étæ blies par la géologie et en prenant les cartes géo logiques à grande échelle pour base de l'exécution des cartes agronomiques. Il est vrai que la classification usilée en géologie part d'un principe très différent à première vues car elle est essentiellement fondée sur l'ordre chronologique des formalions et, en parliculien des formations sédimentaires. Mais il existe entre les différentes assises géologiques et la végétalior qu’elles portent des rapports élroits et depuis longlemps remarqués. Une mème assise géol@ sique donne naissance, en général, à des terres agricoles de qualités analogues, parce qu’elles con liennent les mêmes éléments dans des proportions A. CARNOT — LES CARTES AGRONOMIQUES COMMUNALES ————————— 167 à peu près uniformes. Cela résulte des conditions, uniformes elles-mêmes, qui ont présidé à chaque formation géologique sur une étendue ordinaire- ment très grande. Les assises du sol sont, en effet, ou des calcaires déposés au fond d'une mème mer, ou des marnes ou des argiles stralifiées à l'embouchure d'un même cours d'eau et composées des mêmes limons, ou de sables plus ou moins fins ou grossiers qui ont formé la plage d’un même rivage. Dans les con- trées à roches massives, ce qui conslilue une for- mation, c'est une masse éruptive d'une même venue. Chacune de ces couches sédimentlaires ou de ces masses éruptives doit certainement avoir en ses divers points une composilion générale assez uniforme. Or, ce sont ces couches ou ces masses qui forment le sous-sol de nos terres actuelles. Il est denc tout naturel que les différentes parties d'un sous-sol de même origine aient conservé une composition chimique presque identique. Dans un très grand nombre de cas, on peut re- connaître que c'est le sous-sol qui s'est transformé en terre végélale, à la fois sous l'influence des agents atmosphériques et sous celle des plantes, dont les racines l’ont traversé en tous sens, et dont les débris organiques se sont mêlés aux par- ties minérales du sol. Ces actions relativement récentes ont certainement pu modifier différem- ment le sol sur de certaines étendues; pour ne citer qu'un seul exemple, les eaux d'infiltration ont pu produire la dissolution et la disparition plus ou moins complète du calcaire en certains endroits et, au contraire, la pénétration et le dé- pôt du carbonate de chaux dans d’autres terrains. Mais ce sont des effels locaux, qui n'infirment pas la règle générale, celle de la ressemblance des terres de commune origine. Il y a aussi des terres végétales qui sont indé- pendantes du sous-sol et qui ont été formées, comme les alluvions des vallées, par les eaux d'inondation, transportant et déposant des sables fins, des limons et des parcelles organiques jus- qu'à des distances très grandes du lit habituel des rivières. Mais ces alluvions, de composition dif- férente du sous-sol qu'elles recouvrent, constituent elles-mêmes des terrains spéciaux, signalés par les cartes géologiques. Ilen est de même des éboulis qui se sont for- més au pied des montagnes par l’action des gelées et des pluies. Ce sont de vérilables terrains nou- veaux, que leur composition rapproche plus de ceux qui forment les pentes des montagnes que de ceux sur lesquels ils reposent. De même encore des limons, souvent très fer- liles, qui couvrent des plaines ou même des pla- teaux, au milieu desquels les rivières se sont plus tard creusé un lit. Ces limons, quelle que soit leur origine, présentent souvent une composition fort différente de celle du sous-sol. Mais il ne faut pas croire qu'il y ait de ce fait un désaccord entre l'agronomie et la géologie; car ce manteau de li- mon superficiel, n’eût-il que quelques décimèires d'épaisseur, s’il est important à noter sur une carte agronomique, mérite aussi de l'être comme une formation distincte, sur une carte géolo- gique à une échelle suffisante. En définitive, c'est donc bien à la géologie qu'on doit demander le canevas d’une carte destinée à renseigner les cultivateurs sur la nature de leurs terres etsur les éléments de richesse qu’elles renferment ou qui leur font défaut. IT Or, l'étude de la géologie de notre pays est aujourd'hui fort avancée. Le service de la Carte géologique détaillée de la France poursuil son œuvre avec une très grande activité et l’on peut envisager comme prochain le temps .où tous les départe- ments seront pourvus de leur carte géologique à l'échelle de 1/80.000. Malheureusement cette échelle, qu’il a fallu adopter comme étant celle de notre meilleure carte topographique, celle publiée par le Ministère de la guerre et connue sous le nom de Carte del État-Major, n’est pas suffisante pour les cartes agronomiques, où il importe que chacun puisse reconnaitre, d’après la position des villages, des chemins, des ruisseaux, etc., l'empla- cement des parcelles de terre qu'il cultive et dont il a besoin de savoir la nature. Pour atteindre ce bul, il convient de dresser les cartes agronomiques à l'échelle la plus grande possible, échelle qui se trouvera, en fait, toujours limitée par la dépense d'exécution, croissante avec l'étendue de la carte. Nous croyons qu'on peut recommander d’une façon très générale l'échelle de 1/10.090, qui permet de figurer très clairement aux yeux les plus petits chemins d'ex- ploitation et qui a l'avantage de se trouver déjà utilisée, dans toutes les communes de France. puisque c'est à celte échelle qu'a été faitle tableau d'assemblage des cartes du cadastre pour chaque commune. La carte topographique une fois préparée, il faudra y reporter les indications fournies par la carte géologique au 1/80.009, notamment les li- mites des diverses élages géologiques, qui sont représentés par des compartiments de couleurs dif- férentes. L'agrandissement du dessin, pour passer à une échelle huit fois plus grande, nécessitera une revision des détails, revision qui devra êlre confiée à des personnes compétentes: souvent 768 l'instituteur ou un agriculteur intelligent et dévoué sera en mesure d'exécuter ce travail. Les mêmes personnes pourront être chargées de désigner les endroits où devront être prélevés les échantillons de terre végétale et de sous-sol à examiner, en choisissant, autant que possible, des points où la constitution du sol soit bien caractérisée. Les points de prélèvement seront repérés sur la carte avec exactitude el y seront signalés par une marque bien apparente, telle qu'un cercle dequel- ques millimètres de rayon, au centre duquel sera inscrit un numéro d’ordre spécial. La prise d'échantillons se fait avec la bèche ou avec la sonde ou la tarière, de manière à enlever une épaisseur égale de terre sur toute la hauteur du trou et à obtenir, par un mélange des diffé- rentes parties, une prise d'essai représentant la composilion moyenne de la terre arable sur toute son épaisseur. Quelquefois il y a avantage à réunir plusieurs échantillons pris à de faibles distances sur un même terrain, pour en avoir la composilion moyenne. On évile ainsi des erreurs accidentelles, comme celles qui pourraient résulter de la culture antérieure d'un champ, où l'on aurait introduit de la marne, de la chaux ou des engrais, que l’on ne doit pas considérer comme faisant partie du sol normal. Le trou est poussé jusqu’à la profondeur où des- cendent les racines et où pénètrentles instruments de culture; la terre qu'on en retire fournit alors un type de la ferre végétale proprement dite. Au- dessous se trouve souvent, avant d’alleindre le sous-sol véritable, ce qu'on peut appeler le so! vierge, dans lequel peuvent pénétrer certaines racines, mais qui est tout au pluseffleuré parles opérations de la culture ordinaire; le sol vierge pourrait, au besoin, être remué et mêlé à la terre végétale, si l'analyse y faisait reconnaitre des principes utiles, tels que l’acide phosphorique, la potasse ou la chaux, en proportion assez grande pour qu'il y eût avantage à opérer un défoncement jusqu'à une certaine profondeur. Il est souvent ulile de prélever dans le même trou un échantillon du sol végétal etun échantillon du sol vierge, pour en faire séparément l'analyse. ' Quant au sous-sol rocheux, on se borne à en dé- terminer la nature par un examen qualitatif. L'analyse est faite au laboratoire, en se con- formant aux méthodes qui ontété adoptées en 1891 par le Comité consultatif des stations agronomiques el des laboratoires agricoles. L’unification par ce Comité des méthodes d'analyse des terres a réalisé un progrès important, en permettant de comparer utilement entre eux les résultats obtenus dans les différents laboraloires et de les interpréter d'une manière uniforme. A. CARNOT — LES CARTES AGRONOMIQUES COMMUNALES On fait sur les échantillons de terres une ana- lyse physiqueet une analyse chimique. La première a pour objet de déterminer les pro- portions relatives de sable, d'argile, de calcuire et d'Aumus, notions qui sont nécessaires à l’agro- nome pour la comparaison des qualités physiques du sol, moins essentielles peut-être pour le culti= vateur lui-même, quiconnait, parses observations personnelles, aux différentes saisons de l’année, les qualités et les défauts de sa terre et sait très bien si elle est forte ou légère, compacle ou per- méable, sablonneuse, argileuse, humifère, etc. Il en est autrement de l'analyse chimique ; celle- ci fournit au cullivateur des données, qu'il ne pos- sédait pas et qui lui seront précieuses, sur la com-" position de sa terre et sur les engrais qui lui conviennent. Elle lui fait notamment savoir en quelles proportions s’y trouvent les éléments, que l’on considère comme jouant le rôle principal dans la fécondité du sol et n’y exislant très souvent qu’en quantité insuffisante. De nombreuses observations culturales et dem nombreuses analyses de sols ont donné lieu de penser, à la suite d'éminents agronomes, — MM. de Gasparin, Risler, Joulie, etc.,— qu'une terre, pour être suffisamment pourvue en «cide phosphorique, en azole, en potasse, doit renfermer au moins un millième de son poids de chacun de ces éléments. Si celte proportion est dépassée, il suffira ordinai- rement de restituer au sol, par les fumiers de ferme, les éléments enlevés par les récoltes. Mais, au contraire, toute terre, où la proportion de ces élémentsseranotablementmoindre, aura beaucoup à gagner à l'apport de quantités complémentaires par des engrais chimiques appropriés. S'il manque un ou deux éléments, ce sont ces éléments ab- sents qu'il sera nécessaire de fournir. Le calcaire est également utile, et même à un double litre : d’un côté parce que la chaux est né= cessaire à la nutrition des plantes, de l’autre parce qu'elle contribue à l'ameublissement des terres eb à la nitrilication des matières azotées. Mais laproportion du calcaire, considérée comme nécessaire, varie avec la qualité du sol : tandis qu'une proportion de 10 millièmes suffirait pour des terres légères, les Lerres compactes en exige- ront 40 ou 50 millièmes. D'autre part le calcaire est quelquefois en pro- portion si grande, à l'exclusion de l'argile et du sable, que le sol devient impropre à certaines cul= tures : c’est ce qui empêche notamment la réussile des vignes américaines dans cerlains terrains crayeux. D'autres éléments du sol jouent certainement un rôle dans la végélation : l'acide sulfurique, le chlore et le fluor, la silice, la soude, la magnésie, A. CARNOT -—— LES CARTES AGRONOMIQUES COMMUNALES 76) le fer, le manganèse. Maisleur rôle est moins bien défini, el, d’ailleurs, ils paraissent exister en quan- lité suflisante dans la plupart des terres. Ce sont donc surtout ces quatre éléments de fertilité : l'azote, l’acide phosphorique, la potasse et le calcaire, que les analyses devront rechercher avec le plus grand soin et dont elles devront faire connaitre les proportions, afin que les cultivateurs sachent ce qu'il est nécessaire d'ajouter pour sup- pléer au défaut naturel de leurs terres etleur don- ner le maximum de fécondité. Les résultats des analyses seront inscrits dans une légende annexée à la carte proprement dite, au-dessous d’un numéro d'ordre pareil à celui qui - désigne l’échantillon sur la carte. Ils seront grou- pés par nature de terrain, afin de faciliter les rap- prochements etlecalcul des moyennes. L'expérience confirme, d’une facon générale, ce que faisait prévoir la théorie, à savoir que les échantillons pris en divers points d'un même terrain présentent des composilions peu différentes entre elles; par conséquent on aura, avec une ap- proximation généralement suffisante, la composi- tion du sol dans un en droit déterminé, en lui at- tribuant la composilion moyenne des deux ou trois échantillons les plus voisins ou même la moyenne des résultatstrouvés pour Lous les échan- tillons du même terrain jusqu’à une assez grande distance. TITI On peut se borner à inscrire sur les bords de la carte géologique à grande échelle la légende con- tenant les renseignements sur le sol végétal et le sol vierge ou le sous-sol. Mais on réussit à donner plus de clarté à cette légende et à la faire parler aux yeux, en quelque sorte, en donnant aux chiffres de l'analyse une représentation graphique. A cet effet, chacun des éléments de fertilité est _ représenté par une bande coloriée étroite, dont la longueur est proportionnelle à la teneur trouvée dans l'analyse; trois bandes verticales, de teintes verte, rouge et bleue, par exemple, feront connai- tre les proportions d'azote, d’acide phosphorique et de polasse, chaque millimètre de longueur cor- respondant à de chaque substance ; la lecture sera d’ailleurs facilitée par des lignes horizontales fines, distantes de 1 millimètre les unes des autres. Une quatrième bande, de couleur jaune, fera con- naitre les proportions de chaux; mais ici, pour ne pas avoir des longueurs excessives, on repré- sentera par un millimètre de longueur = de cal- Caire. On aurait, au besoin, plusieurs bandes jux- taposées, en arrêtant chacune à _— si le terrain était très riche en calcaire. Parmi les auteurs de cartes agronomiques com- munales, il en est qui ont disposé cette légende sur une feuille à part, en ayant soin de grouper ensemble les petits tableaux relatifs aux échantlil- lons d’un même terrain (M. Magnien, pour la commune de Pouilly-en-Auxois, Côte-d'Or) ; d'au- tres ont cru préférable de placer chaque petit ta- bleau sur la carte même, à côté du point de pré- lèvement de l'échantillon auquel il correspond (M. Gatellier, pour les communes du canton de la Ferté-sous-Jouarre, Seine-et-Marne); d’aulres encore ont remplacé les bandes coloriées par des secteurs également coloriés sur un cercle dont le centre marque le point de prélèvement et porte le numéro d'ordre de ce point et de l'analyse (M. Waldmann, pour l'arrondissement de Pont- Audemer, Calvados). Enfin, on a aussi songé à cou- vrir de hachures parallèles, formant une sorte de teinte conventionnelle, qui se superpose aux teintes géologiques sans les faire disparaitre, les régions dans lesquelles l’analyse signale l'insuffisance de tel ou tel élément utile, que les cultivaleurs de- vront s’efforcer d'introduire par les engrais (M. Garola, pour quelques communes d'Eure-et- Loir). Ces différents essais de représentation graphique des résultals d'analyse sont intéressants. Nous nous abstiendrons ici d'exprimer une préférence entre eux, jugeant qu'il n’y a pas d'utilité réelle à chercher l'unification des procédés en celte ma- üière. Il était, au contraire, essentiel d'établir l'u- nilé dans les procédés d'analyse des terres, et de quelque importance aussi de préparer l'unité d'exécution des cartes isolées, en faisant adopter la carte géoiogique à grande échelle comme cane- vas général pour les cartes agronomiques. IV Les premiers essais de carles agronomiques communales furent présentés à la Société Nationale d'Agricullure de France en 1892; à celte occasion, une Commission, désignée pour les examiner, adopta les propositions de son rapporteur sur les règles à suivre pour préparer et pour exécuter les cartes agronomiques à grande échelle, et sur les encouragements à accorder aux auteurs des pre- miers travaux de ce genre, Depuis celle époque, un mouvement de l'opinion s'est prononcé en faveur de ces cartes et, dans l’espace de quatre ans, on ne comple pas moins de dix départements, dans lesquels des cartes agronomiques ont été exécutées. Ce sont les départements de Seine-et-Marne, de Seine-elt- Oise, d'Eure-et-Loir, du Rhône, de Saûüne-el- Loire, de la Haute-Marne, de la Côte-d'Or, de la Seine, de l'Isère et du Calvados. Le travail se con- 7170 tinue aujourd'hui sur de nouvelles communes des mêmes départements et il a été commencé dans des départements nouveaux. Tantôt les cartes, avec leurs légendes, sont pu- bliées aux moindres frais possible et mises à bas prix à la disposilion des cultivateurs de la com- mune; tantôt, afin d'éviter les frais de publication, on se borne à en exéculer à la main deux exem- plaires, dont l’un est affiché dans la mairie pour être à la portée du public et des élèves de l’école primaire, et dont l’autre est mis entre les mains du professeur d'agriculture, de l’instituteur ou encore d'un agronome de bonne volonté, qui se charge d’en donner l'interprétation pratique aux cultivateurs. Car, tel est le but final qu’on se propose d’al- teindre : donner à chacun, en se fondant sur la carte agronomique et sur les expériences de cul- ture, d’utiles renseignements sur sa terre, sur les récoltes qui peuvent y réussir et sur la nature et les doses d’engrais à y appliquer. On nous permettra de rappeler, en terminant, les conclusions de notre Rapport de 1892 à la So- cité Nationale d Agriculture : D' H. ROGER — LES INFECTIONS NON BACTÉRIENNES « On sait déjà, par les observations culturales, ce qu'il faut fournir à une terre de composition donnée, pour la mettre dans un bon état de ferti- lité. Les observations, se mullipliant aujourd’hui dans tout le pays avec des bases de comparaison uniformes, ne tarderont pas à préciser mieux en- core l'influence de la nature du sol et celle des engrais sur la qualité des récoltes dans les diffé- rentes conditions de climats. « Les cartes agronomiques bien faites, en révé- lant aux cultivateurs la composition de leurs terres et en leur permeltant, par conséquent, de savoir ce qui leur manque et ce qu'il convient de leur donner pour en obtenir des rendements plus satisfaisants, leur rendront assurément des ser- vices beaucoup plus grands qu'ils ne peuvent le» soupçonner encore aujourd hui. « Aussi est-il bien à souhaiter que de semblables cartes se multiplient, encouragées par les munici- palités, par les associations et par les particuliers, qui veulent aider aux progrès de l’agriculture en France. » A. Carnot, Membre de l'Académie des Sciences. Inspecteur général des Mines. 616,9 LES INFECTIONS NON BACTÉRIENNES RECHERCHES SUR L'OÏDO-MYCOSE Les infections constituent une classe à part dans le groupe des maladies parasitaires ; mais leurs limites sont difficiles à fixer. Il nous semble tout à fait inexact de considérer comme infectieuses les seules maladies qui relèvent de l’action des bactéries; ce serait rejeter arbitrairement de ce groupe les fièvres palustres, la dysenterie, peut- être même les fièvres éruptives, s’il se confirme qu'elles sont sous la dépendance de protozoaires ; ce serait, en tout cas, dissocier des types mor- bides bien définis : il faudrait décrire dans des chapitres différents les suppurations provoquées par les microbes et celles que déterminent les agents plus élevés, végétaux où animaux, comme l'Actinomyces, V'Oidium albicans où l’amibe de la dysenterie; on serait également forcé de scinder l'histoire des pseudo-tuberculoses, puisqu'elles peuvent relever d'agents fort disparates, Bacté- ries, Aspergillus, Strongles, etc. Or, en poursuivant des recherches sur les para- sites pathogènes, nous sommes arrivé à celte con- viction que beaucoup d’entre eux se comportent comme les bactéries el suscilent dans l'organisme envahi des réactions analogues. C'est ce que démontre, croyons-nous, l'étude de l'Oidium albicans et surtout de la maladie expérimentale que peut provoquer cette myco-levure !. Il De même que les bactéries, l'Oidium peut végé- ter à l’état de simple saprophyte dans la cavité buccale de sujets normaux ou de malades atteints d’affections diverses ; nous l’avons rencontré dans les angines scarlatineuse, herpétique, diphtérique; . il était associé à diverses bactéries el n'avait sus- cité aucune manifestation spéciale ; sans la cul- ture sur gélose, qui permellail facilement de le relrouver, on n'aurail pas soupçonné sa présence : il vivait en hôte inoffensif, attendant une dé- chéance spéciale de l'organisme pour s'élever de son rang de simple épiphyte à celui d'agent pathogène. . CRE ER 1 On sait que l'Oidium albicans se présente, suivant les M milieux où on le cultive, sous forme de filaments mycéliens ou de levures. Chez l'homme, ce végétal envahit le plus sou- vent la muqueuse buccale, où il détermine une stomatite spéciale, le auquel, surtout fréquente chez l'enfant. Son inoculation intra-veineuse provoque, chez le lapin, une maladie générale, l'Oido-mycose. AE D: H. ROGER — LES INFECTIONS NON BACTÉRIENNES 771 Inoculé aux animaux, l'Oidium se comporte d’une facon toute différente suivant la voie par laquelle on le fait pénétrer. L'introduit-on sous la peau d’un lapin, il produit un abcès local, qui a grande tendance à s’enkyster et à persister pen- dant un temps fort long. Son injection dans le périloine, même aux doses énormes de 10 et 15 cen- timètres cubes, détermine un exsudat séreux, riche en leucocytes; puis il se fait quelques adhérences ; mais l'inflammation est vite guérie. Les myco- levures sont, en effet, rapidement détruites : au bout de trois ou quatre heures, elles sont déjà presque toutes englobées par les phagocytes, qui en sont littéralement bourrés. Les inoculalions successives, sous-cutanées ou intra-péritonéales, ne semblent guère modifier les réactions de l'organisme ; chez des animaux que nous avons observés pendant plusieurs mois, nous avons constaté que l'introduction du végétal sous la peau provoquait toujours des abcès ; il n’y avait aucun degré d’immunisation. Les résultats sont bien différents et bien plus intéressants, quand les injections sont pratiquées dans les veines. Il suffit généralement d'introduire de 1à1°*,5 de culture pour amener la morten cinq ou six jours. Cependant, quand on à fait des ensemencements en série dans des milieux inertes, agar ou bouillon, l’activité pathogène diminue ; il faut alors injecter jusqu’à 4 ou 5 cent. cubes pour faire périr les animaux; mais, par des passages successifs, on rend à l'agent atténué sa virulence première, et on l'amène de nouveau à tuer à la dose de 1 cent. cube. Jusqu'ici nous n’avons pu l’exalter davantage. Les lapins inoculés avec une dose mortelle con- servent d'abord les apparences de la santé; puis ils maigrissent légèrement et présentent un cer- tain degré de parésie du train de derrière; quand ce phénomène se produit, on peut dire que la terminaison fatale est proche. Parfois, les mani- festations nerveuses sont plus accentuées, ainsi que l'avaient déjà observé MM. Linossier el G. Roux : les animaux sont pris de mouvements de manège ; ou bien ils décrivent des ares de cercle; ou bien enfin ils sont entraînés dans un mouvement de rotation autour de leur grand axe. Les lésions constatées à l’autopsie sont assez variables. Cependant, on trouve constamment des allérations rénales déjà signalées par Klemperer, à qui l’on doit la première étude sur l’oïdo-my- … cose expérimentale du lapin. Les reins sont augmentés de volume et leur surface est farcie de petites granulations tenant . le milieu, par leur aspect macroscopique, entre le tubercule et l’abcès miliaire; ces granulations, qui font une saillie appréciable, sont parfois loca- lisées à la surface; plus souvent, elles envahissent à la fois les zones corticale et médullaire, C'est dans les reins que les lésions s’observent le plus facilement ; mais il ne faut pas croire que cet organe soit le siège exclusif du parasite; celui-ci, se comportant comme les bactéries, enva- hit l'organisme entier; suivant les cas, on trouve des granulations typiques dans un ou plusieurs autres organes; tantôt ce sont les poumons qui en sont le siège, ailleurs c’est le foie, où l’on observe surtout de petites taches jaunàtres res- semblant plutôt à des infarctus qu’à des nodules; les lésions, parfois disséminées, ont une certaine tendance à se localiser autour de la vésicule bi- liaire ; dans un cas, nous avons trouvé à granu- lations sur les parois de ce réservoir ; d’ailleurs, qu'il y ait ou non des granulations hépatiques visibles à l’œil nu, l'Oïdium s'élimine par la bile, comme il s'élimine par l'urine ; les cultures faites avec ces liquides nous ont toujours donné des résul- tats positifs et, dans quelques cas, l'examen microscopique a suffi pour révéler la présence de filaments mycéliens dans le liquide que renfer- mait la vésicule biliaire, Nous avons encore trouvé des granulations sur le péritoine, dans les parois de l'intestin, notamment de l’appendice, dans la cloison inter-ventriculaire du cœur, enfin à la surface du cerveau et du cervelet. On peut donc conclure que l’Oëdium se comporte exactement comme les bactéries : injecté dans le sang, il quitte rapidement ce milieu, car les cul- tures du sang ont loujours été stériles, même lorsqu'il y avait des nodules dans le myocarde; il‘va se localiser dans les divers organes et tissus, et suscite la production de granulations ; celles-ci, surtout abondantes dans les reins, peuvent s'ob- server, on le voit, dans tous les organes. Il Quand on injecte de très petites quantités de culture dans les veines, 0® 1 à 0‘°2 par exemple, on n'observe aucun trouble appréciable. Si l’on continue progressivement les inoculations, en ayant soin de les bien espacer et d'augmenter lentement les doses, or arrive à faire supporter des quantités doubles et même triples de celles qui sont mortelles. On peut donc conférer aux animaux une résistance assez notable contre le muguet. Mais, jusqu'ici, nous n'avons réussi qu'en employant la voie intra-veineuse; nous avons constamment échoué quand nous nous sommes adressé aux inoculations sous-cutanées ou inlra- péritonéales. Il était tout indiqué dès lors de rechercher sil -1 = 19 se produirait dans le sérum des animaux ayant recu du muguet des modifications analogues à celles qu’on observe chez les animaux ayant reçu diverses bactéries. Etudiant d’abord le sérum des animaux soumis aux inoculations sous-cutanées el intra-péritonéales, nous avons constaté que le muguet se développe dans ce milieu aussi bien que dans le sérum normal; ce résultat ne doit pas surprendre, puisque, dans ces conditions, il ne s’est produit aucune augmentation de la résis- tance. Mais si on étudie le sérum des lapins vac- Fig. 1. — Aspect d'une cullure d'Oïdium albicans dans le sérum normal. — On apercoit de beaux filaments mélangés à des formes en levure, pourvues généralement d'un bourgeon terminal ou latéral‘ Le protoplasma, non homogène, présente des parties claires et des parties foncées; il est limité par une cuticule fort mince et incolore. cinés par les inoculations intra-veineuses, on ar- rive à des conclusions bien différentes. Prenons une culture développée dans du sérum normal et semons-en une trace, soit le contenu d'une anse de platine, dans deux tubes contenant l’un du sérum normal, l’autre du sérum de vacciné. Au bout de 24 heures le développement est très abondant dans le sérum normal : les deux tiers inférieurs du liquide sont remplis de flocons épais et serrés. Dans le sérum du vacciné, l'aspect est bien différent : tantôt on voit quelques flocons occupant le fond du tube, tantôt on pourrait croire, au premier abord, que rien ne s’est développé; le liquide est resté complètementelair; cependant, au fond du tube, on trouve un amas de petits grains qui ont un grande tendance à s’agglutiner de fa- D' H. ROGER — LES INFECTIONS NON BACTÉRIENNES çon à former parfois une masse unique ; si lo agite le liquide, ces grains se dissocient et se dis persent, mais ils sont peu nombreux; la culture outre son aspect spécial, est donc assez pauvre. Le jours suivants, le développement s’accuse un peu plus, mais il reste, longtemps ou toujours, infé= rieur à celui du témoin. Le pouvoir végétatif de l'Oidium s’'affaiblit telle ment dans le sérum de l'animal vacciné que si, a bout de quatre ou cinq jours, on réensemence ave celte culture un nouveau tube du même sérum, L liquide reste stérile. On ne peut donc continuer la série ; elle s'arrête au deuxième terme, et cepen- dant, dans quelques cas, nous avions fait des ense= mencements relativement considérables : 0,01 à 0°°,02 dans 3 ou 4 cent. cubes de sérum. Pour déterminer à quoi est dû l'aspect si diffé= rent des cultures, il suffit de pratiquer un examen microscopique. Au bout de 24 heures, le sérum normal renferme (fig. 1) de beaux filaments mélangés à des formes en levure; celles-ci, pourvues parfois d’un bour- geon terminal ou latéral, sont constituées par une masse de protoplasma vivement colorée par lebleu de méthylène et limitée par une culicule incolore fort mince qui lui forme un double contour; le pro- toplasma, loin d'être homogène, présente des par. D' H. ROGER — LES INFECTIONS NON BACTÉRIENNES 1173 ties claires et des parties foncées, des vacuoles presque incolores, parfois des grains pigmentaires. Ainsi constituées, ces levures sont libres, isolées ou réunies par deux ou par trois: mais, même dans les cas d’adhérence, on reconnait que chaque élément a une individualilé propre; les cuticules sont bien:distinctes, il y a simple accolement et non fusion avec les éléments voisins. Les formes filamenteuses diffèrent des précé- dentes par le développement plus considérable de la cuticule, par la quantité plus faible du proto- plasma el son afli- nité moindre pour les couleurs d’ani- line; par place ce protoplasme fait dé- faut, de sorte que les filaments sont segmentés par des espaces clairs. Ces filaments sont indi- vis, ou ramifiés, ou munis debourgeons latéraux ayant la forme de levures. Si on examine la culture développée dans le sérum des vaccinés,on observe (fig. 2) des aspects bien différents, sur- tout quand la pré- paration est main- tenue simplement dans l’eau, car le baume éclaircit trop les cuticules et rend impossible l'étude de certains détails. Cest d’a - près des prépara- tions montées dans l'eau, qu'ont été faites, à la chambre claire (obj.!/,,; oc. 3, Leitz), les figures 1 et 2 ci-jointes. Envisageons d’abord une levure isolée : le proto- plasma est coloré comme à l’état normal : il a le même aspect et les mêmes dimensions.Seulement, il est entouré d’une masse incolore, hyaline, quel- quefois légèrement striée, dont les bords sont si- nueux, mal délimités, dont la largeur est de cinq à dix fois plus considérable que celle de la cuticule normale. Les éléments sont rarement isolés; ils sont réunis par deux, par trois, plus souvent en amas volumineux, où l’on compte de dix à trente masses protoplasmiques. ILest facile de se convaincre qu’il s’agit là non d'un simple accolement, mais d’une vacciné. — Les éléments cuticule fort épaisse. Fig. 2. — Aspect d'une cullure d'Oïdium albicans dans du sérum de sont réunis en amas volumineux et entourés d'une masse hyaline incolore; les filaments sont égale- ment constitués par une masse protoplasmique entourée d'une fusion des cuticules, de la formation d’une vraie zooglée. Les masses protoplasmiques apparaissent comme encastrées dans une gangue transparente, hyaline, amorphe ou présentant encore des stries qui esquissent une légère séparation entre les divers éléments fusionnés. Quant aux filaments, ils sont constitués également par une masse pro- toplasmique entourée d’une eulicule fort épaisse: par places, ils sont intimement unis à des levures, isolées ou agglutinées ; ailleurs, une de leurs extré- mités vient se perdre au milieu d’un amas de levu- res,avec lequel elle semble fusionnée. Cet agglutine - ment des éléments végélaux, qui expli- que parfaitement l'aspect spécial des cultures, peut s'ob- server quand on fait agir sur les myco- levures normales le sérum des vaccinés. Il faut prendre une culture sur agar, datant de 24 ou 48 heures; on prélève une pelite quantité de l’enduit crémeux qui a poussé el on le mélange avec du sérum normal ou avec du sérum de lapin vacciné; en examinantdetemps en temps les deux échantillons , voie ce qu’on observe : dans le sérum nor- mal, les cellules, quelle que soit la durée de l'expé- rience, conservent leur aspect habiluel; au contact du sérum de l'animal vacciné, la membrane d’enve- loppe, au bout de 10 à 15 minutes,commence à se distendre, puis elle finit par prendre l’aspect d’une couche hyaline ayant de trois à quatre fois l’épais- seur normale; en même temps les éléments ten- dent à s’accoler et à former de petits amas. Les résultats sont donc semblables à ceux qu’on obtient en pratiquant des cultures dans le sérum des vac- cinés, mais ils sont moins nets ; les modifications sont plus légères, ce qui se comprend facilement; le séruta a moins d’action sur les éléments adultes qu'on y plonge que sur les éléments jeunes qui s'y développent. em] er qe III Pendant longtemps, se basant sur les résultats de la clinique, on avait considéré l'Oidium albicans comme un simple épiphyle, pullulant sur les mu- queuses malades, incapable d’envahir l'organisme. Cette conception n’est même pas vraie ‘chez l'honime, car le parasite pénètre plus profondé- ment qu'on ne l'avait cru tout d'abord, dans l'épaisseur de la muqueuse qu'il a envahie; il peut atteindre les vaisseaux et, dès lors, il devient capable de produire, par embolie, des lésions à distance. Zenker, le premier, a signalé la possi- bilité de ces faits ; il a trouvé, dans l’encéphale d'un enfant atteint de muguet bueco-pharyngé, de pelits abcès renfermant le parasite; nous avons oblenu la même localisation chez les ani- maux par inoculation intra-veineuse d’une cul- ture d'Oidium. De même Schmorl a retrouvé chez l'homme la lésion qu'on observe toujours dans les inoculations expérimentales, c'est-à-dire les abcès miliaires des reins. Si ces faits, auxquels on en pourrait ajouter plu- sieurs autres, sont encore rares et jusqu'ici isolés, c'est probablement parce qu’on n’a pas systéma- tiquement recherché le muguët dans les viscères; la fréquence des thromboses, observées 5 fois sur 38 cas par Heller, donne un appui solide à cette hypothèse. Pour nous borner à la maladie expérimentale, plus facile à étudier, nous voyons qu’elle pré- sente des analogies étroites avec les maladies bac- tériennes et qu'il serait véritablement irrationel de ne pas classer l’oïdo-mycose dans le groupe des infections : elle ne diffère pas plus desinfections bactériennes que celles-ci ne diffèrent entre elles. Ilest bienévident, en effet, qu'on ne peutenglober dans une formule unique le mode d'action des di- verses bactéries; quand on veut s'élever à des con- sidérations de pathologie générale, on n'arrive le plus souvent qu'à des conclusions applicables à cer- lains groupes de microbeselnon à tous.Nousn’'avons donc pas à comparer l’oïdo-mycose à une infection bactérienne schématique; il nous suffit de recher- cher si elle ressemble à quelque infection bien dé- terminée. Or, par les lésions qu’il provoque chez les animaux, l'Oidium se rapproche surtout des mi- crobes pyogènes et particulièrement des staphy- locoques. Dans les deux cas, en effet, l'inoculation sous-culanéeest suivie de la formation d’un abcès; la seule différence porte sur la rapidité de l’évolu- Lion ; encore est-il que ce caractère n’est pas absolu, car, chez l’homme au moins, le staphylocoque est capable de provoquer des suppuralions lentes et torpides. Injecté dans les veines, le staphylocoque amène, comme lechampignon du muguet, la produc- D' H. ROGER — LES INFECTIONS NON BACTÉRIENNES tion d’abcès miliaires: l’analogie se poursuit même dans la localisation, puisque les abcès à staphy- locoques ne s'observent souvent que dans les reins ; ailleurs, les pvogènes envahissent d’autres organes, notamment le myocarde, le foie, les pou- mons, le cerveau, et nous avons montré quel’ Oidium estcapable dese comporter dela même facon. Enfin, si l'introduction de staphylocoques dans la cavité abdominale est souvent suivie d’une péritonite suppurée et si ce résultat ne s’observe jamais avec le muguet, il ne faut pas exagérer la différence; car on sait que le péritoine est beaucoup moins sensible qu'onl’avaitcru autrefois; pour provoquer une inflammation suppurative, il faut injecter de fortes doses de cultures très virulentes L'Oïdium se comporte done comme un staphylocoque atténué. Continuantnotre comparaisonavec lesinfections, nous voyons qu'on peut vacciner contre l'oïdo- mycose, comme on vaccine contre les affections bactériennes; c'est ce qu'on obtient par un des procédés couramment employés en bactériologie : les inoculations prolongées et répétées de pelites doses. Il est évidemment impossible de dire si l’on réussira avec les produits solubles: mais avant de répondre négativement, il faudra se servir de divers milieux de culture, etnotamment de milieux d’origine animale, sérum ou liquide d'ascite. Il faudra rechercher aussi siles principes vaccinants ne se trouvent pas plutôt dans le protaplasma de l'Oïdium, comme c’est le cas pour certaines bacté- ries, que dans les substances dissoutes. Quelle que soit la solution à intervenir sur ces dif- férents points, il reste d'ores et déjà acquis que chez les animaux vaccinés contre l’oïdo-mycose, il se produit dans le sérum des modifications ana- logues à celles qu'on observe chez les animaux vaccinés contre les bactéries. Dans les deux cas, le sérum est devenu microbicide: il entrave et affaiblit le développement de l'agent pathogène; les éléments qui prennent le dessus sont modifiés dans leur aspect et présentent une tendance re- marquable à s’accoler et à se réunir en amas. Or, le sérum des animaux vaccinés contre les bactéries peut exercer une aclion semblable : dans une note publiée en 1889, avec M. Charrin, nous annoncions que les bacilles développés dans ces conditions sont souvent réunis en chaïnelles, qu'ils ont une grande tendance à s'agglutiner : au lieu de nager librement, comme les bacilles normaux, ils s’en- chevêtrent et forment de petits amas: c’est ce qui explique l'aspect spécial des cultures, qui res- tent claires, les amas de bacilles gagnant le fond. des tubes. Nos résultats, confirmés et complétés par. Metchnikoff, Gruber, Bordet, Widal, peuvent done être étendus à des parasites plus élevés que les bactéries. Mais les recherches sur l’oïdo-mycose A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 715 permeltent de préciser le mécanisme du phéno- mène. En étudiant l’agglutinement des bacilles de la fièvre typhoïde et du choléra, Gruber avaitémis l'hypothèse que le sérum des vaccins contenait une substance agglutinante, qu'il appelait glabrine ou glabrificine et qui aurait la propriété de gon- fler la cuticule des bactéries. Celle assertion n'a été acceptée qu'avec une certaine réserve, car il est difficile, sinon impossible de la vérifier avec des organismes aussi petits. L'élude devient aisée quand on s'adresse à des parasites relativement volumineux, comme l'Oidium; on peut alors étu- dier facilement l’action du sérum qui, effective- ment, gonfle la cuticule en laissant le protoplasma intact, et semble rendre cette cuticule visqueuse et adhérente, ce qui explique la cohésion des éléments et leur disposition en zooglée. IV Telles sont les analologies qu'on peut relever ac- tuellement entre l’infection oïdo-mycosique et les infections bactériennes; si des recherches ulté- 540,4 REVUE ANNUELLE Les sciences subissent les effets de l'action et de la réaction. Elles cèdent plus ou moins vite aux conditions nouvelles des progrès démontrés ou se laissent simplement entrainer par une idée en vogue. Pendant des années la Chimie minérale comptait seule, puis les immenses succès obtenus par la Chimie organique, alors jeune, firent con- sidérer la première comme finie et lui enlevèrent, en tout cas, le nombre. Aujourd'hui les travaux de Ramsay, de Moissan, des physiciens et ceux de la - grande industrie, qui posent sans cesse des ques- tions sur la matière inorganique mise en œuvre, donnent une vie nouvelle à la Chimie minérale. L'orientation actuelle des recherches permet- elle de préjuger l'avenir de notre science? Peut- êlre sera-t-on curieux de savoir ce qu'en pensent aujourd'hui bon nombre de chimistes. Jetons un rapide coup d'œil sur quelques-uns des pro- blèmes qui semblent les allirer le plus. La Chimie physique entraine la majorité des esprits chercheurs: c'est elle qui touche de plus près aux vérilés profondes, c'est elle qui nous livrera lentement les lois capables de changer tous nos systèmes et nos formules. Mais, par son im- porlance même, ce genre de Chimie est le plus _ abstrait et le plus mystérieux qui soit; les meil- leures intelligences ne peuvent, pendant les courts instants d’une pensée créatrice, arriver à la con- tention et à la comparaison de tous les grands rieures nous montrent des différences, ce ne sera pas une raison suffisante pour rejeter l'oïdo- mycose du groupe des maladies infectieuses: car la notion de l'infection n’a pas été éla- blie sur des bases étiologiques ou pathogéni- ques; elle a sa raison d'être dans la clinique, c’est-à-dire dans les modalités réactionnelles de l’organisme atteint. Or,— tous les faits que nous avons rapportés le démontrent, — l'organisme se comporte vis-à-vis de l'Oidium comme il se com- porte vis-à-vis des bactéries; si cette assertion trouve déjà un appui dans les altéralions analo- miques, observées chez les animaux, elle nous semble mise hors de doute par les modifications survenues dans le sérum ; l'organisme, attaqué par des procédés analogues, se défend par les mêmes moyens ; nos recherches permettent donc de géné- raliser, encore plus qu’on ne l'avait fait jusqu'ici, la doctrine humorale de l'immunité acquise. D° H. Roger. Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, Médecin de l'Hôpital de la Porte d'Aubervilliers. DE CHIMIE PURE faits connus. Devant cette impossibilité, on recourt aux représentalions mathématiques. Ces repré- sentations sont le plus souvent parfaites dans leurs méthodes et dans leurs résultats; mais, dans l'application à ce qui est profondément inconnu, on ne peut faire que les mathématiques découvrent des vérités dont on ne leur à pas confié les élé- ments. L'homme le mieux doué pose mal le pro- blème qu'il ne comprend pas. Si ces problèmes pouvaient éfre mis correctement en équation, on aurait l'espoir de les résoudre. Mais, dans l’état d’ignorance où nous sommes, on se trouve fatalement réduit à introduire de nombreuses constantes, à négliger des lermes, à appliquer des hypothèses... La mise en équation n'est peut-être plus en tout point correcte; on se console cependant parce qu'elle conduit à wnesolu- tion; mais c'est un arrêt temporaire du progrès de la science quand de telles solutions s'imposent pendant des années à de bons esprits comme une démonstration scientifique. Bien des travaux se font dans ce sens qui prennent du temps el con- duisent à des théories contradictoires, destinées à l'oubli. Il y a lieu d’espérer, pour cette belle science la Chimie physique, qu'elle se livrera de plus en plus à la recherche de phénomènes nouveaux et de constantes précises. Cela est lent, comme tout travail fructueux, mais laisse une véritable trace 716 dans le savoir, ainsi que le montrent les recherches de Lippmann, Amagat, Rüntgen, etc. dans la science de la matière. Les théories proposées après la mise au jour des faits expérimentalement établis par ces savants s'accordent tout naturellement avec la réalité des choses. Ce qu'on fait azwnt n’est que conjecture. Or, la renaissance de la Chimie minérale est propre à donner à la Physico-Chimie les bases de calcul que celle-ci ne peut improviser, à mettre la pensée humaine en contact plus intime avec le monde réel qui nous environne. Par les corps simples, par les combinaisons, elle pénètre autant que possible les secrets que l'homme cherche. Elle est la première à frôler cette nature des choses dont on écrit depuis les Grecs et que la Physique s'efforce de saisir. Dans sa période d'évolution, la Chimie organique, avec ses réalités de substitution, de transport des groupes, d'isomérie, de symétrie, a joué un rôle incomparable et d'une double portée, car elle se trouve placée entre la nature physique et la vie, qui en dépend, mais qui reste un autre monde lente- ment accessible, lui aussi, à la science. Toujours il faudra apprendre la Chimie organique comme la Géographie ou l’Anatomie, bien que ce soient des sciences achevées dans leurs grandes lignes. Mais la Chimie organique théorique a l'espoir de renaître si la Physico-Chimie lui donne une nou- velle connaissance d'elle-même, d'autres lois et d’autres formules. De la Chimie biologique peuvent lui venir aussi de nouvelles idées sur l’évolution de ses composés. En attendant, les substitutions, les condensations, les constitutions planes ou so- lides et même les synthèses émeuvent moins l'opinion, qui ne voit là que des cas particuliers de principes déjà posés. Ce sont des exercices, des sujets de thèses. Devant une science faite quant à ses méthodes et à sa topographie moléculaire, au moins appa- rente, se dresse la Chimie biologique, dont on ne connail le domaine ni de surface ni de fond, mais où l’on sent l'importance et la variation infinie des actes de la vie. C'est bien là un monde à part, dont les derniers constituants chimiques, trop grands, dit-on, pour être stables, reçoivent sans cesse la matière qui leur est alibile, la modulent à leur facon et la rejettent sans cesse par fragments va- riés comme des déblais. C’est la chimie des espèces vivantes. Et dans l'individu d’une espèce, c’est encore la chimie, sans cesse mobile, de l’hérédité, de l'habitude, de lamaladie etdela santé. Avec nos coulumes invéterées de constantes géométriques, calorifiques, elc., définissant l'espèce chimique, il est diflicile de prédire de notables progrès à une partie de la science où l'espèce est à l’état de A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE dynamisme constantet rappelle plus l'esprit d'un équation différenlielle que la forme fixe d’un cris= tal. Pasteur, A. Gaulier, Bouchard et E. Fischer, chacun à son point de vue, ont signalé dans ceb ordre d'idées une Chimie à venir, quise confondra avec la vie et la reliera de plus en plus avec les autres grandes questions de la Chimie générale eb de l'Energie. Avec le temps, l'idée un peu étroite de Chimie pure et autonome s'efface. Dans le domaine de la théorie, la Physique et la Biologie s'y mêlent: L'application aux Artsindustriels et à l'Agriculture commence d'autre part à fournir à la science une masse imposante de documents de premier ordre: Si la science, par sa méthode de recherche avide de vérité pesée et vue, par l'immense répertoire de ses documents classés et par ses hommes capables de les lire, est le cerveau de l'Industrie, cette dernière devient de plus en plus le laboratoire de la Science. Les conceptions scientifiquesne peu- vent subir dans les laboratoires actuels qu'une pre- mière épreuve. La colonne à rectifier l'alcool ou la cornue Bessemer sont des applications de la, Science, mais, seule, l'organisation industrielle à pu les éprouver et les faire ensuite concourir au progrès des connaissances scientifiques. A cette segmentation de la pensée dans une seule science correspond un mouvement nouveau . dans la façon de l’exprimer. Le journal de chimie se modifie. Les Allemands, écrivant longuement, publient depuis quelque temps un journal de Chimie organique, un autre de Physico-Chimie, un d'Electrolytique, un d’Analytique, un de Techno=" logie, un d’Inorganique, un de Chimie minéralo- gique, etc. Celui qui croirait à la nécessité de ces publications pour se tenir au courant de la science ne devrait plus quitter son logis. Par bonheur, ce sont là des répertoires de librairie qui n'ont rien « d'obligatoire, mais restent des musées de docu- ments. L'Angleterre, avec deux bons journaux mensuels de Chimie, très courts, mais très bien. faits, possède à l'heure présente le meilleur instru- ment d'information chimique en tous genres qu'on connaisse; ce sont : Zhe Journal of the Chemical Society et The Journal of the Society of Chemical Industries. I. — CHIMIE PHYSIQUE. En Chimie physique, la théorie des solutions et des ions éprouve, au contact de l’expérience, des résistances sérieuses. MM. K. Ragosky et G. Zam- man !, très qualifiés en ces questions, commencent à prendre en grande considéralion la théorie des molécules d'hydrates présentes dans les solutions. 1! Zeitschrift für physikalische Chemie. A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE Ce retour à une théorie que je n’ai jamais pu con- sidérer comme surannée, ayant beaucoup manié les solutions, ne me parait pas surprenant. Il est bien difficile de penser que ce qu'ont dit à ce sujet les plus éminents chimistes du commencement du siècle soit complètement nul. Pas plus, on ne peut croire qué la théorie édifiée depuis dix ans par une autre généralion puisse passer sans laisser sa trace ; mais il faudra préciser la Lhéorie. Les au- teurs précités reconnaissent que ce qui est relatif aux hydrales dans les solutions est, en général, inconnu. Selon l'opinion courante, une solution “contient : des ions posilifs et des ions négatifs, des molécules salines intactes, parfois des molécules de sel basique avec de l'acide libre et les ions cor- respondants, enfin des molécules de divers hydrates qui réapparaissent. Dans un liquide transparent, plus de douze sortes de molécules pourraient se trouver sans qu'on puisse le savoir etencore moins compter le nombre de molécules de chaque espèce. Dans ces conditions toule théo- rie, toute formule faisant intervenir les facteurs d'ionisation, d’hydratation et de basicité semblent bien prématurées. Même dans les cas simples où l'ionisation semble certaine, — comme pour le sel marin, où Lant de mesures ont été failes, — sait-on s'il n'y a pas d’'hydrates? M. Haargraves nous apporte à ce sujet d'inté- ressantes observations : occupé depuis longtemps à réaliser la décomposition industrielle des solu- tions de chlorure de sodium, il a inventé une nou- elle pile dont on parle fréquemment !. Dans cette pile, ou cellule électrolytique à décomposition, une desélectrodes, — la moins susceptible d’être détruite, — plonge pleinement dans le liquide ; de l’autre côté du diaphragme, et lui étant tangente, autre électrode touche seulement la surface du liquide. C'est la théorie particulière que M. Haar- graves professe à l'égard de l’électrolyse et de l'ionisalion qui l’a conduit àimaginer ce dispositif. Selon lui, il n’y aurait pas migration des ions en tous sens. Dans une solution métallique le sel est décomposé par le courant, les ions mélalliques sont projetés à travers le diaphragme comme des balles et vont Lous à la cathode. Les débris de la molécule restent là où elle s'est rompue et n'ont pas à traverser le diaphragme, ils corrodent l'anode. Tout ce qu'on a cru voir relalivement au croisement des ionsserait dû à la porosilé excessive des diaphragmes. On doit loujours avoir une . charge d’électrolyte lendant à traverser un dia- phragme peu poreux dans le sens du courant. Il con- vient de remarquer que la pile construite d’après celte hypothèse donne d’excellentsrésultats. | Journal of (he Society of Chemical Industries, 1895. IT. — CnIMIE MINÉRALE. La découverte de lArgon et de l’Hélium, qui a causé une si profonde surpriseen 1894, a provo- qué de tous côtés des recherches auxquelles la singulière inertie de ces corps se prête peu. Lord Rayleigh etle Prof. W. Ramsay ont réuni, dans leur mémoire complet ‘, tout ce que d'ici long- temps peut-être on saura d’important sur ce sujel. Peut-être n'est-il pas inutile d'extraire de ce mé- moire déjà célèbre quelques chiffres relatifs aux points de fusion et d’ébullition des anciens gaz permanents : RrAVOROSEN EME EEE Bout à 2430 Fond à — EYAZOLE ASE ER ee era 1940 2140 L'Oxyde de carbone....... 1900 2079 BEEN restent 1870 189°6 MPOxyréneROS Er rer 18207 — Le Bioxyde d’azote AzO... 15306 16700 LeMéthane rm epre 16%9 10508 Je n'insisterai pas sur le mémoire, déjà exposé dans divers articles de la Revue; mais il faut indi- quer ici quelques additions aux recherches qu'il résume. M. Langlet a préparé 100 cent. cubes du gaz Hélium tiré de la clévéile où l'avait précédemment découvert M. Ramsay; il a pufaire des mesures précises sur un gaz exempt d'hydrogène, d'azote et d'argon, comme le montrait son spectre. Le gaz avait élé préparé, en effet, parle magnésium ; or MM. Troost et Ouvrard ‘ ont montré que ce métal peut absorber d’abord l'azote, puis l’argon. L’hé- lium préparé par M. A. Langlet a conduit au poids atomique — 4. La molécule contient un alome. C’est là une confirmation de mesures. L'argon et l'hélium continuent à préoccuper les chimistes au point de vue de la classification. Le poids atomique 40 coïncide avec celui du calcium, ce qui fait bien des métaux jumeaux dans la clas- sification de Mendeleef, quine peut recevoir da- vantage l’hélium entre H — 1 et Li = 7. La classi- ficalion continue des corps simples par ordre croissant de poids atomiques de Chancourtois et de Mendeleef, débordée par bien des fails inat- tendus, commence, après une carrière fertile en succès de bon aloi, à paraitre d’un autre lemps. Aujourd'hui les chimistes s'efforcent de laisser en ces matières à leur esprit et aux surprises des dé- couvertes plus de champ que n'en permettent des classificalions (rop serrées. D'ailleurs, les corps simples possèdent plusieurs degrés de combinaison ou atomicités. L'idée d'une alomicité fixe pour chaque mélal ou chaque série 1 J'hilosophical Transactions, 1895, t, 186. 2 OcszewskY, Phil. Mag. (5) t.40. Postérieur au mémoire 3 Zeitschrift für organische Chimie, t. 10. 4 Compl. Rend. t. 121, p. 394. 1 1 do est bien affaiblie. En cherchant bien, on est arrivé à trouver aux éléments plusieurs oxydes qui, tous, malgré une stabilité plus ou moins grande, ont droit à l'attention et peuvent engendrer des com- posés considérés comme caractéristiques, Lels que les aluns. De l'atomicité que l'élément revêl dans chaque cas dépendra finalement aussi l'iso- morphisme. L’isomorphisme est un fait, mais quelle est sa signification ? A. Piccini !, en traitant des quantités calculées de Ti(OH}', d'acide sulfurique et de sulfate de eœ- sium par lélectrolyse, a réduit l'oxyde tilani- tique en composés de Ti? X5, déjà bien connus, et aussilôt il s'est déposé de l'alun cubique de li- tane : Ti2(S04)8Cs(SOi)+21H20. alors que Ni, Co, n’ont pas encore laissé voir d'alun, bien que réputés voisins du fer. Ti, éloi- gné de celte série, en donne comme Fe. Quelle atomicilé ont aussi les mélaux mono- atomiques? On s'est peu appesanti sur Na° Cl], mais divers corps se sont montrés moins que monoalo- miques par rapport au chlore. Ce sont des questions que l’on voit avec plaisir se poser. Elles nous sor- tent la pensée du cercle de nos idées faites et la dirigent là où il y a plus de science à acquérir. M. Guntz ? a décrit la préparation circonstanciée du composé Li? CI. La combinaison définie Li H se fait aussi avec facilité. Ce sont des corps stables dont l’altomicité est mal aisée à définir. Plus claires se font nos connaissances relalives au phosphore. Les acides polymétaphosphoriques de Fleilmann donnaient, il y a quelques années, l'impression de quelque chose de peu certain : au lieu du sel de sodium PO* Na, on avait des ions de (PO*" et Na, comme celase dirait maintenant. Mais Tilden etBarnet* ontpu mesurerla densité de vapeur des acides phosphorique et phosphoreux : on ne doit plus écrire ces formules P?0ÿ et P*0*: ces sa- vants ont montré que, dans notre système de for- mules, on doit écrire P‘0!!° pour l'acide phospho- rique anbydre, et P‘O5 pour l’anhydride phospho- reux. Selon eux, la molécule de phosphore qui re- coit l'oxygène n'est pas disloquée, comme cela arrive pour le chlore: le phosphore garde l'état qu'il possède sous forme de gaz, et c’est autour d'une construction analogue à celle des schémas organiques que se font les fixations d'oxygène et les divers acides phosphoriques. La molécule est représentée par : Lu: —=P—P= 1 Gazella chimica Ilaliana, t. 25, p. 542. ? Comptes rendus, 1895, p. 945 et 1896, p. 244. 3 Chem. Soc., mars 1896. A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE En additionnant et intercalant O, on arrive au formules cherchées, par une sorte de jeu d’éeri- tures. L'atomicilé n’est pas un mot. C’est le fait tou jours observé de la combinaison définie selon de proportions diversement réglées. Mais nous ne connaissons aucune explication plausible de ce phénomène, qui souvent se manifeste énergique, mais peu varié, dans le cas des poids atomiques faibles, ou bien apparait débile, mais complexe, dans le cas des grands poids atomiques. A ce sujet, un grand fait se dégage de plus en plus des re- cherches de ces dernières années, et je pense qu'il mériterait de voir ses manifestations assemblées discutées et étudiées : ce fait est l'influence non des infiniment petits, le mot serait impropre, mais des très petits, des microplasmes ou chimi-ons en quelque sorte. Une élude persévérante des aciers a permis de voir l'influence chimi-onique de quan- tités de carbone, silicium, phosphore telles que 0,02. On dose cela dans la métallurgie afin de pouvoir à volonté faire un acier ayant des pro- priétés demandées. Cette dose rapportée aux poids atomiques donnerait une formule C' Fe!-000-000, Quoi qu'il en soit de cette formule inadmissible, le rapport d'un atome de carbone à un million d'atomes de fer reste un fait. Y a-t-il bien des atomes pour que de telles actions se manifestent? Cela se peut admettre s'ils ont de grandes vitesses permettant l’action du carbone sur un défilé d'un million d'atomes de fer. Quelles que soient les di- mensions äbsolues de ces atomes, elles sont à peu près du même ordre, et le rapport reste. L’acier est formé de grains visibles au microscope; mais ces grains, provoqués par le carbone liquide, puis forgés, sont assez grands pour contenir tous les chimi-ons, ou ceux-ci ont provoqué leur formation. On a dit que le carbone acière par son faible vo- lume moléculaire, qui lui permettrait de se loger entre les atomes de fer; mais d’autres corps acièrent dans certaines conditions. N'est-ce pas un trouble qui se répercute au loin dans le mouve- ment habituel des atomes de fer que le mouve- ment spécifique du chimi-on apporte? En effet, une trace d'impureté, la même, n’est pas désignée pour toutes ces actions. De cette trace, il ne faut ni trop ni trop peu. Sans trace de carbone, on a du fer doux non élastique; avec 4°/, de carbone, on a de la fonte qui se brise. Souvent aussi ces traces s'entravent, s'annulent. Les cas les plus ostensibles de ces faits sont, outre celui de l’acier : l’électro- lyse de l’eau plus anciennement connue, l'influence de traces d'humidité dans les gaz sur leur action nulle ou positive, l'incandescence des terres rares, la coloration des rubis et des saphirs par des lraces de chrome, enfin le rôle de dix-millièmes d'iode A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE dans la glande thyroïde..…., et tant d'autres ac- tions. L'incandescence des terres rares est un phéno- mène des plus importants aujourd’hui. Une réac- tion de chimi-ons — il est commode de dire provi- soirement ainsi — a élé découverte par Maller, disent les uns, par Auer de Wellsbach, disent les autres. Toujours est-il que l’oxyde de thorium pur chauffé ne donne pas de lumière, à moins qu'il n'ait élé additionné de quelques millièmes de cérium. C'est sur ce principe qu'est basé le bec Auer, que tout le monde connait. Aujourd'hui, les terres rares se trouvent par lonnes; sice nom de ares leur reste, cela sem- blera bientôt étrange. Ces terres sont un mélange d’oxydes nombreux dont peu ont encoreélé séparés. M. Demarcay, sous le nom de Ë, a décrit récemment un nouveau corps simple dans ces milieux. Mais, landis que, généralement, dans ce cas, la décou- verte consiste dans l'observation de quelques bandes d'absorption ou de raies spectrales, — M. Demarcay, par une méthode à lui personnelle, est arrivé à isoler des quantités notables de sel cristallisé pur de ce métal x. Parmi les récents travaux Ge M. Moissan, se trouve la production de l'uranium afliné, ce métal singulier qui a la propriété de produire à froid des étincelles pour un léger frottement. L'’uranium a été produit par kilogrammes. Depuis les mémo- rables travaux de l’auteur, qui, en quelques années, a métallisé presque tous les anciens oxydes réfrac- taires, bien peu d'éléments connus nous manquent pour qu'on en puisse maintenant réunir la collec- tion complète sous forme simple. III. — CuiMIE ORGANIQUE. Bien souvent nous avons tous, chimistes, lieu de nous plaindre du manque de livres récents. Dans une science qui crée chaque année des cen- laines de composés, le livre doit se renouveler ou se réédiler avec corrections. Il serait nécessaire d'être indulgent pour les livres sans cesse rema- niés, car à la belle ordonnance du livre il faut préférer les dernières nouvelles. Les chimistes se plaignent d'eux-mêmes : car ils font peu de livres. Deux heureuses exceptions sont à signaler celte année par l'apparition d'ouvrages dogmatiques complets : de M. Lefèvre sur les matières colo- rantes, et de M. Béhal sur la Chimie organique !. Dans cetle science la question des terpènes et des camphres s'enrichit chaque jour de faits d’ex- périence, mais elle est bien loin de s'éclaircir. Sans doute on pourrait l'exposer en entier et clai- 1 M. Prud’homme et M. A. Haller ont rendu compte de ces ouvrages dans la Revue du 30 mars et du 30 avril 1896, 119 rement d'après Baeyer, Willach ou Bredt; mais ces savants ne sont pas d'accord. Faut-il ajouter que Tiemann et son élève Semmler, qui ont une expé- rience sans rivale dans l’anatomie des molécules végétales, sont en opposition flagrante avec Wil- lach? Il continue à s’écrire autant de formules ter- péniques etcamphoriques qu'il y a d'auteurs. Il faut bien penser que nous ne savons encore rien d’in- conlestable sur ce grand chapitre de la Chimie. Toutefois, pour satisfaire aux exigences d’un plus grand nombre de faits connus, la plupart des au- teurs compliquent leurs formules schématiques : on ne se sert plus de l’ancien hexagone de Kekulé intact : l'essence de térébenthine, où pinène, est, selon Tiemann et Semmler : (CH5}2 — C CH— CH? | Se | (CHE — CC ————— C———— CH et le camphre ordinaire devient : (CH)? — C——CH— CH? | CH? | (CH)H — C— CH ————CO Mais, les idées de Bredt en cettematière méritent considération. En partant de l'acide camphocar- bonique de Haller, provenant du camphre droit, à l’état de sel de chaux, Bredt a fait, par la méthode classique de Piria, une synthèse partielle du camphre, en même temps que M. Haller la réalisait lui-même. Tout se passe comme dans la distillation sèche de l’acétate de chaux donnant de l’acétone, ella formule du camphre est, pour Bredt : CH2—— CH CH: CH5—C-CHS CH? ASE ASS SE dus Semmlerrépugne à voir, dans les huiles essen- tielles parfumées de la Nature, des hexagones : il est partisan des chaines ouvertes pour les dérivés oxyterpéniques. Ne devons-nous pas penser cepen- dant que la Nature n’a pas horreur des chaines fer- mées, puisqu'elle fait, entre autreschoses, la vanille, le girofle, l’anis, etc., que nous tenons tous pour cycliques. ILest heureux que les chimistes écrivent des for- mules comme thème à recherches, pourvu qu'ils ne les tiennent pas comme définilivement bonnes ou démontrées fausses: la formule adéquate à la na- Lure estencore le secret d’un aveuir lointain. Ainsi, Baeyer hésile entre deux formules de pinène, el celle qui lui parait la plus vraisemblable est : ! Berichle 1896, p. 119. A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 780 CH | HC CH / CHS—C HEC CH? H Il faut attendre que ces questions se simplifient, soit par l'étude même des terpènes, soit par ces annexes à la série qui sont précisément les alcools ou aldéhydes de Tiemann et Semmler. Sur ce point une importante série de travaux est en cours : C’est la question du parfum des fleurs et de diverses plantes. Après les premiers travaux de Semmler, la maison Schimmel, qui centraliseà Leipzig toutes les essencesconnues, à pu livrer aux chimistes des huiles essentielles, de nom et d'ori- gine certains. Depuis lors, les laboratoires de Schimmel même, F. Tiemann et ses collabora- teurs en Allemagne, enfin Barbier et Bouvault en France, se sont occupés de fixer la composition des composés odorants et la constitution de ces corps ‘. La série de la benzine avait jadis reçu le nom de série aromatique, parce que cerlains par- fums tels que le girofle en étaient des dérivés directs. Mais presque tous les parfums qu’on pourrait dire firs, comme ceux de la rose, étaient inconnus. On sait aujourd’hui que les essences les plus nombreuses contiennent : du citronellal, ou son alcool, le citronellol; du rhodinol, du renniol, du geraniol, de la pulégone... Peut-être quelques noms font-ils encore double emploi, car il n’est pas aisé de faire l’analyse immédiate de ces corps toujours mêlés de terpènes. Les aldéhydes s’en- lèvent par les bisulfites ou les réactions qui leur sont propres (hydrazones el semicarbazones). Les terpènes ont un point d’ébullition beaucoup plus bas, on peut les éliminer. Mais les alcools parfu- més, bouillant de 200° à 250°, ne sont pas faciles à isoler. Cependant le géraniol forme avec le chlo- rure de calcium un composé facile à séparer : l'alcool de linaloë forme, selon Tiemann, avec le sodium un composé assez fixe à la distillation pour rester seul non volalil ?. On commence ainsi à pouvoir agir sur des espèces chimiques définies, I] y a là un fait qui devrait nous frapper : notre ville de Grasse était un marché très important d'essences provenant de la région environnante et elle se trouvait en état de centraliser les essences exotiques à côté des siennes. Mais, pour qu'il en fût ainsi, il eût fallu que des hommes d’indus- trie installassent des laboratoires dirigés par des chimistes de valeur et des chimistes exécutants. La coutume ancienne la emporté, et si l’on n'y prend garde, aura rendu toute lutte impossible. Là où l'industrie des parfums était une spé- culation agricole paisible, une lutte industrielle s'est établie si rapide que certains parfumeurs recherchent maintenant les parfums étrangers. ? Berichle, 1896, p. 901, et les formules de constitution deviendront de moins en moins incerlaines. À titre d’aperçu on peut citer les formules de Tiemann, un des chi- mistes les plus compétents en cela : CH CH | Ÿ C—CH—CH?—CH°—CH—CH?—COH. CH5/ Cilronellal C'est une formule droite de la série grasse, mais on voit bientôt qu'elle porte en elle une sorte de. prédisposition à se fermer selonle type d’un ter- pène ou du cymène ; on peut l'écrire, en effet : CHS CH3 CH3 | | CH CH C TS 72 PAN CH? CH? CÉHPNCH HC' HC | | | Il | (l CH? COH CH CH HG SC en SN KZ C C C Î I NH | CH2-C—CH? CH3-CH-CHS CH3-CH-C1H53 Citronellal Formule Terpénique Cymène (Série grasse) (quelconque) (série aromatique) La Chimie prend chaque jour une conscience plus vive de son rôleimparfait dans l'explication des choses de la Nature. Voici les parfums les plus délicals disséqués dans leurs formules, isolés comme espèces pures, et cependant dans le rhodi- nol on ne retrouve plus le parfum de la rose. Les parfums ne sont pas faits d'un corps chimique- ment défini, mais de divers corps principaux et de traces de terpènes ou d’autres matières sentant plutôt mauvais, mais concourant à l'harmonie d'ensemble. La Nature fait des mélanges comme ceux que l'expérience nous révèle. Ces idées, qu’on trouve avec plaisir dans les notes de M! Tiemann, ont d’ailleurs été déjà exprimées. Une observation plus nouvelle est relative à la symétrie. Tous les corps optiquement actifs sont plus odoranlis que leurs racémiques. En raison de ces faits, revien- dra-t-on au naturalisme au point d'abandonner les alcaloïdes purs des plantes pour recourir de nouveau aux extraits? La raison de cette production de parfums compliqués se trouverait sans doute dans le texte ou la pensée de Darwin sur l'alirac- tion par une espèce déterminée d'Insectes qui en recherchent instinclivement l'odeur. M. Marsh et Gardner !, après un long travail sur les acides du camphre, sont arrivés à une curieuse idée de formules sphériques. Dans les corps à double liaison, on considère des isoméries vis ou trans. Cela est vrai pour les acides maléique et fumarique; les acides hydrotéréphtalioues de Baeyer ne sont qu’une intercalation dans la double liaison : 1 Chem. Soc. février, 1896, |. LES F4 H CO°’H H CO?H Nr N27 C C APS C C | | C ( NZ PE C H CO’H AN H CO2H Cela dérive de C; mais si l’on considère CG, on AN sera conduit à des formules semblables à celles de “Meyerling; ces formules de Meyerling ; semblent mieux représenter les considéralions ci-dessus, si on les met en sphère : C | AGCS AUDE CAN CC C (C4 | | C C ae CSC CXG7C La dernière formule représente la disposition des atomes dans le camphène. Les alcaloïdes que M. Tanret a trouvés dans la racine de grenadier et a nomméspelletiérine, pseudo- pelletiérine, etc., s'appellent maintenant granatine, granatimine CSH°Az, granaténine CH A7, granalonine ou pseudo-pelletiérine CSH*AzO. C'est un abus contre lequel on ne proteste pas assez que celui de changer ainsi le nom des choses sans nécessité : -pelletiérines et dérivés vaut bien granatolines, “granalines, elc., et a surtoul l’avantage de ne pas rayer en même lempsle nom des premiers auteurs. La plupart de ces dérivés du Pumica granatunt — on pourrait aussi dire punicines— sont représentés par des formules du type de celles de Meyerling, ou sphériques. Un dérivé de C*H'!‘Az(OH) se déve- loppe comme suit : CH lc: UE CA? \ CH2-CH2-CH,0H) / CH CH C'est ainsi queles formules des substances toxi- “Ques s’éloignent du type primitif des formules de a série pyridique simple. D'ailleurs, la qualité “d'être toxiques n’est le privilège ni d’une classe de formules, ni même des composés azotés. MM. Barlow Wood, Spivev et Easterfield ont mon- tré que, dans sa composition, le plus légendaire “des poisons d'Orient est non azoté : le « charas » “du Pendjab passe, en effet, pour être le plus actif “des «haschisch» usités. Ces savants ont eu en mains ? kilogrammes de charas. L'extrait alcoo- lique de cette malière a été dislillé dans le vide et M Criem. Soc., 1896. | Ë a » Es REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1590. A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 181 a rendu environ 600 grammes d’une huile rougeàälre distillant à 265°. Une seconde distillation dans le vide a élé effectuée sans décomposition à la même température. Celle huile, très stable, a pour formule C'$H20?, Elle est insoluble dans l’eau, sans aclion sur la potasse alcoolique, ne se laisse ni acétyler, ni benzoyler; ni azones, ni oximes ne se forment. Maintenant on pourra donc faire une étude physiologique sérieuse de l’action d'un haschisch défini. La masse énorme des travaux publiés vise le plus souvent des questions de détail: cependant on peut dire que les travaux de longue haleine continuent constamment d'occuper un nombreux personnel de savants. Tous les ans les mêmes problèmes reviennent revus et augmentés. Ainsi des terpènes, des camphres, des parfums, des matières colorantes, etc. Les recherches de Herzig, de S. V. Kostanecky el de Perkin continuent à nous éclairer sur la formule des composés tinctoriaux des bois colorants. On sait maintenant que les formules de la quercéline, du fustet, de la gaude (Reseda luteola), du morin (Worus tinctoria), plantes bien différentes, ont des formules semblables : 0 OH (®) OH HO on HO = J0H: Jo HO CO HO CO Quercétine Lutéoline Les autres matières citées ont, à une position près, le même type de structure : ce sont les flavones. Les bois colorants offrent souvent une saveur su- crée fort prononcée. Aussi ne voit-on pas jusqu'à cinq groupes alcool fixés autour de la molécule, qui disparait presque, en Lant que noyau aroma- tique, pour devenir alcool pentatomique. P. Friedländer et H. Rüdt ! ont fait des recher- ches difficiles — et sortant de l'ordinaire en ce qu’elles ont un but — qui tendent à éclaircir di- vers problèmes de synthèse avoisinant la syn- thèse même des pricipes naturels des bois colo- rants dont il aété question plus haut. On a telle- ment épuisé la question dela synthèse par conden- sation des aldéhydes avec les acétones aromatiques que le sujet est devenu un peu banal; ses résultats. d'ailleurs, sont peu importants. Les auteurs vien- nois se sont proposé de faire entrer en réaction le groupe CO-CH°0H des acélones-alcools sur les aldéhydes. Partant de l’anhydroglycopvrogallol de Nencki: ou bien de leur chloracétopyrogallol et de la ben- zaldéhyde ils sont arrivés à une dioxyflavone, dont le groupe fondamental a été établi par Herzig et V. Koslanecki : 1 Berichle, 1896, p. S38 et 1151. 182 HO HO 0O HO OH + HOC—CSHS | H?20 “ HONOR ; re —) Mie Cell U o —CO—CH:—CI | SAN > CH : | co Chloracétopyrogallol Dioxyflavone Cet anhydroglycopyrogallol, en négligeant ici les groupes latéraux, présente un sérieux intérêt au point de vue des matériaux de construclion or- ganique dans les séries voisines de l'indoxyle d'abord, et même des indols : AzH , (®) HO 0 AzH “ ZONCH (ex “oar CH? \Z (é KZ Se N : CH CH co CO? Indol Cumarone Amhydroglyco- Indoxyle pyrogallol Cela permettra, d'après les auteurs, d'aborder la synthèse d'indigos sans azote, tels que : Lo come, GE CE dont ils ont déjà obtenu quelques représentants peu stables. G. Kraemer et À. Spilker ! comparent avec l'in- dène le carbure CFH° de A. Etard et P. Lambert en raison de la propriété que ces derniers lui ont trouvée de se polymériser et de se dépolymériser presque indéfiniment par la chaleur. Les formules des auteurs résumant leur travail sont : (C2H2—C°2H2? (CéHi— CH?” N 4 NZ CH? CH? Pyropentylène Indène Le polymère à facile rupture du pyropentylène possède deux liaisons — d'après les indices, — el les auteurs le formulent : HC—CH—HC—CH [| I | CH. HC CH——HC NA NZ CH? CI? Le plus important travail organique de l'année estassurémentceluide E. Baumannet E. Roos *surla présence normale de l'iode dans la glande thyroïde et sur les conséquences de ce fait. Autrefois, la médecine faisait usage de potions où entrait de l'éponge torréfiée. Cela n'allait pas sans provoquer des remarques plaisantes. Vers la moitié de ce siècle on reconnut la présence de j'iode dans ce médicament, qui cessa de paraitre ridicule, car les coniposés de l’iode élaient entrés dans l'usage 1 Berichte, 1896, p. 552. 2 Zeilsch. physiolog. Chemie, t. t XXI; p.14. XXI, p. 481 et fur. A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE de la glande lacérée, on peut isoler deux albumi- courant des médecins en vue du traitement du goitre. Cette maladie a pu s'améliorer ou guérir, mais on ne savait cependant rien de véritablement démontré sur sa cause et sur sa nature. Y avait-il des microbes? des plasmodies? On l’ignorait. Or," les auteurs, dont nous résumons la découverte, ont constaté que de la sécrétion de la glande, où noïdes : la thvro-iodoglobuline et la thyro-iodal- bumine. Ces préparations isolées soni fort toxiques, mais agissent très rapidement sur le goitre, le myxædème et même le psoriasis. Sur un grand nombre de glandes analysées on a Lrouvé au plus 0,00008 d'iode de leur poids sec. Dans les hauts cantons suisses où sévit ie goitre, les glandes ana- lysées n'ont pas manifesté diode. Comme les tra= vaux de M. Chatin on! montré que l’iode se trou-« vail dans le cresson et quelques autres espèces, il | faut croire que les eaux, le sol, contiennent nor- « malement quelques traces d'iode, sauf quelques rares contrées reposant sur des roches qui en sort exemptes. Ces traces, le spectroscope les montrera maintenant; mais une glande de notre organisme a toujours su les extraire et les accumuler dans sa sécrélion. L'organisme acclimalé à une région demande donc une sorte de thériaque de corps simples pour former ses humeurs ? La grande masse matérielle de l'homme, os et chair, sert à établir une méca- nique puissante, mais les échanges de matière, qui sans cesse assurent sa marche compliquée,. sont des millièmes de fer, des cent-millièmes de manganèse, de cuivre, de fluor, de potassium, du phosphore nerveux. Bien des éléments sont encore à connaitre sans doute el on les cherchera, sa- chant aujourd'hui que, faute de quelques millio- nièmes d'iode dans une glande, nous pouvons passer une vie misérable. Les chimistes analysent" avec soin les eaux minérales et beaucoup, dont je suis, se disent qu'on pourrait bien les refaire en. dissolvant leurs principes les plus abondants dans de l’eau saine. Les médecins tenaient ferme pour les eaux minérales; je n'hésite plus à penser qu'ils avaient raison. Si des quanlités, si petites qu'elles. ont échappé à l'analyse non prévenue, peuvent agir profondément, rien ne peul nous prouver que, d'autres traces indispensables existent dans cer- laines eaux de rivières ou de source. Après la dé= couverte de l'argon et de l'hélium, M. Bouchard el d’autres savants n’ont-ils pas trouvé ces éléments dans les sources? A. Etard, Docteur ès sciences, Répétiteur de Chimie à l'Ecole Polytechnique. ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 183 ACTUALITÉS À SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES LA LOI DE VARIATION DE LA FORCE ÉLECTROMOTRICE APPLIQUÉE A UN TRANSFORMATEUR EN INFLUENCE-T-ELLE LE RENDEMENT ? — UN NOUVEAU DENSIMÈTRE La force électromotrice fournie par un alternateur à une valeur variable, successivement positive et néga- tive, qui peut être représentée en fonction du temps par une courbe du genre de la sinusoïde. Examinons de plus près la manière dont naïf cette force électro- motrice. Un aimant ou un électro-aimant crée dans l'espace qui l’environne ce que l'on appelle un champ électrique, dont la manifestation se traduit par l’attrac- tion ou la répulsion exercée sur un corps électrisé, “qui se meut en suivant une courbe que l’on appelle ligne de force. Toutes les courbes semblables s’étalent en éventail à partir des pôles. Elles sont matériali- sées par les enchaînements des grains de limaille de fer dans l'expérience du fantôme magnétique. Leur nombre est évidemment infini. On parle quand même de nombres finis de lignes de force. Voici par suite de quelle convention : soit une surface qui est normale en tous ses points aux lignes de force et que nous divisons en éléments assez petits pour que sur chacun d’eux nous puissions, en tout élat de cause, considérer comme constante la valeur du champ. Si la somme Fig. 1. — Fantôme magnétique. — NS, pôles d’un aimant; AB C D, trajet du circuit considéré. — Les lignes de force sont représentées en pointillé. des produits de chaque élément par la force qui lui est appliquée est égale à 1, on dit qu'une ligne de force passe au centre de la surface considérée, qui est “une surface unité. Celle-ci sera d’autant plus petite que le champ sera plus intense, et, par conséquent, le “nombre de lignes de force traversant une surface don- “née quelconque varie de la même facon que le champ : la convention adoptée est rationnelle, Lorsqu'un fil conducteur métallique, faisant partie d’un circuit fermé, “est mis en mouvement dans un champ, il se déve- loppe dans le conducteur une force électromotrice variable, dont la valeur est à chaque instant fonction du nombre des lignes de force qui ont été coupées. La production d’une telle force électromotrice est un phé- “nomène d'induction électromagnétique ; ce phénomène a été observé pour la première fois, vérs 1831, par Faraday, observation d’une fécondité merveilleuse , uisque toutes les machines électriques employées en industrie sont des machines à induction. —. Sinous reprenons le fil conducteur dont nous nous sommes servi tout à l'heure, et que nous le fassions tourner autour d'un aimant ou d’un électro-aimant, “nous engendrerons une force électromotrice qui, par- tant de zéro, croitra jusqu'à un maximum, reviendra à zéro, changera de direction et repassera par un nouveau maximum, ou plutôt par un minimum si nous donnons “le signe négatif à la nouvelle direction et le signe positif à la première. La force électromotrice reprendra en- suite une valeur nulle lorsque nous achèverons notre tour. Il est facile de s’expliquer ce qui précède en exa- minant un fantôme magnétique (fig. 1). Les traits tirés représentent le chemin parcouru par notre fil. Le nombre de lignes de force qu’il coupe est maximum en ABetCD, minimum en BC et DA. Nous n’insistons pas sur le changement de signe : l'explication en est presque toute naturelle si l’on donne un sens à chaque ligne de force depuis le pôle positif jusqu’au pôle négatif. Nous avons de cette facon obtenu une véritable force électromotrice alternative. Nous l’obtiendrons encore si, au lieu de promener le conducteur dans le champ d’un seul aimant, nous le faisons passer devant une série de pôles successivement positifs et négatifs. Les alternateurs réalisent ces conditions. On admet géné- ralement dans les calculs, que ia courbe qu'ils four- nissent est une sinusoïde (A, fig. 2).Cela n'est pas tout me Fig. 2. — Différentes formes de courbes. — AÀ,courbe sinu- soidale régulière; B et C, courbes données par un même alternateur, la première à vide, la seconde à pleine charge. à fait exact. Les courbes réelles sont moins régulières que des sinusoïdes. Iles varient avec le type d’alterna- teur et avec la charge. Il est facile de le comprendre : leur forme, résultant de la disposition des lignes de force, dépend, par conséquent, des dimensions des épa- nouissements polaires, de la quantité de fer qui se trouve dans l’armature, du courant qui traverse celle-ci et qui produit un champ secondaire se superposant à celui des inducteurs, etc. Le constructeur peut donc, à son gré, en admettant qu'il ait réuni sur ce sujet un nombre suffisant d'observations, créer des machines donnant des courbes étudiées et déterminées à l'avance. Ce senre d’études est-il nécessaire? Vaut-il mieux, au contraire, comme font quelques constructeurs, ne pas s'occuper du tout, dans le projet d'un alternateur, de la courbe de la force électromotrice qu’il engen- drera ? Cette facon d’agir nous semble inadmissible tant que l’on n’aura pas prouvé que la forme de cette courbe est sans influence sur le rendement et sur le fonctionnement de l'alternateur et des appareils qu'il alimente. Et si cette influence existe, il est d’un im- mense intérèt de connaître très exactement les lois qui la régissent, de savoir quelles sont les courbes qui conviennent le mieux aux différents cas. C’est une partie de ce problème fort complexe et jusqu'à cette époque encore peu abordé, que MM. Stanley Bee- ton, C. Percy Taylor et J. Mark Barr ont tenté de 184 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES résoudre, Ils ont entrepris et mené à bien une série de recherches sur la facon dont varient les pertes dans le noyau d'un transformateur avec la forme de la courbe de la force électromotrice appliquée. Dans une communication qu'ils ont faite dernièrement sur ce sujet devant l’Institution of Electrical Engineers, après avoir décrit l'appareil qu’ils ont employé et avec lequel ils ont pu obtenir des formes de courbes quelconques, ils ont longuement exposéles résultats de leurs travaux. Les éléments nécessaires au tracé de chaque courbe ont été déterminés au moyen du dispositif de M. Jou- bert. Supposons qu'il s'agisse de tracer la courbe de la Fig. 3. — Disposilif de M. Joubert pour le tracé des courbes de force électromotrice. — A, bague métallique mobile; a, doigt métallique; ?, matière isolante; b, balai; B, bague fixe ; C, condensateur; V, volimètre; D, F, points entre les- quels on veut mesurer la différence de potentiel. différence de potentiel entre deux points D et F (fig. 3). Il faut tout d’abord disposer d’un arbre ayant une vitesse elle que le temps employé pour faire un tour comprenne très exactement un nombre entier quelconque de périodes, Cet arbre sera celui de l’aternateur lui-même ou celui d'un moteur tournant synchroniquement. Le point D est relié directe- ment à l’une des armatures d’un condensateur C. Le poiut F est en communication avec une bague métal- lique A portée par l'arbre dont nous avons parlé et recouverte d’une matière isolante à, sauf en 4 où un doigt, qui est également métallique, la traverse el vient affleurer, D'autre part, la seconde armature du condensateur est rattachée à une bague fixe B por- tant un balai conducteur b. Celui-ci peut être placé Fig. 4. — Disposilions de l'injecteur. — T, induit de l’alter- nateur; À, B, C, D, pôles de l'alternateur; L, M, N, P, plaques du disque injecteur; b, b;, balais ; R, résistance ou capacité; T, transformateur. à n'importe quel point de la circonférence B. On com- prend dès lors le fonctionnement de l'appareil. Puis- qu'un tour de la bague intérieure correspond à un nombre entier de périodes, chaque fois que @ vient à toucher b, le condensateur C se charge sous une difré- rence de potentiel constante qu’il s’agit de mesurer. C’est là un problème facile_ que l’on résout au moyen d'un électromètre ou d’un galvanomètre balistique. En changeant la position du balai b, on change l'instant des contacts, et de proche en proche, on peut ainsi obtenir de la courbe autant de points qu'il est néces- saire pour la tracer exactement, La disposition adoptée précédemment par les phy- siciens pour obtenir des courbes différentes consis- tait à combiner plusieurs alternateurs A, B, C, D, ete., choisis de telle facon que B, C, D donnent les premières harmoniques de la courbe de A, c’est-à-dire des courbes semblables, mais ayant une période 2 fois, 3 fois, 4 fois plus courte que la première. On les prenait, autant que possible, sinusoïdales. L'association de l'alternateur A avec un ou plusieurs des suivants produisait des courbes présentant des déformations particulières : la figure 5 montre quel est le résultat de la combinaison de A et de B. On voit combien cette méthode est compliquée, puisqu'elle exige plusieurs machines de même type dont les nombres de périodes soient dans des rapports B Fig. 5. — Exemple de deux courbes simples el de la courbe résullante. — Des deux courbes supérieures, l'une est une harmonique de l'autre. La courbe inférieure, tracée en gros traits, résulte de leur combinaison. Nous y avons tracé en traits tirés la courbe composante principale. Les hachures reproduisent les modifications introduites par la seconde. donnés. Celle qu'ont employée MM. Beeton, Taylor eb Barr est beaucoup plus simple. Un seul alternateur quelconque suffit. Le principe consiste à injecter pen= dant certaines parties de chaque période des résis= tances ou des capacités dans le circuit de la machine: L’injecteur, c'est le nom donné à l'appareil, comprend un disque portant des plaques métalliques isolées les unes des autres en nombre égal à celui des pôles de l'alternateur, sur l'arbre duquel nous admettons qu'on le fixe. Supposons qu'il y ait quatre pôles À, B, C, D, et, par conséquent, quatre plaques l,, M, N, P (fig. #)}: Deux balais b,, b,, attachés aux extrémités de la résis= tance ou de la capacité à intercaler R, viennent frotte sur le disque. Ils sont compris dans la portion à d du circuit alimentant le transformateur T. Lorsqu'ils repoz sent sur la même plaque, le courant suit le chemin a h, ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 185 b, d; lorsqu'ils se trouvent sur des plaques ditlérentes, le courant passe par 4 R d, et la résistance est injeclée. En fixant convenablement la position des balais et l’in- tervalle qui les sépare, on peut régler l’époque et la durée de l'injection. Par exemple, admettons que celle- ei doive avoir lieu d’, en 8 (fig. 6). On amènera l’induit de l'alternateur dans la posilion correspondant à &, position qu'il est facile de connaitre par une étude et un repérage préalables de la courbe de force électro-mo- trice. Cela étant fait et le sens de rotation du disque étant celui qui est indiqué par la figure 4. on placera le balai 6, sur la ligne séparative de L et M. Puis, induit étant dans l’autre position 8, b, sera posé sur la même ligne séparative. Il en résultera que, dans tout l'intervalle a G, les balais seront sur des plaques dif- férentes. Quand le disque aura tourné d’un quart de tour, les mêmes phénomè- nes se reproduiront, puisqu'il contient # plaqueségales.Etcela est nécessaire, car évidemment l'injec- tion doit avoir lieu d'une manière sem- Fig. 6. — Forme parliculière de courbe obtenue or l'injection blable dans toutes d'une résistance. — L'injection les demi-phases; l'al- s’est faite entre 2 Getz 8.— En ternateur possédant traits minces, on a tracé la 4% pôles donne nais- courbe du courant (courbe in- sances à quatre demi- férieure). phases par tour de Pinduit. La machine employée par MM. Berton, Taylor et Barr était, en réalité, une machine à 16 pôles donnant 100 périodes à la seconde. Elle alimentait un transfor- mateur Morden de 3 kilowatts, qui comprenait trois enroulements, deux à basse tension, aux bornes des- . quels pouvait être appliquée une force électremotrice de 50 volts, et un troi- sième à haute tension calculé pour 2.000 volts. Un seul des deux pre- miers enroulements é- tait utilisé, les deux autres élaient laissés à circuit ouvert. Dans ces condilions, le transfor- mateur absorbait 2 à 3 ampères et, la résis- tance ohmique de la bobine magnétisante é- tant seulement de0w016, la perte de charge due à ce courant était in- signifiante. Nous ne suivrons pas les auteurs dans tous les dé- tails de leurs expériences et de leurs études. Avant d'indiquer les conclusions auxquelles ils sont arrivés, nous donnerons seulement deux exemples des courbes qu'il; ont été amenés à enregistrer. La figure 7 nous donne la courbe normale de l'alternateur, relié directe- ment au transformateur ; la figure 6, celle qui a été Fig. 7. — Courbe normale de l'alternateur. — En traits min- ces nous avons tracé la courbe du couxant (courbe inférieure). - obtenue en intercalant dans le circuit durant toute la période une capacité de 96 microfarads, et en injectant pendant les intervalles 48, « g' une résistance de 36 ohms. La dernière courbe diffère totalement de la pre- mière et montre que la méthode adoptée permet d'ob- tenir toutes les modifications que l’on désire, mieux et plus simplement que par l'association d'un certain nombre de machines. En même temps que l'on inscrivait la force électro- motrice aux bornes du transformateur, on notait la différence de potentiel aux extrémités d’une résistance dépourvue de self-induction, d’où l’on pouvait déduire par conséquent, les valeurs instantanées du courant: D'autre part, des essais préalables, faits sur le noyau de fer du transformateur, avaient permis de déterminer, pour une fréquence de 100 périodes à la seconde, la relation entre l'induction maxima et les pertes par hystérésis, qui sont les dépenses d'énergie dues à une sorte de paresse que montre le fer pour se désaimanter et se re-aimanter lorsqu'il est soumis à un champ alternatif, Une autre cause de perte dans les transfor- mations est due aux courants de Foucault: de même que des courants naissent dans les fils de cuivre du circuit secondaire, sous l'effet de l'induction, de même il s'en produit dans le noyau de fer lui-même; ce sont eux que l’on appelle courants de Foucault. Ils occa- sionnent une perte d'énergie que les physiciens anglais, dont nous citons les expériences, n’ont pu mesurer directement, mais qu'ils ont calculée en soustrayant les pertes par hystérésis des pertes totales obtenues au moyen des courbes du courant et de la force électro- motrice appliquée, La résistance ohmique du cireuit 1290 | 110 | I al 904 K È ces à à & 701 360! ? = È & de) 40! Pertes par courants de Foucault \ A B D E GE x 30] GC À 75 80 85 90 95 …. Ave de la courbe de force électromaotrice (en urates arbitraires } Fig. 8. — Courbes des perles du transformateur. inducteur étant très faible, nous l'avons dit, on a con- sidéré comme négligeable la valeur de l'énergie qu'elle absorbait. Dans toutes les expériences, la valeur de la différence de potentiel efficace aux bornes du trans- formateur, observée au moyen d’un voltmètre ordinaire, a été maintenue autant que possible constante et égale à 50 volts. On l’a ensuite mesurée exactement par les courbes. Elle avait varié de 48" 1 à 498. Tous les résultats obtenus ont été corrigés en conséquence par des lois de proportionnalité qui, en admettant qu'elles ne fussent pas rigoureusement exactes, ne pou- vaient guère causer d'erreur notable, car les différences sur lesquelles on opéraitétaient très petites. L'étude des tableaux dressés par les auteurs les a amenés à for- muler les conclusions suivantes : 1o Si la racine carrée du carré moyen de la force électromotrice appliquée aux bornes du transforma- teur, en d’autres termes, si la force électromotrice efficace est constante, ainsi que l’aire de la courbe qui lui correspond, les pertes dans le noyau du transforma- teur sont également constantes. 29 Si la force électromotrice efficace seule reste constante, les pertes par courants de Foucault ne varient pas, les pertes par hystérésis et les pertes to- tales ont des valeurs qui dépendent de l'aire de la courbe de force électromotrice et qui augmentent avec elle. La figure 8 précise cette dernière loi. Les courbes ont été obtenues au moyen des résultats fournis par 8 essais désignés par les iettres A BCD E F G H. (Les essais Cet G semblent entachés d’erreurs.) 786 Une intéressante discussion a suivi la lecture faite par MM. Beeton, Taylor et Barr. Lesingénieurs anglais présents n’ont pas été tous d'accord pour reconnailre aux {ravaux qui venaient d'être exposés une ulilité pratique suffisante, « Par un choix rationnel de la forme de la courbe de force électromotrice, ont-ils objecté, vous pensez arriver à économiser 10 °/, de l'énergie consommée en pure perte dans les noyaux des transformateurs, Mais cesappareilsn’exigent ainsi que 2,5 °/, de l'énergie totale qu'on leur transmet. Par conséquent votre économie ne dépasse pas 0,250/.. C'est une quantité vraiment négligeable. » Nous ne saurions penser de celte facon. Tout d’abord remar- quons que le calcul précédent n'est juste que si le transformateur travaille à pleine charge, ce qui n'est pas du tout le cas général. Nous dirons même que c'est l'exception. Les sociélés d'éclairage électrique ne le savent que {rop. Nous pourrions ajouter aussi qu'une économie réelle n'est jamais négligeable, si faible qu'elle soit. Mais nous croyons qu'il convient d'élar- gir davantage le débat. Ce n'est pas seulementau point de vue des transformateurs qu'il faut envisager l'étude de la forme du courant alternatif, c’est aussi au point de vue des moteurs, des lampes, des càbles, ele. Rien ou presque rien n'a été fait jusqu'ici dans cette voie. Sans doute le retard n'est pas bien important, et il est d'autant plus excusable que l’em- ploi des courants alternatifs date à peine de quelques années. Mais nous croyons qu'il est maintenant néces- saire de pénétrer plus avant dans les mystères du fonc- tionnement de nos machines. Les Américains, s'ils ont fait peu de chose, ont du moins fait quelque chose. Ils mettent en vente, par exemple, des alternateurs qui répondent à des types de courbe différents, selon qu'ils sont destinés à des transports d'énergie à courte ou à longue distance. Peut-être les résultats acquis à ce sujet ne sont-ils pas encore bien établis: peut-être les choix qui ont été faits ne sont-ils pas sans reproche; mais, en tout cas, il y a là un indice à observer, une marche en avant à enregistrer dans une direction nouvelle ; et nous pouvons être assurés que les ingénieurs d’outre- mer ne s’arrêteront pas en si bon chemin. En France il est certain qu’à ce point de vue, nous sommes déjà en arrière. Nos maisons, en général, ne s'inquiètent que très peu dela forme des courbes fournies par leurs machines. Quelques-unes même ne la connaisseñt pas du tout, Si étonnant que cela puisse paraître, cela est exact ou tout au moins l’était encore il y a peu de temps. Nous souhaitons que les choses aient changé. Les études du genre de celles que nous avons citées aujourd’hui sont longues, difficiles, mais importantes : elles fourniront sans doute les indications nécessaires pour construire les machines les mieux appropriéesau but à remplir. Il est possible aussi qu’elles donnent davantage et qu’elles permettent par la coordination des résultats observés, de préciser certaines lois indé- cises, de rectifier certaines théories incomplètes ou inexactes. Leur utilité s’étendrait donc non seulement à l’industrie électrique tout entière, mais encore à la science elle-même. A. Gay, Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. Dans deux livraisons récentes{30 mars et 30 avril1896), la Revue a donné la description de deux densimètres, proposés, l'un par M. Bouffall, l’autre par M. Piéri. Ces instruments sont basés sur ce principe que des colonnes liquides qui se font équilibre dans des vases communiquants, ont leurs hauteurs inversement pro- portionnelles à leurs densités. C’est le principe des appareils qui ont servi à Petit et Régnault pour mesurer la dilatation absolue du mercure. C’est aussi le prin- cipe des densimètres de Bayle et de Babinch !. Ces appareils sont purement théoriques. x 1 Cours de Physique, par Viozre. T. I, n° 212, fig. 312 et 213. ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES Voici le dispositif que j'ai adopté et dont le manie- meut facile m'a fourni des mesures précises, du moins jusqu’à la troisième décimale. Les quatres tubes A, B,C, D, d’un même calibre, portent l’indication d’un même niveau 4 b passant par le déversoir de l’entonnoir A, et par les 0 des échelles: gravées sur B et C. La graduation de ces échelles est arbitraire : nous l'avons faite en centimètres et milli- mètres. Pour diminuer les effets de capillarité, les tubes ont une section d’environ un cm. de diamètre. Tous les robi- , nets étant fermés, on verse en À de l’eau distillée jus- qu’à ce qu'elle dé- borde par le dé- versoir, et jusqu'à ce qu'elle affleure Je 0 de l'échelle en B. On verse en- suite le liquide dont on cherche la densité par l’entonnoir D, jus- qu'à ce que le ni- veau de ce liquide se maintienne au niveau marqué sur ce tube D. Pour cela il a fallu qu'une certaine quantité d’eau se perdit parle déver- soir À pendant que le niveau de l’eau baissait dans B. Supposons que le niveau de l'eau dans B se main- tienne au chiffre 4 de l'échelle, et que le niveau du liquideétudié s’ar- rête au chiffre 2 dans C. À ce moment, la surface de l’eau dans B supporte une pression égale au poids d’une colonne cylindrique du liquide étudié ayant pour base la section du tube et pour hauteur 2 centimètres. De même, la surface de ce dernier liquide dans C sup- porte une pression égale au poids d’une colonne d’eau de même base et de 4 centimètres de hauteur, Les vo- lumes de ces colonnes sont entre eux comme leurs hau- teurs; quant à leurs poids, ils sont égaux puisque les liquides sont en équilibre. Soient: P ce poids commun; V le volume de la colonne du liquide étudié, V' celui de la colonne d’eau; D, la densité cherchée et D —1 celle de l’eau. On a : : CU LL SL LL Fig. 4, e. j à Der D =; D V' 4 D ou DE ne L'entonnoir à robinet E ne sert pas seulement au la vage de l'appareil : il est encore utile quand il s'agit d'étudier un liquide dont la densité est très éloignée: de celle de l’eau. Il pourrait alors arriver que l'écart des deux niveaux dans B et C dépasse 10 centimètres, Dans ce cas, après avoir versé l’eau dans À, on versez, rait une partie du liquide dans D en maintenant le ro: binet E ouvert, et l’on fermerait ce robinet avant d’a-, chever le remplissage : de cette facon on arriverait à maintenir l’écart des niveaux dans les limites des, échelles. D' M. LEFEBVRE, Professeur au Collège Saint-Joseph (Virton, Belgique). BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Stieltjes (feu T.-J), Professeur à lu Faculté des Sciences de Toulouse, — Essai sur la Théorie des nombres (Premiers éléments). — Un vol, in-4° de 102 pages. (Prix : 5 fr.). Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. … Ge livre du feu géomètre, si prématurément enlevé à la science dans la plénitude de son activité mathé- malique, n'est pas un mémoire original, mais une - œuvre de haut enseignement. Seulement, si le fond des matières traitées n'appartient pas à l’auteur (c’est un résumé des recherches d’Euler, de Gauss, de MM. Hermite, Smith, Kronecker, Frobenius, Méray..…), la méthode d'exposition et le choix des développe- ments suffisent pour assurer l'intérêt et le mérite de l'ouvrage. Après une théorie de la divisibilité et des con- gruences, traitée avec concision et élégance, on trou- vera la discussion complète d’un système d'équations linéaires (à coefficients entiers et solutions entières), ou de congruences linéaires à plusieurs inconnues. Le problème est résolu soit directement, soit par la considération des formes bilinéaires, Signalons aussi, au sujet des matrices, plusieurs théorèmes (nombre des déterminants indépendants dans une matrice...) importants pour plusieurs branches de l'analyse. Le livre est intitulé Premiers éléments ; nous ignorons si la mort a permis à Stieltjes d'achever l'exposition des théories si ardues de l’Arithmétique supérieure. R Léon AUTONNE. Schræder (E.). Professeur de Mathématiques à l'Ecole Technique supérieure de Karlsruhe. — Vorlesungen über die Algebra der Logik. IIIe" Band. Algebra und Logik der Relative, lle Abteilung. — 1 vol. gr. in-8° de 649 pages avec fig. (Prix: 20 fr.). B. G. Teubner, éditeur. Leipzig 1896 La logique déductive, traitée à l’aide du calcul, est - devenue une science que M. Schrœder désigne sous le nom de Logique exacte et qui, par le caractère de la . méthode employée, doit être classée dans la Science mathématique. Elle à pris naissance dans les écrits d’Auguste de Morgan et a recu un développement im- - portant gräce aux recherches de MM. Ch. S. Pierce, Dedekind et Schræder. Ce dernier s’est proposé de réunir ces travaux en un exposé systématique et vient de publier la première partie du t. LI de son grand Traité. Le volume est entiè- rement consacré aux opérations de la Logique relative, « en particulier, au domaine binaire. H. Fran. - visreux (Ch.), Répétiteur à l'Ecole Centrale, et Mie landre (M.). — Etude d'une usine élévatoire …-. pour irrigations avec machines à vapeur et … roues élévatoires. — { vol, in-8° de 168 pages avec 1 atlas de 19 planches. (Prix : 20 fr.) — E. Bernard et Cie, éditeurs. Paris, 1896. .. Cet ouvrage forme les livraisons 61 à 65 de la série « bien connue sous le nom de l'Art de l'Ingénieur, com- - mencée par feu L. Vigreux, professeur à l'Ecole Cen- - trale, et continuée sous la direction de son fils, Ch. Vi- - greux. Il constitue une des applications de la partie . didactique déjà publiée. Le programme qui y est traité est le suivant : une - plaine, située près de l'embouchure d’un fleuve, doit . être irriguée par un canal prenant ses eaux au fleuve, - et rendant celles qui ne sont pas consommées à la . mer, Les machines élévatoires de l’usine seront suffi- # santes pour fournir normalement au canal, à l’étiage du fleuve, un volume total de 500.000 mètres cubes d'eau par vingt-trois heures de marche, et exception- nellement 750.000. La cote de l’étiage au-dessus de la mer est de 030; celles des plus hautes crues de OM85; dans le canal, le niveau de l'eau sera à l'altitude de 2M90, exceptionnellement à celle de 2"24. Par suite de cette variation du niveau dans le canal, les appa- reils employés devront être munis de dispositifs per- mettant d'élever l’eau, sans perte de travail, soit à l’une, soit à l’autre des deux cotes précitées. La première partie de l’ouvrage est consacrée à l'étude des machines élévatoires. Elle débute par le choix du type à employer. Les auteurs ont écarté 1° la pompe centrifuge, parce que son rendement n’au- rait pas, à leur avis, dépassé 50 °/, (surtout avec les variations de niveau en question), et que l'importance du volume à élever les aurait conduits à employer un grand nombre de pompes ou à construire des appareils de dimensions inusitées, et par suite très coùteux; 2° la vis d’Archimède à canon mobile, pour des raisons analogues; 3° la vis d’Archimède à canon fixe, à cause de son rendement des plus médiocres; 4° la roue à tympan, dont le grand effet utile eût été précieux en l'espèce, à cause de la largeur totale quil eût fallu donner à l’ensemble des appareils (36 mètres); 5° la pompe à piston, parce qu’elle est inapplicable pour un si grand débit, Restait seulement la roue à palettes planes. C’est le type Sagebien, à très faible vitesse, à aubages nom- breux et profonds, capable d'assurer un rendement de 75 °/,, qui a été choisi. IL faudra trois de ces roues, de 10 mètres de diamètre, de 360 de largeur, de 240 de profondeur d'aubage, élevant chacune 3 mè- tres cubes par seconde, en faisant un peu moins de deux tours par minute. Deux d’entre elles feront le service journalier; la troisième permettra d'augmenter de moitié le débit ordinaire et servira de machine de secours, en cas d'arrêt de l’une des deux premières. Tous les détails de construction en sont étudiés, ainsi que ceux de la transmission qui leur amènera le mou- vement des moteurs, du coursier, du col de cygne, de la vanne de réglage. La deuxième partie contient l'étude des machines à vapeur. Le type adopté devait avoir une marche lente et régulière, lente pour éviter la complication dans les transmissions, régulière pour épargner à la grande masse de la roue des à-coups qui l’auraient désorganisée fort vite. Les auteurs ont arrêté leur choix sur une machine Woolf à balancier (du modèle Matter, de Rouen), malgré le coùt élevé de ce genre de moteur, largement compensé à leurs yeux par les bonnes con- ditions de sa marche normale et par la faiblesse de sa consommation journalière. Trois machines de 180 che- vaux seront nécessaires : chacune, marchant à trente- sept tours par minute, avec une pression de 6 kilos et une détente de 1/10, aura respectivement, comme dia- mètres et longueurs des cylindres, 0737 et 12800 pour le grand, 0"380 et 1"385 pour le petit. L'étude du balancier et du parallélogramme de Watt, celles de l'appareil distributeur (du système Correy), du volant, sont très minutieusement faites. Les chaudières, calculées pour faire face à la con- sommation simultanée des trois machines, sont cons- tituées par trois générateurs, type de Naëyer, à récu- pérateur de chaleur, produisant chacune 1.200 kilos de vapeur à l'heure. Le tirage en est assuré par une che- minée de 4 mètre 25 centimètres de diamètre et de 35 mètres de hauteur, 158 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Dans une dernière partie, sont fixées les dispositions générales de l'usine et de ses annexes, et sont évalués les prix de revient de l’ensemble (800.000 fr.) et du mètre cube d'eau élevée (0 fr. 001). En résumé. l'ouvrage donne une description com- plète et détaillée de tous les problèmes que soulève une installation du genre de celle que nous venons de décrire sommairement. Il le fait avec beaucoup d'ordre etde clarté, offrant un précieux secours aux praticiens qui auront à faire une installation analogue, Gérard LAVERGNE, 2° Sciences physiques. Ledebur (A.), Professeur de Métallurgie à l'Ecole des Mines de Freiberg (Saxe). — Manuel théorique et pratique de la métallurgie du Fer. (Traduit de l'allemand par BARBaRY DE LANGLADE, ingénieur civil des Mines, revu et annoté par F. VALrow, ingénieur civil des Mines.) — Deux vol. grand in-8° de 534 et 691 pages avec 350 fig. (Prix, reliés : 45 fr.) Baudry el Cie, éditeurs. Paris, 1896. Cet ouvrage est la traduction fidèle annotée de la seconde édilion du manuel de Ledebur parue en mai 1894. A la haute autorité du professeur allemand, bien connu des lecteurs du Stahl und Eisen, se sont jointes la grande clarté de style du traducteur, M. Barbary de Länglade, et l'expérience profonde de l’annotateur, M. Valton : ce qui donne à ces deux volumes une valeur didactique considérable et en recommande la lecture à tous ceux qu’intéressent les progrès de la sidérurgie. En France beaucoup d’ingé- nieurs et de savants éminents, tels que Gruner, Jordan, Osmond, etc., ont déjà magistralement traité toutes les questions se rapportant à la fabrication de la fonte, du fer et de l’acier, et leurs écrits contiennent en grande partie les résultats de leurs recherches per- sonnelles, véritables documents qui expliquent les réactions et souvent les annoncent. Ledebur résume brièvement l'ensemble de ces travaux, ainsi que les publications des métallurgistes étrangers Percy, Lowthian Bell, Howe, Akermann, Tchernoff, etc., et, pour faciliter les recherches du lecteur, il prend le soin d'indiquer, dans une bibliographie très complète placée à la suite de chacun des chapitres, la liste des ouvrages auxquels on peut se reporter. Son manuel, rassemblant les propriétés distinctives du fer et de ses dérivés, l’acier et la fonte, et l'étude théorique et pratique des différents procédés employés pour obtenir ces métaux, constitue l’œuvre la plus complète qui ait été écrite jusqu'ici sur cette branche importante de l'industrie. L'ouvrage est divisé en trois parties principales. La première contient les généralités qu'il est indispen- sable de connaître pour bien comprendre les procédés de fabrication de la fonte. du fer et de l'acier décrits dans les deux autres parties. Cette introduction à la métallurgie du fer établit la classification des produits en y joignant quelques documents historiques et quelques notes de statistique sur la production du fer dans le monde entier. Viennent successivement d’abord la théorie des deux opérations antagonistes présidant à toutes les réactions, la combustion ou l'oxydation d'une part, la réduction d’autre part, puis la distinc- tion entre les combustions complètes et incomplètes, criterium de la sidérurgie moderne, enfin l'étude thermochimique des phénomènes de la production et de la transmission de la chaleur, ainsi que des tempé- ratures de combustion. L'auteur passe ensuite en revue les diverses sortes de combustibles, les combus- tibles solides crus, les combustibles carbonisés et leur préparation soit en meules, soit dans des fours, les combustibles gazeux à lair ou à l’eau avec les gazo- gènes qui servent à les produire ; il omet, toutefois, de parler des combustibles liquides si employés mainte- nant dans certains pays, etsur lesquelsM. Valton vient justement appeler l'attention, Ces combustibles étant à air chaud, appareils de chargement et de prise de destinés à chauffer les fours, c’est la description de ces appareils, ainsi que celle des matériaux réfrac taires, acides, basiques ou autres, qui les garnissen que donne le chapitre suivant : elle est suivie di l'exposé complet des laitiers et scories, résidus de la fabrication, exposé accompagné des courbes d'Aker- mann sur la fusibilité des silicates et de la nomen- clature des minerais et fondants avec l'explication de leur préparation mécanique ou chimique avant leur emploi au four. L'étude des propriétés du fer en pré: sence des corps qu'ilest susceptible de rencontrer, 'et en particulier de l'oxygène et du carbone, termine très heureusement ces généralités : M. Ledebur ne perd pas l’occasion d’exposer ses idées sur les divers élats du carbone dans son association avecle fer et sur leurs transformations. On sait qu'il ne distingue pas moins de quatre sortes de carbone : le graphite, | « carbone constituant le carbure » ou carbone di cémentation, le carbone de recuit, le carbone d trempe, — et que cette division n’est pas admise pan tous les métallurgistes, La deuxième partie est consacrée tout entière aux propriétés de la fonte et à sa fabrication. Après avoir décrit toutes les nuances de fontes et leurs variétés manganésées et siliciées, M. Ledebur arrive à l'étude des hauts fourneaux et de leurs accessoires, appareils gaz, conduites de gaz et de vent, souffleries, monte- charges, ete. Puis il expose très clairement la théorie de la fusion au haut fourneau, passe en revue les diverses allures de cet appareil, donne le moyen pra= tique d'établir rapidement le calcul du lit de fusio en vue de produire une fonte déterminée avec des éléments donnés, et indique l'utilisation possible des produits accessoires de la fabrication, tels que gaz; laitiers, cadmies, poussières, ete. Un dernier chapitre relatif à la deuxième fusion de la fonte au creuset, au réverbère ou au cubilot. complète naturellement les considérations qui précèdent, ainsi que l'exposé de tous les moyens connus pour épurer la fonte, en en éliminant le silicium et le manganèse par le mazéage» en la déphosphorant par le procédé Bell-Krupp, en la désulfurant par le procédé Rollet ou le mélangeur. IL est à noter que M. Ledebur n'entre dans aucun détail concernant la moulerie, qu'il a développée dans un autre ouvrage. La troisième partie de ce manuel est la plus impor tante : c'est celle quiest relative au fer et à ses dérivés. qui sont malléables et par conséquent non fonteux. Elle débute par une séparation des fers ou des aciers en deux classes suivant qu'ils sont obtenus par sou- dage ou par fusion : dans le premier cas le métal, fer ouacier, conserve emprisonnée une partie de la scorie au milieu de laquelle il a pris naissance ; obtenu par fusion, au contraire, le métal ne renferme pas de scorie, En ce qui concerne la distinction entre le fer et l'acier, l'auteur s’en rapporte absolument aux termes auxquels s’est arrèté le Comité de Philadelphie en 1876. Alors qu'en France, en Angleterre et en Amérique, on persiste à donner le nom d'acier à tous les produits malléables ayant passé par une fusion; l'usage a prévalu en Allemagne de désigner, sous le nom d'acier (Stahl), le métal carburé durcissant fran= chement par la trempe et de conserver le nom de fem malléable (Schmiedeeisen) au fer qui ne trempe pas, quelle que soit sa provenance, soudage ou fusion C'est dans l’ordre des deux divisions générales du soudage et de la fusion que M. Ledebur décrit les différents modes de fabrication du fer et de l'acier; mais auparavant il fait un résumé de toutes les con naissances actuelles sur l'influence qu'ont les corps étrangers d’une part et le traitement calorifique. d'autre part sur les propriétés physiques et mécaz niques de ces métaux et donne de nombreux détails sur les essais auxquels on les soumet. De plus, il passe en revue les appareils mécaniques, — marteaux, presses, laminoirs, — destinés à améliorer le fer et BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 189 lacier et à leur donner une forme déterminée. Ce chapitre nous paraitrait mieux à sa place, s’il faisait suite aux pages qui traitent de l'obtention du métal “soit en loupe, soit en paquet, soit en lingot, c'est-à- dire sous la forme où il est possible de l’élaborer. “L'auteur débute dans l'exposé de la fabrication du fer et de l’acier par l'étude des anciens procédés directs “(Chesnot) et les essais récents auxquels ils ont donné lieu en Amérique, étude suivie bientôt d’une explica- tion détaillée de l’affinage au bas foyer, et du puddlage dans les fours fixes et rotatifs. Tout cet ensemble de “|a fabrication par soudage comporte une partie théo- rique d'autant plus intéressante qu'elle est illustrée au moyen de graphiques. Viennent ensuite les procédés par fusion au cubilot, au creuset, à la cornue (Bes- semer et Thomas), au four à réverbère (Martin). Ce chapitre constitue la partie la plus complète du livre; il comprend une étude détaillée des lingots avec leurs défauts physiques et chimiques, des lingotières, des poches de coulée, Comme pour le puddlage, les ques- tions d’affinage y sont particulièrement traitées au moyen de diagrammes qui parlent aux yeux. De plus, après l’exposé des fours acides et basiques, M. Valton était fout indiqué pourparler en connaissance de cause de l'établissement des soles neutres en fer chromé, qu'il a préconisées en collaboration avec M. Rémaury. A la suite de ces deux importants chapitres, se groupent les deux méthodes spéciales de cémenta- tion qui présentent entre elles une certaine ana- logie, puisqu'elles consistent à exposer le métal, à la chaleur rouge, aux actions de corps susceptibles d'émettre des gaz oxydants ou réducteurs, La première est la cémentation oxydante qui, employant comme cément du peroxyde de fer, s'applique à la fonte et la transforme en fonte malléable; la seconde est la cémentation carburante, qui agit sur le fer et le convertit en acier au contact du charbon comme cément. Dans un dernier chapitre l’auteur examine l'élaboration complémentaire du fer et de l'acier et spécialement les fours qui servent au soudage des loupes et des paquets et au réchauffage des lingots, ainsi que les appareils de chargement. Il étudie à part les différents produits qu'on peut obtenir dans la métallurgie du fer, l'acier corroyé, les gros fers, la verge de trélilerie, les profilés, les rails, les tôles, les blindages. Il termine par quelques renseignements sur les appareils de finissage, tels que les cisailles et les scies qui sont destinées à diviser les pièces plus ou moins volumineuses de fer et d'acier. Qu'il nous soit permis de regretter que ce chapitre, qui traite de la transformation des dérivés du fer en produits utili- sables, nait pas recu, comme il le méritait, un plus grand développement. A part cette légère critique, nous considérons que cet ouvrage, illustré de plus de 350 gravures et écrit dans un langage clair et concis, doit rendre les plus grands services aux métallur- istes de notre pays et fait honneur à son auteur et aux ingénieurs francais qui ont contribué à le vulga- riser. Emile DEMENGE. 3° Sciences naturelles. Bolles Lee (Arthur) et Henneguy (L. Félix), — Traité des méthodes techniques de l’Anatomie microscopique. 2° édilion, uvec une préfuce de M. Rax- VIER (de l’Institut).— 1 vol. gr. in-8° de 515 pages avec fig. (Prix : 16 fr.) O. Doin éditeur, 8, place de l'Odéon. Paris, 1896. Comme pour la première édition de cet ouvrage, cette deuxième édition marque, par son titre, qu'il s’agit d’un traité de technique. Mais ceux qui fouille- ront ce livre, pour y trouver les renseignements tech- niques dont ils ont besoin, s’apercevront qu'il est quelque chose de plus. M. Bo!les Lee, qui a seul rédigé cette deuxième édition, ya tellement mis du sien, que l’on pourrait, modifiant la forme et la destination de cet ouvrage, extrayant tout ce qui est personnel, ajou- tant des figures empruntées aux très nombreuses préparations que l’auteur a dû exécuter, faire de ce livre, sinon un traité d’histologie, tout au moins un traité non pas simplement des procédés, mais bien des résultats de la technique anatomo-microscopique. Mais M. Bolles Lee est avant tout technicien, et à estimé sans doute, el avec raison, que son rôle était bien assez grand de donner aux micrographes les moyens, plutôt que de les instruire des résultats. En demeurant technique, l'œuvre de Bolles Lee est bien plutôt unique en songenre, par son envergure, par l'importance et le nombre des documents qu’elle con- tient, que si elle s'était transformée en un traité des faits de l’anatomie microscopique. On ne saurait trop insister cependantsur la quantité des observations précises faites par l’auteur à propos de ce livre, dans le simple but de contrôler les résultats obtenus par d’autres. La note personnelle est donnée à chaque page. On sent, à maintes reprises (p.107, 18+, etc.) que tel procédéest devenu réellement pratique par l’expérience que l’auteur en a faite. Tandis qu'on -peut douter, à emprunter directement un procédé à son inventeur, qu'il ait réellement la valeur que lui attribue celui-ci dans son engouement pour sa trou- vaille, qu'il soit véritablement aussi facile à exécuter que son auteur, habitué à le manier, veut bien le dire; “race à l’expérimentation de Bolles Lee, ces doutes sont levés ou tout au moins diminués de toute la con- fiance qu'on doit accorder au patient et scrupuleux contrôleur de ces procédés. Comme autre avantage à retirer de l'expérience de M. Bolles Lee, certaines méthodes, souvent si difficiles à appliquer sous la forme complète et dans toute la rigueur que leurs auteurs leur ont voulu donner, sont ici simplifiées et réduites à l'essentiel. Bolles Lee ne s’est pas borné à l’'énumération des multiples procédés de la technique histologique mo- derne, mais s’est élevé au-dessus de ce terre-à-terre de la technique en exposant les principes sur lesquels les procédés sont fondés.(Voir par exemple sa discussion relative à la valeur technique de la classification d'Er- lich pour les couleurs d’aniline.) Ce traité est mis véritablement au point par l’atten- tion toute spéciale dont les méthodes nouvelles y sont l'objet. Plus de 40 pages ont été consacrées, parexemple, aux méthodes récentes d'investigation du système nerveux. Il est regrettable que l’auteur n'ait pas cru de- voir ajouter quelque peu aux chapitres d’embryologie et de cytologie rédigés par M. Henneguy pour la pre- mière édition. On eût aimé avoir dans ce livre un résumé des méthodes de reconstruction usitées en embryologie, que l’on ne trouve dans aucun périodique francais, et qu'il faut consulter soit dans les mémoires mêmes de leurs auteurs, soit dans diverses revues étrangères. Il eùt été bon également que, dans les méthodes cytologiques, une place fût faite à la tech- nique botanique, en excluant, bien entendu, celle des struclures propres aux végétaux. Enfin (mais ceci est bien moins une critique qu’un simple desideratum) M. Bolles Lee, qui alenrichi de tant.d’utiles rensei- gnements la première édition de l'ouvrage de Bolles Lee et Henneguy, eût rendu son livre complètement utile et en eût fait l'unique traité à mettre sur la table du laboratoire, si, non content d'indiquer les procédés d'étude, il avait encore désigné les matériaux de re- cherche. Il serait, en effet, très désirable que l'on pt trouver exactement dans un ouvrage spécial, sans être obligé de le rechercher passim, quel animal il faut employer pour constater le plus aisément telle dispo- sition anatomo-microscopique d'un organe, et aussi quel organe convient le mieux pour l'examen de telle structure cellulaire. Mais peut-être ya-t-il là, d’ailleurs, matière à un ouvrage à part, dont la publication serait des plus profitables, k L A. PRENANT. 190 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4° Sciences médicales. Galtier-Boissière (D'). — Notions élémentaires d'Hygiène pratique. Hygiène privée. Hygiène publique. Médecine usuelle, — 1 vol. in-12 de 32% pages, avec 295 gravures et 8 planches en couleur. (Prix : 5 fr.) A. Colin, éditeur, Paris 1896. Ce petit livre mérite l'attention de toutes les per- sonnes vouées à l’enseignement. Depuis longtemps, d’ailleurs, la librairie Armand Colin et Cie nous avait habitués à chercher, — et Le plus souvent à trouver, — dans ses publications didactiques, ces qualités d’ha- bile exposition, d'intelligente sobriété, d'extrême clarté, d'illustration parlante, qui conviennent aux ouvrages élémentaires et les rendent vraiment utiles. Ces mérites sont éclatants dans le petit livre que M. le Dr Galtier-Boissière vient d'écrire sur l’Hygiène pratique, et qu'il destine aux enfants de nos écoles, au grand public ignorant. Il y a déployé un talent péda- gogique de premier ordre. Sa règle est celle-ci : ne traiter, en chaque question, que le principal, essentiel; et y concentrer la lumière. L'auteur énonce-t-il un précepfe d'hygiène, for- mule-t-il un conseil, toujours il en indique la raison scientifique : il décrit en langage usuel Île fait positif dominant, sur lequel il se fonde, et prend soin de re- présenter, à côté de son texte, la disposition anato- mique qu'il vise, l'expérience de physiologie dont il se réclame. Son livre est plein de gravures qui donnent au lecteur la sensation des faits concrets, base et point de départ de toute science. Ainsi, le chapitre de la congestion cérébrale consacre, dès le début, quelques lignes à la circulation du sang dans la tête, à l’action de l'insuffisance de l'air sur l'intelligence, et est illus- tré de bonne figures montrant le cerveau en place dans la boîte cranienne, l'irrigation sanguine de ce viscère, la position des gros vaisseaux qui s’y rendent, la distribution des artères à la face supérieure et à la face inférieure, la richesse du système artériel cérébral. Plus loin, à propos de la scrofule, l’auteur indique l'aspect des scrofuleux, et,tout de suite, fait connaître, en quelques mots et au moyen de dessins appropriés, le rôle et la distribution des vaisseaux et des ganglions lymphatiques, d’abord à l’état normal, puis à l’état pathologique; il représente les réseaux lymphatiques de la jambe, du bras, de l'épaule et du cou; il men- tionne ensuite les affections secondaires auxquelles les scrofuleux se trouvent particulièrement exposés, enfin les mesures à prendre préventivement contre tous ces maux. Si nous entrions dans la critique des idées et des faits, nous exprimerions le regrel de ne point trouver ici la mention de la part qui revient à l'infection tuberculeuse, Sans doute quelques réserves de ce genre nous sembleraient de rigueur, si, au lieu d'indiquer l'esprit du livre, nous considérions en elles- mêmes les diverses questions qui y sont traitées eten- treprenions de les discuter. Plusieurs demanderaient, à ce point de vue, certaines retouches, une mise au point pius conforme à l’état présent de la science. Mais, l'ouvrage étant élémentaire, ce qu’il importe ici, c’est moins d’en examiner analytiquement les matières que d'en souligner le procédé éducatif. Sous ce rapport, le petit livre de M. Galtier-Boissière doit être cité avec éloge : les maitres de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire le liront avec d'autant plus de profit que, — il faut bien le dire, — plus d’un parmi eux, nous donne, sous le titre d'ouvrages élé- mentaires, des publications si touffues qu'elles en deviennent illisibles 1, L:-0: RE RE ln ep NL, RUE 7" \ Il est juste de dire que les programmes officiels sont fréquemment responsables du défaut auquel nous faisons allusion. Depuis quelques années, surtout en Zoologie et en Botanique, nous avons assisté à une éclosion de traités dits élémentaires et, malgré cette qualification, tellement encom- brés qu'ils en sont inintelligibles. En fait, ces ouvrages demeurent inaccessibles à ceux mêmes auxquels ils sont destinés, et n’ont d'autre résultat que de susciter le dégoût de la science. 5° Sciences diverses. De Castries (Comte Henry). — L’Islam, Impres“ sions et Etudes.— 1 vol. in-18 de 360 pages. (Prix: 4 fr.) A. Colin, éditeur, 5, rue de Mézières, Paris, 1896, Au moment où le fanatisme musulman met une fois de plus à l'épreuve la patience des nations chrétiennes, il est particulièrement intéressant de consulter les jugements autorisés que porte sur l’Islam le comte Henry de Castries. Longtemps détaché au service des affaires indigènes d'Algérie, l'auteur des « Gnomes de Sidi Abd-er-Rahman ! » et de « l'Islam » s’est fait une place dans les fastes de l’armée d’Afrique, au combat du Chott Tigri. Les travaux dont il entreprend mainte= nant la publication le classent au premier rang de ceux qu'attire l'étude de l'Islam et de ses peuples. A une» grande expérience pratique des musulmans d'Algérie. et du Maroc, M. de Castries joint, en effet, toute la science d'un arabisant professionnel et une rare érudition lit téraire, — Les « Gnomes de Sidi Abd-er-Rahman » font connaître l’œuvre, et par elle l’âme d'un de ces Diogè= nes musulmans, derviches en haïillons, qui s'en vont par les villes et les douars, payant de leurs épigrammes l'hospitalité donnée à l'hôte de Dieu : Celui qui tient à parler selon la justice Doit mettre un bâton à sa ceinture. Dans ces sentences, on sent s’agiter toute la vie reli… gieuse, intellectuelle et sociale d’un monde étranger au nôtre, vivant sur son propre fond. Les « Impressions et Etudes » ne sont pas seulement un exposé des conclusions auxquelles conduit l'analyse” du mouvement islamique. En évoquant par de nom= breuses citations les souvenirs du temps des Croisades M tels que les ont conservés les poèmes contemporains, l « Islam » présente un tableau saisissant de l'hostilité originelle du monde musulman et du monde chrétien, Ici, le géantsarrasin Corsautexhorte Guillaume d'Orange, fils d’Aimeri, vicomte de Narbonne, à se convertir: Veir, dit li Turs, tu as moult fier penser. Se tu volois Mahomet aorer Et le tuen dieu guerpir et deffier Je te dorroie avoir et richetez. Ailleurs, Godefroy de Bouillon conseille à un chef mahométan de renier sa foi. Et toujours les tentatives de conciliation aboutissent à de grands chocs d’ar- mures et d’épées, N'est-ce pas là toute la philosophie des rapports entre l'Islam et le Christianisme aux temps anciens ? Irréconciliables, les deux religions, les deux civilisations se heurtent à chaque contact. Mais, depuis, leur rivalité a emprunté une forme nou- velle à indifférence des peuples d'Europe, délivrés des menaces d'une conquête musulmane; à la souplesse du mahométisme, dont la doctrine, tolérante pour ses vaincus, facile aux aspirations des peuplades primi- tives, chemine et se propage en Afrique avec une vita- lité féconde. L'expansion coloniale y multiplie les points de con- tact des anciens adversaires sur un terrain nouveau. Le sentiment de cette situation doit s'inspirer des sou- venirs d'antan. Tout en reconnaissant que l'Islam est un utile élément de civilisation, puisqu'il élève le niveau des races inférieures, les nations européennes, qui, comme Ja France, sont devenues des puissances musulmanes, doivent se rappeler quelles traditions, quels antagonismés religieux et sociaux séparent le musulman du chrétien. Il leur faut prendre pour base de toute action politique en pays mahométan, une connaissance largement tolérante, mais raisonnée, de ce qu'est l'Islam, Nul plus que M. de Castries n'était autorisé à rappeler ce principe fondamental. On doit lui savoir gré de l’avoir fait dans une forme littéraire qui élargit l'intérêt du sujet. ALFRED LE CHATELIER. 1 Les « Gnomes de Sidi Abder Rahman et Medjedoub ». Paris. E. Leroux, 28, rue Bonaparte. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 191 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 2% Août 1896. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Tisserand donne des nouvelles de l’observation de l’éclipse totale de Soleil du 9 août. M. Deslandres, au Japon, et Mie Klumpke, en Norvège, ont eu un mauvais temps et n’ont obtenu que de maigres résultats. M. Backlund, en Nouvelle-Zemble, a fait de bonnes observations, — M. P. Painlevé énonce de nouveaux résultats relatifs aux transformations des équations de la Dynamique — M. F. Siacci démontre qu'une des propositions de la Mécanique analytique de Lagrange est fausse ; c’est sa réciproque qui est vraie : Si un système passe par une posilion où il pourrait rester en équilibre, dans cette position la force vive est maxima ou minima; ou, plus exactement, la différentielle de la force vive est nulle. C’est la proposition qu'a voulu effectivement démontrer Lagrange. — M. Paul Serret étudie une double série récurrente de points toujours homocy- cliques et de cercles toujours en collinéation, atta- chés aux polygones d'ordre 3, 4, 5, résultant de y droites indépendantes, employées successivement dans un ordre donné. — M, J. Joffroy adresse une note relative à un théorème de Géométrie. - 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Righi communique ses recherches sur le mécanisme de la propagation de l'électricité dans les gaz; il a constaté expérimenta- lement qu'il y a convection suivant les lignes de force. Les rayons Rüntgen se propagent de la même facon. — M. Ch. Henry recommande l'emploi d'écrans au sulfure de zinc phosphorescent ; après exposition aux rayons Rôntgen, cet écran, transporté dans la chambre -noire et soumis à l'action d’une source de chaleur obseure, reproduit l'image dans ses moindres détails pendant ua temps assez long. Le même auteur à ob- servé que des vers luisants impressionnent une plaque photographique au travers de feuilles de papier aiguille. — M. N. Bignan, après analyse de plusieurs échantillons de sulfure de magnésium préparé par - voie humide, a observé qu'il était très difficile d’ob- » tenir ce corps à l’état complètement anhydre. — M. Clere envoie un mémoire sur l'Electricité, le Monde solaire et la Terre. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. G. Chauvet et E. Rivière communiquent le résultat de leur explo- - ration du gisement quaternaire de la Micoque (Dor- - dogne). La faune contemporaine des hommes quater- - naires de la Micoque est presque exclusivement … représentée par une seule espèce animale : un Equidé «de grande taille ; l’industrie est exclusivement repré- - sentée par des silex taillés du type chelléo-moustérien, “ — M. F, Bouffé envoie une note sur le psoriasis et ses rapports avec la syphilis. Séance du 31 Août 1896. —… M. le Secrétaire perpétuel annonce à l’Académie la «perte qu'elle vient de faire dans la personne de M. Henri Resal, membre de la Section de Mécanique, .… décédé le 22 août. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. de Jonquières . montre que les règles formulées par Gauss dans ses - Disquisitiones (n° 147, 148, 149) donnent la marche “ à suivre pour écrire d’un seul coup les formes linéaires . de tous les nombres premiers qui sont diviseurs de la formule x? + A, ou x? est un carré indéterminé et A . un nombre quelconque donné. — M. P. Serret for- mule une classe de propositions analogues au théo- . rème Miquel-Clifford et montre les propriétés qui en résultent pour les polygones de 5, 6, 7, 11, 12 côtés, circonserits à l'hypocyeloide de module !/,,. — M.E. La Combe adresse un mémoire relatif à la loi de Newton et à divers problèmes de Mécanique générale. — M. Ch. Lallemand, analysant les résullats des principaux nivellements de précision exécutés en Eu- rope, y a reconnu, en outre des erreurs accidentelles, l'existence d’erreurs systématiques très légères (un à deux dixièmes de millimètre par kilomètre), dont l'influence, négligeable sur de petits parcours, dé- passe, au contraire, de beaucoup celle des erreurs accidentelles pour les grandes lignes traversant les continents et reliant les différentes mers entre elles. L'auteur indique une méthode pour les évaluer. 20 SorENCES PHYSIQUES. — M. E. Villari a soumis un électroscope à l'action des rayons X en interposant sur leur passage un disque de plomb ou de laiton complètement opaque; néanmoins l’électroscope se décharge avec une rapidité plus ou moins grande suivant la position qu’il occupe derrière le disque. L'auteur en conclut que les rayons X, ou leur effi- cacité, se replient derrière les corps opaques et que l'ombre de ces corps diminue du centre à la péri- phérie, — M. R. Varet a trouvé que les combinaison: formées par le chlorure mercureux en s’unissant aux autres chlorures métalliques ont, dans l’état dissous, des chaleurs de formation qui sont du même ordre de grandeur pour une série de sels doubles. La dia- lyse montre que ces combinaisons sont partiellement dissociées au sein de leurs solutions. L'auteur esl conduit à envisager ces sels doubles comme des dérivés d'acides complexes Hg?CIGH? et HgCI'H2. Les chlorures de cuivre, de cadmium, donnent des sels doubles complètement dissociés par la dialyse. — M. G.-W. Pierces adresse une note relalive à la vitesse du son, — M. E. Bourquelot a reconnu que le ferment oxydant des Champignons agit aussi en solution alcoolique étendue d’eau; l'alcool n’est pas oxydé, mais seulement le corps qui y est dissous. L'auteur a pu ainsi étudier l’action du ferment sur les corps insolubles dans l’eau; les résultats précédents sont confirmés. — MM. Bordas et Génin ont vérilié, sur un grand nombre d'échantillons, que le point de congélation du lait est variable; on ne peut donc se servir de la valeur de l’abaissement de ce point au- dessous de là moyenne (0°,56) pour déterminer le degré du mouillage, ainsi que différents auteurs l’avaient proposé. 3° SGtENCES NATURELLES. — M. D. Clos décrit les caractères extérieurs et les modes de répartition des petits tubercules ou tuberculoïdes des Légumineuses, — M. C. Sauvageau est parvenu à observer, chez l'Ectocarpus siliculosus, une fécondation intermédiaire entre l’isogamie vraie et l’hétérogamie; mais elle se fait seulement sur quelques-unes des premières z00s- pores sorties avant le lever du jour et, par consé- quent, dans des conditions qui rendent l'observation plus difficile que celles qu'a rencontrées M. Berthold, qui signala un fait analogue en 1881, — M. E.-L. Bouvier communique l'observation d’un câble télé- graphique posé à Haïphong et ayant été mis hors d'état par des Termites, qui avaient creusé leurs ga- leries dans les enveloppes de coton et de jute; il est probable que ces insectes avaient pénétré par un trou accidentel de l'enveloppe de plomb ou par l'extrémité du câble, Pour prévenir ces accidents il serait bon d'imprégner préalablement de sulfate de cuivre les enveloppes du càble. — M. V. Thébault montre que, chez les Oiseaux, c’est le ganglion syringien qui déter- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES mine la sécrétion des glandes de l’intérieur de la tra- chée. — M. J.-M. Krassilschtschik est parvenu à isoler les microbes spécifiques des maladies de la flacherie et de la grasserie chez le vers à soie. Le microbe de la flacherie, qu'il a nommé Streptococcus pastorianus. a déjà été distingué, il y a plus de trente ans, par Pasteur sous le nom de ferment en chapelets ; celui de la grasserie est un microcoque (Microcoëcus lardarius). — M. Reïilly adresse une note relative à la situation géographique des iles sous-marines. Séance du T Septembre 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Maurice Lévy lit une notice sur la vie et les travaux d'Henri Résal. — M. Backlund annonce que l'expédition envoyée en Nouvelle-Zemble pour observer l’éclipse totale de Soleil du 9 août dernier a pu obtenir douze bonnes photographies, dont quelques-unes montrent une étendue considérable de la couronne ; les recherches dans les environs du Soleil ont été toutefois difficiles à cause de la présence de légers nuages. — M. P. Serret montre qu'on peut employer le cercle fixe, dérivé d'un groupe quelconque de sept tangentes d'une conique, pour définir, a priori, le cercle dérivé de sept droites quelconques. — M. L. Hartmann rec- tifie certaines assertions contenues dans une précé- dente note de M. Charpy : 19 il n’a jamais indiqué que les métaux se comportent tous comme des corps homogènes ; 2° il a depuis longtemps mis en évidence qu'on peut manifester l’élat physique d’un corps par un nouvel effort; 3° ses expériences n’ont pas porté sur des métaux oxydés superficiellement, mais sur des métaux polis; la couche superlicielle créée par le polissage n’a, en général, aucune influence sur la déformation, — M. A. Karagiamidès adresse une note relative à diverses questions de Mécanique cé- leste. — M. Rozier adresse une note relative à la direction des aérostats, 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. ÆE. Villari expose de nouvelles expériences en faveur de l'hypothèse que le phénomène de la décharge des corps électrisés est provoqué, non pas directement par-les rayons X, mais par l'air activé par leur passage. Cet air con- tourne les corps opaques aux rayons X et en provoque la décharge en des points où ces rayons ne passent pas. — M. Ch.-Ed. Guillaume arrive, par le calcul, à la formule qui donne l'intensité des rayons X émis par une surface en fonction de l'angle que les rayons font avec cette surface; il montre que l'intensité est à peu près indépendante de l'angle d'émission jusqu’au voisinage de l'émission rasante, si le coeflicient d’ab- sorption des rayons X par la substance est beaucoup plus petit que le coefficient d'absorption des rayons cathodiques qui leur donnent naissance ; or, il en est ainsi dans tous les cas étudiés jusqu'ici, et la loi mathématique concorde bien avec les observations expérimentales. — M. Marcellin Langlois adresse un mémoire sur la thermochimie des composés oxy- sénés du phosphore, de l’arsenic et du soufre. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. Ch- Henry expose ses expériences faites en vue d'arriver à la relation géné- rale entre l'intensité de la sensation et la durée de l'excitation lumineuse. Ses recherches confirment la joi de Bloch, d’après laquelle les temps nécessaires à la sensation intégrale varient en raison inverse de l'intensité. — M. Bouxteieff adresse une note relative à la nervopsychose. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 25 Août 1896. .M. le Président annonce à l’Académie la perte qu'elle vient de faire dans la personne de M. G. Lagneau, membre de la Section d'Hygiène et de Médecine légale. — M. Javal s'occupe de la question de la dépopula- tion de la France; il signale deux causes de cet état de choses : la constitution récente de lignes néo-mal- thusiennes et le mode actuel de répartition des impôt qui écrasent les familles nombreuses. — M. Just Lu cas-Championnière établit le rôle important de J graisse dans un grand nombre de hernies ; en effet, graisse qui s’'accumule au-dessous de la surface péri tonéale, occupe dans l’abdomen une place énorme contribue à le remplir, par conséquent, à chasser le viscères qui l’occupent normalement et ne trouveni plus de place pour leur expansion. l’auteur donn quelques applications thérapeutiques des notions qu'i a exposées et indique comment il convient de prépas rer les sujets très gras avant une opération de cure d hernie, — M. H. de Brun (de Beyrouth) critique les ar guments fournis récemment par le D° Zambaco-Pacha, et qui tendent à faire de l'ainhum des auteurs un modalité de la’ léprose mutilante ; il arrive à cette com clusion, que l’ainhum doit, au contraire, être regardé pour le moment, comme une entité morbide distincte Séance du 1°" Septembre 1896. Il est donné lecture du discours prononcé par M. Bergeron sur la tombe de M. Lagneau. — M. E. Her- vieux signale l'épidémie variolique qui existe à Mar= seille depuis 1893, et la compare à celle de Paris, qui prit naissance à la même époque, mais qui fut arrêtée au bout d’un an et demi, grâce aux nombreuses re- vaccinations qui furent pratiquées. Les mesures ana= logues prises à Marseille ont été tardives ou insuffi= santes, et il est nécessaire, pour empêcher le fléau de continuer, que la municipalité exige la revaccination en masse de la population. = Séance du 8 Septembre 1896. M. Ferrand fait une communication sur l’œuvre mé- dicale de Quesnay. — M. E. Hervieux entretient de nouveau l’Académie de l'épidémie variolique de Mar= seille. Il donne le chiffre des décès pour les mois de 1896; ce chiffre, considérable pour le premier tri= mestre, s’est beaucoup abaissé pendant le second, mais il est encore bien supérieur à ce qu'il devrait être. On ne peut done pas dire qu'il n'y ait pas d’épi= démie variolique à Marseille, et le ralentissement de la mortalité ne doit pas faire cesser l’exécution des mesures indispensables pour obtenir la cessation com plète de l'épidémie. — M. A. Riche termine le compte. rendu des séances de la Section IX du congrès de Chimie appliquée, en exposant la question de la toxi= cité des alcools. SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Récentes communicalions. M. H. Abraham indique un mode de compensation des couples de torsion destiné à augmenter la Sensibililé du galvanomètre à cadre mobile. Un galvanomètre à cadres mobile ne donne toute la sensibilité que comportent, l'intensité du champ magnétique et les dimensions de son cadre que lorsqu'on emploie un fil de torsion suf: fisamment fin. Comme on ne peut pas diminuer indé= finiment l’épaisseur du fil, on est conduit à comp'nsen le couple directeur di à l'élasticité du fil. A cet effet ons porte le centre de gravité du cadre un peu en avant du fil de torsion, soit par construction, ce qui, assu— rément, est bien préférable, soit à l’aide d’une sur= charge, quand on veut utiliser un instrument déjà construit, On penche ensuite le galvanomètre en: arrière et l’on règle son inclinaison au moyen de vis calantes. On voit l’oscillation se ralentir jusquà devenir, par exemple, dix fois plus lente. La sensi- bilité du galvanomètre se trouve alors centuplée eb atteint celle que peut donner un galvanomèlre Thom- son de même résistance. — M. D. Hurmuzescu indique les résultats de sa nouvelle détermination du rapport x entre les unités électrostatiques el électromagnétiques. Les. méthodes le plus souvent employées pour déterminer cette constante ont été : celle des capacités et celle des forces électromotrices, comme étant les plus pré- ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 193 cises. Maxwell, bien avant les autres déterminations, avait employé une autre méthode très élégante, fondée sur la mesure des forces électromotrices, mais dont la disposition expérimentale est peu susceptible de précision. M. Hurmuzescu a repris cette méthode, mais en la modifiant de manière à la rendre au moins “aussi précise que les autres méthodes. Elle consiste à prendre la différence de potentiel électrostatique, - électrodynamique. “d'une bobine longue unicouche et d’une bobine mobile aux bouts d'une résistance bien. connue R, par un électromètre absolu cylindrique; à ce couple on oppose directement un autre, dû à une répulsion L'électrodynamomètre est formé disposée à 90° en son milieu. Les deux instruments forment un système solidaire porté par un fil de sus- pension très sensible. On observe la déviation dans une lunette à 3 mètres de distance; on agit sur la résistance pour avoir l'équilibre entre les deux couples. L’électromètre est double à chaque bout du levier L. Pour éliminer les dissymétries tant de l’électromètre que de l'électrodynamomètre, comme aussi le champ . magnétique terrestre, déjà compensé pour une grande partie par un aimant permanent, après avoir obtenu l'équilibre dans un sens pour une résistance R, à l’aide d’un double commutateur-renverseur, on change le sens des deux couples à la fois et on obtient un nouvel équilibre pour une résistance R'. L'emploi de l’électromètre cylindrique (circulaire) rend les expé- riences particulièrement précises, On a un équilibre stable, un réglage sûr et exact, par le fait que la force passe par un minimum lorsque les deux cylin- dres sont exactement coaxiaux ; on a obtenu cette coïncidence à moins de 0®»,2; l'erreur correspon- dante, calculée d'après les formules de Blavier, est de l'ordre du dix-millième, Les mesures qu'on a effec- tuées pour avoir v sont : Pour l’électromètre : le rap- port des diamètres des cylindres et le bras du levier L. Les deux mesures, on peut les avoir avec une grande précision pour les dimensions données aux appareils. Pour l’électrodynamomètre : n, et S. Pour cette der- nière mesure, l'auteur a employé une méthode nou- velle : ramener la comparaison de Set d’une bobine- étalon unicouche de grand diamètre à une compa- raison de deux résistances. Cette méthode donne largement le Mais, comme il y a une incertitude 3.000" 1 de = G0ù Sur la valeur de l'ohm, suivant qu'on adopte M A0 du de 106 2hm légal ou Te ohm légal adopté, l'auteur a obtenu pour » le millième seulement. La mesure de R se faisait après chaque équilibre, directement par une boite Elliott, disposée en pont et tenue à l'abri des variations de température. Cette boite a été éta- lonnée en ohms légaux, et l’ohm mercuriel qui a servi à cét étalonnement a été comparé aux copies [3 et (#9, du Bureau international des Poids et Mesures. La force électromotrice employée à varié de 1.500 à 2.500 volts ; elle provenait d'une dynamo spéciale de haut voltage. La moyenne de six combinaisons deux à deux des moyennes des quatre séries, chacune à peu près de vingt déterminaisons ne différant pas du - —— entre diverses valeurs d'une même série, donne 1500 pour ” une valeur comprise entre 3,0005.1010 et 3,0020.1010, SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Communications récentes. M. Thomas conclut de ses recherches sur l'action du peroxyde d'azote sur le chlorure d’antimoine fondu, - qu'il ne se forme pas de combinaison. On se trouve en présence d’ an simple phénomène de dissolution, L’au- teur croit qu'en étudiant soigneusement la loi de dis- solution du peroxyde d'azote dans un dissolvant soi- _celui-c gneusement choisi, en opérant à différentes tempéra- tures et sous différentes pressions, on pourrait dé- montrer que le peroxyde d'azote Az°0' donne, à haute température ou sous faible pression, AzO?, Acluelle- ment, certains auteurs attribuent la variation de den- sité de ce gaz à la variation de ses constantes phy- siques au voisinage de son point de liquéfaction. M. Darzens présente un travail de M. Fourlinnie sur la forme des atomes, — M. Ponsot établit dans quelles conditions il faut se placer pour trouver, sans erreur systématique, l’abaissement du point de congélation d’une solution. Il critique notamment la méthode dans laquelle on opère avec un rayonnement égal pour des solutions de concentration différente, L'erreur, dans ce cas, peut devenir considérable pour de petits abais- sements de température : aussi, vaut-il mieux opé- rer dans un rayonnement nul. — M. Friedel présente une note de M. A. Collet sur l’action du chlorure de butyryle x bromé sur Je benzène en présence du chlorure d'aluminium. — M. Friedel a examiné dif- férentes substances qui lui ont été remises par M. Mélineau et proviennent des fouilles d’Abydos. Dans un échantillon de graisse les glycérides avaient disparus. Elle était formée essentiellement d'acide pal- mitique et d’un peu d’un acide bibasique. Un échan- tillon de bronze renfermait 15 ° /, d'étain, un fragment d’électrum 35 2}, d’or, 1,5 °/, de cuivre, et le reste en argent. Un des vases formé de giobertite, veiné de car- bonate de chaux, était particulièrement remarquable. — L'oxydation par le ferricyanure de potassium du dé- rivé cuprique de l'alcool propargylique à donné à M. Lespieau un glycol solide fondant à 111-1129 de formule : CH?20H—C—=C—C—C—CH?0H. — M. A. Granger à obtenu les sesquiphosphures de fer, de cobalt et de nickel. en chauffant dans la va- peur de phosphore les chlorures correspondants. — M. Moureau, en déméthylant l’eugénol par l'acide bromhydrique, a obtenu un liquide épais, distillant entre 175° et 180°, qui donne au bout de quelques jours des cristaux fondant à 53-55°, Ce corps parait être une oxypropylpyrocatéchine C°H20#, — M. l’abbé Hamo- net a repris l’étude de l’électrolyse des acides gras. Il a constaté que l’électrolyse d’un acide à n atomes de carbone donne très peu de carbure contenant 2n — 2 carbones ; au contraire. on obtient une grande quan- tité de carbure non saturé à n — 1 carbones. Il se fait aussi une quantité assez considérable d'alcool conte- nant n — 1 carbones. Les acides butyrique et isobuty- rique donnent ainsi de l’alcool isopropylique. Les acides caproïque et valérianique donnent aussi une grande quantité d'hydrocarbure non saturé. L'alcool formé n’a pas encore été déterminé. — M. Moissan ex- pose les dernières recherches qu’il a effectuées sur la reproduction artificielle du diamant. E. Cnarox. SECTION DE NANCY M. Petit soccupe de l'action de l'acide carbo- nique sur les chlorures. Une solution de chlorure de calcium neutre, tenant en dissolution de Pacide Hoondue et mise en contact avec du fer, attaque 1; il se forme FeCl?. CaCOS, et il se dégage de l'hydrogène qu'on peut recueillir; la quantité de gaz est équivalente à celle du fer dissous. Celte ac- tion est plus énergique en présence de bicarbonate de chaux; elle se produit également, mais moins forte avec du chlorure de sodium et de l'acide carbonique. Cette réaction peut expliquer l'attaque des conduites et des réservoirs en fer par certaines eaux. — M. Mul- ler, poursuivant l'étude des acides faibles, en particu- lier de l’acide borique (voir p. 756), a réussi à suppri- mer presque totalement l'hydrolyse du métaborate de soude par addition de quantités croissantes d'acide borique aux solutions de plus en plus diluées de ce sel ; dans ces conditions, l'accroissement de conducti- bilité est régulier et permet de conclure à l'existence 194 d’un acide monobasique et d’un sel monosodique de formule simple NaBO? ou NaH?2BO%, — M. Minguin fait connaître les résultats qu’il a obtenus dans la déter- mination des propriétés cristallographiques de quel- ques alcoylcamphres. Il trouve que ces corps sont tous orthorhombiques, même quand les alcamphres corres- pondants sont monocliniques. Les deux atomes d’hydro- gène semblent se porter plus spécialement sur les dômes pour augmenter la symétrie. Il montre que, dans ces dérivés, se rencontre encore la même simili- tude cristalline qu'il a observée dans les alcamphresf, Cet angle voisin de 1609 formant une dérivation g# a été observé aussi dans les dérivés bromés obtenus avec le benzalcamphre et le benzylcamphre sur lequel nous reviendrons plus tard. Cette même remarque a été faite aussi par Tépharovich ? sur plusieurs dérivés du camphre. — M. Klobb à étudié l’action des alcalis sur les éthers diphénacyleyanacétiques en faisant varier la concentration, la température, et aussi la nature du dissolvant. Bouillis avec une solution aqueuse de po- tasse à 15 °/,, ils se dédoublent en acide carbonique, alcool, ammoniaque et acide diphénacylacétique sui- vant l'équation : CAz (CiHE—CO—CH)}=0L +3KOH+H°0 — COOC?H° (C5H5—C0 —CH:2)>=CH—COOK-EK?C05-+C2H60-LAzHS. L'acide diphénacyleyanacétique : CH (CSH:—CO0 —CH:)> —C/ NCOOH qui devrait se former d’abord ne peut pas s’obtenir par ce moyen, même si l’on se sert de solutions étendues et froides de potasse, L’eau de baryte, l'ammoniaque, la potasse alcoolique donnent aussi des réactions trop énergiques. On réussit, par contre, à l’isoler en dissol- vant l’éther diphénacylcyanacélique dans l’acétone et ajoutant à froid la quantité théorique de potasse en dissolution dans l’alcool. L’acide diphénacyleyanacé- tique constitue des cristaux de saveur amère, remar- quables par leurs réactions colorées. L'auteur a pré- paré les sels de sodium, d'ammonium et de baryum. Traité par un excès de potasse alcoolique, au contact de l’oxygène de l'air, l'acide diphénacyleyanacétique se convertit en une substance amorphe rouge cinabre que les alcalis dissolvent en bleu et, par un contact plus prolongé, en un corps azoté, cristallisé, fusible à 275°, L'analyse de ce corps rouge conduit à la formule CISH®AZ0; sa formation peut s'exprimer par l’équa- tion : > CH e (CSH—CO—CH) = C\ +0 + 2KOH = COOC?’H° CISHI3AzOëLK2COELC2H60. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES SCIENCES PHYSIQUES -. H. Gladstone, F. R, S.: Relation entre la réfraction des éléments et leur équivalent chi- mique. — Cette note est divisée en deux parties. La première est une revision et uneextension du tableau des réfractions atomique et spécifique donné par l’au- teur en 1870 et modifié en 1877. La secondeest l'exposé de la relation que l’auteur a trouvée entre les réfrac- tions spécifiques et les équivalents chimiques des élé- ments. — 11 Partie : Réfraclions spécifique et atomique iles éléments : Le tableau I contient le poids atomique les réfractions spécifique et atomique des éléments, revisés d’après les plus récentes données. Pour les poids atomiques, l’auteur a adopté les nombres récem- ment publiés par la « Commission des Poids atomiques » En à, 1, 2 NN DS 1 C. R.t. 122, p. 1548. ? Sitzb. Acad. de Vienne, 1816, 73, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES de l'American Chemical Society. La valeur des réfractions spécifiques à été empruntée aux dernières publications. de Landolt, Haagen, Brühl, Topsoe et Christiansen, Mascart, Becquerel, Kanonnikoff, Soret, Nasini, Ghira, Perrot, Tutton, Lord Rayleigh, Edwards, Hibbert, Gladstone et d’autres. La réfraction atomique est le produit des nombres des deux premières colonnes; L — | elle est égale à P = : Tableau I. — Poids atomiques et réfractions. TE RÉFRACTIONS RÉFRACTIONS ss atomiques spécifiques atomiques ÉLÉMENTS = D u— A LE p'Én : a Hydrogène... 1.008 1.488 4. Eithiumen res 7.0 0.514 8. Beryllium...... 9.0 0.733 6. OLbETAL EN ESS 11.0 0.4360u0.317| #4.8ou Carbone.... .. 12.0 0 383 4. AZOLEre ras sn 14.03 0.343etc. 4. Oxygène....... 16.0 0.2030u0.169| 3.25ou2 HINOr Eee re 19.0 0.031 0.6? ANOUOES ne 19.94 0.159 3.17 Sodium........ 23.05 0.202 4. Magnésium ...…. 24.3 0.287 6.9 Aluminium ,... 27.0 0.352 9 SIRCIUM...- 28.4 0.2500u0.204| 7T.1ou5.8 M Phosphore..... 31.0 0.594 etc. 13.4 etc. SOU Et ee 32.0 0.422ou0.500/13 5ou16.0ete.|lM Chiore sen ne 35.45 0.2820u0.302| 10.0ou10.7 | Potassium..... 39.11 0.205 8.0 Calame 40.0 0.252 10.1 Titane rates 48.0 0.522 25.0 Vanadium ..... 51.4 0.481 24.7? Chrome....,... 52.1 0.296 15.4 Manganèse.....| 55.0 0.208 11.5 NEA ee 56.0 0.2090u0.355| 11.70u49.9 Nickel........ 58.7 0.186 11.0 CONAÏTT EEE 59.5 0.183 10.9 Ciivre +2 63.6 0.184 Let AO nas 0S 65.3 0.151 LU) Galliumr....... 69.0 0.214 14.75 Arsenic........ 15.0 0.200 15.0 Selenium...... 19.0 0.339 etc 26.8 etc. Bromes.-....#. 79.95 0.1900u0.213| 15.2ou 17.0 Rubidium ..... 85.5 0.133 11.4 Strontium ..... 87.66 0.152 13.5 MÉDTIUNM. Es 89.1 0.197 17.6 Zirconium..... 90.6 0.242 2169 Rhodium ...... 103.0 0.232 23.9? Palladium ..... 106.5 0.213 22) ATEN). 107.92 0.121 13.1 Cadmium ...... 112.0 0.12% 13.9 UM ce 113.7 0.153 17.4 tan. 119.0 0.2320u0.161| 27.5ou19. Antimoiné..... 120.0 0.204ou0.200! 24.5 ou 24. oder eee 126.85 0.1920u6.214| 24.#ou CæsSiumi.-2777 132.9 0.117 15.6 Baryum ..... UOASTEES 0.117 16.1 Lanthane.....… 138.2 0.143 19.8 Cerninma ss 140,2 0,143 £0.0? Inidium:-- 2211841037 0.165 31:97 Platine er 195.0 0.172 33.5 OLA EE 197.3 0.127 25.1 Mercure .. ..... 200.0 0.1070u0.099/21.5 ou 19.8? Thallium.... 204.0 0.106 21.6 Plombiers 206.95 0.1290u0.119/26.7? ou 24.ë Bismuth.......| 208.0 0.154 32.0 Thorium..... 100232; 6 0.123 28.1 Quelques éléments ont deux réfractions spécifiques : ce sont ceux qui se combinent dans de multiples pro- portions. D’autres éléments ont aussi des réfractions spécifiques différentes suivant leur mode de combinai- son; la réfraction la plus fréquente est indiquée en chilfres, et l'existence des autres est signalée par un « ete. ». Pour cette raison el aussi à cause des erre urs ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES d'expérience dans la détermination des valeurs des deux premières colonnes, les nombres de la dernière colonne sontsujets à une certaine incertitude, qui peut aller jusqu'à 5 °,, de leur valeur, — 2° Partie : Relation entre la réfraction spécifique et l'équivalent chimique (pro- portion combinatoire) des éléments : L'auteur avait déjà montré que, si on arrange les éléments dans l’ordre de leurs réfractions spécifiques, ils sont justement dans l’ordre inverse de leurs équivalents chimiques; il avait même pu formuler cette loi approximative : que la réfraction spécifique d’un métal est inversement proportionnelle à la racine carrée de son équivalent chimique. Aujourd'hui, en possession de toutes les données que renferme le tableau I, l’auteur arrive à la loi suivante : Le produit de la réfraction spécifique par la racine carrée de l'équivalent chimique est une constante pour tous les métaux ayantla même valence. Le tableau II montre la vérification de cette loi pour les métaux monovalents : Tableau II. — Métaux monovalents. RÉFRACTION spécifique Lithium ... .514 Sodium.... 202 Potassium . .20ù Rubidium . .133 Argent... 121 Cæsium.... .117 MÉTAL PRODUIT, RRRREEEE VEquivalentchimique Mercure... .107 Thallium .. | 06 On voit que le produit moyen pour les métaux mo- noatomiques (excepté le sodium) est de 1,30. Les deux derniers métaux, quoique étant monovalents dans les composés pour lesquels on a obtenu les valeurs indi- quées, sont généralement considérés comme bivalent et trivalent ; c’est pourquoi le produit est un peu plus élevé. On les retrouvera dans les tableaux suivants. Tableau III. — Métaux bivalents. 2e RÉRRAGRION Er re | Al : FN spécifique |VEquivalentchimique PRODUIT: Beryllium.. 1559 Magnesium 1.00 Calcium ..… 142 TS ETAPE 0.87 Strontium . 1.00 Cadmium.. 0.92 Baryum ... 0.97 Mercure ..…. 0.99 ? Cuivre..... 1.04 Cobalt..... 1.00 Nickel... 1.01 Manganese. 0.208 5.24 1.09 LCR 0.209 5.29 1.44 Plomb..... 0.149 10.17 121 Blain... h.232 ai 1.78 Palladium... .3 1.55 Le tableau LIT montre qu'à l'exception du beryllium, les métaux bivalents donnent un produit sensiblement Concordant, dont la valeur moyenne est 0,99. Les cinq « derniers éléments, qui ont généralement une plus “ haute valence, donnent, comme pour les derniers mé- “ {aux monovalents du tableau II, un produit plus élevé, Tableau IV. — Métaux trivalents. : REFRACTION] | nn ee 2IÉ RAT spécifique [VEquivalentchimique| PRODUIT. Aluminium 0.352 3.00 1.05 Gallium... 0.214 4.79 1.02 Yittrium ... 0.197 5.45 1.07 Indium .,.. 0.153 45 0.94 Lanthane.. 0.143 6.19 0.97 Cerium .... 0.143 6.83 0.98? OL Par 0,127 8.11 1.03 ArseniC.... 0.2 Antimoine. Le tableau IV nous montre queles métaux trivalents et l’arsenic concordent presque rigoureusement et don- nent une moyenne de 1,01 pratiquementidentiqueavec celle des métaux bivalents. Les métaux trivalents qui ont généralement de plus hautes valences montrent, comme précédemment, un produit plus élevé. Tableau V. — Métaux tétravalents. | RerRACTrION IÉTAL AE É spécifique PRODUIT. YEquivalentchimique Zirconium . Thorium... Iridium... Platines: Le tableau V donne pour les métauxtétravalents une moyenne de 1,06, mais les produits ne sont pas aussi réguliers, Un seul métal pentavalent a été examiné, lantimoine. Il a donné : éfrACHONMSPÉCIQUEZ eee 0,200 VEquivalent chimique ................. 1,9 Produit..... Judo ane esp ose u,98 En résumé, les tableaux ci-dessus montrent que : 1e Les métaux qui ont la même valence ont la même ou à peu près la même constante de réfraction, 2° Les constantes des métaux bivalents, tétravalents et appa- remment pentavalents sont à peu près identiques et égales, en moyenne, à 1,01. 3° Lorsqu'un métal se com- bine dans une proportion inférieure à sa valence or- dinaire, sa constante est un peu élevée. — Toutes les valeurs données ont été calculées pour des composés dans lesquels le métal occupe la place d’un radical électro-négatif. Si les constantes ci-dessus avaient été calculées avec la racine carrée du poids atomique, au lieu de la racine de l'équivalent chimique, on aurait obtenules moyennes suivantes : Métaux monovalents"#"2..25 "7... 1.30 A Lion dédie so ee au 1.40 —HOAIVA lent EPA EEE Ps dec 4:12 — MiéiravalentsereR ere. ae 2.12 — pentavalents...."." 2,19 On voit que, pour les quatre derniers termes, les nombres croissent à peu près dans la proportion des racines carrées de ?, 3, # et 5. L'auteur propose de donner au produit de la réfraction spécifique par l'équi- valent chimiquele nom de « constante de réfraction des poids équivalents ». Il peut être représenté par la formule : SE? — constante. ne À 196 C. T. Heycock, F. R. $S. et F. H Neville : Courbes des points de fusion des alliages binaires d'argent et de cuivre avec d'autres métaux. — Les alliages, pesaut de 200 à 500 grammes, étaient fondus dans des creusets de plombagine, placés dans un four Fletcher, Un courant de gaz d'éclairage où d’hydro- gène passait à travers chaque creuset, et venait brüler à la surface du métal fondu, le préservant ainsi com- plètement de l'oxydation. Pour former les alliages, on ajoutait successivement des quantités pesées d'un mé- tal à la quantité préalablement pesée et fondue de l'autre métal, et on prenait le point de fusion (ou de solidification) après chaque addition. La température était mesurée au moyen de pyromètres à résistance électrique, du type Callendar-Griffiths. En portant en abscisse la composition pour centde l’alliage et en or- donnée le point de fusion correspondant, on obtient la courbe des points de fusion. Pour un alliage à deux métaux, elle consiste généralement en deux branches, partant chacune du point de fusion du métal pur, et s’abaissant jusqu’à ce qu’elles se rencontrent en un point, nommé point eutectique. C’est le cas de la courbe argent-cuivre. Si deux métaux A et B forment un composé stable C, la courbe se divise alors géné- ralement en deux systèmes AC et CB, ayant chacun leur point eutectique et se réunissant au sommet in- termédiaire C. C’est le cas de la courbe cuivre-anti- moine. L'auteur donne les courbes complètes des alliages Ag-Cu, Ag-Pb, Ag-Sn, Pb-Cu, Sn-Cu, Ag-Sb. Il a aussi déterminé la courbe des points de fusion de so- lutions diluées de Bi, Au, Ni, Fe, Al, dans le cuivre, et de Bi, Pt, Au, Al et TI dans l'argent. — La courbe ar- sent-cuivre n'indique aucune combinaison des deux métaux, quoique le point eutectique corresponde pré- cisément à un alliage de composition Ag#Cu?. — Pour les courbes argent-plomb et argent-étain qui ont une grande ressemblance, l’alliage eutectique contient si peu d’argent, que la courbe consiste presque unique- ment dans la branche qui part de l'argent pur. Cette branche, d'abord régulière, subit tout à coup une dé- pression; les auteurs y voient, non l'indice d’une combinaison chimique, mais plutôt le fait d’une aggré- galion des atomes de plomb et d’étain en molécules plus grandes, phénomène qui, dans le cas de l’alliage argent-plomb, peut aller jusqu’à la séparation de l’al- liage en deux liquides conjugués, lorsque les deux métaux sont à peu près dans la proportion de leurs poids atomiques. L’alliase plomb-cuivre montre un ex- cellent exemple d’un phénomène prévu par Ostwald, mais pas encore réalisé expérimentalement : la solidi- fication d’un système consistant en deux liquides con- jugués, une solution saturée de plomb dans le cuivre et une solution saturée de cuivre dans le plomb. La branche de la courbe qui part du cuivre pur s’abaisse d’abord régulièrement, puis la courbure diminue et, pour une proportion de 17 à 65 atomes de plomb, le point de fusion reste constant à 954; la courbe s’a- baisse ensuite jusqu'au point eulectique. L'examen des alliages solidiliés montre que la partie horizontale de la courbe correspond à des alliages qui se sont séparés en deux couches pendant qu'ils étaient encore liquides. — La courbe cuivre-éfain présente de nombreuses singularités. Dès qu'on ajoute de l’étain, elle descend brusquement, ce qui indique, probablement, la for- mation de composés SnCu* ou SnCu‘. Un angle brusque, pour environ 15 atomes de plomb, et la nature de l’al- liage solidifié, indiquent de grands changements dans les caractères physiques et microscopiques de l’alliage. La ligne remarquablement droite qui va de ce point jusqu’à £0 atomes d’élain, peut s'expliquer par la sépa- ration d’un composé isomorphe SnCu’, Puis la courbe devient horizontale jusqu'à 25 atomes d’étain; il se sépare peut-être alors des liquides conjugués. — La courbe argent-antimoine montre un angle correspon- dant au composé AgSb; le point eutectique, quoique près de la composition Ag#Sh?, n'y correspond pas. Les auteurs constateut que, dans trois cas, les dépres- Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette. 17 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sions angulaires et non les sommets des courbes, cor= respondent à des composés définis. Les observations sur les alliages d'aluminium ont été troublées pan l'oxydation partielle de ce métal. 3. A. M°Clelland : Absorption des rayons Rôntgen par différentes substances. — L'auteur emploie le dispositif expérimental suivant : Ja bobine d’induction et le tube à vide qui produit les rayons sont placés dans une boîte de bois, à garniture métal= lique, percée d’un trou que traversent les rayons pour tomber sur un disque métallique bien isolé et chargé, relié à un électromètre: L'effet des rayons est de dé= charger le disque, et l'intensité de la radialion est me- surée par le nombre de divisions dont se déplace, sur une échelle, un point lumineux réfléchi par un petit miroir solidaire de l'aiguille de l’électromètre. Si l'on interpose un corps quelconque sur le trajet des rayons’ devant le disque, le degré d'absorption des rayons parce corps sera indiqué par la diminution de la décharge da disque. On détermine d’abord la quantité dont se dé" charge le disque, lorsqu'une plaque de verre est inter posée sur le passage des rayons. Puis on substitue à la plaque de verre des feuilles d’étain, en nombre n, pro=. duisant à peu près un effet égal, et on mesure exacte- ment le degré de décharge. Puis on prend le rapport # des deux décharges. On prend ensuite un certain nombre de feuilles d’étain et la plaque de verre, eton mesure la décharge ; on substitue alors à la plaque de verre les n feuilles d’étain employées précédemment, et on mesure de nouveau la décharge, et on prend le rapport b des deux décharges. Si les rayons Rôntsen sont tous de même nature, les rapports a et b doivent être égaux. Dans le cas étudié, ces rapports présentent quelque différence, et l’auteur l'explique en supposant que les rayons ne sont pas homogènes, les uns étant plus absorbés par le verre, les autres par les feuilles d'étain, Plusieurs substances ont été expérimentées à la place du verre, et le tableau indique les résul- tats obtenus, La colonne B donne le rapport des dé- charges mesurées, lorsque les rayons ont traversé d’a- bord le corps indiqué dans la colonne A, puis un nombre n de feuilles d’étain produisant à peu près le même effet. La colonne C indique le rapport des décharges mesurées, lorsque les rayons ont traversé d’abord quatre feuilles d’étain et la substance examinée, en= suite les mêmes quatre feuilles d’étain et les n feuilles, d’étain produisant à peu près le même effet que la substance examinée. A B DIFFÉÈRENCE Tungstate de calcium......... 1,07 | 0,85 0,22 Platinocyanure de calcium....| 1,30 | 0,86 0,44 Platinocyanure de potassium..| 1,10 | 0,57 1,23 FUCRSIN CEE: CS 1519000717 0,38 Moser Re PETER: 1,31 | 1,00 0,31 HSCUIINO SERRES EEE EC EEE 1,33 | 0,90 0,43 F'luorescéine ser 7-7... Me ,32 10; 08 0,24 Sulfure de baryum...,....... 1,30 | 0,97 0,33 D’autres substances (bois, paraffine, eau) absorbents aussi les rayons, mais moins fortement. Les résultats ci-dessus ont été obtenus avec un tube fonctionnants extrêmement bien; la pression de l'air résiduel y était très faible, Un autre tube, où la pression de l'air élail plus élevée, fut essayé; dans aucun cas, les substances interposées n’absorbèrent une partie des rayons, ce qui conduit à admettre que les radiations de ce lube étaient homogènes, Un troisième tube, intermédiaire entre les deux autres, fut essayé; dans ce cas, il y eut, de nouveau absorption différente des rayons, mais pas d'une facon aussi marquée que pour le premier tube. il semble donc que plus un tube est eflicace dans la production de rayons, moins ceux-ci sont homosènes, Le Directeur-(Gérant : LOUIS OLIVIER. 1° ANNÉE N2519 15 OCTOBRE 1896 REVUE GÉNÉRALE . DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER Had CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Physique. La récente Conférence météorologique internationale de Paris.— Cette conférence, qui faisait suite à celle de Munich (1891), s’est réunie dans l'hôtel de la Société d'Encouragement, le 17 septembre dernier; ses travaux ont duré une semaine. Elle se composait des Directeurs des Instituts météorologiques de l'Etranger, du Directeur et des Chefs de service du Bureau Central Météorologique de France, des Direc- teurs des observatoires d'Alger et de Toulouseet de plu- sieurs savants francais et étrangers admis avec voix consultative. M. Mascart, nommé président par acclamation, sur la proposition de M. Scott, secrétaire du Comité météo- rologique international, à dirigé les travaux avec son autorité et sa maîtrise accoutumées. Signalons parmi les membres les plus distingués de la Conférence : M. von Bezold, Directeur de l’Institut météorologique de Berlin, vice-président, dont la finesse, l'esprit de décision et la parfaite courtoisie ont été fort remarqués, et M. Neumayer, Directeur de la Seewarte de Hambourg, auquel son éloquence per- suasive a valu un gros succès personnel. Le programme des travaux était très chargé. Si, sur la cinquantaine de questions agitées, on laisse de côté quelques proposilions d'importance secondaire, l’en- semble peut se répartir en quatre groupes : 1. — SIMPLIFICATION ET TRANSMISSION DES DÉPÈCHES MÉ- TÉOROLOGIQUES. — Les Instituts de Hambourg et d'Utrecht avaient proposé d'accélérer la transmission des télé- grammes météorologiques par l'adoption en Europe ‘un système de dépèches circulaires échangées à une heure donnée entre les Bureaux centraux, La proposi tion de ce système, qui fonctionne en Amérique, a été soumise au Congrès télégraphique international de Buda-Pesth, qui à répondu négativement, arguant de l'insuffisance du nombre des lignes télégraphiques existantes et des difficultés qui proviendraient de Pin- terrnption des télégrammes sur des lignes d’un trafic très élevé, Au point de vue des relalions météorologiques inter- nationales, l'avis du Congrès de Buda-Pesth cause une REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, véritable gêne, car le système des circuits fonction- nant à une heure donnée est la meilleure de toutes les solutions, Dans ces conditions, la Conférence de Paris a exprimé le désir que les documents relatifs à chaque pays fussent réunis aux Bureaux centraux respectifs assez à temps pour que les échanges internationaux eussent lieu au plus tard avant dix heures du malin, temps de Greenwich. Elle a, en même temps, exprimé le regret que les dépêches de l'Espagne et du Portugal, très importantes dans certains cas, arrivent toujours trop tard pour être utilisées. 2, — INSTRUMENTS ET MÉTHODES D'OBSERVATION. — La Conférence a examiné trois questions importantes : Définition des orages; leur notation. — Le Congrès de Vienne avait distingué par deux signes différents, les cas où l'on observe seulement des éclairs éloignés ou diffus et ceux où l’on observe à la fois les éclairs et le tonnerre. La Conférence de Paris a distingué un troisième cas : celui où l’on entend du tonnerre loin- tin sans voir d’éclair, cas qui sera désigné par le symbole T. Dans les résumés, le nombre de ours d'orage devra être, autant que possible, évalué simul- tanément pour chacun de ces trois cas. Enregistrement des heures de soleil, — C'est une ques- tion difficile, l'enregistrement de linsolation étant à peu près impossible en Norvège, par exemple, où le Soleil-est presque toujours peu élevé au-dessus de l'horizon. Cependant, l'héliographe photographique du général Welitchko paraît recommandable dans ce cas, tandis que le dispositif simple réalisé à Alger par M. lhévenet convient plutôt aux faibles latitudes. Pour la climatologie générale, il est nécessaire que lins- trument soit dans une situation telle que l'horizon soit entièrement visible, La durée d’insolalion doit être rapportée à la durée totale du jour astronomique, en tenant compte, pour chaque instrument, de la correc- lion relative aux observations voisines de lhorizon. La Conférence s’est bornée à la question de la durée de la visibilité du soleil, laissant volontairement de côté les mesures d'intensité relative. Adoption d'un anémomètre étalon. — La Conférence n’a pas cru pouvoir trancher une pareille question et adopter un appareil à l'exclusion des autres. La dis- 19 7198 cussion a mis toutefois en évidence la commodité de l'anémomètre portatif de Recknagel, qui est bien cons- truit, de très petite taille, et donne la vitesse du vent par la formule : V—a+ bA, V étant la vitesse du vent, A celle des coupes, b une constante absolue, a une constante de frottement qui, à cause de l'oxydation de l'huile, est, en réalité, une fonction linéaire du temps. Comparaison des différents abris thermométriques. — La Conférence a déclaré désirable que, dans une sta- tion au moins de chaque pays, on emploie, en même temps que l’abri ordinaire, d’autres dispositions telles que l’abri Stevenson et l’abri français, et au moins le thermomètre à aspiration Assmann (grand modèle) sous sa forme actuelle (Fuess, 1896). Les comparai- sons seraient poursuivies pendant deux ans et, si l’on ne pouvait en publier les résultats in extenso, on don- nerait, au moins pour chaque mois, les moyennes et les valeurs extrêmes. 3. — MAGNÉTISME TERRESTRE ET ÉLECTRICITÉ ATMOSPHÉ- RIQUE. — Le magnétisme terrestre a été l’objet de dé- libérations fort importantes. Après avoir longtemps admis la régularité de la distribution des éléments magnétiques à la surface de la Terre, on s’est arercu que cette hypothèse était souvent infirmée.par l’obser- vation. Les différents physiciens ont commencé isolé- ment l’étude magnétique de leurs pays respectifs, et aujourd’hui il est question d’une enquête internatio- nale sur l’état magnétique du globe, Dans quelques années, l'Europe sera très bien connue au point de vue magnétique : malheureusement, de très grosses lacunes subsisteront ailleurs, qui seront difficilement comblées par des expéditions magnétiques ou les observations des officiers de marine. Pour aboutir, il est absolu- ment nécessaire que les observations soient faites et réduites d'une manière uniforme, et que les notations employées soient les mêmes. A ce sujet, MM. von Bezold et Eschenhagen ont fait une série de proposi- tions qui ont été généralement adoptées, mais dont le détail m'entrainerait trop loin. Je me contenterai de dire qu'elles ne font que consacrer les errements sui- vis depuis de longues années à l'Observatoire du Parc Saint-Maur par M. Moureaux, En particulier, la Conférence a exprimé le désir que la publication des cartes magnétiques soitaccompagnée de Tables additionnelles contenant les éléments, déduits des observations et du calcul, qui ont servi à la cons- truction des cartes. Les éléments représentés par celles-ci seront toujours les éléments ramenés au pre- mier janvier d'une certaine année. En ce qui concerne l’enregistrement de l'électricité atmosphérique, à peu près tout ce que l’on sait de nouveau sur la question est dû à M. Chauveau, dont l'installation au sommet de la tour Eiffel fonctionne parfaitement malgré les potentiels très élevés (plusieurs milliers de volts) qu’il faut mesurer. 4, — ETUDE DES NUAGES EF ANNEXES NOUVELLES DE LA MéréoroLoGiE. — La météorologie s’est beaucoup étendue dans ces dernières années. IL est possible maintenant de mesurer avec précision la hauteur et les mouvements des nuages par la photographie. A cet effet, aux extrémités d’une hase de longueur connue (4,2 ou 3 kilomètres), deux observateurs en communi- cation par le téléphone braquent au même instant leurs théodolites sur un point, facile à reconnaitre, d’un même nuage, mesurent sa hauteur au-dessus de l'horizon et l’angle de sa direction avec la base. On en tire aisément la hauteur du point considéré au-dessus de l'horizon. La même opération répétée au bout d’un nombre de secondes convenu permet de déterminer en valeur absolue la vitesse du point dans l’espace. En outre, on photographie le nuage dans les deux posi- tions et on mesure les clichés pour en déduire les dimensions absolues du nuage. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Grâce aux efforts persévérants de M. Hildebrandson, d’Upsal, des observations suivies sont faites actuelle= ment soit comme précédemment, soit avec un instru= ment plus simple appelé néphoscope, dans la plupart des observatoires de l’Europe. En France, elles sont centralisées à l'Observatoire de Trappes, qui est la propriété de M. Léon Teisserenc de Bort, Une nouvelle branche de la Météorologie est en train de prendre naissance sous le vocable de Météorologie maritime ; un projet détaillé de recherches dans cette direction, destiné à être appliqué à l’Institut Central Météorologique d'Helsingfors a été présenté par M. Biese à la Conférence de Paris, qui l’a accueilli avec le plus grand intérêt. On peut considérer comme une branche de la Météo= rologie maritime l'étude entreprise par M. PaulsenM (de Copenhague) sur la répartition des glaces flottantes dans l'océan Atlantique, au nord du 60° parallèle. Cette répartition a été, pour 1895, donnée sous forme de cartes mensuelles. Il n’est pas jusqu'à l’Aéronautique qui ne se soit présentée comme un auxiliaire de la Météorologie. Sur l'initiative de M. von Bezold, la Conférence a accueilli avec faveur un projet d’ascensions par ballons montés ou ballons-sondes, ces ascensions ayant lieu simultanément en divers points de l’Europe, dans le but de faire, avec des appareils enregistreurs aussi identiques que possible, des observations météorolo-. siques dans l’atmosphère. ; Les extensions récentes de la science météorologique, « du Magnétisme terrestre et de l’Electricité atmosphé- rique, fourniront aux conférences météorologiques futures des programmes très variés sur des questions qui touchent de très près à la Physique; c’est dire qu’elles ne céderont en rien, sous le rapport de l'intérêt scientifique, à celles qui les auront précédées. E. Mathias, Professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Toulouse, $ 2..— Chimie. Les Diamants de l’Acier.— Les belles recher- ches de M. Moissan, qui ont abouti à la production arti-. ficielle du diamant, sont encore dans tous les esprits. Grâce au refroidissement, — brusque etsous hautepres- sion, — de fonte en fusion saturée de carbone, l’illustre chimiste obtint ce dernier corps cristallisé à l’état de diamant. Or, les conditions mêmes de celle synthèse sont depuis longtemps plus ou moins réalisées dans nos hauts fourneaux et nos fonderies, et particulièrement dans la fabrication de certains aciers dont les pro- priétés spéciales ne peuvent être obtenues que par leu refroidissement sous une pression élevée du métal en fusion. Il était donc naturel de penser que ces aciers, et d'ailleurs les produits mêmes du haut-fourneau, doivent renfermer des diamants microscopiques. C’est dans le but de vérifier cette hypothèse que, depuis longtemps, des expériences ont été entreprises au Laboratoire de » Chimie inorganique de l’Université de Berne, sous la haute direction de M. le Professeur A. Rossel, dont on connait la haute compétence en la matière : après avoir, en effet, l’un des premiers, répété les essais et confirmé les résultats de M. Moissan, — en butte dès l’abord à tant d'attaques et d’incrédulité, — il est à son tour passé maître dans les expériences difficiles de la Chimie des. hautes températures, Ses recherches sur les diamants de l'acier, dont les premiers résultats furent d’abord l’objet d'une note sommaire aux Comptes Rendus !, viennent d'être expo= sées tout au long dans un mémoire dû à son principal collaborateur, M. Léon Franck, et paru dans le journal Stahl und Eisen ©. En voici les principaux résultats : 1 (}, R. de l’Académie des Sciences de Paris,t. CXXIII, n° 2. 2 Slahl und Eïisen, 16e Jahrgang, n° 15. | 1 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 799 Les échantillons d'acier examinés ont tous été traités de la manière suivante : Environ 300 grammes, pris dans un morceau compact, sont traités par l'acide nitrique ; le résidu insoluble, — composé de carbone (surtout à l’état de graphite), de combinaisons du sili- cium et autres analogues, — est lavé avec de l’eau jusqu’à disparition de la réaction des sels de fer, puis bouilli trois fois avec de l’acide nitrique fumant ; 1l se dissout en partie. Le reste, après avoir été lavé, est additionné plusieurs fois d'acide fluorhydrique, puis d'acide sulfurique fumant. Après ce traitement, le résidu a disparu en grande partie; la solution estdiluée jusqu’à la densité 1,8; un charbon léger surnage et peut être enlevé, Après cela, il ne reste plus de gra- phite; le résidu lourd est lavé, séché, fondu a- vec du chlorate de potasse, lavé de nouveau, puis soumis encore une fois aux 0- pérations décri- tes ci-dessus. A- près le traite- ment à l'acide sulfurique bouil- lant, il ne sub- siste plus qu'un résidu absolu- ment inatta- quable. Le premier a- cier examine portait la mar- que : Witten 1867. Le résidu qu'il donna, agi- té avec un li- quidelourd, l'io- dure de méthy- lène, tombait au fond du vase. Au microscope, on distinguait, avec un très fort gros- sissement , de petits octaèdres transparents, In- différents en lu- mière polarisée. Brülés sur une feuille de pla- tine , dans un courant d’oxy- gène, ces oclaè- dres disparais- saient presque sans laisser de cendres, et dégageaient de l'acide carbonique. Ils présentaient donc tous les caractères du diamant. Environ 50 observations, faites sur lesaciers les plus divers, ont donné presque toutes des résultats ana- logues. En général, les aciers non forgés et non lami- nés donnent des octaèdres distincts, tandis que les aciers travaillés ne fournissent que des débris de eris- taux ; d’ailleurs, les cristaux entiers se brisent très facilement. En général, plus la température à laquelle l'acier a été fabriqué était élevée, plus il contient de diamants ; d'autre part, il est probable que la dureté de l'acier croit avec la quantité de diamant qu'il renferme. Une des constatations les plus intéressantes de l’auteur est celle d'un loup qui fut retiré, pendant une réparation, du foyer du haut fourneau n° 3 de MM. Metz et Cie, à Esch-sur-l’Alzette (Luxembourg). Ce produit conteuait tous les composés qui peuvent se for- mer à la température élevée du haut fourneau, en par- ticulier des phosphure, arséniure et siliciure de fer, du siliciure de manganèse, du carbure de silicium, beau- coup de graphite cristallisé, du carbure de titane et un cyanure de titane de formule Ti!0 C? A8, Après traite- ment, ce loup laissa comme résidu une assez grande quantité de diamants, les plus gros qui aient été obte- nus artificiellement jusqu'à présent. Le plus gros, qui mesure plus de 0®"5 d'épaisseur, a recu le nom d’£toile du Luxembourg. Il ouvrira probablement, dit M. L. Franck, la série des grands diamants artificiels, car, d’après la compo- sition du produit qui l’a fourni, on est porté à croire que la fonte ordinaire n’est pas le meilleur dissolvant du carbone, et, une fois ce meilleur dissolvant connu il est très vraisemblable qu'à l’aide d’une haute tem pérature et d’une forte pression , onarrivera à pro- duire industriel- lement le dia- mant. Mais les obser- vations que nous venons d’analy- ser ontune autre importance. On sait que M. Mois- san, se basant sur la nature des roches et miné- raux qui accom- pagnent le dia- mant dans plu- sieurs de ses gi- sements (au Cap, en partliculier)et sur le fait que certaines mété- orites, — frag- ments de corps célestes encore liquides qui se sontsolidifiésen tombant sur no- tre terre, — con- tiennent du dia- mant, a été ame. né à formuler la théorie suivante de la genèse du diamant nalu - rel : Les couches internes de Ja Terre, compo - sées probable - Fig. 1. — Taches de Black Rot sur une feuille de vigne (grandeur naturelle). — Les ment de métaux taches sont distribuées sur le limbe et surtout sur les bords du limbe. Les au- à réoles de points noirs caractérisent les altérations dues au parasite. l’état fondu, tenant en dis- solution du carbone, seraient venues au jour sous l'influence de poussées éruptives et se seraient soli- difiées en laissant cristalliser leur carbone à l’état de diamant. Les beaux travaux de M. Rossel et de ses élèves apportent un nouvel argument à l’appui de cette brillante conception. Louis Brunet. S3. — Agronomie. La lutte actuelle contre le Black Rot, — La vigne est sans cesse attaquée par de nouveaux ennemis. Après l’oidium, le phylloxéra, le mildiou, l'anthraenose et le pourridié, voici le Black Rot qui étend ses ravages. C’est surtout dans le Sud-Ouest, et notamment dans les départements du Gers, du Lot-et- Garonne, du Tarn-et-Garonne et des Landes que cette maladie a causé le plus de pertes. Celles-ci ont été très considérables en 1895; elles seront probablement aussi importantes cette année même. On sait que le Black Rot est une maladie provoquée 800 par le développement du mycélium d’un cryptogame parasite, le Guignardia Ridwelii. Les filaments ténus qui constituent ce mycélium émettent des bourgeon- nements, grandissent avec une extrême rapidité, pé- nètrent dans les cellules des tissus végétaux, les en- vahissent et les tuent. L'attaque des champignons parasites est révélée, tout d'abord, par l'apparition de taches couleur feuille morte (fig. 1) sur les feuilles de la vigne. L'altération du limbe a pour conséquence sa destruction partielle; mais la feuille conserve sa vita- lité et remplit les fonctions ordinaires, contrairement à ce qui se passe lorsqu'il s’agit du mildiou. En revanche, si les spores du parasite viennent à se développer sur la grappe, soit immédiatement après la floraison, soit ultérieurement, les filaments du mycé- lium envahissent rapidement les raisins. Une tache apparaît, grandit; le grain se ride, se dessèche (fig. 3), et, dans l’espace de deux ou trois jours, la récolte peut être compromise ou perdue. Qu'il s'agisse des feuilles ou des raisins, un détail caractéristique permet de reconnaître les altéra- tions dues au Black Rot. On voit, en effet, apparaître sur les ta- ches dont nous venons de parler, de petites pustules noires (fig. 1 et 2) ayant l'aspect de petits grains de poudre d’une ténuité extrême, bien qu'ils soient visi- bles à l’œil nu. Ces pus- tules sont des concep- tacles renfermant les spores du parasite. Ces spores ont, d’ailleurs, des formes et des di- mensions variables . Elles assurent par leur vitalité et leur facile dissémination le déve- loppement de la mala- die et son extension rapide. Il en est de même pour d’autres catégo- ries de spores etnotam- ment pour celles dont on a constaté la pré- sence sur les raisins et les grappes. L'existence de ces germes, disséminés par millions dans les vignobles contaminés, constitue un danger permanent, et il est facile de comprendre l'intérêt que présente leur destruction. On ne saurait trop re- commander, dans ce but, de ramasser avec soin les feuilles desséchées, les grappes et raisins attaqués, et de brüler ces débris en même temps que les sarments après la taille d'hiver. Quels remèdes peut-on recommander pour prévenir, notamment, lPenvahissement de la grappe et sa des- truction? Le traitement préventif qui paraît le meilleur, con- siste dans une série de pulvérisations permettant de couvrir les feuilles et les rameaux, puis, ultérieure- ment, les grappes, d’une couche de bouillie bordelaise, Cette bouillie est constituée par un mélange de : ladie. 100 litres d’eau. 3 kilos de sulfate de cuivre. On ajoute ensuite sous forme de lait de chaux une quantité de chaux suffisante pour neutraliser la disso- lution. L'hydrate d'oxyde de cuivre, mis en liberté, est dissous dans l’eau qu'apportent les rosées et les pluies. C’est lui qui prévient ou arrête, fort probable- ment, le développement des spores du parasite, el assure l’immunité des grappes, lorsque les pulvérisa- Fig. 2. — Auréole d'une lache de Black Rot. — L’auréole est grossie ici pour montrer ses rapports avec le limbe non encore altéré de la feuille, et le système des points noirs caractéristiques de la ma- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ions ont été faites en {emps opportun. 1l est, en effet, indispensable d'exécuter le traitement dès l’apparition des premières pousses, et de le répéler assez souvent pour que l'hydrate d'oxyde de cuivre mis en liberté” paralyse ce développement, si rapide parfois, des spores du Black-Rot ou en détermine la mort avant qu'elles aient pu donner naissance au mycélium des-… tructeur, « Lors du congrès récemment tenu à Agen, un viti- culteur distingué de cette région, M. Dubuc, a signalé le succès obtenu par lui au moyen de quatre traite ments successifs. Les trois premières pulvérisations ont été faites les 10 mai, 25 mai et 20 juin, avec une bouillie composée de la facon suivante : Hate AU ARRETE 100 litres. 1 Sulfate de-cuivre ARRETE _ 2 kilos. Mélasse. 1.240: PET SRE 1 kilo Chaux. sisi Se 2 kilos L'addilion ‘de la ‘mélasse à la dissolution rend plus complète l’adhérence de la bouillie à la sur- face des organes. Le quatrième traite- ment, donné le {er juil- let, a comporté la pul- vérisation d’une bouil- lie, semblable à la pré- cédente, mais dans la- quelle on avait substi- tué (2 kilos de sulfate de fer et 1 kilo de sul- fate de cuivre. Les quantités pulvé- risées par hectare ont été les suivantes : litres. 1er traitement ..… 800 ° _— 1.500 30 — 2.000 4e — 1.600 Total... 5.900 Les 8/10 de la récolte ont été préservés. Des pieds servant de témoins et non traités, ou traités seulement soit avec de la pous- sière de chaux, soit avec de l’eau pure en abondance, ont été envahis par le Black Rot, et tous les raisins ont été détruits. Cette expérience très nette paraît démontrer l’effica- cité des sels de cuivre et de la bouillie bordelaise en particulier. Malheureusement, quelques viticulteurs, qui avaient . eu recours aux mêmes procédés, déclarent qu'ils n’ont pas réussi à préserver leurs vignobles. Cet insuccès peut, il est vrai, être attribué à un retard apporté aux traitements. Ceux-ci doivent précéder l'attaque si ra- pide et presque foudroyante de la maladie. : Un autre viticulteur, M.Couderc, qui a fait une étude spéciale des traitements contre le Black Rot, résume ainsi ses conclusions : « 40 Le cuivre n’a pas son équivalent et son égal parmi les autres substances essayées comme préservatif du Black Rot. « 20 Le Black Rot procède par poussées périodiques, très » régulièrement espacées au printemps, et se confondant presque en une marche uniforme à l'automne. Leur période est de 26-27 jours; la durée des poussées, 6 jours environ. Elles sont précédées, à 6-7 jours d'intervalle, d'une période de méme durée d'éclosion des spores, ou période dange- reuse. « 30 Pour que la préservation soit bonne, il faut que la période dangereuse coïncide avec la période d’action maxima de chaque bouillie. « 4° On préserve de la poussée suivante avec une bouillie CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE à 2 kilos de sulfate de cuivre et 2 kilos de chaux (par hec- tolitre d'eau), en traitant très vite (6 jours), mais abondam- ment, et en commençant le traitement en pleine poussée précédente de Black Rot. Avec une bouillie de 3 % de sul- fate de cuivre et 2,5 % de chaux, le traitement doit être commencé trois ou quatre jours plus tard, c'est-à-dire quand la poussée précédente est complètement arrètée. « 5° Il est dangereux de traiter avec des bouil- lies à grand excès de chaux dans l’intervalle des poussées, et plus on multiplie les traitements avec elles, plus on peut compromettre la pré- servation au lieu de l’assurer. «69 On peut, au con- traire, trailer aussi sou- vent qu'on le voudra avec des bouillies neu- tres ou acides, et, avec elles, plus souvent on traite, plus la défense est parfaite. « 7° Les bouillies al- calines sont favorables à la vigne, les bouillies acides sont nuisibles ; parmi ces dernières, les bouillies sucrées sont à recommander. « 8° Les traitements doivent être très abon- dants et aussi parfaits que possible sur toute la surface des feuilles et des raisins. « 99 Je crois pouvoir, en attendant mieux, conseiller un traitement mixte : 1° dans les deux ou trois premiers traite ments, les bouillies alcalines à 2 %, employées aux époques déterminées par les poussées; 2° pour les autres traite- ments, les bouillies neutres ou sucrées. On multiplie le plus possible ces derniers traitements, suivant les moyens dont on dispose. « 109 Les bouillies alcalines à 2 *% doivent être employées en pleine poussée pour prévenir la poussée suivante, qui viendra vingt-six jours après, » Fig. 3. — Grains de raisins à diffé- rents stades du développement du Black Rot. Quelles que soient, en ce moment, les divergences d'opinion des viticulteurs, il nous semble que l’on peut dégager de leurs essais ces renseignements : 1° Les sels de cuivre sont efficaces. 20 Les traitements doivent être préventifs et faits dès l’apparition des premières pousses. Ils seront abon- dants. 3° Il est utile de détruire par le feu toutes les par- ties contaminées, de facon à ne pas multiplier les spores. 4° Les traitements doivent être continués durant plusieurs années consécutives, la continuité des pul- vérisations ayant pour effet de diminuer précisément le nombre de ces spores. D. Zolla, Prof. à l'Ecole d'Agriculture de Grignon. PA 4. — Hygiène publique. Les conséquences hygiéniques de la Monopolisation de l'alcool. — Au moment où la question du monopole de la rectification de l'alcool se pose a nouveau devant les Chambres et est l'objet, dans les feuilles politiques, des appréciations les plus fantaisistes, c’est le devoir de la Revue d’appeler l'attention du public instruit et du Parlement sur les faits d'ordre scientifique qui doivent, pour une part, servir de base à la discussion. On répète partout que la monopotisation opérera, en Hygiène, une révolution : on présume qu'elle fera immé- diatement cesse» la vente, sous le nom d'eaux-de-vie, de boissons contenant des alcools supérieurs et des élhers, si nuisibles à la Santé, et l'on s'imagine que la consommation actuelle de telles buissons résulte du régime en cours ; on croit que les eaux-de-vie nocives sont celles que fabri- quent les distillateurs d'alcools de grains et de betteraves. La note suivante, que nous avons demandée à notre dis- 801 tingué collaborateur M. X. Rocques, si notoirement com- pétent en la matière, fait justice de ces erreurs. L. 0. La monopolisation de l'alcool par l'Etat compte de chauds partisans qui, envisageant cette réforme sous le double point de vue de l'hygiène et du fise, la pré- conisent à la fois comme moyen d'atténuer les pro- grès de l'alcoolisme et comme une ressourée nouvelle pour nos finances. Laissant de côté la partie fiscale de cette réforme, nous ne l’examinerons ici qu’au point de vue de l'hygiène, Pour se rendre un compte exact des effets qu’aurait sur l’hygiène publique la monopolisation de l'alcool, il est utile de considérer l’état actuel de la fabrication. IL y à, en France, deux sortes de producteurs d’alcools: 1° Des producteurs de profession, qui sont soumis au contrôle Sévère et permanent de la Régie, Ces fabri- cants sont au nombre d'environ 6.600 et produisent environ 2,400.000 hectolitres d'alcool. Ils se répar- tissenteux-mêmes en deux classes bien distinctes : les fabricants d’alcools dits d'industrie, mettant en œuvre les grains, mélasses et betteraves, qui sont les moins nombreux (600), mais dont la production est la plus considérable, et lesbouilleurs de profession (distillant le vin, les fruits, etc.) qui sont assez nombreux (6.000) et produisent relativement peu. 2 Des bouilleurs de cru, propriétaires qui distillent, chez euxset pour leur consommalion, les jus alcoo- liques résultant de la fermentation de leurs fruits. Bénéficiant de la loi du 11 décembre 1875, ils ne sont pas soumis au contrôle de la Régie, parce qu'ils sont censés ne pas vendre d’eau-de-vie, Ces bouilleurs de cru sont en nombre considérable : on les évalue à 800.000, etils produisentune quantité d’alcoo!l qu’on peut estimer à 600.000 hectolitres, On peut donc évaluer la production totale de l’alcool à 3 millions d’hectolitres, dont un cinquième échappe à toute surveillance et à tout impôt. (Voyez le tableau de la page 802.) Si, maintenant, on considère la nature des alcools préparés par ces trois groupes de producteurs, on cons- tate les faits suivants : La production de l'alcool d'industrie se divise en bons goûts, moyens gouts et mauvais goûts. La production des premiers est d'environ les trois quarts de la pro- duction totale. Les alcools d'industrie bon goût sont de l'alcool sensiblement pur !. Ces alcools s’emploient pour la préparation des eaux-de-vie de fantaisie (cognacs, kirschs, etc.) et des liqueurs, Ces alcools de fantaisie sont donc très peu chargés en impuretés et ils sont bien plus purs que les alcools dits naturels (c'est-à-dire résultant de la distillation du vin, du cidre, etc.). Il faut insister, d’ailleurs, sur ce fait que le fabricant d’alcoo] d'industrie et le fabricant d’eaux- de-vie et de liqueurs ont intérêt tous deux à produire et à employer de l'alcool neutre, bon goùt et sensi- blement pur :le premier, parce que, les alcools se vendant à la prime, il y a tout bénéfice à produire de bons alcools et il n'y a aucun intérét à les mélanger d’alcools impurs; le second, parce que l'alcool neutre est facile à travailler; il suffit d’une faible addition d’eaux-de-vie naturelles ou de bouquets pour lui com- muniquer un goût agréable, Les alcools naturels produits par les bouilleurs de profession sont, en général, bien préparés et ne con- tiennent qu'une quantité peu élevée d’impuretés. Remarquons que ces impuretés ne sauraient, dans la plupart des cas, être enlevées, même partiellement, sans porter atteinte au bouquet et, par conséquent, à la valeur intrinsèque de cette classe d’alcools, Le bou- quet fait corps avec ces impuretés. En prescrire la rectification absolue serait une chose absurde. Ce fait explique pourquoi les alcools naturels sont moins purs que les eaux-de-vie d'industrie : les premiers ont un arome naturel agréable, qu'enlèverait la purification 1 C'est-à-dire exempt d’impuretés, mais, bien entendu, unie, dans l’eau-de-vie, à une proportion variable d’eau, 802 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE de l'alcool; les dernières, au contraire, ont, avant d'être purifiées, un arome désagréable, qu'il faut nécessairement enlever par la rectification. Enfin, les alcools naturels produits par les bouil- leurs de cru sont faits très souvent dans de mauvaises conditions avec des fruits avariés, avec des appareils imparfaits. Aussi, dans la plupart des cas, ces alcools sont-ils beaucoup plus chargés en impuretés que les alcoolsnaturels produits parles bouilleursde profession. Dans le tableau ci-joint nous avons figuré d’une manière générale la quantité d’impuretés qu’on trouve dans ces trois classes d’alcools. En prenant la quan- tité d'impuretés que renferme l'alcool d'industrie bon goût égale à 1, nous représentons le coefficient d’im- pureté des alcools naturels bien préparés par 15 et celui des alcools naturels faits imparfaitement par 50. C’est là ce que démontrent à l'évidence les statistiques d’analyses. Alcools d'industrie | Alcools naturels . Grains Melasses Betterapes Quantité d'alcoot produite hnnuellem ex 600,000 hectoltres 2, 200.000 hectolitres 200,000 hectolitres Nombre 800,000 Les alcools de ces deux classes sont soumis au contrôle actuel de la Regre Voyons maintenant quelle serait l’action du mono- pole et comment il pourrait s'exercer. Il ne semble pas qu’on songe le moins du monde à s’en prendre à la troisième classe de producteurs, nous voulons dire aux bouilleurs de cru; ceux-ci pos- sèdent un privilège qu'on ne paraît pas vouloir atteindre, tout au moins par le monopole. Il ne s’agit que des alcools produits actuellement par les distillateurs et bouilleurs de profession, ceux-là mêmes qui font partie de nos deux premières classes, et surtout des alcools d'industrie qui forment la plus grosse part de la production. C’est, d’ailleurs, ces alcools d'industrie qu’on vise plus spécialement el qu'on accable au nom de l’'Hygiène, L'E!at devenant fabricant d’alcool d'industrie fera- til mieux que les distillateurs actuels ? Fera-t-il de l'alcool plus pur? Evidemment non, car il n’y a pas lieu et il n’y a pas moyen de faire plus pur. La dis- tillerie est une industrie considérable, dont le maté- riel est très perfectionné et très coûteux. L'Etat ne saurait — avec les procédés actuels de la science — faire mieux que ce que l’on fait actuellement, Il pro- duira de l'alcool d'industrie presque pur, tel que celui qu’on fait maintenant, Mais, dira-t-on, l'Etat ne vendra à la consommation que les 75 °/, d'alcool bon goût qu’il produira. Il éliminera les 18 ou 20 °/, d'alcool moyen goùt. Nous avons dit que le distillateur actuel avait intérêt à faire de même et se conforme, en réalité, à cet intérêt, N'y aurait-il pas, d'ailleurs, intérêt, que rien ne serait plus simple que de le contraindre à le faire. Il y a, dans toutes les distilleries de France, une armée d’em- ployés de la Régie qui y sont installés. et qui en sur- veillent rigoureusement toutes les opérations. Il suffit de charger ce personnel du contrôle hygiénique, et l’on aura atteint le but que l’on se propose. Si donc le monopole s’établissait et s'il ne s’exercait que sur les alcools d'industrie, iln’y aurait, en fait, rien de changé à la qualité des eaux-de-vie consommées. En réalité, on a tout à fait déplacé la question. L’accroissement de l'alcoolisme est dû à deux causes : d’abord et surtout à la quantité de l’alcool consommé, qui est trop forte ; ensuite à la qualité, parfois défec- tueuse, de certains de ces alcools, en particulier, de ceux que produisent les bouilleurs de cru. Mais, le fac-. teur de beaucoup prédominant dans l'alcoolisme, c’est la quantité : c’est parce qu'on boit trop d'alcool que l’alcoolisme progresse d’une manière effrayante !, Les mesures qui seraient les plus efficaces, au point de vue de l’Hygiène, sont donc celles qui abaisseraient la consommation : c'est probablement par l’augmen- tation des droits sur l'alcool, par la surveillance exercée contre la fraude, et surtout en atteignant la consommation et la vente au cabaret qu’on obtiendrait des résultats efficaces. Pour améliorer la qualité de l’alcool consommé, il serait nécessaire de surveiller non seulement la pro- duction des distilleries exercées, mais aussi d’attein- dre cette masse considérable d’alcool produite par les bouilleurs de cru, car c’est de là que vient l'alcool chargé d’impuretés et l'alcool de fraude. En résumé, la monopolisation de l'alcool par l'Etat ne s'impose pas au nom de l'Hygiène ?. Les mesures législatives qui seraient les plus efficaces à ce paint de vue seraient celles qui auraient pour but de dimi- nuer la consommation des eaux-de-vie et liqueurs et d'améliorer la qualité des alcools, surtout de ceux que préparent les bouilleurs de cru. Par suite, il nous semble que, dans cet ordre d'idées, ce sont sur les points suivants que les réformes auraient le plus de chances de donner un bon résultat : 1° Suppression du privilège des bouilleurs de cru, ce qui permettrait d'établir le contrôle d’une quantité importante d’alcools actuellement très impurs et qui sont une source constante et considérable de fraudes; 20 Augmentation des droits sur l'alcool ; mesures propres à diminuer la consommation au rabaret *. 3° Contrôle des alcools d'industrie livrés à la consom- mation. Ce contrôle, qui pourrait être exercé par le personnel actuel de la Régie, aurait pour but de ne laisser passer dans la consommation que les alcools bon goût 1. 1 1] faut tenir coinpte non seulement de la quantité de l'alcool consommé sous forme d’eau-de-vie, mais aussi, et dans une large mesure, de la quantité de vin, le plus sou- vent de mauvais vin consommé dans les cabarets. (NorE DE LA DIRECTION.) ? A l’Académie de Médecine M. A. Riche a tout récem- ment (séance du 8 septembre) fait observer que « le jour où l'Administration prendra en main la rectification ou la vente ce l'alcool, on ne tardera pas à se persuader que l'alcool est garanti par le Gouvernement, qu'on peut le boire sans crainte. » Il n'v a pas le plus léger doute à ce sujet, et c’est le devoir du législateur de tenir compte de cette opinion que, dans sa candeur, le bon public ne man- quera pas d'adopter. (NoTE DE LA DIRECTION.) 3 Nous croyons aussi qu’un impôt sur l'industrie du cabaret se montrerait très efficace. Cet impôt diminuerait à la fois la consommation des eaux-de-vie et celle des vins plus ou moins frelatés, facteur qu'on aurait tort de négliger dans la question de l'alcoolisme. (Norx DE LA DIRECTION.) 411 y aurait, croyons-nous, grand intérêt à surveiller la composition des alcools employés à la fabrication des liqueurs à essences. A la faveur de la sensation très vive pro- duite par ces liqueurs, la fraude y introduit souvent de CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Dans la réforme des boissons la plupart des législa- teurs ont en vue de grever fortement l'alcool, par contre de dégrever les boissons dites « hygiéniques ». On peut se demander quelle est la valeur, au point de yue de l'hygiène, de cette classification en boissons hygiéniques et en boissons non hygiéniques. A la vérité, une boisson réellement hygiénique ne doit pas renfermer d’alcool. L'abus d’une boisson al- coolique quelconque, que ce soit du cidre, de la bière, du vin ou de l’eau-de-vie, engendre l'alcoolisme, c’est une simple affaire de quantité. Sans doute, à dose d'alcool égale, il vaut mieux absorber une boisson peu alcoolique que de l’eau-de- vie. Il est préférable de consommer deux litres de vin qu'un demi-litre d’eau-de-vie à 40°, qui tous deux ren- ferment cependant 200 centimètres cubes d’alcool pur. * Si donc on veut atteindre l'alcoolisme, il faut frapper toutes les boissons alcooliques sans distinction, mais en donnant à l'impôt un caractère progressif : de cette manière tout l'alcool sera imposé, et cela d'autant plus qu'il sera offert au consommateur sous une forme plus concentrée et par conséquent plus nuisible. Il ne nous semble pas qu'il serait impraticable d'établir un tel impôt, basé sur la connaissance du degré des boissons alcooliques.Tous les fabricants, les distillateurs, connaissent exactement le degré alcoo- lique des boissons qu'ils vendent; dans le commerce dés vins, c’est aujourd'hui une coutume constante de déterminer et d'indiquer le degré alcoolique. Les bois- sons fermentées: vins, cidres, bières, seraient taxées à leur degré alcoolique. Pour les boissons distillées et à degré alcoolique élevé, la taxe, basée également sur la proportion d'alcool, serait simplement plus élevée. Une telle réglementation serait réellement établie sur une base hygiénique rationnelle. X. Rocques, Ex Chiniste principal du Laboratoire Municipal de Paris. $ 5. — Médecine. Traitement du Cancer de l'utérus et de quelques affections gynécologiques par l’'opothérapie. — Les succès de la médication thy- roïdienne dans le goitre et le myxædème, de la médi- cation ovarienne dans les troubles consécutifs à la castration chez la femme, ont fait naître, dans ces temps derniers, de nombreuses tentatives thérapeu- tiques, ayant pour caractère commun l'emploi d’or- ganes empruntés à la série animale, dans le but de suppléer, chez l’homme, ceux dont la fonction était pervertie ou altérée, ou ceux dont il avait pu être privé par lintervention du chirurgien. Celte méthode cons- titue ce que M. le Professeur Landouzy a appelé l’opo- thérapie (de oxoç, suc, jus, humeur de tissu, tissu ; et fspureux, traitement). Or, l’une des plus curieuses applications de l’opo- thérapie est celle que vient de faire à un certain nombre de malades de son service, M. Robert Bell, chirurgien en chef de l'Hôpital pour les maladies des femmes à Glasgow. L'originalité du procédé con- siste à s'adresser non pas à l'organe de même type que celui qui est malade, mais à celui avec lequel il a une parenté physiologique et pathologique. Cela mérite quelques éclaircissements, Les relations qui existent, chez la femme, entre la glande thyroïde et l'appareil génital, sont bien con- nues. La puberté, les premiers rapports sexuels ont sur le développement du cou, lisez du corps thyroïde, une influence qui, si l’on en croit Catulle, était déjà familière aux anciens. l'alcool de rebut, riche en impuretés; dans ces liqueurs le mauvais goût de l'alcool se trouve masqué, alors qu'il le rendrait tout à fait impropre à la consommation sous forme d’eau-de-vie. Il serait très utile que le Parlement s’occupät de faire déterminer par un Comité de chimistes, de physio- logistes et de médecins, la quantité d'impuretés (globalement dosées) que l'on peut admettre dans ces alcools. (NoTE DE LA DIRECTION.) 803 De même, la grossesse, tantôt s’accompagne d’une hypertrophie du corps thyroïde, qui peut persister sous la forme de goître, tantôt favorise la régression d’une tumeur thyroïdienne préexistante. Le Professeur Char- cot, ayant vu guérir des femmes atteintes de goître exophtalmique, à la suite d’une grossesse, ne man- quait pas de la conseiller, à titre thérapeutique, dans la cure de cette pénible affection. Mais cette parenté est affirmée d'une facon plus dé- cisive par certains faits singuliers observés par MM. Bouilly, Tuffier, Guinard, Picqué, Bloch. Ces chi- rurgiens, ayant eu à opérer des malades atteintes de fibromes utérins ou de salpingo-ovarites, chez les- quelles coexistaient des goitres dont quelques-uns avaient antérieurement résisté à tous les traitements, ont vu, à là suite de l’extirpation des organes pelviens, disparaitre ou tout au moins considérablement dimi- nuer les tumeurs thyroïdiennes. Si, maintenant, nous étudions l’étiologie du cancer de l'utérus par exemple, nous trouvons, parmi les causes prédisposantes, toutes celles qui peuvent contribuer à altérer la vitalité de l'organe : telles les métriles ré- pétées, avec ulcérations ou déchirures du col; telle l'absence d'activité génitale. Mais, si nous nous rap- pelons la parenté pathologique du corps thyroïde et de la matrice, nous pouvons admettre que la vitalité de celle-ci puisse être liée à l'intégrité de la fonction thyroïdienne. L'esprit est d'autant plus porté à établir ce rapport que les auteurs qui se sont occupés du myxædème ont tous remarqué les métrorrhagies excessives dont il était si fréquemment accom- pagné. C’est sur ces considérations et sur ces faits que M. Robert Bell s’est appuyé pour traiter le cancer de l'utérus par l'ingestion du corps thyroïde frais, en élixir ou en cachets, à la dose quotidienne de 35 cen- tigrammes à 2 grammes, Bien entendu, le traitement local n’était pas négligé et consistait en un curettage très soigné de la muqueuse malade et en applications de pansements à l’ichtyol. Les résultats ont été des plusfavorables. Les malades dont la lésion était limitée au col, ont obtenu la res- titutio ad integrum, et la guérison s’est maintenue jus- qu'ici sans récidive : quelques-unes sont en observa- tion depuis 18 mois. Quant aux malades dont le cancer avait dépassé les limites du col et n’était, par consé- quent, pas justiciable d’une intervention radicale, quelques-unes ont guéri; quelques autres ont continué l’évolution de leur néoplasie et sont mortes. L'application de la même idée théorique a conduit M. Robert Bell a traiter les fibromes utérins par l’ex- trait de glande mamaire, les ovarites par l'extrait de glande parotide. Il est inutile d’insister sur les rela- tions de la matrice et de la mamelle; celles de l'ovaire et de la parotide sont de connaissance moins banale ; elles sont cependant indiscutables : l’ovarite accom- pagne fréquemment la parotidite, en particulier dans la fièvre ourlienne ; la parotidite, de son côté, survient comme complication au cours d’une ovarite ou d’une oophoro-salpingite. Là encore le succès a répondu aux prévisions. Les femmes atteintes de fibromes utérins ont vu, après quelques semaines de traitement, leurs métrorrhagies disparaître, leurs tumeurs subir une régression no- table. Quant aux ovarites, hors le cas de collection tu- baire, l'amélioration obtenue par l'usage interne de la glande parotide, était encore plus rapide : les phéno- mènes douloureux surtout s’atténuaient dès les pre- miers jours de la cure. Il est à peine besoin de remarquer que ces résul- tats, définitivement acquis, ne tendraient à rien moins qu’à modifier de fond en comble le traitement des affections gynécologiques.Il serait donc à souhaiter que de nombreuses observations vinssent confirmer celles de M. Robert Bell : car, en thérapeutique, il faut toujours craindre la série heureuse... D: Gabriel Maurange. 804 561,995 B. RENAULT — LES BACTÉRIES FOSSILES ET LEUR OŒUVRE GÉOLOGIQUE LES BACTÉRIES FOSSILES ET LEUR ŒUVRE GÉOLOGIQUE A chaque instant de leur existence les êtres vivants ont à lulter contre des ennemis invisibles qu'on nomme les Bactéries, lesquelles se multi- plient à l'infini et se propagent, grâce à leur peli- tesse, avec une facilité merveilleuse. Après la mort, Animaux el Végétaux sont envahis par des légions innombrables de ces mi- crobes, el finissent par disparaitre. sans laisser de traces. Ce dernier travail, en apparence pius utile que le premier, fait, selon la remarque géniale de Pasteur, rentrer dans la circulation géné- rale, sous forme de combinaisons plus simples, les éléments engagés momenlanément, sous l'in- fluence de la vie, dans les composés complexes qui conslituent la substance des corps organisés. L'air, le sol, les eaux, surtout quand elles sont stagnantes, renferment à profusion des micro- organismes; le nombre incalculable de ces pelils êtres, leur parasitisme, leur résistance à la des- truction, leur rôle dans l’économie générale du monde actuel, permettent de supposer qu'ils n’ont pas subitement apparu sur notre globe à une épo- que récente; tout porte à croire qu'ils dérivent d'ancêtres sinon antérieurs aux plantes et aux ani- maux les plus anciens, du moins contemporains des premières formes de la vie. Cette hypothèse nous a paru s'imposer : elle nous à conduit à rechercher des Bactéries fossiles parmi les débris de plantes et d'animaux ense- velis dans les différentes couches sédimentaires de notre planète. Nous nous sommes atlaché à perfectionner la technique de la micrographie paléontologique en vue de déceler, parmi les débris des animaux et des plantes disparus, les agents supposés de leur destruction. Ces recherches, — bien qu'encore rudi- mentaires, — nous ont révélé la présence de Bac- téries parfaitement reconnaissables depuis les couches dévoniennes jusqu'à la partie supérieure des terrains lerliaires. On distingue ces microbes avec facilité dans diverses préparalions micros- copiques de tissus fossiles, par exemple dans les lamellesobtenues en usant à la meule des tranches de tissus silicifiés, fixées, par une de leurs faces, sur des lames de verre. Les lamelles finissent ainsi par offrir deux surfaces planes parallèles extrêmement rapprochées ; leur minceuratteintjus- qu'à la deux centième partie d'un millimètre; elles sont alors très transparentes, et il devient possible de les étudier au microscope, même aux forts gros- sissements, de lamême façon qu'on étudie les cou- pes des tissus vivants. Ce sont, en effet, au sens micrographique du mot, de véritables coupes de. tissus fossiles. Si l’on examine certains de ces tissus avec soin, on y distingue aisément: d'une part, des altéra- tions semblables à celles que les microbes actuels font subir aux substances organisées dont ils pro- voquent la décomposition; d'autre part, diverses sortes de formes bactériennes absolument compa- rables à celles qui vivent aujourd'hui. A l'appui de cette assertion, nous ne pouvons metlre sous les yeux du lecteur les/fuils Lels que le microscope per- met de les constater; tout le monde sail, en effet, que, parmi les conditions de l’observation micro- graphique, se {trouve en première ligne le mouve- ment incessant de- l'objectif : c'est en pénétrant rapidement d’une face à l'autre de la préparation qu’on en prend une idée exacte. La photographie. ne constitue que l’une des sensalions élémentaires qui se fusionnent dans l'œil, au cours de l'observa- lion microscopique, par suile du mouvement con- tinôment imprimé par la main à la vis lente de l'instrument. Nous prions le lecteur de Lenir compte de cette grande différence entre les conditions de la photographie et celles de l'observation oculaire, lorsqu'il se reporlera à nos photogrammes des figures 3, 8, 10, 11, 12 et 13. Indépendamment de ces photogrammes, nous avons essayé de reproduire par le dessin! (fig. 1, 2, 4, 5, 6, 7 et 9) plusieurs aspects parliculiers de nos préparalions. En raison de l'échelle des gros- sissements, nous n'avons pu y représenter les Bactéries que d'une façon très imparfaite et en quelque sorte schématique. Ces dessins ont, d’ail- leurs, pour but non de montrer les microbes fos- | siles, mais plutôt d'indiquer leurs relations de siluation dans les tissus soit animaux soit végé- taux. Malgré la réserve ci-dessus indiquée, ce sont. done uniquement les photographies, reproduites ici en photogravure (fig. 3, 8, 10, 41, 12 et 43), qui peuvent donner au lecteur quelque idée des formes bactériennes si nettement perceptibles à la vision directe. A la vue de ces micro-organismes merveilleu- sement conservés depuis les temps primaires, on s'élonne que leurs téguments, si délicats, aient pu. se prêter à la fossilisation. Remarquons, cepen- 1 Ces dessins ont eux-mêmes été faits d'après des photo- graphies. B. RENAULT — LES BACTÉRIES FOSSILES ET LEUR OUVRE GÉOLOGIQUE dant, que le tégument s’est teint en brun plus ou moins foncé en se houillifiant ou en fixant de l'oxyde de fer; c'est sans doute avec lenteur qu'il s'est incorporé, sur place, des matières minérales à la façon des éléments histologiques animaux ou végétaux dont la forme est demeurée invariable malgré le remplacement successif de toute leur substance organique par de la silice ou des sels purement minéraux. Ilest possible aussi que les téguments des Bac- téries anciennes aient élé plus épais, plus résis- tants que les minces, extra-minces membranes qui enveloppent le corps si délicat de nos Bacté- ries actuelles. On ne peut faire à ce sujel que des hypothèses. Mais ce qui est certain, ce qui ressort à l'évidence de l’observalion positive, c'est, au sein des débris de la flore et de la faune disparues, la présence de plusieurs genres de Bactéries tout Fig. 1. — Parlie osseuse d'une écaille envahie par les Bac- léries (Dessin). — 4, cavité d’une cellule osseuse d'où par- tent de nombreux canalicules ; b, canalicules communiquant avec ceux des cellules voisines: €, cellules situées au-des- sous du premier plan. Cà et là s'apercoivent des micro- coques réunis en amas ou disséminés. à fait comparables, quant à la forme, aux genres actuels. Nous nous sommes appliqué àreconstiluer, dans la mesure du possible, les phases successives du travail de destruction accompli par ces petits êtres, et nous avons essayé d’élablir le rôle — tant bio- logique que géologique — qu'ils ont joué aux an- ciens âges. Nos recherches sur ce sujel sont encore loin d'être terminées. Nous ne nous en dissimulons pas les lacunes. Si incomplets que soient les faits que nous avons pu recueillir, il nous parait cepen- dant utite d'indiquer à grands traits les aperçus qui s'en dégagent. I. -— BACTÉRIES S'ATTAQUANT AUX DÉBRIS DES ANIMAUX. Les schisies permiens, houillers, elc.. renfer- ment un grand nombre de coprolithes provenant d'animaux carnassiers : Batraciens, Reptiles, Pois- sons. Dans ces coprolithes on rencontre fréquem- 805 ment des fragments d'os, d'écailles, non digérés ; ces débris, ainsi que la masse des bols alimentai- res qui les entourent, contiennent une foule de Bactéries ;nousne parlerons que de celles qui sont renfermées dans les écailles. Les écailles des poissons d’origine ancienne (Pla- coïdes, Ganoïdes) sont formées d'une portion os- seuse, recouverte d'ivoire et d'émail. Ces diffé- rentes couches offraient, comme de nos jours, une résistance inégale à la destruction: la partie 0s- seuse, plus facilement altérable, disparaissait la pre- mière, puis c'était le tour de l’ivoire ou de la den- tine ; l'émail seul résistait à l’action microbienne. La partie supérieure de la figure 1 montre quel- ques cellules de l'ivoire dirigées horizontalement; à leur intérieur se voient divers microcoques. Fig. 2. — Fragment de plaque éburnée, coupée parallèle- ment aux cellules de l’ivoire (Dessin). — 4, canalicules occupés par la variété a; b, canalicules renfermant les variétés b et g; €, canalicules envahis par la variété c. Les cellules osseuses(z ele), au contraire, ne sont reconnaissables que par leurs cavités actuellement remplies de produits bruns dus au travail micro- bien; beaucoup de cocei sont visibles à l'intérieur. Les couches concentriques calcaires ne sont plus distinctes, mais on aperçoit (fig. 1) les multiples canalicules D, simples ou ramifiés, qui mettaient en relation les cellules {c) entre elles tant à la surface qu'en profondeur. Les microcoques sont nombreux dans ces canalicules, qui, seuls, sont restés visibles : ils sont serrés les uns contre les autres, en chapelet, à l’intérieur des plus fines ramifications. Il est évident que l'invasion micro- bienne se faisait de proche en proche au moyen des canalicules des ostéoplastes. — A la partie in- férieure de la figure loute trace d’organisalion a disparu, et, au milieu d'une masse à peu près homogène, on distingue des milliers de micro- coques de tailles variées. Les figures 2 et 3 représentent une section lon- gitudinale faite parallèlement aux canalicules des 806 cellules de l'ivoire. La surface de séparation des cellules est peu distinete ; les canalicules, au con- traire, sont nets et rendus plus visibles par une quantité innombrable de microcoques qui en occu- pent toute l'étendue. Sous le nom spécifique de Micrococcus lepi- dophaqus , qua- tre variélés ont été réunies: ce sont les 1. lepi- dophaqus, à, b, g, 0 mesurant OU,A, OE.8, 14,2 et 3,2 ; toutes ces variétés sont sphéri - ques , à con- tours bien li- mités, et colo- rées en brun ou en noir. Un certain nombre de ca- nalicules sont rides, d’autres sont occupés par les plus pelits microcoques, d’autres par un mélange de plusieurs variétés. La propagalion Fig. 4. — Coupe passant par plusieurs écailles d'un copro- lithe d'Igornay (Dessin). — à, à, fragments d'écailles cou- pées sur leurs bords et montrant les sillons qui, à l'inté- rieur, en suivent les contours, des microcoques dans les plaques éburnées se faisait, soit par les canaux ayant contenu des vaisseaux sanguins, soit par les canalicules de l'ivoire; dans ce dernier cas la variété « (fig. 2) seule pouvait y pénétrer; aussi voit-on, à l’inté- rieur de beaucoup de cellules, des files linéaires B. RENAULT — LES BACTÉRIES FOSSILES ET LEUR OUVRE GÉOLOGIQUE Fig. 3. — Frugment de la préparation précédente (Gg. 2)Jplus grossi pour y montrer les Bacléries (Photographie), = formées uniquement de la variélé 4. Quand le tra-« vail de destruction était suflisamment avancé, les autres microcoques d’un diamètre plus grand pouvaient y pénétrer, el c'est ainsi qu’il est possible d'observer des files linéaires parallèles d’une même espèce de Coc- eus et dans les parties plus é- lange de plu- sieurs espèces el variélés. Les figures 4 à re- présentent des régions de plus en plus allé- rées, dans les- quellesontrou- ve non seule- mentles quatre variétés précé- dentes , mais encore un grand nombre de bacilles, en forme de bà- tonnels cylin- driques, arron- dis aux extrémités, longs de 4,2 à 54,2; Jeur diamètre varie de 0,7 à 1". On remarque, en outre, des bactéries longues de 4 y et larges de 3 p, qui paraissent êlre des microcoques de la Fig. 5. — Portion de la fiqure précédente (fig. 4) plus grossie (Dessin). — a, b, sillons dans lesquels on voit des micro- coques et des bacilles réunis côte à côte. variété e ayant pris une forme ellipsoïdale avant de se diviser. L'alléralion présentée par les plaques d'ivoire est très variable dans le même coprolithe ; Lantôt on y distingue encore les cellules avec leurs cana- licules; tantôt toute organisation a disparu, la largies un mé- * a th — "5 | masse plus ou moins homogène qui s’est formée (fig. 6) ne laisse voir que la place occupée par les vaisseaux sanguins 4, b, fortement colorés en noir par la houillificalion du contenu. C’est dans la région désorganisée qu’en outre des bactéries citées précédemment, on rencontre un bacille re- courbé en arc:le B. Zepidophaqus areuatus. Ce bacille mesure 4 y: entre ses deux extrémilés; la flèche de courbure est de 2 y el son diamètre atteint à peine 44,4. Quelquefois deux articles restent soudés, ét, comme les courbures sont de sens contraires, ils simulent un bacille de longueur double recour- bé enS{e, fig. 7) ou en spirille. Miller à décrit, comme causant la carie des dents, cinq bactéries qu'il a désignées par les lettres grecques a, f,,à,e; or, les bactéries «, à, Fig. 6. — Fragment de plaque osseuse envahi par des Bac- téries (Dessin). — 4, cavités ayant contenu des vaisseaux sanguins se ramifiant en plusieurs ranches; b, un canal sanguin; ©, d, régions désorganisées, remplies de bactéries. sont des microcoques de taille variée comme ceux que nous avons signalés plus haut, et logés dans les canalicules des cellules de l’ivoire; la bactérie « ressemble à de petits bacilles en virgule ou en arc. Lorsque deux d’entre eux restent soudés par leurs extrémités, ils donnent la figure d'un S; ils se dis- posent souvent en filaments spiralés dans lesquels on voit la limite des articles dont les filaments sont composés. De leur côlé, Galippe et Vignal ont rencontré dans la carie de la dentine cinq bacilles de tailles variées et un microcoque. Il serait facile de trouver parmi les espèces décrites par ces auteurs, des bactéries se rapprochant par la forme, la taille et les fonctions, de certaines bactéries fossiles; mais, comme il serail impossible d'établir expérimenta- lement l'identilé d'espèces qui ont véèu à des époques aussi éloignées les unes des autres, nous nous bornerons à constater ce fait curieux : que la destruction des os, des plaques d'ivoire et des B. RENAULT — LES BACTÉRIES FOSSILES ET LEUR OUVRE GEOLOGIQUE 807, Fa: dents s'effectuait, aux temps primaires, par le travail de microcoques et de bacilles, dont la forme et les dimensions se rapprochent d’une façon très remarquable de celles des Bactéries qui, de nos jours, causent la carie des os et des dents. IT. — BACTÉRIES S'ATTAQUANT A DES DÉBRIS DÉ PLANTES. Le nombre des espèces de Bactéries qui se sont attaquées aux restes végétaux tombés dans les marais ou les masses d’eau peu étendues de toutes les époques, est très grand; aussi nous bornerons-nous à n’en indiquer que quelques- unes. L'espèce la plus répandue est le Wicrococcus Guignardi (fig. 8). Elle se rencontre au milieu des débris les plus variés, — racines, Liges, feuilles, se s RL Fig. 7. — Porlion de la fiqure précédente plus grossie (Des- sin). — «, Mivrococcus lepidophagus divers; b, HERO cou en voie de division; €, Bacillus lepidophagus; d, Becillus lepidophagus areuutus ; e, forme en spirille ou en S du même. graines, elc., — conservés par la silice dans les gisements de Grand'Croix près Saint-Élienne, d'Autun (Saône-et-Loire), de Saint-Hilaire (Allier). Ce sont de petites sphères, libres ou soudées, dont le diamètre moyen est de 22, à contour très net et coloré en brun. Un certain nombre d’entre elles sont allongées en ellipsoïdes, dont le grand axe atleint 5 . On voit dans quelques-unes une cloison dirigée perpendiculairement au grand axe; d’autres sont soudées deux à deux, ou séparées, mais très voisines; ce sont là les phases succes- sives du développement chez les Micrococcus. Quand on examine un tissu cellulaire envahi par le 4. Guignardi, on voit de nombreux microcoques, la plupart isolés, adhérents aux parois des cellules; quelques-uns sont sous la forme de diplocoques; beaucoup paraissent comme incrustés dans l'épais- seur de la cloison cellulaire et entourés d’une mince auréole incolore; lorsque, par accident, il y en a qui ont quitté la place, ceux-ci ont laissé 808 B. RENAULT — LES BACTÉRIES FOSSILES ET LEUR OUVRE GÉOLOGIQUE EL un creux hémisphérique qui se détache en clair | sistante autour du protoplasma; la membranes, . ” . ,… A , ” Lo . a sur la paroi, marquant ainsi la place qu'ils oceu- | commune a seule été dissoute. Si le M. Gui paient sur la cloison. On peut conclure de ce qui | gnardi agit, au contraire, le premier, on ne précède qu'ils ont été saisis en plein travail par la | trouve plus, après son action prolongée, que la Fig. 8. — Cellules végétales atlaquées par le Micrococcus Guignardi (Photographie). silicification. En mullipliant les sections, on ac- quiert la conviction que le 1. Guignardi s'attaquait trame légère formée par les cloisons moyennes Les deux fonctionnant ensemble, la destruction plus particulièrement à la devenait plus rapide; les cellulose plus ou moins contenus des cellules, pro= pure qui constitue l’épais- toplasma ou autres sub- sissement des parois cel- slances ayant l’aspect de lulaires, et qu'il respec- masses irrégulières de formes et de contours, persislaient seuls pen- dant quelque temps; mais bientôt ils se détrui- saient à leur tour, d’abord en perdant leur colora= mesurant seulement 0!,5 tion,puis en se désagré= à 0,7 et souvent disposé geant el fondant pour par deux ou par trois, Fig. 9. — Cellules el lrachéides désorganisées par les Bacté- ainsi dire sous l'action : : 4 ries (Dessin). — à, b, trachéides et rayons licneux qui ont : S suivant une ligne droite. perdu leurs ornements; €, c, trachéides ayant PER bactérienne. 4 De l’action, simultanée leurs ponctualions, mais disjointes les unes des autres; d, Nous avons eu souvent E ponctuations ayant quitté les parois des trachéides sur les- ,, : red : ou successive, de ces deux quelles elles se trouvaient; e, cellules scléreuses ne mon- l’occasion de vérifier cette” espèces résullent les as- Rte la cavité centrale’ avec les canalicules qui en division du travailchezles. pecls si variés offerts par Bactéries fossiles; nouss cilerons notamment à ce sujet un rameau de Æ@ gée. Si le W. hymenophaqus agit en premier lieu, | paloxylon recueilli dans les gisements silicifiés d'Aus les cellules végélales se décollent, se séparent, | Lun et qüi offre (fig. 9) réunis plusieurs exemples en emporlant leur protoplasma ou leur contenu. | de celte indépendance dans le choix des points où | tait la membrane primi- tive ou moyenne. Cette dernière membrane élail dissoule par un autre mi- crocoque, le #7. lymeno- phagus, de couleur brune, les tissus qui ont subi une macéralion prolon- Leur forme polyédrique, leur contour bien défini | les Bactéries ont porté leur action. | indiquent qu'il existe encore une enveloppe ré- Le rameau en question appartient à une Conifère B. RENAULT — LES BACTÉRIES FOSSILES ET LEUR OUVRE GÉOLOGIQUE 809 _ (Aciculariée) ; l'écorce et le liber sont assez bien conservés, mais la partie externe du cylindre li- gneux montre les trachéides réduites à leurs mem- branes moyennes; toutes traces de ponctuations ont disparu sur les parois latérales des trachéides et desrayons ranges de fougères du terrain houiller supérieur. La première se rencontre dans les sporanges du Pecopteris longitheca de Rive-de-Gier, où elle forme souvent des cultures absolument pures; la figure 10 | représente une porlion d'une de ces cultures. Le Bacillus 020- cellulaires ab (fig. 9); le cy- lindre a con- servé sa ré- gularité et l'on croirait que le bois est simple - ment formé de parenchy- me ligneux ; celte appa - rence est due à ce que cer- tains micro- coques ont fait disparai- tre les cou- ches d’épais- sissement, enlevant ainsi les ornements et ne laissant que les membranes moyennes. Du côté de la moelle, d’autres microcoques ont attaqué, au contraire, les membranes moyennes; les trachéides (c) se sont disjointes portant encore leurs orne - ments.Danscer- tains cas, un phénomène cu- rieux s'est pro- duit : les ponc- tuations aréo - lées, n'ayant plus de support, se sont séparées etsontdevenues libres et flottan- tes (d). Un certain nombre de cellules scléreuses de la moelle du même échantillon ont vu les couches d’épaissis- sement disparaitre complètement (2), et il ne reste plus de distincts que la cavité centrale et les cana- licules qui en partent, grâce à une matière de cou- leur foncée qui les a remplis. Les deux espèces de bacilles que nous allons _ décrire sont localisées à l'intérieur des spo- Fig. 10. — Bacillus,ozodeus (exemple de cullure bacillaire fossile) (Photographie). Fig. 11. — Bacillus Gramma, au milieu de spores de Fougères (Photographie). deus qui la conslitue af- fecte la forme de bätonnels longs de 4 à y quand ils sont reclilignes, rarement re- courbés en arc. Leur en- veloppe , à peine visible, mesure 0,2 en épaisseur; le protoplas- ma est de couleur fon- cée ; il se di- vise promp- tement en masses distinctes, qui formeront des spores; on en compte quatre ou cinq ayant un dia- mètre de 0!,5 à 0,6; la largeur du bacille est de: 04,7 à 0F,8; très fréquem - ment la spore terminale prend un développe - ment plus consi- dérable que les autres el peut at- teindre 1; le bacille possède alors un faux air duBacillede Lüf- fler (Bacille de la diphtérie). Il n’est pas rare de voir dans un même Bacille plusieurs spores prendre plus d'accroissement; devenues libres, elles germent, et l’on rencontre des bätonnets à divers stades de ger- mination et encore adhérents à leur enveloppe. L'aspect noueux que les spores donnent aux bâton- netsa valu à ces derniers lenomspécifique deozodeus. La deuxième espèce : Bacillus Gramma Mg. 11 se rencontre à l'intérieur des sporanges du Pecop- teris densifolia et du P. oreopteridia des gisements si- libres 810 licifiés d’Autun et de Grand’Croix. Les bätonnets sont quelquefois isolés, mais le plus souvent ils restent groupés par deux ou par trois; les articles ne sont pas dans le prolongement les uns des autres, mais font entre eux des angles variables; un bâtonnet isolé mesure 4 à 44,5 de longueur, il peut être rectiligne ou recourbé en arc, ouvert ou presque fermé en cercle, sa largeur est de 0,5 à 0!,7, sa membrane est extrêmement mince et contient une masse protoplasmique colorée en brun. Le proloplasma se divise, comme dans l'espèce précédente, en 4 ou à sphérules mesurant 04,5 qui deviennent autant de spores; parmi ces Spo- res , les unes prennent un dé- veloppement plus grand, at- teignant 0,7, germent et don- nent naissance à un bâtonnet qui se divisera lui-même en sporules. Si c'est une spore placée à l'extrémité du premier bäton- net qui a germé, le filäment qui en est issu est incliné plus ou moins sur lui en forme de V; ce dernier fila- ment, après a- voir produit quatre à cinq spores, peut, dans les mêmes con- ditions, émellre un jeune bâtonnet issu de la dernière spore; suivant la direction qu'il pren- dra, l’ensemble offrira la forme d'un Z ou d'un U. Comme deux ou plusieurs spores peuvent ger- mer dans un même bâtonnet, on conçoit facile- ment que le nombre des formes graphiques diffé- rentes quel'on obtiendra ainsi, est presqueillimité ; cependant le nombre des articles qui restent sou- dés ensemble ne parait pas dépasser quatre. Ce genre de germination rappelle celui que l’on observechez quelques spirilles vivantes. Les spores de fougères envahies par le Bacillus ozodeus et le BD. Gramma étaient assez rapidement détruiles, et, à la place de chacune, on ne trouve plus qu’une zooglée formée par la réunion d'une certaine quantité de bacilles. Le limbe des pinnules por- tant les sporanges ne renferme dans son tissu aucune trace de ces bactéries. B. RENAULT — LES BACTÉRIES FOSSILES ET LEUR OUVRE GÉOLOGIQUE Fig. 12. — Culicule du Bothrodendron du Culm de Tovarkowo, sur laquelle on voit le Micrococcus Zeilleri (Photographie). III, — DESTRUCTION SUCCESSIVE DES DIVERS TISSUS VÉGÉTAUX. Grâce à la division du travail que les exemples cités prouvent suffisamment, il semble que les Bac téries auraient pu s'attaquer simultanément au divers tissus : épaississement des cellules, mem branes moyennes, liège, cuticules, etc. Cependant dans la plupart des cas, ce sont les tissus mous de la zone génératrice du liber qui disparaissent les premiers; les rayons cellulaires ligneux, les trachéides, les fibres ligneuses, les vaisseaux vien= nent ensuite; les cellules qui résistent le plus sont les cellules de. liège et les cuti- cules. Les cuticules. de Bothrodendro des mines de To varkowo (Gou = vernement de Toula,en Russie) nous offrent un. bel exemple de l’un des élals avancés de des-. truclion sous l'influence bac- térienne. Ces cu: ticules formen une couche de combustible de plus de 20 centi- mètres dé - seur, s'étendant sur une surface de plusieurs ki- lomètres carrés, recouverte seulement par quel- ques dépôts sableux. On la désigne souvent sous le nom de papierkohle. Aucun débris de bois où d'écorce n’accompagne ces cuticules; on ne remars que entre elles qu'une substance noire, qui est d l'acide ulmique. Examinées au microscope, le deux faces se montrent corrodées, rongées. Au fond des sillons ou des cavités on remarque di nombreux microcoques, dont les uns mesuren 06,5 à 04,7, les autres À p à 14,3; tantôt ils sont isolés, tantôt ils sont disposés en ligne droit par deux et par trois, simulant un bätonnet cloi- sonné. Les cuticules de Tovarkowo ne sont pas houillifiées : elles présentent, comme composi= lion chimique, sensiblement la composition des cuticules de certaines plantes vivant actuelle ment (Agave, Lierre), et cependant elles ont ré sisté à une longue série de siècles, en conser- | | vant leur souplesse, la propriété de se distendre Æ * | # B. RENAULT — LES BACTÉRIES FOSSILES ET LEUR OUVRE GÉOLOGIQUE dans l'eau, la glycérine aqueuse, l'alcool, etc. Nous ne supposons pas que les érosions qui existent à leur surface soient dues au travail de Bactéries vivantes, car celles-ci, ayant eu un temps immense pour accomplir ce travail, n'auraient rien laissé des cuticules. Nous admettons plutôt que ce sont les Bactéries de l’époque du Culm, ayant attaqué les Bothrodendron lombés ou entrainés dans les nombreux marais d'alors, qui ont déter- miné la macération à la suite de laquelle tous les tissus, sauf les cuticules (fig. 12), ont disparu, et que même elles auraient eu raison de ces der- nières si quelque cause n'’élait intervenue pour mettre un terme à leur action des- tructive. On peut se de- mander si ce tra- vail n'aurait pas élé interrompu par l'arrivée su- bite, sur les ter- res basses et ma- récageuses où les troncs et les ra- meaux de Bothro- dendtron s'étaient accumulés et a- chevaient de se putréfier, d'eaux brunes chargées des principes ul- miques que l’on trouve mainle - 811 elles pouvaient être entrainées par les moindres courants et s'accumuler dans les endroits où les eaux étaient iranquilles. Si ces eaux étaient cal- caires ou siliceuses, chaque zooglée devenait le centre d'un dépôt amorphe ou cristallin. La figure 13 montre un certain nombre de z00- glées mesurant 21 à 24. Autour de chacune d'elles s’est formée une couched’aiguilles cristallines sili- ceuses, longues de 15 à 18. L'ensemble offre exactement l'aspect d’une rochecomposée de sphé- rolithes. Entre les plus gros sphérolithes on en remarque ün grand nombre, de dimensions plus faibles, qui sont également le point de départ d'une cristallisa- lion rayonnante moins élendue. Aux Thélots et à Margenne près d'Autun , cerlaines cou- ches de schistes renferment un grand nombre de concrélions siliceuses uni - quement for - mées de sphéro- lithes bactérien- nes entre les- quelles se trou- vent inlercalés, en certaines quantilés, des grains de pollen ul nant desséchés Fig. 13. — Roches sphérolithiques formées par des sooglées bactériennes Vi a sont de” entre les mem- (Photographie). posés en même branes végélales. temps. Les exemples de plantes réduites à leurs cuti- , ; V. — ROLE DES BACTÉRIES DANS LA FORMATION cules sont assez fréquents. Au Mont-Pelé près Sully (Saône-et-Loire), nous avons recueilli des portions de frondes d’Alethopteris Grandini, des pétioles de Tyelonteris, etc., dont les membranes souples et de couleur brune portaient des érosions analogues à celles des Bothrodendron ; nous y avons de même constaté la présence de microcoques mesurant 0,5. Les restes de végétaux et les schistes qui les contenaient étaient imprégnés éga- lement d'acide ulmique. IV.— ROLE DES BACTÉRIES DANS LA FORMATION DE QUELQUES ROCHES. Après la destruction des cellules végétales et de leur contenu, les bactéries se groupaient fréquem- ment en zooglées sphériques mesurant 10 à 24 y. de diamètre; on les observe en grand nombre autour des débris végétaux en décomposition fossilisés ; DE LA HOUILLE, On sait que la houille provient de végétaux et de substances dérivées de végélaux qui ont subi une série de transformations chimiques: mais ce que l’on ignore, ce sont les causes qui ont amené ces transformations. On à fait intervenir la cha- leur, la pression, l'oxygène libre dans l'air ou dis- sous dans l’eau, les fermentations, elc. Beaucoup d'expériences ont été exécutées pour transformer en houille le tissu des plantes ou leurs dérivés ; mais, si l'on est parvenu à oblenir des produits présentant une composition chimique voisine de celle de la houille, on n’a pas réussi à leur donner l'aspect feuilleté dû à des lamelles superposées, les unes ternes, d’autres brillantes, de composition et de nature différentes, et surtout à conserver les traces de l’organisation primitive. 812 Or,les combustibles minéraux, Boghead, Houille, Anthracite, contiennent un grand nombre de frag- ments, à structure reconnaissable, que l'on peut déterminer et comparer à des fragments de plan- tes d'espèces semblables conservés par la silice ou le carbonate de chaux. S'il s'agit, par exemple, de tissus ligneux, on peut, en mesurant la surface de section d'une tra- chéide silicifiée et celle d’une trachéide provenant de la même espèce, mais houillifiée, constater fa- cilement qu'en passant à l’état de houille, la section de la trachéide est devenue 8 à 10 fois plus petite; dans lesens de la longueur la diminutionest de1/3 des dimensions primitives ; ces chiffres, qu’on pour- rait multiplier aisément, montrent qu'en se houil- lifiant, les éléments organiques diminuent considé- rablement en largeur et en épaisseur et beaucoup moins en longueur. Celte diminution de volume s’est surtout fail sentir lorsque les tissus transformés et comprimés ont pu se dessécher ausein d’un milieu perméable, comme les argiles et les grès. Quand, au contraire, ils ont été minéralisés, les éléments organiques, soutenus par la malière minérale, ont conservé à peu près leurs dimensions primitives. Les échan- tillons houillifiés, dont une partie seulement a été minéralisée, permettent donc de vérifier facilement ces changements de volume, puisque l’on peut me- surer les mêmes éléments dans la partie minérali- sée et dans celle qui ne l’est pas; celle-ci, du reste, présente les mêmes propriétés que la houille ordi- naire. Ces observations nous ont fait admettre que la transformation des végétaux en houille s'est effec- tuée en deux Llemps. Dans la première phase, les tissus ont subi les réactions chimiques qui les ont amenés à la composition des diverses houilles. Dans la seconde, une pression lente, déterminée par le poids des couches qui se superposaient, a fait apparaître peu à peu les propriétés physiques de ce combustible. C'est évidemment dans la pre- mière de ces phases que les Bactéries ont pu jouer un rôle. Jetons sur ce rôle un rapide coup d'œil. La composition centésimale de la cellulose for- mant la charpente des plantes est exprimée par la formule C° H!° 0°; cette cellulose est imprégnée souvent de différents hydrales de carbone tels que xylane, manno-cellulose, lignine, etc. D'autre part, la composition d'une houille de bois de Cordaïte répond sensiblement à la formule C° H° O qui dif- fère de la précédente par un certain nombre d'a- tomes de carbone, d'hydrogène et d'oxygène: or, beaucoup de fermentations microbiennes sont accompagnées de dégagement d'hydrogène, de mé- thane (hydrogène prolocarburé), d’acide carbo- nique, el il serait facile, en tenant compte de ces B. RENAULT — LES BACTÉRIES FOSSILES ET LEUR OEUVRE GÉOLOGIQUE Bactéries. dégagements, de passer de la formule de la cellu- lose à celle de la houille. Donc, à priori, on ne voit pas d’impossibilité à ce que divers microcoques ou bacilles aient pu déterminer de semblables réac- tions, favorisées, du reste, par la température | plus élevée des marais de cette époque. L Mais alors la houille doit contenir des bactéries, et tel est, en effet, le résullat des recherches que nous avons tentées dans cette direction. Ces re= cherches nous ont permis de constater que la houille ayant conservé quelques traces d'organi- sation, est peuplée de Bactéries, enlre autres de microcoques de couleur foncée, mesurant 0,4 à 01,5, fixés contre les parois, à peine dislinctes; des cellules; ces Bactéries se rencontrent à n place occupée autrefois par la membrane moyenne des trachéides, ou apparaissent en grand nombre dans de petites poches creusées au milieu de tis-. sus détruits. É L'existence de Bactéries à l'intérieur de frag-" ments de houille pure est cerlaine, mais ces Bacté— ries sont-elles les Bactéries spécifiques des combus= tibles houillers, c’est-à-dire avaient-elles lan propriété, en DE nes à la cellulose ou à ses dérivés, d'amener ces produils à la composition de la UE ou de l’anthracite, et d'arrêter là leur ac lion destructive ? Les observalions que nous avons» rappelées plus haut, faites sur des préparations renfermant des restes de plantes silicifiées, mon- trent que le travail bactérien ne s'arrêtait que lors= que toute trace d'organisation avait disparu. Less culicules elles-mêmes, si résistantes, finissaient pars être complètement He Nous pensons don qu’il en aurait été de même pour les végétaux el leurs dérivés qui ont formé les combustibles miné=. raux, et que ces derniers seraient encore plus rares qu'ils le sont, si l'œuvre de destruction des Bactéries n'avait pas élé fréquemment enrayée. M Tout porte à admettre que la macéralion, la fer= mentation microbienne ne pouvaients' eee LÉR effi- cacement que dans de pelites masses d’eau pe profondes, des étangs de peu d'étendue, des marais et à une température relativement élevée, par com séquent sous l'influence d'espèces particulières dé A l'époque houillère, des inondations fréquente avaient lieu, à cause de l'énorme quantité de va peurs contenues dans l'atmosphère; ces inonda tions entrainaient dans les lacs et les mers de débris de végétaux plus ou moins macérés ave les légions de Bactéries qu'ils renfermaient et que l'on retrouve actuellement dans la houille. Iles clair que l’activité bactérienne devait cesser rapls dement au sein de masses d'eau considérables eb plus froides. Les couches du combustible, et plus: tard les argiles et les grès, en se superposant, ont D' A. CHASSEVANT — DÉCOUVERTES RÉCENTES SUR LA FONCTION THYROIDIENNE 813 comprimé ces divers débris, et la pression lente au sein de ce milieu perméable a fait apparaitre suc- cessivement les propriétés physiques de la houille. VI. — ConcLuSsIOoNS. En résumé, nous avons établi : 1° Que les ossements, les écaiiles, les dents des animaux ayant vécu aux temps primaires, élaient attaqués et détruits par des Bactériacées analogues par leur forme, leur grandeur, à celles qui, de nos jours, déterminent la carie des os et des dents: 2° Que les débris des végétaux, aux époques anciennes, étaient envahis par des légions de Bac- tériacées. Les unes dissolvaient les membranes moyennes des cellules, les autres les épaississe- ments; certaines d’entre elles portaient plus spé- cialement leur action sur les spores contenues dans les sporanges des fougères; les tissus paren- chymateux disparaissaient d’abord, puis les fibres et les vaisseaux, enfin les cellules de liège et les cuticules ; 3° Que, si rien ne venait enrayer le travail bacté- rien, toutes les parties de la plante disparaissaient successivement, et qu'il ne restait de visible que de nombreuses zooglées formées par les microor- ganismes ; 4° Que souvent ceszooglées avaient servi de cen- tres d'attraction à des matières minérales, amor- phes ou crislallines, ayant produit des roches oolithiques ou sphérolithiques; 9° Que la houille pure renferme des quantités notables de Bactéries, qui, en provoquant la for- mation d'hydrogène et d'acide carbonique, ont pu amener la cellulose et ses dérivés à la composition chimique de ce combustible *. Nous avons émis celle hypothèse que le travail des Bactéries qui s’effecluait dans les marais, les étangs, ele., était arrêlé par des crues d'eaux, fréquentes aux époques primaires, capables d'em- porter les plantes ayant subi une transformation plus ou moins complète, dans des lacs d'une cer- laine étendue, dans les mers, où la fermentation devenait impossible à cause de leur profondeur. Les propriélés physiques de la houille, — den- sité, dureté, ténacité, ete., — n'ont done apparu qu'à la suile d'une compression lente au sein d’un milieu perméable, compression due aux couches variées qui l’ont recouverte. Bernard Renault, Docteur ès sciences, Assistant au Muséum, Membre de l’Académie Royale de Belgique. 611.44 LES DÉCOUVERTES RÉCENTES SUR LA FONCTION THYROIDIENNE La découverte du chimisie Baumann, que M. À. Etard a tout récemment signalée aux lec- teurs de cette Æevue !, vient d'accroitre l'intérêt, déjà considérable, qui s'attache aux recherches poursuivies depuis plusieurs années par une pléiade de chirurgiens et de physiologistes sur les fonctions de la glande thyroïde. Tout le monde sait que cet organe, situé à la partie supérieure et au-devant de la trachée, est peu volumineux chez l'homme normal : il se pré- -sente alors sous la forme d’une pelite masse bilo- bée, qui ne pèse qu'environ trente grammes. On sait aussi que c’est le développement exagéré de la thyroïde qui constitue le goitre, si fréquent chez les crétins des montagnes. Mais jusqu’à ces der- niers temps, on ignorait le mécanisme du fonc- Hionnement de ce viscère et ses relations physiolo- giques avec le reste de l'économie. Nous ne rappellerons pas la série des observations, un peu anciennes, de von Rapp (1840), Maigneu (1843), Schiff (1856), qui avaient conduit à penser que le 1 Voyez l'article de M. Etard dans la Revue du 30 sep- tembre 1896, t. VII, page 782. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1890. corps thyroïde, bien que dépourvu de canal excré- teur, est une glande douée d'une certaine in- fluence sur la composition du sang. Les lecteurs connaissent, d'ailleurs, les traits d'ensemble de cette grosse question des glandes à sécrélion in- terne, traitée ici même, à propos du pancréas par M. E. Gley ?, à propos des capsules surrénales par M. Abelous*. Nous nous bornerons à indiquer : d’une part les faits récemment acquis au sujet des fonc- lions de {a glande thyroïde; d'autre part,les appli- cations qui semblent résulter de ces découvertes. I.— OBSERVATIONS SUR L'EXTIRPATION DE LA GLANDE. C’est le chirurgien genevois Reverdin qui en 1882 mit la question de la fonclion thyroïdienne à 1 Pendant la rédaction même de cet article, j'ai trouvé des microcoques et des bacilles dans la houiïlle de Saint- Etienne, Commentry, Vicoigne, dans la houille tertiaire, dans la houille animale de Transylvanie. 2 E. Guey : Les découvertes récentes sur la Physiologie du Pancréas, Revue générale des Sciences du 30 juillet 1891, t. II, p. 469. 3 J. ApeLous : La Physiologie des glandes à sécrétion in- terne. Corps thyroïde et capsules surrénales, Revue générale des Sciences du 15 mai 1893, t. II, p. 274. 19* 814 D' A. CHASSEVANT — DÉCOUVERTES RÉCENTES SUR LA FONCTION THYROIDIENNE l'ordre du jour. Il avait constaté que, chez presque tous les goitreux qu'il avait opérés et auxquels il avait pratiqué l’extirpation complète de la glande thyroïde, on observait des phénomènes cachecti- ques spéciaux, caractérisés par de la faiblesse des bras et des jambes, de la fatigue, des douleurs et des tiraillements dans des groupes: musculaires, une sensation de froid aux extrémités. Son con- frère de Berne, Kocher, constata, en 1883, que 18 sur 24 goitreux opérés par lui présentaient tous les symptômes décrits par Reverdin. Reverdin, frappé de la similitude des accidents que présentaient ses malades avec les symptômes d’une affection décrite pour la première fois par Gull, à laquelle Ord avait donné lenom de #yæedème, que Morvan avait décrite en France et qui avait été étudiée par Charcot, désigna le syndrome que pré- sentaient ses malades sous le nom de »”yrædème post-opératoire ou cachexie strumiprive. I attribuait les accidents observés chez les myxædémateux au non-fonctionnement de leur corps thyroïde, de même que les accidents observés chez ses opérés devaient être attribués à la suppression de cet or- gane. C’est alors qu'en 1884, Schiff, rappelant ses an- ciennes expériences et en entreprenant de nou- velles sur 60 chiens, constala que tous ces animaux, privés de thyroïde, devenaient, vers le quatrième jour, apathiques, que leurs mouvements étaient mal assurés, qu'ils étaient atteints de tremblement de tous les muscles, bientôt suivis de convulsions cloniques et tétaniques accompagnées de dyspnée, et que la mort survenait fatalement dans un délai plus ou moins rapproché. Pratiquant la même opération sur d’autres ani- maux, ilobserva les mêmes phénomènes sur le chat ; mais les rats et les lapins ne présentèrent aucun trouble dans leur organisme après la thy- roïdectomie {ablation totale de la glande). Dès lors les expériences se multiplient : Colzi, Sanquirico et Canalis, Wagner, Horsley, Albertoni et Tizzoni, Gibson, Fuhr, Rozovitch, Herzen, Ewald, Lupo, Carli, Fano et Zando, Ughetti, confirment les ex- périences de Schiff sur le chien et le chat, Horsley sur le singe, Sanquirico et Orecchio sur le renard. Colzi, Tizzoni, Ughetti et di Mattei, Rozovich cons- tatent de nouveau que la thyroïdectomie pratiquée sur le lapin semble inoffensive; Sanquiricco et Orecchio observent que l'agneau est aussi réfrac- taire; Ewald remarque que le pigeon est doué de la même immunité. Gley démontre que la résistance du lapin est due à l’existence de glandules thyroïdiennes acces- soires, quiexistent toujours chez cet animal, et éta- blit, par une série d'expériences très ingénieuses, que l’ablation du corps thyroïde et des glandules détermine chez cet animal les mêmes accidents qu ceux observés après la thyroïdectomie chez I chien. | Cependant, on s’étonnait de voir, chez l'homme, dominer les troubles trophiques, tandis que, chez les animaux, c'étaient surtout des accidents con- vulsifs qui apparaissaient. - Reverdin observa cependant quelques accidents convulsifs chezses opérés, et; d'autre part, Horsley réussit à reproduire sur un singe thyroïdectomisé tous les symplômes du myxœdème; Tizzoni etm Catani, puis plus tard Gley ont constaté ces mêmes accidents chez des chiens privés de leurs corps thyroïdes. À la suite de cet ensemble de travaux, tous con= cordants, tout le monde tomba d'accord, et, au Con grès de Chirurgie tenu en Allemagne en 1887, Re verdin et Simon purent établir que le myxædèmes spontané, la cachexie strumiprive (myxædèmes post-opératoire), et le. crélinisme sont des phases différentes d’un même processus morbide, qui se trouve sous la dépendance d’une perversion, d'une diminution ou d'une suppression de la sécrétion" thyroïdienne. i II. — TENTATIVES DE RESTITUTION DES PRODUITS M GLANDULAIRES. : Schiff démontra à la même époque que l’on pou-à vait empêcher les accidents consécutifs à l’ablation du corps thyroïde d'apparaitre chez le chien, ou même les faire cesser, en praliquant la greffe d'u corps thyroïde pris à un autre animal. Lannelongue, en 1890, pratiqua le premier lan greffe thyroïdienne sur l’homme, et en eut les meilleurs résultats. On s’aperçut bientôt que l'a=m mélioration qu'apportait la greffe thyroïdienne aux malades opérés n’était que temporaire, etque la maladie continuait à suivre son cours, que le corps thyroïde greffé perdait rapidement sa struc= ture histologique et sa fonction glandulaire. C'est alors que Gley, se basant sur la théorie des la sécrétion interne des glandes de Brown-Sé= quard et appliquant à la glande thyroïde la mé- thode séquardienne des injections de sucs glandu= laires, constata que le suc thyroïdien et son extrait glycériné, injecté par voie intraveineuse, empêche l'apparition des accidents morbides consécutifs à l'ablation du corps thyroïde chez les animaux: Murray, en 1891, pratiqua chez l'homme des in jeclions sous-cutanées d’extraits thyroïdiens, les= quels ont donné les meilleurs résultats. — Cette médication thyroïdienne par voie hypodermique a rapidement supplanté la méthode des greffes. M Les extraits (hyroidiens destinés aux injections sous-cutanées étaient préparés par Gley de lan façon suivante : on prend avec toutes les précautions D' A. CHASSEVANT — DÉCOUVERTES RÉCENTES SUR LA FONCTION THYROIDIENNE 815 aseptiques Le corps thyroïde chez un animal fraiche- ment tué; on le coupe aux ciseaux et le broie avec du sable stérilisé dans un mortier stérilisé, en pré- sence d’eau salée stérilisée; le tout est exprimé -sous une presse. Le liquide obtenu est filtré, sous une faible pression, sur un fillre en papier ou de coton de verre. Cette méthode donne, d’après l’au- teur, un liquide plus actif que le procédé d’Arson- val et Brown-Séquard. Murray, désirant obtenir un liquide très actif, mel à macérer le corps thyroïde bien frais, coupé en morceaux, pendant 24 heures, dans l’eau phé- - niquée à à pour 100; le tout est passé sur,une toile stérilisée et le liquide obtenu est étendu de son volume de glycérine. Le produit obtenu par Murray était étendu de façon que 3 centimètres cubes de liquide correspondissent à un lobe de corps thy- roïde. On employa presque exclusivement la médication thyroïdienne, par injection hypodermique, jusqu’à ce qu'Howitz, médecin danois, eût constaté que l’ingestion de pâtés de glande thyroïde exerce la même action thérapeutique sur les myxædéma- teux que l'injection sous-cutanée de suc thyroï- dien. On a commencé par faire prendre aux malades des glandes crues hachées, provenant d'animaux fraichement tués, moutons ou veaux. Pour vaincre la répugnance de certaines personnes, on a préco- nisé l'emploi de corps thyroïdes desséchés à basse température. La poudre de glande thyroïde desséchée se pré- pare en débarrassant soigneusement l’organe de la graisse et des membranes conjonclives, en les desséchant à basse température (40° à 50°). On ob- tient ainsi une poudre très hygroscopique, que l’on conserve en l’additionnant d'une certaine propor- - tion de sucre de lait, ou encore sous forme de tablettes. Plusieurs industriels ont désigné ce pro- duit sous le nom de {hyroïdine, ce qui est très regret- table, car cette désinence fait supposer à tort qu'on a entre les mains un principe actif défini, dérivé de la glande thyroïde, alors qu'il n’en est rien. III. — ACCIDENTS DUS A L'EXTIRPATION DE LA GLANDE, L'étude des accidents consécutifs à la thyroïdec- tomie,et les résultats surprenants de la médication thyroïdienne chez les animaux et les malades privés de glandes thyroïdes, ainsi que sur les myxædémateux, ont amené à considérer le corps thyroïde comme un organe possédant une fonction antitoxique. Pour le démontrer,divers expérimen- tateurs ont comparé les toxicilés relatives des _ tissus, du sang, de l'urine, chez les animaux nor- maux et thyroïdectomisés. Scobbs et Lamari ont constaté que les lissus ne se montraient pas particulièrement toxiques. Ughetti el di Mattei, Rozovitch ont remarqué que l'injection de sang provenant d’un animal thyroï- dectomisé ne produit aucun phénomène chez un animal sain ; mais qu'injecté à un animal dont on vient d'enlever le corps thyroïde, il amène rapi- dement l'apparition des accidents qui n’apparais- sent habituellement qu'au bout de quelques jours: tremblements fibrillaires, convulsions, etc. Gley a constaté que le sang d'animaux thyroi- dectomisés n’est pas, au début, plus toxique que celui d’un animal sain, mais qu'il weguiert la pro- priété de donner naissance à des contractions fibrillaires caractéristiques. Fano a observé que, chez les animaux privés de leurs corps thyroïdes, les troubles s’amendaient lorsqu'on pratiquait une saignée et des injections de sérum artificiel. La saignée et les injections semblent agir, chez les thyroïdectomisés, de la même façon que dans les infections générales. Laulanié a étudié les variations de la toxicité urinaire. Cette toxicité augmente considérable- ment chez les animaux thyroïdectomisés ; Masoin, qui a repris ces recherches, a constaté que la toxi- cité urinaire s'élève après la thyroïdectomie, que la courbe de toxicité suit celle des accidents, que cette toxicité augmente au moment des accès épileptiformes et de polypnée. La fonction rénale est touchée; chez les animaux privés de leur corps thyroïde, Alonzo a remarqué que la substance corticale présente des lésions inflammatoires et dégénératives importantes ; les lésions sont tantôt interstitielles, tantôt parenchy- mateuses. Le système nerveux est aussi touché; Weiss insiste sur les allérations cellulaires des cornes antérieures, altérations qu'il considère comme cause des accidents tétaniques. Rozovitch signale des phénomènes d'encépha- lomyélite chez les chiens et les chats thyroïdec- tomisés. Les dégénérescences du système nerveux central ont été, du reste, signalées par plusieurs auteurs Lufo, Langhaus el Knopp, bianco, etc. Tous ces phénomènes semblent bien démontrer que les individus privés de leur corps thyroïde sont soumis à une aulto-intoxication spéciale et que la fonction thyroïdienne est bien une fonction antitoxique. Capo- IV. — NATURE DU POISON THYROIDIEN. Divers auteurs se sont efforcés de préciser quelle est la nature du poison qui s’aceumule dans l’or- ganisme et que la glande thyroïde est appelée à détruire. Lindermann a remarqué que la caféine, admi- 816 Dr A. CHASSEVANT — DÉCOUVERTES RÉCENTES SUR LA FONCTION THYROIDIENNE nistrée en injection intra-veineuse, est beaucoup moins toxique pour un animal normal que pour un animal privé de son corps thyroïde. Il en con- elut que la glandethyroïde est chargée de détruire les produits toxiques de constitution analogue, c'est-à-dire les dérivés zanthiques. Pour Horsley, la substance toxique que détruit la thyroïde serait la xucine. Notkin dit avoir isolé, en 1895, un principe albuminoïde, qu'il a retiré de la glande thyroïde, et auquel il a donné le nom de #hyroprotéide; celte substance, très Loxi- que pour les animaux, provoquerait des troubles analogues à ceux de la cachexie strumiprive ; il considère le thyroprotéide comme un produit de déchet résultant des échanges organiques intracel- lulaires : cette substance, normalement détruite par la fonction thyroïdienne, s ‘’accumulerait chez les individus privés de cette fonction, ce qui serait la cause des accidents observés. On peut se rendre facilement compte, d'après ce rapide exposé, que nous ne connaissons encore rien de bien certain sur la nature de la substance toxique, ou dés principes immédiats de déchets que la fonction thyroïdienne est chargée de dé- truire dans notre organisme; de nouvelles recher- ches sont nécessaires pour élucider cette question très délicate. Vie La médication thyroïdienne est aussi efficace contre les accidents toxiques observés chez les individus privés de la fonction de leur glande, quel que soit le mode d'administration : greffe, injection intraveineuse où sous-culanée du sue thyroïdien, ingestion de corps thyroïde. De nom- breuses observations en font foi. Ces faits montrent bien : 4° que l’action anti- toxique du corps thyroïde est due, non pas à une fonction modificatrice des éléments du sang dans l'intérieur des cellules de cet organe, mais à la sé- crétion d'un principe actif qui est déversé par la glande dans la circulation; 2° que ce principe actif ne se détruit pas après la mort de l'individu, et peut être conservé après dessiccation de la glande. On doit donc pouvoir séparer des autres éléments du corps thyroïde cette substance, l'ob- tenir à part et la caractériser. Plusieurs auteurs se sont efforcés de le faire : En 1893, Vermehren est arrivé à isoler de l'ex- trait thyroïdien une matière protéique, mal défi- nie, qu'il appela /Ayroïdine*. IL obtint ce. corps en traitant les glandes débarrassées de la graisse et du tissu conjonetif, réduites en bouillie, par deux fois leur poids de glycérine ; après vingt-quatre CT 1 Ne pas confondre ce produit avec la glande desséchée que de nombreux industriels désignent sous ce nom: .ces bases parait identique à celle décrite par heures, filtrant ce produit rougetre, il le précipita par l'alcool absolu ; il eut ainsi un dépôt grisâtre lequel, lavé à l'alcool et séché à 37°, constitua ce qu'il appelle la fyroïdine. Ce produil était doué des propriétés curatives du suc thyroïdien vis-à vis du myxædème. En 1895, Notkin a isolé, — en même temps que le thyroprotéide dont nous avons parlé tout à l'heure; — une seconde substance qui se présentait sous l'aspect d’une poudre jaune, très hygroscopique, donnant une solution visqueuse, beaucoup plus toxique que le thyroprotéide, produisant de l'ex- citation du système nerveux. Pour l'auteur, ce corps appartiendrait à la famille des ferments* solubles (enzymes) el serait le principe spécifique, élaboré par les cellules du corps thyroïde ; ce corps agirait sur le thyroprotéide pour le décoms poser et lui enlever loute toxicité. On avait supposé jusqu'alors que la chaleur détruit l’activité antitoxique du corps thyroïde, lorsque Ross à Fribourg, Schaffer à Londres, ont" découvert presque simultanément, en 1895, que l'on peut soumettre l'extrait thyroïdien à la tem=— péralure de l’ébullition, même en présence d’une solution alcaline titrant 4 pour 100 de soude caus- lique, sans allérer son activité antitoxique. C'est en se basant sur ces données que S. Fränkel, de Vienne, entreprit l'étude chimique du suc thy- roïdien, en se guidant, au cours de ses recher- ches, sur la valeur antiloxique des divers éléments isolés par l’expérimentalion physiologique. Il réussit à isoler un principe actif, crislallisé, qui, administré aux animaux thyroïdectomisés, faisail cesser les tremblements et la prostration, résul= tats obtenus par Gley avec l'extrait thyroïdien. Cette substance, que l’auteur appelle /kyréo-anti-« toxine, estun corps défini, soluble dans l'eau, dans l'alcool, insoluble dans l’éther et l’acétone, répon= dant à la formule CHAZ'0*, ce qui en ferail une. guanidine substituée, dérivant de l'acide succi=« nique. Presqu'en même lemps Drechsel a obtenu, en traitant des corps thyroïdes de pore, deux basess différentes qui, toutes deux, ont une action favo rable sur les animaux cie ones L'une de # Fränkel. Il les a obtenues en débarrassant d'al- bumine par l’ébullilion l'extrait aqueux de thy= roïde de porc. La solution a été concentrée, puis filtrée, enfin précipitée par l'acide phosphomolyb= dique. Le précipité contient deux corps, dont l’un est soluble dans l’eau bouillante. Ces deux com= posés, traités par l’eau de baryte, fournissen deux bases cristallines. ‘% Baumann, vers la même époque, annonçait qu'il avait extrait un principe iodé, particulier à 1 glande thyroïde; considérant ce composé comme D' A. CHASSEVANT — DÉCOUVERTES RECENTES SUR LA FONCTION THYROÏIDIENNE le seul principe aclif, il lui donna le nom de #yro- | iodine. Baumann oblient la {hyroiadine en traitant les glandes divisées par de l'acide sulfurique à 1/10° pendant plusieurs jours à l’ébullition. La liqueur filtrée laisse déposer par refroidissement un pré- cipité floconneux brun qui renferme la substance active. Ce précipilé recueilli est séché, puis traité par l'alcool à 90° bouillant, qui dissout le principe actif. La solution alcoolique est évaporée ; on débarrasse le résidu des matières grasses qui le souillent, en le traitant par l’éther de pétrole. On dissout le résidu dans une solution de soude à 1 pour cent, on filtre et neutralise par un excès d'acide sulfurique. La thyroiodine se précipite sous forme de flocons bruns, qui sont lavés et séchés à basse température. La thyroiodine ainsi obtenue est une substance pulvérulente brune, insoluble dans l’eau, peu soluble dans l'alcool, très soluble dans les alcalis libres. Elle contient normalement de l'azote, une petite quantité de phosphore (1 à 0,5 °/,) et environ 10 ?/, d'iode ; lorsqu'on la chauffe, elle dégageune odeur de base pyridique. L'iode s’y trouve très fortement combiné. Celte substance est très difficilement décomposée par les alcalis. L’amalgame de sodium détermine d’a- bord le départ de l’iode de la molécule. D'après les derniers travaux de Baumann el Roos, la thyroiodine semble être combinée dans la glande thyroïde avec une matière albuminoïde ;la digestion artificielle suffit pour détruire cette com- binaison ; la thyroiodine reste insoluble, tandis que la substance albuminoïde se dissout en se trans- formant en peptone. les acides forts suffisent aussi pour opérer ce dédoublement. Les auteurs sont convaincus que, dans le corps thyroïde, la majeure partie de la thyroiodine se trouve ainsi sous forme d’une combinaison qu'ils appellent #hyroiodalbumine; une faible partie s'y trouverait combinée à une globuline, combinaison qu'ils appellent #hyroiodoglobuline, et il n'y aurait que des traces de thyroiodine en liberté dans la glande thyroïde. NI. — RECHERCHE DE L'IODE DANS LE CORPS THYROÏDE. La découverte de la thyroiodine introduit une notion nouvelle en Chimie biologique : l'existence dans l'organisme normal d’une substance naturelle todée dans sa molécule. Baumann et Roos, compre- nant toute l'importance de ce fait, ont immédia- tement cherché à déterminer la proportion del iode contenu dans l’organisme et sa localisation. * Ils ont employé, pour effectuer ces dosages, qui portent sur de très faibles quantités d’iode, la mé- thode de Rabourdin. Voici comment ils opèrent : 817 La glande convenablement desséchée est pulvé- risée et chauffée dans un creuset d'argent avec un mélange d'azotate de potasse et de soude caus- tique. Le résidu dela calcination est dissous dans l'eau, filtré et additionné d'acide sulfurique ; on ajoute à ce mélange un volume connu de chloro- forme, 40 centimètres cubes. On compare l’inten- sité de la coloration du chloroforme avec des solutions litrées d'iode dans ce dissolvant. Il faut avoir soin de se mettre dans les mêmes conditions et d'cbserver les solutions dans des tubes de même diamètre. Cette méthode est suffisamment sensible pour déceler 1/10 de milligramme d'iode. Baumann et Roos ont ainsi pu déterminer la pro- portion diode quise trouve dans la glande thy- roïde de mouton. Les résultats de leurs analyses sont résumés ci-dessous : I0DE CONTENU DANS CORPS THYROÏDE 1 GR. GLANDE Î GR. GLANDE DE MOUTON DESSÉCHÉE FRAICHE origine mme. mme. Fribourg"... 0,9 0,26 NS Sc PE Tee 1 0,29 Sc MER EC 1,5 0,38 Bberfelde ere 15) 0,44 EX. scrobordoc 5,3 1,56 Paris en Ten 1,15 0,34 — 152 0,35 Ils ont constaté que le corps thyroïde est le seul tissu de l'organisme qui contienne de l'iode. La proportion d'iode qui se trouve daus le corps thyroïde d'un individu varie non seulement sui- vant l'espèce animale considérée, mais encore suivant l'individu d’une même espèce. Une expérience de Baumann semble démontrer que l'alimentation joue un certain rôle, et que la proportion d'iode contenue dans la glande en dé- pend. Ila nourri quatre chiens de manières diffé- rentes: le premierexelusivement avec de la viande, le second avec des débris de cuisine,le troisième avec du thymus de jeune taureau, le quatrième avec de la morue. L'iode contenu dans leur thy- roïde était : I0DE mme. Pour le chien nourri à la viande........,.... 0 Pour le chien nourri avec les débris de cuisine . 0,8 Pour le chien nourri de thymus........... ... 1,4 Pour le chien nourri de morue......,..:..,.... 1,6 Ils ont aussi dosé l'iode dans les corps thyroïdes de malades de diverses origines el ont constaté que les malades alteints de goitre n'avaient pas de composé iodé ou que l'iode ne s’y rencontrait qu'en traces. Ils ont aussi constalé que la médication iodurée, même en application externe, augmentait la pro- portion d'iode du corps thyroïde. Ils eitent nolam- ment à ce sujet le cas d'une malade suecombant à la suite d'un cancer de l'utérus, soignée par des applications locales d'iodoforme. La proportion 818 D' A. CHASSEVANT — DÉCOUVERTES RÉCENTES SUR LA FONCTION THYROIDIENNE 3 d'iode contenue dans le corps thyroïde de cette malade, était — constatation importante — de beaucoup supérieure à la moyenne. Cest une vérification absolue de la théorie pa- thogénique du goitre et la justification de la théra- peutique empirique qui prescrit l’iode et les iodures aux goitreux. Nousrésumons, dans le tableau suivant. lesrésul- tats des analyses de Baumann donnant la teneur en iode des corps thyroïdes de diverses espèces animales : IODE CONTENU DANS Î GR. GLANDE LA GLANDE ENTIÈRE mmg. mme. Cheval rer 0,6 4,2 ét eigte 1,7 10,2 Veau de lait... .…. 15 3 MacHE RARE AMET La 9,9 B OR Cire 1,1 3,5 Jeune taureau. AS 8,2 PORC EEE 0,95 BApIn ee een 1,1 0,12 La quantité d'iode contenue dans la glande thy- roïde du porc cité ci-dessus peut être due au mode d'alimentation. Quoi qu'il en soit, la glande thy- roïde de porc contient toujours peu de thyroiodine, et son traitement ne donne que de faibles rende- ments. Ainsi que nous venons de le constater dans cel exposé succinct, les travaux des chimistes ont fait faire un gre re pas à la question du mode d’ac- tion de la glande thyroïde sur l'organisme. Is ont démontré que cet organe est une glande qui sécrèle un principe albuminoïde iodé anti- toxique. Ce principe a élé vraisemblablement isolé successivement par Bubnow, Vermehren et Notkin; mais c'est Baumann qui a su le dédoubler et montrer qu'il contient de l’iode dans sa molécule. Les travaux de Frankel et de Drechsel ont con- duit ces auteurs à des résultats différents, qui demanderaient à être confirmés. A l'heure actuelle, nous devons considérer, avec saumann, qu'il n'existe dans le corps thyroïde qu'un seul principe actif; qu'il est iodé, et qu'il s’y trouve combiné en majeure partie avec un albumi- noïde et en faible proportion avee une globuline. VIT. — ACTION SUR L'ORGANISME DE LA THYROÏDE. L'action sur l'organisme de l’ingestion de glande thyroïde, de l'introduction par voie stomacale, sous-cutanée, intra-veineuse ou intra-péritonéale de ses extraits ou de son principe actif, a été l’objet de nombreux travaux. Ewald, en 1887, a constaté que l'injection sous- culanée d'un extrait thyroïdien, obtenu par tritu- ration et expression d’un corps thyroïde de chien sain, à un autre animal de même espèce pro- voque des phénomènes d'excitation suivis d’un profond sommeil. Langendorff a vérifié ces faits et remarqué, en outre, en 1889, que l'injection intra-veineuse et intra-péritonéale amène rapidement la mort. Contrairement à ces assertions, Alonzo et Horsley n'ont observé aucune action sur l'organisme sain. Gley, qui a refait ces expériences, a observé dans certains cas les phénomènes décrits par Ewald. Haskovec a constaté que l'injection intra-vei- neuse de l'extrait aqueux thyroïdien produit un abaissement passager de la pression sanguine et une accélération du pouls ; ces phénomènes se pré- sentent aussi bien chez l'animal normal que chez le chien thyroïdectomisé, curarisé, mème après section des deux pneumogastriques. La seclion du» bulbe en empêche l’apparilion. Mackensie a remarqué une accélération de la respiration, Mendel une augmentation dans la sé- crétion de l’urée, ce qui fait admettre par cet au teur que le principe actif de la glande thyroïde stimule les échanges nutrilifs. Vermehren a vérifié ce fait chez l’homme et cons- taté que, même chez l'individu normal, l'élimina- L ee d'azote urinaire a presque triplé pendant les 5 4 ou 5 premiers jours de Ja médication. Cette augmentation de la désassimilation est plus î marquée chez les myxædémateux et chez les per- ps sonnes âgées que chez les jeunes gens. La médication thyroïdienne n’est pas inoffensive et doit être prescrite avec prudence. Beclère re- garde le suc thyroïdien comme un poison du cœur,, pouvant amener la mort par syncope. Notkin a, du. reste, signalé la grande toxicité de la thyro-iodine qu'il a isolée, et a constaté son action excitante sur le système nerveux. Les auteurs ont signalé plusieurs accidents consécutifs à l'administralion soit du corps thy- roïde, soit de ses dérivés. Howitz relate un cas d'urticaire; Laache, de l’érythème papuleux pas= sager ; Stabel cite le cas d’un obèse trailé par la. glande thyroïde, qui fut pris du délire de la persé- cution et mourut; à l’autopsie on observa de l'ædème cérébral aigu. Ewald a signalé la glyco=, surie, qui s’est produite chez un malade qui avait. absorbé 340 Lablettes de thyroïdine. Haskovec à observé, dans un cas de crétinisme sporadique traité par la médicalion thyroïdienne, l’accéléra- tion du pouls, de l'élévation de température, des nausées, des vomissements. Chantemesse el R. Ma- rie ont observé des vertiges, malaises, troubles dyspeptiques, somnolences, à la suite d' injection. d'extrait thyroïdien glycériné. Ces phénomènes d'intolérance ne se manifestent pas en général au début du traitement, et souvent il suffit de supprimer ou simplement de diminuer la Se pour les faire disparaitre. . Ballet et Enriquez ont étudié les effets de Se pdf e A 7 Ë Va D: A. CHASSEVANT — DÉCOUVERTES RÉCENTES SUR LA FONCTION THYROIDIENNE 819 l'hyperthyroïdisation expérimentale. Ils ont ob- servé que, chez le chien, l'ingestion de corps thy- roïde de mouton produit des accidents d'intensité variable : les uns immédiats : fièvre, tachycardie ; les autres tardifs : amaigrissements, perte d’ap- pélit, soif exagérée, vomissements, selles diar- rhéiques et sanglantes. Les injections sous-culanées d’extraits thyroï- diens déterminent des accidents analogues, d’au- tant plus intenses que les animaux sont plus jeunes. Ces accidents peuvent tous provoquer la mort. Ils ont constaté chez ces animaux hyperthy- roïdisés des lésions inflammatoires du corps thyroïde, qui aboutissent à une transformation granuleuse et scléreuse du parenchyme. Des expériences d'hyperthyroïdisation, que nous avons entreprises l'an dernier au laboratoire de Thérapeutique de la Faculté de Médecine, ne nous ont pas donné le même résullat. Un chien pesant 8 kilos a absorbé par l'estomac 148 lobes de glande thyroïde de bœuf : soit 1*,361 de corps thyroïde, du 25 novembre au 21 janvier, sans présenter ni élévation de température, ni aucun symptôme morbide. Il avait seulement maigri de 1,500. Il ne pesait plus que 6,500 au 23 janvier 1895. Depuis lors, cetanimal a conservé sa santé et sa bonne humeur jusqu'au jour où on l’a sacrifié pour une autre expérience. Une chienne pesant 12 kilos a absorbé, dans le même laps de temps, 267 lobes, soit 133,5 corps thyroïdes de mouton pesant 428 grammes. À aucun moment nous n'avons observé d'éléva- lion de température, ni de lachycardie, ni d’aug- mentation dans le diamètre des glandes {hyroïdes. La chienne à maigri considérablement, elle ne pesait plus que 8,200. Elle avait perdu par consé- quent 3*,800. C'est le seul symptôme que nous ayons observé. Aussi ne pouvons-nous comparer ces accidents à ceux de goitre exophtalmique. NIIT, — MÉDICATION THYROÏDIENNE. La médication thyroïdienne a été employée dans une foule de cas très différents les uns des autres et, on peut le dire, un peu empiriquement. Elle est indiquée, et aujourd'hui lenombre de ses succès ne se compile plus dans le traitement des affections où il y a suppression.de la fonction thyroïdienne : le myxædème, le goitre ; nous de- vons dire avec Mendel: Le traitement du myxæ- dème par le suc thyroïdien est un « progrès réa- lisé dans la thérapeutique de cette affection. » Owen l’a appliqué avec succès au traitement du goitre exophlalmique; J. Voisin a eu aussi une amélioration dans un cas analogue; mais celte médication serait contre-indiquée si la théorie de Ballet et Enriquez est exacte. Une application bien intéressante de cette médi cation est le traitement de l'obésité : elle semble avoir donné jusqu'à ce jour d'excellents résultats, mais demande à être surveillée et appliquée avec soin. L'action de la médication thyroïdienne sur la croissance el l'idiolie semble très efficace. Bour- neville, Murrel, Telford Smith, Thomson, Byrom, Bramwell, ont signalé plusieurs observations d'i- diots améliorés par celte médication. Lewis Bruce a employé la glande thyroïde dans le traitement de la folie et prétend avoir obtenu des résullats particulièrement satisfaisants dans la paralysie générale. Une application curieuse dela médication thyroï- dienne dans les maladies de peau a été tentée par Bramwell; mais jusqu'à présent les résullals ob- tenus par les divers auteurs sont ou négatifs ou incertains. En terminant, nous devons signaler quatre cas desyphilis traités par Duncan Menzies par la thy- roïde et qui ont élé très améliorés. En résumé, la médication thyroïdienne a acquis à juste titre une grande importance dans le trai- tement du myxædème, dugoitre; elle peut rendre des services dans le trailement des idiots et des obèses en facilitant leurs échanges nutritifs ; quant aux autresapplications,ilconvientd’alttendre avant de se prononcer sur leur efficacité. La thyroiodine de Baumann a donné, entre les mains de Roos, du professeur Thoms et du doc- teur Sochbacher, les mêmes résultats que la glande thyroïde dans le traitement du myxædème et du goitre. D’après ces auteurs, ce médicament est beaucoup plus facile à doser que laglande thyroïde et se conserve indéfiniment sans s’altérer. Marie l'a employé avec succès contre le myxædème. Nous avons pu retarder la mort ef empêcher l'ap- parilion des convulsions chez un chien thyroïdec- tomisé en lui injectant dans les veines un milli- gramme de thyroiodine que nous avions préparée en suivant la méthode décrite par Baumann. Nous pensons que ce produit est bien le principe actif de la glande. On devra préférer à l'emploi de tablettes ou d'extrait l'usage de la glande fraiche, qui peut être absorbée sans dégoût, maintenant que l’on sait qu’elle peut être cuite sans perdre son eflicacité. Plusieurs des accidents observés au cours du trai- tement thyroïdien sontvraisemblablement dus aux ptomaïnes qui se produisent au sein des matières préparées et conservées : extrails, poudres, (a- blettes, elc. D’ A. Chassevant, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. 820 626 | A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 627 | L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE PREMIÈRE PARTIE Les voies de navigation intérieure ne servent plus guère, aujourd’hui, au transport des voya- geurs : des touristes, pour leur plaisir, descendent encore le Rhin ou le Rhône, voire l'embouchure de la Seine ; mais le temps est passé où, simplement pour voyager, on prenait lecoche d’eau. Par contre, rivières et canaux conservent, pour le transport des marchandises, une importance de premier ordre. Si, lors de la création des chemins de fer, il sembla d’abord que leur rôle était fini, l'intérêt depuis leur estrevenu, une plus juste appréciation des choses ayant fait voir que leur utilité pouvait n'être plus la même qu'autrefois, mais que c'était la nature de cette utilité qui avait changé bien plus que sa grandeur. Ce n'est pas, du reste, que l’on soit toujours d'accord sur la facon d'apprécier le rôle actuel des rivières el canaux, et il y a là toute une série de questions dont l'importance économique justifie- rait des développements qui excéderaient de beau- coup les limites que nous nous sommes imposées. Nous ne ferons que les signaler d'un mot, ne fût- ce que pour justifier l'intérêt qui s'attache à l’étude technique des moyens mis en œuvre par la batel- lerie. En fait, il n'apparait pas de démarcation qui s'impose nécessairement entre les marchandises qui peuvent être lransporlées par bateau ou par wagon. Les parcours des routes d’eau naturelles ou artificielles sont, en raison du relief du sol, ceux qui correspondent aux directions commer- ciales nalurelles, où, par conséquent, s’établissent les chemins de fer les plus importants. On doit donc considérer que, normalement, les voies fer- rées et les voies navigables sont en élat de concur- rence. Il en résulte une réduction assurée du coût des transports ; le rôle des voies navigables, ser- vant ainsi de régulateur des prix, a été bien des fois mis en évidence (citons particulièrement les rap- ports des ingénieurs américains aux derniers con- grès de navigation). Celte concurrence, dont l’ef- feLest siulile dans l'intérêt des producteurs et des consommateurs, n’est pas nécessairement préjudi- ciable à la voie ferrée qui la subit, car l’augmen- tation des échanges provoqués par la coexistence des deux modes de transport peut dépasser de beaucoup le tonnage pris par la batellerie; ie sur- plus va alors au chemin de fer en quantité plus que sutfisante pour lui permettre de compenser l’abaissement des tarifs. Que l’on voie, par exem- ple, ce qui passeen France dans la région du Nord, RÉSEAU NAVIGABLE ET MATÉRIEL DE NAVIGATION où la concurrence est très active, et dans celle de Celle à Bordeaux, où des circonstances spéciales l'ont réduite à rien (fig. 2, page 823. et fig. 8, page 825). IL est donc permis — toute question de commo- dité des exploitants mise à part — de regretter l'hostilité du chemin de fer contre le canal; en France cette hostililté va, autant dire, jusqu'à empêcher l'échange des marchandises entre le bateau et le wagon. Les pays (il y en a) où, au con- traire, cet échange est facilité, nous semblent mieux comprendre leurs vérilables intérêts. L'expérience universelle attendre, qu'à ia condilion d'être déchargée de tous droits et péages visant à compenser, dans une mesure quelconque, les frais d'amélioration, « Cesu dernières doivent être mises gratuitement à la dis- d'établissement ou d’entrelien des voies!. posilion des bateliers, comme les routes à celle des voiluriers, et, par conséquent, payées par le Budget. * L'utilité d'un tel régime apparait dans ce fait même qu'il est pratiqué aussi bien là où l'État exploite les chemins de fer (comme en Allemagne) que là où il leur donne une garantie d'intérêt (comme en France), ou enfin les subventionne de . facon plus indirecte (comme en Amérique.) On a émis l'avis que la subvention ainsi donnée à la navigation pourrait être, à moindres frais, appliquée aux chemins de fer, pour leur permettre d'exécuter les transports de matières de peu de valeur au-dessous de leur prix de revient. Ainsi, la batellerie deviendrait inutile. Ce système abou- tirait, en somme, à une taxalion administrative du prix de certains transports; il ne nous parait pas soutenable que l’effet utile d’un pareil régime puisse être comparable à celui de la concurrence. Puisque les chemins de fer et la navigalion sont l'an et l’autre partout subventionnés, et puis- qu'ainsi la concurrence qu'ils se font dérive d’un point de départ où ilse place quelque chose d’ar- bitraire, il importe seulement que l'intervention de l'État dans les deux cas soit mesurée avec beaucoup de sagesse. Les dépenses faites par le budget pour rendre possible l'utilisation des transports par eau, ont ——_—_—_— 1 En France, le produit net des droits de navigation était d’environ 3.000.000 francs, soit une somme insignifiante eu égard au coût du réseau. Depuis la suppression de ces droits, le matériel de la marine a augmenté d’un tiers. » a démontré que la batellerie ne rend {ousles services qu'on en peut A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 821 donc, en fin de compte, pour effet des réductions très sensibles sur les prix généraux des transports. C'est là leur justificalion et c'est par là que les voies navigables conservent, à côté des chemins de fer, une importance de premier ordre. L’avan- du Loir : © { S Roche-sur-Yon g mA Ù : oche= À Ë _ ZM Lons-l-Saunié A” ose Peautieu Lo D | Eee 5 “ & RS Lu 0 lontegday- b S\ [ST & 3 (Rx FH br = ns, J ; EST : TL Cr H Me DE ere 7 2e à pére FX Phlontluçon * A, Ma ô juré, TL F8 Ra CF Hrnxs © B: ÿ Z hnrs, À C3 se Bo ben Fe Le AT la Rocbell peer An -Breuit pi e Guéref c. ae roue co * enr \Q pero Sean Cnfolens Paurgane 7 'a Bu A d'éng eg Riom CARTE 5 TS ; se DES VOIES NAVIGABLES | \| Arts (Sénart nt È pêrre Pédsueud oTulle Prioude, -de- DE LA FRANCE Blaye D RAT 2 oBriveye ©. Murat G bi Fe Turs 1 à < nlauriec =. sc Grenoble SZ urmn —— Canaux de 1%°et 2" Cuegories Bbrdeaux) ® A gne. EM artat PEER SFr € Serie ps DE Le Ætières navigables de 1° et : ur È he Ge à Pré Greortes ——— Rivières flttables. parait inévitable qu’un jour ou l’autre on acceptera partoul les conséquences de la véritable révolution qu'a produite dans l’industrie des transporls l’in- vention de la machine à vapeur; s'il en est ainsi, pour le présent souvent, pour l'avenir toujours, Blois g/Bauoro je DE nn Re Ag vu j ro Pomorantir ncerrel Zn Voyons o° gun Ste, À 5 Fr: 2e Zoches Æ o. 5! LE Q N B: or # MAC #2 2 D 2%; 7 x a 4 Sars-Séire à. C2 ÿ; Fig, 1. — Carte des voies navigables de la France (canaux, rivières navigables, rivières flotlables). 5 9 Lage ainsi obtenu se trouve, en fait, parfois supprimé par l'application de tarifs douaniers plus ou moins prohibitifs, et l’on peut soutenir qu'il y aurait une véritable incohérence économique à dépenser d’une part beaucoup pour rendre les transports écono- miques, tout en faisant par ailleurs renchérir arti- ficiellement le prix des marchandises. Mais ilnous chaque pays se doit de s'assurer des moyens d'action qui ne soient pas inférieurs à ceux de ses voisins ; il reste donc intéressant d’étudier l'état actuel de la navigation intérieure et les améliora- tions dont on peut, dès maintenant, apercevoir l'utilité ou la possibilité. C'est à quoi vise la pré- sente étude. 822 22 A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE I. — RÉSEAU NAVIGABLE FRANÇAIS. $ 1. Composition du réseau. La carte de Ja figure 1 montre l’ensemble du ré- seau de voies navigables existant actuellement en France, lesquelles voies se répartissent en : 1.012 kilomètres de rivières flottables; 6.963 kilomètres de rivières navigables ; 4.865 kilomètres de canaux !. La seule inspection de la carte provoque, toul d'abord, les remarques suivantes : 1° Le réseau est établi de façon à assurer le plus possible les communications entre les bassins des différents fleuves du territoire, — le bassin de la Garonne, seul, étant relativement isolé, mais con- servant, cependant, une communication possible avec celui du Rhône; 2 Les communications sont largement assurées entre les bassins de la Seine et du Rhône et celui du Rhin (Belgique, Hollande et pays du Rhin); 3° La circulation sur un parcours un peu étendu oblige inévitablement à emprunter les canaux sur une grande longueur. Donc, en dehors des Ly- pes affectés par exception à un service spécial, les bateaux doivent être élablis de facon à pou- voir naviguer sur les canaux et sur les rivières. Ce dernier point est particulièrement important: s’il en résulte, en effet, une condition à réaliser par les bateaux, il en résulte une autre à réaliser par les canaux : ceux-ci doivent présenter, au point de vue du tirant d’eau et des dimensions des ouvrages d’art, une uniformilé aussi complète que possible, puisque, pour un parcours donné, c'est sur les cotes des plus petits de ces ouvrages que devra se régler la capacité des embarcations, el puisque, d’autre part, la constitution du réseau est Lelle qu'il est souhaitable qu'un même bateau puisse voyager partout. $ 2. — Canaux. Dimensions des ouvrages d'art. Le réseau actuel étant complété au moyen de jonctions établies entre des canaux dont plusieurs, déjà très anciens, ont été construits à des époques variables, l'uniformité nécessaire n'existait pas. L’Administration des Travaux publics a entrepris les réfeclions nécessaires pour arriver à la réaliser, et, actuellement, au moins sur toutes les voies im- portantes, les bateaux peuvent ou sont à la veille de pouvoir circuler avec une longueur de 38 mètres, une largeur de 5 mètres, un enfoncement de 1",80. Ce sont les dimensions de la péniche flamande, 1 Dans ces chiffres sont compris 43 kilomètres de canaux maritimes et 858 kilomètres de voies concédées, dont 68 de rivières et 190 de canaux. N'y sont pas compris 3.893 kilo- mètres de rivières classées, mais, en pratique, non fré- quentées par la batellerie fluviale. que l’on peut considérer comme le type des em- barcations affectées en France à la navigation inté- rieure ; elles correspondent, pour ce bateau, à un chargement de 280 à 300 tonnes !. $3.— Rivières. Dimensions des écluses. Mouillage. Les rivières, selon ce qu'est leur régime naturel, sont, ou canalisées — comme, par exemple, la. Seine, l'Oise, la Saône, — ou régularisées, comme le Rhône. Dans le premier cas, il y a naturellement une écluse accolée à chaque barrage. Cette écluse de- vrait avoir au minimum les mêmes dimensions que celles des canaux ; il vaut mieux, — et c'est à M quoi l’Administralion s’est partout atlachée, — leur en donner de beaucoup plus grandes. Cela correspond, comme nous le verrons, à l’une des exigences du système de traction qui est pratiqué sur les rivières, et c'est relativement facile à obtenir sans dépenses exugérées, parce que, pour une même distance, les écluses sont bien plus rares sur une rivière que sur un Canal, et parce que, l'alimentation en eau ne coûtant rien, ce qu’il en faut perdre, au cas où le sas n’est pas plein lors d’une manœuvre, n'a aucune importance. Les écluses de la Seine, à l’aval de Paris, ont 151 mè- tres de long, sur 17 de large (11",80 aux portes) avec un mouillage de 3",20 ?. A l’amont de Paris, où le mouillage est de 2 mètres jusqu'à Corbeil et de 1",80 au-dessus, les écluses ont 172 mêtres de long sur 11,80 de large. Sur l'Yonne [mouillage normal, 1" 60) elles ont 93 mètres sur 8",30. Sur la Saône, de Lyon jus- qu’à Saint-Jean de Losne (mouillage 2 mètres), elles ont 150 mètres sur 14, et 39,50 sur 14,50 pour les cinq dernières. Sur l'Oise [mouillage 2 mètres) les anciennes écluses, qui ne donnaient passage qu’à un seul bateau à la fois, sont en réfection acluel- lement et à la veille d’être complètement rem- placées par des ouvrages nouveaux qui permel- tront d’écluser 6 bateaux en même temps. Sur la Marne (mouillage 2",20) les écluses sont encore petites, 45 mètres sur 7",80. Il en est de même sur l’'Escaut. où les écluses ont les dimensions des RSR NET NE ER PRES DR RE EE 1 ]l reste bien quelques exceptions: parmi les plus impor= tantes, nous citerons le canal du Midi et le canal latéral à la Garonne (dimensions minima des écluses 5m,14—30m,65—2"), et le canal de Nantes à Brest (4m,50—26m—im,60). Mais le premier, outre qu’il n’est que médiocrement relié au ré- seau, est presque inutilisé par le fait de sa concession à la, Compagnie des Chemins de fer du Midi et le second peut être considéré comme isolé en raison des difficultés que présente la navigation en Loire. Les voies de Paris à Lyon par la Bourgogne et par les canaux du centre constituent une exception besaucoup plus importante ; mais les travaux de rectification sont en cours d’exécution. 2 Sauf celle de Bougival qui est beaucoup plus grande (230 mètres) à cause des très longs convois de touage qui s’y présentent assez fréquemment. A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 823 écluses de canal ordinaires ; mais l’Escaut, dans sa | la Scarpe..., qui, à la suite de travaux dont ils ont va Cap ons -3-Marne |! 4 pong A Q °igcars ï Zara) CPE. TK Chertres Prousseva b leMans Orléans _ç! ae ins, doyers Pas-denJeu es NE EL fJiione-et-Loire et dura Roche sv AIT Pssgnon ÿf L ". > a Roche-s-Ton RAS À É EN + ons] “le- LT & Les Sables Poiti 5 oitiers® "À pZuprr , Je nn CLONE EN, e. j BE /] Niort ee gen È a) benève ? œ laRothelle G Ê î ne © se » «| Ê Pre imod ÿ 5 e Annecy .e**"" ep” Re = = ‘ . = Angoulème EE .. 1] r £ À : = > Périgueux. ÿ / LE = BA Grenoble :*, ochebrune * S Valence CS © (ee: è SELF] . _— UE Mont She s al polie sh Augron ro [I S 109 P ÿ $ SAC N Ÿ E Fig. 2. — Carte montrant le lonnage des voies navigables et des ports Rivières et canaux. La largeur des bandes Ports. La largeur des bandes représente le ton- représente le tonnage en 1895. (1/3 de mm. EE * nage en 1892. (1/3 de mm. — 100.000 ton- à œ — 100.000 tonnes.) nes.) partie française au moins, rentre dans la catégorie | été l’objet, sont devenus de véritables canaux. de certains petits cours d’eau, tels que la Deule | La dimension des écluses n’est pas seule à con- 824 sidérer pour qu’un même bateau puisse naviguer sur les canaux et sur les rivières, dont l’ensemble constitue le réseau navigable : il faut, en outre, que le Lirant d’eau possible reste le même, el les quelques chiffres rapportés ci-dessus montrent que c’est bien là ce qu'on s’est efforcé d'obtenir par la canalisation des rivières. Là où les résultats de cette opéralion auraient élé insuffisants, on a créé des canaux latéraux (canal latéral à l'Oise, à l’Aisne, à la Marne, à la Loire, à la Garonne). Pour le Rhône, dont le régime est tel que la canalisa- tion du lit serait impraticable, on a eu recours à la régularisation, au lieu de créer un canal iatéral, dont le coût aurait été bien plus élevé. Les travaux ne sont achevés que depuis peu, si même on peul considérer qu'ils le soient tout à fait, et, au point de vue qui nous occupe, les résultals acquis sont très considérables, puisque le mouillage minimum est maintenant de 1%,25 aux basses eaux. En 1878, il était de 0",40, et il est permis d'espérer que l'amélioration déjà obtenue s’accentuera encore par la suite, et que la profondeur d’eau se rappro- chera davantage du mouillage moyen du reste du réseau. L'importance de celte voie, du reste, le Jour où les difficultés actuelles de la navigation y auront élé surmonlées, sera suffisante pour justi- fier l'existence d'un matériel qui lui soit spécial, en même temps qu'un léger accroissement de la profondeur du lit actuel permettra au matériel courant d'y circuler pendant une grande partie de l’année, et pendant presque toute l'année avec un chargement un peu réduit. Il est, en effet, à noter que, en outre de la circu- lation générale, cerlaines voies ou parties de voies peuvent avoir un trafic spécial assez important pour justifier, comme matériel ou comme travaux, une organisation exceplionnelle par rapport au reste du réseau. C’est, par exemple, le cas de la partie de Seine à l'aval de Paris, où le tirant d’eau minimum est aujourd'hui de 3,20, et qui peut ainsi recevoir des embarcations de dimensions plus grandes que celles qui circulent sur les autres rivières ou canaux. Cela s'explique entre Paris d’une part, Rouen et le Havre de l’autre : il en pourra être de même sur le Rhône entre des villes de l'importance de Lyon et de Marseille. Sur la Seine, l'effet des travaux qui en ont fait ainsi une voie de premier ordre, un véritable mo- dèle en son genre, a élé des plus sensibles, puisque le transport des marchandises entre Rouen el Paris, y compris les provenances de l'Oise, qui était de 710.000 tonnes en 1857 (date de l'achèvement des travaux qui ont porté le tirant d’eau à 1",60), s'est élevé à 815.000 tonnes en 1868 (tirant d’eau 1,80), puis à 910 000 tonnes en 1880 (tirant d’eau de 2 mètres), à 1.348.000 tonnes en A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 1886 (achèvement des travaux qui ont porté le ti- rant d'eau à 3,20) et à plus de 3.000.000 de tonnes en 1893. £ $ 4. — Effets de la canalisation ou de la régularisa- tion d’une rivière. La canalisation d'une rivière, en permettant d'augmenter son tirant d’eau pendant les périodes où il serail naturellement insuffisant, accroît en même temps sa seclion etprovoque une diminution correspondante de la vitesse du courant. L'effet est d'autant plus sensible que l'écart est plus grand entre le régime naturel el le régime corrigé. Sur la Seine, par exemple, pendant les mois d'été, l'eau est presque stagnante. Aux époques de pluies cependant, et pendant des pé- riodes parfois longues, l’afflux d’eau est suffisant pour donner de lui-même la profondeur voulue ; il faut alors ouvrir les barrages, partiellement d’a- bord, entièrement à d’autres moments, et rendre la rivière à son élat naturel. Il est donc à remarquer que l’un des effets de la canalisation (cela a beaucoup d'importance au point de vue de l’organisation des services de traction) est d’exagérer les différences de régime d'une ri- vière aux diverses périodes de l’année, en ce qui concerne la rapidité de son courant. Par contre, la régularisation d’une rivière tend à uniformiser la section du lit, à faire disparaître les seuils peu profonds, et, sans modifier à aucun mo- ment son débit, a pour résultat d'uniformiser la valeur du courant aux différents points du parcours et de réaliser une vitesse moyenne entre celles qui existent à l'élat naturel d'une part sur les hauts fonds, d’autre part au-dessus des parties très pro- fondes, à atténuer par conséquent les différences qui correspondent à l’élat naturel. $ 5. — Répartition du trafie sur l’ensemble du ré- seau. Les différentes parties du réseau navigable sont, au point de vue de la valeur du trafic, d'impor- tance très inégale. Aucun tableau de chiffres n’en rendrait compte d’une façon aussi parlante que la carte de la figure 2, qui représente le tonnage des voies diverses pour l’année 1893. Le tableau I. (page 826) indique la façon dont se décompose, par rivières, canaux et ports, le tonnage représenté sur celle carte. Il ne sera pas sans intérêt de rapprocher de la précédente la carte de la figure %, qui donne à la même échelle les mêmes renseignements pour l’en- semble des voies ferrées françaises (année 1891). Le tableau II (page 826) indique la façon dont se décompose, par compagnie, le tonnage représenté sur cette carte. A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 825 La comparaison des cartes 2 et 3 montre, tout | considérer la région au nord et au nord-est de Pa- | ENVRIONS ENVIRONS DE NIMES AOBTESS 7 RS) = À 7 pl opel . ed douar ART rt Fig. 3. — Carte montrant le tonnage des chemins de fer français en 1891. — La largeur des bandes couvertes de hachures représente, à l'échelle de !/; de millimètre par 100.000 tonnes, le tonnage des marchandises à petite vitesse transportées sur chaque ligne ou sur chaque section de ligne dans chaque sens, c’est-à-dire le tonnage moyen ramené à la longueur totale de cette ligne, ou de cette section. « d’abord, quelle est la part relative considérable de | ris, elle fait bien voir que le trafic pris par la voie la navigation dans l'ensemble des transports. À | navigable ne diminue pas celui qui va au chemin 826 A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE EE de fer. Elle fait voir encore comment l'intervention L'examen de la carte du trafic des voies naviga= de la Compagnie du chemin de fer concession- | bles(fig.2)appelleencore quelques autresréflexions: Tableau I. — Tonnage des diverses voies navigables et des ports. TONNAGE DÉSIGNATIONS DES VOIES LONGUEUR TT SC EN TONNES EFFECTIVES EN TONNES KILOMÉTRIQUES En Canaux Totaux et MOYENNES 4... 12.323 25.504.330 Ports et embouchures maritimes (1890).......... 24.383.219 naire de l'exploitation du Canal du Midi, a réduit à On reste frappé de voir la région desservie par rien l'efficacité de cette voie dans une région dont | la Loire absolument blanche. La cause en est dans 3.760 E Ÿ 3600 ETS = En N KT Ÿ È LEE 3400 À & 3200 1 az0 À À 590 EE È & mar s000 & 2400 = Va] Ï Ep 2600! 1 nn mn 7 5 a o 2400 1 EX L 2800 4 à 2.200! | 3 224 R À | | À 206. EN LA 200 Ÿ jeu) à 1809 l 00 LE + 18 2 : | 16 A pe M mu EE Ÿ 7 PS DL 700 & LA “ - Z Î | | m2 2000 LE 70 il (l NEA UE ee. m7 x À 0 NE Ï | LE eu Ÿ À 500 | Y En 500 À SR RAEE | Lee) t S S LS S 5 ee # % à NN S S à SSSR ÈS RS Fig. 4. — Graphique montrant la fréquentation des voies navigables en France de 1841 à 1893. — Le tonnage a été ramené au parcours d'un kilomètre. \ il semble que la situation, entre deux mers im- | l'impossibilité absolue, en l’état actuel, de la nawi- portantes, eût pu lui valoir une plus grande im- | gation de la Loire. Il semble que ce fleuve doive Tableau II. — Tonnage des divers réseaux de voies ferrées. TONNAGE P. V. RU TE re Re LONGUEUR MOYENNE ——————— DESIGNATIONS DES COMPAGNIES EXPLOITÉE RAMENÉ AU PARCOURS RAMENÉ A LA DISTANCE DE | KILOMÈTRE ENTIÈRE “| —————"——————— 2.433 660.204 676.768 1.631.608 307,745 1.064.805.150 222.343 1 # 264.515 493.900 286.643 132.259 144.040 362.902 ë seconda Ensemble... esse 22----pe ee . porlance au point de vue commercial et indus- | être très difficile à maitriser : si la difficulté est triel!. SR et la Garonne, nous avons trouvé l'indication suivante: Il n’y 11 suffira de citer un exemple. Dans une étude sur la navi- | a pas à tenir compte du trafic à la remonte. À la descente, en gation entre le bassin de Decazeville et Bordeaux par le Lot | eftet, la Batellerie, après avoir quitté le Lot, suivra la Garonne, A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE effectivement trop grande, il est vraisemblable que l'on sera, quelque jour, conduit à recourir au moyen radical d'un canal latéral. Le Rhône est moins effacé que la Loire; son importance, cependant, est bien loin de celle que devrait lui assurer sa posilion géographique, la . vallée de ce fleuve, continuée par celles de la Saône Canal dire à la Bassee. ZA = L— À S''Quentin 7=|EINT Est (Branche nord} Est Branche sud) Bourgogne Orse IE Sane Conflans S'! Denis) WII 7= Serre (Parts Corberl IL Serre Uorbel Montereau | N DUR il RE 827 eaux ; que la navigation puisse un jour s’y établir, il est malaisé de mesurer la grandeur du trafic qui pourra suivre cette voie et au moins douteux quil en doive résulter un préjudice pour les lignes fer- rées parallèles au fleuve. Nous complèterons les renseignements qui pré- cèdent, en donnant, sous forme graphique (fig. 4), le Sensee WMVLIIIE ZEN Marne au Rhin 77, = Berry CA Garonne Fig. 5. — Graphiques montrant, pour quelques-unes des grandes voies navigables, la nature et l'importance des marchan- dises hransportées. — a longueur des bandes est proportionnelle au tonnage total de la voie considérée, et dans chacune des bandes, la longueur des divisions est proportionnelle au tonnage des marchandises qu'elles représentent. lombuslibles mrneraux == ;722 de construction TT gx vers el ‘ flottes et du Doubs, offrant la seule coupure par où il puisse s'établir des communications faciles entre le bassin de la Méditerranée et ous les pays du centre de l'Europe, au nord de la grande chaine des Alpes. La cause en est dans les difficultés encore insurmontées qui résultent pour le remor- quage de l'extrême rapidité du courant de ses mais, au retour, elle devra emprunter le canal latéral sur un parcours de 55 kil. (pour un parcours total de 380 kil.), et l'on admettra que le produit du trafic à la remonte servira à acquitter les droits de péage sur le canal latéral! UE lrdustre metal gique NN JFrodurts agr TE Divers résumé des variations de la fréquentation des voies navigables françaises de 1847 à 1893 (fig. 4). C'est encore sous forme graphique qu’il nous parait le plus facile d'indiquer quelles sont les espèces de marchandises qui se transportent par eau et quelle est, dans l’ensemble, la part propor- tionnelle de chacune. C’est ce que montrent — pour les combustibles minéraux, les matériaux de construction, les bois, les produits de l’industrie métallurgique,les produits agricoles etles denrées alimentaires — les graphiques de la figure 5. 328 A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL: DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 11. — MATÉRIEL DE NAVIGATION. S 1. — Distinction à faire entre le matériel porteur et le matériel moteur. Dans le malériel de la navigation, le bateau à la fois porteur et moteur estune exception, et, sauf peut-être quelques cas très particuliers, n’est pas recommandable. Il en existe un assez grand nombre; mais il nous parait probable qu'on en a fait plus qu'on en fera. La raison d’être des transports par eau est la modicité des prix de fret qu’ils permettent d’obte- air : c'est donc une nécessité pour eux de recher- cher tout ce qui peut aider à maintenir ces prix aussi bas que possible.Or,un bateau n’est pas tou- jours en marche : ilestarrèlé pendant les périodes de chargement et de déchargement, dont la durée ne laisse pas d'être appréciable, étant donnée l’impor- tance du tonnage; il est arrèlé pendant les pério- des où son propriétaire est à la recherche de mar- chandises à transporter, il l’est encore par les trop hautes et trop basses eaux !. Pendantces journées d'arrêt, il y a à payer le loyer de la coque; encore faut-il éviter d'avoir à payer le loyer d’un moteur à ce moment inutile, d'autant plus que bien sou- ventle destinataire trouve commode de conserver, pendant un temps variable, le bateau à son arrivée comme magasin provisoire, — avantage qui dispa- railrait si le loyer journalier devait être trop élevé. Il faut un homme au moins pour conduire le bateau : s’il y a un moteur, il y a grande probabi- lité qu'il faudra un autre homme au moins pour le faire marcher, soit encore une dépense de person- nel inutilement doublée pendantles arrêts. Sur un réseau comme celui qui existe en France, on peut admettre que, pour un voyage donné, la moitié du parcours se fait en canal, l’autre moitié en ri- vière : la quantité de travail nécessaire pour la pro- pulsion, est bien loin d'être la même dans l’un et l’autre cas ; le bateau qui porte un moteur a donc un appareil mal adapté à la moitié du service qu’il doit faire. En somme le bateau porteur et moteur ressemble beaucoup à ce que serait un convoi de chemin de fer immuablement rivé à sa locomotive. Il est beaucoup plus rationnel de séparer entiè- rement ce qui concerne le transport et ce qui con- cerne la traction, les appareils employés à ce der- nier usage pouvant alors être maintenus en marche ! On peut considérer que, actuellement en France, un ba- teau faisant du Nord à Paris 5 voyages est arrété par charge- ment et déchargement pendant 5 fois jours ou 125 jours; qu'il est encore arrêté par les glaces et brumes LOGE Le Ro ON UE DL A 30 jours et par le chômage occasionné pour entretien des Canaux. .... ME 5 30 jours SO1t CH ÉOUL...... . 185 jours d'une façon continue ou peu s'en faut, aux condi= tions, par conséquent, les moins onéreuses.— I n°y a du reste aucune raison, contrairement à ce qui se passe sur les chemins de fer, pour que le maté- riel de transport et le matériel de traction appar- tiennent nécessairement à une même entreprise. En réalité, en France, la comparaison du ton- nage de la navigation à vapeur avec celui de tous les (ransports fluviaux, montre que la part des bateaux à vapeur porteurs est égale à" 2,9 °/, du poids total des embarquements, et à 4°/, du tonnage kilométrique de l’ensemble du réseau, le parcours moyen d’une tonne transpor-* tée en bateau à vapeur élant plus élevé que celui d'une lonne portée en bateau ordinaire (209 kilo- mètres au lieu de 141}. Ce n'est, on le voit, qu'une” très faible proportion, qui est fournie, pour une bonne part, par les bateaux à vapeur du Rhône. Sur ce fleuve, eneffet, le remorquage est, jusqu'ici, resté impossible : tout au plus a-t-on réussi à en faire un peu avec les grappins que le récent ap- profondissement du lit du fleuve fait disparaitre, leur fonctionnement devenant trop défectueux avec l’accroissement du lirant d'eau. Quelques transports se font en descente sur des bateaux ordinaires marchant au fil de l’eau, qui ne peuvent revenir qu’à vide. En remonte, ils nese font que par des porteurs à vapeur, qui peuvent porter 400 à 500 tonnes, et ont 120 et même 135 mètres de long. Ainsi pratiquée, la navigation du Rhône n’a jamais pris une grande importance, ce qui confirme bien ce que nous venons de dire de ce type de baleaux ; aussi, en dehors de celte exception el pour les rai- sons exposées ci-dessus, nous n'insisterons pas davantage sur ce qui les concerne. La question des procédés de traction, fort im- portante, mérite un chapitre spécial : nous nous occuperons, tout d'abord, du matériel porteur. $ 2, — Types divers d'embarcations. Ce matériel, en France, comprend un très grand nombre de types d'embarcations dont la forme et le nom varient avec les diverses régions. C'est un peu le chaos, un chaos dans lequel l'ordre se fera sans doule assez vite, d’une part à cause de l’uni- fication, très avancée aujourd’hui, des voies, d'autre part grâce aux recherches entreprises récemment pour éclaircir la question fort obscure de l'in-M fluence des formes d’un bateau sur la résistance à la traction. En sommeil n'y aurait pas grand intérêt à dres- ser une liste des formes et des noms divers dem toutes ces embarcations. En dehors des gabarres, des allèges et des petits chalands qui fréquentent À les embouchures maritimes, les divers bateaux de rivières ou de canaux, sous des dénominations <ù A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 829 variées, se peuvent grouper autour d’un assez petit nombre de types : 49 — La péniche flamande, dont on peut dire, en raison sans doute de l'importance considérable de là navigation sur les voies du Nord, où elle Longitudinal Æ elle les remplit en tous sens avec un jeu insi- gnifiant, ce qui lui permet de prendre le char- gement maximum compatible avec la grandeur de ces ouvrages. Du moment où on a porté uniformé- ment les dimensions des écluses à 38",50, les péni- Longitudinal 4 SNS a Su Horizontal À SON up Horizontal A | en Fig. 6. — Plan el coupe d’une péniche. abonde, que c'est actuellement en France le type des bateaux de canal ; 2° — La fldte et la loue; 3° — Le grand chalund, qui, lui, est un bateau de rivière, ses dimensions lui interdisant le canal. Longitudinal A Flottäison) SE © Horizontal À ee ches, dont beaucoup n'avaient autrefois que 34 mètres, se sont allongées à 38 mètres. Elles ont > mètres de largeur, et peuvent porter à la rigueur 350 tonnes ; à l’enfoncement de 1" 80, qui est celui qui correspond à la marche en canal, elles en por- Longitudinal 4 Fig. 7. — Plan el coupe d’une flûle. 1. Péniches. — La péniche, dont la figure 6 indi- que l'aspect général, n'a de formes ni à l'avant ni à arrière, où elle se termine par des faces planes avec à peine un arrondi sur les angles. Son coefti- cient de déplacement ou d’affinement {quotient de Son déplacement par le volume du parallélipipède rectangle circonscril à la partie immergée) est de BIÈRES Ses dimensions se règlent sur celles des écluses ; REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. tent en moyenne 290. On les construit en bois ou en fer; ces dernières sont encore très rares. Les péniches sont extrêmement abondantes sur les réseaux du Nord et de l'Est; elles voyagent en canal, en rivière et peuvent fort bien circuler en Seine même par les plus hautes eaux. Fussent-elles assez solidement construites, il serait dangereux de les faire naviguer sur des fleuves difficiles à grand courant, comme le Rhône. 830 A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 2. Flûtes et toues. — Les flûtes et les toues se ren- contrent surtout sur la Seine, l'Yonne, la Saône et les canaux du Centre. Elles circulent également en canal ou en rivière ; leurs formes, meilleures à ce point de vue que celles de la péniche, leur permet- Longitudinal ÆÀ toues et en diffèrent surtout par le rapport de la largeur à la longueur (2,5/30 au lieu de 5/30). Cela en fait des bateaux peu stables qui, pour naviguer en rivière, doivent s’accoter deux à deux. Au surplus, les embarcations des diverses ré-« Longitudinal 4 Flottaison SE RS Lignes d'eau Fig. raient mieux denaviguer dans descourantsrapides. Ces formes sont indiquées sur les figures 7 et 8. La flûte a un coefficient de déplacement de 95 à 96 °/, el la toue d'environ 97°/,. | Tous ces bateaux se construisent en bois, avec Longitudinal # S DS & Fig. 9. — Plan el coupe d'un chaland. des longueurs assez variables: pour les plus gran- des dimensions (la largeur restant de 5 mètres), des flûtes de 34 à 38 mètres jaugent de 250 à 300 tonneaux el des toues de 30 mètres, 200 tonneaux. Les pelils bateaux dits Berrichons, encore très nombreux sur les canaux du Centre, qui portent de 60 à 75 tonnes avec 27 à 430 mètres de long et 2,50 à 2,60 de large, sont de formes analogues aux 8. — Plan el coupe d'une toue. Horizontal 4 Plan | supérieur gions, — calonnes de la Saône, sapines et coutril= lons de la région de la Garonne, balandres de I Vienne, bateaux nantais de la Loire, — se rappro chent tous, plus ou moins, de lune ou l’autre d ces deux formes. Longitudinal 4 S mue Horizontal 4 Plan supérieur Lignes d'éau 3. Chalands. — Les chalands, qui se sont surtoul développés sur la Seine depuis l’achèvement des travaux de canalisation de ce fleuve, sont des bateaux beaucoup plus grands, à qui leur largeur tout au moins interdit l'accès des canaux. La figure 9 indique l'aspect de ce type de bateau, à fors mes beaucoup plus accentuées que les précédents: tant à l'avant qu’à l'arrière ; aussi le coefficient du A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE déplacement n'est-il plus que de 90 à 92°/.. Ils se construisent en bois ou en fer, sont loujours très larges : avec 40 à 50 mètres de longueur, sur 8 de largeur, ils portent de 500 à 600 tonnes. On en fait actuellement pouvant en porter 1.000. Outre ces bateaux, nous signalerons encore une embarcation assez répandue, mais utilisée surtout pour de petits transports à faibles distances : c’est le margotat, qui a une largeur partout la même et dont la forme à l'avant et à l'arrière se relève sui- vant des plans inclinés. Assez rarement on rencontre, dans les régions du Nord et de l'Est, un bateau dil ardennais, ca- ractérisé par ce fait qu'il a l'avant et l'arrière sem- blables et tous deux en forme d'avant de loue. Bien plus rarement encore on trouve sur notre réseau un bateau dit bateau prussien, dont l'avant et l’arrièresont en forme de cuillère, dont par consé- quent l’étrave et l'étambot sont beaucoup plus cou- chés que dans le type précédent. En somme, pour les bateaux ayant à circuler sur l’ensemble du réseau, la grandeur des écluses des canaux restreint leurs dimensions au-dessous de celles qui correspondraient à des chargements très acceptables pour les usages commerciaux ac- luels. Comme, cependant, de l'importance du char- gement dépend la somme totale à laquelle le ma- rinier peut prétendre pour chaque voyage, on s'est efforcé de gagner le plus possible sur le coeffi- cient de déplacement : c'est ainsi que la péniche est arrivée à être le bateau le plus répandu, quoique, à cause de son absence de formes, elle soit évidem- ment très résistante à la marche. Sur la Seine, l'importance de la navigation lo- cale pouvait justifier la création de bateaux qui y fussent spécialement affectés. Là il n'y a plus aucun obstacle qui empêche de réaliser les plus gros chargements qui soient pratiquement désirables, ni rien qui, dans les limites ainsi définies, oblige à restreindre les dimensions des embarcations. On en est donc venu tout naturellement à prendre un coeflicient de chargement notablement moindre pour avoir un bateau qui, avec des formes déjà dessinées, soit moins lourd à trainer. De là le cha- land qui, pour être relativement fin par rapport à la péniche, reste encore assez lourd avec la très grande largeur qui le caractérise. Il n'y a, en somme, rien, parmi les embarcations employées en France, qui ressemble aux grands bateaux que l’on trouve en Allemagne sur des fleuves comme le Rhin ou l’Elbe, qui sont régula- risés el non canalisés et offrent à une batellerie qui — pour une part — ne s’en écarte pas, une Noie navigable de très grande longueur sans aucun 831 obstacle, mais à courant très rapide. Les embarca- tions, qui portent jusqu'à 1.400 tonnes sur le Rhin, sont extrèmement allongées par rapport à leur largeur, jusqu'à 80 mètres sur 10 de large, et de formes très aflinées à l'avant et à l'arrière. Il nous paraît bien probable que le jour où l’on réussira à faire couramment du remorquage sur le Rhône, il s'y créera, pour la navigalion spéciale au fleuve, des embarcations qui devront se rapprocher plus de ces dernières que des chalands de la Seine. Ces différents types d’embarcations offrent, à la traction, des résistances variables, surtout en rai- son de leurs formes ; mais on n’a eu, jusqu'ici, sur la valeur exacte de ces résistances que des don- nées extrêmement vagues et incertaines. $S 3.— Influence des formes du bateau sur la résis- tance à la traction. Expériences de M. B.deMas. Les expériences, actuellement en cours, récem- ment entreprises par M. l'ingénieur en chef B. de Mas, vont substituer aux données actuelles des in- dications positives infiniment précieuses pour le choix etla construction du matériel. Ces expériences ont porté surtout sur les types des bateaux qui, en France, sont aptes à circuler sur les canaux et les rivières; elles ontété faites à des enfoncements variant de 0,50 à 1,80 et à des vitesses variant de 0®,25 à 2",50. Nous ne pouvons, ici, que les résu- mer rapidement. Elles ont permis de constater : 1° Qu'il y a tout avantage à ce que la surface mouillée soil aussi lisse que possible; 2° Que, toutes choses égales d’ailleurs,et dans les limites des expériences, la résistance lolale est in- dépendante de la longueur du bateau ; 3° Que les forrnes du bateau ont une influence considérable. Par exemple, sur la Seine, c'est-à- dire dans un milieu dont la section est extrêmement grande par rapport à celle du bateau,la résistance à la vitesse de 1*, par mètre carré de section immergée au maitre couple, à été trouvée : Pour les péniches : de 37 à 38 kilogrammes; Pour les flûtes : de 19 à 20 kilogrammes ; Pour les toues : de 15 kilogrammes 1/2. Pour un margotat, or n'aurait que 11 kilogram- mes et pour un chaland en fer de 40 mètres de long, 15 kilogrammes. Quelques expériences ayant pu êlre failes avec un bateau du type dit bateau prussien, assez rare sur notre réseau, ont enfin donné un chiffre de 12 kilogrammes 1/2. Ces chiffres font ressortir nettement l’infériorité, au point de vue de la traction, du type péniche,et, le margotat éliminé, M. B. de Mas a conclu, de l’ensemble des données recueillies, qu'il y aurait toutavantage à adopter, pour les bateaux appelés à naviguer sur un réseau tel que le réseau fran- çais, un avant et un arrière en forme de cuillère, conforme aux indications du croquis de la fi- gure 10, qui, avec un coefficient de déplacement qui pourrait être mème de 90 à 94 °/,, donnerait un effort de traction qui ne serait guère que le 1/4 de celui d’une péniche. - Les essais dont nous venons de rendre compte, faits en rivière, ont été suivis d’une première série d'épreuves faites en canal, qui, sans rien modifier aux résultats relatifs à l’élat des surfaces et à la longueur des bateaux,ont donnécomme résistance, à la vitesse de 4", par mètre carré de section im- mergée au maitre couple, les chiffres suivants : péniche, 71 kilogrammes ; flûte, 43,5 ; toue, 41,7 ; margotat, 30,30 : et bateau prussien, 35,1. S - Longitudinal et A A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE oo 40 AU = sur Paris et n’ont qu'un parcours très réduit en rivière à la remonte, renonceront sans doute diffi- cilement aux 20 {onnes environ de chargemen qu'il leur faudrait perdre en remplaçant leur pénis che par un bateau en forme de cuillère. Il est possi ble, il est vrai, que, quand on en sera arrivé à pos séder sur ces questions des données certaines, soit tenu compte de la résislance propre de chaque embarcation dans la fixation des prix de traction Encore faut-ilremarquer que partout oùles dimensions des écluses limitent soit la grandeu des bateaux, soit celle des convois, il est fort pos sible que la perte de recette due à la réduction dé tonnage compense el au delà pour l’entrepreneut de traction la diminution de la résistance. Longuudinal #'et À SSD ro aNe ss Lignes d'eau Sols Lignes d'eau Fig. 10. — Plan et coupe du bateau proposé par M. de Mas, comme donnant le moins de résistance à la traction: L'ordre de classement reste donc le même: la résistance lotale est beaucoup plus grande, ce qui n'a rien d'imprévu; mais le bénéfice des formes est moins important en canal qu’en rivière. Les expériences se continuent: il est très vrai- semblable qu'elles montreront que, plus la section d'un canal est étroite, moins est grand ce bénéfice des formes et que, sans doute, dans les écluses où le bateau fait piston et qui, dans l’organisation des services de traction, représentent les passages dif- ficiles, il disparaitra presque totalement. I] n'y en a pas moins là un ensemble de consla- tations d'un haut intérêt et d’où il sortira vraisem- blablement tôt ou tard une unification sinon com- plèle, au moins relative, des types de baleaux employés à la navigation intérieure. Pour ceux qui sont appelés à circuler surtout en rivières, il y aura tout avantage à adopter les formes propo- sées par M. de Mas; pour ceux qui circulent sur- {out en canaux, cela est moins certain. Les mari- niers, par exemple, qui font uniquement des transports de charbon de la Belgique et du Nord SAR USUON SOS s $ 4. — Influence de la forme du lit des rivières! Expériences de M. Caméré. Nous devons signaler encore les expériences également en cours, entreprises par M. l'ingénieu en chef Caméré, en vue de déterminer les variæ lions de résislance d’un même convoi en divers points de son trajet et de rapprocher ces variations de celles que présente la section du cours d’eau tant en largeur qu’en profondeur. Il est permi d'espérer que les résultats de ces expérience apporteront aux ingénieurs des données précise sur les travaux derectification qui peuvent êt utiles pour que la capacité de traction d’un remor queur desservant un long parcours ne se trou pas restreinte du fait de l'existence d'un peti nombre de passages difliciles. Dans un prochain article, nous terminerons cell élude en examinant les procédés de traction et question du personnel et des prix de frêt. A. de Bovet, Ingénieur des Mines, À Directeur de la Compagnie de Touage de la basse-Seine et de l'Oise. ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 833 | ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES LA FABRICATION DES EXTRAITS TANNANTS ET LA DÉTERMINATION DE LEUR VALEUR COMMERCIALE. — LA MESURE DE LA TEMPÉRATURE DE L'AIR INJECTÉ AUX HAUTS FOURNEAUX Depuis quelques années, la tannerie a traversé une série de crises commerciales qui ont eu pour consé- quence d'attirer l'attention des tanneurs sur certains ayantages économiques que peut leur apporter l’adop- tion des extraits tannants dans leur fabrication. La production des extraits s’en est ressentie favorable- ment, non pas que l'emploi des extraits à l'exclusion des écorces soit encore prochain; on peut cepen- dant juger du chemin déjà parcouru en considérant le très bas prix auquel est tombé l'écorce du chène en présence des demandes de moins en moins pressées. Il faut dire aussi que l’industrie des extraits tan- nants a fait de réels progrès et que les jus tinctoriaux qu'on connaissait jadis sous ce nom, ont fait place à des produits très remarquables au double point de vue de leur origine économique et de leur état définitif ou marchand. - Il n'est pas banal, en effet, de vouloir remplacer, dans une technique séculaire comme celle de la tannerie, le tanin si pur de l'écorce de chêne ou tout au moins si bien approprié au cuir, mais à coût très élevé, par des extractions de bois de chène ou de châtaignier: dans celles-ci le tanin à bas prix et de nature iden- tique à celui de l'écorce, il est vrai, se trouve asso- cié à tant de matières diverses que les réactions qu'il donne avec la peau en sont dénaturées; l'emploi de Pextrait total est en pratique impossible. Je parle de ces purs jus de bois de chêne ou de chätaignier que, par concentration, on amène à l’état d'extrait et que je nommerai : extraits bruts. Les extraits pour la tannerie sont fabriqués avec soin et certaines parties de leur préparation emprun- tent la technique de la sucrerie. Ainsi, les bois sont coupés à la facon des cossettes et sont épuisées par dif- fusion dans des autoclaves sous une pression très faible. Les jus bruts ainsi obtenus sont ensuite traités sui- “ant les procédés de chaque fabricant, filtrés au filtre- presse s’il y a lieu, et envoyés à l’évaporation dans des “triple-effets construits sur le modèle et les dimen- “sions de ceux de sucrerie, mais à cette différence près “qu'ils sont tous en cuivre et bronze au lieu d’être en “ier, et travaillent généralement sous un vide plus parfait qu'en sucrerie. ” Quelques fabricants décolorent les jus bruts avant “concentration soit avec des sels métalliques, soit avec “de l’'albumine et du bisulfite de soude. Les extraits décolorés avec des sels métalliques tiennent en disso- lution l'acide du sel qui a fait la double décomposi- “hion:c'est là un inconvénient de cette technique; un “autre est une assez forte perte de tanin dans la for- - mation de la laque métallique. Les extraits décolorés au sulfite de soude et à l’albumine tiennent en disso- -lution du sulfate de soude et les albuminoïdes non coagulables et ont perdu une grande quantité de tanin “dans l’albumine coagulée, Quoi qu’il en soit, cesextraits donnent des cuirs moins colorés que l'extrait brut. … Je laisse de côté intentionnellement dans cet exposé … toutes les questions relatives à la fraude dans les extraits, fraude qui consiste parfois à les additionner - de certains sels solubles, tels que le sulfate de soude, “le sel marin, etc. Je ne parle ici que des produits fa- . briqués avec conscience, et je considère comme entrant -dans cette catégorie de l'honnète fabrication non seu- - lement les extraits bruts si dangereux pour la tan- nerie, mais aussi les extraits décolorés de toute na- ture, dans lesquels on retrouve, comme je l'ai dit, soit du sulfate de soude, soit d’autres sels solubles qui s’y trouvent par suite de la technique spéciale em- ployée, Mais, quelle que soit l'origine des sels contenus dans les extraits, leur présence dans la tannerie peut avoir, suivant les cas, des conséquences plus ou moins graves, mais toujours dangereuses. Le tanneur a intérêt à employer le plus longtemps possible le même jus initial, qu'il renforce à chaque instant par des additions d'extrait. Cet intérêt s’ex- plique par l’économie qui résulte de l'épuisement aussi complet que possible de ces jus en matières tannantes; s'il renforce ses jus avec des extraits salins, un moment arrive où les sels se sont accumulés en telle proportion dans les bains, alors que le tanin a été enlevé par les cuirs, que le tanneur est dans l’obli- gation de rejeter des jus non complètement épuisés en matières tannantes, sous peine d'imprégner ses cuirs de sels hygroscopiques, et ceux-ci auront pour moindre inconvénient de faire « repousser » les cuirs en magasin, Ainsi donc toute addition saline quelconque et per- manente dans l’extrait peut devenir pour le tanneur une source de difficultés. Comment, tout en déco- lorant-les jus, peut-on éviter ces additions dange- reuses ? D'abord la « décoloration » de l'extrait, ou du moins l'opération de ce nom à laquelle on le soumet, est-elle bien dénommée ? Car la différence dans l'intensité de la couleur de l'extrait, à «titre égal en tanin », avant et après l'opération, est peu sensible. La nuance peut virer de ton, mais elle ne disparaît pas; de telle sorte qu’on se demande quelle est la nature de la couleur si peu visible dans l'extrait et si appréciable sur le cuir qu'on enlève par les décolorants. D’après M. Edouard Roy, il ne s’agit pas de décolo- ration dans le sens chimique du mot; les « décolo- rants », ou plutôt les précipitants employés, agissent tout simplement en entrainant, avec les premières portions de tanin,une partie des matières basiques terreuses et métalliques tenues en dissolution dans l'extrait et provenant des bois employés et des appa- reils. Ces matières basiques sont la chaux, la magné- sie, le manganèse, le fer et le cuivre. Ce sont elles qui, en se combinant avec le tanin qui se fixe sur la peau, donnent la couleur mauvaise, l’âpreté de la fleur et la rendent cassante. Par l'emploi des précipitants, qu'on appelle impro- prement des décolorants dans les fabriques d'extraits, on enlève,comme je l’ai dit, une partie de ces matières basiques par entrainement, mais c’est au détriment de la richesse en tanin, et, quelle que soit la dose de précipitant qu’on emploie, on n'arrive qu’à une alté- nuation de plus en plus accentuée, il est vrai, de la teneur en matières basiques, mais jamais à en dé- pouiller totalement l'extrait. Edouard Roy a démontré d’une facon fort origi- nale le bien fondé de sa manière de voir, Il prend l'extrait brut, l’additionne de ferro-cyanure de potas- sium en solution aqueuse, et filtre, Le précipité qu'on recueille ne contient pas de « tanin », mais il contient, par contre, toutes les matières basiques qui existaient dans l'extrait ; leur précipitation est complète. Si l'on examine maintenant cet extrait épuré de matières basiques, on le voit de couleur aussi foncée qu'aupa- ravant et de nuance rouge-cerise; essayé à la peau 834 sans autre préparation, il donne un cuir jaune clair vif beaucoup plus pâle que ne donne n'importe quel extrait traité par les décolorants, ou dénommés décolorés, et les cuirs fabriqués avec cet extrait n’ont pas la fleur cassante et sont d’une extrême finesse, Je puis ajouter que M. Edouard Roy a fait une appli- cation industrielle fort importante de son procédé d'épuration des extraits, que M. Muntfz considère comme un progrès considérable dans l’industrie des extraits tanniques; les extraits de châtaignier obténus par ce procédé sont comparables par leur action sur la peau au tannin d’écorce de chêne vert extrait à froid, L'expérience de M. Roy démontre donc à l'évidence que les matières basiques terreuses et métalliques qui accompagnent le tanin dans les extraits sont à considérer dans la pratique au même titre que l’est le sel marin dans le sucre de canne. Elles sont non seulement une cause de perte de tanin dans la tan- nerie, parce qu’elles fixent une partie de celui-ci au ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES (fig. 1) qui a donné les meilleurs résultats. Voici, d’après lui, la description de cetappareil. Un réservoir W, de 30 à 40 litres de capacité, recoi constamment de l’eau d’un tube z; un tube de déver sement u maintient le niveau constant, de sorte que l’eau, qui s’échappe par les deux tuyaux 4 et b, s'écoule avec la même vitesse dans chacun d’eux. On fait passer le tuyau a à travers la tuyère; à cet endroit, il es constitué par un petit tube de cuivre k, de 8 milli mètres de diamètre. Ce dernier est chauffé par le vent de la tuyère, et il communique sa chaleur à l’eau qui le traverse. L'eau ainsi chauffée est conduite au ther: momètre à mercure Ti, qui indique le dixième de degrés Le second tube b est conduit directement à un autre thermomètre Tir, donnant également le dixième de degré. Ce thermomètre indique donc la température de l’eau avant son passage à travers la tuyère. Les deux courants d'eau coulant continuellement, on peut à chaque instant, lire la différence de température. S) CO CHU C00N COND CEXN CED LED | | Fig. 1. — Calorimètre pour mesurer la température de l'air injeclé aux luyères des hauts-fourneaux. — W, réservoir à eat d'où partent les deux tubes & et b qui se dirigent respectivement vers les thermomètres T1 et Tr en passant, l’un parlé tuyère en #, l’autre en dehors du haut-fourneau; V, arrivée de l'air chaud; R, tuyère. détriment de la peau dans les premiers moments du tannage, mais encore parce qu'elles le fixent d’une facon désastreuse pour la qualité du cuir. De tout ce qui précède, il résulte donc que la valeur d’un extrait tannique au point de vue de son appli- cation en tannerie, ne peut pas être déterminée par le dosage seul des matières tannantes y contenues, car, à cet égard, les extraits bruts seraient peut-être les plus prisés. Je pense qu’il est bon de connaître, au point de vue de la valeur du produit, non seule- ment sa richesse en matières tannantes, mais qu'il faut également doser et faire entrer comme éléments d'appréciation, importants quelquefois jusqu’au rejet : 1° Les sels alcalins ou alcalino-terreux en dis- solution. 20 Les matières basiques terreuses et métalliques !. Ferdinand JEAN. On connaît la grande influence que joue, sur la marche des réactions à l’intérieur du haut fourneau et sur le rendement, la température de l'air injecté par les tuyères. Tout appareil, vraiment pratique, destiné à renseigner les métallurgistes sur la valeur et les variations de cette température, est donc susceptible de rendre de grands services. M, G. Braubach vient de décrire à ce sujet, dans Stahl und Eisen ?, un calorimètre 1Travailcommuniqué au récent Congrès de Chimie appliquée. 2 D'après Slahl und Eisen, 16° année, n° 15, p. 512. Dans une expérience préliminaire, faite avec u pyromètre très exact, on a déferminé combien de de grés de chaleur du vent correspondent à un degré de différence du thermomètre; on obtient généralemen un nombre quelconque; mais, en réglant le courant d’eau par le robinet c, on peut arriver à obtenir un nombre rond, qui facilitera les calculs. Le mieux est de s'arranger de facon qu'un degré de différen des thermomètres corresponde à 100° de température du vent. Comme les deux thermomètres indiquent le 1/10, on peut estimer 1/20 de 100°, soit 5, ce qui es! bien suffisant pour un métallurgiste. On peut faire le contrôle une fois par jour avec le pyromètre, Il esl préférable d'employer toujours de l’eau claire. l’on change les embouchures des tuyères, il faut régle à nouveau le calorimètre avec le pyromètre, Le petit tube de cuivre est à peine attaqué par vent chaud; il n’est besoin de le retirer qu'une foi tous les six mois pour l’examiner et le changer sl! a lieu, ce qui se fait en dix minutes. | L'appareil que nous venons de décrire sert, en outre, à suivre et à contrôler le rendement des appa reils Cowper. Il peut être construit sur place, @ toutes ses parties sont facilement remplacables. Ce calorimètre fonctionne continuellement, depuis plus d’une année, aux hauts fourneaux de Concordia; près Bendorf-sur-le-Rhin, et il y a donné les résultats les plus satisfaisants. A. RocuE, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 835 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Darboux (Gaston), Membre de l’Institut, Doyen de la Faculté des Sciences de Paris. — Leçons sur la Théo- rie généraledes Surfaces et les Applications géo- métriques du Calcul infinitésimal. 4° partie. Dé- formation infiniment petite et Représentation sphérique (2° fascicule). — 1 vol, in-S* de 96 pages. (Priæ du volume complet : 15 fr.) Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. Le dernier fascicule des Lecons sur la Théorie des Sur- faces se compose de notes détachées, relatives à diffé- rents points traités dans le corps de l'ouvrage. Les trois premières sont dues à la collaboration de MM. Picard, Kænigs et Cosserat. M. Picard expose l'application aux équations aux dérivées partielles du second ordre de sa méthode d'approximations successives. Il traite exclusivement le cas des caractéristiques réelles, celui-ci sc présen- tant presque seul en Géométrie. D'ailleurs, la considé- ration, à ce même point de vue, des équations du pre- mier ordre lui fournit des résultats importants, par exemple en ce qui concerne la représentation con- forme des surfaces. C’est aussi aux équations aux dérivées partielles du second orüre qu'est relative la Note III, due à M. Cos- serat. L'objet de cette Note est la démonstration d’un théorème de M. Moutard, donnant toutes les équations aux dérivées partielles du second ordre dont l'intégrale générale revêt {a forme la plus simple qu'on puisse concevoir, à savoir : celle qui consiste en une relation unique entre les trois variables, deux fonctions arbi- traires de quantités distinctes formées explicitement avec les trois variables et les dérivées en nombre limité de ces fonctions arbitraires (les arbitraires n'entrant d’ailleurs sous aucun signe d'intégration). M. Kœuigs résume dans la Note II son Mémoire cou- ronné par l’Académie des Sciences et où les éléments linéaires sont classés d’après le nombre d'intégrales quadratiques qu'admet l'équation des lignes géodé- siques. On rencontre, dans cette question, une très re- marquable équation aux différences mêlées dont M. Kœnigs opère l'intégration. _ Lestitres des Notes de M. Darboux (Sur la torsion des courbes gauches et sur les courbes à torsion constante ; — Sur les formules d'Euler et sur le déplacement d'un solide - invariable ; — Note sur une équulion différentielle et sur les surfuces spirales; — Sur la forme des lignes de cour- bure dans le voisinage d’un ombilic ; — Sur les lignes asymp- totiques et sur les lignes de courbure de la surface des ondes de Fresnel; — Sur la géométrie Cayleyenne et Sur une pro- priété des surfaces à génératrice circulaire ; — Sur les équa- tions aux dérivées partielles ; — Sur l'équation auriliaire) suffisent à indiquer leur objet. Celle qui est relative à la forme des lignes de courbure dans le voisinage d'un om- bilic est une curieuse application de la théorie des points singuliers des équations différentielles. Les deux dernières Notes méritent particulièrement d'attirer l'attention. L'une contient l’exposition de la méthode proposée par M. Darboux pour l'intégration de l’équation de Monge et d'Ampère : méthode qui, gé- néralisant celle de Monge, va plus loin que celle-ci et conduit à l'intégration toutes les fois qu’il existe une équation aux dérivées partielles : VA du ne ordre, admettant, en commun avec la proposée, une solution contenant une fonction arbi- traire. — L'autre introduit une notion qui, aujour- d’hui, a pris une place importante dans la science : celle de l'équation linéaire qui définit les solutions d’une équation différentielle ou aux dérivées partielles infi- niment voisines d’une solution quelconque donnée. On sait le rôle que joue cette considération dans les tra- vaux de M. Poincaré sur les équations de la Dyna- mique ; on peut dire qu’elle intervient nécessairement dans l’étude de tout système différentiel. M. Darboux se borne à deux exemples : l'équation des systèmes or- thogonaux et l'équation de la déformation dessurfaces ; on trouve ainsi, en particulier, toutes les surfaces dont la déformation dépend d’une équation satisfaisant aux conditions de M. Moutard. J. Hapamarp, Professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux. Tisserand (F.), Membre de l'Institut, Directeur de l'Observatoire de Paris. — Recueil complémentaire d'exercices sur le Calcul infinitésimal. 2° édition, augmentée de Nouveaux exercices sur les Variables imaginaires, p17 M. P. Painlevé, P' adjoint à Faculté des Sciences de Paris. — 1 vol. in-8° de 524 p. (Priæ : 7 fr. 50.) Gauthier- Villars et fils. Paris, 1896. Le recueil de M. Tisserand est trop universellement connu et estimé, pour qu'il soit nécessaire d’appeler sur ce livre l’attention des lecteurs de la Revue. Je me bornerai donc à indiquer en quoi la seconde édition (1896) diffère de la première (1877). A la seconde partie ont été ajoutés septnuméros relatifs aux intégrales dé- finies, aux équations différentielles, à la transformation de Legendre, etc, A la troisième partie ont été ajoutés treize numéros se rapportant aux trajectoires des sys- tèmes de courbes, à la théorie des surfaces, ete. Mais l'addition la plus importante est celle d’une quatrième partie, rédigée par M. Painlevé,el contenant, en 85 pages, vingt-sept numéros. Ce sont des exercices fort clairs et fort substantiels, sur plusieurs théories récentes, et d’un ordre d'idées élevé : ramification des fonctions algébriques, rayons de convergence, équations différentielles à points critiques fixes, etc. Léon AUTONKE, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Lyon. Gouïlly (A.), Ingénieur des Arts et Manufactures, Répé- titeur a l'Ecole Centrale. — Géométrie descriptive. Tome I : Point. Ligne droite. Plan. Tume 11: Sphère, Cône et Cylindre de révolution. Sections co- niques. Tome 111: Changements de plans de pro- jections. Rotations. Trièdres. Polyèdres. — 3 vol. in-18 (164 p. et 86 fig. ; 196 p. et 4Tfig. ; 160 p. et 51 fig. de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire (Prix de chaque volume : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars et G. Masson, éditeurs. Paris, 1896. Ce traité de Géométrie descriptive semble bien at- teindre le but que poursuivent les publications de l'Encyclopédie des Aide-Mémoire. Sans renoncer à la rigueur scientifique, M. Gouilly a su donner à cet ou- vrage un caractère pratique très net. Le tracé des épures est toujours accompagné d’un exposé théorique rédigé avec beaucoup de clarté etde précision. On y trouve toutes les connaissances géométriques et analy- tiques auxquelles on a recours en Géométrie descriptive. Les propriétés projectives des figures ont bien la place qu'elles méritent dans un pareil traité; l’auteur leur consacre un chapitre spécial. Conçu comme je viens de l'indiquer brièvement, cet ouvrage rendra de grands services à de nombreuses catégories de lecteurs. U. Fer, Privat-Docent à l'Université de Genève. 836 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 2° Sciences physiques. Pellat (H.). Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de Paris. — Polarisation et Optique cristalline. (Lecons professées à la Sorbonne en 1895, rédigées par MM. Duperray et Gallotti, agrégés de l'Université.) — 1 vol. in-8° de 288 pages avec 141 fig. et i planche en couleurs, (Prix : 12 fr.) G. Carré. Paris, 1896. «Je n’ai eu d'autre prétention dans ce cours, dit l’au- « teur, que d'exposer, le plus clairement qu’il m'a été « possible, les principales propriétés des ondes, la « polarisation et la double réfraction suivant les idées « de Fresnel. » Nous pouvons être moins réservé et reconnaître que, comme toujours, M. Pellat a été d’une clarté remarquable. On y retrouve la physionomie, la méthode particulière de son enseignement. Toujours il débute par des définitions nettement posées, sou- ligne les hypothèses nécessaires à son objet, et sait faire ressortir dès le début les conditions précises dans lesquelles le problème sera applicable. Puis, loin de songer trop exclusivement à être complet, il se borne aux seules idées utiles pour la démonstration finale, les met en lumière en sacrifiant les détails superflus et marche droit à la conclusion. L'idée directrice reste toujours visible et l'ensemble de la question ressort avec une netteté incisive. La même préoccupation le guide dans le choix des expériences. Il sait se borner à celles qui ont un véritable pouvoir démonstratif et les répète avec une habileté et une ingéniosité recon- nues, Aussi ces lecons, reproduction fidèle de son cours, constituent-elles pour la Polarisation et l’Optique cristalline le vrai livre d'étude des candidats à la Licence, vraiment simple sans artifices trompeurs. Je me borneraïi à indiquer avec quel soin au début il dé- finit l'onde, montre la distinction entre l'état vibratoire aux divers points de l’onde suivant le mode d’ébran- lement, sphère pulsante ou lame vibrante, puis résume les propriétés générales des ondes. Il formule nette- ment la définition du rayon lumineux dans les milieux anisotropes. À propos du principe d'Huyghens, il rap- pelle avec quelle réserve on doit l'utiliser. Dans une note à la fin du volume, 11 revient sur le principe de la superposilion des élasticités dans les petits mouve- ments, principe invoqué implicitement dans le prin- cipe d'Huyghens, et y est conduit simplement après l'établissement des axes d'élasticité au moyen de l’ellip- soïde du travail. En terminant, j’exprimerai un léger regret: Dans ce début si net, si bien posé, on désirerait rencontrer une vue plus complète sur l’éther lumineux. On souhaiterait d'y voir rassemblées toutes les pro- priétés qu'on a été amené progressivement à lui attri- buer et aussi quelques mots des idées de Lord Kelvin sur l’ordre de grandeur de sa densité. Edgard Haupté, Professeur de Physique au Lycée de Laval. Varet (Raoul). — Recherches sur les combinaisons du Mercure. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. in-8° de 115 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. Jusqu'à présent, pour calculer à partir des éléments la chaleur de formation d’un sel mercuriel, il fallait choisir entre deux nombres assez différents donnés par Thomsen, puis Nernst, Le peu de concordance de ces expériences rendait très désirable une nouvelle série de mesures fixant et complétant d'une manière définitive les données sur les sels de mercure, C’est cette lacune que M. Varet s’est efforcé de combler dans l’intéressant travail qu'il vient de présenter à la Faculté des Sciences de Paris. Sa thèse peut se diviser en deux parties : Dans la première, il détermine les chaleurs de for- mation et de métamorphose des sels les plus impor- tants de mercure. Pour arriver à des résultats pouvant être considérés comme définitifs, M. Varet a déterminé les chaleurs de formation de ces sels par diverses méthodes indépendantes qui, toutes, ont donné des résultats très concordants; comme application, M. Va- ret montre que les nombres trouvés expliquent l’ac- tion décomposante de l’eau sur certains sels de mer- cure, et, pour le sulfate mercurique, confirment à la fois les théories contraires de MM. Le Chatelier et Dittes Il y a là une erreur théorique, car il nous semble que: si les résultats thermiques confirment la théorie de M. Le Chatelier, aucune desexpériences de l’auteur pe permet d’admettre, comme le veut la théorie de M. Ditte, dans la solution sulfurique de sulfate mer: curique, la présence concomitante de sous-sulfate mercurique dissous. - Bien plus, des expériences cryoscopiques récentes de M. Guinchant prouvent que, dans l’action du sul- fate mercurique sur l’eau, il ne se forme pas de sous= sulfate dissous en quantité appréciable. Dans la deuxième partie de sa thèse, M, Varet étudie de nombreux sels doubles et triples formés par le cya= nure de mercure et montre comment les valeurs ther- miques obtenues expliquent les réactions curieuses du cyanure de mercure dans la statique chimique. Les nombreuses données. déterminées avec une grande précision par l’auteur, feront d’ailleurs consulter ce travail avec fruit, dans toute étude sur les sels de mercure. A. GUNTZ, Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences de Nancy. Dommer (T.), Professeur à l'Ecole de Physique et de Chimie industrielles de la Ville &e Paris. — L'Incan- descence par le gaz et le pétrole. — L’'Acétylène et ses applications. — Un vol. in-12 de 320 p.. avec 140 fig. (Prix : 4 fr. 50.) Bibliothèque des Actua=« lités industrielles. B. Tignol, éditeur. Paris, 1896. L'ouvrage de M. Dommer comprend deux parties bien distinctes : Dans la première, qui traite de l'Incandescence par les gaz, le pétrole, etc., l'auteur, après quelques considé= rations générales sur la produclion des radiations par l'Incandescence et la description des appareils à lumière intensive que nous connaissions déjà (lumière Drumond, lampe au magnésium, bec Clamond, etc.}, fournit d’intéressants renseignements sur les becs à: incandescence, si employés aujourd'hui et connus sous le nom de becs Auer. ES Nous trouvons d’abord la composition des princi paux minéraux d’où le chimiste extrait les terres rares destinées à produire l’Incandescence et des détails sun la préparation des oxydes de Thorium et de Cerium. L'auteur décrit ensuite la disposition des brûleurs, la fabrication des manchons, les différentes dis- positions employées pour l'allumage des becs, les” nouvelles lampes à incandescence par l’alcool et le pétrole. Il établit les avantages que présente ce mode d'éclairage, comparé à celui que fournit l’électricité.n Enfin, on trouve, dans cette première partie, une description très complète des lampes à récupération (Siemens, Wendham, etc.), ainsi que des brüleurs. Bandsept et Denayrouze, qui, comme les becs à incan- descence, ont pour effet de réduire, dans une zrandé proportion, la dépense du gaz par carcel-heure. La seconde partie de l'ouvrage est consacrée à l'Acétylène. M, Dommer énumère d’une façon très complète les propriétés de l'Acétylène, en insistant sur les considérations relatives à sa combustion, no: tamment : sa température d'inflammabilité, sa tempés rature de combustion, la quantité d’air nécessaire, es becs spéciaux nécessaires pour le brûler, son explosis bilité, sa toxicité, son action sur les métaux, sa liqué= faction, etc. ; Il passe à la préparation du carbure de calcium, et décrit les différents fours électriques employés: il fournit les éléments qui permettent de calculer le prix de revient de ce produit, question si discutée aujourd’hui. ; Est Il indique ensuite les différents appareils proposés pour la production de l’Acétylène, appareils pouvant: BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX fournir le gaz nécessaire à l'alimentation d’un certain nombre de becs et lampes mobiles, M.Dommer établit Les prix de revient des différentes sources de lumière et les compare à celui de l'Acéty- lène ; puis il passe en revue les applications qui ont été déjà tentées de ce gaz, par exemple : la carburation du gaz de houille et du gaz à l’eau, son emploi dans les moteurs, en métallurgie, et dans la fabrication de certains produits chimiques (Diiodoforme). En résumé, ce livre contient {oute une série de renseignements précis, difficiles à se procurer, et utiles à toutes les personnes qui veulent se faire une opinion sur cette question, toute d'actualité, de l'avenir de l’Acétylène. Edouard URBAIN, Chef de la Fabrication aux Établissements Linard. 8° Sciences naturelles. Molliarda (M.), Chef des Travaux pratiques de Bota- nique à la Sorbonne. — Recherches sur les Cécidies florales. Thèse de la Faculté des Sciences de Paris. — À vol. in-8° de 250 p, avec 1# pl. hors texte. (Extrait des Ann. des Se. Nat. S®série : Bot. Tome I.) G. Masson, édi- teur. Paris, 1896. M. Molliard a consacré ses efforts à l'examen des Cé- cidies, transformations pathologiques que subissent les organes des plantes sous l’action des parasites ani- maux ou végétaux. Les Galles sont des Cécidies très apparentes ; mais les Cécidies n’entrainent pas néces- sairement des modifications aussi saillantes,. L'auteur, limitant son sujet, étudie seulement les transformations morphologiques que subissent les or- ganes floraux, Nous n'avions jusqu'à présent, en langue francaise, que des travaux de détail sur ces questions ; elles ont suscité de nombreuses recherches à l'étranger. M. Molliard, sans s'attacher beaucoup à la bibliogra- phie, cherche à faire une œuvre nouvelle et accumule un grand nombre d'observations. Il groupe les Cé- cidies, d'après la nature de l'association parasilaire,en phytocécidies et en zoocécidies. Les détails qu'il donne sur les Cécidies florales produites par les Champignons intéresseront les mycologues ; les morphologistes ont depuis longtemps tenu compte des modifications féra- tologiques produites dans les fleurs par l’action des parasites, Les Zoocécidies florales sont surtout pro- duites par des insectes Hémiptères, Diptères et par des Acariens. L'anatomie comparée des végétaux saura sans doute utiliser un jour les détails anatomiques que M. Mol- liard fait connaitre. Pour le moment, ils ont la valeur de faits enregistrés et classés. Concluons, avec l'auteur, que l'étude détaillée des associations parasitaires ré- vélera sûrement bien des faits intéressants au point de vue morphologique et anatomique. (CEMTE Massart (Jean), Chargé de Cours à l'Université de Bru- elles, — Un botaniste en Malaisie. — { broch. pet. in-8° de 195 p. avec 39 fig. dans le texte et 18 photo- typies. (Extrait du Bullet. de la Soc. roy. de Botan. de Belgique, XXXIV,1895.) A. Hoste, éditeur, Gand, 1896. L'auteur, transporté brusquement des trottoirs de Bruxelles aux splendeurs des Indes néerlandaises, raconte avec simplicité tous ses étonnements. Tout ce qu'il rencontre l'arrête et l’émerveille; il raconte les mille détails qui l'ont intéressé, soit au jardin de Bui- tenzorg, soit dans la forêt de Tjibodas, soit sur la côte. Il laisse ses lecteurs un peu ahuris par la succession rapide de tant de souvenirs, et ne leur fait pas grâce des hypothèses qui se présentent à son esprit chaque fois qu'il se trouve en présence de faits nouveaux pour lui. M. Massart aurait pu faire dans les forêts de l'Europe quelques unes des découvertes que lui révèle la forèt tropicale. En Europe, comme à Java, la forêt intacte ne laisse point de place aux migrations d'espèces étrangères. Quoi qu'il en soit, cette narration sans prétention guidera les botanistes qui auront l’oc- 5931 casion de parcourir ces iles merveilleuses après M. Massart. Nous regrettons que l’imprimeur ait tiré si peude parti des photographies qui ont fourni les élé- ments des figures dans le texte. GE. Le Dantec (F.), Docteur ès sciences. — Théorie nou- velle de la Vie. — 1 vol. in- 8° de 32% pages de la Bi- bliothèque scientifique internationale. (Prix, relié: 6 fr.) F, Alcan, éditeur. Paris, 1896. Le livre de M. Le Dantec est très visiblement ana- logue par ses visées philosophiques au dernier ouvrage de CI. Bernard, les Lecons sur les phénomènes de la vie communs aux végétaux et auæ animaux, et il est très intéressant de comparer ces deux livres, séparés par vingt ans d'intervalle pendant lesquels les sciences biologiques ont marché à pas de géant, J'exposerai d’a- bord les idées de M. Le Dantec, puis je ferai une cri- tique succincte du point saillant sur lequel repose sa théorie nouvelle. Tout le monde sait qu'un organisme de Métazoaire est formé d’une quantité de cellules comparables aux êtres monocellulaires libres ; d'autre part, il est évi- dent que ce qu'on appelle la vie du Métazoaire est le résultat de la coordination des vies séparées de chacune de ses cellules. Il est donc logique, pour comprendre la vie du Métazoaire, d'étudier d’abord la vie élémen- taire, c'est-à-dire celle d’une cellule isolée. Après avoir passé en revue la structure de la cellule, sa forme limitée et définie, les phénomènes du mou- vement, de l'addition (ingestion de substances exlé- rieures), de la digestion, le rôle du noyau, etc., M. Le Dantec en conclut que les cellules vivantes possèdent seules une propriété distinctive commune qui manque aux corps bruts: c'est la propriété d’assimilalion : quand une cellule vivante est plongée dans un milieu favorable, rigoureusement déterminable (liquide Rau- lin pour lAspergillus, moût sucré pour la levure de bière, ete.), les réactions qui se passent entre le mi- lieu et la cellule sont représentées par l’équalion sui- vante : a+ Q—àa +R; a étant la quantité de subs- tances protoplasmiques et nucléaires qui existent au début de l'expérience, 0 les matières retirées du mi- lieu pendant l'expérience, à un nombre plus grand que 1,et Rles produits fabriqués par la cellule ou rejetés par elle durant l'expérience: ainsi 1 gramme de levure de bière + tant de grammes de liquide Pasteur don- nent, au bout d’un temps {, 2 grammes de levure + tant de grammes d'alcool, d'acide carbonique, ete. Quand une cellule n’est pas dans son milieu favorable, elle se détruit plus ou moins vite et finit par mourir si le milieu ne change pas en temps utile. Armés de cette constatation, passons maintenant au Métazoaire et considérons spécialement un organe qui manifeste sa vie élémentaire, un muscle qui se con- tracte par exemple ; il est évident qu'à ce moment il est tout à fait comparable à de la levure active, et par conséquent l'équation (a + Q —2 a + R) lui est appli- cable. C’est done au moment où la fibre musculaire travaille, qu’elle assimile et augmente la quantité de ses substances protoplasmiques et nucléaires ; au re- pos, elle dépense ces substances plastiques pour fa- briquer des substances de réserve, qui serviront pen- dant le travail des substances 0; il en résulte que si un muscle travaille beaucoup, l'assimilation l'emporte sur la dépense, et il grossit (muscles des lutteurs, des danseurs, elc.); s’il ne travaille pas, c’est le contraire, et il s’atrophie {muscles des membres immobilisés). Telle est la loi de l'assimilation fonctionnelle, qui peut s’exprimer comme ceci: le fonctionnement d’un élé- ment histologique n'est autre chose qu’une manifesta- tion, propre à cet élément, des réactions qui déter- minent précisément la synthèse de sa substance. En se basant sur cette loi et quelques autres consi- dérations, M. Le Dantec explique l’ontogénèse depuis l'œuf fécondé jusqu’à la mort: la différenciation his- tologique a pour cause les divisions hétérogènes dues 838 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX à la structure hétérogène des cellules placées dans des conditions de milieu différentes (bords du blastopore, face interne, face externe, etc.); par l’assimilation fonctionnelle, ces tissus différenciés se multiplient en gardant leur originalité propre et les organes se cons- truisent d'eux-mêmes. La vieillesse et la mort s’expli- quent par l’encombrement de l'organisme par les sub- stances R (os, cartilage, etc.), non éliminées ‘qui amè- nent peu à peu une destruction de la coordination; la mort du Métazoaire survient alors, et, par suite de l’al- tération du milieu intérieur, ses cellules meurent peu après (mort élémentaire). Quant à l’hérédilé, M. Le Dantec résume la question en cette phrase : Deux œufs identiques, dans des conditions identiques, donnent des développements identiques. Critique. — Je ne discuterai pas les idées de M. Le Dantec sur l’ontogénèse, la différenciation histolo- gique, la sénescence et l’hérédité, graves sujets traités très brièvement dans son livre; il est évident que la clef de voûte de sa théorie nouvelle est la loi de l’assi- milation fonctionnelle, M. Le Dantec l’oppose formel- lement aux lois formulées par Cl. Pernard, qui a di- visé les phénomènes vitaux en deux ordres : 1° phéno- mènes de destruction vitale, correspondant à l’activité fonctionnelle des éléments; 2° phénomènes de créa- tion vitale, correspondant au repos fonctionnel et à la régénéralion des réserves épuisées. CI. Bernard à vouln dire par là, et c’est ainsi que l’ont compris tous les biologistes modernes, que le travail physiologique d'une cellule est le résultat de décompositions chi- miques qui se passent dans la cellule même, et qui transforment de l’énergie potentielle en force vive ; pour beaucoup a’organes, on a pu préciser,ce que n’a- vait pas fait Cl. Bernard, la substance cellulaire sur laquelle porte la décomposition; pour le muscle, par exemple, on sait que c’est le glycogène de réserve et le glycose du sang qui fournissent l'énergie représentée par le travail musculaire; quant âux substances proto- plasmiques et nucléaires du muscle, on n'y constate pas de changement visible durant le travail, M. Le Dantec ne diffère donc de l’opinion courante qu’en affirmant que la dépense des réserves coïncide avec une augmentation forcée et proportionnelle de la quan- tité de protoplasma et de noyau dans la cellule. Si cette affirmation est vraie, il en résulte qu'un organe qui travaille sans discontiauer doit aussi aug- menter indéfiniment de volume : eh bien ! est-ce que les fibres musculaires du cœur, du diaphragme, du thorax, les cellules vibratiles des branchies de Lamelli- branches, de l’épiderme des Planaires, qui se contrac- tent ou vibrent pendant toute la vie, augmentent indéfiniment leur quantum de substances protoplas- miques et nucléaires ? Une cellule conjonctive qui se remplit de graisse, un globule rouge qui sécrète son hémoglobine, une cellule muqueuse qui fabrique sa mucine, ont-ils plus de protoplasma et un plus gros noyau à la fin du travail ? C’est plutôt le contraire. Par contre, les muscles et les glandes des embryons, in- contestablement inertes par rapport à ceux des adultes, n'accroissent-ils pas sans cesse leur protoplasma et leur noyau ? Pendant le repos fonctionnel, M. Le Dantec dit que les réactions détruisent les substances protoplasmiques et nucléaires créées pendant le travail pour en faire des substances de réserve (graisse, glycogène), de fa- con à revenir à peu près au statu quo ante. Mais, pour le muscle en particulier, on sait expérimentalement que pendant le repos il retire du sang une quantité appréciable Le slycose qui s’accumule dans son tissu sous forme de glycogène ; il serait bien extraordinaire de voir ce même muscle consommer aussi ses albumi- noïdes pour fabriquer encore du glycogène, alors que la source de glycose du sang est pratiquement inépui- sable. Mais ces critiques ne doivent pas nous faire oublier que la loi de l’assimilation fonctionnelle a été formulée pour expliquer certains faits indiscutables : les organes qui ont un fonctionnement exagéré (au-dessus d’un certain taux normal) augmentent notablement de vo- lume (hypertrophie du cœur, du rein, etc.), tandis que ceux qui ne fonctionnent plus du tout s’atrophient plus ou moins; en d’autres termes, il y a dans tout orga- nisme une auto-régulation telle qu'un organe a pres- que toujours un volume proportionné au travail qu’il est contraint d'accomplir. Le mécanisme de cette auto- régulation est certainement complexe, mal connu, mais en tous cas les arguments donnés plus haut montrent que la loi de l'assimilation fonctionnelle se heurte à des difficultés trop graves pour pouvoir être acceptée comme explication définitive de ce phénomène. L, CuÉNoT Professeur de Zoologie la Faculté des Sciences de Nancy. 4° Sciences médicales. Marie (D' Pierre), Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. — Leçons de Clinique médicale (Hôtel-Dieu, 1894-95), — 1 vol. in-8° de 296 pages avec figures. (Prix : 6 fr.) G. Masson, éditeur. Paris, 1896. M Pierre Marie a réuni en un volume les princi- pales lecons qu'il fit pendant son enseignement à l'Hô- tel-Dieu. Ces lecons portent sur des sujets variés : rhumatisme chronique, déformations thoraciques, albu- minurie cyclique, malformations cardiaques, neurofi- bromatose généralisée. Plusieurs d’entre elles sont re- latives à l'étude des diabètes sucrés. Parmi celles-ci, on compte une très intéressante clinique sur le dia- bète bronzé, cirrhose hypertrophique pigmentaire, où le professeur montre bien les différences qui existent entre cette maladie toute spéciale et la série des autres diabèles. Une analyse sèche et rapide de ce livre n'aurait aucune valeur. Je n'y pourrais que détruire les grandes qualités de ces magistrales lecons. Leur clarté, le soin de leur composition, la pondération du style, cette lenteur voulue de l'exposé didactique et nécessitée par la succession des faits régulièrement et logiquement enchaînés, l’art avec lequel les détails observés sont présentés, donnent aux lecons de M. Pierre Marie un haut relief. En les lisant, on a l'impression qu’elles ont été conduites à la manière des lecons les plus choi- sies de Charcot, des cours les plus précis de Claude Bernard. - D' A, LÉTIENNE. Levassort (D'Ch.). — La Stérilisation pratique en Chirurgie. — 1 vol. in-8° de 124 payes avec 18 fig. (Prix:4 francs). Sociétéd'éditions scientifiques. Paris, 1896. Sous ce titre l’auteur a réuni une série de documents intéressants, se rapportant aux découvertes les plus récentes de méthodes pratiques de stérilisation. On y trouvera la description très complète des applications du permanganate de chaux ou monol à la stérilisation de l’eau (filtre Lutèce) et des considérations relatives à l'emploi des solutions de cesel en chirurgie au double point de vue de l’asepsie et de l'’antisepsie. On y re- marquera un procédé ingénieux de stérilisation et de conservation des crins, soies, drains, soudés, etc. dans un appareil auquel l’auteur a donné le norn d’obtura- teur automatique. La stérilisation est obtenue par l’ébul- lition en des vases qui se closent hermétiquement par la mise en jeu automatique, sous l’action du refroidis- sement, d’un bouton de caoutchouc à gorge, muni à son centre d’un trou par où passe l’oblurateur propre- ment dit, également en caoutchouc. Enfin la question de la stérilisation des instruments et objets de pansements est résolue soit parla chaleur sèche au moyen d'un stérilisateur chirurgical, de l'inven- tion de M. Levassort, qui permet d'obtenir 150° en 45 minutes, avec de simples lampes à alcool, — soit par l’action des vapeurs d’aldéhyde formique ou de son polymérisé, le trioxyméthylène, au moyen d’appa- reils (diffuseur, étuves au trioxyméthylène ou au for- mol), également inventés par l’auteur. Dr Gabriel MAURANGE. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 839 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 1% septembre 1896. 4° SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M. C. Lallemand montre, par des calculs très délicats, que, dans Pin- tervalle des deux opérations successives. exécutées sur chaque ligne de nivellement, les piquets employés comme repères provisoires subissent un enfoncement ou un exhaussement moyen de 3 à 7 dixièmes de mil- limètre, — M. Berthelot a observé du Laboratoire de Meudon un arc-en-ciel exceptionnel; c'était à 1 heure de l’après-midi, heure à laquelle la hauteur du soleil à l'horizon ne permet guère d’apercevoir ce phénomène dans nos climats. L'arc très surbaissé apparut à ce mo- ment, couché sur la plaine de Boulogne et au-dessous de l’horizon; il éprouvait des déplacements et des oscillations continuelles. — M. À. Angot a observé, au moment de la trombe du 10 septembre, de petits lam- beaux de nuages noirs très bas, tourbillonnant avec rapidité dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et paraissant également animés d’un mouvement ascen- dant, — M. J, Jaubert donne divers renseignements sur la trombe du 10 septembre. Elle a traversé Paris en ligne presque droite, du sud-ouest au nord-est, avec une vitesse d'environ 40 à 50 mètres par seconde et fai- sant sentir son effet sur une largeur d'environ 150 mè- tres. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M, G. Bertrand, en traitant le suc de la Russula delica Fries par l'alcool fort, a obtenu un précipité qui oxyde rapidement la tyrosine; la liqueur mère distillée n'oxyde pas la tyrosine, mais a toutes les propriétés de la laccase, L'auteur en con- clut que la laccase et la tyrosinase sont deux ferments distincts qui peuvent coexister dans un même suc vé- gétal. — M. Bignan adresse deux notes sur le sulfure de magnésie et sur divers sels d'alumine. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Bosc et Delezenne ont observé que le sang d’un animal rendu incoagulable par injection, in vivo ou in vitro, d'extrait de sangsue se putréfie beaucoup moins rapidement que le sang nor- mal. Ce fait ne doit pas être attribué à une action anti- septique directe de l'extrait de sangsue, car ec corps est lui-même un milieu de culture favorable pour de nombreux microbes. Les auteurs ont remarqué que l'extrait de sangsue augmente la vitalité des leucocytes, et il est probable que les globules blancs produisent alors des corps qui augmentent le pouvoir bactéricide du sang. — M. Joachimsthal signale une nouvelle adaptation des museles de la jambe qui s’est produite après la guérison d'un pied bot; c'est un exemple remarquable de l'adaptation des muscles au change- ment de leur fonction, Séance du 21 Septembre 1896. M. le Président annonce à l’Académie la perte qu’elle vient de faire en la personne de M. Fizeau, membre de la Section de Physique. La séance est levée en signe de deuil. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Perrotin communique les éléments et l'éphéméride de la comète découverte à l’Observatoire de Nice, le # septembre dernier, par M. Giacobini, à l’aide de l’équatorial coudé, Séance du 28 Septembre 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Rossard adresse ses observalions de la comète Brooks (4 septembre) faites à l’équatorial Bruner de 0m,25, et de la comète Giacobini, faites au grand télescope Gautier et à l’é- quatorial Bruner de l’Observatoire de Toulouse, — M. G. Le Cadet communique ses observations de la comète Giacobini (4 septembre) faites à l’équatorial coudé de l'Observatoire de Lyon. — M. F. Sy envoie ses observations de la comète Giacobini faites à l’é- quatorial coudé de l'Observatoire d'Alger. — M. J. Guillaume communique ses observations du Soleil, faites à l'Observatoire de Lyon (équatorial Bruner), pendant le deuxième trimestre de 1896. La décrois- sance des taches a continué, avec un minimum très marqué en mai; l'hémisphère austral montre toujours plus de taches que l’autre hémisphère. Les facules ont suivi une marche décroissante, plus régulière dans l’ensemble que celle des taches. — M, M. Brillouin étudie depuis deux années l'influence des taches so- laires sur le temps. Il a observé que, quel que soit l’état de la surface solaire, les modifications du temps sont lentes et progressives tant qu'il n'entre pas de nouvelles taches par le bord est du disque solaire ; toute entrée de taches, surtout entourées de facules étendues et éclatantes, produit dans les vingt-quatre heures un trouble rapide et étendu dans la cireulation atmosphérique, — M. Chapel adresse une note rela- tive à la coïncidence entre la production du typhon du 10 septembre et la rencontre d’un essaim cosmique par la Terre. — M. E. Jaggi adresse une note relative à la variation périodique des latitudes. — M. X.Stouff généralise une des démonstrations de la loi de réci- procité donnée par Gauss et reposant sur le partage en deux classes des restes par rapport à un nombre donné. — M. G. Charpy répond à la précédente note de M. Hartmann et maintient ses conclusions relatives à la répartition des déformations dans les métaux soumis à des efforts. — M. A. Basin adresse un mé- moire sur la vitesse, le roulis et les collisions des paquebots. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. M. Raoult a déter- miné, avec la plus grande précision, le point de con- gélation des solutions aqueuses de chlorure de sodium, l'enceinte étant à des températures variables autour du point de congélation. Les résultats obtenus le con- duisent à maintenir complètement la conclusion sui- vante, qu'il avait déjà énoncée, mais qui a été criti- quée par M. Ponsot : Dans les conditions indiquées, l'influence de la température de l'enceinte n’altère en rien les lois relatives aux abaissements des points de congélation des solutions inégalement concentrées d'un même corps. — M. V. Agafonoff a étudié l’ab- sorption du spectre ultra-violet par les corps cristal- lisés. Deux corps seulement, la tourmaline et l'acide hémimellitique, ont montré du polychroïsme dans la partie ultra-violette du spectre ; en général, les corps organiques absorbent davantage le speclre que les sels métalliques. — M. Birkeland a reconnu que la cathode, dans un tube de décharge, émet divers groupes de rayons d'espèces différentes, qui peuvent être séparés en profitant pour cela de ce qu'ils sont différemment déviés par l’aimant. L'auteur décrit le dispositif expérimental qu'il emploie pour rendre vi- sible ce spectre de rayons cathodiques. Il indique comment varie l’écartement des bandes du spectre suivant la pression à l’intérieur du tube et l'intensité du courant primaire. — M. E. Dufau, en traitant au four électrique un mélange intime de sesquioxyde de nickel et de baryte anhydre ou de carbonate de baryte, a obtenu une combinaison répondant à la formule 2Ni0?.BaO, c’est-à-dire un dinickélite de baryum. La formation de ce composé vient confirmer l'hypothèse de l'existence d’un bioxyde de nickel, Ni0?, à carac- tère acide. — M. R. Varet, étudiant au point de vue 540 thermochimique les bromures doubles de mercure, arrive à des conclusions identiques à celles qu'il a déjà formulées pour les chlorures. Il est conduit, en particulier, à envisager l'existence d'acides complexes: Hg?Br6H? et Hg Br'H?. 3° SCIENCES NATURELLES. — MN. Bosc et Delezenne ont observé que cerlaines substances anticoagulantes (extrait de sangsue, peptone), injectées dans le sang, sont capables de produire des modifications qui aug- mentent les procédés de défense de l'organisme contre les agents infectieux. Ces modifications sont caracté- risées par un accroissement remarquable de la vitalité et des propriétés phagocytaires des globules blancs et par l’augmentation du pouvoir bactéricide du sang. L'injection intra-veineuse de ces substances anti-coa- gulantes à des lapins et à des chiens, 45 à #5 minutes avant l'injection de colibacille ou de streptocoque, peut conférer aux animaux une véritable immunité et même avoir une action empêchante absolue contre les infections expérimentales. — MM. Ch. Achard et R. Bensaude ont reconnu que le plasma sanguin privé de tout élément figuré, par dépôt des globules ou par centrifugation, possède la propriété agglutina- tive au même degré ou à peu près que le plasma très riche en leucocytes; la propriété agglutinante n’est donc pas subordonnée à la présence des leucocytes dans les humeurs, mais doit être rattachée aux phéno- mènes de diffusion à travers les membranes vivantes. — MM. A. Binet et J. Courtier ont déterminé les mo- difications de la circulation capillaire chez l’homme qui sont dues à l'influence des repas, de l'exercice physique, du travail intellectuel et des émotions. — M. P. Maisonneuve a injecté à un moineau une por- tion du contenu d’un des crochets à venin d’une grosse vipère conservée depuis plus de vingt ans dans l’al- cool; l'oiseau mourut au bout de 2 h. Y#; cette expé- rience démontre la longue conservation de la viru- lence du venin. — M. Léon Jammes à étudié la struc- ture de la paroi du corps des Plathelminthes parasites; il conclut que le mésoderme des Cestodes, fait, au dé- but, de cellules juxtaposées semblables entre elles, se transforme, au cours du développement, en un paren- chyme lacuneux, Dans ce parenchyme se développent deux parties : l’une extérieure, présentant une dispo- sition épithéliale; l’autre placée plus profondément, et prenant tous les caractères d’un parenchyme diffus. — MM. F. Mesnil et M. Caullery ont constaté l'exis- tence de formes épitoques chez les Annélides de la famille des Cirratuliens., — M. John Briquet établit que le développement des poches sécrétrices dont sont pourvues les Myoporiacées se fait par voie schizo- lysigène., — M. le Général Vénukof indique le résultat des recherches de charbon minéral récemment faites en Sibérie, en particulier aux environs du parcours du chemin de fer transsibérien ; il décrit les gites qui ont été reconnus. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 15 Septembre 1896. M. le Président annonce à l’Académie la perte qu'elle vient de faire dans la personne de M. J. Rochard. La séance est levée en signe de deuil. Séance du 22 Septembre 1896. M. Lereboullet donne lecture du discours qu'il a prononcé aux obsèques de M. J. Rochard. — M. G. M. Debove analyse un mémoire du D' Clozier inti- tulé : « Toxhémie des gastro-entéropathes. » Il nadmet pas les conclusions de l’auteur ; il pense, au contraire, que les caractères cliniques observés sont les troubles ordinaires des névropathes, et ne sont pas dus à une prédominance des troubles intestinaux engendrant la fabrication de poisons particuliers. — M. Porak lit le rapport sur le concours pour le Prix Capuron.—M.Benderskylit une notice sur un appareil qui permet d'effectuer la percussion auscultée, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Séance du 29 Septembre 1896. M. Chauvel lit le rapport sur le concours du Prix Laborie, — MM. Dieulafoy, Widal et Sicard ont étudié la substance agglutinante du sang et des humeurs des typhiques. Ils ont observé que les substances albumi- noïdes, telles que le fibrinogène, la globuline ou la caséine, isolées dés humeurs d’un typhique par préei- pitation, enlèvent à la liqueur primitive la propriété agglutinante et la reliennent, au moins en partie ; elles l'abandonnent lorsqu'elles restent en solution, mais Ja fixent de nouveau sur leur précipité. — M. le D'Pey- rotlit un mémoire sur un cas de sphacèle intra-abdo- minal dans une hernie épiploique étranglée, SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Communications récentes. M. Bouty, président, rappelle les traits les plus inté- ressants de l'Exposition annuelle d'appareils de phy-. sique de la Société. Il résume ensuite une note de MM. Oumoff et Samoïloff intitulée : Images électriques dans le champ d’un tube de Crookes. Les auteurs ont étu- dié ce champ en exposant au voisinage du tube une lame d’ébonite qui fait face à la tache fluorescente; en produisant les figures de Lichtenberg, on observe, dans le cas où aucun écran n’a été interposé en avant du tube, une tache rouge intense qu'on peut obtenir des deux côtés de la lame ; le reste prend une teinte rou- geàtre. Si l’on applique sur l'ébonite des lames de cris- tal ou de verre, elles donnent des images rouges bor- dées d’une bande neutre. De l’ensemble de leurs nombreuses expériences, les auteurs concluent que le champ électrique d’un tube d'Hittorf est semblable à ce- lui d’un conducteur électrisé. — M. Pierre Weiss expose ses recherches sur l’aimuntation des alliages de fer et d'antimoine. Le but de ce travail était de combler en partie la lacune qui sépare les corps faiblement magné- tiques connus jusqu'ici des corps ferromagnétiques. La méthode employée est celle du galvanomètre balistique; cette méthode donne, sous la forme ordinaire, l’induc- tion magnétique, c’est-à-dire la somme H--47l, H étant le champ magnétique et I l'intensité d'aimantation. Le second terme étant très petit par rapport au premier, qui peut s'obtenirséparément, serait très mal déterminé. M. Weiss modifie la méthode de facon à mesurer direc- tement I; pour cela il compose un enroulement induc- teur différentiel constitué par deux bobines dont les actions sur l’enroulement induit se compensentexacte- ment, avant l'introduction du corps à étudier, lequel ne constitue, pendant la mesure, que le noyau d’une seule bobine !. En faisant varier graduellement la teneur en fer, on constate que la susceptibilité magné- tique pour des forces très faibles va en croissant, mais reste d'abord très petite (0,00009 pour 26 °/, de Fe et 0,0051 pour 38,6 °/.). Ges valeurs sont beaucoup plus faibles que celles qu'on obtiendrait pour une masse égale de fer, divisée et répartie également dans le même volume, Au delà de cette proportion de 38 ‘4 de Fe, qui correspond à la formule Sb°Fet, la suscep- tibilité croît très rapidement (de 0,125 pour 42,7 °/, à 1,06 pour 56,8 °/,). L'un des alliages a présenté cette particularité que l’aimantation ne variait pas propor- tionnellement au champ, se rapprochant ainsi des corps ferro-magnétiques, sans que cependant il y eût d’ai- mantation résiduelle ; l'existence de l'hystérésis n’est donc pas intimement liée à la forme de la fonction ma- gnétisante. Enfin M. Weiss a cherché si, conformément aux très nombreux résultats de Steinmetz, la perte E de l'énergie dans un cycle magnétique peut être représen- sentée par l'expression 1 16, en appelant | la valeur absolue des limites qu’atteint l’aimantation pendant le cycle et un coefficient spécifique de la matière. La 1 Cette disposition est absolument analogue à la méthode de compensation employée pour mesurer | par le magné- tomètre. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 841 relation entre les logarithmes de D et de I est linéaire ; si l’on prend ces quantités respectivement comme or- données et comme abscisse, la courbe obtenue sera une droite si la loi est vérifiée. M. Weiss trouve que la rela- tion exponentielle s'applique toujours,mais à condition de faire varier l’exposant avec la teneur en fer (de 2,17 pour 43 °/, de Fe jusqu'à 1,6 pour le métal pur). Repre- nant avec plus de précision des expériences de Lord Rayleigh, il a vérifié que,dans les champs magnétiques très faibles, la perte d’énergie varie comme le cube de l'intensité maxima d’aimantalion. La magnélile eris- tallisée fournit un résultat inattendu: la loi exponen- lielle ne s'applique plus. — M. d'Ocagne préseute la machine à résoudre les équations de M. Torres et donne la théorie de son fonctionnement, qui a déjà été décrit avec de grands détails dans cette Revue (15 août 1896, p. 684). C. Raveau. M. le Président annonce à la Société la mort de M. Vernier, ingénieur électricien à Paris, et celle de M. Stoletow, ancien membre du Conseil de la Société, professeur à l’Université de Moscou. M. Stoletow élait l’auteur de travaux remarquables sur la fonction magné- tisante, su: le rapport des unités électriques, les cou- rants aclino-électriques, la vitesse du son, etc. Dans ces dernières années, il avait publié plusieurs mémoires sur l’étateritique et les phénomènes qui s’y rattachent. — M. Colardeau expose les raisons qui l’ont conduit à apporter des modifications à la construction des tubes de Crookes destinés à la photographie par les rayons Rôntgen. Les meilleurs tubes employés acluel- lement à cette application paraissent être ceux du zenre dit focus; avec la disposition et les dimensions qu'on leur donne habituellement, ils présentent plu- sieurs défauts, au point de vue de la netteté des images produites et de la rapidité de leur action. Ces défauts peuvent être résumés dans les quatre points suivants : 1° L’enuveloppe de verre (dont les dimensions sont à peu près celles d’une orange) doit avoir une épaisseur assez considérable, afin de ne pas s’écraser sous la pression extérieure, Comme le verre est peu trans- parent pour les rayons X, il arrête, au passage, une #rande partie de ceux engendrés à l’intérieur. 2° Toute la capacité de l’ampoule qui s'étend autour des élec- trodes participe au passage de la décharge : il y aurait intérêt à concentrer toute l'énergie de cette décharge dans le cône circonscrit à la cathode et au focus; 3 Des expériences directes ont montré que le flux cathodique agit avec d'autant plus d’énergie sur l’anti- cathode, que celle-ci est située plus près de la cathode. Dans les focus ordinaires, celte distance, qui atteint plusieurs centimètres, est (trop grande; 4° Enfin, il ne parait pas exact qu'une cathode concave, en forme de calotte sphérique, concentre exactement en son centre de courbure le flux cathodique qui s’en échappe. En étudiant, par un dispositif spécial, la forme de ce flux, M. Colardeau a trouvé que le point de concentration est variable avec le degréde vide et qu'il est, en général, beaucoup plus loin que le centre de courbure. Par suite, dans les tubes focus ordinaires, si la lame de platine est placée au voisinage du centre de courbure séométrique, elle se trouve loin du point d’étrangle- ment maximum de ce flux : elle est alors rendue active sur une large surface, et la netteté des images en souffre. Pour remédier à ces inconvénients, M. Colar- deau a employé, pour construire l'appareil nouveau qu'il présente, un tube cylindrique de très faible dia- mètre (6 à 7 millimètres), dans lequel est ajustée une cathode concave de # à 5 millimètres de rayon de courbure. Cette cathode est d'un diamètre un peu plus faible que celui du tube, de manière à laisser aussi peu d’espace libre que possible sur son pour- tour. La lame inclinée à 45°, formant l’anticathode, n'est distante de la cathode que de 7 à 8 milli- mètres. Enfin, jusie vis-à-vis de la lame focus, et seulement du côté utile de cette lame, la paroi du tube est soufflée en une ampoule hémisphérique très petite et d'une épaisseur de 5 de millimètre; grâce à cette faible épaisseur, elle laisse passer facilement les rayons engendrés sur le focus. Cet appareil à donné d'excellents résultats. Des photographies d’une netteté irréprochable ont été obtenues par l’auteur avec des temps de pose qui n'ont pas, en général. dépassé une minute. Grâce à cette finesse de détails, M. Colardeau a pu aborder avec succès la réalisation d'épreuves stéréos- copiques. — M. Guillaume pense, comme M. Colar- deau, qu'il y à tout avantage à réduire le trajet des rayons cathodiques. S'il est vrai que les rayons X soient dus aux vibrations des molécules de l'anti- cathode sous l’action du choc des atomes formant le bombardement cathodique, on admettra sans peine que les propriétés particulières des nouvelles radiations sont dues à l'énorme vitesse de ces atomes; on peut trouver une cause additionnelle de réduction de vitesse des ions dans l’action électro-dynamique qu’exercent sur les corps voisins ces particules char- gées d'électricité et agissant à la manière d’un courant. Comme la décharge consiste en chocs séparés, chacun d’eux exercera une aclion inductrice qui consommera une partie de son énergie. En ce qui concerne la durée des rayons produits par une seyle étincelle de la bobine, on peut remarquer, dans l’épreuve, projetée par M. Co- lardeau, d’une petite roue en mouvement, que l'action présente deux maxima au moins, qui semblent cor- respondre à des décharges distinctes, l'étincelle de la bobine ayant été oscillatoire ou simplement inter- rompue. D'ailleurs, la décharge d’une bobine ayant une forte induction propre dure pendant un temps qui est loin d’être négligeable, et qui semble être au moins de l’ordre de grandeur de la durée d'extinction des rayons X. On ne sera donc exactement renseigné sur cette durée qu'en actionnant le tube par une étin- celle très subite, par exemple celle que l’on obtient dans le circuit d’un condensateur ayant peu d’induc- tion propre. — M. J. Chappuis rappelle qu'il a déjà présenté à la Société des épreuves très neltes faites avec un tube focus présentant la disposition ordinaire, mais dont la plage anticathodique n’a que 6 à 7 milli- mètres de côté. Il ajoute qu'il a obtenu aussi, avec une seule étincelle, des épreuves instantanées du contour d'objets métalliques, et qu'il pense être arrivé à la limite maxima de puissance qu'on peut espérer attein- dre avec ce genre d'appareils. Les tubes présentés par M. Colardeau semblent, il est vrai, donner des effets aussi puissants que le focus dont il dispose, avec des moyens beaucoup plus faibles. Mais, si l’on voulait employer sur ces nouveaux tubes de petite dimension les moyens d'action qu'il applique aux focus ordinaires, les électrodes entreraient en fusion et les tubes seraient mis de suite hors de service. — M. Colardeau répond qu'il ne peut partager l'opinion dé M.Chappuis. car il à précisément soumis plus d'une fois le tube même qui figure sous les yeux de la Société à l'épreuve de la décharge de la bobine de très grand modèle que tout le monde connait, Or chacun peut constater que le tube est sorti de cette épreuve absolument intact. Deux photographies obtenues avec ces poses instanta- nées figurent dans la collection qui vient d’être déposée sur le bureau. Ce ne sont plus de simples silhouettes du contour d’objets métalliques, mais bien des épreuves complètes de doigts dans lesquelles on apercoit les détails de l’ossature, Le nouveau tube permet donc de traverser, par une décharge instantanée, des corps d’une épaisseur assez considérable, — M. Oumoff donne une interprétation géométrique des intégrales de Fresnel ; il montre qu'en projetant une parabole, enroulée sur un cylindre circulaire, sur deux plans rectangulaires passant par l’axe du cylindre, la somme algébrique des aires limitées par les courbes et l’axe des z, et prises positivement ou négativement, selon que leur position correspond aux directions positives ou négalives des axes æ et y, représente les intégrales de Fresnel. De là dévoule une méthode approchée du calcul de ces 842 intégrales et la construction d’intégrateurs. — M. Ou- moff présente également ses recherches sur la forma- tion et l'écoulement des gouttes dans un champ élec- trique ou dans un champ magnétique. L'auteur fait écouler de l’eau et une faible solution par goutte, sous pression constante, dans un champ magnétique ou électrique, L'écouiement est retardé, pour un liquide diamagnétique, dans les parties du champ où la direc- tion de la gravité est contraire à celle dans laquelle décroil la force du champ. L’écoulement est accéléré là où ces deux directions sont concordantes. L'inverse a lieu pour un liquide paramagnétique. L'auteur expose une théorie et écrit une équation générale pour une surface de séparation de deux liquides, en tenant compte de l’action du champ et de la tension super- ficielle. Il fait aussi mention d’une correction qu'il faut faire dans le calcul de la pression sous laquelle se fait l'écoulement d'un liquide dans un vase de Mariotte, — En considérant le rapport d’une quantité de chaleur communiquée à un corps dans une transformation infiniment petite à la variation de la température, comme capacité calorifique du corps dans cette trans- formation, M. Oumoff divise toutes les transformations d’un corps en deux groupes tels que les capacités calo- rifiques sontégales en valeurs absolues, maïs de signes contraires. Ces deux grbupes sont désignés par les noms {hermes et antithermes. Enfin, l’auteur trouve les équations des antithermes des isopiestres et isomètres, et fait mention des propriétés géométriques des sys- tèmes des thermes et antithermes. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES. AW. C. Roberts-Austen, F. R.S.:Sur ladiffu- sion des Métaux. — Les expériences de l’auteur ont porté sur deux points : la diffusion des métaux à l'état liquide et la diffusion des métaux à l’état solide, — 1re Partie : Diffusion des métaux fondus. La principale dif- ficulté des expériences est la mesure des températures élevées auxquelles se passent les phénomènes. Fauteur s’estservi pour cette mesure de son pyromètre modifié et de couples thermo-électriques. Dans un bain de métal liquide ou dans un fourneau soigneusement fermé, on plaçait des tubes remplis de plomb, au fond desquels se trouvait un morceau du métal à examiner; de cette facon, la diffusion avait lieu vers le haut, en sens con- traire de la pesanteur. Pour déterminer la quantité de métal diffusé au bout d’un temps donné, on solidifiait le plomb dans chaque tube et on coupait le métal soli- difié, en morceaux qu’on analysait chacun séparément. On sait que, dans la diffusion linéaire, ie mouve- ment est exprimé, suivant la loi de Fick, par léqua- tion : do . dv dt © dx dans laquelle æ représente la distance dans la direction suivant laquelle à lieu la diffusion, v le degré de con- centration du métal diffusant, { le temps; kÆ est la constante de diffusion, c'est-à-dire le nombre qui ex- prime la quantité de métal en grammes qui diffuse à travers l'unité de surface (1 cent. carré) dans l'unité de temps ({ jour) quand l'unité de différence de con- centration (en grammes par cent. cube) est mainte- nue des deux côtés d’une couche de 1 centimètre d'épaisseur. Les auteurs ont montré que les métaux diffusent les uns dans les autres comme les sels dans l'eau. Voici quelques valeurs de # qu’ils ont obtenues : Or dans le plomb....... — bismuthe ere 4,52 — — Nétaint tiers 65 — Argent dans l'étai F,14 — Plomb — nateitie te 3,18 — Rhodium dans le plomb............ 3,04 0 Platine — ASS DORT 1,69 à 4900 Or RP ER tetes clio 3,03 — Ovtfdans 18 mercure 7... n...0. 0,72 à 440 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES (Comme terme de comparaison, nous rappellerons que la diffusibilité du chlorure de sodium dans l’eau est de 1,04 à 18°.) l’auteur ne veut, pour le moment, tirer de ses expériences aucune conclusion relative à la constitution moléculaire des métaux étudiés, Tou- tefois, le faible degré de diffusion du platine vis-à-vis de l’or conduit à attribuer au premier une molécule plus complexe qu’au second. — 2° Partie: Diffusion des métaux à l’état solide. Ce genre de diffusion est connu depuis longtemps, car on le rencontre dans le phéno- mène de la cémentation du fer. Dans ce phénomène, un gaz doit intervenir, et la remarquable hypothèse, formulée par Graham dès 1863, « que les trois états de la matière (solide, liquide et gazeux) coexistent proba- blement dans toute substance liquide ou solide, lun d’eux prédominant sur les autres », est bien de nature à appuyer cette manière de voir. D'ailleurs, Robert Boyle, Marget, Demarcay, Spring ont montré que les métaux se volatilisaient déjà à des températures rela- tivement basses, et qu'ils possèdent « leur petite at- mosphère ». On s'explique donc facilement que les molécules gazeuses, émises par deux métaux en con- tact, se pénètrent mutuellement, que les deux corps solides diffusent l’un dans l’autre Pour mesurer la diffusion dans de bonnes conditions, il est nécessaire que la substance diffusante soit en présence d’un grand excès de dissolvant, à l’état solide comme à l’état li- quide. En effet, d’après Van'’t Hoff, les substances qui existent dans une solution solide ont une pression os- motique analogue à celle des corps dissous dans un liquide, et cette pression obéit aux mêmes lois; il est donc probable, comme chez les solutions liquides, qu'une solution solide se comportera d’autant plus simplement qu’elle sera plus diluée. Après ces considé- rations, l’auteur décrit ses expériences. Un petit cylindre d’or ou d’un alliage riche de plomb et d'or était placé à la base d'un cylindre de plomb de 70 millimètres de long, et maintenu, pendant trente et un jours, à une” température de 251° (inférieure de 75° au point de fu- sion du plomb). Le plomb solide fut ensuite coupé en morceaux, et l’or diffusé dans chacun d’eux fut déter- miné. D’autres expériences furent faites à 2009 et à des températures plus basses, Voici la moyenne des |ré- sultats : k Diffusion de l'or dans le plomb fondu à 5300 3,19 solideà 2510 0,03 — 200° 0,007 — 1650 0,004 = — 1002 0,00002 Des essais à la température ordinaire sont encore en cours d'exécution, mais il est certain qu'une lente dif= fusion doit avoir lieu. Si des surfaces lisses de plomb et d’or sont appliquées fortement l'une contre l'autre dans le vide, à environ 40°, pendant quatre jours, elles adhèrent et ne peuvent être séparées que par une charge égale au tiers du coefficient de rupture du plomb lui-même. D'autres expériences non encore terminées montrent que la diffusibilité de l'or solide dans lar- gent ou le cuivre solide à 800° est du même ordre de grandeur que celle de l'or dans le plomb solide à 1000. F. Osmond et W.-C. KRoberts-Austen : La structure des métaux, son origine et ses va- riations. — Les auteurs rappellent d'abord les expé- riences d’Herbert Tomlinson, qui montra le premier que le produit de l'élasticité par une puissance frac- tionnelle du volume atomique est constant pour tous les métaux, Le fait qu'un certain nombre de métaux n'ont pas vérifié cette relation provient de ce que ces métaux contenaient des traces d’impuretés, qui ont une grande influence sur la valeur de l’élasticilé. Ce point a été vérifié par l’un des auteurs, Des mor- ceaux d’or purifié avec le plus grand soin furent alliés avec 0,2°/, d'éléments étrangers; la résistance à la ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES traction, l'allongement et la striction de ces alliages furent mesurés. Les résultats montrèrent qu'en géné- ral la ténacité et la ductilité de l'or s’'accroissent par la présence de 0,2 °/, d’un élément étranger de plus petit volume atomique, landis que ces propriétés sont diminuées si le volume atomique du corps ajouté est plus grand que celui de l'or. P’ailleurs les metaux les plus purs ne sont guère homogènes au point de vue mécanique. Sous l'influence des forces internes qui tendent à les faire cristalliser et de la tension super- ficielle due à la contraction qui se produit pendant le refroidissement, les molécules s’arrangent en groupes plus ou moins hautement organisés. Ces groupes sont séparés par des plans de clivage ou des joints qui sont souvent des surfaces de moindre cohésion, donc de faiblesse. C’est surtout le cas lorsque des gaz dissous se sont dégagés au moment où le métal se solidifait, Dans les alliages aussi, l'homogénéité chimique dis- paraît souvent : des métaux libres, des composés défi- nis, desalliages variés, se séparent de la solution, puis l’alliage eutectique, dernier résidu liquide, se solidifie à son tour, entourant les parties qui se sont déjà so- lidifiées. L'existence de ces derniers résidus liquides ou céments a élé bien mise en lumière par les tra- vaux de MM. Osmond et Werth. Il est donc possible de distinguer, dans les métaux, deux sortes de struc- tures : la structure visible et la structure moléculaire. Dans le but de déterminer leurs relations mutuelles et l'influence qu'elles exercent chacune sur les pro- priétés mécaniques des métaux, les auteurs ont étudié au point de vue micrographique les échantillons d'or contenant 0,2°/, d'impuretés dont ils s'étaient déjà servis. Ils ont trouvé qu’il n’y a aucune relation entre la structure d'une part, l'apparence des fractures, le point de fusion des éléments alliés et les propriétés mécaniques des alliages d’or, d'autre part. Un métal- lurgiste, qui examinerait la photographie de la coupe microscopique d'un morceau d’or allié à une petite quantité de potassium, aurait une opinion très favo- rable des propriétés mécaniques de l’alliage, tandis qu'à ce point de vue, c’est le plus mauvais de la série; d'autre part, l’alliage d’or et de zirconium semble, par sa structure, montrer une faiblesse déplorable, et cependant il possède une résistance à la traction et un allongement considérables. Les auteurs concluent quil est impossible de nier le rôle important que jouent, dans les propriétés mécaniques des alliages, les résidus qui restent liquides après que la majeure partie de l’alliage s’est solidifiée, Mais, pour que ces « céments » interviennent, il faut qu'ils aient une existence réelle; or, dans plusieurs alliages examinés, on n’a pu déceler leur existence; il ne faut toutefois pas être trop affirmatif sur ce point, car de nouvelles méthodes d'attaque pourraient meltre enlumière bien des faits nouveaux. Dans une autre partie de leur communication, les auteurs signalent le grand chan- gement quise produit dans la structure des alliages d’or avec le bismuth, le thallium et l’antimoine, lors- qu’on les recuit vers 250° dans l'acide sulfurique : les gros grains du métal se divisent en une multitude de petits grains polyhédriques. Celle transformation de la structure d’un métal à une température si éloignée de son point de fusion, et même du point de fusion de l'alliage eutectique, n’est probablement pas un fait isolé. La confirmation de ce phénomène pour d’autres métaux ouvre un nouveau champ à l'activité des chercheurs. 29 SCIENCES NATURELLES. Sir John Evans, Vice-Président de la Société Royale : Sur quelques instruments palæolithiques trouvés dans le Somaliland par M. H.-W. Seton- Karr. — Ces outils, en silex et en quartzite, sont identiques à ceux que l’on trouve dans les dépôts pléistocènes de l'Europe du Nord-Ouest et en particu- lier dans la vallée de la Somme, et cette identité de forme suffit à fixer la date de leur fabrication à l'é- 843 poque paléolithique, bien qu’on n'ait pas trouvé avec ces instruments de fossiles caractéristiques de cette période géologique. On est amené à conclure que, si ces outils n’ont pas été fabriqués par des hommes appartenant à la même race, ils ont été faits du moins par des hommes appartenant à des races entre lesquelles ont existé d’étroites relations. On a trouvé des instruments de silex analogues dans la vallée du Nil, l'Afrique du Nord, la vallée du Manzanarès, l'Italie centrale, etc., et à l’est du Somaliland, dans la vallée de l'Euphrate; des outils de quaïtzite, du même type, ont élé recueillis dans les dépôts de laté- rite de l'Inde et dans l’Afrique australe. Les découvertes de M. Seton-Karr ajoutent un an- neau de plus à cette chaine de témoignages, qui per- mettent peut-être de remonter jusqu'au berceau de la famille humaine et qui tendent à prouver l'unité de race entre les habitants de l’Asie, de l'Afrique et de l’Europe à l’époque paléolithique. M. Evans tient pour probable que la civilisation a marché de l'Est à l'Ouest, Francis Gotch.M.A.F.R.S.etG.-J, Burch : Sur les propriétés électromotrices de l’organe élec- trique du Malapterurus electricus. — Les expé- riences ont porté sur l’organe électrique isolé et sur le poisson entier et vivant. L'organe isolé répondait aux excitations mécaniques ou électriques de ses nerfs % . . Ar SL (la réponse n'était pas modifiée par le curare à — ou 100 : ; : : 1 6 la solution d'atropine à ——); le chlorure de sodium, la glycérine, les acides faibles ne provoquent au- cune réponse. Les conclusions tirées par les auteurs de leurs recherches sont les suivantes : 1. L'organe isolé répond à l'excitation électrique de ses nerfs par des changements électromateurs monophasiques, ma- nifestés par les courants électriques qui traversent les tissus de la tête à la queue; cette réponse suit l'exvita- tion à un intervalle qui varie de 0,0035° à 30° C. à 0,009" à 5° C., l'intervalle est à peu près constant pour une température donnée. 2. La réponse consiste parfois en un seul changement électromoteur mono- phasique (choc) qui se produit avec une grande brus- querie et dure de 0,001" à 0,05", suiant la tempéra- ture; dans la grande majorité des cas, la réponse est multiple et consiste en une série de ces chocs, qui.se produisent à intervalles réguliers, de 2 à 30 fois, l'in- tervalle entre chacun d'eux variant de 0,004" à 30° C. à 0,01” à 5° C., mais étant constant pour une tempéra- ture donnée. 3. Cette réponse, simple ou multiple, peut aussi être déterminée par le passage direct, à travers l'organe et les nerfs qu'il contient, d’un courant induit de même direction que le courant de réponse ou de direction opposée. #. Le retard etla durée de la ré- ponse sont presque les mêmes lorsqu'elle est produite par Fexcitalion du tronc nerveux ou par le passage du courant induit hétérodrome. 5.11 n'y à aucune preuve qus la substance des lamelles électriques pos- sède une excilabilité propre, c’est-à-dire puisse être excitée saus l'intermédiaire de< nerfs. 6. L'orsane et les nerfs qu'il contient répond beaucoup plus aisément au courant hétérodrome qu'au courant homodrome; avec ce dernier le retard de la réponse est considéra- blement accru. 7. Les réponses multiples varient en nombre de 100 par seconde à 5° C. à environ 280 var seconde à 35° C. 8. Un des facteurs de ce rythme périphé- rique est l'aptitude du tissu excitable à répond'e au cou- rant déterminé par sa propre activité (auto-excitation). 9. Chez le poisson vivant, les excitalions mécaniques ou électriques de la peau au delà des limites de lor- gane déterminent une réponse réflexe après un long retard (0,03° à 0,3") ; cette réponse réflexe consisie en groupes de chocs, dont chacun présente le rythme de la réponse multiple, mais est séparé du suivant par un long intervalle ; on a ainsi deux rythmes, l’un péri- phérique, l’autre central. 10. Chez le poisson vivant, l'excitation de la peau qui recouvre l'organe détermine 344 une réponse qui peut consister en une réponse péri- phérique directe suivie d’une réponse réflexe, 11. Le retard réflexe minimum total est à 20° C. de 0,023", ce qui donne un temps d’excitation centrale d'environ U,01". 12. Le rythme central ou réflexe est à un taux maximum de 12 groupes de chocs par seconde, et à un taux moyen de 3 à # à la seconde. 13. Le nombre de groupes séparésde chocs,se produisant dans la réponse réflexe aux intervalles indiquées ci-dessus, a été de 2 à 5.14, La f. 6 m. de chaque changement dans la ré- ponse dépend du nombre de lamelles et,pour 10 c. m. d’organe excité, n’est à coup sûr pas à 75 volts et est probablementbeaucoup plus près de 150 volts.Lenombre de lamelles comprises dans un centimètre d’organe était de 180,ce qui donne une force électro-matrice minima de 0,04 volt et une force électro-motrice probable de 0,07 volt, pour chaque lamelle. Les auteurs concluent que, pour que chaque moitié latérale de l'organe soit innervée par les prolongements cylindraxiles d’une seule cellule nerveuse et n'ait pas d’excitabilité indé- pendante, les caractères spécifiques de la réponse réflexe de l'organe correspondent beaucoup plus étroi- tement que ceux du muscle aux changements de l’acti- vité nerveuse centrale et sont probablement ceux même de l’activité d’une cellule nerveuse efférente isolée. La cellule nerveuse efférente isolée, dont l'activité est ainsi pour la première fois mesurée montre : (a), une période minima de retard de 0,008" à 0,04”; (b), un laux maximum de décharges de 12 par seconde; (ce). un taux moyen de décharges de 3 ou # par seconde; (d). une sensibilité à la fatigue qui se révèle par le fait qu'au taux ci-dessus deux à cinq décharges au plus se peuvent produire. A. D. Waller, F. R, S.: Ohservations sur le nerf isolé. — Ce mémoire a pour but de déterminer graphiquement les relations qui existent entre la grandeur des changements électriques et l’intensité de l'excitation du nerf dans des conditions chimiques variées. La loi principale sur laquelle reposent ces recherches (elle a été démontrée par Dubois-Reymond el par Hermann), c’est que le protoplasma irrité est électro-négatif par rapport au protoplasma normal. La loi sur laquelle elles s'appuient secondairement est la loi mise en lumière par Hering : Le protoplasma au moment où cesse l'excitation est électro-positif par rapport au protoplasma normal. Dans le nerf de la yrenouille, excisé et encore vivant, qui a paru pouvoir servir d'instrument approprié à ces recherches, un courant (courant de démarcation) se produit d'une partie mois excitée (la surface longitudinale L) à une partie plus excitée (la section transverse T); ce cou- rant, pendant toute la durée de l'excitation du nerf par deux électrodes c, e, qui déterminent une tétanisation faible, plus marquée en L, subit une variation néga- tive, dont la grandeur peut servir de signe de la gran- deur des changements physico-chimiques produits dans le nerf par des excitations chimiques d'espèces diverses. On à pris soin de se mettre en garde contre les erreurs habituelles et d'obtenir une variation né- galive qui soit autant que possible exempte d'actions électrotoniques. On a, au moyen des anesthésiques, isolé les effets physiologiques des courants de leurs effets physiques. L'état physiologique du nerf a été étudié sous l'influence de courants tétanisants de basse et uniforme intensité, de durée uniforme (de 7 1/2et ensuite de 15 secondes), et passant à inter- valles uniformes ({ minute) dans les deux directions. La série de variations négatives détermine une série de déviations dans un galvanomètre, déviations qui sont enregistrées photographiquement. Le plan adopté pour ces recherches a été d'enregistrer pendant une série normale les déviations d’une certaine période, puis de soumettre le nerf à l'action d'un réactif, et d'enregistrer les déviations déterminées par l'excita- Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 11 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tion du nerf ainsi modifié, — 1° Action des vapeurs anesthésiques. Ces vapeurs ont été d’abord employées pour isoler les uns des autres les effets physiologiques et physiques des courants. Puis leur action a été étudiée avec plus de détails. Les vapeurs d’éther (éther ordinaire, chlorure. bromure et iodure d’éthyle) déterminent une abolition plus ou moins prolongée de . l’excitabilité du nerf, qui est suivie par le rétablisse- ment intégral de ses fonctions. Le chloroforme (et d’autres chlorométhanes et chloroéthanes) produisent une abolition de l’excitabilité plus prolongée encore et souvent définitive. En très petite quantité, l’éther et le chloroforme augmentent temporairement l’excita- bilité. L’acide carbonique accroit l’effet anesthésique du chloroforme et combat son action toxique. E’oxy- gène, l'hydrogène, l'azote, loxyde de carbone, le pro- toxyde d’azote ont une action faible ou nulle. Le sul- fure de méthane détermine un accroissement, Pacide cyanhydrique une disparition de l’excitabilité. L’acide carbonique, à faible dose. détermine une augmentation d'emblée de l’excitabilité; à dose élevée, une abolition ou une diminution, suivie d’un accroissement. — 2° Action des réactifs solubles, Le nerf est plongé pen- dant 1 minute dans une solution plus ou moins di- luée du réactif, puis replacé sur les électrodes. L’eau distillée abolit graduellement l’excitabilité. Les solu- : : Re M .M : : tions acides diluées (5 à 55) déterminent une aug- mentation de l’excitabilité, suivie par une diminution : ; 2e ONCE graduelle; les solutions acides concentrées (ri =) déterminent la diminution. puis l'abolition de l’excita- bilité. L'action d'un acide dépend plutôt de l’acidité que de son avidité pour les bases, mais elle est aussi spécifique. Les acides acétique, nitrique et sulfurique au 10° ont des effets approximativement égaux. L'ac- tion de l'acide oxalique est moins marquée; celle de l'acide phosphorique plus faible encore, celle de la- cide lactique beaucoup plus intense. Bases. La potasse caustique est beaucoup plus active que la soude caus- tique. Les sels de potassium sont plus actifs que les sels de sodium. Sels neutres. Il résulte d'une série d'expériences faites sur les sels de potassium, de so- dium et d'ammonium que dans l’action totale due à la molécule entière, prédomine l'influence de la base. - 2 M | Le chlorure de calcium en solution à 10 augmente l’in- tensité de la dépense électrique; il est l’antagoniste du chlorure de potassium qui la diminue ou l’abolit. Le bichlorure de mercure en solution à = supprime l'excitabilité.Les composés isomères diffèrent en effica- cité. Des trois dioxybenzènes, la pyrocatéchine est la plus active, l'hydroquinone la moins active. — Alcaloïdes et produits narcotiques. Les plus actifs sont la cocaïne, la physostignine et l’aconitine ; les moins actifs, la morphine, l’atropine et la muscarine, L’extrail d'o- pium est plus actif que le tartrate de morphine. Le chlorydrate d’aconitine est plus actif que l'aconine ou la pyraconitine, ou la pseudacantine ou la benzaco- nine, et il y a une étroite ressemblance entre les effets de l’aconitine et ceux de l'acide acétique,ressemblance qu'on peut attribuer à la présence d'un groupe acétyle: — 3. Action du CO? sur le nerf et production de GO? par le nerf. Une petite quantité de CO?, celle, par exemple, qui est contenue dans l’air expiré détermine une aug- mentation marquée de la variation négative.On peut en inférer que s'il se produisait du CO° dans le nerf téta- nisé, cette augmentation disparaîtrait. Or c’est là ce qui se vérifie dans des conditions variées. On en peut conclure que la tétanisation du nerf s'accompagne d'une production de CO? dans son épaisseur. Le Directeur- Gérant : Louis OLIVIER. 1° ANNÉE N° 0 30 OCTOBRE 1896 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE S 1. — Nécrologie. Auguste Tréceul.— La science francaise vient de faire une série de pertes cruelles, Après Résal, dont la Revue retracera prochainement l’œuvre, après Fizeau, à la vie et aux travaux duquel M. L. Poincaré rend aujourd’hui hommage !, quelques jours avant l’illustre astronome Tisserand, voici que disparait l'une des physionomies les plus curieuses de notre temps, celle du vénéré et très regretté Auguste Trécul. Notre éminent collaborateur, M. Léon Guignard, a prononcé, au nom de l’Académie des Sciences, sur la tombe du savant botaniste que fut Trécul, le discours que voici : « Messieurs — Membre de l’Institut depuis 30 ans, le regretté Confrère, auquel l'Académie des Sciences m'a confié le devoir d'adresser un dernier adieu, s'était placé de bonne heure au nombre des botanistes les plus éminents de notre temps. « Trécul (Auguste-Adolphe-Lucien) est né à Mon- doubleau, dans le Loir-et-Cher, le 8 janvier 1818. Au sortir du collège de Saint-Calais, dans la Sarthe, il vint étudier la pharmacie à Paris et fut recu interne des hôpitaux en 18#1, Il n'avait pas encore l’âge né- cessaire pour obtenir son diplôme quand il commenca “ses premiers travaux, « C'était l’époque des A. Saint-Hilaire, Gaudichaud, A. Richard, A. de Jussieu, Moquin-Tandon, A. Bron- Ut, pour ne citer que les plus éminents parmi les olanistes de cette période, durant laquelle la Systé- matique et la Morphologie formaient le principal sujet d'étude. Déjà commencaient les observations plus spé- cialement anatomiques, qui devaient servir de base à la Physiologie, et vers lesquelles A. P. de Candolle et de Mirbel avaient les premiers senti la nécessité d'o- rienter la Botanique. « Le jeune étudiant ne fut pas longtemps à chercher Sa voie: dès le début, il se traçait un plan de recher- ches des plus vastes : l'étude de l’origine et du déve- loppement des divers organes de la plante, qu’il devait Poursuivre pendant toute sa carrière. D D NP Le Lt V1. : (0.M da Adi" 1 Voir plus bas, page 846, REVUE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1896, « La variété et l'intérêt de ses travaux, dont les pre- miers remontent à l'année 1842, ne tardèrent pas à fixer l’altention et à montrer en lui un observateur sa- gace, capable d'étudier avec succès les sujets les plus divers. Aussi le Muséum d'Histoire naturelle s’'empressa- til, en 1847, de lui confier une mission dans l’Amé- rique du Nord. Des circonstances spéciales donnaient alors à ce voyage un intérêt particulier, Une maladie, dont là cause était encore inconnue, sévissait avec violence, dans toute l'Europe, sur la Pomme de terre ; on redoutait l’anéantissement complet de la culture de cette plante, Le Ministre de l'Agriculture et du Com- merce chargea Trécul de rechercher les racines féculentes usitées comme alimentaires par les tribus sauvages des régions qu'il allait explorer. « Pendant son voyage, qui dura trois ans, Trécul traversa d’abord les Etats-Unis pour se rendre dans la contrée indienne. Suivant seul une tribu sauvage dans ses pérégrinations à travers les immenses prairies qui séparent les Etats-Unis des Montagnes Rocheuses, il recueillit des collections pour le Muséum et les plantes demandées par le Ministère : malheureusement, le na- vire les Deux-Frères, qui les apportait en Feance,sombra dans les parages des Acores. « Le voyageur parcourut ensuite les Etats de l’Ouestet du Sud, le Texas, le Mexique septentrional, la Nou- velle-Orléans, d’où il revint avec de nouvelles et im- portantes collections. « Au cours de ses longues et pénibles explorations, il n'avait pas perdu de vue ses études favorites, et de cette époque datent quelques-unes de ses remarques les plus intéressantes sur l'accroissement des arbres. « Une discussion célèbre s'était élevée à ce sujet à l’Académie. C'est à Trécul que revient le mérite de l'avoir définitivement close. La série des observations et des expériences qu'il a poursuivies dans ce but, pendant plus de dix années consécutives forme un ensemble de travaux des plus remarquables; elle cons- titue aujourd'hui encore la base de nos connaissances sur ce sujet fondamental. Ces expériences lui permi- rent en même temps de prouver l'existence de la sève élaborée dans les feuilles et d’en suivre la marche descendante à travers la tige, 20 845 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE « Bientôt après, il commencait ses belles recherches sur les Laticifères. Si les travaux ultérieurs, concer- nant ces organes, n’ont pas ratifié toutes les idées de notre confrère sur leur rôle physiologique dans la vie végétale, on sait du moins qu'il a contribué, plus que tout autre, à en faire connaître exactement la struc- ture et la répartition dans le corps de la plante, «Non moins importantes sont les observations qui lui sont dues sur une autre forme d'organes, souvent con- fondus avec les précédents : les canaux sécréteurs, dont il a montré les caractères distinctifs dans les nombreuses familles où ils se rencontrent. Ces obser- vations constituent autant de monographies d’un haut intérêt pour l’histoire de l’un des chapitres les plus intéressants de l’Anatomie végétale. «Je devrais encore rappeler ses études sur le dévelop- pement des racines et des feuilles, sur l’origine des gommes et des mucilages, sur la localisation du tanin, et sur tant d’autres sujets. Il n’est pour ainsi dire pas de substance dans la cellule qui n’ait été l’objet de ses investigations et sur laquelle la Science ne lui soit rede- vable de données nouvelles intéressantes, Hautement apprécié, aussi bien à l'Etranger qu’en France, Trécul s’est montré l’un des anatomistes les plus habiles parmi ses contemporains; ses Mémoires resteront, longtemps encore, unesource précieuse de documentspour l'avenir. « Une œuvre aussi considérable témoigne d’un labeur incessant et d’une activité peu commune; elle aurait lieu de surprendre, si l’on ne savait qu'aucune consi- dération étrangère à la science n’a réussi à en écarter un seul instant notre Confrère, Et, si l’on remarque que ses recherches ont été accomplies dans les condi- tions les plus restreintes, avec ses seules ressources, bien exiguës, hélas! lasurprisesechange en admiration. « Au sortir des séances de l’Académie, qu'il fréquen- tait assidèment jusqu’au jour où l’affaiblissement de ses forces l’éloigna définitivement de nos réunions, il rentrait dans la modeste chambre d’étudiant où s’est écoulée la plus grande partie de son existence, et se remettait au travail. « Ilétait d'une politesse grave, très bon sous une ap- parence de froideur; son esprit de justice, la rigueur de son honnêteté l’amenaient parfois à des scrupules de conscience poussés jusqu’à l’exagération et dont ceux-là seuls pouvaient s'étonner qui ne le connais- saient pas. Témoin le fait, suffisamment caractéristique, de la remise faite à l’Etat d’une partie des fonds alloués pour sa mission en Amérique etqu'il n'avait économisée qu'au prix de privations personnelles extraordinaires. « Sollicité de divers côtés, à plusieurs reprises, d’ac- cepter une chaire ou une fonction honorable qui lui permit de trouver un peu plus d’aisance, il déclina toutes les offres, dans la crainte, imaginaire, il va sans dire, de ne pouvoir poursuivre en toute liberté les recherches qui le passionnaient depuis sa jeunesse. Sa vie, pleine de dignité, n’a été qu’une longue journée de travail, exclusivement consacrée au culte désinté- ressé de la Science. » Léon Guignard, Professeur à l'Ecole Supéricure de Pharmacie, Membre de l'Académie des Sciences. Louis Fizeau.— Le 18 septembredernier est mort à Venteuil (Seine-et-Marne) l'un des plus nobles sa- vants de ce siècle : Fizeau a succombé à l’âge de soixante-dix-sept ans, emporté par les cruelles souf- frances d’un mal qui, depuis plusieurs mois, était venu terrasser sa vieillesse robuste encore. Fils d’un médecin réputé, allié à une illustre famille de naturalistes, Fizeau fut élevé dans le culte de la science; une vocation prononcée l’entraina de bonne heure vers l’étude de la Physique. N’étant pas con- traint par les nécessités de la vie à chercher une pro- fession rémunératrice, de goût modeste, de caractère indépendant, peu soucieux des honneurs, il résolut de se consacrer tout entier à des recherches désintéres- sées. Le récit de sa carrière est bref; nous le ferons complètement si nous disons que l’Institut lui décerna un grand prix en 1856, qu'il fut nommé, le 2 jan- vier 1860, à l’Académie des Sciences en remplacement du physicien Cagniard de Latour, qu'il fut appelé au Bureau des Longitudes en 1878, décoré en 1849 et of- ficier en 1875; aussi bien sa vie a été bien plutôt mar- quée par des découvertes que par les événements d'une carrière officielle. Fizeau n’a voulu être qu'un savant, mais savant il fut dans la plus belle et la plus haute acception du terme. L'éclat de ses travaux ultérieurs a un peu fait ou- blier ses débuts, et cependant, dès 1839, à l’âge de vingt ans, il se signalait déjà par de très heureuses recherches : c'était le moment où les physiciens com- mencaient à étudier les actions photographiques, ce inépuisable sujet qui nous réserve encore aujourd'hui tant de surprises; les découvertes de Daguerre avaient besoin d'être précisées. Fizeau publia sur la daguer- réotypie d'intéressants résultats : c’est ainsi qu'il montra, par exemple, que l’on pouvait fixer le mer- cure qui adhérait jusque-là très mal à la plaque, en faisant chauffer un mélange de chlorure d’or et d’hy- posulfite de soude qui laissait déposer un vernis solide d’or métallique. Mais ce qui mit le jeune physicien tout à fait en évidence, ce fut une heureuse et féconde collaboration avec Foucault; tout le monde connaît les recherches faites en commun par ces deux grands esprits : les premiers, en 1847, ils reconnurent l’exis- tence d’une bande sans chaleur dans le spectre infra- rouge; les premiers aussi, en 1849, ils montrèrent, par l'existence de différences de températures, que l’on pouvait produire des franges d'interférence avec des rayons infra-rouges ; c’étaient, pour l’époque, des ré- sultats d’une haute portée philosophique, et qui ne devaient pas contribuer pour peu à établir définitive- ment l’identité en principe de la chaleur rayonnante et de la lumière; on n’ignore pas non plus qu'ils par- vinrent à montrer, par un ingénieux procédé, les in- | terférences produites par une grande différence deM marche, et l’on sait quels résultats ils obtinrent dans « leurs études sur la polarisation rotatoire, | Les travaux accomplis par Fizeau seul sont d’une : 1 | > CES puissance presque plus grande encore ; on peut dire qu'il a justifié cette prédiction faite par le grand Arago et que rappelait l’autre jour, dans son discours d'une éloquence si émue, l’illustre physicien qui pré- side en ce moment l'Académie des Sciences : « Fizeau nous rendra Fresnel ». La hardiesse de ses expériences, la haute portée des résultats obtenus ont fait de lui, sans conteste, le glorieux héritier scientifique du fon- dateur de l'Optique moderne. En 1848, Fizeau pu- blia un travail qui ne fit pas alors toute l'impression qu'il aurait dù produire : précisant un principe énoncé par le physicien allemand Dôppler, il montra expéri- mentalement que le mouvement du centre d’un ébran- lement sonore influe sur la hauteur du son, et que pa-m reillement un mouvement très rapide attribué à un corps lumineux ou à l’observateur doit altérer la lon- sueur d'onde des rayons qui composent la lumière recue ; de là découle un moyen merveilleux d'étudier la marche des astres : ce n’est pas seulement leur constitution, mais encore leur mouvement que la spectroscopie peut nous dévoiler, et si les difficultés expérimentales que l’on rencontre dans l’application de la méthode n’ont pas encore permis d’en tirer tous les résultats qu’elle semble promettre, on est autorisé à penser qu'elle réserve une riche moisson pour l'avenir. C’est l’année suivante, en 1849, que Fizeau publia son travail le plus généralement connu : il parvint le premier à mesurer directement, sur un espace de quelques kilomètres, l’effrayante vitesse de la lumière, mais il n’est pas besoin d’insister sur la méthode et sur les résultats, chacun les a présents à la mémoire. Parmi tant d’autres belles recherches, il faut choisir, M dans l'impossibilité de tout citer; mais on ne saurait passer sous silence l’heureuse application des phéno- mènes d’interférences à l’étude des dilatations des CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE cristaux : les résultats obtenus par Fizeau sont d’une précision inconnue jusque-là, et la méthode de mesure qu'il a instituée reste un modèle d’exactitude et de délicatesse ; on ne peut non plus oublier les pro- fondes études sur l'entrainement de l’éther : par une expérience théoriquement très simple, l'entrainement, pourtant si faible, des ondes lumineuses par un milieu en mouvement était mis en évidence. Depuis quelques années, Fizeau vivait un peu à l'écart, mais il était resté un spectateur singulière- ment avisé du mouvement scientifique contemporain, un critique d'une autorité incontestée; les jeunes gé- néralions avaient appris à respecter son nom et à ad- mirer son œuvre, sa gloire paraissait déjà consacrée par le temps, et son nom se rangeait à côté de ceux des Fresnel et des Arago; il restera éternellement cité parmi ceux que l’on pourrait appeler les classiques de la science. Lucien Poincaré, Professeur adjoint à la Sorbonne. $ 2. — Chimie. Le pouvoir explosif de l’Acétylène.— De- puis que l’acétylène est à l’ordre du jour, les uns ont vanté sa facile production, son grand pouvoir éclai- rant; d’autres ont insisté sur les dangers que peut présenter son emploi : sa toxicité et son pouvoir ex- plosif, Des expériences récentes de M. Gréhant ont montré que l'acétylène est moins toxique que le gaz d'éclai- rage; nous sommes donc rassurés sur le premier point. D'autre part, en raison de ce fait que l’acétylène C?H? est un gaz endothermique, c'est-à-dire formé avec absorption de chaleur (61 calories), on l’a consi- déré comme éminemment explosif. M. Berthelot a, en effet, montré, il y a longtemps déjà, qu'une petite car- touche de fulminate de mercure peut, er éclatant au milieu d’une masse de gaz acétylène, en déterminer la décomposition violente en carbone et hydrogène. Aucun autre renseignement précis n'était jusqu'ici connu sur les cas d’explosions possibles. MM. Ber- thelot et Vieille viennent de combler ce vide par une série d'expériences très concluantes qui font l'objet de leur dernier mémoire présenté à l’Académie des Sciences. Ils ont constaté que, si l'on provoque en un point la décomposition de l’acétylène C?H? en C? + H?, soit au - moyen d'une amorce au fulminate de mercure, soit par l’incandescence d'un fil métallique, cette décom- position ne se propage pas si le gaz est à la pression atmosphérique; mais à des pressions su- périeures à deux at- mosphères, la propa- gation à lieu dans toute la masse et a- - vec une grande rapi- dité. A une pression - de 21 kilogrammes #- FA) co ES 1 bris d'une bouteille pleine d’acétylène liquide qui explosa par l’action d’une amorce, Praliquement, quelles sont les causes qui pourront élever assez la température en un point d’un récipient d’acétylène comprimé ou liquéfié, pour en déterminer l'explosion? Fig. 1. — Morceaux d'un récipient chargé d'acélylène liquide, après explosion du contenu au moyen du fulminate 1. MM. Berthelot et Vieille ont étudié l'effet de chocs répétés : des récipients d’acier renfermant de l'acé- tylène comprimé à 10 atmosphères, ont pu être soumis à des chocs violents et même à l’écrasement sous un mouton de 250 kilos, tombant de 6 mètres sans pro- duire d’explosion. D'autre part, un récipient en fer forgé, plein d'acé- tylène comprimé, a été frappé également sans explosion par une balle animée d’une vitesse suffisante pour percer la paroi antérieure et déformer la paroi opposée. Toutefois l’écrasement par le mouton d’un récipient chargé d’acétylène liquide amena une explosion, pro- bablement due à ce fait que des étincelles se produi- sirent pendant le choc et enflammèrent le mélange ton- nant d'air et d’acétylène gazeux qui se forme au moment de la rupture du récipient. La figure 2 repré- sente le récipient après l'explosion; on voit que l'aspect est tout autre que dans la figure 1 et que l’explosion n’est pas due aux mé- mes causes. D'autres causes peuvent encore pro- duire une élévation locale de tempéra- ture: telles sont l’ac- tion d'une petite quantité d’eau sur - par centimètre carré, une assez grande mas- par exemple, en 18 se de carbure de cal- millièmes de secon- - de, la décomposition amorcée en un point s'est propagée à #4 mètres dans un tube de 2 centimètres de diamètre; la pression, après l'explosion, était décuplée; tout le car- bone se retrouvait amorphe sur les parois du tube, qui renfermait, en outre, de l'hydrogène pur. La tempé- rature considérable, produite par cette décomposition, peut être évaluée approximativement à 2.750°, Dans l’acétylène liquéfié, l'explosion se propage un peu moins vite, mais la pression produite peut être consi- dérable : elle a atteint, dans une expérience, 5.564 kilos par centimètre carré. La figure 1 montre les dé- Fig. 2. — Aspect d'un récipient chargé d'acétylène liquide, après avoir élé soumis à l’écrasement par cium, ou la compres- sion brusque du gaz dans un détendeur ; mais il semble facile d'éviter que des cas pareils se produisent. En somme, l’acétylène qui, mélangé à l'air, forme des mélanges très détonants, ne paraît pas être d’un manie- ment particulièrement dangereux en vase clos et sous pression normale: ce gaz explosif ne fera jamais explo- sion, moyennant quelques précautions faciles à déduire des expériences de MM. Berthelot et Vieille. Marcel Guichard. 1 Ces figures ont été obligeamment prètées à la Revue par l’Académie des Sciences et MM. Gauthier-Villars. un mouton de 250 kilos. 848 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 3. — Paléontologie. La nouvelle Galerie de Paléontologie du Mus&um. — M. le Professeur Gaudry, que nous avons prié de renseigner nos lecteurs sur l’aménage- ment en cours de Ja nouvelle galerie destinée à ses collections, nous a fait l'honneur de nous adresser la lettre suivante, au sujet de cette œuvre qui se pour- suit sous sa direction : Cher Monsieur, — Vous me demandez une note sur notre nouvelle galerie de Paléontologie du Muséum. Je vous remercie de vous intéresser à nos vieilles créatures des temps géologiques.Jene suppose pas que notrenou- velle galerie soit ouverte avant le milieu de l’année prochaine, De nombreux travaux d'aménagement inté- rieur sont encore à exécuter. La vitrerie, notamment, n’est pas achevée, de sorte que nous ne pouvons pas opérer le déménagement des petits échantillons. Cepen- dant le plus difficile est fait, tous nos grands squelettes sonten place. Ce n’était pas chose aisée de faire voyager le Palæotherium magnum, Ve Macrotherium, le Masto- donte, l’Éléphant de Durfort, le Megatherium, le Glyp- todon, le Scelidotherium, la Testudo de Perpignan, etc. Les fossiles ont été restaurés et consolidés par notre habile mouleur, M. Barbier. Nous éprouvons à les re- garder en bon état, le même plaisir qu'on ressent en présence d’amis qui arrivent d’une expédition dange- reuse. On en verra plusieurs nouveaux, et d’autres tel- lement modifiés, qu'on aura de la peine à les recon- naître. Le Megatherium est redressé et embrasse un arbre avec ses griffes énormes; le Cervus megaceros porte sans ferrures apparentes ses bois immenses; plusieurs des gros fossiles qui surmontent les ar- moires, sont disposés de manière à tourner sur leur support pour présenter leurs diverses faces. Toutes les pièces montées, destinées aux vitrines murales, ont dù être transformées, parce qu’elles vont être sur des glaces, et qu'alors il faut les mettre à jour au moyen de supports en cuivre, au lieu de les appuyer sur des socles en bois, comme cela avait lieu aupara- vant. L'aménagement de nos collections d'Invertébrés exige une installation absolument nouvelle, car elles n'avaient jamais été placées sous les yeux du publie, Il y a là un travail qui exige une patience infinie : c’est, je vous assure, une chose admirable que la vie de nos employés du Muséum, qui sculptent, raccommodent, brossent, classent, déterminent nos milliers d'os et de coquilles ;: il faut pour cela une grande science avec un rare désin- téressement : nos fossiles sont des énigmes qui ne se laissent pas facilement deviner. Cependant, peu à peu, au moyen de leurs débris souvent informes et incom- plets, on refait l’histoire du monde et on découvre devant les esprits charmés des penseurs d'immenses horizons jusqu'alors inconnus. Notre Musée sera une galerie de l'histoire de la vie; les fossiles y seront rangés dans un ordre chronolo- gique. A l'entrée, on apercevra les premiers animaux, assez chétifs; à mesure qu’on avancera dans la galerie, on trouvera des êtres moins anciens et plus déve- loppés, et, vers l'extrémité, on contemplera les créa- tures les plus gigantesques et les plus perfectionnées. Ce sera la première fois qu’on verra dans le Jardin des Plantes une collection de Paléontologie; les fossiles élaient soit disséminés entre les différents services, soit placés dans nos laboratoires où ils étaient à la dispo- sition des hommes de science, mais n'étaient pas vi- sibles pour le public. Enfin, les travailleurs pourront étudier facilement les trésors des temps géologiques. J'espère que le nouveau Musée fera honneur à la science francaise. Veuillez agréer, etc... Albert Gaudry, Professeur-Administrateur au Muséum Membre de l'Académie des Sciences. $ 4. — Hygiène. Inauguration de l’Institut Verneuil, — L'Institut Verneuil, ainsi nommé en mémoire du maitre éminent qui a tant fait pour la lutte contre la tuberculose, est destiné aux jeunes tuberculeux gué- rissables et aux candidats à la tuberculose. Il est situé à Escoublac-la-Baule dans la Loire-Inférieure. C’est le premier établissement payant de ce genre. Il a été fondé par M. Pallu, bien connu pour la grande part qu'il a prise à la création des hôpitaux marins, et par des capitalistes intelligents, qui ont compris que cette œuvre humanitaire pouvait être utile à leurs intérêts en même temps qu'aux malades. L'Institut, placé dans une excellente situation, à mi-chemin entre La Baule et le Pouliguen, sur le bord même de l’Océan, au voi- sinage d'immenses bois de sapins, sera aussi favorable » aux malades que la belle station d'Arcachon, Cet établissement, qui n’est encore que partielle- ment construit, comprendra, lorsqu'il sera terminé : 1° L'Institut proprement dit, maison d'éducation, d'instruction et de traitement tout à la fois, où seront accueillis les enfants atteints de tuberculose externe, mais non de tuberculose pulmonaire et justiciables du traitement marin prolongé; 2° un collège où seront recus les enfants délicats, auxquels la prophylaxie marine aura été recommandée alin de les soustraire à l'invasion possible de la tuberculose. Une partie seulement du pavillon central est ac- tuellement construite et permettra de recevoir 60 en- fants, garcons et filles, répartis en deux divisions en- tièrement distinctes l’une de l’autre. Cesenfants seront installés dans des chambres de # lits chacune parfai- tement aménagées, dans des conditions simples, mais confortables qui doivent correspondre aux règles les plus strictes de l'hygiène. L’inauguration a eu lieu dimanche 27 septembre, en présence d'un grand nombre de personnes. Le conseil médical est composé des docteurs Poisson et Bertin, de Nantes, et Kergistel, du Croisic. DH Petit Secrétaire de l'œuvre de la Tubereulose. $ >. — Géographie et Colonisation. Les Anglais à Zanzibar, — On sait qu'une tentative de révolution a eu lieu à Zanzibar dans les derniers jours du mois d'août. Le Sultan Saïd Hamid étant mort subitement, son oncle Saïd Kalid l’a fait enterrer à la hâte, et, sans l’assentiment du Gouverne- ment anglais, s’est proclamé Sultan. Mais les Anglais avaient un candidat, Saïd Hamoud. Ils ont bombardé le palais, dans lequel, à la tête de 700 hommes, Kalid s'était fortifié, l'ont contraint à la fuite et ont proclamé leur protégé, Kalid a trouvé asile et protection au Con- sulat allemand, ce qui aggrava la tension desrapports, déjà fort peu cordiaux, entre Londres et Berlin. La situation politique et commerciale des Anglais à Zanzibar est trop solidement établie pour être à la merci d'une révolution de palais. Bien que, le 10 mars 1862, les Gouvernements Fran- cais et Anglais aient, d'un commun accord, reconnu son indépendance, le Sultan de Zanzibar est devenu uraduellement le vassal de l'Angleterre. En particu- lier, le Consul Sir John Kirk a longtemps exercé sur le Sultan Saïd Bargach une puissante action person- nelle. Il était son ami, son conseiller, et dirigeait offi- cieusement sa politique. La population de Zanzibar avait coutume de dire de lui : « Il tranche toutes les paroles », c’est-à-dire : « C'est lui qui prend toutes les décisions. » En 1890, cette situation de fait s’est transformée en une situation de droit. A la suite de conventions conclues, l’une le 1t7 juillet avec le Gou- Er ag en | Î d Î vernement Allemand, l’autre le 5 août avec le Gou-n vernement Français, le Protectorat Anglais a été offi- ciellement établi à Zanzibar. Le chef réel du Gouvernement est l'Agent et Consul général d'Angleterre; les fonctionnaires sont Anglais. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 849 Le Sultan ne dispose plus librement de ses revenus. | sines : l’Ounyovo et l’Ousoga, Ils se préoccupent fort IL touche une liste civile annuelle de 10.000 livres sterling. Toute l'autorité a glissé de ses mains. Les Anglais ne sont pas moins puissants sous le rapport économique. presque totalement exercé par des Hindous musul- mans (Hindis) ou bouddhistes (Ba - nians). Leur présence s'explique aisément: la périodicité des vents de mousson fa- cilite les rapports en- tre la côte orientale d'Afrique et la côte de Malabar. Les uns ne sont que d'humbles te- neurs d'échoppes , dont toutl’avoir n'ex- cède pas 100 roupies. D'autres passent pour - millionnaires. Ils re- vendent très cher l'i- voire qu'ils reçoivent à bon compte des Arabes,qui le recueil- lent dans l’Afrique centrale. Ils font aus- si la banque et avan- cent à ceux-ci, à de gros intérêts , les sommes nécessaires à leur trafic. Or ces commercants, même établis hors de l'Inde anglaise, restent su- jets britanniques. Les agents anglais favo- - risent leur négoce el - Jes soutiennent dans leurs conflits avec leurs clients arabes. Le grand trafiquant Abed bin Salim, qui recutles explorateurs von Wissmann ef Pogge, à Nyangoué, en 1882, avait con- tracté de grosses det- tes vis-à-vis des mar- chands hindous, en laissant s’accumuler, à des taux usuraires, les intérêts de ses em- prunts. Depuis vingt- quatre ans, il s'était gardé de paraître à lacôte. Mais, en 1884, le Sultan Saïd Bar- gach, obéissant à des influences anglaises, le contraignit à ve- - nir à Zanzibar, où il se ruina en s’acquit- tant. D'ailleurs, les An- glais défendraient , au besoin, avec d’au- tant plus d’ardeur cette situation, qu'ils font ac- tuellement de gros efforts pour développer leur co- lonie voisine de l'Afrique orientale, Ils ont fini par évincer de l'Ouganda les missionnaires catholiques francais, qui conserveront l'honneur impérissable d’avoir, les premiers, apporté dans ce pays barbare un peu de civilisation et beaucoup de charité. Ils ont récemment annexé à l’'Ouganda deux contrées voi- le Parlement. Le commerce zanzibarite est NP IAE ORTENT/F/ ga PANSUSE y, / 11H PIN 1, IRAN, 7 N&//, 4 1/ NO 7 NN NS \# l//} RENTE NS LE \ Queer NN prott anglazs) o Il A INT el] RU Fig. 3. — Rapports géographiques de l'ile de Zanzibar avec les Etats voisins de la Cüle. o ES ss A2 Lougoutou Æiouande +, ° Foundingouo NS F SR Bouyourt en, nat À Æoua Fondé : "à : Fig. 4. — Portion de la fiqure précédente à plus grande échelle pour montrer la configuration de l'ile de Zanzibar. de la construction de cette voie ferrée, allant de Mom- baza au lac Victoria, dont le projet a été approuvé par Enfin, les Anglais sont décidés à tenir Zanzibar, parce que, d’une facon générale, c’est le point le plus important de la côte, parce que c'est là qu'aboutissent toutes les affaires de l’inté- rieur. Les nègres ont résumé l'importance de cette situation sous une forme pitto- resque, où perce leur humeur joyeuse : « Quand on danse dans l'Afrique orien- tale, disent-ils, c’est qu'on joue de la flûte à Zanzibar.» Les An- glais ne veulent pas qu’on danse sans leur permission et en- tendent rester les joueurs de flûte. Henri Dehérain. Bibliographie des travaux gé60o- graphiques . — Nos lecteurs, surtout ceux qui s'intéres- sent spécialement aux sciences géogra- phiques, à la Géogra- phie commerciale, à l'Exploration et à la Colonisation , nous sauront gré de leur signaler le relevé bi- bliographiqueet ana- lytique des travaux géographiques de 1895, tout récemment dressé par les An- nales de Géographie. Non contents de tenir le public au courantdes faits nou- veaux qui se produi- sent et des tendances nouvelles qui se font jour dans l’étude scientifique de la Terre, de sesproduits et de ses habitants, les directeurs des An- nales ont voulu doter les travailleurs d’un instrument de re- cherche infiniment précieux : tous les ans ils publient, dans ce but, le recueil des principaux mémoires relatifs à la Géogra- phie parus au cours de l’année précé - dente, Ces recueils bibliographiques et analytiques font partie de la collection des Annales, dont ils constituent, chaque année, une livraison particulière. Mais — ce qui les rend accessibles au grand public — chacun d'eux est édité aussi sous la forme d’un volume indépendant !. 1 Annales de Géographie : Bibliographie de l'année 1895, 4 vol. in-8° (Prix : 5 fr.). A. Colin et Cie, Paris, 1896, 850 C.-M. GARIEL — LA FLUOROSCOPIE 535,8 ) 537,53 | APPLICATION DES RAYONS X A LA VISION DIRECTE DES ORGANES INTERNES La découverte du Professeur Rôntgen, dont l'importance au point de vue scientifique est capi- tale, a intéressé vivement le public par une de ses applications : la possibilité de photographier des objets placés dans des conditions où ils sont invi- sibles pour nous. L'image du squelelte d’une main vivante, reproduite par tous les journaux illustrés, a montré que la Chirurgie et la Médecine trouvaient dans ce procédé un nouvel élément de diagnostic; et, en effet, grâce aux perfectionnements successifs apportés au manuel opéraloire, on a pu déjà obtenir des renseignements précis etprécieux dans un certain nombre de cas difficiles. D’autres appli- cations de ce procédé ont été faites, et il est pos- sible que celui-ci devienne d’un emploi beaucoup plus étendu qu'on ne pouvail le penser tout d’abord. Mais, quelle que soit la simplicité à laquelle on est parvenu, l'obtention d’un cliché exige quelques manipulations et un certain temps. Il serait plus avantageux de pouvoir éviter les unes et épargner l’autre, et c’est à quoi l’on arriverait en se plaçant dans des conditions telles qu’on pût voir direc- tement les parties que montrerait l'épreuve photo- graphique. Ces conditions sont réalisables facile- ment, ainsi que nous allons le dire. Nous ne pensons pas cependant que la radiogra- phie, comme on appelle maintenant la photogra- phie parlesrayons Rôntgen, doive êtreabandonnée. Il ya toujours intérêt à conserver un témoin matériel plutôt que de se fier à une impression fugitive. Outre qu'il peut y avoir utilité à comparer avec cer- titude deux états d’un même corps, d’un os fracturé par exemple, à deux époques différentes, compa- raison qui ne peut être complète par le simple souvenir de ce qu’on a vu, dans bien des circons- tances l’étude de l’épreuve permettra de découvrir des particularités qui avaient échappé à l'examen direct, ainsi qu'il est arrivé dans l'application de la photographie à l'étude des astres. Il n’en est pas moins vrai que cetexamen direct, facilement réalisable, rendra de très grands ser- vices. Quoique lesfaitssurlesquelsle procédé repose aient été signalés passim dans les divers articles que la Revue générale des Sciences a déjà consacrés aux rayons Rôüntgen !, il ne sera sans doute pas 1 Sur la photographie de l'invisible et les rayons X, la Revue a publié les articles suivants : H. Poincaré : Les rayons cathodiques et les rayons de Rüntgen, Rev. gén. des Sc. du 30 janvier 1896, p. 52. LA FLUOROSCOPIE inutile d'exposer, avant une indication sommaire de la technique, les principes mêmes de la méthode qui, notamment, permet aujourd'hui, sans rien introduire dans le corps d’un animal ou d’un homme vivants, d’en explorer du dehors les parties profondes, en un mot de rendre perceptibles à l'observation oculaire certaines dispositions in- ternes des organes. I La production de la sensation lumineuse est liée à la mise en action du nerf optique : dans les conditions ordinaires, normales, de la vision, celle-ci se produit lorsque certaines radiations viennent rencontrer la rétine; ce sont seulement les radiations moyennes du spectre, celles dont la longueur d'onde varie entre 0 “,42el0 ,62environ qui agissent; les radiations comprises en dehors de ces limites sont absorbées par les milieux de l'œil, ou, si elles ne sont pas absorbées en totalité, » ne donnent pas naissance à la sensation lumi- neuse. Lessensations lumineuses se différencientnotam- ment par la couleur : celle-ci est liée à la longueur d'onde lorsqu'il n'arrive à l’œil que des radiations de même réfrangibilité ; dans le cas contraire, la couleur dépend de la réfrangibilité des diverses radiations qui constituent le faisceau composé et de leur intensité relative. Lorsque la totalité des radiations de la lumière solaire arrive à l'œil, on a la sensation de la couleur blanche. W. RüNTGEN : Expériences sur un nouveau genre de rayons, tbidem, p. 59. A. Scuusrer : Remarque au sujet des vues théoriques de M. Rüntgen, ibidem, p. 64. J. Borrourey : Les vibrations longitudinales de l'éther à propos des rayons Rüntgen, ibidem, p. 65. J. Perrin : Etude expérimentale des rayons de Rüntgen, ibidem, p. 61. L. Durour : Expériences sur les rayons de Rüntgen, Rev. gén. des Sc. du 29 février 1896, p. 191. C. Raveau : Les faits nouvellement acquis sur les rayons de Rôntgen, Rev. gén. des Se. du 15 mars 1896, p. 249. O. Lopce : Les hypothèses actuelles sur la nature des rayons de Rüntgen, ibidem, p. 253. Lorn KeLvin : Expériences à tenter sur les rayons de Rüntgen, ibidem, p. 258. C. Raveau et G. Mes: La technique et les récentes ap= plications de la photographie de l’invisible, Rev. gén. des Se: du 30 avril, p. 391. W.Rünreen : Nouvelles recherches sur les propriétés et l'origine des rayons X, Rev. gén. des Sc. du 30 mai 1896, . 499. : A. Imserr et H. Berrin-Sas : Radiographie du corps en- tier d’un enfant, Rev. gén. des Sc. du 30 juin 1896, p. 556. G. Gouy et J. Lucas : Sur les tubes focus, Rev. gén. des Sc. du 30 juillet, p. 668. C.-M. GARIEL — LA FLUOROSCOPIE Généralement, les radiations qui provoquent les sensations lumineuses proviennent directement ou indirectement d’un corps porté à une température élevée : le soleil, une flamme, un corps incandes- cent, l'arc électrique, etc. Exceptionnellement, elles peuvent émaner d’un corps à basse tempé- rature : le phosphore placé dans une atmosphère oxygénée, les corps dits phosphorescents, les ani- maux phosphorescents. Considérons le cas d’un faisceau lumineux qui serait composé, sinon de radiations identiques, au moins de radiations différant très peu les unes des autres par leur réfrangibilité et donnant une sen- sation lumineuse correspondant à ce qu'on appelle une couleur simple. Devant l'œil, sur le trajet de ce faisceau, interposons une lame d’un certain corps. Trois effets différents peuvent être observés : la sensation peut ne subir aucune modification à la suite de cette interposition; elle peut être affai- blie; elle peut être supprimée. On explique ces résultats en admettant que dans le premier cas le corps n'a rien changé aux radiations qui l'ont traversé, il est dit alors #ransparent pour ces radia- tions; dans le second cas, le corps aurait arrêté, absorbé une partie des radiations : il en arrive donc une moindre quantité à l'œil, la sensation doit être plus faible ; enfin, dans le troisième cas, le corps a absorbé la totalité des radiations, rien n'arrive plus à l'œil, le corps est dit opaque pour la radia- tion considérée. La transparence et l’opacité n’ont rien d’absolu et dépendent notamment de l'épaisseur de la couche traversée; mais c'est là un point sur lequel il est inutile d’insister ici. Quant à l’absorption partielle, quand elle se produit, elle croît rapide- ment à mesure que l'épaisseur augmente. Il est important de remarquer que si, avec le même faisceau de radiations, on emploie un autre corps, on pourra, suivant la nature de ce dernier, observer soit un effet analogue, soit un effet différent, la transparence étant remplacée par l’opacité, par exemple, ou inversement. Si l’on fait usage du même corps avec un fais- ceau de radiations simples d’une autre nature, on pourra observer Lantôt le même effet et tantôt un effet différent. En un mot, l’opacité, l'absorption plus ou moins grande, la transparence dépendent aussi bien de la nature du corps considéré que de celle du fais- ceau de radiations. Les remarques que nous venons de faire s'ap- pliquent à toutes les radiations et non pas seule- ment aux radiations moyennes qui font naître les sensations lumineuses. C’est ainsi, par exemple, que l’eau qui, en couches peuépaisses au moins, laisse passer également à peu près toutes les radia- 851 tions moyennes, intercepte les radiations peu réfrangibles (radiationsinfra-rouges), landis qu'une dissolution d'iode dans le sulfure de carbone, qui est transparente pour ces dernières, est opaque pour les radialions moyennes, les arrête lLotale- men£. En appliquant les remarques précédentes au cas où le faisceau lumineux est complexe, où ilest composé d’un nombre plus ou moins grand de ra- diations de diverses réfrangibililtés, on arrive à se rendre compte des conditions opliques auxquelles est liée la coloration des corps. Mais c'est läun sujet qui est sans intérêt direct pour la question spéciale dont nous avons à nous occuper. IL Comme nous l’avons dit, si les sources de lu- mière le plus souvent ulilisées sont des corps portés à une température élevée, tempéra- ture qui dépasse 450°, quelquefois de beaucoup, des corps à la température ambiante ou en diffé - rant très peu peuvent émettre des radiations sus- ceptibles de donner naissance à la sensation lu- mineuse : ce sont les corps dits phosphorescents ou fluorescents, dont l'étude complèle nous en- trainerait trop loin. Aussi, laissant de côté les cas où la phosphorence est produite par des êtres vi- van{s, ceux dans lesquels le phénomène est cer- tainement lié à une action chimique aisément ap- préciable ou ceux dans lesquels il est provoqué par une aclion mécanique, par le clivage, par la cristallisation, nous dirons quelques mots seule- ment de ceux où l’action est due à l'influence des radiations. En dépit d'une opinion assez répandue, il ne semble pas que le phénomène de la phosphores- cence aitété réellement signalé avantle xvrr° siècle. Ce serait un artisan de Bologne, Vincenzo Cascio- rolo (ou Calciarolo), qui, en 1602 ou 1603, décou- vrit qu'une pierre luisante el très pesante, qu'il avait calcinée, présentait la propriété de rester lu- mineuse quelque temps après son exposition à la lumière, en donnant une lueur qui s’affaiblissait graduellement. Cette pierre était du sulfate de baryte que la calcination avait transformé en sul- fure de barvum. Tel est le caractère de la phosphorescence : un corps, après avoir élé soumis à l’action de radia- tions, reste lumineux dans l'obscurité pendant plus ou moins longtemps, sans que cependant sa tem- pérature diffère d’une manière appréciable de la température ambiante. Disons immédiatement que l'explication de ce phénomène n’est pas en- core connue, quoique les corps phosphorescents aient fait le sujet de nombreuses recherches. Le phénomène lui-même parait produit par r C.-M. GARIEL — LA FLUOROSCOPIE . 1. — Fœlus humain lraversé par les rayons X. — L'expérience montre l’état d'avancement de la-constitution du squelette à l'intérieur du corps du fœtus. — (Communiqué par M. E. Colardeau.) D C.-M. GARIEL — LA FLUOROSCOPIE 853 l'émission de radiations qui ne diffèrent pas, au | quelles donnent lieu les corps incandescents, ce fond, des radialions émises par les corps lumi- | qui justifie l'hypothèse que nous venons d'indiquer. Fig. 2. — Méme fœlus traversé, dans une autre posinon, par les rayons X. — (Communiqué par M. E. Colardeau.) neux ordinaires. On peut répéter avec les corps | Lesradiations émises par les corps phosphores- phosphorescents les diverses expériences aux- | cents sont susceptibles de se réfléchir et de se ré- fracter : on peut mesurer leur longueur d'onde, leur indice de réfraction; pour une réfrangibilité donnée,une de ces radiations se comporte, äl'inten- sité près, comme, par exemple, la radiation du spectre solaire qui aurait la même réfrangibilité. D'autre part, ces radiations peuvent agir sur les substances sensibles employées en photographie ; elles peuvent aussi, quoique faiblement, produire la phosphorescence des substances phosphores- centes. L'étude des corps qui peuvent devenir phospho- rescents a élé faite par divers savants, parmi les- quels il convient de citer spécialement Edmond Becquerel, puis M. Henri Becquerel. On n’est pas encore parvenu à déterminer les condilions qui font qu'un corps est ou n’est pas phosphorescent; on sait cependant, sans pouvoir l'expliquer, que Fig. 3. — Pelil poisson vivant traversé par les rayons X. — On voit ainsi les pièces de son squelette et sa vessie natatoire. — (Communiqué par M. Colardeau.) C.-M. GARIEL — LA FLUOROSCOPIE cette propriété est liée à l’état physique, que, par | exemple, le platinoeyanure de baryum, phospho- rescent à l’état cristallin, cesse de l’être quand il est pulvérisé; on sait aussi que, dans le même état physique, le degré de pureté des corps inter- vient, et ce fait est tellement net qu'on a été con- duit à se demander si, dans certains cas au moins, la phosphorescence ne serait pas due à ces impu- retés mêmes. La phosphorescence dépend aussi de la compo- sition du faisceau lumineux que l’on fait agir : pour l’exciter d’une manière générale, les radia- tions les plus réfrangibles paraissent avoir la plus grande action : ainsi, les radiations ultra-violettes, qui ne donnent pas naissance à la sensation lumi- neuse,sontle plus souvent très actives. On a même utilisé cette propriété pour l'étude du spectre ultra-violet. Il n'ya pas, d'ailleurs, de relations directes entre la nature des radiations incidentes et celle des ra- diations émises par le corps phosphorescent soumis à l’action des premières. Cependant, d'une manière générale, on peut dire que les radiations provo- quées ainsi sont moins réfringentes que celles auxquelles est due la production du phénomène. C'est là ce qu’on appelle la Zoi de Stokes *. Ajoutons, pour terminer, que la durée de la phos- phorescence est très variable : si, dans certainscas, elle est d'une petite fraction de seconde, dans d'autres cas elle peut durer plus d'un jour. Il ne semble pas qu’il y ait de différences dans la nature du phénomène, quelle que soit sa durée: cependant, ordinairement on lui réserve le nom de phosphorescence lorsque cette durée est facilement appréciable, et on désigne sous le nom de ffuores- cence la phosphorescence de très courte durée ?. Nous lerminerons ce rapide résumé par une re- marque qui peut n'être pas sans importance : les radiations émises par les corps phosphorescents ont été étudiées surtout à l’aide des sensations lumineuses qu’elles provoquent, c’est-à-dire qu'on s’est occupé surtout des radiations moyennes. L'étude des radiations infra-rouges et celle des radiations ultra-violettes émises par les corps phosphorescents est moins avancée. III Nous avons dit que la phosphorescence peut être produite par des actions autres que celle de la lumière ; parmi celles-ci, ilen est unesur laquelle . nous devons nous arrêter : c’est l'action de l’élec- tricité. On sait, en effet, que les parois des tubes de Geiss- ler peuvent deverir fluorescentes lorsque les élec- trodes de ces tubes sont reliées aux extrémités du 1 On sait aujourd'hui que cette loi n’est pas absolue, mais il est sans intérêt actuel d’insister sur ce point. 2? La loi de l’affaiblissement de l'intensité lumineuse a été étudiée par M. H. Becquerel, elle est complexe. ° C.-M. GARIEL — LA FLUOROSCOPIE fil d’une bobine d'induction. D'autre part, la fluorescence, la phosphorescence même se mani- festent dans les tubes de Crookes, qui diffèrent des précédents en ce que la raréfaction y est poussée beaucoup plus loin. | produit qu’à la nature même de la cause. On peut penser que, dans ces différents cas, le corps qui devient fluorescent reçoit une certaine quantité d'énergie; mais on ne saurait dire que l'énergie communiquée a la même forme. AN | a] Fig. 4. Il semble que les effets ainsi produits sont sem- blables absolument à ceux observés dansla fluores- cence due à l'action de radiations. Il ne faudrait pas se hâter d'en conclure cependant à l'identité des causes dans les deux cas. La nature d'un effet est bien plutôt liée à la nature du corps qui en est le siège ou aux conditions dans lesquelles l'effet se — Couleuvre vivante traversée par les rayons X. — (Communiqué par M. E. Colardeau.) M. Lenard, dans ses remarquables expériences sur les rayonscathodiques !,a reconnu que ceux-ci provoquent la fluorescence du pentadécylpara- tolylcétone. Enfin, les rayons Rünigen produisent également la fluorescence de certains corps; parmi ceux qui 1 Revue générale des Sciences, 1894, p. 701. 856 C.-M. GARIEL — LA FLUOROSCOPIE ont donné les résultats les plus brillants, on peut citer: le platinocyanure de baryum, qui a été em- ployé par M. Rôüntgen: le platinocyanure de potas- sium, signalé par M. Silvanus Thompson :le tungs- tate de calcium, dont s’est servi M. Edison, etc. Les effets produits par l’action des rayons Rünt- gen ont présenté les mêmes variations que ceux observés dans la fluorescence due à l’action des radiations : des échantillons des mêmes corps n’ont pas donné toujours le même résultat, ce qui explique que l’accord ne se soit pas établi d'une manière généraie sur la substance qu'il convient de choisir pour obtenir les effets les plus nets. IL est possible que les différences signalées soient dues à la présence de matières étrangères existant en petite quantité dans les échantillons essayés el ayant cependant une influence considérable. En France, il semble que ce soit le platino-cya- nure de baryum qui ait fourni les meilleurs résul- tats; comme nous l’avons déjà dit, il faut d’ailleurs qu'il soit à l'état cristallin, car il cesse d’être actif lorsqu'il est pulvérisé. IV Nous n'avons point à discuter ici la nature des rayons Rüntgen, dont l'assimilation aux radiations est possible. Pour nous borner aux particularités sur les- quelles nous avons à nous appuyer, nous ferons remarquer que, si, comme les radiations, les rayons Rôntgen se propagent en ligne droite dans un milieu homogène, ils ne subissent pas, comme celles-là, de changement de direction à la surface de séparation de deux milieux différents; iis ne se réfractent pas et ne se réfléchissent pas. Comme les radiations, les rayons Rôntgen, en traversant un corps, peuvent être absorbés plus ou moins, ils peuvent même être arrêtés complète- ment, c’est-à-dire qu'il y a des corps transparents et des corps opaques pour les rayons Rôntgen. Il n'y a pas, d'ailleurs, d’assimilation possible entre la transparence pour les radiations lumineuses et la transparence pour les rayons Rüntgen, pas plus, d’ailleurs, qu'il n'y en a entre l’action, à ce point de vue, d'un même corps sur deux radiations lumineuses différentes. Mais, tandis que, pour les radiations, on ne sail à quelles conditions est liée l’opacité ou la trans- parence d’un corps, la question est plus simple pour lesrayons Rüntgen : pour ces derniers, d'une manière générale au moins, un corps est d'autant plus opaque qu'il est plus dense. Les rayons Rüntgen ne donnent pas naissance à la sensation lumineuse, propriété négative qu'ils partagent avec les radiations infra-rouges et avec les radiationsultra-violettes. Comme pourcelles-ci, les expériences de MM. de Rochas et Dariex ont montré que les milieux de l'œil sont opaques aux rayons Rôntgen, ce qui s'explique si ceux-ci, n'arrivant pas sur la rétine, ne peuvent mettre le nerf optique en action; on ne sait pas, d’ailleurs, s'ils pourraient agir sur la rétine dans le cas où ils y parviendraient!. Les rayons Rôntgen produisent sur les plaques photographiques les mêmes effets que les radia- tions lumineuses, c'est-à-dire qu'ils y donnent naissance à des modifications qui, après dévelop- pement, se traduisent par des colorations plus ou moins foncées. Quoiqu'unepartie des remarques que nous allons faire puisse s'appliquer à l'action des rayons Rünigen sur les plaques sensibles, nous viserons plutôt les phénomènes de fluorescence, la ques- tion de l'obtention des photographies ayant déjà été traitée dans la Revue ?. V Considérons un tube à vide GH (fig. à) relié à une bobine d’induction FE et disposé de manière à donner naissance à des rayons Rüntgen : l’action directement visible des décharges est de rendre fluorescent le verre du tube, lequel présente alors une coloration verdàtre assez vive. Ce tube émet des rayons Rünigen dont l'existence ne nous est pas directement manifestée, puisque ces rayons n'agissent pas sur l'œil, et, en même temps, des radialions moyennes qui produisent la sensation lumineuse que nous éprouvons. Enfermons le tube entièrement dans une feuille de papier noir, dans une feuille de carton : nous cesserons de le voir, nous n'éprouverons plus aucune sensation lumineuse, parce que la substance interposée est absolument opaque aux radiations moyennes. Cette même substance est transparente aux rayons Rüntgen, lesquels passeront sans que rien ne nous avertisse directement de leur existence. Mais plaçons sur leur trajet une feuille de carton K (fig. 5)recouverte d’une couche de platinocyanure de baryum; cette feuille, qui dans l'obscurité serait invisible comme tous les corps si le tube à vide n'existait pas ou si la bobine d'induction ne fonc- tionnait pas, — cette feuille, dis-je, émettra aussitôt une belle lueur verdâtre, mettant ainsi en évidence l'existence des rayons Rüntgen (comme d’ailleurs elle aurait fait pour des radiations ulira-violettes convenablement choisies si celles-ci avaient existé). Si l’on cesse de faire fonctionner la bobine d'’in- 1 La Revue reviendra sur ce sujet dans la Chronique du prochain numéro. (NoTE DE LA DIRECTION. ? Rev. gén. des Sc. 1896, notamment p. 391. C.-M. GARIEL — LA FLUOROSCOPIE duction, la feuille cesse d'être visible, l'obscurité se produit; mais la lueur verdàtre apparait de nouveau aussitôt que l’on met la bobine en marche. Les résultats observés seront les mêmes si l’on interpose sur le trajetdes rayons Rüntgen un corps transparent pour ceux-ci, quelle que soit, bien en- tendu, l’opacité ou la transparence de ce corps pour les radiations lumineuses. Les rayons Rôntgen traverseront le corps en subissant seulement un affaiblissement plus ou moins considérable, et l'écran deviendra fluorescent comme dans le cas précédent; c’est cet effet qui se produira à tra- 1 ombresur un fond lumineux. Nous avons dit que les rayons Rüntgen se propagent en ligne droite; cette ombre aura donc, par rapport au corps, la mème forme que celle qui serait donnée par un corps lumineux placé dans les mêmes conditions que le tube d’où émanent les rayons Rüntgen : ce sera, en réalité, la silhouette du corps. En voyant seulement celle-ci, si elle est simple, on aura une idée de la forme du corps: l'effet est analogue à ce qui se passe dans les ombres chinoises où, d’après la forme des silhouettes, nous nous représentons les corpsmèmes. K H.OBERLIN Fig. 5. — Disposition d’une expérience de fluoroscopie. — Le courant électrique, fourni par une batterie de piles ou d’accu- mulateurs, est amené par le fil À à la borne B dans le circuit primaire d'une bobine d’induction, le parcourt et sort par la borne C et le fil D. Le pôle positif E et le pôle négatif F du circuit induit de cette bobine sont reliés aux électrodes positive G et négative H d’un tube Colardeau {dont la figure 8 indique le détail). L'ampoule de verre qui recoit les rayons émanés du pôle négatif (ou cathode) de ce tube, émet les rayons X. Ces rayons traversent les chairs, mais sont arrêtés par les os de la main placée sur leur trajet. Ceux qui traversent les chairs excitent la fluorescence de l’écran K ; l'ombre des os de la main se dessine alors sur cet écran, vers le papier, le carton, le bois, l'aluminium par exemple. Il n’en sera plus de même si le corps interposé est un de ceux qui ont été trouvés opaques aux rayons Rüntgen; ceux-ci seront alors arrêtés et ne pourront, par conséquent, produire ensuile au- delà de ce corps, aucun effet. Si le corps opaque a une étendue limitée, il arré- tera seulement ceux des rayons Rüntgen qui le rencontreront, tandis que les autres passeront. Sur unécran préparé placé à la suite, la fluorescence se produira à la rencontre de ces derniers, tandis que l'écran restera obseur aux points que les rayons n'atteindront pas. Il se produira done comme une Bien entendu, puisque la formation de cestaches obscures sur fond fluorescent est liée à la propa- gation rectiligne, il se produira des effets ana- logues à ceux que l’on observe pour la lumière : si les rayons Rüntgen peuvent être considérés comme formant un faisceau divergent conique, comme émanant d'un point, les contours seront nets; ils seront estompés, flous, il y aura comme une pénombre, au contraire, lorsque les rayons émane- ront d'une surface d'une certaine étendue, etla neltelé sera d'autant moindre que cetle surface sera plus grande. Il y a donc intérêt, à ce point de vue, à rétrécir le faisceau; mais, d’un autre côté, on diminue ainsi sa puissance, et la fluorescence est 858 C.-M. GARIEL — LA FLUOROSCOPIE moins vive, le contraste moins fort. ]l est difficile de donner aucune règle générale à ce sujet pour les meilleures conditions à réaliser. La question peut n'être pas aussi simple : tel est le cas, par exemple, où l’on interpose la main sur le trajet des rayons Rüntgen. Ceux-ci passeront autour de la main et iront produire une vive phos- phorescence sur l'écran ; mais la main contient : 1° des parties molles qui se laissent traverser par les rayons Rüôntgen tout en les absorbant plus ou moins; 2° des os, qui sont à peu près complétement 0 - paques. Lesrayons qui rencontrent des parties osseu- ses sont arrêtés et, par suite, ombre, la silhouette de ces parties apparait absolument obs - cure sur l'écran; quant aux rayons qui traversent des parties molles, ils en sortent, mais affaiblis; aussi pro- duisent-ils une fluorescence de peu d'intensité, qui se distingue ainsi, aussi bien de la partie complète- ment éclairée, que de la partie tout à fait obscure, et donne, par suite, une idée de la for- me des parties molles. Il va sans dire que celles-ci, n'ayant pas par- tout la même é- paisseur et n'étant pas homogènes comme constitution, absorbent inégalement les rayons, de telle sorte que la partie éclairée qui leur correspond n'a pas partout la même in- tensité. Mais de ces différences il est, au moins, difficile de déduire la nature des corps qui ont absorbé les rayons qui ont disparu, car une même absorption peut être produite par des corps très différents pour des épaisseurs convenablement choisies, et, inversement, une même substance peut donner lieu à des absorptions très différentes si les épaisseurs ne sont pas les mêmes. Fig. 6. — Monstre humain à deux têles récemment mis au monde dans le département de l'Hérault. — (Communiqué par les Drs Imbert et Bertin- Sans.) La figure 7 fait voir, au moyendes rayons X, la disposition des or- ganes internes et notamment du squelette chez le même enfant. Quoi qu'il en soit, il est certain que l’on peu obtenir ainsi des renseignements précieux sur de objets, sur des parties que nous ne pouvons 0 parce qu'ils sont recouverts, entourés de sub= stances opaques aux radiations moyennes, si ces substances se laissent traverser par des rayons Rüntgen, tandis que les objets sont opaques à ces mêmes rayons; c'est le cas qui se présente lors- qu'on veut être renseigné sur la forme ou la dis- position des os dans un membre, sur la présence d'un objet métalli- que,une balle, une aiguille au milieu des tissus. De la même façon, on peut , à travers une boite de bois, à travers les parois d'un porte -mon- naie, distinguer la forme des objets qui y sont conte- nus, Si Ceux-ci sont opaques aux rayons Rüntgen. Il y a là une mé- thode particulière de recherche, d’a- nalyse,quiestd’au- tant plus précieu- se que la fluores- cence, dont la pro- duction estle point de départ des effets observés , se pro- duit instantané - . ment:iln'yadonc pas de temps de pose comme pour la photographie, pas plus qu'il n'y a à opérer le déve- loppement d'une épreuve; et, com- me, d'autre part, la fluorescence disparait aussitôt que les rayons Rüntgen cessent d'agir, l'appareil est toujours prêt pour un nouvel examen. Cette méthode,dontl'emplois’étendrasans doute, a déjà reçu le nom de fuoroscopie, qui rappelle les phénomènes de fluorescence qui en sont la base. Peut-être pourrait-on mieux lui donner le nom de fluoroskiascopie * (de sx, ombre) qui indique que la ——————_—___ 1 Le mot ainsi formé est hybride, mais non pas plus que le mot proposé /luoroscopre. | ? | | } nt tasse ét es bo un bent »= C.-M. GARIEL. — LA FLUOROSCOPIE 859 Berger-Levrault et (ie sc. Fig. 7. — Monstre humain à deux lêles (le méme que celui de la fig. 6) traversé par les rayons X. — (Communiqué par les Drs Imbert et Bertin-Sans.) — Cette image fait voir les connexions internes des parties doubles du monstre : il a deux colonnes vertébrales indépendantes; mais, dans la région interne, intermédiaire entre ces colonnes, on remarque l’enche- vêtrement et la fusion des branches costales, tandis que, vers l'extérieur, de chaque côté du thorax, la disposition des côtes est demeurée normale. L'indépendance des deux colonnes vertébrales se poursuit jusqu’aux.sacrums, lesquels sont, en partie fusionnés. Il y a, dans cette région, un fait très curieux : le non-développement des os ilisques dans la partie médiane. Dans la région supérieure un fait du même genre est à signaler : l'atrophie des os scapulaires et des clavicules entre les deux colonnes vertébrales. Au contraire, les membres latéraux, bras et jambes, se sont développés d'une facon absolument normale. 860 méthode est basée sur la production des ombres sur un Corps fluorescent. La fluoroskiascopie ne sert pas seulement à reconnaitre la forme d’objets placés dans des con- ditions où l’on ne peul les voir, elle peut également renseigner sur la nature des corps qui présentent de grandes ressemblances à l’aspect. C'est ainsi qu'on peut établir immédiatement la distinction entre des diamants vrais et des diamants faux : les premiers sont transparents aux rayons Rüntigen et, par suile, ne portent pas ombre sur l'écran fluorescent, landis que les seconds donnent une ombre portée très marquée, parce qu'ils sont opaques à ces rayons. Quoique nous ne sachions pas que l’expérience ait été faile, nous sommes convaincu que l’emploi de l'écran fluorescent permettrait, tout aussi bien que l'obtention d'épreuves photographiques, les essais de matières végétales adultérées; comme les échantillons de safran enrobé de sulfate de baryum, qui ont été étudiés par M. Fernand Ranwez. D’autres applications seront certainement faites dans le mème ordre d'idées; il nous suffit d’avoir indiqué celles-ci pour montrer que la fluoroskias- copie constitue une méthode qui sera certainement féconde en résultats intéressants si l’on parvient à lui donner une sensibilité assez grande. VI L'application de la fluoroskiascopie comporte actuellement l'emploi (fig. 5) d'une bobine d'in- duction, d'un tube producteur de rayons Rüntgen et d’un écran fluorescent. Il n'y a rien à dire de particulier sur la bobine d’induction; il faut seulement, pour obtenir de bons résultats, que cette bobine soit susceptible de donner des étincelles ayant {0 centimètres de longueur environ. De plus, si elle doit fonctionner d'une manière un peu continue pour permeltre des essais nombreux el suivis, il convient de prendre des disposilions spéciales pour éviler la détério- ralion des contacts de platine. Dans ce but, M. Du- cretet et M. Gaiffe ont apporté de pelites modi- fications à ces contacts, et les bobines qu'ils construisent en sont pourvues; peut-être en existe- t-il d'autres, mais elles ne sont pas parvenues à notre connaissance. Une question intéressante est celle de la vitesse de l'interrupteur qui donne les meilleurs résullats. Nous ne pensons pas qu'il y ait une règle générale à donner, et il faut essayer directement pour chaque machine el peut-être même pour chaque tube. La question la plus importante est celle du tube. Le meilleur tube pour la radiographie est aussi celui qui donne les meilleurs résultats pour la fluoroskiascopie. On pourra donc employer soit C.-M. GARIEL — LA FLUOROSCOPIE 2 les tubes focus qui sont maintenant très répandus, soit les Lubes de M. Colardeau (fig. 8) qui ont donné de très bons résultats et sur le détail desquels il serait sans intérêt d'insisler. Il est probable, d’ail- leurs, que d’autres formes seront essayées, qui seront également avantageuses et peut-être plus. Mais la forme n'est pas tout, et deux tubes de même forme donnent souvent des résultats fort diflérents, sans que Von sache pourquoi. Il faut donc, après que l'on s’est décidé sur le modèle du tube que l’on veul, faire un choix entre plusieurs échantillons. On sait que le passage du courant, lorsqu'il se continue pendant un certain temps, a pour effet de modifier le degré du vide qui existe dans le tube et d'empêcher son bon fonctionnement. Aussi une Fig. 8. — Tube focus Colurdeau. — G, électrode positive; H, électrode négative; N, petite ampoule entourant la cathode et dont les parois émettent des rayons X; P, par- tie du tube par où l'on fait le vide. bonne précaution à prendre consiste-t-elle à in- terrompre l’action de temps en temps. Lorsque cependant l'effet s'est produit et que le tube fonctionne moins bien, on peut lui rendre sa puissance première en le chauffant vers 200° pen- dant quelques instants. On peut arriver à un résultat analogue en ren- versant le courant pendant quelques instants lors- que l’action commence à faiblir. Une disposition qui donne de bons résultats, mais qui n'est applicable que dans descirconslances particulières, consiste à laisser le tube en commu- nication avec une pompe pneumatique; on peut alors maintenir lapression constammentà la valeur qui, par des expériences préliminaires, a élé re- connue la meilleure. C'estainsiqu'aopéré M. Chap- puis pour la production de radiographies dans un temps très court; c'est la disposition adoplée par Edison dans les recherches qu'il a faites sur la fluoroskiascopie. Mais cette disposition, applicable à des recherches de laboratoire,ne peutentrerdans la pratique courante. C.-M. GARIEL — LA FLUOROSCOPIE 861 Le choixde l'écran estnalurellementtrès impor- tant, car de sa valeur dépendra le degré de sen- sibilité, de perfection des observalions que l’on fera. Quoiqu'il ne soit pas difficile malériellement de construire un semblable écran, nous ne saurions rable de se faire présenter chez un constructeur plusieurs écrans et deprendre le meilleur. L'observation de l’écran fluorescent doit se faire dans une chambre aussi obseure que possible, parce que l'intensité des lueurs produites est faible recommander d'agir ainsi : on s’exposerait cerlai- nement à des mécomptes, parce que, comme nous l'avons dit, on ne connait pas exactement les con- ditions qui font qu'un corps donné estplus ou moins .phosphorescent ou fluorescent ; il est bien préfé- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENC_S, 1506. Fig. 9. — Grenouille vivante traversée par Les ruyons X.— Les rayons ont traversé tous les viscères et n’ont été arrêtés que par le tissu osseux; leur passage au travers du corps montre, en outre, l'inégale translucidité des muscles et des chairs à l'égard des rayons X, et met notamment en évidence les deux poumons. — (Communiqué par M. Colardeau. absolument. On évitera l’arrivée à l'œil de toute lumière étrangère en fixant à l'écran une étoffe épaisse, noire, sous laquelle on placera la tête, comme on le fait pour la mise au point en pho- Lographie. 20* 862 C.-M, GARIEL — LA FLUOROSCOPIE On peut encore adapter l'écran fluorescent à la base d’un tube ou d’une sorte de pyramide tron- quée creuse, en boisouen carton noir, sur les faces opposées de laquelle sont percés un ou deux trous, suivant que l’on veut regarder avec un œil ou avec deux. C'est sous cette dernière forme qu'Edison a disposé l’appareil qu'il appelle #uoroscope. Il va sans dire que la surface de l'écran qui est recouverte de la substance active doit être tournée du côté de l'observateur: le carton qui sert de support n'empêche pas le passage des rayons Rünigen, puisqu'il est transparent pour ceux-ci, tandis que, l'écran étant placé en sens contraire, la substance active deviendrail fluorescente, mais l'observateur ne verrait rien, car les radiations lumineuses émises par cette substance ne peuvent traverser le carton. Suivant la forme et les dimensions du tube à vide et surtout de l’objet que l’on examine, il con- viendra de faire varier leurdistance, etl’expérience indiquerales meilleures conditions à réaliser dans chaque cas. Muis, par contre, il y aura toujours intérêt à rapprocher le plus possible l’objet de l'écran. VII On voit que la fluoroskiascopie est une méthode dont l'emploi ne comporte pas réellement de dif- ficultés; toutefois elle exige l'emploi d'appareils coûteux et encombrants. Il serait intéressant de la simplifier : cela est-il possible? Dans un important article publié dans cette Revue (t. VIS, page 56), M. H. Poincaré disait : « Ainsi, c'est le verre qui émet les rayons Rônt- gen elil lesémet en devenant fluorescent. Nepeut- on alors se demander si tous les corps dont la fluorescence est suffisamment intense n’émettent pas, outre les rayons lumineux, des rayons X de Rôntgen, quelle que soit la cause de leur fluorescence ? Les phénomènes ne seraient plus liés alors à une cause électrique. Cela n’est pas très probable, mais cela est possible et sans doute assez facile à vérifier.» Peu de temps après, M. Charles Henry apportait à l’Académie des Sciences une vérification de l'hy- pothèse signalée par M. Poincaré : du sulfure de zinc, corps phosphorescent, soumis à l’action des rayons solaires ou à celle de la lumière du magné- sium, a pu, ensuile, impressionner une plaque photographique à travers une lame d'aluminiumet àlravers une double feuille de papier aiguille, comme l'auraient fait des rayons Rüntgen. M. Niewenglowski obtenait bienlôl des résul- tats analogues ; enfin et surtout M. H. Becquerel a étudié la question en opérant principalement sur le sulfate double d'uranyle et de potassium, avec lesquels il a oblenu des résultats analogues à ceux que nous venons d'indiquer. Mais, de plus, il a ob- servé que l’action se continue alors même que le corps actif n’est plus soumis à l’action de la lu- mière et que sa fluorescence, qui ne dure qu'une fraction de seconde, a cessé. Sans insister sur ces faits, on voit que des radia- tions émises par les corps phosphorescents et fluorescents partagent avec les rayons Rüntgen la propriété de traverser des corps opaques pour les radiations lumineuses et d’impressionner les plaques sensibles. De même, également, les rayons Rôntgen et ces radiations possèdent la propriété de décharger les corps électrisés, propriété sur la- quelle nous n'avions pas à nous arrêter au point de vue de la question que nous avons traitée. On est ainsi conduit à établir une certaine analogie entre les uns et les autres, bien que M. H. Becque- rel ait montré que les radiations invisibles qui émanent des corps phosphorescents subissent la réflexion et la réfraction, propriétés que ne pos- sèdent pas les rayons Rüntgen.Il est donc naturel de supposer que les radiations émises par les corps fluorescents peuvent, après avoir traversé des substances opaques auxradiationslumineuses, agir sur des écrans fluorescents comme ceux dont on fait usage en fluoroskiascopie. Nous n'avons pas k vu, il est vrai, que le fait été ait déjà signalé et les circonstances ne nous ont pas permis jusqu’à pré- sent de le rechercher. Peut-être d'ailleurs fau- drait-il faire, usage de substances actives autres : que celles employées jusqu’à présent. Mais il ne nous semble pas impossible d'arriver à ce ré sultat. ! S'il en étaitainsi et si leseffets observésn'élaient pas trop faibles, il n’y aurait qu'à remplacer, dans le dispositif actuellement employé, la bobine d’in- duction etle tube à vide par une certaine quantité de matière phosphorescente préalablement sou-" mise à l’action de la lumière solaire ou à celle de l'arc électrique ou de la flamme du magnésium. i On voit immédiatement quelle simplification serait apportée au manuel opératoire. Î Alors même que l’on n'arriverait pas à réaliser ce perfectionnement, pour lequel il y aurait cer-M tainement à vaincre de nombreuses difficultés, ilm faut reconnaitre que la méthode actuelle peut être utilisée dans la pratique et qu'elle est susceptible ï de donner des résultats utiles dans nombre de cir- constances. Grèce à la découverte du Professeur Rüntgen et aux travaux qui en ont élé la consé- quence, l'homme est parvenu à acquérir la pro= priété que les Anciens attribuaient au Lynx : celle de voir à travers les murailles. C. M. Gariel, Professeur de Physique à la Faculté de Médecine de Paris, Membre de l'Académie de Médecine. A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 863 626 | 627 | Dans un précédent article ! nous avons étudié le réseau navigable français etle matériel de batel- lerie. Nous terminerons aujourd'hui cette étude de la navigation intérieure en l'rance, par l’examen des procédés et des frais de la traction. I. — PROCÉDÉS DE TRACTION. D'une façon générale, il y a avantage à grouper les embarcations en un convoi remorqué par un moteur puissant, au lieu de les conduire indi- viduellement au moyen de moteurs de moindre puissance. Cependant si, arrivé à une écluse de petite dimen- sion, le remorqueur, quel qu'il soit, doit attendre que tous les bateaux du train aientéclusé un à un, le temps perdu par une machine coûteuse et par les hommes chargés de la conduire est tel que son emploi est économiquementirréalisable. Pour que la traction en convois soit possible, il faut pouvoir écluser les convois. On voit de suite que l’usage de ce mode de trac- ‘tion est restreint aux rivières libres ou canalisées avec de grandes écluses; il n’est pas possible sur les canaux. Sur ces derniers, du reste, il faut, pour hàler un bateau, notablement moins de travailque sur les rivières en remonte : il y faut un travail toujours le même, tandis que sur les rivières celui- ci est très variable selon la hauteur des eaux. Le problème de la traction est donc tout différent sur les rivières de ce qu'il est sur les canaux, et ce sont là deux questions qu'il faut traiter séparément. $. 1 — Traction sur les rivières. Latraction s’yfaitpar remorqueursou par toueurs qui ont fait disparaitre la traction animale encore couramment employée, sur la Seine par exemple, il ÿ a une quarantaine d’années. 1. Touage et Remorquage. — On connait la diffé- rence essentielle des deux procédés: le remorqueur estun bateau à roues ou àhélices avec une machine assez puissante pour lui permettre de trainer un convoi. Le toueur se hàle avec une chaine (on en a fait marchant sur càble) noyée sur toute la longueur du parcours et amarrée à l'extrémité amont. D'où une très grande différence dans le rendement des deux systèmes. Si le convoi marche à une vitesse V contre un courant de vitesse S, il rencontre une résistance proportionnelle à {V + S}?. 1 Voyez le numéro du 15 octobre, page 820. ————_—__—_—_—— — —…—…—…— .—"— L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE DEUXIÈME PARTIE : PROCÉDÉS ET FRAIS DE TRACTION Le remorqueur que le courant entraine doit regagner la vitesse S, pendant l'unité de temps, puis, en outre, réaliser la vitesse V; il dépense donc un travail proportionnel à (V + S}#; et, pour peu que S soit plus grand que 1, on peut arriver vile à de gros chiffres. Le toueur, tenu sur un point fixe, a bien à lutter contre la même résistance {V + S}. Mais il n’a à produire que la vitesse V, et, par suite, un travail proportionnel à (VS)? V. On peut très bien se contenter pour V d'une valeur moindre que 1. Ce simple apercu suflit à faire comprendre que le remorquage peut devenir pratiquement impossible contre de grands courants, que le touage est, au- tant dire, toujours possible, et que l'avantage du dernier sur le premier est d'autant plus marqué: 1° que les courants à remonter sont plus rapides, 2° que le cheval-vapeur-heure coûte plus cher. Par contre, à la descente, le touage n'a pas d'avantages suffisants pour compenser les ennuis qui résultent de la liaison du toueur à la chaine, et il devient impraticable dans les courants rapides où, par suite dela difficulté de déroulerune chaine lourde à toute vitesse, le toueur risque de ne pas pouvoir marcher aussi vite que le courant. L'avantage à la remonte peut se résumer ainsi: En eau morte, un toueur dépense la moitié du tra- vail du remorqueur équivalent. En eau courante, si la vitesse du convoi égale, en valeur absolue, celle de l’eau, un toueur dépense le ‘/, du travail du remorqueur équivalent. Si la vitesse de marche est supérieure à celle du courant, le travail dépensé est compris entre ‘/, et!/, de celui du remorqueur équivalent. Si la vitesse de marche est inférieure à celle du courant, le travail dépensé est inférieur au ‘/, de celui du remorqueur équivalent. Et, par exemple, contre un courant de 3 mètres que l'on rencontre sur le Rhône, pour monter à une vitesse de 060, il faudrait, pour équivaloir à un toueur de 200 chevaux, un remorqueur de 2.800 chevaux. Nous remarquerons, enfin, qu'à la rigueur un appareil de touage se peut installer sur un radeau, que, par conséquent, le touage reste possible sur des rivières d’un tirant d’eau trop faible pour recevoir d'autres systèmes de bateaux moteurs. En somme, il y a donc telles circonstances où le choix s'impose entre le touage ou le remorquage, d’autres où il reste discutable et où les deux moyens peuvent se trouver en concurrence, Le premier ne se recommande alors que par 864 l'économie réalisée sur la dépense de force mo- trice, économie qui doit être plus que suffisante pour payer les frais de la chaîne et compenser les avantages de la liberté d’allures que possèdent les remorqueurs. Il est clair que les progrès réalisés dans la cons- truction des machines à vapeur profitent à ce point de vue plus aux remorqueurs qu'aux toueurs; il est clair aussi que la canalisation des rivières, en augmentant le tirant d’eau, rend plus facile la cons- truction de remorqueurs puissants et l’emploi de l’hélice de préférence à celui des roues à aubes, si bien que, par exemple, les entreprises de touage sont actuellement beaucoup plus concur- rencées sur la basse Seine, où le Lirant d’eau est de 3 m. 20, que sur la haute Seine, où il n’est que de 1 m. 80. : Non seulement la canalisation des rivières rend plus facile l'emploi des remorqueurs puissants, mais, pendant une grande partie de l'année, elle rend le courant beaucoup moindre, si même elle ne l’annule pas à peu près; elle facilite ainsi la traction et, par conséquent, l’emploi des remor- queurs. En supprimant ou en affaiblissant beau- coup le courant, elle oblige les bateaux à se faire conduire en descente, alors que, dans les rivières libres, la descente se peut faire au fil de l’eau et, comme les toueurs sont beaucoup moins aptes à faire de la traction en descente que les remor- queurs, ceux-ci leur sont facilement préférés. En résumé, la canalisation des rivières y facilite l’em- ploi du remorquage. La Seine offre, à ce point de vue, le meilleur exemple : c’est là que sefirent les premières applica- lions industrielles du touage. La Compagnie de la Basse-Seine et de l'Oise ycommençala première,en 1854, et, dès le début, elle avait raison de la concur- rence des chevaux de halage et de quelques remor- queurs médiocres et absorbait 97 °/, du trafic total en faisant tomber le tarif de 0 fr., 03 à 0,01 la tonne kilométrique ; aujourd’hui, elle ne tractionne que la moitié du trafic sur son parcours. Il y a lieu de considérer cependant que, en dépit des travaux de canalisation, quand viennent les hautes eaux d'hiver et qu'il faut effacer com- plètement les barrages, les cours d’eau canalisés sont rendus à leur état naturel, juste au moment où le courant estle plus violent et, par conséquent, le remorquage le moins avantageux. Nous pouvons continuer à prendre la Seine comme exemple; il ne s’y passe rien qui ne se retrouve ailleurs. À ces moments, le touage y rend des services consi- dérables; à son défaut, on peut admettre qu'il y faudrait, pendant ces périodes, 4 à 5 fois plus de remorqueurs qu'en été; beaucoup moins sensible que le remorquage aux varialions de vitesse du A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE courant, il régularise, sans les empêcher tout à fait, les variations des prix de traction. . Nous nous trouvons ici amené à la constatation d'un fait économique général intéressant, sur lequel il vaut la peine d’insister. En basses eaux, les barrages fermés, les progrès réalisés par les remorqueurs rendent les toueurs inutiles. En hautes eaux, les barrages ouverts, à défaut des toueurs, les services de traction seraient mal assurés, car, s’il y avait assez de remorqueurs pour l'hiver, on aurait, entre l'été et l'hiver, des varialions de prix absolument excessives. Les deux moyens de traction coexistent, ils se trouvent en concurrence dans des conditions telles que chacun d’eux peut faire sérieusement tort à l’autre pendant une partie de l’année, que chacun, par conséquent, se trouve conduit à essayer, dans les périodes qui lui sont le plus avantageuses, de compenser lespertes subies durant les autres, d’où cette constatation : la canalisation d'une rivière, en exagérant les différences de régime entre lesw époques de hautes et basses eaux, exagère paral- lèlement les variations des prix de traction si les deux industries s'exercent librement. En fait, au début, les entreprises de touage ayant une permission pour le placement de leur chaine (ilest clair qu’on n’en peut pratiquement laisser mettre deux sur un même parcours de ri- vière, ni surtout deux appartenant à des entrepre- neurs différents) avaient un monopole de fait par suite de la supériorité, absolue à ce moment, de leur système de traction; elles ont recu, comme contre-partie de leur permission, un cahier des charges leur imposant un tarif fixe calculé d’après la valeur moyenne aux diverses saisons du service rendu. Les entreprises de remorquage ont été toujours entièrement libres. Du jour où, gràce aux progrès de la construction mécanique d’une part, à l'amélioration des rivières d’autre part, la con- currence a pu s'établir, comme elle n’est pas pos- sible entre deux entreprises dont l’une a la liberté de ses prix, tandis que l’autre est astreinte à des tarifs connus à l'avance, comme, d'autre part, le maintien du touage était nécessaire vu l’impossi- bilité de modifier le régime des rivières en hiver, ila fallu transformer les cahiers des charges et donner la liberté de leurs tarifs aux compagnies de touage au-dessous de maximum tels que ce nouveau régime équivaut pour elles à une liberté autant dire absolue. C'est l’état actuel. Il se traduit par un abaisse- ment incontestable des prix de traction pratiqués il y a encore quelques années, si l’on considère la moyenne annuelle, mais seulement si l’on considère cette moyenne, car les différences entre l’été et l'hiver sont devenues plus grandes qu'elles A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 865 n'étaient avant. Pour l’industrie des transports, ce résultat est moins salisfaisant que celui qui serait obtenu si, par une cause quelconque, la concur- rence ne se produisait plus qu'entre entreprises exploitant les mêmes procédés, c’est-à-dire dans les seules conditions où elle puisse assurer la ré- duction maxima des prix. Ceci nous amène à examiner quels sont, tels qu'on les peut concevoir aujourd'hui, les progrès à réaliser par l’un ou l’autre moyen de traction. Pour les remorqueurs, les améliorations pos- sibles dépendent des progrès réalisés d'une part par les machines à vapeur, d'autre part par les appareils propulseurs. Les progrès de la machine à vapeur trouvent tout naturellement leur appli- calion immédiate sur les machines des remor- queurs au fur et à mesure qu'ils sont acquis. Ils ont été considérables dans les dernières années, et les remorqueurs de construclion récente ontles chaudières les plus perfectionnées en même temps qu'on y à appliqué aux machines le principe de la détente fractionnée. La plupart ont des machines Compound: les plus puissants {environ 300 chevaux sur la Seine) ont des machines à triple expansion; nous en pourrions ciler qui réalisent, pour une puissance de 200 chevaux, la triple expansion dans quatre cylindres, ce qui est peut-être aller un peu loin. Pour les propulseurs, sur les cours d’eau peu profonds, on se sert de roues à aubes; sur les autres, on emploie partout l'hélice ordinaire. Nous devons citer des essais en cours actuellement en Allemagne, pour remplacer l'hélice par un moteur à réaclion, non plus sous forme de pompe centri- fuge qui n'a jamais pour cet usage donné de bons résullals, mais sous formede turbine avec guidage rationnel de l’eau au moyen d’un aubage fixe et d'un aubage mobile. Ces essais (nous n’en connais- sons pas qui soient poursuivis en France) ne laissent pas d'être très intéressants, malgré la dif- ficulté de réaliser avec ces appareils la marche arrière: cette diflicullé n'est évidemment pas in- surmontable, il y aau moins une solulion possible, qui est de doubler ces appareils et d’embrayer à volonté soit ceux de la marche avant, soit ceux de la marche arrière. Des appareils de cette nalure pourraient être utilisés avecles tiränt d'eaulesplus faibles. Pour le touage, les difficultés sont d'un (out autre ordre. Nousavons dit que le toueur était à tout le moins apte à faire de la traction en descente, mais l’approprialion de l'appareil serait évidem- ment bien meilleure si ces bateaux pouvaient faire à la remunte du louage et à la descente du remorquage soit sur roues, soit sur hélices, si, en un mot, on pouvait en faire des toueurs-remor- queurs, capables de faire un service à deux voies sur une chaine unique en supprimant tous les in- convénients qui résultent de la rencontre sur la chaine des bateaux montants et descendants. Il y a longtemps que le problème est à l'étude. Le touage est né en France; tous les bateaux étrangers ont élé copiés sur ceux de la Seine. Tous obtiennent l'adhérence nécessaire au moyen de l'enroulement de la chaine sur les quatre à cinq gorges d'un double tambour, analogue aux doubles poulies d’un palan, qui exige moyenne- ment 50 mètres de chaine. Il est évidemment im- possible de jeter à l’eau 50 mètres de chaine à chaque voyage, à l’extrémilé amont du parcours. Il est économiquement impraticable qu'un toueur arrivé à l’amont emporte sur ses tambours ces 50 mètres de chaine pour les reposer à l'aval, car, de ce fait, la chaine en son ensemble cheminerait longitudinalement de 50 mètres par voyage chacune de ses parties viendrait à son tour se pla- cer aux points du parcours où la résistance est la plus grande, toute la longueur devrait donc être entretenue au même degré de résistance, la dé- pense résultant de cette obligation serait inabor- dable. C'est pour une grande part à cette cause que nous altribuons les difficultés qu'arencontrées l'exploitation du touage sur le Danube où l’on appli- quait celle manière d'opérer. Il faut done, pour qu'un toueur puisse devenir toueur-remorqueur, qu'il n'ait sur ses treuils qu'une très faible longueur de chaine, les deux ou trois mètres qui se peuvent toujours trouver partout aux dépens du mou existant sur la lon- gueur totale. Il ya une autre difficulté : au passage dans une courbe, la chaîne est ripée vers le centre de la courbe; après trois ou quatre passages de con- vois, elle viendrait sur la rive convexe. Dans la pratique habituelle, les toueurs descendant à vide, à grande allure, profitent de leur masse et deleur vilesse pour remettre la chaine en place. Avec un toueur remorqueur, qui ne fera jamais que monter sur la chaine, il faut que la remise en place se puisse faire pendant la remonte. C'est possible. Sans entrer dans des détails d'ordre un peu technique, nous dirons simplement que la chose est possible en donnant au foueur un frein et un réservoir à chaine qui permeltent d'évacuer par l'arrière moins de chaine qu'il n’en entre par l’a-, vant avant le passage en courbe et plus pendant ce passage. Le problème a été pratiquement résolu sur les toueurs du Danube, et c’est, que nous sachions, le seul progrès important qui ait été réalisé dansl'in- dustrie du touage hors du pays où elle est née. 866 Reste la première condilion à remplir. Elle a été tout récemment résolue par l'invention des poulies magnétiques capables de donner, entre lachaïne et l'appareil de louage, toute l’'adhérence nécessaire. La Compagnie du Touage de ia Basse-Seine et de l'Oise possède déjà un toueur de ce système qui fait, depuis trois ans, un excellent service : elle en va mettre deux autres en service let, d'ici peu, aura remplacé tout son ancien matériel par des toueurs remorqueurs à adhérence magnétique. Il faut ajouter qu'une solution différente basée sur l'emploi d'appareils uniquement mécaniques, mais dont il y a lieu de croire, étant donné leur mode de construction, que l'entretien en sera assez laborieux, a été imaginée tout récemment en Allemagne, et est à l'essai actuellement sur les toueurs de l’Elbe. à Nous ne parlerons pas du touage sur càble noyé remplaçant une chaine noyée; il est aisé de conce- voir que la trop grande légèreté du cäble doit constituer une difficulté en général insurmon- table, et c’est bien ce qu'ont montré les divers essais qui ont été faits de ce système, qui n’est resté en service que sur le Rhin, grâce à la nature du fond du lit dans la région où il est appliqué. 2. Repartition actuelle du touage et du remorquage. — Il y a en France des services de touage surla Seine, depuis Rouen jusqu'à Montereau, et sur l'Yonne. On fait du remorquage sur la Seine, l'Yonne, la Saône, un peu sur la basse Garonne et sur la basse Loire. Grèce à l'achèvement des grandes écluses, en remplacement des anciennes petites, sur l'Oise, le remorquage à vapeur commence sur cette rivière. Sur la Marne, où les écluses sont en- core pelites, on ne fait que du halage. À l’élranger, les grands bateaux du Rhin, qui portent moyennement 1.000 tonnes et sont très effilés, sont conduits à la remonte par de très puis- sants remorqueurs à roues, qui peuvent les hâler grâce à la légéreté due à leur forme. Il serait, croyons-nous, impossible d’y remorquer, en con- vois raisonnablement chargés, des bateaux aussi résistants que des péniches. Sur l’Elbe, le remorquage et le touage se trou- vent en concurrence comme sur la Seine. Sur le Danube, où le trafic en charge est surtout en des- cente, on ne fait plus que du remorquage. Sur la Tcheskna en Russie, il y a une entreprise de touage qui a été très prospère : la rivière ayant été com- plètement canalisée et la navigation ne pouvant avoir lieu qu’en été, c’est-à-dire en période de basses eaux, l'utilité du touage a singulière- 1 Ce sont ceux qui ont été décrits dans le numéro de la Revue du 15 mars 1896, postérieurement au dépôt du présent artiele. A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE ment diminué; le cas est bien caractéristique. En France, sur le Rhône, il n’y a encore rien : c'est cependant en vue de la navigation sur ce fleuve qu'ont été faits les premiers essais de touage ; mais, à l’époque même où il semblait que le succès pût être prochain, la construction des chemins de fer est venue diminuer l'intérêt que présentait la solution du problème. Nous n’insis- terons pas sur la description des nombreux essais anciens qui ont englouti dans ce fleuve des sommes considérables. Du fait de la rapidité de son courant, c’est un cours d’eau pour lequel il semble que le touage soit absolument indiqué. 11 y est resté longtemps impossible à cause des variations du chenal après chaque crue, telles que l’on élait exposé, la crue passée, à trouver une ile de gravier émergée au- dessus du parcours de la chaine. Depuis l’exécu- tion des travaux de régularisation, le chenal se trouve fixé; on est donc assuré de pouvoir toujours faire passer un bateau au-dessus de emplacement de la chaîne. Si celle-ci ne fait que s’enterrer lé- gèrement dans le gravier mobile du fond, ce sera tout bénéfice pour assurer le passage facile en courbe ; si, à la suite d’une crue, elle venait à s’en- terrer un peu profondément, il semble qu’un toueur montant sans convoi la pourrait toujours relever. Quelques expériences faites par le Service des Ponts et Chaussées paraissent avoir donné à ce point de vue des résultats encourageants. Cepen- dant les entreprises de navigation actuellement existantes sur ce fleuve, par crainte persislante de l’engravement de la chaine, mettent à l'essai en ce moment un procédé différent. Des remorqueurs puissants (750 chevaux) conduiraient, dans les par- ties les plus faciles, des convois de 500 tonnes, qui, aux passages difficiles, seraient repris parquel- ques toueurs à càble d’un fonctionnement tout particulier. Ces toueurs portent à bord un treuil capable d'enrouler 12 kilomètres de câble; ils doi- vent descendre le matin en déroulant leur câble et remonter immédiatement en le relevant, de sorte. qu'il ne soit laissé que très peu de temps sur le fond. Il est certain qu’un bateau, tenu par le câble seulement de l'avant, aura beaucoup plus de faci- lité à gouverner qu’un loueur marchantsur chaine noyée. Bien des bbjeclions cependant peuvent être faites à la conception que nous venons de définir: la faiblesse du tonnage remorqué en un convoi comparable, vu la puissance des loueurs projetés, à celui d’un train de chemin de fer; les difficultés matérielles d’enroulement depareilles longueurs de càbles; l'organisation d’un vérilable service en relais, alors qu'il est impossible, en matière de na- vigalion, d'assurer une suflisante régularité de marche; la disproportion entre l'importance du A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 867 matériel à créer pour un service de ce genre et sa capacilé de transport. L'expérience pratique mon- trera, d'ici peu, si ces objections sont ou non fon- dées. En cas de succès, surtout s'il aboutit à la création d’un service public de traction, le Rhône entrera enfin effectivement dans le réseau des voies navigables françaises, et ce sera un grand progrès. . En cas d’'insuccès, il restera encore, comme res- source immédiate, la possibilité de tenter le touage sur chaine qui, croyons-nous, en l’état actuel du fleuve et avec les appareils nouveaux permettant la construction de toueurs-remorqueurs, aurait des chances sérieuses de réussir. $ 2. — Traction sur les Canaux. Les procédés de traction sur les canaux doivent, pour rester dans des limites de prix possibles, étre tels que les bateaux obligés d’écluser un à un soient conduits isolément. Exception pourrait être faite sur des canaux où les biefs auraient tous même longueur, et une longueur telle que le temps nécessaire pour écluser un convoi soit juste celui nécessaire à un remorqueur quelconque pour me- ner un convoi égal d'une écluse à une autre. Ce sont des conditions qui ne peuvent. se rencontrer que bien exceptionnellement. Nous ne connais- sons en France, qui soit dans ce cas, que le canal latéral à l'Oise où un service de touage à va- peur est actuellement projeté. 1. Halage. — En fait, il y a encore en France quelques cas, heureusement de plus en plus rares, où la traction est faite à col d'homme ou par un âne ayant son écurie à bord, et que le marinier aide parfois. En règle générale, la traction est faite par des chevaux ; c'est le seul moyen qui, jusqu'ici, ait permis de satisfaire convenablement à la condition indiquée ci-dessus. Quelques mariniers ont leurs chevaux à eux, logés à bord : ils sont assez rares : la pratique montre que, à cause des jours d'arrêt très nom- breux, il est au moins aussi avantageux de louer des chevaux dans la région traversée : cela ne fait que confirmer ce que nous avons dit, dans notre premier article, de la nécessité de séparer le bateau porteur du moteur, et n’est pas pour encourager . quelques tentatives actuelles d'installation, à bord . des bateaux, de moteurs à gaz ou à pétrole. Sur les canaux à fréquentation modérée, les mariniers n'ont pas d’autre ressource pour se faire haler que leurs chevaux à eux ou ceux qu'ils louent aux paysans de la région. Sur les canaux à grande fréquentation, pour éviter l'encombrement et faire produire au canal tout son rendement possible, l'Administration des Travaux publics, après de multiples fentatives d'organisations différentes, s’est trouvée conduite à créer des relais de halage et à les concéder à des entrepreneurs avec un monopole absolu, tel que les mariniers qui auraient des chevaux à eux n'ont pas le droit de s’en servir sur ces parcours. C'est de cette façon qu’on est arrivé à débiter sur lecanal de Saint-Quentin, avec des écluses simples, plus de 20.000 bateaux par an, et c'est le moyen qui, avec la plus grande régularité du service, assure les prix de traction les plus réduits qui soient pratiqués sur aucune des autres voies du réseau. Ce système fonctionne sur la ligne du Nord à Paris depuis Douai, sur la ligne de Belgique à Paris depuis la frontière, pour l’une et l’autre jusqu’à Chauny, origine du canal latéral à l'Oise. Quelque tort que cela puisse faire à certaines théories trop absolues, et quoique le seul mot de monopole suflise aujourd'hui à provoquer de véhémentes protestations, force est de recon- naitre qu’en l'espèce aucun autre régime ne don- nerail des résultats comparables. Le régime normal des canaux étant celui que nous venons d'indiquer, il reste des points parti culiers, les biefs de partage avec souterrains, qui nécessitent une organisation spéciale. En raison de leur prix élevé, ces souterrains sont à la largeur des bateaux, tout croisement y est impossible, et, la voie élant à pelile section, la résistance à la traction est considérable. Cela seul y rendrait le halage très onéreux ; de plus, faute de place pour une banquette assez large, il est impraticable. Il faut, du reste, pour arriver à un débit suffisant, trainer les bateaux en convois, certaines heures étant réservées pour les passages dans un sens, et d’autres pour lespassages dans un sens inverse. Sur ces points particuliers, la traction est faite par les soins de l'Administration des Ponts et Chaus- sées, au moyen de loueurs à vapeur ordinaires si le souterrain est assez bien ventilé (St-Quentin), ou de toueurs avec chaudières sans foyer. Au canal de Bourgogne, M. Galliot a fort heureusement remplacé l’ancien toueur par un toueur à moteur électrique, qui utilise la chute des eaux d'alimentation du canal, et a résolu ainsi l'une des plus remarquables applications de l’é- lectricité à la navigation. 2. Traction mécanique. — Tel est l’état actuel ; mais il ne satisfait personne, hors peut-être les entrepreneurs de halage, et une des questions qui préoccupent le plus ceux qui s'intéressent aux choses de la navigation, est celle de la substitu- tion au halage des moyens mécaniques de traction. Le problème est fort difficile. Il faut toujours satisfaire à la condition indiquée plus haut, que 568 les bateaux soient conduits isolément. Il n'y a pas apparence que l'on oblienne des réductions bien sensibles sur les prix actuels, qui sont tombés entre 2et 3 millimes la tonne kilométrique sur les canaux où le halage est concédé ; encore faut-il ne les dépasser et, si possible, ne pas les atteindre. Le profit réel devra venir d'une légère augmentation de vitesse, qui, en permettant au marinier de faire plus de voyages dans le même temps, le conduira à abaisser le prix du fret:il viendra plus encore de larégularilé beaucoup plus grande du service, qui procurera aussi, pour sa part, un gain de vitesse, et surtout assurera une meilleure utilisation des voies. Il faut, en outre, que le procédé quelconque quisera mis en œuvre garantisse le passage rapide et facile aux écluses où la résistance est très grande : car c'est évidem- ment du débit des écluses, et non de la vitesse de marche que dépend le débit possible d'un canal. Avec le halage on a, aux écluses, des chevaux de renfort, il faudra avoir leur équivalent. Il faut enfin qu'il n'y ait, pour l'éclusage d'un bateau, pas plus de manœuvres d’écluses qu'avec le bateau halé de la berge. Tous les procédés (ilen a été proposé et essayé plusieurs) consistant à faire haler le bateau par des machines circulant sur le chemin de halage — locomotives sur rails et locomotives routières — semblent condamnés à l’insuccès. Ils augmentent beaucoup le coût d'établissement du chemin de halage, nécessitent avec la machine un conducteur qui en accroît le loyer journalier, et, s'il s’agit de locomotive à vapeur, mettent en œuvre un mé- canisme qui n’est nullement approprié au dévelop- pement d'un effort faible, en valeur absolue, à petite vitesse, On a proposé, en Amérique, descha- riots à moteur électrique circulant sur une voie aérienne posée le long des berges : ceux-là pour- raient être manœuvrés du bord de l’embarcation par le marinier lui-même; mais il semble que la voie doit être assez coûteuse pour un moteur à qui il faut demander ? ou 3 chevaux au moins de puissance à vitesse normale et, par moments, à vitesse réduite, des efforts correspondant à un tra- vail qui serait au moins double si la vitesse était conservée. Ce ne sont là, du reste, autant que nous pouvons le savoir, que des projets, el il doit rester bien des difficultés à vaincre pour les faire entrer dansla pratiqne. De nombreux inventeurs ont proposé l'emploi de càbles sans fin, dont les deux brins, marchant en sens inverse l’un de l’autre, sont tenus en mou- vement le long des deux berges d’un canal, de facon que les bateaux montants et descendants puissent s’accrocher sur l’un ou sur l’autre. Un moteur fixe peut suflire à actionner les càäbles de pas A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE deux seclions consécutives pouvant avoir chacune 10 à 12 kilomètres. Les tentatives les plus récentes et les plus notables dans cette voie, sont celles de M. Oriolle et de M. Maurice Lévy. La différence es- sentielle entre les deux méthodes est la suivante : M. Oriolle emploie un càble à peine tendu et dis- pose les poulies qui le reçoivent sur des supports arliculés, de façon que, pour qu'il n’y ait pas dé- raillement, la poulie puisse toujours se placer dans le plan des brins entrant et sortant du càble. M. Maurice Lévy, au contraire. emploie un càble tendu assez vigoureusement pour que la résultante de sa tension propre lrès grande, et de la tension de la remorque qui lire un bateau, très faible par rapport à la précédente, soit à peine inclinée sur la direelion du câble, assez peu pour ne pouvoir pas provoquer de déraillement. L'un et l’autre système, celui de M. Lévy surtout, ont, élé au cours de ces dernières années, l’objet d'épreuves très intéressantes et très complètes, qui ont montré qu'en fait les principales difficultés de réalisation se trouvaient surmontées : celle même qui résulle du mouvement de rotation que le câble en marche prend autour de son axe et qui risque de produire entre lui et la remorque qui traine le bateau une solidarilé dangereuse, a été à tout le moins atté- nuée, grâce aux artifices imaginés par M. Lévy pour l’attache de la remorque. Il est done permis de considérer que la traction funiculaire appliquée au halage des bateaux, est, ou est bien près d’être pratiquement réalisable : ce n’est pas, cependant, qu'il y ait là un système offrant des avantages assez manifesles pour faire renoncer à chercher, dans d’autres voies, des solutions différentes ; sans insister, en eflet, sur l'étude des détails, on peut préférer des moyens qui n'obligent pas à tenir en mouvement un long càble échappant, sur presque toute sa longueur, à la surveillance directe de ceux qui le conduisent el à melire en marche toujours le même ensemble d'appareils, quel que soit le nombre de bateaux en route. Le problème de la traction mécanique se rame- nant à une question de distribution de force à toutes les embarcations réparties le long d'un canal, chacune n’en ayant à recevoir que très peu, il était inévitable qu'on en vint, à une époque toute récente, à songer à l'emploi de l'électricité. Nous avons indiqué les inconvénients qu'il y aurait, au point de vue du prix de revient, à doter chaque bateau porteur d’un mécanisme de pro- pulsion coùleux, et exigeant, pour le mener, un homme en plus de celui qui conduit le bateau. Ces inconvénients se trouveraient atténués sile moteur se réduit à une machine dynamo capable de prendre son courant en route, à la façon des tramways électriques, d'autant plus que c’est là une machine [Cm SE ASS Me 0 fes EME on À dar hs: cm Je s qe A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE légère, peu encombrante et assez maniable pour que le marinier, sans aucun secours élranger, puisse, après un bien court apprentissage, être en élat de la manœuvrer lui-même. Il est possible de les atténuer bien plus encore, en organisant le mécanisme de propulsion de telle façon qu'il soit indépendant de l'embarcation, que celle-ci puisse le prendre simplement pendant son passage en canal, sans en être surchargée au point que le chargement doive être diminué d'une façon sen- sible, et sans que ces dimensions en plan, arrèlées d'après celles des écluses, en soient modifiées. Avec une organisation de ce genre, les machines employées, adaptées successivement à tous les bateaux qui se présentent, peuvent êlre en service continuel et donner, par conséquent, leur travail au moindre prix. Les systèmes les plus récem- ment proposés pour la traction mécanique des bateaux dérivent de cette conception : l’un repose sur l’usage de l'hélice comme propulseur (M. Bus- ser et M. Gaillot); l’autre, indiqué par nous-même, suppose l'emploi du touage : l’un et l'autre com- portent la production de courant par quelques slalions centrales, avec utilisation, s’il y à lieu, des chutes d'eau pouvant exister ou être amé- nagées sur le parcours, et sa distribution le long de la voie au moyen de lignes aériennes, — l'emploi d’accumulateurs, en leur état actuel, devant être à coup sûr beaucoup trop onéreux. M. Gaillot dispose la dynamo motrice dans le gouvernail et l’hélice, reliée, par une transmission de mouvement convenable, à l'extrémité de ce gouvernail la plus éloignée du bateau. Il évite ainsi, autant que possible, les inconvénients provenant du défaut de formes des embarcations de canal, d’où résulterait, si l'hélice était posée immédia- tement contre la paroi arrière, un rendement tout à fait déplorable. Des essais ont élé faits, il y a quelques mois, sur la Seine et sur le canal de Bourgogne. Le gouvernail ainsi armé peut être posé à l'arrière d’une embarcation quelconque. Nous avons proposé un appareil de touage léger et très peu encombrant, caractérisé spécialement par l'emploi d’une poulie magnétique de touage qui dispense entièrement de tout calibrage de la chaîne. La force motrice est fournie par une dyna- mo reliée à la poulie par une transmission de mou- vement (engrenages ou vis sans fin) réalisant une réduction de vitesse convenable. Le tout peut être posé vers l'avant, à bord d’un bateau quelconque ; et, à condition qu il y ait deux chaines noyées dans le canal, une pour les bateaux montants, l’autre pour les bateaux descendants, le marinier, avec un appareil comme celui-là, et sans aucun con- cours étranger, peut aller, venir et s’arrêler avec une indépendance complète. 869 Le touage a, par rapport à l'hélice, l'avantage de ne pas agiter l’eau, de faciliter beaucoup, par conséquent, l'entretien du canal ; du fait de son rendement propre, très supérieur, et du rendement que l’on peut, d'autre part, attendre de la distri- bution électrique, il assure une économie de tra- vail fortimportante, bien plus que suflisante pour payer la dépense de la chaîne dès que le trafic a quelque importance. Or, il est à peine besoin d'ajouter que des instal- lations mécaniques aussi considérables que celles qu'il faudra pour assurer la traction tout le long d'un canal, coûteront fort cher et ne pourront être payées que si la dépense se répartit sur un trafic considérable : autrement dit, elles n'intéressent que les canaux à grande circulation. Dans toute organisation comportant distribution de courant à des bateaux en cours de route, comme ceux-ci ont besoin d'une assez grande liberté d’al- lures pour obéir à l'action du vent ou éviter des obstacles possibles, la prise du courant sur une ligne aérienne ne sera jamais bonne si elle est faite par un trolley en dessous, analogue à celui des tramways. Cette raison, d’autres encore, doivent faire préférer l'installation des lignes sur les berges et la prise de courant par chariot rou- lantsur la ligne et relié au bateau par un conduc- teur souple et extensible. La chose à priori ne pré- sente pas d'impossibilité, et, au cours des essais que nous avons eu occasion de faire, a fort bien fonctionné. Tel est l’état actuel du problème de la traction mécanique des bateaux sur les canaux : en peu d'années, il a été l’objet d’études qui l’ontmissiau point qu'on peut dire qu’il y a maintenant des pro- cédés véritablement praticables, Quand il s'agira de les pratiquer effectivement, de passer de la pé- riode d'essais à celle d'exploitation, une autre question, d'ordre différent, sera immédiatement soulevée: celle de l'organisation des entreprises de traction. Nous avons vu que, pour la traction des chevaux, on n’avait pu, dans certains cas, obtenir de bons résultats que d’une monopolisation très stricte du halage. De par la nature même du tra- vail à faire, les entreprises, il est vrai, peuvent être fractionnées en parcours assez réduits, et les con- cessions n'être données que pour de courtes pé- riodes ramenant à intervalles rapprochés des adju- dications nouvelles. Une organisation de traction mécanique sera autrement dispendieuse. De façon ou d'autre, il faudra bien compter de 20 à 25.000 francs par ki lomètre, il lui faudra exploiter de longs parcours, et elle ne pourra pratiquer des prix bas que s'il y a un trafic très considérable, et des prix certains, que si elle a quelque assurance au sujet du trafic 870 qui s’adressera à elle. Il y a donc toute apparence qu'elle ne réussira à s'organiser qu’à la faveur d'un monopole sous une forme quelconque : quel- ques abus qu'aient pu produire des régimes de ce genre, ces abus ont pu être la conséquence d’une organisation mauvaise el non pas nécessairement du prineipe lui-même. Le mot seul cependant suffit aujourd'hui à soulever des protestations peut-être pas toujours très réfléchies; la chose n'ira donc pas sans des difficultés certaines: on aura à lutter contre des principes absolus, d'ordinaire trop dé- daigneux des nécessités pratiques. Il. — PERSONNEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE. — MARINIERS ET ENTREPRISES DE TRANSPORT. — PRIX DU FRET. Nous avons dit, plus haut, quel était le chiffre considérable du tonnage transporté annuellement sur les voies navigables françaises. Comme bien on pense, tous ces transports ne se font pas sans né- cessiter le concours de toute une population ou- vrière qu'ils font vivre. Laissant de côté tout le monde des affréteurs qui n'appartient pas à la ca- tégorie des ouvriers, les chargeurs et déchargeurs, les charretiers conduisant les chevaux de halage, il est possible d'évaluer à au moins 10 à 12.000 le nombre des mariniers proprement dits conduisant leurs embarcations et constituant une classe toute spéciale de travailleurs. S 1. — Mariniers et entreprises de transport. Il n’y a, au point de vue de l’utilisation, aucune analogie possible entre le bateau et le wagon. Le premier, sur un réseau comme celui que nous avons en France, voyage isolément sur la plus grande partie de son parcours. Lors même qu'il est sur une rivière remorqué en convoi, il n’est pas guidé sur des rails et a besoin de quelqu'un pour le con- duire, Comme son chargement représente facile- ment celui de 20 à 30 wagons, il n’en résulle pas une dépense exagérée de main-d'œuvre, et c’est, en lous cas, une obligation. D'autre part, nous avons fait remarquer qu'il n'ya aucune nécessité que le bateau remorqueur et le bateau porteur appartiennent à une seule el même entreprise. La chose est évidemment pos- sible ; il n’est pas démontré, tant s’en faut, qu'elle doive donner le maximum d'économie; elle reste en France actuellement à l’état d'exception. En fait, la plupart des bateaux employés au transport des marchandises sur les voies navi- gables françaises, appartiennent au marinier qui les conduit, qui y habite,avec sa famille, un loge- ment singulièrement exigu, mais presque toujours remarquablement tenu, et qui, souvent, n’a pas d'autre domicile. Il mène là une existence no- A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE made, plus dure que toute autre, exposé à toutes les intempéries et à mille causes d'accidents : durant la route, chaque journée voit se succéder les longues heures où l’embarcation va presque toute seule au pas des chevaux de halage, puis les passages aux endroits rétrécis ou encombrés qui, au contraire, exigent de lui des manœuvres par- fois pénibles, toujours délicates. Atteint-il par jour le chiffre, maintenant fatidique, de 8 heures de travail effectif ? ILest permis d’en douter; mais, par contre, il est astreint couramment à 10, 12, el même 15 heures de présence à son gouvernail, prêt à parer à toute éventualité qui puisse surgir. Comme tous les autres, naturellement, le métier exige un long apprentissage, mais cet apprentis- sage, le marinier l’a commencé dès sa plus tendre enfance, dès qu'il a eu les jambes assez solides pour que sa mère lui ait permis de courir sur le plat-bord du bateau, car presque tous,sinon tous, sont fils de mariniers. Si leur existence a, à bien des égards, des côtés M pénibles, par contre ces hommes sont à la fois des ouvriers el de vrais entrepreneurs de transports : leur instrument de travail leur appartient pleine- ment, ils vivent chez eux avec leur femme et leurs enfants, ayant échappé compiètement à l’embri- gadement dans quelque vaste entreprise el à l’agglomération dans l’usine. Ce sont là des conditions de travail qui, malheu- reusement, ne se peuvent plus que trop rarement réaliser en l’état actuel de l’industrie, dont on doit d u moins souhaiter qu'elles puissent se maintenir là où elles existent, et, en l'espèce, il faut pour cela que le batelier isolé, possesseur d’un seul bateau, soit assuré de trouver partout la traction qui lui est nécessaire. Pour être de beaucoup le plus nombreux, le marinier dont nous venons de parler n'est pas seul à fréquenter les voies navigables, et il y ren=" contre son principal concurrent dans les bateaux appartenant à des Compagnies de transports, assez nombreuses autrefois, aujourd’hui diminuées en nombre mais augmentées en importance par suite de diverses fusions. lei, le bateau appartient à la Compagnie, il est conduit par un ou plusieurs hommes à ses gages, et, d'ordinaire, trainé par des remorqueurs qui lui appartiennent également. Ainsi organisée, une entreprise de transports, constitue un tout complet qui peut se suffire à lui-même, contre lequel le marinier ne peut lut- ter que parce qu'il trouve, pour le mener, d’autres entreprises qui font uniquement du remorquage soit avec des remorgueurs, soit avec des toueurs. A ces dernières, qui ne peuvent exploiter qu'en vertu d’une permission, le cahier des charges qui leur est imposé, par suite de l’octroi de la permis- A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE 871 sion dont elles jouissent, restreint plus ou moins, quand il ne le supprime pas,le droit de faire des transports pour leur compte, et ce qui précède suffit à faire comprendre que cette précaution est prise au profit du marinier indépendant. Il est permis de conclure de là, et c'est bien ce que semble confirmer la pratique, qu'à la seule condition d'être assuré de se pouvoir faire trac- tionner, lé marinier indépendant se trouve dans le cas de pouvoir sûrement lutter contre la concur- rence des compagnies detransports et, étant don- nées les conditions dans lesquelles nous avons vu qu'il travaille, il n’y a manifestement pas lieu dele regretter. Ce n’est pas du reste que le métier de marinier soit fort rémunérateur ni cependant que les prix aient atleint le minimum dont ils sont suscep- Libles. $ 2. — Prix de fret. Le fret que touche un marinier pour un voyage, est absorbé en somme : 1° Par les dépenses de traction et d'assurances; 2% Par ce qu'il paie aux pilotes qui le conduisent sur une partie de son parcours ; 3° Par la rémunération à donner aux affréteurs; 4° Par ce que lui coûte sa vie pendantun voyage. 4. Traction. — Le coût de la traction est modéré. Sur les canaux du Nord, où le halage est concédé, il varie de 2 à 3 millimes la tonne kilométrique selon les canaux; les prix sont fermes. Là où le halage est libre, les prix sont plus variables, mais, en moyenne, se Liennent aux environs de 0 fr., 003 la tonne kilométrique. Sur les canaux de l'Est, où la fréquentation est moindre, ils varient de 2 à 5 millimes. Sur l'Oise, où la fréquentation est considérable, les prix de halage sont moyennement de 2 à 2 1/2 millimes en descente, et de ÿ en remonte. Sur la basse Seine, avant l'introduction du touage, ils étaient d'environ 3 centimes en re- monte. Le touage installé, ils ont été longtemps de 1 centime {c'était alors un prix ferme toute l’an- née) ; plus tard, après l'achèvement des premiers travaux de régularisation, ils ont été de 10 à 14 mil- limes en hiver et de 7 en été. Actuellement, la concurrence étant plus active que jadis entre les diverses entreprises, ils varient de 14 à 15 mil- limes en hiver à 2 à 3 en été; la période des prix élevés étant notablement plus courte que celle des prix bas, le tarif moyen est à coup sür très infé- rieur à ce qu'il était autrefois, ce qui est tout natu- rel, étant donnée l'amélioration du fleuve; mais cette moyenne n'est réalisée que par de grands écarts entre les prix extrêmes. Mais, en somme, soit avec des prix fermes là où il y a halage monopolisé, soit avec des prix va- riables, là où il y a régime de liberté, les tarifs sont, on le voit, très bas, sur les voies à grande fré- quentalion. lls restent bas sur la haute Seine, s'élèvent da- vantage sur l'Yonne où ils arrivent, en remonte, à dépasser 15 millimes, et sur la Saône, où ils sont, d'ordinaire, de 10 millimes en descente, et de 15 à 18 en remonte. Sur le Rhône, quand la Compagnie yenérale de Navigation consentait à remorquer d’autres ba- teaux que les siens avec ses grappins, elle faisait payer de 30 à 60 millimes la tonne kilométrique. Ces dernières voies (Yonne, Saône, Rhône) sont relativement peu fréquentées, assez peu pour qu'il n'y ait pas là d'organisation complète, ce qui faci- lite l'absorption de fait par quelques sociétés qui y créent ainsi un monopole à leur profit et main- tiennent des prix hauts. En cet état, elles intéres- sent les Compagnies de transports plus que les mari- niers indépendants. Le halage sur les canaux du Centre et sur le canal de Bourgogne, moins fréquentés que les voies du Nord, est naturellement à un prix plus élevé que sur ces dernières, et on peut l'eslimer à 4 ou à millimes la tonne kilométrique. Ces prix, en l'élat actuel, sont-ils exagérés? C'est surtout pour les voies à grande fréquentation que la question est intéressante, et pour celles-là au moins, nous estimons que l'on peut répondre non. En dehors des Compagnies de transports et de celles qui ne font que de la traction, il existe, sur la Seine, une organisation de remorquage réalisée par une société mutuelle de mariniers qui, volon- tiers, se croient victimes des tractionneurs, etont pensé ainsi leur échapper. Or, cette sociélé ne vit que parce que ses adhé- rents se paient à eux-mêmes des prix sensiblement plus élevés que ceux qui sont praliqués par les autres entreprises, et aussi que ceux qu'ils font payer aux mariniers non sociélaires, ce qui ten- drait bien à prouver que ces derniers n’ont rien d'excessif. En réalité, ce n’est pas de là, pensons-nous, que viennent au budget des mariniers des surcharges excessives, pas plus, du reste, que des prix des assurances qui, étant l’objet d’une concurrence assez active, se tiennent bas. 2, Pilotage. — Nous n’en dirons pas autant du pilotage. En canal, le marinier conduit seul son bateau : enrivière, le règlementexige deux hommes à bord, et il prend un pilote qu'il nourrit, et paie parfois très cher. Pour les voyages du Nord à Paris par exemple, ce pilotage s'exerce sur l'Oise et la Seine, c'est-à-dire sur moins de moilié du parcours. Il coûte souvent plus cher que la trac- tion sur la même partie du parcours, c'est-à-dire là justement ou celte traction exige la plus grande dépense de travail. Pour paradoxal que cela puisse paraître, ce n’en n’est pas moins vrai. Or, si le marinier, vivant toujours à bord de son bateau, voulait bien se donner la peine de se mettre en état de le conduire en rivière (et il n'y aurait rien là quiexigeàt de lui des capacités extraordinaires) au lieu du pilote qui, embarqué, devientun maitre, il pourrait se contenter d’un aide, moins encom- brant et moins coûteux ; il pourrail y avoir là une source d'économies appréciables. 3. Affrètement. — À la recherche de marchandises à transporter, le marinier les ya demander à des affréteurs qui, pour paiement du service rendu, prélèvent en moyenne 3 °/, du montant de ce que peut lui rapporter un voyage. On peut se deman- der si ce n’est pas une dépense exagérée, s'il n'y aurait pas là quelques réductions à espérer. 4. Durée du voyage. — Reste enfin la durée’ du voyage : là aussi il y aurait à gagner et beaucoup! En fait, les mariniers qui font d'habitude les transports de charbon du Nord sur Paris, soit un parcours d'environ 350 kilomètres, ne font moyen- nement que quatre voyages pendant une année qui comporte de 10 à 10 1/2 mois de navigation possible. À coup sür, on peut gagner beaucoup et, si, de quatre voyages, on passait seulement à six, il est visible que le prix du fret pourrait s'en abais- ser considérablement, puisque ce serait presque un mois de l'existence du marinier et de sa famille, dont chaque voyage se trouverait allégé. Il y a donc là, on le voit, toute une série de pro- grès possibles dont la réalisation meltrait le mari- nier ordinaire en infiniment meilleure posture vis- à-vis des compagnies de transports, el abaisserait sensiblement le coût des transports par eau. A ce point de vue, la mise en service de procédés de traction mécanique sur les canaux aurait une extrême imporiance; l’unificalion des voies navi- gables en aura également, mais cependant nous en avons dit assez pour montrer que ce n'est pas là le seul élément de la question, En fait, les transports du Nord sur Paris coûtent environ 14 millimes la tonne kilométrique. Or, en Amérique, sur le canal Érié, où, ilest vrai, la voie esL assez large et les écluses assezgrandes et assez rares pour qu'il aitélé possible d'y organiser le remorquage à vapeur, le parcours annuel d'un ba- A. DE BOVET — L'ÉTAT ACTUEL DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN FRANCE teau est de 10.000 kilomètres (au lieu de 2.500 à 3.000), et on arrive à des frais de transport de 6 à 7 millimesla tonne kilométrique! (Sur la rivière Ohio, en descente, ilest vrai, on arrive à un prix, de près de 1 mill. 6 par tonne kilométrique.) Il est juste d'ajouter que letrajet étant de près de 500 ki- lomètres, les arrêts au chargement et au déchar- gementontproportionnellement peu d'importance, que la voie offre des conditions de circulation plus faciles que nos canaux, que le fret de retour est plus abondant que chez nous: il n'en parait pas moins possible que la grande différence que nous venons de signaler se puisse allénuer. Quoi qu'il en soit, en l’état actuel, le prixei-des- sus représente pour les mariniers fréquentant les voies du Nord et du Nord-Est (ce sont les plus nombreux) à raison de 4 voyages par an du Nord sur Paris, une recelte brule d'environ 5.000 francs, sur laquelle, après avoir soldé toutes les dépenses énumérées plus haut, il faut encore payer ses cordes et agrès, les réparations du bateau et, vivre. 3 Il est permis de croire quesi, avec un peu plus. d'activité, le marinier obtenait un accroissement important de sa recette brute, même en faisant profiter expéditeurs et destinataires de prix de fret plus réduits, il pourrait, en outre, augmenter ses ressources personnelles. A. de Bovet, Ingénieur des Mines. Directeur de la Compagnie de Touage de la basse-Seine et de l'Oise. x Bibliographie. TourAsse ET MELLET. — Essai sur les baleaux à vapeur. Paris, Mahler, 1829. Larousse. — Traité du Touage sur chaîne noyée. Paris, Baudry, 1866, CHANOINE ET DE LAGRENÉ. — Mémoire sur la traction des bateaux. (Annales des Ponts et Chaussées, 1864). De LAGRENs. — Cours de navigation intérieure. Paris, Dunod, 1871. Moneaux. — Dtudes sur la navigation du Rhône. Paris, Baudry, 1883 et 1890. B. ne Mas. — Recherches expérimentales sur le matériel de la Batellerie. Paris, Imprimerie nationale 1891- 189%. - Maunce Levy gr Pavie. — Etude des moyens mécani- ques et électriques de traction des bateaux. Paris, Impri- merie nationale 1894. Statistique du Ministère des Travaux Publics. Rapports et Comptes Rendus des Congrès de Navigation intérieure : 4° Bruxelles 1885. — 2° Vienne 1886. — 30 Francfort 188$. — 4° Manchester 1890. — 5° Paris 1892. — 6° La Haye 1894. 12 Rapport du Congrès de l’utilisation des eaux flu- viales. Paris. 1889. Rapport du World's Colombian Water Commerce Congress. Chicago, 1890. A. de B. D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 813 617 ! 618 | La sérothérapie et la toricothérapie, qui, l'an der- nier, avaientsoulevé de si nombreux travaux, sont actuellement expérimentées d'une manière assez générale, mais n’ont guère été l’objet de travaux nouveaux importants. Cest là une question que nous retrouverons certainement plus tard; pour l'instant, nous pouvons nous en tenir aux conelu- sions que nous avons posées dans notre dernière revue !, nous contentant de mentionner les tenta- tives nouvelles de séro/hérapie faites par Albarran et Mosny contre l’infeclion urinaire. Par contre, dans nos diverses sociélés scienti- fiques, à la Société de Biologie, à la Société de Chirurgie, à l’Académie de Médecine, nous trou- vons à l’ordre du jour la question des injections massives de sérum artificiel, qui semble avoir cette année préoccupé un grand nombre de chirurgiens. Injections massives de sérum. — L'idée de faire pé- nétrer dans l'organisme de grandes quantités de liquides salins n’est pas nouvelle. Dès1830, Joehr- nichen (de Moscou) pratiquait ces injections dans la période algide du choléra. Landerer en 1881, Sahli en 1890, Richardson et Hytler en 1891 les préconisaient dans le traitement de l’anémie aiguë des grandes hémorragies. En 1892, Pilcher (de Brooklyn) publiait un travail sur les injections intra-veineuses de solutions salines comme traitement du choc et de l’anémie aiguë. La question était en même temps étudiée expéri- mentalement, en 1888 et 1889, par Dastre et Morat, qui montraient que, par des injections intra-vei- neuses, on faisaitun véritable lavage du sang, mais qui cependant n’en obtenaient pas des résultats favorables chez les animaux infectés ouintoxiqués. Les sérums d'animaux ayant des propriétés toxiques, et l’eau distillée altérant les éléments his- tologiques du sang, on a, le plus souvent, recours soit à une solution de chlorure de sodium dans l’eau distillée à 7 °/,,, soit à une solution de chlo- rure de sodium 5, sulfate de soude 10, eau 1.000, solution que l'on stérilise par un passage à l’aulo- clave à 120° ou par une ébullition de 20 minutes à une demi-heure. L’injection doit être faite à la tempéralure du corps ; comme elle perd quelques degrés pendant les manipulations, on la prépare à 40°. Le liquide est injecté à la dose de 300 à 1.500 grammes, soit dans une veine, soit simplement dans le Lissu cel- lulaire. 1 Voir Revue générale des Sciences, 1893, p. 937. REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE Sans vouloir insister sur les diverses opinions exprimées, nous dirons simplement que ces injec- tions massives de solutions salines sont actuelle- ment employées dans deux conditions différentes, soit chez les sujets en état de choc ou d’anémie aiguë, soit dans les cas d'infections ou d'intoxica- tions. Contre le choc oul’anémie aiguë, l’action desin- jections salines n’est pas discutable. Contre les in- fections et les intoxications, elle est moins nette : Lejars, Delbet, Duret, Jayle,Tuffier, Michaux, Poz- zi, etc. en ontobtenu de bons résultats ; pour notre part, nous avons été moins heureux; et, si, après les hémorragies graves, dans le choc, nous avons obtenu des résultats excellents des injections mas- sives de solutions salines, il n’en a pas étéde même dans lesinfections (péritonites) et dansles intoxica- Lions (coma diabétique ou hépatique par exemple); dans ces cas, nous n'avons noté aucune améliora- tion. Il faut toujours surveiller l’élat des reins et du cœur, leur mauvais fonctionnement contre-in- diquant l'emploi des injections salines massives. Rayons X. — Une autre question toute d’actua- lité est celle de l'emploi des rayons X en Chirurgie. La découverte de Rôntgen ne pouvait manquer de trouver rapidement son application. On ne compte déjà plus les cas où la photographie a permis de préciser la situation exacte d’un corps étranger, et cela, non seulement pour des corps étrangers des membres, mais encore pour ceux inclus dans la cavité cranienne ou même dans des cavilés plus grandes, un corps étranger de la partie thora- cique de l’æœsophage chez un malade de William White. Desexpériences, faites sur descadavres dans le service du Professeur Guyon, tendraient même à démontrer que l’on peut arriver à photographier des calculs inclus dans le parenchyme du rein. Jusqu'ici il semble cependant que ce soit sur- tout dans l’étude des affections osseuses el articu- laires que la photographie par lesrayons X semble appelée à rendre des services. I. — CRANE ET RACHIS, Tumeurs cérébrales. — Rarement praliquées dans notre pays, les opérations pour tumeurs cérébrales semblent se multiplier à l'étranger, en Allemagne, en Amérique, el surtout en Angleterre. Les tra- vaux récemment publiés ont principalement porté sur la technique opératoire et sur le diagnostic de ces tumeurs. Keen, Horsley et Mac-Ewen conseillent d'opé- 814 D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE rer en deux temps, pour éviter les accidents de choc. Dans un premier temps on ouvre la boîte cranienne, puis, sans inciser la dure-mère, on ré- applique le lambeau cutané; trois ou quatre jours après, on désunit le lambeau, on incise la dure-mère et l’on s'attaque à la tumeur. — Pour diminuer l'hé- morragie ! et faciliter l'opération, Horsley se sert d’une table opératoire spéciale, dont la caractéris- tique est de posséder une sorte de coquille métal- lique immobilisant la Lête et la maintenant au- dessus du niveau du corps. — Un point à peu près universellement admis, c’est la nécessité de prati- quer une large ouverture de la boite cranienne, ce qu'on ne faisait pas autrefois, par crainte de la hernie du cerveau ; c'est une crainte vaine: la her- nie du cerveau ne résulte pas de la grandeur de la brèche osseuse, mais de la suppuration de la plaie. Pour faire ces grandes ouvertures du crâne, les chirurgiens tendent à abandonner le trépan, tout au moins les larges couronnes qu'emplovaient, il ya peu de temps encore, Lucas-Championnière, Horsley et Keen. On ne se sert plus du trépan or- dinaire que pour enlever une première rondelle osseuse, puis on agrandit la brèche soit avec la pince-trépan de Farabeuf, soit avec des scies. A ce point de vue, nous devons signaler les diverses scies, rectilignes ou circulaires, que l'on a cons- truites dans ces dernières années et que l’on met en mouvement, soit avec un moleur à main, soil avec un moteur électrique. Il faut croire que ces divers instruments ne sont pas encore parfails, puisque Horsley, qui a, en la matière, une pratique très étendue, les abandonne actuellement pour tailler de larges lambeaux osseux avec une scie ordinaire à amputations. Sans vouloir tracer ici un exposé de la clinique des tumeurs cérébrales, nous rappellerons qu’elles se manifestent par deux ordres de symptômes : les symplômes d'irrilalion{céphalalgie, vomissements, névrile oplique et épilepsie) et les phénomènes de suppression fonctionnelle (paralysies sensitives et motrices). Signalons simplement ce fait, encore peu connu, démontré par les chirurgiens, à savoir que, contrairement à l'epinion de quelques neuro- pathologistes, l’épilepsie généralisée n’est pas né- cessairement une épilepsie idiopathique, mais qu'elle peut traduire l'existence d’une tumeur dans deux conditions différentes, lorsqu'il s'agit d'un néoplasme profond ou quand la lésion est très étendue. Ce qui est très important à connaitre pour le chirurgien, c’est le mode de début de l’at- laque, le point où commence la convulsion ini- tiale. Sa connaissance permet de localiserla lésion. 1 Dans le même but, diminuer l'hémorragie, on a con- seillé de faire précéder l’anesthésie d’une injection hypoder- mique de morphine ou d’une injection d'ergotine. Pour intervenir, il ne faut pas attendre l’appa= rilion des signes d'augmentation de la tension intra-cranienne, lels que céphalalgie, vomisse- ments, névrite optique, etc. L'intervention est de règle lorsqu'on se trouve en présence d’épilepsie jacksonienne, de paralysie motrice ou sensitive à caractère progressif. Par l’opération, on enlèvera les tumeurs corli- cales (psammomes, épithéliomes, tubercules, ete.). Si l'on en croit Horsley, Gowers et À. Starr, ily au- rait même avantage à opérer dans le cas de lésions syphililiques, lorsque la guérison n’est pas surve- nue au bout de six semaines de traitement mixte. Suppurations intra-craniennes d'origine auriculaire. — C'est surtout dans le traitement de la thrombose infectieuse des sinus que la Chirurgie a fait des progrès. Bergmann a beaucoup insisté sur ce point au dernier Congrès des Chirurgiens allemands, Il conseille de lier ia jugulaire avant d'ouvrir et de vider le sinus. L Spina bifidu. — Nous avons déjà eu l’occasion de mentionner dans cette Revue les tentatives de guérison du spina bifida par l’excision !. Dolhinger en Russie, Rochet à Lyon, ont, après l’excision du spina bifida, cherché à combler la brèche vertébrale en utilisamt les lames des ver- tèbres, mais leur arrêt de développement peut être tel qu'elles ne suffisent pas à combler la fissure. Aussi Bobroff, de Moscou, a-t-il proposé de recou- rir à l'os iliaque, où l’on peut tailler un Jambeau de longueur et d'épaisseur voulues. Pour les fis- sures plus élevées, il emprunte des lambeaux os- seux aux côtes, Enfin, tout récemment, Sklifos- sovsky a proposé d'emprunter un lambeau osseux aux omoplates si le siège de l'ouverture du rachis correspond à la région. 11. — APPAREIL RESPIRATOIRE. Poumons. — Deux grandes discussions, l’une au Congrès de Chirurgie en octobre dernier, l’autre à la Société de Chirurgie, en novembre et décembre, de nombreux travaux à l'étranger, en Allemagne principalement, nous permettent pour la première fois d'aborder dans cetle revue d’une manière un peu étendue la chirurgie du poumon. Dans son rapport au Congrès, M. Reclus à montré ce qu'on pouvait allendre de la chiruvgie dans les affections pulmonaires. Comme il l’a bien élabli, c'est dans les lésions cavilaires que l'inter- vention est le plus souvent indiquée. On n’a guère lieu d'intervenir dans des /ésions traumatiques. Bien que l'opération ait élé suivie de 1 Revue générale des Sciences, 30 octobre 1893, t. IV, p. 670. D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 875 guérison dans deux cas, l’un de Michaux et l’autre de Quénu, nous croyons qu'il est rarement indiqué de prendre le bistouri. Dans ces deux cas, après ouverture du thorax, ni l’un ni l’autre de ces chi- rurgiens n’a osé placer une pince sur le point qui saignait, tous deux se sont contentés de tamponner à la gaze iodoformée. Rienne nousdit que le malade de Michaux n'aurait pas guéri, comme plusieurs de nos malades, si l’on s'était contenté dediminuer un peu la compression du poumon en vidant par- liellement l’épanchement sanguin par une ponction aspiratrice. Quant au fait de Quénu, il s'agissait d'hémorragies secondaires avec fièvre, et l’opé- ration neuf jours après l'accident n’est nullement comparable aux interventions immédiates dirigées contre le symptôme hémorragie. L'intervention opératoire n'a, du reste, pas empêchéde mourirles blessés d'Omboni et de Delorme ; aussi croyons- nous qu'on peut encore aujourd'hui répéter ce qu'écrivait, il y a un an, Reclus dans son Rapport : « La résection temporaire ou définitive d’une por- tion de la paroi thoracique pour atteindre une plaie pulmonaire et tarir une hémorragie mor- telle à brève échéance peut être une ressource suprême qu'il faut connaître, mais elle est dange- reuse, et l'expérience ne l'a point encore sanc- lionnée. » 1 Dans le cancer, la pneumotomie n'a jusqu'ici guère trouvé d'indication. Au début, le cancer du . poumon n’est pas décelable par nos moyens actuels d'investigation; plus tard il est trop étendu pour pouvoir être utilement extirpé. Seuls les envahis- sements secondaires du poumon par un néoplasme de la paroi thoracique semblent du ressort de la chirurgie. Si, en pareil cas, Weinlechner a vu son opéré succomber, Krüniein et Müller ont obtenu des succès. Chez les fuberculeux, l'indication opératoire se pose rarement. L’ablation de masses tuberculeuses aété pratiquée par Block, Krônlein, Ruggi, Tuflier, Lawson avec des résultats divers. Il semble aujour- d'hui que cette opération doive être proscrite. Si les lésions sont circonscrites et le malade bien portant au point de vue général, le traitement médical suflit; si les lésions sont étendues, leur ablalion nécessite un délabrement que le malade ne peut supporter. A la période de caverne, l'intervention est plus souvent juslifiée, bien que les résultats obtenus jusqu'ici n'aient pas été bien brillants. La ponc- lion, suivie d’injections anlisepliques dans la cavilé, préconisée par Mosler et Pepper, n’a pas donné de résultats salisfaisan{s el est aujourd’hui abandonnée. D'après Quincke, ce qui s’oppose àla cicatrisation de la caverne, c’est : d’une part, la sla- gnation des sécrétions dans son intérieur; d'autre part, larigidité de la paroi thoracique, qui empêche la rétraction. Aussi faut-il, en même lemps qu’on incise le foyer, faire une résection de la deuxième et de la troisième côte en regard de la caverne. Il est bien évident que l’opération ne doit être faite que lorsqu'on se trouve en présence d'une phtisie fibreuse. Dans la dilatation bronchique, la pneumotomie semble quelquefois utile. D'après Walther, l’inter- vention ne donnerait de bons résultats que si l’on pratique une résection totale de la paroi, suivant la méthode de Schede, de manière à permettre une dépression très profonde du thorax qui sup- pléera à l’inextensibilité du poumon sclérosé. D'une manière générale, on ne peut guère compter sur une guérison complète, et la pneumotomie semble n'être, dans la dilatation bronchique, qu'une opé- ration palliative ; elle est possible lorsque l’exca- vation pulmonaire est grande, qu'elle s’accom- pagne de symptômes de résorplion putride et d’expectoration abondante; elle améliorera l’état du malade, mais le guérira rarement, les lésions étant presque toujours diffuses. Au contraire, dans les kystes hydatiques, dans la gangrène, dans les abcès du poumon, on ne saurait trop recommander l’opération, et ilest regrettable qu’en pareil cas les médecins n’appellent pas plus souvent le chirurgien à leur aide. Un point peu signalé et qui ressort de la lecture des observa- tions, c’est la gravité des ponclions exploratrices dansles kysteshydatiques du poumon, gravité plus grande que celle de la pneumotomie franche; un grand nombre de malades meurent immédiatement asphyxiés à la suite de l’irruption du liquide hyda- tique dans les bronches. Nous ne décrirons pas ici la technique à employer dans la chirurgie pulmonaire, cette technique est simple : Ouvrir largement le thorax, suturer les feuillets pleuraux lorsque la grande séreuse est libre, inciser le poumon avec le thermo-cautère au rouge sombre, ne pas faire de lavages de la cavité. Par contre, nous dirons un mot de l'exploration du poumon dans les lésions pulmonaires de faible étendue et difficiles à délimiter. Pour la pratiquer, Bazy conseille de faire à la plève une petite inci- sion permettant au doigt de pénétrer et de toucher directement le poumon; au point où l’on trouvera une induration, une adhérence, on incisera large- ment et l’on agira sur le poumon. Tuflier, au con- traire, craignant le pneumo-thorax, qui est un obs- tacle aux interventions sur le poumon, décolle la plèvre du plan Lhoratique et explore le poumon à travers une cavité pleurale non ouverte. Ce décol- lement serait facile sans déchirure, el il serait pos- sible, par la réseclion d’une seule côle dans une 876 étendue de 5 centimètres environ, de décoller la plèvre du pourtour de l’incision sur une étendue au moins égale à celle de la main. Plèvre. — Le traitement chirurgical du pyo- pneumo-thorax est à l'heure actuel fort discuté. Aussi nous parait-il intéressant de mentionner tout au moins deux faits de Gérard Marchand, qui nous montrent que, même chez des malades atteints de lésions tuberculeuses irrémédiables, l'ouverture large du thorax avec résection costale peut être suivie de guérison, la fistule pulmonaire se fermant spontanément après l'opération. III. — ABDOMEN. Estomac. — Deux faits, l’un dû à Lejars, l’autre qui nous est personnel, montrent que l’ingestion de liquides caustiques peut ne déterminer que des lésions légères de la bouche et de l'œsophage, alors que leur arrêt dans l'estomac peut brûler profondément ce viscère et déterminer un réfrécis- sement cicatriciel du pylore à marche rapide. L'indica- tion opératoire est alors nelte. C’est à la gastro- entérotomie qu’il faut avoir recours. Faite avec l’aide du bouton de Murphy par Lejars, avec un simple surjet à la soie par nous, elle a, dans les deux cas, assuré la guérison du malade. Chez une malade, dont l’estomac tout entier était tombé au-dessous de l’ombilic et occupait la région hypogastrique, Duret aeu recours à la gastropeæie. I fixa à la paroi abdominale le pylore, la petite courbure et la partie voisine de la face antérieure de l'estomac. L'opération est encore trop récente pour qu'on puisse dire quel en sera le résultat définitif. Appendicite. — À deux reprises nous avons déjà eu l’occasion d'appeler l'attention de nos lecteurs sur celle affection très étudiée depuis quelques années !. Dès 1891, alors que la plupart des chi- rurgiens français cherchaient à enlever de parti pris l’appendice dans tous les cas, nous écrivions que la conduite la plus sage nous semblait d'ouvrir simplement la cavité suppurée dans le cas où elle élait limitée. L'opinion que nous émeltions alors semble aujourd’hui à peu près généralement ac- ceplée. Dans un travail qu'il vient de publier, William While, après enquête faite auprès des principaux chirurgiens américains, rejette la pra- tique de l’ablation systématique de l’appendice, qu'il qualifie de « méthode routinière ». Il con- clut, pour tous les cas où l’on opère du troisième au sixième jour, alors que des adhérences sont for- l Revue générale des Sciences, 30 août 1891, t. II, p. 545, et 30 octobre 1893, t IV, p. 671. D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE mées, à la simple ouverture du foyer, qui, si elle n’est pasune opération « théoriquement complète », a, au moins, l'avantage dene pas compromettrela vie du malade. Un second point de l'histoire de l’appendicite, très étudié dans le courant de cette année, est celui de sa pathogénie, qui a été exposée au point de vue clinique et anatomo-pathologique par le Professeur Dieulafoy, au point de vue expéri- mental par Roger et Josué. Rappelant les expé- riences de de Klecki, qui ont établi que, dans une anse intestinale, transformée par une ligature en cavité close, il se produit une énorme pullulation des microbes habituels de l'intestin et une forte exaltation de leur virulence, Dieulafoy pense qu'il se produit quelque chose d’analogue dans l'appen- dice. Ce diverticule de l'intestin peut être trans- formé en cavité close, soit par le développement lent et progressif d'un calcul appendiculaire, soit par la tuméfaclion inflammatoire de sa muqueuse, soit par la formation d’un rétrécissement fibreux. Les microbes de l’appendice emprisonnés exal-=n teraient leur virulence et deviendraient un foyer de poly-infection dont le coli-bacille et le strep- tocoque sont les principaux agents. Bien que très séduisante, celte théorie patho- génique de l’appendicite n’a pas été universelle- ment acceptée ; on lui a objecté : d'une part, les faits d’appendicite avec appendice largement béant ; d'autre part, ceux d’appendice transformé en «kyste muqueux par rétention sans le moindre phénomène inflammatoire. Aussi voyons-nous Brun retourner les termes de la proposition et nous dire : La transformation du canal appendicu- laire en une cavité close est l’un des résultats de l’appendicite. Un point sur lequel il y a, au contraire, concor- dance d'opinions, est celui de l’hérédité de l’ap- pendicite, sans que, pour cela, on soit d'accord sur le genre d’hérédité en cause. Les uns voient là une manifestation de l'hérédité arthritique qui favori- serail le développement de la lithiase appendicu- laire comme elle favorise le développement des. concrétions urinaires et biliaires (Dieulafoy); les aulres admettent la transmission ou la coexistence héréditaire, dans une même famille, d'un vice de développement congénital de l’appendice, qui n’est en réalité lui-même qu’un vestige d'organe incom- plètement développé (Talamon). Anus contre nalure. — Deux points nouveaux sont à signaler dans le traitement de cette infir- mité dégoulante et rebelle : 1° L'emploi du bouton de Murphy; 2° l'incision péritonéale d'emblée. D’après les observations réunies par Touche dans sa thèse, les résultats obtenus avec le bouton de D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE Murphy! seraient meilleurs que ceux que l’on a par les autres modes de réunion de l'intestin. Quant à l’incision péritonéale d'emblée, elle vient d'être récemment préconisée par Gangolphe. Elle consiste en une section de lous les plans de la paroi abdominale à une certaine distance de l’anus contre nature, dans des Lissus sains par consé- quent, et permet de libérer les bouts intestinaux en voyant ce que l'on fait. Cure radicale des hernies. — Pour la hernie ingui- nale, le procédé de Bassini, qui reconstitue un canal inguinal oblique comme le trajet normal, compte de plus en plus d’adeptes. Depuis dix- huit mois environ, c'est le seul procédé auquel nous ayons recours, et les résultats que nous avons oblenus nous ont semblé parfaits. C'est actuellement le procédé de choix. Pour la hernie crurale, au contraire, avec les procédés communément employés, les résullats définilifs sont loin d'être constamment bons. C’est que l'arcade de Fallope, rigide, empêche de réséquer le sac aussi haul qu’on le voudraitet que, d'autre part, la suture de l’arcade‘à l’aponévrose du pectiné est difficile à bien faire, l'arcade ne se laissant pas toujours bien déprimer jusqu’au con- tact de l’aponévrose pectinéale inextensible. Aussi Henry Delagénière a-t-il eu l’idée de fendre syslé- matiquement cette arcade, ce qui lui permet de remonter plus haut dans la dissection du sac. Celui-ci réséqué, au lieu de chercher à reconsti- tuer l’arcade de Fallope, il en complète l'effondre- ment en s’efforçant de la suturer à la bandelelte iléo-peclinée. Ruggi, Parlavecchio abordent la hernie par l'intérieur du ventre, en faisant une incision ingui- nale, procédé que conseille Tuffier dans le cas de coïncidence d’une hernie inguinale et d’une hernie crurale. Foie. — La chirurgie du foie continue à être à l'ordre du jour. Un fait est aujourd’hui bien établi: c'est que la mortalité est à peu près nulle (1 mort sur 127 cas) dans les ablations de calculs de la vésicule biliaire ou du canal cystique. Aussi les malades porteurs de calculs biliaires n'hésitent-ils plus à se faire opérer, à l'étranger tout au moins, el nous voyons Kehr arriver, au dernier Congrès des Chirurgiens allemands, avec un total de 174 opérations sur la vésicule biliaire. En France, l'ablation des calculs contenus dans la vésicule n'est pas encore entrée dans la pratique cou- PE PP PR A CE CE 1 Nous avons eu l'occasion de décrire antérieurement le bouton de Murphy à propos de la gastro-entérostomie. Voyez Revue générale des Sciences, 30 septembre 1894, tome V, p. 689. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. 877 rante. Les médecins préfèrent envoyer leurs malades à Vichy ou à Carlsbad. Ils ne recourent au chirurgien que plus tard, lorsque le malade a un calcul arrêté dans le cholédoque, lorsqu'il souffre d’un ictère chronique, ou encore lorsque, des phénomènes infectieux s'étant développés, il est en proie à des accès fébriles. Quand le foie est désorganisé et la santé générale allérée, nos mé- decins se décident. Les résullats ne sont plus alors les mêmes que pour les calculs de la vé- sicule, chez un malade dont le foie est sain. Et cependant, même alors, ils sont encourageants. La cholécystotomie, avec fermeture immédiate de la vésicule, et la cholécystectomie, semblent moins en faveur qu'il y a quelques années. L'opération qui semble, dans les discussions récentes, rallier le plus grand nombre de chirurgiens, c’est la cho- lécyslostomie simple. Quand il n’y a pas d’oblitération des voies biliaires, la fistule biliaire externe se ferme spontanément, de huit jours à deux mois après l'opération; ce qui semble en empêcher l’oc- clusion, c'est l'infection des voies biliaires. Nous laissons, bien entendu, de côté, les cas où il y a occlusion du cholédoque par un calcul, comme ceux où une lésion pancréalique le comprime. A propos de ces lésions compressives du pan- créas, nous devons dire que les travaux récents nous montrent, à côté des cancers bien connus de la tête du pancréas, comme causes de rétention bi- liaire, le cancer de l’ampoule de Vater (Bard, Hanot, Rendu, Durand-Fardel), dont l’évolution est plus lente que celle du cancer du pancréas pro- prement dit, et l'hypertrophie inflammatoire de la tête du pancréas, décrite cette année par Riedel. Cette pancréatite interstilielle est des plus impor- tantes à connailre pour le chirurgien, la survie consécutive à la cholécystentérostomie pouvant alors être indéfinie. Dans les trois cas de Riedel, elle accompagnait la cholélilhiase. Deux observalions du Professeur Terrier, com- muniquées au dernier Congrès de Chirurgie, on! montré que la cholécystostomic pouvait faire cesser des accidents d'angiocholite infectieuse. Le même chirurgien à établi que, dans certains cas, on pouvail, sans inconvénient pour la digestion, faire une Jistule cholécystogastrique, ce que les expé- riences de Dastre avaient déjà démontré. Le traitement des kystes hydatiques du foie peut être abrégé, comme l’a montré Delbet, en capi- tonnant la membrane adventice après avoir enlevé la vésicule-mère et les vésicules-filles, et en aban- donnant le foie suturé dans l'abdomen. Rectum. — Un nouveau procédé d’extirpalion du rectum vient d’être préconisé par Gaudier, de Lille. Ce procédé, particulièrement applicable aux 20°° 818 cas de cancers occupant la presque totalité du rectum, mérite le nom d’abdomino-périnéal. Dans un premier temps, on pratique par la laparotomie la section du gros intestin entre deux ligatures placées à 4 centimètres l’une de l’autre; on incise le eul-de-sac recto-vésical, et l’on pousse assez loin le décollement du rectum. Puis, le sujet étant mis dans la position de la taille, on circonscrit l’anus par une incision circulaire, et l'on extirpe le rectum par la plaie périnéale qu’on réunit en totalité. Enfin, avec le bout supérieur de l'intestin, on pratique un anus artificiel. Ce procédé a élé modifié par Quénu, qui con- seille d'aborder le rectum par la voie sacrée, ter- minant l'opération par la voie abdominale (opéra- tion sacro-abdominale). IV. — GYNÉCOLOGIE. Fibrômes utérins. — L'an dernier, dans notre revue annuelle, nous nous demandions si l’abla- tion de l'utérus fibromateux n’était pas la méthode de l’avenir'. La discussion qui a eu lieu au der- nier Congrès français de Chirurgie, les nombreuses publications faites en Allemagne et surtout en Amérique, ont confirmé nos prévisions. Aujour- d'hui, la question est tranchée, et il semble défi- tivement établi qu'il faut enlever l'utérus : par la voie vaginale, si la tumeur est de petit volume; par l’abdomen, si elle atteint des dimensions notables. La discussion ne porte plus que sur le choix du procédé, les uns se servant de pinces pour faire l’hémostase des ligaments larges, les autres recourant aux ligatures, d’autres enfin, comme Zweifel, laissant un tout petit moignon de col, qu'ils recouvrent d’un lambeau péritonéal. En tous cas, il semble que les querelles entre parti- sans du pédicule externe et partisans du pédicule rentré soient terminées, et que tout le monde s’ac- corde pour dire : Plus de pédicule. Traitement des salpingo-ovarites et des suppuralions pelviennes. — Déjà mise à l’ordre du jour du pre- mier Congrès international de Gynécologie à Bruxelles, il y a quatre ans, la question du traite- ment des suppurations pelviennes vient d’être de nouveau soulevée au Congrès international de Genève, en septembre dernier. A Bruxelles, l'impression générale donnée par la discussion avait élé qu'il fallait de bonne heure recourir à l'hystérectomie vaginale, opération ex- cellente, indiquée dans presque tous les cas. Quatre années se sont écoulées, et l'expérience n’a pas ratifié ces données de la première heure. Comme l’a dit un des rapporteurs, Sänger (de Leip- | Revue générale des Sciences, 30 octobre 1895, p. 944. D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE zig), « le temps n’est plus où une seule méthode oserait accaparer la vérité pour elle seule. » Au- jourd’hui on cherche à poser des indications de traitement, et l’on évite autant que possibleles opé- ralions comme l'hystérectomie, qui sont des opé- rations mulilantes d'emblée. La simple incision vaginale des collections sup- purées semble avoir gagnéun terrain considérable. Nous ne parlons pas ici de la ponction avec le trocart, avec débridement consécutif, suivant la pralique de l’École de Lyon, mais de l’incision large faite au bistouri, que nous avons défendue avec Bouilly, Richelot, Henrotin, Sänger, Reynier, etc. C’est évidemment, de tous les traitements, le plus conservateur et le plus indiqué, toutes les fois qu'il est possible. La même tendance conservatrice fait qu'avec Reynier, Doléris et la majorité des gynécologues allemands, nous avons cru devoir exposer les avan- lages de la voie abdominale ‘sur la voie vaginale, la première seule permeltant de graduer l’acte opératoire et de mesurer les sacrifices nécessités par l’examen direct des lésions. A côté de ce retour en arrière vers les méthodes conservatrices, nous devons mentionner un deuxième point qui semble avoir été assez généra- lement accepté dans ce Congrès : c'est l’ulilité qu’il y a à enlever l'utérus lorsqu'il est devenu inutile par suite de l’ablation bilatérale des annexes. Cette hystérectomie, faite dès le début de l’opéra- tion lorsqu'il s'agit d’une hystérectomie vaginale, sera pratiquée par l’abdomen dans les autres cas. Il ne semble pas qu'elle aggrave notablement le pronostic de la laparotomie, et actuellement on peut dire que la conservation d’un utérus inutile expose la malade à des douleurs et à des écoule- ments variés qu’il y a intérêt à éviter. Traitement des rétro-déviations. — Dans le même Congrès de Genève on a discuté le traitement des rétro-dévialions. La vagino-fixation, récemment préconisée par les gynécologues allemands, semble d'ores et déjà condamnée, comme étant une cause fréquente d’avortement. L'hysléropexie abdominale antérieure, très en faveur dans ces dernières années, semble perdre du terrain. Le raccourcissement des ligaments ronds conserve ses partisans. Le traitement semble, du reste, devoir différersuivant les cas. Aux rélro- versions mobiles on opposera la réfection du pé- rinée, les pessaires, le raccourcissement des liga- ments ronds. Les rétrodéviations fixes et surtout les rétroflexions adhérentes devront être traitées par des opérations plus sérieuses, la cœliotomie avec libération uni ou bilatérale des annexes et D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE a hystéropexie concomitante, ou l’hystérectomie vaginale lorsque l'examen clinique aura révélé l'existence de lésions bilatérales indéniables des annexes. V. — MEMBRES. Eractures. — Mise à l’ordre du jour du Congrès de Chirurgie en octobre 1895, la question de l’in- tervention opératoire dans les fractures des membres a soulevé de nombreuses communica- tions. Pour les fracturesouvertes, toutle mondesemble aujourd'hui d'accord. 11 faut procéder à un nel- toyage antiseptique de la plaie, n’hésitant pas, si cela semble nécessaire, à débrider, à explorer la plaie pour en enlever les corps étrangers et les esquilles mobiles, etc. Dans certainescirconslances, on peut être amené, pour faciliter la réduction, à faire de petites résections partielles, mais les ré- sections typiques, diaphysaires ou épiphysaires, semblent peu en faveur immédiatement après l'ac- cident. La tendance actuelle est la conservation même dans les écrasements des membres,où nous voyons Reclus préconiser, à juste titre suivant nous, la conservation systématique en pratiquant une sorte d'embaumement du membre préalable- ment désinfecté. L'accord est moins parfait pour le traitement des fractures fermées. Quelques chirurgiens, Pfeil, Schneider, au Congrès des chirurgiens allemands, Roux (de Brignolles) à la Société de Chirurgie, ont pensé qu’en présence de l'amélioration des résul- tats de la chirurgie opératoire, il élait indiqué de recourir à l'intervention sanglante toutes les fois que la réduction et la contention de la fracture par les anciennes méthodes rencontreraient de sé- rieuses diflicullés. En Allemagne Bergmann et Wagner, en France la plupart des membres de la Société de Chirurgie, ont protesté contre la généralisation de cette pratique. M. Berger a même été plus loin el a démontré que, dans la presque totalité des cas, avec un peu d'attention, on arrivait à contenir toutes les fractures. À cet égard, nous mention- nerons l'appareil d'Hennequin, encore peu connu, et qui rend de grands services dans les fractures obliques de jambe, une des variétés de fracture les plus difficiles à traiter. Lurations congénitales de lu hanche. — Le trai- tement des luxations congénitales de la hanche devient de plus en plus à l’ordre du jour. Long- temps abandonnées, pour ainsi dire, à _elles- mêmes, par suite de la conception pathogénique fausse de Verneuil, qui ne voyait en elles que le résullat d’une parésie des fessiers, les luxations congénilales de la hanche étaient traitées par le massage et les bains. Aujourd’hui, on sait qu'il s’agit d’une malformation de la hanche. Le cotyle est Lrop petit ou trop plat pour emboiter la tête fémorale. Aussi, dès que l'enfant marche, la tête fémorale file dans la fosse iliaque. Il y a, comme l'a montré Lannelongue, une malformation arlicu- laire qui est le fait initial, puis secondairement une luxalion. L'indicalion thérapeutique est : 1° de réduire dans le cotyle la tête déplacée; 2° de l’y main- tenir. Au début, Hoffa, de Wurtlzbourg, croyant à une rétraction des muscles fessiers, faisait une incision postérieure pour aborder l'articulation; Lorenz, de Vienne, pensant, au contraire, à une rélraction des muscles adducteurs, faisait une incision très antérieure; aujourd'hui, tout le monde s'accorde pour faire une incision direcle- ment externe, afin de ménager autant que pos- sible les muscles périarticulaires. La capsule est largement incisée, la cavité cotyloïde creusée avec la gouge ou la curette, et la tête fémorale réinté- grée dans sa cavité normale. En France, Kir- misson, À. Broca, Calot, se sont faits récemment les vulgarisateurs de ces traitements opératoires par la méthode sanglante. Et voici que, tout ré- cemment, Lorenz vient de nous déclarer qu'il abandonnait les opérations el recourait à un simple traitement orthopédique dans un grand nombre de cas. Après avoir obtenu la réduction par des manœuvres d'extension, d'abduction et de rotation en dedans, il fixe le membre à l'aide d’un appareil plâtré dans l’abduction forcée. Dans cette attitude. le sujet marche, et la tête, fixée contre le cotyle, finit, sous la pression que déter- mine le poids du corps, par se creuser une place. L'avenir nous dira ce qu'il faut penser de ces diverses méthodes thérapeutiques. En tous cas, il est un point que l’on peul, dès maintenant, af- firmer : c’est qu’il est inutile d’opérer toutes les luxations congénitales de la hanche. Il en est, surtout de la variété en haut el en avant, qui se fixent à peu près et sont compatibles avec un fonc- tionnement passable du membre. Pour elles, il est inulile de recourir àune intervention, qu'on réser- vera aux luxations oscillantes, surtout fréquentes dans la variété postérieure, qui, du reste, com- prend l'immense majorité des luxations. D' Henri Hartmann, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, Chirurgien des Hôpitaux. ——__——_—— 880 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Tisserand (F.), Membre de l’Institut, Professeur à la Faculté des Sciences de Paris, Directeur de l'Observatoire de Paris. — Traité de Mécanique céleste, tome IV : Théories des satellites de Jupiter et de Saturne. Perturbations des petites planètes. — 1 vol. gr. in-8° de 548 pages. (Prix : 25 fr.) Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. L'illustre astronome que la Science vient de perdre laisse terminé le tome IV et dernier de son traité de Mécanique céleste. Il a consacré dix années d'un travail ininterrompu à l'élaboration d'unouvrage dont le besoin se faisaitsentir et dont la place est désormais marquée dans la bibliothèque de tout astronome. Pour donner la meilleure idée du contenu des vingt- neuf chapitres de ce tome, qui comprend plus de cinq cents pages, nous ne suivrons pas ici leur ordre, et nous distinguerons de préférence trois divisions : les travaux relatifs aux perturbations des petites pla- nètes, les recherches générales sur la théorie des per- turbations et les théories des satellites, enfin les su- jets détachés, assez nombreux el très variés, concer- nant les comètes et leurs figures, l'hypothèse d'un mi- lieu résistant répandu dans l’espace, la communication mystérieuse de l'attraction, elc. « L'action de Jupiter sur les petites planètes, accrue par la grandeur des excentricités et des inclinaisons de leurs orbes entrelacés, produit dans leurs mouvements des inégalités considérables, qui répandront un nou- veau jour sur la théorie des attractions célestes et donneront lieu de la perfectionner encore, » L’événe- ment a vérifié les prévisions de Laplace, et la moitié de l’ouvrage de F. Tisserand est consacrée à rendre compte des travaux provoqués par les petiles planètes. Pressés par le besoin et dominés, sans doute, par l'idée que la solution analytique du problème était trop dif- ficile, les astronomes ont longtemps employé, à l'ex- clusion d'autres procédés, les méthodes purement nu- mériques (Inlerpolation et quadralure mécanique, ch. x et x). Depuis Cauchy, et surtout depuis Hansen, une réaction s’est produite : au calcul numérique des inté- grales doubles, qui représentent les coeflicients des inégalités, on à substitué des opérations en partie ana- lytiques, en partie numériques; de sorte que les qua- dratures mécaniques ne portent plus que sur des in- tégrales simples. Le Verrier avait soumis au jugement de l’Académie des Sciences le calcul numérique de la grande inéga- lité de Pallas, qui dépend du terme en 13 L - T{, où L et l désignent les longitudes moyennes de Pallas et de Jupiter. Il avait calculé l'inégalité en question par un double système de quadratures mécaniques rela- tives à Let l. Cauchy, rapporteur de la Commission académique, imagina en quelques semaines le procédé mixte dont il a été parlé. On donne des valeurs parli- culières à l’un des arguments / ou !', et l’on développe analytiquement suivant les sinus et les cosinus des multiples de l’autre argument. Vers la même époque, et sans doute indépendamment de Cauchy, Hansen était pareillement conduit à utiliser la décomposition en deux facteurs trigonométriques du carré de la dis- tance des deux corps évalué avec les anomalies ex- centriques. L'ouvrage : Auseinandersetzung einer zweck- mässigen Methode zurBerechnung der absolulen Stürungyen der kleinen Planeten, von P. A. Hansen, contient, comme son litre l'indique, le développement éclairei par une application complète d’une méthoue aujourd’hui fami- lière aux astronomes, F, Tisserand en a exposé, avec la plus grande clarté, les parties vraiment utiles, en faisant une place d'honneur aux travaux de Cauchy (ch.xvir et ch. xx, xx1, xxn). Le mémoire de Jacobi (ch. xviu), que F. Tisserand a complété en plusieurs points et qu’il est bon de com-. menter à l’aide des fragments insérés dans le t. VIT des œuvres complètes de l’illustre géomètre, représente un effort trop peu remarqué pour affranchir le calcul des perturbations des quadratures mécaniques. Tous les travaux dont il vient d’être question ré- pondent aux besoins immédiats de l’Astronomie; ils sont d’une utilité incontestable; mais le philosophe ne peut prendre son parti d'ignorer les caractères gé- néraux des trajectoires que l’ellipse de Kepler ne peut remplacer, en principe, que dans un seul moment. M. Gyldén et ses élèves se sont préoccupés surtout, dans cette vue, de déterminer les orbites absolues des petites planètes : ce sont les orbites dans lesquelles on a tenu compte des termes séculaires et des termes à longue période, de sorte que, si elles sont détermi- nées avec précision, on pourra sen servir pendant très longtemps pour calculer les positions de la pla- nète, qui ne s’en écarteraient que de petites quantilés périodiques (ch. xxur et xxiv). Ce serait un point d’une grande importance, car le nombre toujours croissant des découvertes d'astéroides empêche de consacrer à chacun d’eux une théorie complète. Un géomètre pourrait peut-être demander une preuve de l'existence de ces orbites absolues, et trou- ver que l'intégration du système d'équations différen- tielles dépasse les forces de l’analyse. Les observa- teurs, d'autre part, sont dans leur rôle en réclamant, avant tout, des éphémérides. Quoi qu’il en soit, les idées qui ont inspiré l’œuvre scientifique de M. Gyldén ont fait leur chemin dans les esprits : ceux-là peuvent en témoigner, qui ont suivi le mouvement de Ja science dans les vingt dernières années. Par une transition naturelle, aux recherches de M. Gyldén succèdent (ch. xxv et xxvi) les travaux sur la forme générale des développements des coordon- nées dans le problème des trois corps, valables pour un temps indéfini, ou du moins très long, et sur les modifications essentielles que subit la forme générale dans les cas de commensurabilité très approchée. Ces deux chapitres, qui appartiennent en propre à F, Tisse- rand, sont, sans doute, parmi Les meilleurs de l'ouvrage, etil parait difficile de mieux faire ressortir les cir= constances variées auxquelles peut donner naissance un rapport à peu près commensurable des moyens mouvements. Le chapitre xxyn donne enfin des indi- calions étendues sur les travaux de M. Poincaré, dont l'originalité singulière, et, en même temps, la puis- sance de synthèse se sont si brillamment affirmées. L'analyse que l’auteur a naguère lui-même donnée de son mémoire couronné est reproduite. Le lecteur voudra, sans doute, étudier ce mémoire, et aussi l’ou- vrage intitulé : « Les méthodes nouvelles de la Mécanique céleste,» en prenant connaissance de la belle théorie des \ solutions périodiques exposée à la fin du chapitre xxvr. Comparant le problème des trois corps à une forte- resse réputée inabordable, M. Poincaré à pu justement dire que les solutions périodiques ouvraient la pre- mière brèche, et la seule connue jusqu'ici pour péné- trer dans la place. Les travaux sur la forme générale des développe- ments n'ont pas qu'un intérêt analytique : cette forme s'impose dans les théories des satellites, comme ont pu s'en convaincre les lecteurs du tome III consacré à l'ensemble des théories du mouvement de la Lune. La BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 881 variété des circonstances provenant de commensura- bilités approchées ajoute un nouvel attrait à la théo- rie des satellites de Jupiter, qui constitue le plus . intéressant problème de la Mécanique céleste. F. Tis- serand retrace les découvertes de Lagrange et de La- place (ch.r-ch. v), en prenant pour point de départ, comme, du reste, dans tout son Trailé, la méthode de la varialion des constantes arbitraires. Ainsi en à agi M. Souillart qui a apporté des compléments nécessaires à l’œuvre de Laplace. F. Tisserand ajoute qu'il croit préférable d'employer, dès le début, cette méthode adoptée un peu plus tard par Laplace. Nous croirions plutôt, à en juger par les travaux contemporains de Laplace, insérés dans le tome XI des œuvres complètes, que l’illustre anteur a suivi les mêmes principes qui l'avaient guidé dans ses premières recherches sur les inégalités séculaires des planètes, Quoi qu'il en soil, F, Tisserand réussit à faire découler tous les princi- paux résultats d’une analyse uniforme, élégante et aussi simple que possible. A l'occasion, quelque re- marque judicieuse souligne les points délicats du pro- blème ou les conséquences de l’ordre de petitesse re- lative des données numériques. La théorie des satellites de Saturne {ch. vr, vie et vin), rudimentaire au temps de Laplace, à fait des acquisi- tions importantes, grace aux instruments puissants de Washington, Poulkova, Toulouse. Les rapports de com- mensurabililé jouent encore un rôle caractéristique, et l'effet de l'aplatissement de Saturne se laisse encore mieux sentir. F. Tisserand étudie d'abord le mouve- ment du pôle de l'orbite du dernier satellite, Japhet, qui s’'écarte du plan de l’anneau d’une quantité très sensible. Une valeur de la masse de Titan, le plus gros satellite, résulte de cette étude quand on a égard à la quantité du déplacement du périsaturne. Les perturbations d'Hypérion (ch. vi) offrent une difficulté de plus, à cause de la proximité de l'orbite du corps troublant, Titan; aussi l’Académie des Sciences a-t-elle proposé la question comme sujet d'un prix à décerner en 1898. Le fait du mouvement rélro- grade du périsaturne, inexplicable par les variations séculaires, a été signalé par M. A. Hall, à la suite de la discussion d’une longue série d'observations. M. Newcomb a, le premier, cherché à expliquer cette circonstance curieuse dans laquelle il a vu un nou- veau cas de libration. Ensuite, K, Tisserand a montré d'une manière fort simple la cause du mouvement du périsaturne; et M. Hill, calculant la solution pério- dique susceptible de redonner le déplacement ob- servé du périsaturne, a retrouvé la masse de Titan. MM. H. Struve et Eichelberger ont enfin déterminé, à l’aide des seules observations, soit la libration, soitles variations avec le temps, des éléments de l'orbite d'Hy- périon. Presque imperceptible dans les lunettes les plus puissantes, ce satellite a done fort tourmenté les astronomes. Les couples des satellites intérieurs de Saturne, Mi- mas-Téthys et Encelade-Dioné, donnent lieu encore à des questions intéressantes (ch. vi); EF. Tisserand re- produit, non sans y ajouter, la substance des travaux de MM. Newcomb et H. Struve. Pour les satellites de Neptune, de Mars et d'Uranus (ch. 1x), F. Tisserand n'avait qu'à réunir ses recherches personnelles. N’est- il pas curieux de voir la théorie indiquer l’aplatisse- sement de Neptune, que l'on ne peut déduire de l’étude directe de la forme du petit disque, mais que les va- riations du plan de l'orbite du satellite permettent d'obtenir quand on les suppose causées par l'attraction du globe de la planète? Les théories des satellites ont été un sujet de prédi- lection pour FE. Tisserand. Ils offrent, en effet, dans un intervalle relativement court, tous les grands chan- gements que le temps ne développe qu'avec lenteur dans le système planétaire. Le géomètre, d'autre part, peut se promettre de rencontrer dans une étude ana- lytique qui n’exige pas des calculs démesurés, les cir- constances les plus variées jusqu’à la difficulté, grave entre toutes, d’un extrême rapprochement des corps qui s’attirent (système de Titan-Hypérion). Venons aux sujets détachés. Il y a d’abord les per- turbations des comètes lorsqu'elles s’approchent beau- coup des planètes (ch. xu). L’aptitude d'une grosse planète telle que Jupiter pour capturer, selon le terme usilé, une comète qui, plus tard, pourra être rendue à la liberté, est expliquée d'une manière tout élémen- taire, On doit encore à F. Tisserand un criterium em- ployé souvent avec avantage, notamment par M. Schul- hof, pour reconnaitre si deux systèmes d'éléments peuvent appartenir à une même comète; ce qui évite parfois d'entreprendre sans nécessité de longs calculs. Malgré (out, les comètes soumettent les astronomes à un dur labeur, La comète d’Encke, pour être assujet- tie depuis 1819 à une théorie rigoureuse, a réclamé des calculs immenses et les efforts réunis d'Encke, de von Asten et de M. Backlund. Encke, le premier, re- connut la diminution progressive de la durée de la ré- volution de la comète; il attribua cette diminution à la résistance d’un milieu hypothétique répandu dans l’espace et de densité décroissante à mesure qu'on s’é- loigne du Soleil. En elle-même, celte hypothèse (cha- pitre xu1) n'avait rien d’improbable, et elle avait été déjà considérée par les géomètres. Cependant, les ano- malies pour l’explication desquelles on l’avait intro- duite un peu arbitrairement, étaient devenues, grâce à des études plus complètes, de nouvelles preuves de la doctrine de l'attraction. Bref, les recherches de M. Backlund font beaucoup douter maintenant les as- tronomes de la réalité du milieu résistant d’Encke, et l’on est plutôt porté à attribuer l’anomalie de la co- mète d'Encke, dont il n’y a pas d'autre exemple, à une cause particulière, telle que la rencontre des maté- riaux de la comète avec un courant météorique. Les conséquences d’une transmission non instanta- née de l’attraction ont été éludiées depuis longtemps concurremment avec l'hypothèse de la résistance des milieux. F. Tisserand fait connaître dans le cha- pitre xxvur toutes les recherches qui se rattachent à cette question de Physique mathématique, jusqu'ici de pure curiosité et sans portée pratique. Bien téméraire serait celui qui voudrait expliquer jusque dans les détails la répartition de la matière dans le système solaire et la constitution des corps célestes. Cependant, l'application. des principes de la Mécanique a conduit à quelques conséquences géné- rales dont la signification sera, sans doute, précisée avec le temps. La conception cosmogonique de La- place (ch.xiv) n’a pas perdu de sa valeur aux yeux des astronomes ; elle a recu de M. Roche des compléments utiles. Les remarques de M. Schiaparelli sur la désa- grégation des comètes, complétées par MM. Charlier et Picart, sont encore des vérités acquises; la nécessité pour les matériaux comélaires de n'être pas trop épar- pillés, si la comète doit pouvoir résister à l’action dis- solvante du Soleil (ou d’une grosse planète) est indi- quée, pourrait-on dire, par les règles les plus élé men- taires de la stratégie. Il faut citer aussi les recherches de Bessel sur les trajectoires des particules de la co- mète hors de la sphère d'action du noyau, et la con- séquence déduite par M. Brédikhine de l'étude à la fois graphique et numérique de nombreuses comètes : la distinction de trois types de queues répondant à des matériaux différents (ch. xv et xvi). Le dernier chapitre : Confrontation de la loi de Newton avec les observations, fait pendant à la Notice sur l'état actuel de lu théorie de la Lune, à la fin du tome III. La loi de Newton représente, en somme, avec une très grande précision les mouvements de translation de tous les corps célestes : à part une inégalité à longue période pour la Lune, dont le coefficient ne dépasse pas 15”, et un écart moitié moindre pour Mercure, tout marche à merveille. Tel est le résultat final des immenses (travaux des astronomes théoriciens : Hansen, Le Verrier et M. New- comb, pour ne citer que ceux-là. Il fallait coordonner 882 toutes les recherches, faciliter la lecture des mémoires originaux, en somme, exposer les progrès accomplis depuis Laplace : tâche difficile qui réclamait un sa- vant dont le nom fit autorité : K, Tisserand s’est dé- voué. Les astronomes lui en seront reconnaissants. Ils sauront apprécier les qualités maîtresses de l’éminent savant; ils admireront l’art avec lequel les sujets sont limités, la distinction judicieuse entre les vérités défi- nitivement acquises et les problèmes en suspens, l’é- légance, enfin, et la liaison parfaite des méthodes. O. CALLANDREAU, de l’Académie des Sciences. 2° Sciences physiques. Riche (A.), Directeur des Essuis à la Monnaie, et Hal- phen (G.), Chimiste en Chef du Ministère du Com- merce. — Le Pétrole. EXPLOITATION. RAFFNAGE, ECLAIRAGE. (CHAUFFAGE. Force MorTricE. — 1 vol. in-16 de 48% pages avec 44 fiqures. (Priæ, cartonné : o fr.) Encyclopédie de Chimie industrielle. J.-B. Bail- lère et fils, éditeurs. Paris, 1896. Le pétrole est devenu, depuis quelques années, un produit de première nécessité, et il s’est imposé à la consommation, tant pour les usages domestiques que pour le graissage des machines et le fonctionnement des moteurs. La substitution du pétrole étranger à nos huiles françaises est une révolution, dont notre agriculture a été la victime, mais une de celles qu'il faut accepter, parce qu’elle contribue au bien-être du plus grand nombre, MM. Riche et Halphen se sont faits les historio- graphes de cette révolution et ont exposé, dans un excellent traité, l’état actuel de l'industrie du pétrole, résumé nos connaissances sur la composition de ce liquide, et décrit les différentes applications dont il est l’objet. Ces deux auteurs avaient, pour l'élaboration d'un ouvrage de cette nature, la plus grande compé- tence. M. Riche, d'une part, au cours d’une mission que le Gouvernement français avait confiée à M, Roume et à lui, avait pu, en Amérique, recueillir de précieux renseignements sur les gisements, les procédés d’ex- traction et de distillation. En outre, à la suite de cette mission, et devant les expériences nombreuses, faites en commun avec M. Halphen, sur la constitution et les propriétés des pétroles et dont nous parlerons plus bas, des rapports suivis s'étaient établis entre les auteurs et les principaux raffineurs de pétrole ; ceux-ci se sont empressés de fournir à MM. Riche et Halphen, de précieux documents, dont les lecteurs de ce traité seront les premiers à profiter. Ils suivront avec intérêt les procédés employés en Pensylvanie ou en Russie pour le forage des puits, la récolte et le transport du pétrole brut, son emmagasinement, sa distillation et son épuration. Ils assisteront à Ja fabri- cation de la vaseline et de la paraffine, et de tous les sous-produits que l’industrie moderne permet d’ex- traire du pétrole. D'autre part, MM. Riche et Halphen ont étudié dans le laboratoire les pétroles de toute origine, en s’adres- sant à des échantillons authentiques, rapportés par M. Riche ou fournis par les raffineurs. Ils ont déter- miné la densité, la température d’ébullition, le point d'inflammabilité des produits de leur fractionnement à la distillation. Ils ont imaginé une méthode, qui rend déjà de grands services à l’industrie, et qui per- met de distinguer les pétroles bruts des pétroles raf- finés et, parmi les produits de la rectification, ceux qui proviennent d'Amérique de ceux qui proviennent de Russie. Leurs méthodes et les résultats auxquels elles les ont conduits sont exposées clairement dans le volume qui fait l'objet de cette note. On y trouve éga- lement la description des appareils qui peuvent rendre compte de la valeur et du degré d’innocuité du , BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX pétrole par l'examen de la température à laquelle se produit son inflammation, Le traité se termine par l'exposé des différentes applications du pétrole, et l’on y trouve la description des principales lampes employées, des différents mo- teurs dont l’industrie fait usage ; la bicyclette à pétrole même n’est pas oubliée; on serait donc malvenu de dire que ce livre n’est pas moderne. L. Linper, Professeur à l'Institut National agronomique Scheurer-Kestner (A), — Pouvoir calorifique des Combustibles solides, liquides et gazeux. — Lvol. in-12 de 288 pages avec 45 figures. (Prix : 5 fr.) G. Masson, éditeur, Paris, 1896. I y a vingt-sept ans que M. Scheurer-Kestner a dé- terminé pour la première fois la puissance calorifique de la houille et donné ainsi les premiers termes d’un chapitre important de la Physique industrielle : celui du pouvoir calorifique des combustibles; c’est l’état actuel de ce chapitre de la Physique que vient d’ex- poser M. Scheuier-Kestner. l’ouyrage se divise en deux parties bien distinctes : dans la première, l’au- teur expose les systèmes et procédés dont on a fait et dont on fait usage pour chercher à se rendre compte de la chaleur dégagée pendant la combustion; il passe d’abord en revue toutes les formules empiriques pro- posées pour obtenir la chaleur de combustion d’un combustible en fonction de sa composition élémen- taire ou de sa composition en carbone fixe et carbone volatil, puis en second lieu les méthodes usitées suc- cessivement dans tous les pays, pour fixer expérimen- talement la valeur de cette chaleur de combustion. IL conclut que toutes les formules conduisent à des ré- sultats inexacts à l’aide d'opérations laborieuses, tandis que la méthode de la bombe calorimétrique fournit avec précision et simplicité le pouvoir calori- fique absolu d’un combustible solide, liquide ou gazeux. A signaler parmi les appareils en usage pour la com- bustion des gaz, le calorimètre Hartley aujourd’hui employé dans de nombreuses usines allemandes; sous la forme que lui a donnée M. Hugo Junkers, d’après M. Stohmann, dont la compétence en ces questions est bien connue, le calorimètre Junkers donne de bons résultats industriels. Cette première partie se termine par des tableaux où sont résumées toutes les détermi- nations de pouvoir calorifique effectuées sur la houille, le lignite, le bois, la tourbe, les pétroles, le coke, les charbons de bois et de tourbe, les combustibles gazeux, gaz d'éclairage, gaz des gazogènes, etc. En un mot, l’auteur à réuni et classé méthodiquement, en y appor- tant son expérience personnelle, tous les documents concernant la détermination directe du pouvoir calo- rifique des combustibles; il y manque cependant, à mon avis, les derniers modèles de bombe calorimé- trique réalisés à l'étranger (bombe Donkins, en Angle- terre, Hempel et Kræker en Allemagne, Altwater en Amérique); ils me paraissent très inférieurs à l’obus Mahler, qui reste le type le plus parfait et le plus re- commandable de ces appareils; mais ileût été bon de les signaler pour montrer les inconvénients que pré- sentent certains de ces calorimètres, concus par des ingénieurs non familiarisés avec la pratique d'une bonne opération calorimétrique. La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à l’é- tude d’un problème plus complexe : la répartition du calorique produit par la combustion de la houille sur le foyer d’une chaudière à vapeur; ici l’auteur, qui le premier a appliqué les méthodes vraiment scientifiques à la solution du problème, n’a eu qu'à exposer ses propres recherches. [l insiste beaucoup sur les précau- tions à prendre dansles études qui nécessitentdes essais entrepris simultanément au laboratoire et à l’usine : «Il faut disposer,dit-il,aulaboratoire,d’échantillons sincères représentant fidèlement la masse destinée aux essais industriels, et lorsqu'il s’agit de combustibles aussi inégaux dans leurs parties minérales que la houille, on VS + BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 883 ne saurait prendre trop de précautions pour se mettre à l'abri des erreurs provoquées par un défaut de con- cordanceentre l'échantillon etla masse dontilprovient.» Aussi, M. Scheurer-Kestner insiste-t-il beaucoup sur les soins à prendre pour l’échantillonnage de la houille et des produits gazeux de la combustion, Espérons que ces conseils profiteront aux industriels qui usent encore des procédés anciens et imparfaits pour con- trôler la marche d’un générateur. L'auteur ne s'est pas borné à exposer le principe des méthodes suivies, il est entré dans tous les détails expérimentaux et techniques dont la connaissance est nécessaire pour la détermination de chacun des fac- teurs de l'équation thermique : analyse des houilles et des cendres, étude des produits gazeux de la combus- tion, du noir de fumée, ete, Pour le contrôle perma- nent de la composition des gaz du foyer, M. Scheurer- Kestner recommande le dynamomètre compensé de MM.Siegert et Dur, et l’économètre de M. Schumacher : ces appareils enregistre urs, trop peurépandus en France, fonctionnent régulièrement et donnent à chaque ins- tant la proportion d'acide carbonique contenu dans les,gaz du foyer. L'ouvrage se termine par une étude comparative des différents modes de chauffage des gé- nérateurs (houille, pétrole, gaz des gazogènes, etc.). Ajoutons qu'une annexe, placée à la fin du volume, donne les tableaux des constantes physiques dont l’u- sage est le plus fréquent dans les expériences sur le pouvoir calorifique des combustibles, et surtout sur celui de la houille. D'une lecture facile, ce petit livre contribuera certainement à la diffusion des essais qui tendent à diminuer le gaspillage thermique, trop fré- quent dans la plupart des usines. Camille MarTienox, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences à Lille. 3° Sciences naturelles. Pettit (Auguste). — Recherches sur les Capsules surrénales (Thèse pour le Doctorat de la Fa- culté des Sciences de Paris). — 1 brochure in-8 de 422 pages avec kplanches.F. Alcan. éditeur, Paris. 1896. M. Pettit s’est atlaqué avec courage à un sujet par- ticulièrement ingrat, car les capsules surrénales sont des organes bien énigmatiq'es, et bien incomplète- ment décrits au point de vue anatomique et histolo- gique. Peut-être, après plusieurs années de travail, l’auteur a-t-il regretté son choix, et trouvé que les ré- sultats ne répondaient pas complètement à ses espé- rances premières, puisqu'il nous présente modeste- ment son travail comme une « première contribution à l’histoire des capsules surrénales ». Certes, ces re- cherches gagneront à être continuées et complétées, mais, telles quelles, elles offrent une base sérieuse aux travaux qui suivront:elles établissent les principes au- tour desquels il n’y a plus qu’à grouper et à ordonner les faits variés que fournira chaque espèce. M. Pettit a cherché avec ténacité, en explorant patiemment toute la série des Vertébrés, quels sont les caractères es- sentiels de ces organes, quelles sont les espèces dont l’étude pouvait donner des résultats nouveaux : il a trouvé ces espèces chez les Téléostéens, et il nous laisse sous cette impression que les capsules sont bien réellement des glandes, quoi qu'on en ait dit, Il fait mieux, il nous montre le mécanisme de leur sé- crétion, ce que personne n'avait pu faire Jusqu'ici. Dans son Introduction, M. Pettit nous donne un his- torique rapide, mais complet, de la question au point de vue anatomique, histologique et physiologique. Ses recherches personnelles sont divisées en deux parties : Anatomie comparée et Histologie physiologique. La première partie était indispensable, Avant d'aborder le vif du sujet, il fallait, en effet, établir avec soin quels sontchez les différents Ve ertébrés les organes auxquels on doit réserver le nom de capsules surré- nales. Ces organes sont variables de forme et de rap- ports, quelquefois multiples, diffus même, et lesanalo- mistes sont loin de s'entendre à leur sujet. L'auteur a refait cette enquête grâce au riche matériel que lui fournissait le Muséum, fixé les formes et les rapports, la vascularisation, l’innervation. Chemin faisant, il note avec soin l'importance relative de ces divers fac- teurs. Il relègue au second plan ce qu'ils ont d'in- constant, d’ accidentel, et met en relief les caractères constants. La forme, le nombre, les rapports con- tractés avec les organes urinaires ou génitaux, et même avec le système nerveux, sur lesquels on avait tant insisté depuis Leydig (Sélaciens), sont pour lui absolument secondaires. Le voisinage des gros troncs vasculaires de l'abdomen serait, au contraire, un carac- tère important et constant. Il en est de même de la riche vaseularisation, de la «véritale pléthore sanguine » dont les capsules sont le siège. Leur présence chez tous les Vertébrés, leur dérivation de l’épithélium germinal témoignent d'ailleurs de leur haute impor- tance. La seconde partie du mémoire (Histologie physiolo- gique) est la plus courte, mais la plus féconde, Les Vertébrés supérieurs, déjà étudiés dans leur structure par bien des auteurs, sans fournir de résultats définitifs sont résolument laissés de côté pour cette fois. Parmi tous les Vertébrés, les Téléostéens seuls, et principa- lement l’Anguille, fournissent un matériel où l’organe se présente à l’étude sous un jour nouveau et parti- culièrement favorable. On décrit, en général, la partie essentielle des capsules surrénales, la substance cor- ticale, comme formée de cordons ou cylindres épithé- liaux pleins. Ici, cette substance existe seule, Les cy- lindres surrénaux offrent une cavité centrale close aux deux extrémités. Cette cavité est lapissée par une as- sise, généralement unique, de cellules épithéliales cy- lindriques, dont quelques-unes, perdant peu à peu leur élection pour les colorants, se détachent, s’arrondissent et tombent dans la cavité centrale, qu’elles Peuvent remplir plus ou moins complètement, Elles s'y désa- grègent en un magma amorphe floconneux (cellules holocrines). Telles paraissent être les différentes phases de cette sécrétion. Entre les cylindres, un réseau vas- culaire très riche en recueillerait les produits solubles. Sous l’influence de l'extirpation de l'une des glandes (Anguille), l'autre subit une hypertrophie fonctionnelle compensatrice, Les vaisseaux augmentent de volume, les cylindres s'élargissent, les cellules épithéliales s y multiplient et s’ordonnent par places sur plusieurs couches. Un magma détritique abondant comble la cavité centrale. Par les i injections de pilocarpine, de curare, de toxine diphtérique, on oblient l’exagéralion de ces phénomènes. Bref, les capsules surrénales pré- sentent nettement la structure el les réactions caractéris- tiques de glandes closes, et doivent « prendre place dans la série à côté du corps thyroïde ». Nous surprenons ici sur le viflemécanisme de leur sécrétion. Chez les Vertébrés supérieurs les choses pourraient vraisemblablement se ramener au même schéma; certains auteurs (Rabl, Manasse) ont déjà décrit des cavités centrales dans certains cylindres surrénaux. E. LAGUESSE, Professeur à la Faculté de Médecine à Lille. Bardier (D'E.;, nternedes hôpitaux, Chef des Travaux physiologiques à ‘la Faculté des Sciences de Toulouse. — Recherches expérimentales sur le mécanisme des oxydations dans l'organisme. — { brochure in-8° de 96 pages, Imprimerie Marquès et Cie, 22, boule- vard de Strasbourg. Toulouse, 1896. On ne trouvera dans cet ouvrage la mention d'aucun fait nouveau, ni d'aucune expérience inédite. L'auteur a eu la pensée de réunir sous un titre commun les tra- vaux de M. Jaquet relatifs à l'oxydation de l’aldéhyde salicylique par le sang et parles tissus des animaux, ceux de MM. Abelous et Biarnès sur le même sujet et ceux de M. Bertrand relatifs à l'oxydation du latex de l'Arbre à Laque. Il fait voir que la conclusion qui se dégage de ces différents travaux est la confirmation 884 expérimentale d’une théorie que Claude Bernard énon- cait, il y a vingtans déjà dans les termes suivants: « La respiration des tissus n’est pas une combustion directe; ce n’est pas une fixation directe d'oxygène sur les matériaux du sang ou de la substance azotée des tissus. Nous devons admettre, au contraire, que cette combustion fonctionnelle est une oxydation indirecte, accomplie par des agents chimiques spéciaux de la nature des ferments. » RD: 4° Sciences médicales. Sée (Marcel), Ancien interne des Hôpitaux. — Le Go- nocoque. — 4 vol. in-8° de 360 pages avec 1 planche hors texte. (Prix : 10 francs.) FE. Alcan, éditeur. Paris, 1896. Depuis sa découverte par Neisser, le Gonosoque s'est fait une place de plus en plus grande dans la patho- logie et par sa spécificité et par les complications dues à sa généralisation ou à sa localisation sur des organes éloignés de son point de semis initial. Aussi la mono- graphie de M. Marcel Sée vient-elle à propos montrer le chemin parcouru depuis une quinzaine d’années et la somme des certitudes acquises. L'auteur étudie d'abord l’histoire naturelle du Gono- coque. Ce microbe, à l’état frais, dans une goutte de pus blennorrhagique, affecte la forme d’un diplocoque incolore, légèrement mobile. Desséché et coloré, il prend une forme particulière, assez caractéristique, celle d'un grain de café, formé de deux portions hémi- ovoides séparées par une ligne claire. Ses dimensions moyennes sont de 1 y 25 de long sur 0 w 7 de large. Il est probablement encapsulé. Il tend à se subdiviser perpendiculairement à la ligne médiane et à former des amas cubiques. Le Gonocoque est souvent libre dans le pus : souvent aussi il prédomine dans l'inté- rieur même des cellules et exclusivement dans les cel- lules phagocytes. Ces caractères exposés, M. Sée passe en revue les procédés de coloration du Gonocoque, les méthodes de culture sur sérum sanguin, sur sérum gélose (milieu de choix), sur urine, jaune d'œuf, etc. : ce sont des détails de technique pure. Le Gonocoque se nourrit des albuminoïdes du sérum et profite des sels et des produits azotés qui y sont contenus. Il se cultive sur les milieux acides, mieux en- core sur les milieux alcalins. Sensible aux écarts de température, il se développe avec intensité à la tem- pérature optima de 36°C. En culture, il meurt assez vite, au bout de quelques jours. La dessiccation le tue très rapidement. Certains microbes nuisent à son dé- veloppement et réciproquement (bacille pyocyanique). Ses toxines ne sont pas connues. Il y a longtemps que l’on sait que l’inoculation du pus blennorrhagique détermine la blennorrhagie. Dès qu'on put avoir des cultures vraies de Gonocoque, l’inoculation de ces cultures dans l’urèthre de l’homme donna des résultats positifs. La spécificité du Gono- coque est de ce fait établie en ce qui concerne l'uré- thrite blennorrhagique. Inoculé dans le tissu cellu- laire sous-cutané, ce microbe ne provoque pas de réaction nette, L’expérimentation sur les animaux est rendue très difficile par la faible action que le Gono- coque a sur eux : aussi les résultats obtenus par ce moyen ne comportent-ils pas de preuves concluantes. La seconde partie de l'ouvrage de M. Marcel Sée est réservée à l’étude clinique. La blennorrhagie est envi- sagée simple ou compliquée. Dans ce dernier cas, il y a lieu de considérer les complications causées par le transport du pus sur des organes voisins ou contigus et celles qui sont dues au passage du Gonocoque dans la circulation, à la généralisation du microbe. Avant d'examiner l’action du Gonocoque sur l’urèthre, l’au- teur étudie les microbes variés de l’urèthre normal et pathologique. Les travaux de Lustgarten et Mannen- berg, de Legrain, de Steinschneider et Galewsky, de Petit et Wassermann ont servi à dresser une liste nom- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX breuse des microbes existant dans l’urèthre en dehors de la blennorrhagie. Le Gonocoque vrai n’y figure pas. Il existe des uréthrites non blennorrhagiques, des blennorrhoïdes, dues à d’autres microbes patho- gènes que le Gonocoque et dont quelques-uns sont connus, tels ceux de Bockart et de Janet. Le Gonocoque envahit l’urèthre par contagion simple, sans que, pour cela, le coit ou un acte vénérien quel- conque soit nécessaire. L'usage de liuges ou d'objets de toilette souillés suffit : on en a une preuve dans l'uréthrite gonococcique des petits enfants. L’incuba- tion de la blennorrhagie est généralement courte. Du deaxième au cinquième jour le plus souvent, très ra- rement après le vingtième jour, l'affection se déclare. Le Gonocoque, déposé à la superficie de l’épithélium, colonise, s'étend en surface, puis envahit en profon- deur les couches épithéliales les plus superficielles, qu'il finit par dépasser, et s'insinue dans les espaces conjonctifs. Le pus blennorrhagique au début est ronstitué par des cellules épithéliales nombreuses, des leucocytes et des gonocoques libres ou intra-cellulaires. Mais au fur et à mesure que l'affection s'accroît, les cellules épi- théliales deviennent plus rares, tandis que les leuco- cyles et les gonocoques augmentent. A la période d'acmé, le pus est uniquement formé de leucocytes et de gonocoques. L'ordre inverse se présente quand la guérison s'établit. Les cellules éosinophiles, sur la valeur desquelles on n’est pas encore fixé, suivent une marche parallèle à celle du gonocoque. La blennorrhagie peut se propager aux glandes et diverticules uréthraux, aux vésicules séminales, au canal déférent, à l’épididyme. L'épididymite blennor- rhagique serait due, selon certains auteurs, à un mi- crobe spécial, l'orchiocoque; mais la démonstration de ce fait n’est pas donnée. Le Gonocoque est suscep- tible, à lui seul, de provoquer une cystite : on pensait autrefois qu'il lui fallait au moins l’adjonction d’un autre agent pathogène. Chez la femme, le gonocoque n’atteint d'ordinaire l’urèthre que d’une facon bénigne ou même y reste latent. Il ne persiste pas longtemps dans le vagin et se cantonne dans le col utérin ou même dans la cavité utérine. Par une marche ascen- dante, il peut déterminer des complications ulté- rieures : salpingite, ovarite et même péritonite. M. Marcel Sée traite ensuite des localisations extra- génitales de la blennorrhagie. La conjonctive offre un champ de semis facile: l’ophthalmie des nouveau- nés en est le résultat le plusintéressant., Les autres mu- queuses, rectale, buccale, nasale, sont moins souvent atteintes à cause de leur contamination moins aisée. Le chapitre relatif à la généralisation du Gonocoque méritait une attention particulière. Nous regrettons que, dans cette monographie très soignée, l’auteur ait été obligé de l’écourter et de présenter seulement le catalogue des manifestations rénales, nerveuses, sé- reuses et cardiovasculaires de la blennorrhagie Après avoir exposé ses conclusions, l’auteur indique les difficultés du diagnostic positif du gonocoque, car nous ne pouvons disposer que des préparations di- rectes et des cultures, l'inoculation n'étant guère pra- ticable sur l’homme. Des documents nombreux (expé- riences, observations, indications bibliographiques) sont réunis à la fin de l'ouvrage. En traitant ce sujet, M. Marcel Sée a produit un tr?- vail intéressant et consciencieux, d’une utilité mani- feste. Son livre est digne d'être remarqué et étu- dié, D' A. LETIENNE. Fraser (Thomas R.), Membre de la Société Royale de Londres, Professeur à l'Université d'Edimbourg. — Immunisation against Serpents venom and the treatment of Snake-bite with antivenene. (Ad- dress delivered tho the Royal Institution of Great-Bri- tain). — 4 broch. in-8° de 28 pages. W. Clowes andSon, éditeurs. Stamford Street, Londres, 1896. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 885 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 5 Octobre 1896. 1° SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M. E. Delassus pré- sente de nouvelles considérations sur les systèmes al- gébriques et leurs relations avec certains systèmes d'équations. — M. E. Borel énonce une nouvelle pro- position sur la région de sommabilité d’un développe- ment de Taylor. 20 SGIENGES PHYSIQUES. — M. H. Poincaré donne l’ex- plication théorique d’un phénomène paradoxal de dé- viation des rayons cathodiques par l’aimant, observé par M. Birkeland, et montre que tout peut s'expliquer sans faire intervenir aucune hypothèse nouvelle. — MM. Berthelot et Vieille communiquent leurs re- cherches sur les conditions dans lesquelles les pro- priétés explosives de l’acétylène sont susceptibles de se manifester, et signalent les précautions que réclame Vemploi de ce gaz dans la pratique !, — MM. W. Ram- say et J.-N. Collie signalent une erreur commise dans leur dernière communication au sujet du dédouble- ment de l’hélium. Il ressort que les densités des deux gaz dans lesquels se sépare l’hélium sont respective- ment de 2,133 et 1,874. — M. Balland donne l’ana- lyse de plusieurs variétés de fèves qu'il a étudiées. Il en déduit que la fève, surtout après décortication, re- présente une denrée alimentaire des plus azotées. Sa valeur nutritive était, d’ailleurs, bien connue des An- ciens. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Lannelongue et Achard ont étudié les infections produites par les ba- cilles du groupe Proteus. Injectés localement, ces ba- cilles donnent lieu à des lésions locales, dues aux mi- crobes eux mêmes; introduits dans le sang, ils ne déterminent que des lésions diffuses, imputables à l’action des produits toxiques. Il est probable que, dans le sang d’un animal vivant, les bacilles, rapide- ment disséminés et mis en contact avec lesphagocytes, disparaissent bientôt. Dans un abcès, au contraire, mélangés à d’autres espèces pathogènes, ils résistent plus facilement. Ces microbes subissent le phénomène de l’agglutination lorsqu'ils sont mis en contact avec le sérum d'animaux immunisés. — M.Capmann, après avoir obtenu de la toxine staphylococcique très viru- lente, l’a injectée progressivement à des chiens, en vue d'obtenir un sérum immunisant. Il décrit les expé- riences faites avec ce sérum el ses propriétés préven- tives et curatives. — M. B. Bouxtéieff adresse une réclamation de priorité au sujet de la note de MM. Bi- pet et Courtier sur la nervo-psychose et quelques ob- servations relatives à l’action des rayons X sur les mi- crobes et les maladies infectieuses. — M. Ad. Chatin a recu de différentes localités de la Grèce, des truffes qu'il est parvenu à rattacher aux genres Terfezia Leonis (avec une variété minor) et Terfezia Gennadii. — M. A. Gaudry résume les explorations récentes de M. Forsyth, major à Madagascar, et montre des fragments du sque- lette d’un vrai singe (Nesopythecus Roberti), rapporté par ce naturaliste. — M. E. Rivière résume les re- cherches qu’il a entreprises dans la grotte de la Mouthe, et donne la description des ossements, objets, dessins, etc., qu'il y a trouvés, IL établit que la grotte a été habitée par l’homme à deux époques distinctes: aux temps néolithiques, puis à l’époque quaternaire, géologiquement parlant ; à un moment donné, la grotte 1 Voir, dans ce même numéro (page 841), le résumé des recherches de MM. Berthelot et Vieille. - a aussi été le repaire de divers animaux sauvages. Les dessins étudiés sont soit de simples gravures au trait sur les parois, soit des gravures passées à l’ocre. Séance du 12 Octobre 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Perrotin pense que la comète de Jacobini n’est pas parabolique, mais elliptique ; il communique les éléments calculés, dans cette hypothèse, d'après les dernières observations. — M. E. Borel étend aux fonctions entières la propriété suivante des polynômes Si G; et H; sont des poly- nômes tels qu'aucune des différences H; — H ne se réduise à une constante, l'identité : H}(z) Ho(2) Hn (°) Gi(slen Ge (c)'en EN Gr (2)'e 7 =0, n'est possible que si tous les G sont nuls. 22 SctENCES PHYSIQUES. — M. A. Ponsot répond à la récente communication de M. Raoult sur la cryoscopie de précision; il croit que, dans les expériences de M. Raoult, la condition de rayonnement nul n’est pas réalisé; en outre, certaines valeurs étant du même ordre de grandeur que les erreurs qu’elles peuvent comporter, les relations dans lesquelles elles entrent ne peuvent être considérées comme établies. — M. Paul Lemoult a préparé le cyanamide CAz. AzH? à l'état pur et non polymérisé, et s'en est servi pour effectuer des recherches thermochimiques, Le cyanamide est un composé endothermique, moins stable en solution qu'à l’état sec. Il se comporte comme un acide, car il donne un dégagement de chaleur avec les bases alca- lines. 3° SCIENCES NATURELLES. — M, L. Bordas donne la description du système nerveux sus-intestinal (sto- magastrique) des Orthoptères de la tribu des Mecopo- dinæ. Chez le Platyphyllum giganteum, le système comprend un ganglion frontal, un ganglion œsophagien ou hypo-cérébral, une paire de ganglions latéro-æso- phagiens et deux ganglions intestinaux placés à la surface postérieure du jabot. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 6 Octobre 1896. M. le Président informe l’Académie du décès de M. Trastour, correspondant national dans la division de Médecine, — M. le D' Ledé lit un mémoire sur la protection de l'enfance. Séance du 13 Octobre 1896. M. le Président annonce à l’Académie le décès de M. le P' Schiff (de Genève), correspondant étranger. — M. Hervieux répond à quelques questions sur l’in- troduction de la vaccine en France. Elle fut introduite en mai 4800 par le duc de Larochefoucauld Liancourt ; à la suite de ses démarches, un comité médical fut ins- titué pour la pratique des vaccinations et la constata- tion des résultats, — M. E. Lancereaux communique quelques cas d’alcoolisme chez des enfants, auxquels leurs parents avaient donné l'habitude de boire du vin en assez grande quantité depuis l’âge de deux ans. II montre que ces excès de boissons alcooliques sont né- fastes à l'enfant dont ils altèrent les organes, modi- fient le développement physique et souvent aussi les facultés morales, de facon à en faire un être dégénéré. — M. Laveran présente le rapport du concours pour le Prix Barbier, et M. Kelsch celui du concours pour le Prix de l’Académie. 886 SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Communicalions récentes. M. Bouty, président, communique uue nole de M. Joubin sur la dimension des grandeurs électriques et magnétiques. L'auteur, pour déterminer les dimensions des pouvoirs inducteurs K et K', admet que leurs di- mensions sont entières par rapport à L, M, T; cette hypothèse laisse le choix entre douze combinaisons possibles, dont une seule donne à K et K’ une signili- cation mécanique : K = M1 LT? (coeficient de compressibilité) K'= ML-i (densité). On trouve alors que le champ électrostatique est une pression, le champ magnétique une vitesse, la densité du courant une vitesse angulaire, ete. La force électro- magnétique, qu'exerce un champ sur un courant, se- rait la force centrifuge de Coriolis résultant de la vi- tesse du champ et de la rotation du courant !. — M. Macé de Lépinay expose ses recherches sur la détermination du kilogramme. Le poids de l’étalon pro- totype devrait être exactement égal à celui du déci- mètre cube d’eau distillée, privée d'air, à 4°; en réa- lité, ce dernier poids n’est pas connu avec une très grande exactitude; les valeurs trouvées par les divers expérimentateurs varient entre 999,653 et 1000,840 cr. (le gramme étant le millième du poids de l’étalon des Archives). La discussion des expériences montre que la détermination des dimensions du corps que l'on plonge dans l’eau, pour déterminer la perte de poids qu'il subit, ne peut être effectuée avec une grande précision sur des corps métalliques; le voisinage des autres présente toujours des irrégularités, que des mesures de moyennes n'éliminent pas, M. Macé de Lépinay, pour peuvoir étudier en détail la forme du solide à immerger, a utilisé un cube de quartz de 4 centimètres de côté environ; la planéité des faces a été réalisée avec une grande perfection. Les dimen- sions absolues ont été déterminées par la méthode des franges de Talbot, à l’aide d’un réseau de Rowland de 3,15 de rayon, dont on utilisait le troisième spectre; on prenait comme repère la longueur d'onde de la raie verte du cadmium, qui a été comparée di- rectement au mètre par M. Michelson. L'indice du quartz a été déterminé, à une demi-unilé près du sixième ordre décimal, aux températures de 8°, 1% et 26°. La dilatation du quartz est parfaitement connue. Des mesures de différence d'épaisseur, au nombre de 81 pour chaque couple de faces, ont complété l’étude de la surface du cube et permis de calculer, pour le volume à 0° : Vo = 61,75259 centim. cubes; lerreur sur l'indice limite la précision relative de ce nombre à 4,7.10—5. Le poids du cube, déterminé par MM. Benoît et Chappuis au Bureau international des Poids et Mesures, est : = 163,68257 grammes + 0,00002. Pour mesurer la densité, on a employé la méthode hydrostatique; l’eau était distillée deux fois, recueillie directement dans un récipient doré et n’était en con- tact qu'avec des substances inaltérables, quartz ou métaux ; la densité a été trouvée égale à : dy = 2,650734 + 0,000001. Le volume du cube est donc (le litre étant le volume de la masse d’eau qui pèse un kilogramme à 4°) 163,68527 2,650734 ou 61,74990 millilitres. 1 Toutes ces relations résultent de la possibilité d'identifier complètement les équations du champ électromagnétique à celle de l’élasticité. ê, R. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES On a ainsi 61,74990 millilitres — 61,15259 centim. cubes 1 litre — 1,00004+ décim. cube. et la masse du décimètre cube d’eau distillée devien 999,956 grammes Æ 0,006. Les impuretés, solides o gazeuses, présentes dans l’eau, peuvent occasionne de nouvelles corrections, maïs les deux termes seront de signes contraires, et le nombre donné peut être. considéré comme exact à quelques milligrammes près. — M. Guillaume, reprenant l'historique de la ques- tion, esquissé par M. Macé de Lépinay, pense que, de tous les travaux précédents, on ne doit accorder de confiance qu’à ceux que MM. Chaney et Kuppfer ont exécuté pour déterminer la masse spécifique de l’eau respectivement en fonction des unités anglaises et russes, Les résultats de M. Chaney sont compris dans l'énoncé suivant de la loi britannique : « Le gallon est le volume occupé par 10 livres d’eau distillée, pesées à Londres sous la pression de 30 pouces, l'équilibre de la balance étant obtenu par des poids en laiton, l’eau et l'air étant à la température de 62° Farenheit. » Les corrections à exécuter pour passer de cette définition à celle du système C. G. S. sont nombreuses; il y à lieu d'attirer surtout l'attention sur le rapport du yard au mètre. La législation anglaise avait adopté la pro- portion 4 mètre — 39,37709 pouces; les mesures de M. Benoît ‘ont donné récemment 1 mètre = 39,370113 pouces ou { yard — 0,9143902, ce qui entraînerait une correction de au nombre de M. Chaney. Les dé- 20000 terminations de Kuppfer ont été faites à 13°33 Réau- mur; l’unité de longueur est le pouce, l'unité de poids 1 la dolia fa rivre russe). L’étalon russe est Ja sa- gène, choisie égale à 7 pieds anglais, dans l'espoir que « les deux plus grands empires du monde ayant le même système d'unités, tous les autres pays fussent amenés à l’adopter », espoir qu’a décu l'expansion gé- nérale du système métrique. La fixation de la sagène a été effectuée avec beaucoup de soin par Kuppfer et la correction sur sa longueur semble devoir être la mème que sur le yard. Les nombres originaux deviens: nent, après correction, plus petits que l'unité, comme celui de M. Macé de Lépinay et celui que le D' Broch avait déduit des expériences de Lefèvre-Gineau. —= M. Macé de Lépinay indique un dispositif permettant de mettre en évidence les changements de phase pro- duits pur la diffraction par un écran à bord rectiligne in- défini. La source est un trou très petit; l'écran est placé devant une des demi-lentilles de Billet, du côté des franges et normalement à leur direction ordinaires La différence de phase introduite par la diffraction varie peu, en oscillant, à l’extérieur de lombre géo- métrique, puis croit indéfiniment à l'intérieur. Les franges sont légèrement sinueuses dans la première région et s’infléchissent fortement dans la se= conde, du côté du faisceau diffracté. — M. Cornu indique une autre forme d'expérience; on place dans le plan d'observation, parallèlement au bord de l'écran, la double fente d’Arago, et l’on observe les franges obtenues; ces franges restent sensiblement fixes tant que l'appareil est à l'intérieur de la partie éclairée; mais, dès qu'on pénètre dans l'ombre géométrique, elles se déplacent rapidement en sens inverse du mous vement. Cette expérience montre que, conformément aux idées de Fresnel sur les zones efficaces, c’est le bord de l'écran qui devient la source lumineuse véri= lable pour les points qui sont dans l’ombre géomé- trique. — M. Chabaud ayant remarqué, avec M. Hur- muzeseu, qu'un tube de Crookes de forme cylindrique fournit, sous une pression notablement plus élevée, de meilleurs résultats qu’un tube en forme de poire, a cherché à exagérer cet effet et a obtenu, avec un tube long de faible diamètre, une action énergique dont le maximum se produit pour une pression de 0,04 milli= ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES mètre. Avec un verre particulier, qui prend une fluo- rescence violette, il semble que la raréfaction des gaz se fasse très rapidement, la condensation ayant lieu par toute la surface; une légère élévation de tempé- rature rend au tube son activité; on peut l’obtenir en réglant convenablement le courant et faire fonctionner ainsi le tube pendant un temps très long. C. Raveau. SOCIÉTE ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES Jagadis Chunder Bose, Professeur de Physique au Presideney College, à Calcutta. — Détermination de la longueur d'onde des radiations électri- ques au moyen des réseaux de diffraction. — L'auteur, qui s’occupe depuis longtemps de la déter- mination des indices de réfraction de diverses subs- tances pour les radiations électriques, a été conduit à mesurer en même temps les longueurs d'onde de ces radiations. On sait que, pour les oscillations électri- ques lentes, ce sont les ondes les plus longues qui sont les plus réfrangibles. Au contraire, pour les oscilla- tions rapides, qui donnent naissance à la lumière, ce sont les ondes les plus courtes qui sont les plus ré- frangibles. Il existe, par conséquent, une région de vibrations neutres qui ne sont plus dispersées par un milieu transparent. Il est donc intéressant de cons- truire une courbe de réfrangibilité des radiations élec- triques suivant leur fréquence. La mesure des indices de réfraction a déjà été abordée et résolue par l’au- teur !. La détermination des longueurs d'onde offrait, d'autre part, de grandes difficultés. Hertz employait, dans ce but, la méthode des interférences, et détermi- nait, par des résonateurs, la position des nœuds et des ventres des ondulations stationnaires. Ses expériences, répétées par MM. Sarasin et de la Rive avec des réso- nateurs de différents diamètres, conduisirent à cette hypothèse que l’excitateur émet un spectre continu de radiations de différentes longueurs d'onde, agissant chacune sur un résonateur et qui doivent être diffé- remment déviées par un prisme; la longueur d'onde des vibrations était égale à huit fois le diamètre du résonateur cireulaire qu’elles excitaient, Le profes- seur J. J. Thomson s'éleva contre l'hypothèse d’un spectre continu et admit que des ondes électriques -accidentelles avaient troublé les résultats; d’ailleurs, la théorie indique que la longueur d’onde égale seule- ment 2r fois le diamètre du résonateur.Dans la méthode de Hertz, les résultats sem- blent donc influencés par diverses causes, et il était désirable de trouver une méthode plus précise. L’au- teur y est arrivé en se ser- vant des réseaux courbes de diffraction de Rowland. Soit G le réseau (fig. 1), C son centre de courbure, f la courbe focale et CM le + diamètre de cette courbe. On sait qu'une source de radiations S, située sur la courbe f, donnera un spectre de diffraction en un pant S’ situé sur la même courbe et défini par l’équa- ion : (a + b)(sini + sin) — n1, où (a + b) est la somme des largeurs d'un fil et d’un intervalle du réseau, à l'angle d'incidence, et 6 l’angle de diffraction. Le signe de 6 est pris positivement quand les deux radiations incidente et réfléchie sont d'un même côté de la normale, Dans l'équation ci- dessus, deux cas sont intéressants : lorsque le récep- teur est placé en C, 6 — 0° et l’on a : } Proceedings of the Royal Sociely, vol. 59, p. 160. 887 (a + b) sini = n); quand la déviation est minima, à — 0 et l’on a : 2 (a + b) sini = n}. L'appareil utilisé est disposé de la facon suivante (fig. 2). Le réseau G, qui est cylindrique, est placé sur Fig. 2. — Disposition d'une expérience. — G, réseau; E, pivot autour duquel tournent le radiateur et le récepteur; D, cercle graduë pour la mesure des angles; C, centre de courbure du réseau; R, radiateur ; S, récepteur. une table de bois, son centre C est occupé par le ré- cepteur S. La courbe focale, sur laquelle doivent se trouver le radiateur R et le récepteur S, est tracée sur la table, Un pivot E est fixé au centre du réseau, et, de ce pivot comme centre, on trace également un cercle gradué D qui servira à la mesure des angles d'incidence et de diffraction. Deux bras, munis d’une glissière et pouvant tourner autour du pivot E, portent le radiateur et le récepteur. Radiateur. — L’'oscillation électrique est produite entre deux petites boules et une sphère interposée de 0,78 em. de diamètre, en platine fondu (fig. 3). La source d'électricité fut d’abord 1 une petite bobine de Ruhm- korff, mais l'interrupteur fonc- tionnant mal, l’auteur renonca à l'utiliser, Il prit une longue bande de papier, paraffiné d'un côté, recouvert de feuilles d'é- tain de l’autre, et l’enroula au- tour du circuit secondaire de la bobine à la facon d’un con- denseur; des connections ap- propriées furent faites avec le commutateur. Les deux électrodes sont réunies aux petites boules de platine; la distance deces boules à la grande sphère est ré- glée par tâtonnement: on s'apercoit que la décharge est oscillatoire lorsqu'elle produit un bruit doux et non crépitant. Le circuit primaire est actionné par un pelit accumulateur. Bobine, accumulateur, commu- lateurs sont renfermés dans une boite de fer recou- verte de feuilles d’étain pour empêcher les troubles magnétiques de se répandre dans l'espace. La boite est percée d’une ouverture ronde ou carrée pour le tube du radiateur et d’une petite fente pour le manche du commutateur. Récepteur. — Le récepteur ou résonateur consiste en une série de spirales d’acier reliées à une pile et à un galvanomètre d’'Arsonval; le courant traverse suc- cessivement toutes ces spirales. Lorsque la radiation électrique tombe sur la surface sensible du récepteur, il se produit une brusque diminution de résistance et le galvanomètre placé dans le circuit décline soudai- nement. Le récepteur répond à une série de vibrations déterminées, mais il peut servir pour d'autres radia- Fig. 3. — Radiateur. 888 tions si l’on modifie la force électromotrice du courant qui le traverse. Réseau cylindrique. — La radiation sortant par une fente verticale, le réseau est composé de fils métalli- ques verticaux et parallèles. Une mince feuille d’ébo- nite est courbée en forme d’une portion de cylindre et maintenue dans cetle forme en la fixant contre des guides circulaires en bois. Sur le côté concave de l’é- bonite, on fixe, à intervalles égaux, des bandes d’étain (fig 4). L'auteur a utilisé cinq réseaux différents dont Fig. 4, — Réseau courbe de diffraction. les bandes métalliques et les intervalles avaient res- pectivement 3 cm., 2,5 cm., 2 cm., 1,5 em. et 1 em. de largeur, Le diamètre du réseau cylindrique était de 100 cm. Il eût peut-être été préférable d’avoir une moins forte courbure, mais l'intensité de la radiation élec- trique est si faible qu’elle n'aurait probablement pas été perceptible à une plus grande distance, Description des expériences, — Le récepteur est d'’a- bord placé au centre de courbure du réseau (6 — 0). Tableau I. À MOYENNE DE À a Réseau A. Largeur des bandes — | cm. 1,849 1,831 1,844 1,837 l 1,843 om. Réseau B. Largeur des bandes = 1,5 cm. (] 10 ,846 : 1,844 cm. 8 Réseau C. Largeur des bandes = 2 cm. 0 1,846 5 1,87 7 1,855 1,849 cm. Réseau D. Largeur des bandes — 2,5 cm. 1,845 cm. n Réseau E. Largeur des bandes — 3 cm. 1,854 1,845 1,851 1,543 | 1,848 cm. | On met le radiateur en marche et on le déplace jus- qu’à ce que le galvanomètre du récepteur réponde; on ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES note alors l’angle d'incidence. Puis on fixe le récep= teur dans une autre position sur la courbe focale; on déplace de nouveau le radiateur et on note les angles d'incidence et de diffraction. L'auteur a obtenu ain pour chaque réseau, une série d’angles d'incidence avec leurs angles correspondants de diffraction. Maï ces expériences n’allèrent pas sans de grandes diff cultés. Les réflexions dues aux murs de la chambre, à la table, etc., furent d'abord la cause de troubles con sidérables que l’auteur écarta à grand’peine. Ensuite l'auteur s’apercut que la boîte de fer doublée d’étain qui renferme le radiateur laisse passer de faibles ra diations; une seconde enveloppe extérieure fut inter- posée et le récepteur fut également pourvu d'une en: veloppe métallique. Après avoir écarté presque tou les causes de trouble, l'auteur a obtenu les résultats qu'indique le tableau EL, La moyenne des différentes valeurs de longueu d'onde indiquées ci-dessus est 1,846 em. Or, dans ces expériences, la distance entre les deux surfaces ins ternes des petites boules du radiateur entre lesquelles jaillit l’étincelle était de 0,9 cm. On voit que la lon* sueur d'onde est égale au double de cette valeur. L'ax teur entreprit d’autres expériences en vue de vérifier si cette relation a toujours lieu. Voici les résultats ob= tenus avec un réseau dont les bandes avaient 3 em. de largeur (tableau IT) : Tableau Il. è ( À MOYENNE 23.0 0 2,3% 29,0 — 5 2,38 2,36 cm. dE) —10 2,36 La moyenne de la longueur d'onde (2,36 cm.) est également le double de la distance des surfaces in= ternes des petites boules, qui était, dans ce cas, dé 1,2 cm. 1 Conclusions. — Les expériences ci-dessus semblent prouver que le spectre diffracté est linéaire et non continu. La méthode employée donne des résultats concordants, et les résultats ne sont pas influencés! par la périodicité du récepteur. 20 SCIENCES NATURELLES J. Bretland Farmer, Professeur de Botanique au Collège Royal des Sciences de Londres, et J. 1», NWil= liams : Sur la fécondation et la segmentation des spores des Fucus. — Les recherches des aus teurs ont porté sur l’Ascophyllum nodosum, le Fucus vesieulosus et le Fucus platycarpus. Ils indiquent, après. un rapide historique de la question, où figurent les noms de Thuret, Oltmanns et Behrens, où et comment ont été recueillis les échantillons qu'ils ont étudiés et ils décrivent les méthodes d'observation, de fertilisa= tion, de fixation et de coloration qu'ils ont employées Leur attention s’est surtout fixée sur les transforma tions que subissent les noyaux cellulaires. Ils n'ont pu parvenir à observer la première division nu cléaire dans l'oogone, mais ils ont réussi à voir les. divisions ultérieures dans le F. vesiculosus etle F. plas tycarpus, dans lesquels il se forme huit oosphères: Oltmanns affirme que dans l’Ascophyllum, dans leque quatre oosphères se forment d'ordinaire, ilexiste, à un stade antérieur, 8 noyaux libres, dont 4 avortent ulté= rieurement et ne deviennent pas des centres de forma= tion cellulaire, Les recherches nouvelles confirment ces résultats, mais en certains cas il existe une cin quième oosphère, plus petite que les autres et qui, une fois sortie de l'oogone, exerce sur les anthéro= zoïdes une attraction pareille à celles des oosphères de plus grande taille. Lorsqu'un noyau oogonique est sur le point de se diviser, il s’allonge, {légèrement ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 889 d’abord, puis jusqu’au point de ressembler à une el- lipse. Des radiations fines s'étendent alors des deux extrémités dans le cytoplasma environnant. Il est d’abord assez uniformément granuleux ; mais lorsque les radiations se multiplient dans les aires polaires, les granulations abandonnent cesrégions, s'accumulent en dehors d’elles. Le noyau devient rapidement plus semblable à un fuseau et ses éléments chromatiques se groupent principalement au voisinage de chaque pôle, laissant un espace clair, où est situé le nucléole, à peu près au niveau de l'équateur. Les radiations “polaires continuent à s’accroitre et le noyau à s’allon- ger, jusqu’à ce que le tout ait pris la forme d'une hal- tère dont le noyau représenterait la poignée. Si on pro- longeait les rayons, on les verrait se terminer dans le protoplasma spumeux, soit aux angles où l’écume rencontre les parois, soit aux grasses granulations qui entourent les aires claires et sont enchässées- dans l'écume. On n’a pas constaté l'existence d'éléments qui puissent être identifiés aveccerlitude aux centrosomes, bien que certains corpuscules aient paru pouvoir être ainsi interprétés. Le stade suivant de la mitose est celui où se forme le fuseau interpolaire et où les chromosomes se disposent selon son équateur. Ce fuseau est entièrement intranucléaire comme celui de la Valonia et de la Periza. La paroi nucléaire se laisse distinguer jusqu’à une période très avancée de la karyokinèse et il est possible qu'il ne se pro- duise point ici de mélange complet du cyloplasmie avec le contenu du noyau. Le fuseau est extrèmement clair; les chromosomes étaient trop petits pour que leur dé- veloppement ait pu être étudié d’une manière salis- faisante, mais dans tous les fuseaux oogoniques leur nombre a pu être évalué à 10, lorsqu'ils élaient dispo- sés sur l'équateur du fuseau. Des restes du nucléole, conservant plus ou moins exactement sa forme origi- nale, sont quelquefois visibles à ce stade et même à un stade postérieur. I{ ne se forme pas dans l'oogone de plans de division jusqu'à ce que tous les noyaux se soient formés ; les positions qu'ils occuperont définiti- vement sontalors indiquées par l'accumulation en files ou plutôt enlames des granulations cytoplasmiques dont il a été parlé. Elles semblentèêtre repoussées éga- lement de tous les noyaux, ce qui produit une division symétrique de l’oogone entier. Lorsque la complète - délimitation des oosphères dans l’oogone a eu lieu, il peut arriver qu'une des oosphères contienne 2 ou même 3 noyaux. Quand les oosphères sont expulsées et demeurent libres dans l’eau, elles augmentent de volume et se chargent de granulations très abondantes dans le cyloplasme. Les chromatophores se distinguent vite des autres éléments de la cellule et le noyau oc- cupe une position centrale. Il est entouré d’une couche épaisse de cytoplasme, qui devient plus évi- dente encore ultérieurement. Cinq minutes environ après le mélange des cellules sexuelles, les anthéro- zoides avaient déjà pénétré dans un grand nombre “'oosphères. Les auteurs n’ontpu observer l’acte même de la pénétration, mais ils ont vu l’anthérozoide dans loosphère avant sa fusion finale avec le noyau. C’est un corps arrondi, se colorant fortement et dépourvu de rayons. Il traverse le cytoplasme avec une grande rapi- dité, et s'applique étroitement au noyau; il a alors environ les dimensions du nucléole. Il coiffe bientôt comme un bonnet le noyau et présente alors un as- pect moins homogène ; il devient granuleux ainsi que le noyau et finit par se fondre avec lui; la fusion est complète, moins de dix minules après que les anthé- rozoides ont été placés dans l’eau, Une pellicule déli- cale se forme en même temps autour de l’oosphère et le cytoplasme revêt une structure plus neltement ra- diaire, les files de granulations partant du noyau comme d'un centre. Après la fertilisation, les cellules restent sans subir de segmentation, pendant un assez long espace de temps, d'ordinaire 24 heures. Durant cet intervalle, la paroi cellulaire s'épaissit rapidement et le protoplasma prend une structure de plus en plus régulière. Son aspect spumeux ou alvéolaire devient très net et les chromatophores viennent se placer aux angles formés par la convergence des parois des aivéoles, ce qui les oblige à subir certaines déformations. D'autres granulations qui se colorent fortement et re- présentent probablement des réserves nutritives de nature protéique sont abondamment répandues dans le cytoplasma. La première division segmenltaire res- semble aux divisions oogoniques déjà décrites et les aires polaires deviennent de même exemptes de gra- nulations. Les filaments achromatiques qui forment les radiations polaires se rattachent neltement au ré- seau cyloplasmique et, en certains cas, semblent se fondre avec lui, En d’autres cas, ces fibrilles aboutissent à des granulations; parfois elles bifurquent et les branches finissent soit dans des granulalions, soil à des angles du réseau. L’inférence qu'on peut tirer de ces faits semble être que les radiations sont le résultat d’une différentiation du protoplasma tel qu'il existe à ce moment et qu’elles ne doivent pasleur origine à une substance spéciale formatrice du fuseau, qui les ferait se développer et croître comme des éléments nouveaux dans la cellule, Quand apparaît le fuseau nucléaire achromatique, il est, comme dans la mitose oogonique, intranucléaire et il est souvent séparé par un espace clair de la paroi nucléaire qui subsiste nettement dé- finie. Les chromosomes, lorsqu'ils se réunissent à l'équateur du fuseau, sont au nombre de vingt, soit en nombre double de ceux des noyaux oogoniques. Les au- teurs n’ont pu discerner aucun indice qui permette d'affirmer que les chromosomes mâles et femelles forment des groupes distincts. Le long intervalle de temps qui s’écoule chez ces Fucus entre la fécondation et la première division nucléaire, tendrait à faire ad- mettre une fusion plus complète des chromosomes des deux cellules. Pendant le stade de diaster les fibres achromatliques de liaison sont d'abord très nelles, mais elles deviennent bientôt moins distinctes et il ne se forme pas entre elles de plaques cellulaires. Les deux noyaux filles passent graduellement à un état de repos; chacun d’eux est d’abord hémisphérique, et pré- sente des projections crénélées sur la surface aplatie qui est dirigée vers le noyau sœur. Ce n’est qu'après que la première division nucléaire est achevée qu'ap- paraît la première paroi cellulaire. La cellule est par- fois sphérique, lorsque cela se produit, et elle se di- vise alors en deux hémisphères semblables. De nouvelles divisions peuvent avoir lieu, alors que le con- tour général de l'embryon est eucore plus ou moins sphérique. Mais le plus souvent la première paroi cel- lulaire coupe la sphère en deux moitiés dissemblables, dont l’une se développe en un rhizoïde. Souvent cette projection à l’intérieur d’une partie de la cellule se produit avant que la première division nucléaire n'ait eu lieu et dans tous les cas un des deux noyaux filles passe dans la protubérance. Les divisions suivantes ont été suffisamment décrites par Thuret et d'aulres auteurs, mais il faut remarquer que la division des noyaux précède dans tous les cas la formation d'une lamelle cellulaire, Les chromosomes persistent eu nombre double pendant les divisions végétatives du thallus, et ce nombre est constant dans les cellules somatiques du Fucus adulte. Il s'ensuit que la réduc- tion du nombre des chromosomes (dans la plante fe- melle) est associée à la différentiation de l’oogone, la cellule mère des produits sexuels. Le Fucus offre donc un type d'oogénèse plus voisin de celui de l’oogénèse animale que les plantes supérieures, Au point de vue du nombre de ses chromosomes, la plante de Fucus ressemble au sporophyte des plantes supérieures, tan- dis que leur gamétophyte, avec son nombre réduit de chromosomes, trouve son analogue dans les cellules sexuelles à maturité du Fucus. J.-XWY. Dawson, F.R.S. : Rapport additionnel sur les arbres contenant des restes animaux qui se sont conservés debout dans la formation car- 890 bonifère de la Nouvelle-Ecosse. — M. Dawson a trouvé les restes fossiles de divers Batraciens dans les troncs de deux arbres, situés respectivement à 190 et 400 pieds au-dessous des couches où les arbres repti- lifères avaient été primitivement trouvés, à Coal-Mine Point; deux souches se trouvaient au même niveau que le premier de ces deux arbres. Ce premier groupe n’a fourni que des échantillons d'espèces déjà con- nues : Hylonomus Lyelli et H. latidens (des os isolés de plusieurs individus et un squelette presque complet), Hylerpeton longidentatum (trois individus), H. Dawsoni (deux individus), Dendrerpeton Acadianum (trois indi- vidus), D. Oweni (un individu), Fritschia curtidentata (un individu). Il existait, dans ces mêmes arbres, quelques restes de Myriapodes. Le second arbre con- tenait des échantillons d’au moins vingt Batraciens et d'autant de Myriapodes et de Limacons terrestres; ils appartenaient, pour la plupart, à des espèces con- nues; M. Dawson y à (rouvé néanmoins les restes de deux espèces nouvelles, Hylerpelon intermedium (les mâchoires seulement et certaines parties du crâne), et Platystegos loricatum. L'H. intermedium vient se placer entre l'H. longidentatum et V'H. Dawsoni, Le P, lorica- tum peut être rangé entre les Dendrerpeton et les Ba- phetes. Ces nouvelles découvertes n’ont pas ajouté beaucoup de noms à notre liste d'espèces; elles mon- tirent que la faune terrestre n’a subi aucun change- ment notable pendant que se déposaient ces 400 pieds de sédiments. A. Gamgee, F.R.S., P'à Owens College. — Sur les relations de la Turacine et de la Turacopor- phyrine avec la matière colorante du sang. — M. Gamgee conclut d'une série d'expériences spec- troscopiques qui ont révélé l’existence des mêmes bandes d'absorption dans l'extrême violet des spectres de lhématoporphyrine et de la turacoporphyrine, à l'identité essentielle de ces deux substances; l'identité du spectre violet et ultra-violet de la turacine et de celui des composés acides de l'hématine semble prou- ver que la furacine renferme le groupe atomique qui détermine dans le spectre de l’hémoglobine, de ses composés et de ses principaux dérivés, l’apparition des bandes d'absorption caractéristiques dans la ré- gion de l’extrème violet et de l'ultra-violet, Les travaux de M. Gamgee sur la turacine et la tura- coporphyrine sont en compiet accord avec les re- cherches, anférieurement publiées, du Pr Church, dont ils sont, d'ailleurs, indépendants. Les solutions de turacine dans la soude caustique ou l’ammoniaque, assez diluées pour être presque in- colores, etoùellesnese montrent qu’à peine lorsqu'on les examine sous une épaisseur de 0"010, la plus intense des deux bandes de la {uracine dans le vert, laisse apercevoir une bande d'absorption très intense à la limite du violet, quiempiète de plus en plus sur l'ultra- violet à mesure que la solution est plus concentrée. Avec une solution qui permet de reconnaître les bandes de la turacine, la bande d'absorption s'étend de A à M, elle a son maximum d'intensité entre het L. Le bord le moins réfrangible de la bande est nettement limité, le bord le plus réfrangible est plus indistinct. À me- sure que la solution est plus diluée, la largeur de la bande diminue, Les composés de l’hématine donnent exactement les mêmes résultats à l'examen spectros- copique. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Récentes communications. M. Raphaël Meldola F. R.S., publie ses récents travaux sur le mononitrogaïacol; le produit qu'il a obtenu en nitrant d’une facon spéciale le gaïacol a la composition suivante : CSH3.Az02.OCHS.OH (4 : 2 : 4). ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Il a pu obtenir deux benzoylnitrogaïacols C5H3.Az0?.0CH30C7H°0 qui doivent avoir les formules suivantes : OC7H°0 OCTH°0 OCHS AzO? OCH: AzO? MM. À. G. Perkin et J. J. Hummel ont retiré d l'écorce de la Myrica nagi une matière colorante roug orange qui accompagne plusieurs matières tannantes et différents composés ressemblant à la quercitine. Les recherches conduisent à croire que ce corps, appelé par les auteurs myricétine, est de l’hydroquercitine ayant pour conslitulion : (0) OH OH —< > OH. OH OH CO — Etudiant les dérivés de la camphoroxime, M. Martin: O. Forster a trouvé une base à caractère tertiaire C2H%Az, dont il prépare différents sels et produits de substitution. — M. C. Marshall publie une note sur les pouvoir rolaloire de l'acide aspartique. — MM. Francis R. Japp, F.R.S. et T. S. Murray continuent la syn= thèse des corps cycliques à cinq atomes de carbone; ils s'étendent spécialement sur les produits de con- densation du benzyle et de l’acide lévulique, tels que les acides 4 et 8 anhydrobenzyllévulique et autres» corps analogues ayant une constitution telle que : CéH5.C(OH)CH? co C=CH?.CO0H. CHE. C — MM. James Walker et James R. Appleyard : Sur l'absorption des acides dilués par la soie. —MM. Percy Frankland, F. R.S. et Frederick Malcolm Wharton ont entrepris l’élude au point de vue de leur activité oplique des différents isomères des sels éthylique et méthylique des acides ortho, méta et paratoluyltar-=" trique. — M. J. S. Maclaurin a obtenu des sulfures doubles d’or et de différents métaux, tels que l'argent, le plomb, le cuivre, en faisant agir sur ces alliages fondus de la vapeur de soufre. Les analyses de ces corps prouveraient que le sulfure d’or a bien pour formule Au°S. Dans une deuxième note, le même aus teur étudie la relation existant entre les poids d’or et d'argent dissous par le cyanure de potassium en solu=" tion en opérant sur des alliages de ces métaux. — MM. J. T. Hewitt et H. E. Stevenson décrivent les acides ortho, méta et para chlorobenzèneazosalicy= lique : /C00H (2) CéHiCIAz : A. COHS 5 SOH (4) — MM. J. T. Hewitt et F. G. Pope, étudiant les pro- duits de condensation du chloral avec le résorcinol, ont obtenu un acide et une lactone : l'acide contient quatre groupes hydroxyles et doit être l’acide tétrahy- droxydiphénylacétique ayant pour formule : 513 OH (2) A) GH de soi: lég're. Elle se cachent la figure au moyen d'un voile de soie, avant toujours le même sin (fig. 33). Les femmes de condi'ion inférieure des Fig. 33. — Femme arcbe riche en costume de ville à Tunis. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vigænerot et Le. se couvrent la face avec une éloffe noire épaisse. Celle-ci s'applique de façon à masquer le front et le visage, en ne laissant apercevoir que les yeux (fig. 34). L'homme du peuple de Tunis ne difière pas de celui de la région côtière. La plupart, d'ailleurs, sont, ainsi que nous l'avons dit, des immigrants temporaires. Leur costume est {rès spécial. Il se compose d'une blouse de laine étroite, de couleur brunätre, d'une culolte plus où moins large, rem- D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE placée souvent par une sorte de jupon d’étofle à raies, d’une chechia avec turban d'étoffe rayée. Les Sfaxiens portent presque tous le turban vert. Enfin, leurs chaussures, fabriquées dans le pays, sont en cuir jaune. La longueur et la coloration de la Fig. 34, — Femme arabe pauvre en costume de ville à Tunis, Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougetonÿ Vignerot et Ci. blouse varient selon les localités. A Tunisla blouse est brun foncé ; à Hammamet elle est plus claire; à Soliman elle est de laine blanche; au sommet du cap Bon (Kelibia, Menzel-Temine) elle est à rayures rouges et noires alternées; à Sousse, elle est jaune assez clair, et plus courte, ete. Non seulement la coloration, mais l’ornementation de la blouse servent à distinguer d'un simple coup d'æil le village d’où vient l'individu. Le bas de la blouse, les côtés et les manches sont ornés de passemen- ce D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE teries blanches ou rouges, affectant des dessins particuliers à chaque centre. À Hammamet le dessin se compose de quelques filets de laine rouge; aux iles Kerkennab,il est très sobre, tandis qu'à Sousse la blouse est eaucoip plus surchargée de dessins. Sur celte blouse, les indigènes portent un petit manteau à capuchon et à manches. Il est de même étoffe et de même couleur que la blouse, l'ornementation est semblable. Le plus souvent les individus ne mettent pas les n anches. Leur man- teau ne tient que par le capuchon. Enfin, aux Ker- kennah, on porte comme costume de cérémonie des blouses sans man- ches, larges, tail- lées sur le type de celles de Tunis. Elles sont noires, ornées de brode- ries très curieu- ses, de laine rouge et blanche et de pompons. À Dijer- ba,la blouse est semblable , mais en Jaine brune avec passemen- térie, verte , ou bleue avec passe- menterie jaune. Les populations des montagnes voisines de Djerba ne portent pas la blouse. Les hom- mes drapent au- tour de leur corps une longue pièce de laine brune, dont un pan est ramené sur la tête (fig. 35). ces gens ne portent pas de turban. Ils ont l'ha- C'est une espèce de loge. La plupart de biltude de se raser la lèvre supérieure, de façon à ne laisser qu'un étroit filet de poils comme moustache. Leur menton est aussi, en grande par- lie, rasé. Quant aux femmes, les riches suivent la mode de Tunis. Les autres, dans les villages de la Côle, revélent des sortes de blouses analogues à celles des hommes, plus larges et sans manches. Cette blouse est serrée à la ceinture. Elle est quel- quefois brune, mais, plus souvent, elle se compose d'une moitié rouge et d'une moitié violette. A Sfax, Fig. 35. — Caid d'El Oudiane. Photographie de M. Garrigues, — Photogravare de MM. Rougeron, Vignerot et Ci. 993 à Djerba, on porte le péplum:il est généralement d’une étofle de laine assez épaisse, à rayures, pour les riches. Les pauvres en ont d'éloffe bleue, ou même de cotonnade blanche, comme dans le sud de l'jerba. Un usage curieux est que, dans cette partie de l'ile, tandis que les hommes se coiffent de vastes chapeaux, dits kabyles, les femmes se couvrent la tête de chapeaux pointus à bords plats. Cette particularité ne s'observe nulle part ailleurs dans l'Afrique du Nord. Les femmes de celte population côtière se parent de bijoux d'ar- sent, fibules, pla- ques, bracelets, etc... de vastes dimensions. Dans les villa- ges, elles sortent à visage décou- vert; mais, dans les petites villes, l'habi- tude de se voiler la face et le haut elles ont du corps avec une étoffe de d'un laine noire tissu peu serré. Ce tissu leur permet de voir sans être vues. Leur aspect, sous ce voile noir, qui les recouvre complètementjus- qu'augenou, mäan- que absolument d'élégance. Un long chapi- tre serait néces- saire pour décrire les objets sur les- quels s'exercel'ac- tivilé de cette population industrieuse, d'où dépend toute la richesse de la Tunisie. Mais ce serait em- piéter sur quelques articles annoncés !. Disons seu- lement qu'une partie des populations du lilloral est occupée, de Bizerte aux montagnes du sud, par la culture de l'olivier. Certains groupes cultivent la pomme de terre (à Rafraf, près de Porto-Farina), des fleurs pour la distillation, des orangers el citronniers pour les fruits à Nabeul). Beaucoup s'adonnent à la viticulture, par exemple aux envi- à Menzel bou Zelfa Bon), rons de Bizerte, cap 1 Ces articles traitant de l'agriculture et des industries indigènes, paraitront dans la prochaine livraison de la Revue Livraison du 15 décembre 1896(NoTe DE LA DIRECTION. 994 aux iles Kerkennah, à Djerba. Ils vendent les raisins et fabriquent même du vin, au mépris des prescriptions coraniques! Les cultures arbus- tives de l’amandier, des grenadiers, etc., se font un peu dans tous ces villages côtiers. Le sud fait surtout des figuiers. Dans les montagnes, les indigènes élèvent des murs de pierres sèches, qu'ils revêtent de terre, pour arrêter les eaux au pied D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE poration importante de forgerons et de menuisiers. Dans les villes et principaux villages, la fabrication des couvertures, des tapis, des tissus de soie, la teinture des étoffes, la confection des vêtements, le tannage, la teinture et le (ravail des cuirs, la poterie, — beaucoup plus avancée sur le Littoral que dans le Centre, et, à Nabeul et à Djerba, faite au moyen du tour et de fours perfectionnés, — la Fig. 56. — Cour du palais d'un tres riche Arabe, à Tunis. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci. de leur arbres fruitiers. Inutile de dire que tous ces cullivateurs sont petits propriétaires, tandis que les misérables tribus du Centre possèdent des lati- fundia. Les produits de la terre donnent lieu à diverses industries. Telle est celle de la fabrication de l'huile, qui occupe quantité d'huileries. Les indigènes pos- sèdent aussi de nombreux moulins à grains. Les instruments agricoles de fer ou de bois sont con- feclionnées dans chaque gros village par une cor- fabrication des meubles !, donnent du travail à un très grand nombre d'ouvriers. Dans toutes les villes, le commerce est concentré dans des quartiers spéciaux, composés de magasins minuscules. Ces quartiers portent le nom de sowks, 1 Parmi les plus typiques, on peut signaler des lits à colonnes de bois sculpté. Ces colonnes sent couvertes de peintures où l’or domine. En les voyant, on comprend très bien les descriptions des intérieurs grecs, conservés par Homère dans l'Odyssée. D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE 995 EE Ze Ze à une spécialité, dont Nous terminerons nos renseignements sur ces Chaque souk est attribué à les divers marchands forment une sorte de corpo- | populations industrieuses, en disant que beaucoup des habitants des îles Kerkennah, de Sfax, de ration ayant son chef ou ain. Il y a des souks des fruits sees el objets d'épicerie, souks des parfums, Djerba et de Zarzis, vivent de la pêche des poissons, des libraires, de la chaussure, de la sellerie, de | des poulpes et des éponges. Ils naviguent sur des la laine, des chechias, des brodeurs, des bijoutiers, | barques construites dans le pays. PE TE CONTES] pal X7 Gars L >< TASS à. YA al Fig. 31. — Intérieur d'un paluis prive arabe, à Tunis. Photographie de M. Garrigues, — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci. des forgerons,du cuivre,des potiers,des menuisiers, Toutes ces populations vivent dans des maisons. des tailleurs. ete. Le marchand expose son étalage, | Leurs constructions varient d'aspect; mais, à quelquefois présenté d’une façon artistique, sur le l'exception de celles où se reconnait l'influence devant de sa boutique. Ils'y tient assis à la turque, comme un Boudha dans sa niche. En arrière, à portée de ses mains, s'entassent les marchandises européenne, toutes les pièces ont une forme oblon- gue. Le principe de la construction est une cour centrale, sur laquelle s'ouvrent les pièces de la mai- destinées à remplacer celles qu'on aura achetées. ! son. Ces pièces à Tunis ont la forme d'un T. Aux 996 D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE deux extrémités de la barre horizontale, il y a, d'or- dinaire, un litaux colonnes dorées homériques. La partie verticale du T constitue une sorte de pièce secondaire. Des bancs disposés le long des murs permettent de s'installer et de se livrer à la conver- sation. Les fenêtres ne s'ouvrent que sur la cour intérieure, jamais sur la rue. Ces chambres sont recouvertes de terrasses. Les femmes circulent souvent de terrasse en terrasse sans passer par la rue. Chez les riches (fig. 36 et 37), les murs intérieurs sont couverts de briques émaillées, montant par- fois jusqu'au plafond. Celui-ci est souvent fait en plàtre tout dentelé. C'est une industrie locale très élégante, à peu près disparue aujourd'hui. Descend-on au sud, on trouve, dans toute la région qui s'étend entre Gabès et la Tripolitaine, des modèles d'architecture spéciale. C'est ainsi que, dans le nord de Djerba, à côté des maisons du type constitue de la sorte une petite forteresse, placée sur un relief de terrain pour en rendre l'accès plus difficile. Pour monter aux étages supérieurs, il faut s’accrocher des pieds et des mains sur des pierres ménagées en saillie le long des murs et qui servent d'échelles (fig. 40). Ces constructions servent surloutà loger des provisions. Leurs portess ouvrent au moyen de clés curieuses. Ces clés sont des plan- ches portant des chevilles de bois. Ces chevilles doivent pénétrer dans des trous symétriquement creusés dans un verrou qui ferme la porte. Comme le verrou est à l'intérieur, on fait pénétrer la elé par un trou 44 Loc ménagé dans la maçonnerie; on emmanche les chevilles dans les trous; en tirant ou en poussant, on ferme ou on ouvre la porte. Le soin de la défense, peut-être la rareté du bois ou la recherche de la fraicheur ont donné lieu aussi à des installations dans la terre. Il y a plu- sieurs espèces de Troglodytes en Tunisie. Les plus L'ig. 38. — Atelier de tissage à Djerba. Photographie de M. Bertholon, — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cr. l nord-tunisien, on en trouve, — principalement les | curieux et aussi les plus connus sont les Matmatass ateliers de tissage, — qui sont très spéciales comme construction. Ce sontdes chambres assez allongées ; des contreforts soutiennent leurs murs pour qu'ils résistent à la pression du Loit, qui est en forme de Les deux extrémités de cette chambre sont fermées par un mur vertical triangulaire, lequel est percé d'une porte. C'est là-dedans que l’'ouvrier installe son métier (fig. 38). Ces voûtes, construites d'une façon plus p'imi- tive, se retrouvent sur le continent, el constituent les différents voûte. centres de l'oasis de Zarzis, de Medénine, de Melamer, de Jouema, de Ben Kred- dach et autres guessour de la montagne. Ces cham- bres voütées sont construites les unes à côté des autres. L'espace manquant, les propriétaires édi- fient une deuxième voûte sur la première. Quel- ques constructions arrivent même à comporter ainsi jusqu’à quatre ou cinq étages (fig. 40). Les portes donnent sur une cour centrale. Le côté de la cam- pagne est solidement muré. L'ensemble des voûtes (Exemple : ceux de Hadèje près de Gabès, fig. 39) Voicicommentse construitune de leurs maisons. On. creuse dans le tuf un cube d'une dizaine de mètress de côté, Ce sera la cour de la maison souterraine Quantelle est terminée, on évide sur les diverses faces les chambres de la maison: leurs ouvertures sont, comme dans les maisons tunisiennes, sur la cour. Leurs plafonds sonten ogive, c'est là une con=" dition de solidité. Les bestiaux sont aussi logés dans le tuf. Leurs écuries communiquent avec lan campagne par un couloir. 4 Ce type d'habitation troglodyte n’est pas le seul. Plus au sud, chez les Ghoumeracen, à Chenini et quelques autres points, les habitants enlèvent toub le tuf qui sépare deux bancs calcaires sur le flanc d'une colline en falaise. En avant de la chambre formée par cet évidement, ils bâtissent une construction de pierre. La famille habite la caverne, On met les provisions dans la pièce exté- rieure, De vrais villages existent ainsi chez les D: BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE 997 ruches Ghoumeracen, formant des sortes de creusées aux flancs de leurs montagnes. Enfin, le besoin de la défense a poussé ces sédentaires à jucher au sommet de pitons presque inaccessibles, de véritables acropoles (fig. M). C'est ce que nous avons dans le Bargou. Des veilleurs se tenaient constamment sur ces acropoles, prêts à faire retentir le tambour de guerre, pour avertir les signalé anciens fondateurs des villages, que les séden- laires, chassés par les nomades, ont soumis en se refugiant chez eux. Le même besoin de défense a poussé les gens de Djerba à faire de leurs fermes de vé- ritables forteresses . Elles se composent d'un pare à bestiaux entouré d'une haute muraille, aux angles de laquelle des tours (fig. 43). En s'élèvent cas de guerre, les trou- peaux se réfugient travailleurs d'un coup de main provenant des nomades. La plupart de ces sédentaires, ré- fugiés sur ces sommets, ont dù, pour vivre, deve- nir serfs de nomades, qui les protègent. Eux- 1 Le Fig. 39. — Habilalion de Troglodyles Matmatus. Photographie de M. Wolfrom. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, dans le pare. Les ha- bitants armés s’embus- quent dans les tours. Les fermes, se prêtant un mutuel aÿpui, peuvent résister fort bien contre l'attaque des nomades. Le résultat obtenu est Fig. 40. — Vue intérieure de Mélamer montrant les maisons en vole à plusieurs étages et les escaliers primilifs permellant d'accéder aux élages supérieurs. Photographie du D' Carton. — Photogravure des Imprimeries Lemercier. mêmes possèdent des serfs dans leurs propres villages. Ces derniers descendent sans doute des frappant. À Ajim, où ces fermes-forteresses existent, les cultures vont jusqu'à la mer. Entre 998 D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE El Kantara et Sedouikèche, où ce mode de défense n'a pas été employé, le désert est en train de reconquérir cette portion de l'ile. L'architecture religieuse de la côte est celle des pays musulmans. Il faut cependant dire un mot des mosquées de Djerba. Les Djerbiens sont, au point de vue musulman, des protestants du rite Ouahabite. Ils ne croient pas à la mission divine des pro- phètes, y compris Mohamed. Leurs mosquées sont remarquables par leurs dimensions exiguës. Elles ont un minaret minuscule, surmonté d’une sorte de une pierre conique, lanterneau, soutenant groupements principaux. Ce sont, en allant de l’est à l’ouest : les oasis de Gabès, celles du Nefzaoua, de Gañfsa et du Djérid. Les populations qui cultivent les oasis pro- viennent de deux rameaux ethniques principaux. A Gabès, on trouve, à peu près sans mélange, le type de petite taille, brun, à crâne allongé, que nous avons rencontré un peu partout. Dans les autres oasis, surtout celles du Djérid, le type prédominant est celui que M. Collignon a décrit sous le nom de {ype de Djérid. Les indigènes de ce groupe sont à peau très bistre. Leur taille est Fig. 41. — Douiret, village de Troglodytes grimpeurs, construit sur une montagne isolée. Photographie de M. le lieutenant-colonel Rébillet, — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, plantée verticalement(fig. 42). Faut-il voirlàquelque reminiscence d’un vieux culte phallique ? Ajoutons que, tandis que les musulmans orthodoxes se con- tentent de se déchausser pour entrer dans leurs mosquées, les Djerbiens, avant de pénétrer dans les leurs, poussent le respect jusqu'à quitter, comme impurs, non seulement leurs chaussures, mais encore leurs bas, et jusqu’à leurs culottes! $ 3. — Populations des Oasis. La population des oasis constitue, d’une façon générale, un groupe assez spécial. Celui-ei s'étend de la région de Gabès à la frontière algérienne, au nord et au sud des Chotts. Elle comprend quatre élevée. Leur front et leur menton sont fuyants. Leur nez est concave, relevé et un peu large. Les lèvres sont fortes. La face est haute, étroite. Ce ne sont ni des nègres, ni des métis de nègres. Au point de vue anthropologique, c'est de la race de Néanderthal qu'ils se rapprochent le plus. Comme nous le disions au commencement de ce travail, ils paraissent continuer cette antique race sur la terre d'Afrique. A côté de ces indigènes, vivent de nombreux nè- gres (fig. 44). Beaucoupontétéintroduits dansle pays par l'esclavage. Le paludisme décime les popula- tions blanches dans les oasis. Aussi est-il remar- quable que celles-ci placent leurs villages en dehors D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE 993 _—_—_— —— —— —— ——"——]———"— —"—"—"—”—”—”—"—”—"—…"”"”"”…"…"…". ._— —_—_—__—_—————…"….….….…".…._…_.….…_—.._. des palmeraies. Cela ne les empêche pas, chaque année à l'automne, de subir une mortalité excessive qui porte surtout sur l'enfance. Les nègres résistent mieux. C'est ce qui explique leur emploi, surtout au Nefzaoua. On peut en distinguer deux groupes. Les uns ont un type européen. Ils paraissent pro- venir de croise- ments répétés eutre Berbères blancs et nègres. Quelquesauteurs les ont décrits sous le nom de Rhouaras, d'après la population de l'oued Rhir, où la population de ce type est fort nombreuse. Les autres nègres sont des Souda- nais comprenant après l'invasion de ceux-ci, on ne comptait pas moins de deux cents villages florissants et populeux aux environs de Gafsa. À peine relève-t-on la pré- sence de sept centres à l'heure actuelle ! Les oasis du Nefzaoua sont en train de disparaitre, par suite de la stérilisation progressive due à l'élément arabe. Les dunes non ont envahiles palme- raies. Le désert gagne , l'indus- trie de l'homme ne s'opposant plus à sa marche fixées progressive. Les indigènes de cet- le région ont presque tous été réduits à l’état de serfs des Arabes Ouled Yacoub et toutes les varié- tés du continent Fig. 42. — Mosquée des Ouhabiles à Djerba. — Les caractères propres sont : Beni-Zid. Les Chambäa, voire méme les Toua- 1° de petites dimensions; 2° un minaret constitué par un lanterneau sur- noir.Ceuxquiont monté d’une pierre conique, — vestige d'un culte phallique. reg venaient aus- été importés di- Photographie de M. Bertholon. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, siles piller. «Ces reetement sont reconnaissables à leur face couturée de larges incisious. Celles-ci varient selon la région d’ori- gine. Les autres n'ont pas de tatouages. Il en est de la région des oasis comme de celle DESEPE FU sédentaires n'é- taient plus qu'un bétail exploitable à la fantai- sie du seigneur et dont celui-ci trafiquait à sa guise !. » Quant au Djérid, ses richesses natu- relles lui ont valu de subir bien plus de pillages Fig. 43. — Ferme à Adjim (île de Djerba). — C’est le type de la construction au sud de Djerba : tourelles à base carrée placées aux angles d’un parc entouré de murs, et percées de fenêtres rectangulaires pour la défense contre les indigènes. Photographie de M. Bertholon. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, du littoral. L'Arabe a passé là, c'est-à-dire que la destruction s'y est opérée aussi complète que pos- sible. À Gabès une série de petites oasis, tant au nord qu'au sud, montre ce que le pays avait été au temps des Romains. Les descriptions d'Edrisi font juger encore de la ruine croissante avec la pré- sence des Arabes (Peni-Zid, Hamerna et Hazem). Au temps de Yacoût, c'est à-dire peu de temps encore que les autres oasis. 11 fut à diverses re- prises tout à fait dépeuplé ! Les tribus arabes, qui vivent autour et aux dépens de ces oasis, ont gardé, plus que celles du nord, leur type primitif. Les Hamamas, cependant, paraissent être des Berbères devenus nomades. On 1 La Tunisie, 1896. Les tribus, p. 459. 109) D' BERTHOLOIN — LA PIPULATION ET LES R\CES EN TUNISIE trouve parmi eux un élément appréciable de sujets à tête ronde. Peu de choses à dire du costume. Sur la côte, on porte la blouse de laine brune et le petit man'eau à capuchon, classique sur le littoral. A l'intérieur, on se drape plutôt dans la longue pièce de laine brune. en forme de toge. Les fem:nes revêleat fontes le peplos bleu. Les négresses font exception en s'habillant d'étoffes de laine à rayures blan- ches et rouges. Une des cou- tumes bizarres des gens des où- sis est la cyno- phagie. Cet usa- ge est en viola- tion flagrante du Coran, qui in - terdil expressé- ment l'usage de la viande de car- Mal - gré celte pros- nassiers. criphon, on man- ge du chien sous toutes les pal - meraies - Pour excuser cel usa- ge, les habitants prétendent cette préserve de la que chair les lièvre . On se trouve là en pré- sence d'un vieil usage antérieur à l'Islam. L'habitation de l'homme des Beaucoup de villages ont leurs maisons groupées par quartiers séparés. De solides portes permettent de fermer chacun de ces quartiers. Ceux-ci forment alors comme autant de forteresses contre l'ennemi du dehors : le nomade. Souvent chaque’quartier, comme cela à lieu dans le Djérid, est habité par une souche différente de population. Le manque de pierres a, dans ce dernier pays, fait employer la brique (fig. 46 ct 48). À Tozeur enparticulier les constructeurs , en variant la dis- position des bri- ques, obtiennent des façades or- nées, d'un très agréable effet (fig. 49 et 50). Les gens des oasis, très labo- rieux, sont géné- ralement jardi- niers. Tout y vient par l'irri- gation. Leurs en- semencements de céréales don- nent des récoltes très précaires . Par contre, ils irriguent leurs cullures soit par l'eau tirée à des puits, soit par des nappes arté- siennes datant d'une époque in- connue, soit par de véritables ri- vières au cours oasis est le vil- Fig. 44. — Jeunes nègres des oasis (Gabès). régulier, comme lage en plerre. Photographie de M. Valenza. — Photogravure des Imprimeries Lemercier. l'oued Gabès. La .Les maisons se composent, comme dans le nord, d'une cour cen- trale sur laquelle s'ouvrent les diverses pièces. GC terrasse. Parfois, ainsi que cela est courant à Ga- lés=ci sont soil voûlées, soil surmontées-d'une bès, on ne se donne pas la peine de murer la fa- çade des pièces qui donnent sur la cour. De simples colonnes soutiennentles plafonds (fig. 45 et47). Aussi peut-on voir de l'extérieur ce qui se passe dans ces maisons originales, où la vie est constamment en plein air. distribution d'eau est réglementée. Chaque propriétaire a droil d'user de l’eau pendantune période de temps fixée à l'avance. À Gabès, cette organisation, encore en vi- gueur, à permis de conserver une fort belle oasis. A la Hamma, région voisine, où elle a disparu par suite de la présence des Arabes Beni-Zid, des quan- lités considérables d'eau se perdent inutilement. Aussi la palmeraie y est-elle misérable, tandis que c'est en termes admiratifs que tous les auteurs ont décrit la succession des végélations qui s'élèvent à D° BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE 1001 l'ombre des palmiers de Gabès, savoir les végétaux herbacés, puis les cultures arbustives et la vigne qui s'attache aux arbres comme une liane. Au-dessus de tout, les touffes des palmiers forment un immense dôme protecteur des rayons de soleil. Le prix de la terre ainsi cultivée atteint des chif- fres inconnus dans le nord. L'hectare arrive à se quels les plus intéressants à signaler sont : la croix, le peigne et le poisson. III. — QUELQUES GÉNÉRALITÉS SUR LES MUSULMANS DE TUNISIE. Après cette esquisse des traits les plus earacté- ristiques de chaque région, il paraît nécessaire Fig. 45. — Maison à Djara (oasis de Gabès). Phbtographie de M. Albert, — Photogravure de M. L. Bordier, vendre de 15 à 20.000 francs. Il faut ajouter que la propriété est fort morcelée. Outre les légumes, les fruits divers et les dattes, les sédentaires, cultivateurs des oasis, pratiquent diverses industries. Les deux plus renomméessontla fabrication des tapis d'Ouderef près de Gabès et celle des couvertures de Gafsa. Ces dernières, aux larges dimensions, sont remarquables par l’ar- chaïsme de leurs dessins. Ceux-ci représentent des Caravanes de chameaux, aux formes triangulaires. Dans les dessins figurent divers motifs, parmi les- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. de faire connaitre les généralités qui apparlien- nent à tout groupement musulman. Le culte est un monothéisme. Le Coran, que nous n'avons pas à analyser, en est le livre sacré. Les variantes dans l'interprélalion ont créé divers rites. Les principaux sont: le rite Maleki, particulier aux indigènes, et le rite Hanefi, propre aux gens d'origine turque: Nous avons parlé aussi de la secte des Djerbiens. Le Coran n'est pas un simple livre religieux, Il s'occupe d’une série de détails soit sociologiques, 29 e 1002 D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE soit économiques, soit hygiéniques, qui n’ont rien de commun avec la divinilé. Aussi les sectateurs de cette religion se trouvent-ils dominés par elle dans les moindres actes de leur existence. Cette règle iyrannique est strictement observée. Ainsi Fig. 46. — Maison à Debabeha, au bord du chott. Photographie de M. Wolfrom. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, s'explique pourquoi sur les points les plus divers du globe, les peuples musulmans, quoique de races différentes, présentent tant de ressemblances. La même règle explique pourquoi notre civilisation n'a jamais pu trer mœurs des po- dans les pulations isla- miques. Les - poir de qui révent l'as- ceux similation des indigènes de l'Afrique du Nord classer peut se parmi les utopies les plus dangereu- ses pour l'ave- nir de notre na- tionalité dans cetle région. La religion musulmane, à côté de rares maximes de to- lérance, est un chant de haine et de contre ceux qui guerre n'ont pas em- l'Isla - brassé misme, c'est-à-dire contre nous, Aussi une assi- milation n'est-elle possible que par l'abandon des Fig. Vignerot et Ci°, pénétrer el ne pourra jamais méné- | maudite serait un crime : * Fig. 48. — Maison el maraboul à Nefta. Photographie de M. Garrigues, — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot ct Cie. | doclrincs coraniques. Ce n'est pas précisément ce 41. — Type de maison à Gabès Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, qui lend à se dessiner. Fusionner avec une race une apostasie. Cet amour de la religion est entretenu par la prière, qui se fait cinq fois par jour. Chaque année un jeüne de vingt-huit jours vient ra- viver la foi. Du lever au cou- cher du soleil, J:musulmanne doit alors ni a- valer une miet- te de pain, ni boire une gout- te d'eau, ni fu- mer une bouf- fée tabac. Celte privation de — bien dure à supporter pour malheu - reux, qui mal- les gré cela ont à peiner pour gagner leur vie, — entretient leur fana- tisme. Le pèlerinage à la Mecque, un des buts de D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE 1003 l'existence de tout musulman, lui permet de se purifier du contact des chrétiens, et nos gouver- nants facilitent ces voyages religieux! Enfin, des confréries nombreuses, plus ou moins secrètes, empêchent la foi de tiédir. Les principales sont : grande notoriété par suite de leurs pratiques. Les disciples s'assemblent dans leurs zaouïas ou cha- pelles,. Ils se préparent, en hurlant un chant rythmé, accompagné de brusques balancements de tête, Ce mouvement de tête, de plus en plus précipité, les Fig. 49, — Maison à Tozeur. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, les Kaderias, les Tidjanias, les Senoussias, les Suleïmias, les Aïssaouas, etc. Les Senoussias, qui font massacrer tous les voya- geurs qui s'aventurent hors de la protection de nos baïonnettes, sont fort connus. Les Aïssaouas, disci- ples de Sidi-Ben-Aïssa (Jésus) jouissent aussi d’une étourdit et finit par les hynoptiser. Quand le direc- teur de la cérémonie voit un des fidèles arrivé à point, il le fait livrer à l'exercice qui lui est habi- tuel. Les uns mangent des feuilles de cactus avec leurs épines ou se roulent dessus, d’autres avalent des clous ou des scorpions. Quelques-uns s'enfon- 1004 cent, à coups de maillet, des instruments piquants dans le corps. D'autres enfin trouvent moins désa- gréable de se contenter de simuler quelque animal et de grimper après les arbres ou sur les murs. L'exercice terminé, le directeur de la cérémonie réveille le fidèle. Celui-ci va le plus souvent s'as- seoir à l'écart, dans un état d’obnubilation qui s'atténue peu à peu, Deux questions de mœurs musulmanes peuvent intéresser direc - tement les Euro- péens. L'une est la question des prêts. Le Coran défend de prêter de l'argent à in- térêt. Cette inter- diction , absolu - ment impossible à suivre, est {tour- née la facon suivante: L'indi- gène porte sur la de reconnaissance de l'argent prêté u- ne somme supe- rieure à celle qu'il La diffé- représente recoit. rence l'intérêt . Chaque année , il renou- velle son prêt soit en payant une somme qui repré- sente les intérêts, soit, ce qui est plus fréquent, en aug- dette some mentant sa d'une é- quivalente aux in- térêts. Ces aug- mentations surtout mains SUC = CeSSIves, entre les des Juifs, arrivent rapidement à absorber le capital. Le propriétaire imprévoyant abandonne alors son bien au prêteur moyennant une faible somme, à moins qu'il ne préfère laisser vendre au tribunal. D'une façon comme d'une autre, la terre échappe d’une façon régulière aux mains des propriétaires musulmans, tous plus incapables les uns que les autres de ré- gler leurs dépenses sur leurs recettes. Une autre particularité est la constitution des habbous. On appelle de ce nom les biens de main- morte. Ces biens sont inaliénables. Le donateur Fig. 50, — Façade d'une maison à Tozeur. Photographie du D'Carton. — Photogravure des Imprimeries Lemercier, D' BERTYIOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE consacre les revenus des biens rendus habbous soit à l'entretien de fondations pieuses, soit encore à celui de sa descendance. L'exploitation de ces biens de mainmorte est affermée aux personnes qui la demandent, moyennant une rente fixe d'une durée éternelle, nommée enzel. La rente est actuel- lement déterminée par la demande, car on met les biens aux enchères. On les adjuge naturelle- ment au plus offrant. Celte organisa- tion , qui parait très sage, ne ré- pond pas aux be- soins de la colo- nisation. En effet, l'Européen, dé- sireux d'acquérir un enzel, doit se mettre aux mains d'un courtier in- digène, à moins qu'il n'aille lui - même aux enchè- res. Dans un cas comme dans l’au- tre, il paie un en- zel toujours exa- géré, Car on ne manque pas de faire monter les enchères dès qu'on reconnait qu'un roumi(chré- tien )est postulant, Aussi, beaucoup de Français ont- ilsleurs propriétés par des exagérés . grevées enzels Autrefois les biens habbous étaient sous la direction d'agents ou oukils, chargés de négo- cier leur location ou leur enzel. Ils ne rapportaient que peu de chose, un pourboire approprié atténuant les exigences de ; l'oukil. Cette facilité avait permis à certains colons ! d'acquérir dans d'excellentes conditions de beaux domaines. Le jour où la vente aux enchères a été instituée, la colonisation en a reçu un coup très rude, Les statistiques sont là pour en faire foi. Un autre danger de cette réglementation provient de ce que les revenus des habbous, comme lous biens de mainmorte, alimentent les caisses du clergé | musulman. Or, plus la terre prend de plus-value, 4 me os 7e pins er cd DAME So cs Toit de D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE plus on fait payer cher les enzels, plus ce ciergé tend à devenir puissant et riche. L'expansion de notre colonisation viendra donc renforcer la caste qui tend à nous être le plus hostile. Un moyen de mettre fin à cette situation inquiétante sera que l'État tunisien afferme en bloc tous les biens hab- bous, moyennant un enzel ou rente fixe et bénéficie des plus-values qui pourront se produire dans les revenus des habbous. ë 1005 d'Afrique. dits étaient des Sémites,qui ont conquis et assimilé Palestine. Or, celles- On sait que les Israélites proprement les populations sédentaires de ci se composaient, en outre d'éléments syriens, de nombreux sujets d'origine européenne, parmi les- quels les blonds Amorites. est venue en Afrique en plusieurs bancs et spéciale- ment avec les Phéniciens, après la destruction du temple de Jérusalem et enfin avec l'invasion musul- Cette population mêlée ses NE PE 2, pr Fig. 51, — Cérémonie de la circoncision dans une synagogue de Tunis, montrant la variété des lypes israéliles tunisiens. Photographie de M. Valenza. — Photogravure des Imprimeries Lemercier. IV. — LES ISRAÉLITES. L'élément juif constitue une part importante de la population tunisienne . Tunis passe pour être une des villes de la Méditerranée qui renferme le plus d'israélites. Il s'en trouve environ 30.000 in- dividus. Nabeul, Sousse, ferment également un élément israélite fort appré- ciable. La population juive ne présente pas, à propre- ment parler, de caractères ethniques bien accusés. Provenantd'un pays déjà soumis àde fréquents mé- langes, elle en a subidenombreuxencore surla terre Sfax, Gabès, Djerba, ren- mane.L'immigration arrivée sous Titus parait s'être livrée à un prosélytisme très ardent. Beaucoup de Berbères avaient adopté le judaïsme. C'était même la religion de la Kahena. Cette similitude de reli- gion amena de nombreux mélanges avec les popu- lations locales. Plus tard les juifs venus d'Espagne, les juifs livournais, puis des juifs venus de France, ont surtout de Constantinople et d'Asie Mineure, continué à infuser leur sang dans les veines de cette population mélangée. La photographie que reproduit la figure 51, prise dans une synagogue, montre quelle variété de types on trouve, depuis le brachycéphale jusqu'au 1006 D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE sujet négroïde ! On y découvre à peine la figure classique, sicon- nue, du juif d'Europe. Malgré cela, on recon- nait dans la rue un Is- raëlite, qu'il soit brun ou blond. qu il soil même habillé à l'euro- péenne. L'œil dans ce cas est plus frappé de l'habitus général du sujetquedes traits spé- ciaux de son visage. D'une facon générale, on peut dire quau physique, comme d'ail- leurs au moral, l'Israé- lite livournais se rap- proche plus du juif que nous connaissons en Europe, landis que le Tunisien propre- ment dit a un aspect plus européen. Au point de vue administratif, les Is- raélites lunisiens se divisent en deux com- munautés. L'une est celle des Tunisiens pro- prement dits; l’autre, des Livournais ou Gra- na. Ces derniers, difré- rents par les mœurs, le langage et le rituel, ont constitué un schis- me en 1710, [ls obtin- rent même, en 1824, du bey Hussen la per- mission d'avoir un chef caïd spécial, des temples, des rabbins et une administration autonome. Ce groupe forme une sorle d'aris- tocralie dans le milieu juif. I se compose des réfugiés venus d'Espa- gne, renforcés par l'immigralion d'Israé- lites venus de Livour- ne. Ces Livournais, par leurs relations euro - péennes, par leurs richesses et aussi leur instruc- lion, purent acquérir une situation moins avilie que Fix. 52, — Jeune fille juive de Tunis en coslume de ville. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci°, les juifs tunisiens pro- prement dits. Leur in- fluence auprès des beys, comme méde - cins, hommes d'affai- res, banquiers, ete., fut prépondérante. Au- jourd'hui encore, ce sont les adversaires les plus tenaces de l'occupation francaise de la Tunisie. La plu- part des manifesta- ilaliennes sont provoquées et même subventionnées par eux. L'Israélite lunisien diffère du livournais. La plupart des mem- bres de cette commu- nauté sont très pau- vres. Tandis que les Livournais ne s'occu- pent guère que de ban- que , de change , de commerce et de pro- fessions libérales, les Tunisiens exercent des professions manuelles tailleurs, cordonniers, bouchers, ferblan - tions lapissiers, menuisiers, tiers, orfèvres, bro- deurs, etc). Leursobriété remar- quable leur permet de fabriquer toutes cho- ses à des prix mo- diques. Depuis l'occu- pation, ils envoient leurs enfants aux éco- les de l'Alliance israé- lite. Les enfants qui en sortent accaparent tou- tes les places pour les- quelles une instruction primaire est suflisan- te, telles que commis de magasin, cleres d'huissiers, d'avocats, de défenseurs, comp- tables, etc. Leur con- naissance de tous les idiomes du pays etles appointements (rès modérés qu'ils demandent en font, dans ces diverses bran- D D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE 1007 ches d'activité, l'objet d'une concurrence impossible | à soutenir pour nos nationaux. En ce moment, on essaie de les pousser à l'agriculture. Chaque communauté israélile de Tunis pratique | Fig. 53. — Femme juive de Tunis dans son intérieur. (Les Juive Le costume des hommes à longtemps été imposé par des lois édictées par les beys. Les Israélites devaient avoir des vêtements spéciaux, de couleur sombre, généralement bleue, avec des pantalons 4 SE ROPAIRAT TE FX s deviennent toutes très grasses r On les engraisse en vue du mariage.) Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM, Rougeron, Vignerot et Cie, largement la charité. Diverses taxes ont été établies pour assurer des fonds aux malheureux si nom- breux. L'une des plus importantes est le monopole de la viande de boucherie. Le prix de celle-ci est majoré dans des conditions fixées. Le produit de cet impôt est consacré à l'assistance gris.Les Livournais obtinrent, comme une faveur, de pouvoir porter un bonnet blane de coton. Quant au chapeau et aux vêtements européens, ils leur étaient interdits. En 1823, un Israélite, protégé anglais, qui avait violé cette règle, fut emprisonné. Il ne fallutrien moins que la menace d'une démonstration 1008 navale pour le faire élargir. Actuellement, les jeunes générations prennent de plus en plus notre manière de se vêtir. Les femmes ont adopté, dans le nord, le costume des bourgeoises musulmanes : — bonnet conique, blouse courte, pantalon plus ou moins collant (Hig. 52). C'est même une curiosité de la ville de voir Fig, 54. — Juif riche de Tunis. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, ces femmes se promener dans les rues, avec leurs blouses de soie, aux couleurs les plus voyantes etles plus disparates. La jeune génération se met de plus en plus à l'européenne. Dans le Sahel, les juives revêtent d'ordinaire de grandes blouses formant robes, qu'elles serrent à Ja taille. Dans le Sud, elles portent une étoffe de cotonnade anglaise à carreaux rouges et noirs; qu'elles drapent en forme de péplos. Signalons, dans le nord-ouest, certains groupes D' BERTHOLON — LA POPULATION ET LES RACES EN TUNISIE ’ israélites vivant sous la tente avec les indigènes, dont ils portent le costume. Ces gens sont de pré- férence forgerons. On compte des blonds parmi eux. Ils paraissent descendre de Berbères judaï- sés. La communauté juive de Djerba, très particu- lière elle aussi, me parait provenir d'une origine identique. Jusqu'à notre arrivée, les juifs étaient parqués dans des quartiers spéciaux. Ces quartiers, aux rues étroites et malpropres, étaient particulièrement malsains,d'autant plus que la misère amenait, dans un même domicile, des accumulations de popula- lion. Actuellement, les familles relativement aisées descendent dans les quartiers européens. Un groupe de familles loue un appartement. Chaque pièce contient une famille distincte, et la cuisine est en commun. Le bruyant voisinage de ces tribus cam- pées dans un appartement en fait fuir le voisi- nage par les Européens. Aussi les maisons qui sont louées par les juifs, ressemblent-elles à de vastes casernes de gens de cette race, V. — LES INDIGÈNES JUGÉS AU POINT DE VUE FRANCAIS: Au point de vue français, on peut juger comme il suit de la population indigène tunisienne : La colonie française peut et doit se multiplier dans la Tunisie centrale, pays riche, mais désert. Certains indigènes sont susceptibles de fournir une main-d'œuvre, très inférieure cependant à celle des Européens. Le gouvernement local a les moyens, par les caïds ou chefs de tribus, de faire respecter par les Arabes les propriétés des colons. Sur les côtes, le haut prix des terres rendra la colonisation de peuplement difficile, mais il y a place pour de nombreuses industries alimentées par l’a- griculture indigène. On peut s'attacher les gens du littoral par l'intérèt bien compris, et obtenir d'eux un loyalisme suffisant. Les gens des oasis seront toujours aux mains du plus fort. Nos nationaux n'ont d'ailleurs pas d’é- tablissements bien importants à fonder dans cette zone. Quant aux Israélites, ils se précipitent avide- ment à notre enseignement, ils s'efforcent par tous les moyens de s'initier à notre civilisation; mais toute cette ardeur est tournée vers un but très par- ticulariste. Ils créent une nationalité juive dans le pays. À mesure que cette nationalité se perfec- tionne, elle constitue pour nos nationaux un élément de concurrence de plus en plus redoutable. D' Bertholon, Ex-Médecin major de l'Armée française en Tunisie, G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1009 VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE Chevaucher, au printemps, sur des routes peu frayées, vers des horizons largement ouverts, dans un pays qu'enveloppe encore un voile de mystère et sur lequel flotte une légère brume d'inconnu, c'est, lorsqu'on est jeune par l'âge ou par le tem- pérament, un des plaisirs les plus salutaires et les plus forts qui puissent égayer nos yeux, enchanter notre esprit et réjouir notre cœur. « Tunis la Blanche », disent les Arabes. Les quinze années qui se sont écoulées depuis que la France a établi son protectorat sur le beylik de Mohammed-es-Sadok, n’ont point modifié cet as- pect, qui plait aux peintres, aux poètes, aux tou- ristes et aux photographes. Un nouveau Fromentin peut venir s'installer, avec son papier, sa plume et son écritoire, sur les hauteurs du Djabel-Bou-Ker- Fig. 1. — Place Bar-Souika, à Tunis. Photographie de M. Soler. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. Ce divertissement, fertile en occasions de rêve, la Tunisie nous l’a donné, grâce à l'initiative d'un homme d'action en qui le souci d'un lourd devoir administratif n’a pas éteint l’allégresse intellec- tuelle, le goùt des sensations et des idées, l'ardent désir de comprendre etde faire comprendre.M.René Millet, Résident général de la République française auprès de S. A. le Bey, a réuni quelques savants, des membres du Parlement et de l'Institut, quelques arlistes, quelques écrivains, et les à guidés à tra- vers la Régence (fig. 12), pendant trois semaines dont les visions et les mirages laisseront, au fond de leur mémoire éblouie, un lumineux souvenir. nein, ou simplement sur les pelouses inelinées du Jardin d'Essai: ilaura là tout loisir pour décrire cet éclat aveuglant des pierres crues et de la chaux vive (fig. 1), cette rondeur éblouissante des cou- poles d'Orient (fg. 2), cette belle couleur de bur- nous qui,se heurtant au cobalt pur du ciel africain, mettait en joie le peintre du Sahara et du Sahel. Pareillement, les travaux d'aménagement, d'a- mélioration et d'outillage entrepris par le Gou- vernement français (chemins de fer, ports, routes, aquedues), n'ont point changé le caractère du paysage tunisien. Les voyageurs qui ont perdu de vue la Régence, y trouveront beaucoup plus d'eau 1010 G. DESCHAMPS VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE et un peu plus d'ombrage que par le passé. Les la- bours répétés, l'emmagasinage des eaux pluviales, ont étendu de plusieurs milliers d'hectares la sur- face des terrains favorables à la culture des oli- veltes. Un système agricole, qui s'inspire fort heu- reusement des méthodes et des exemples légués par les Romains, a augmenté, en peu de temps, la fertilité de ce pays, que les Arabes avaient, pour ainsi dire, raclé et tondu. Mais M. Amable Crapo- let, qui débarqua sur la berge de la Goulelte au | | | On ne s’appliquera donc pas, dans le travail que voici, à fixer,en dessins ou en aquarelles, un décor dont la beauté ensoleillée mériterait d’être étudiée longuement, minulicusement et à part. On tächera d'apercevoir les hommes et les femmes qui ha- bitent sous ce ciel clément, qui vivent, là-bas, des moissons de la terre labourée où qui cherchent leur subsistance çà et là, au gré des saisons, en dé- roulant leurs tentes et en poussant leurs trou- peaux de chameaux el de chèvres, et en mangeant FESSSE mois de mai 1859 (M. Léon Roche étant consul), reconnailrait sans peine, aux alentours de la Ma- nouba, les touffes de lentisques, de jasmins, de grenadiers et d'oranger où il aimait à goûter la tiédeur L'ingénieur Daux, qui fut chargé, en 1868, de lever la carte des antiques emporia phéniciens en Afrique, recommencerait à improviser des phrases lyriques s'il revoyait la Medjerdah « roulant des torrents de sable et de vase près de l'ancien cap d'Apollon ». Les datliers du Djérid sont à peu près les mêmes qui abritèrent de leurs palmes MM. Tirant et Rebatel en 1874, MM. Cagnat et Saladin en 1883. des siestes. Fig. 2. — Vue gé Photographie de M. Garrigues. — Photo des sauterelles rôties, de la farine d'akoul, de la gomme d'acacia, des graines de coloquinte, parmi les jujubiers sauvages et les genêts épineux du dé- sert. On tàchera de peindre les races que la loi des migrations humaines a dirigées vers ce coin d'Afrique et les nationalités diverses que les com- binaisons de la politique européenne y juxtaposent,. Si une touche de verdure, d'azur ou de sables’ajoute parfois à la description des individus et des groupes, c'est qu'en effet il n'est pas possible de faire voir un cheik des Zlass sans indiquer les fourrés de cac- tus et les plaines mornes où il exerce son autorité G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1014 pastorale, ni de montrer un village de l’Arad ou du Djérid sans dessiner, au-dessus des huttes d'ar- _ gile, la tige fluette et l'éventail épanoui des pal- miers, ni de faire voir un bücheron Khroumir sans étendre sur lui les larges ramures des chènes- lièges, ni enfin un montagnard de Maklar sans profiler au loin les massifs du Djebel-Berberou, les blocs de roches calcaires, et les terrasses sablon- neuses, où se creuse, en vastes gradins, l'escalier des Gazelles. race une certaine répugnance pour les associations corporatives. La philanthropie, la pédagogie, la science, les lettres, les arts, la charité, ou simple- ment le désir de s'amuser en commun, ont suscité, là-bas, une quantité de sociétés bienfaisantes, en- seignantes ou charitables. Tandis que les «Gaudes» la « Corse », l’« Ile de France » s’assemblent surtout pour banqueter en l'honneur du pays natal, tandis que la « Chorale franco-tunisienne », la « Cigale » ef l'« Harmonie » contribuent, par la musique, à | nérale de Tunis. gravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, 1 — Tonrs: Les récentes évaluent à 10.000 le nombre des Français établis à Tunis. Ils sont logés presque tous dans le quartier france, qui, par ses rues droites, ses avenues reclilignes, ses arbres maigres, ses maisons proprettés et neuves ,fait songer à certaines villes d'Orient hà- tivement construites : Athènes, Syra, le faubourg maritime de Smyrne. Les mêmes statistiques affirment que les Fran- çais de Tunis, par leur esprit de solidarité, font mentir les vieux préjugés qui reprochent à notre plus statistiques l'adoucissement des mœurs, la « Société des dames de charité » pourvoit au soutien des pauvres, le « Comité local de l'Alliance française » fonde des écoles et ouvre des bibliothèques, le cercle tuni- sien de la « Ligue de l'Enseignement » offre au pu- blice des distractions littéraires, et l'Institut de Car- thage élabore un vaste programme d'études, en tète duquel on lit cette belle devise : 7ravail et Con- corde. 12.000 Italiens, établis à Tunis, exercent princi- palement la profession de terrassiers, se donnent, de temps en temps, des coups de couteau entre eux, subventionnent des écoles où la haine des 1012 G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE Français est presque ouvertement enseignée, se Les 40.000 Juifs de Tunis se sont réservé les croient descendants de Scipion l'Africain et re- | métiers qui exigent beaucoup d'adresse, de 1 gardent d'un mauvais œil notre Protectorat. patience, du flair, un don inné de commerce et 12.000 Maltais, répartis un peu partout dans la | d'échange, le sens du caleul et peu de main-d'œuvre. Fig. 3. — Rue de Souk-el-Bélat, à Tunis. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron. Vignerot et Cie, ville, ont accaparé, presque entièrement, le mono- | Ils sont passés maîtres dans l’art des transactions, pole des moyens de transport. Ils mènent, à fond | petites ou grandes. Ils sortent, le malin, des quar-" de train, à travers les rues étroites, des landaus | tiers populeux où pullule leur tribu, et se répan- inquiélants et des animaux maigres. Au fond, ces | dent aussitôt, les uns en robe de cotonnade el en cochers, qui ont l'air casse-cou, sont très prudents | culotte bouffante, les autres en «complet » euro et très sûrs. péen, dans tous les endroits où l’on vend sans SL A G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1013 de laine blanche, haïks de soie, turbans teints à la couperose, essences de rose, d'églantier, de géra- fabriquer. Postés surtout dans les pittoresques échoppes des «souks» (fig. 3), dansle va-et-vientdes touristes en quête de couleur locale, ils s'acerochent nium rosat et de jasmin, selles et pistolets (fig. 4), Fig. 4. — Vue exlérieure d'un bazar. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et C*, aux passants, et les obligent, par des paroles enga- | bref tout ce qu'il faut pour éveiller, dans l'âme des geantes, à regarder leur pacotille de bibelots le- | clients de Cook et de Lubin, le mirage des Wille- vantins : tapis enluminés de cochenille, d'indigo, | e-une-Nuits. Ils savent, dès le premier coup d'œil, de henné; gandourahs de six coudées ; burnous | apprécier l'état d'esprit des fläneurs dont ils con- 1014 G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE voitent les piastres. À M. Perrichon ils prodiguent leur camelotte. Aux autres, à ceux qu'ils entrainent mystérieusement dans leur arrière-boutique, ils proposent, avec des mines friandes, des brûle- parfums d'argent massif ou de bronze ciselé, des bracelets in- crustés de gemmes , des plaques d'or où ser- pentent des écrilures in- déchiffra - bles, parfois des trésors véritable - ment et précieux, tout ce que les mercan- tis mes ont pu drainer dans la dé- bàcle des A- rabes. Le jour du sabbat, le quartier juif est tout fleu- ri de cou - rares écono - 64 & ë & Fe td de den na leurs joyeu- (S ses. Lesfem- 8 mes,les jeu- B nes filles +. 2 sont à€cco - | lées au gar- de-fou des terrasses, assises der- rière le gril- lage des fe- nétres, ou tholon). Les jeunes filles sont plus jolies. La casaque collante, le pantalon, serré au-dessus de la cheville, enveloppent leurs formes robustes et fines sans trop en dissimuler le ccntour (fig. 52 du- dit article). Malheureusement dès qu'elles sont liancées, on les engrais- se. Les 6 - ‘pouseurs juifs, à Tu- nis, appré- cient, avant toutes cho- ses , l'am - pleur et le poids... La plupart des : almées qui :- dansent la danse du ventre dans les cafés de la rue Hal- faouine, et qui devien- nent quel- quefois « belles Fat- mas » pour Expositions universel- les, sont des Juives de Tunis(fig.9). On comp- te, à Tunis, 65.000, mu- sulmans in- digènes. Ils habitent principale - ment autour de la Kas- debout sur bah, dans le pas de un quartier leurs por - de maisons tes, et cau- blanches, sent. Elles Fig. 5. — Porte de maison arabe à Tunis. serrées les ont, presque Photographie de M. Soler, — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, unes contre toutes , de les autres , fort beaux yeux, noirs et languissants. Mais | et dominées par des minarels carrés. Une ligne de celles d'entre elles qui sont mariées s’alourdissent de rondeurs bouffies et flasques. Elles emmail- lotent leur embonpoint dans des culottes et des vestes, qui les font ressembler à des paquets vivants et grouillants (fig. 53 de l'article du D: Ber- tramways, installée depuis le 1* août 1887, par une compagnie belge, traverse la ville arabe, et aboutit à la porte Bab-Benat, voisine de cette mosquée de Sidi-Mahrez qui, par ses huit coupoles, fait songer à Sainte-Sophie, Depuis le 11 avril 1884, les plus | G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE mystérieuses impasses de la vieille capitale des beys sont éclairées au gaz L'électricité elle-même Fig. 6. — Rue des Andalous, à Tunis. Dans leurs demeures, les femmes, très curieuses du mouvement de la rue, se cachent derriére leurs fenêtres, soigneusement : grillées, et parfois surveillent ainsi les allées et venues de leurs maris. F_= & [== Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cr, a envahi ce domaine sacro-saint, et sert à nickeler, | cette cité de nonchalance et de routine, s'emploie dorer, argenter les bijoux dont se parent les | à fabriquer l'huile, la glace, le tabac et jr squ'à ces femmes des Croyants. Le téléphone étend les fils | boissons gazeuses dont les Mahométans, privés de 1015 de son réseau magique à travers les murailles des harems. C'est maintenant la vapeur qui, dans 1016 vin, font leurs délices. Les Arabes assistent, sans trop s’émouvoir, à toutes ces innovations. Ils n’en sont ni scandalisés, ni surpris, et acceptent volon- tiers toutes les commodités que leur prodigue l'esprit inventif des Infidèles. D'ailleurs, ces empié- tements de l'industrie européenne n’ont pas ôté aux alentours de la Kasbah ce caractère oriental dont les dilettantes sont justement curieux. Notre civilisation côtoie celle des Arabes, et, par en- droits, la pénètre, sans la détruire. Le télégraphe, la poste,les trottoirs, la police, les éco- les n’empêchent pas les Arabes d’a- voir gardé, avec les traits exté - rieurs de leur race (visage ovale, front étroit, nez aquilin, œil noir, barbe rare, noire et frisée), la plu- part des coutumes qui les signalent à l'attention des voyageurs,des hu- moristes et des peintres. Si quel- chose peut abâtardir la race arabe et lui Ôter ses caractères in- que téressants, c’est, bien plus que nos institutions, la loi religieuse qui en- courage la polyga- G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE au lait et au miel, ou sa febika, mélange de légu-M mes verts, cuits à l'huile ; —un pâtissier qui com- bine en savantes mixtures le coriandre, la cannelle, la girofle, le fenouil et l’anis ; — une poule instal- lée avec ses poussins dans une encoignure, sous le porche d'une mosquée ; — un conteur qui pérore tranquillement au milieu d'un cercle de burnous ; — quelque gros et important personnage, chemi- nant, en robe rose et en souliers vernis, sur une mule harnachée de velours et d’ar- gent; — une ban- de de chameaux qui s'allonge en procession inter - minable le long des boutiques d'un « Souk; » — un vieuxnotaire,dont. le ‘profil, penché sur quelque par- chemin, s'encadre dans le carré d'u- ne fenêtre. Le grouillement déguenillé et splendide des vil- les d'Orient , les cris des mar chands dans les rues, la mélopée plaintive des men- diants, les pelils ànes surchargés, dont le pied glisse sur pointus, toutes les les pavés rencontres impré- vues qui, dans ces cités de rêve et de mie, permet l’u- nion avec des misère, amusent femmes d'autre ou heurtent le race et menace 435 : RE ent passant, un fou 3 : l'intéeri sq Fig. 7. — Marchand de léqumes et cuisinier à Tunis. L , QG y C "1 S e] n WI » à ainsi intégr ité du Photographie de M. Garrigues. — Photogravure des Imprimeries Lemercier, ES ER PEOT ENS type ethnique. Mais, il y a toujours, devant les cafés de la porte Saädoun et de Souk-el-Birka, des loqueteux amu- sants, qui flânent, les jambes croisées, sur des naltes d’alfa, respirent des parfums de muse, de rose et d'ambre, et fument de la fleur de chanvre, tandis qu'un joueur de luth module quelque vieille mélodie en agacant les cordes rauques de son ins- trument. Dans le dédale des rues tournantes, on où un cuisinier (fig. 7) qui accommode, en plein vent, son couscous au piment, aperçoit, au passage, mille spectacles menus l'on voudrait s'arrêter : ) hagard, et que chacun regarde avec une pitié mêlée de respect, un nègre danseur qui se trémousse en faisant cliqueter des castagnettes de fer battu, une femme voilée qui chemine en rasant les murs, droite et silencieuse dans le flottement de ses mousselines de soie, tout cela est encore vivant, remuant, bariolé dans la Tunis moderne , restée multicolore et diverse, malgré les inventions de l'Occident !, ! Le quartier Européen à Tunis, quartier tout nouveau, sera décrit dans l'article de M. de Fages sur les Travaux publics dans la Régence. (NoTE DE LA DIRECTION.) G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE ——_—]—_——————————————————— Can II. — DE Tunis À TÉBOURSOUK. C'est à Medjez-el-Bab, quatrième station du chemin de fer qui va de Tunis à la frontière algé- rienne, que nous avons vu, pour la première fois, les populations indigènes dans leur décor familier, loin des centres cosmopolites où l'Arabe, subtil et commerçant, s'exhibe plus ou moins, pour di- vertir les voyageurs. Fig, 8 — Pelil garçon de douze ans suivant les dames au marché pour porter leurs empleltes. Photographie de M. Garrigues. Photogravure de MM. Rougerou, Vignerot et Cie, C'était le 5 avril. Le ciel était un peu voilé de nuages. Par moments une petite pluie fine battait les vitres de nos wagons. La voie ferrée langeait des haies de cactus !, côtoyait des cimetières, dont les tombes, envahies d'herbes folles, s'éparpillaient he nn Se à PAU ES Re 1 C'est ainsi que les touristes et les faiseurs de descrip- tions appellent l'Opuntia épincux. Je me soumets à l'usage courant. Cette plante, d’ailleurs, ne mérite point d’être con- sidérée comme caractéristique du paysage africain. Car elle fut importée d'Amérique par les Espagnols et répandue, par eux, dans le Maroc, d'où elle s'étendit jusqu'aux contrées voisines. On la trouve aujourd’hui dans toutle nord de l'Afrique. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. 1017 autour de la coupole blanche d'une kowblu. Par-" fois, une maison coquette et légère — résidence d'été de quelque dignitaire beylical — apparaissait à travers les branches des mandariniers. Passé le Bardo (fig. 11),nous vimesunaqueducespagnol,dont les arches de pierre rousse semblaient enjamber la D Le Fig. 9. lhotographie de M. Garrigues. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, — Danseuse juive. campagne rayée d'averses, À la station de la Manouba, un gentil chasseur bleu, sur un cheval blane, fläne et regarde le train... Voici l'aqueduc de Carthage, ruine ébréchée, parmi des labours ensemencés de blés pauvres, où s'étale, au creux des sillons, une neige de päquerettes blanches. Un douar, des tentes de poil de chameau, à deux pas du chemin de fer. Un troupeau de bœufs efflan- 2) 1018 G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE qués se sauve à droite et à gauche de la locomo- tive, à travers les jachères. Rien de plus curieux que la superposition brusque de notre matériel compliqué et savant sur cette terre barbare. Les fils du télégraphe dessinent de fines nervures sur un fond de collines molles, dont la ver- dure courte est ponctuée de ron- deurs blanches par les dômes des marabouts. La plaine est pàle, étant couverte, presque entièrement, par des rameaux secs de jujubier sauvage. Cette plante est l’ennemie du labou- reur. Elle s'accroche ment au sol, et persiste à s'en- raciner, alors que le lentisque, le genêt d'Espagne, la ronce obstiné- agréable aux chameaux, les broussailles d'azero- lier, le romarin, le thuya et le garou se prêtent | AN\1/ 1 4 G EEE 3 f ; a 7 4 Fig. 10. — Femmes sur les terrasses des mai- sons accueillant les voyageurs par des cris. Photographie de M: Meunier. Photogravure de MM, Rougeron, Vignerot et Ci°, vaises herbes où des siècles de paresse et de déses pérance avaient enseveli ce sol ant piéliné, si sou- vent dévasté. Blâme qui voudra, au d'un art qui se brouille avec la vie ! — ces em- piétements de l’agriculture, de l'industrie et du commerce. Il est certain que les minoteries neuves, éparses dans ce pays naguère encore si sujet aux fa- mines, donnent une impression de sécurité. Mon voisin de wa- gon, M. le commandant Plée, chef du Service des renseigne- ments près la Résidence géné- rale,me fait remarquer au pas- sage une exploitation agricole dont les murs blancs, les bri- ques rouges, les haies bien ali- nom gnées, les outils correctement rangés, font plaisir (vraiment oui), au milieu de l'incurie des Arabes. Fig. 11. — Æscalier des Lions, au Palais du Bardo, près de Tunis. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougcron, Vignerot et Cie, davantage à l'arrachement. Pourtant, les environs de Tunis, défrichés, çà et là, par la colonisation, commencent à se dépouiller du linceul de mau- C'est la propriété, on pourrait dire la conquête de M. Trouillet, un colon qui est venu ici avec 20.000 francs et la résolution de ne rien emprun- …. À | | | " | G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE ter. C'est une joie que de voir ainsi, de ses propres yeux, sans l'intermédiaire d’un livre ou d'un confé- rencier, ce que peuvent la ténacité et l'initiative. Nul tableau comparatif, nul graphique, nul diagramme ne vaut ce spectacle, qui est une leçon d'énergie. M. Klepper, contrôleur de Beja, venu à cheval de sa résidence, nous rejoint en route et monte 1019 maquis tunisien en brûlant beaucoup de mastic, de myrte et de romarin. L’eucalyptus remplit mainte- nant cet office, jusqu'à ce que la culture intensive ait détruit, dans toute la région, les germes de la fièvre. Aux abords de Medjez-el-Bab,un orchestre villa- geois faitsonner à nos oreilles les coups sourds des tambours en peau de chien, et pleurer les chevro- dansletrain. tements de C'est un la flûte bé- grand jeune douine. Un homme groupe de blond,aux femmes voi- yeux francs, d’allures dé- gagées, de tournure mi- lées glapit, en notre honneur,des you you qui de s Medyex-el/B , litaire, por- NOR ES) sont, parait- = SE TOboursouk Ê : 3 tant avec ai- s il, l'expres- g Doufga À À = sance LUE ir à - ul = sion de Ja forme élé - ere e É joie dans ce gantetsobre BE Moar pay s(fig-10): qu un règle- À He Vetare Le maitre ment récent : SE eu, d'école de rib + S'HoRBeR Ad Med, | attribue aux à Medijez-el - agents de ; Bab a prêté . Tebessa< = es son grade : à sa maison 4 £ , Vs képi brodé | ALGERIE 2 aux gens » e ob A e d'argent, î TU NCA LS chargés de dolman sou- : nous servir æ —=| CC taché de gan- ; à déjeuner. + ses noires . Si les douze autres con- trôleurs dela Régenceres- semblent à M. Klepper, les indigè - nes ont as- surément u- ne bonne o- pinion de notre race. La station Cravé par ASinon, r2,rue Nicole, Paris Fig. 12. — Itinéraire de la Tournée organisée par le gouvernement Tunisien. — Après avoir visité Tunis et Hammam-Lif, Potinville, la Goulette, Sidi Bou Saïd, Carthage, Utique, Mateur, Bizerte, la Tournée a suivi l'itinéraire marqué par les flèches à Medjez-el-Bab, Testour, Téboursouk) (avec visite à Dougga) ; La table est dressée dans la salle de classe, Les huitres, les langoustes et le cham- pagne du Résident ne nous empê- chent pas de regarder, de Medjez - el-Bab est située à un Béja (avec détachement à Ain-Draham et Tabarka); à Souk-el-Arba, Nebeur, Le Kef, plaines du Sers, Zanfour, Ellez, Maktar, La Kessera, Sidi-Mohammed ben Ali, Kairouan, Sousse ; puis, par mer, de Kairouan à Sfax et à Gabës; de là visite aux Troglodytes (Hadèje, Toujane); retour, par mer, de Gabès à Sfax, Mahedia, puis, par terre, à EI Djem, Djemmal, Sousse, l’Enfida et Tunis. :de Tunis autour de — au Pont de Trajan, à nous , les cartes de géographie , les tableaux kilomètre environ de la bourgade arabe qu'elle des- sert. Ce point sera plus tard le centre d'un actifrou- lage, lorsque les mines du Djebel-el-Akhouat seront complètement exploitées. M. Klepper me fait remar- quer les eucalyptus, dont la végétation salubre en- veloppe de verdure et d'ombre la maison du chef de gare. « La pousse de ces arbres, me dit-il, est incroyablement rapide. Ceux-ci n'ont pas plus de sept ans. » Autrefois, on combatlait la malaria du de système métrique, tout le matériel scolaire, importé de France, qui contribue à répandre, dans ce petit coin de l'Afrique française, un peu de notre science et de notre méthode. Au moment du dessert,vers l'instant où la diges- tion commençante risque d’engourdir les esprits, un épisode inattendu et gracieux nous remet en joie. Quatre ou einq enfants de la tribu des Bejaoua demandent à entrer, et le plus grand (un garçonnel 1020 G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE de douze ou treize ans,au teint mat, aux yeux noirs de gazelle effarouchée) récite, d'une voix douce et rude à la fois, un compliment fort bien tourné. On a beau savoir que c'est l'instituteur qui a rédigé cette petite harangue, — cet appel à la France loin- taine, ce recours à la puissance et à la bonté de notre race ont un tout autre caractère que les sou- haits de bienvenue dont les écoliers et les maîtres d'écoles sont coutumiers lorsqu'ils reçoivent la visite d’un personnage important.C'était,en quelque sorte, le Protectorat qui nous apparaissait sous une forme particulièrement touchante, mieux repré- senté, mieux ex- pliqué par cette bienvenue enfan- tine, que par les phrases solennel- les des protocoles. Parmices enfants, il y avait un bam- -bin tout petit, joufflu et potelé, pas plus haut que la botte d'un spa- hi, très drôle sous sa veste brodée d'or et sa chéchia rouge comme un coquelicot. On le fit passer par-des- sus la table.Le Ré- sident l’éleva dans ses bras et l’em- brassa ._ Chaque convive le bourra de gàteaux. [nous parut alors que l'autorité fran- caise en Tunisie devait s'imposer au cœur des petits, à l'âme des foules par quelque chose de tutélaire et de paternel. Ce malheureux pays, ces malheureuses races, si longtemps vexées et foulées, comptent sur nous,après tant de sièeles de servage, d'angoisse et d'épouvante. Si nous son- gions toujours aux devoirs que nous imposent nos conquêtes, la politique de la Métropole en serait peut-être meilleure et plus digne. Noblesse oblige. Testour, un village andalou, des souvenirs de Grenade au beau milieu des tribus, un cheik qui ressemble à un muletier de la Sierra, déguisé en Arabe, et aussi, par une antithèse paradoxale, des vergers de pommiers, comme en Normandie, voilà ce que nous avons vu pendant cette courte halte d’après-dinée pluvieuse. Le Résident, qui connait par le menu l'histoire Fig. 13. — Charmeur de serpents. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure des Imprimeries Lemercier. de la Tunisie,nous donne d'intéressants détails sur les Espagnols qui sont venus s'y établir après le jour où, par un dessein si hardi, l'empereur Charles-Quint entra, en personne, dans la capitale des beys et se proclama leur suzerain.Les Andalous se sont agglomérés particulièrement dans la pres- qu'ile du cap Bon, aux environs de Bizerte et ici. Ils ont fait souche de laboureurs excellents, et les ethnographes peuvent reconnaitre encore les traits de leur race sous le haïk et le burnous. Les noms mêmes des habitants de Testour indiquent fort clairement leur origine. Le minaret de la mosquée ressemble au cam- panile de certai- nes églises d'Es- pagne!. Un de nos compagnons de voyage — un des plus aimables et des plus instruits — M. Saladin, qui a étudié de très près, en 1882, en 1883 et en 1885, les monuments de la Tunisie, nous explique, avec in- finiment de préci- sion, ces parentés architecturales et nous montre ingé- nieusement ces juxtapositions de couleurs et de sty- les, qui font res- sembler la Régen- ce à une immense . mosaique. Le khalifah de Testour ({c'est-à- dire le lieutenant du caïd a préparé un repas pour nous dansle patio de son logis. C'est la première fois que nous entrons dans une maison arabe. Cette sorte de maison, vue du dehors, est rarement belle. Ses grands murs aveugles ont un aspect claustral. Elle invite à la retraite. Elle décourage les indiscrétions. Sesrares fenêtres sont closes par des verrous et des grilles. Ses portes, volontiers rébarbatives, sont garnies de clous et de barres, véritables épouvan- tails pour les intrus.Mais, sitôt qu'on y est admis, on éprouve une délicieuse impression de fraicheur et d'ombre. La vie de la maison arabe est tournée tout entière vers l'intérieur. Cette disposition vaut peut-être mieux que l'étalage, l'ostentation, la LE RIT EN ER ERREURS OURS. FRE ER RE RES 1 Voyez à ce sujet les figures 9, 40 et 11 insérées dans l’ar= ticle du D: Bertholon publié ci-dessus. G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1021 vaine curiosité qui nous dispersent vers la rue. Ici on vit vraiment ckez soi. On n'ouvre sa maison qu'à bon escient. C’est pourquoi l'hospitalité musulmane a du prix. Le khalifah, un peu bedonnant, mais superbe tout de même sous les plis bouffants de sa jebba en soie couleur de safran,a étendu sous nos pieds des tapis III. — TÉBOURSOUK. 6 Avriz. — Réveil, au chant du coq, aux abois des chiens, au beuglement des troupeaux, tandis que l'aube, par les fentes des volets mal clos, avive la blancheur des quatre murs entre lesquels le com- mandant Rébillet !, surintendant de notre cara- Fig. 14. — Charmeur de serpents. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci*. moelleux et réuni les trois ou quatre chaises de paille que la civilisation a voiturées jusqu'à Testour. Ses femmes ont pétri des gàteaux au miel et pelé des oranges pour notre plaisir. Les gens de Testour n'ont pas toujours été aussi accueillants pour les Français. Sur la route, à l'entrée du village, j'ai vu un cippe consacré à la mémoire de nos soldats morts dans ce district. En 1881, le Bey actuel, Si-Ali, commanda, ici même, une colonne, qui prit part, avec nos trou- pes, à un combat contre les Oulad-Ayar révoltés. vane, a fait installer deux lits de camp. J'ai eu pour camarade de chambrée M. Marcel Dubois, profes- seur de Géographie coloniale à la Sorbonne. Cette première nuit de voyage nous a rappelé à tous les deux nos étapes anciennes en Grèce et en Asie- Mineure. Un peu grisés par ces ressouvenirs, nous laissons monter à notre mémoire des refrains romaïques, jadis entendus sur les routes du Levant. Ce concert exotique sonne comme la diane dans la Rs 1 Aujourd'hui Lieutenant-Colonel. G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE maison de notre hôte El-Hadj-Amine. Nos voisins, le romancier René Bazin, l'architecte Max Doumie, l'économiste Chailley-Bert, les députés Henry Bou- cher et de la Porte, veulent bien ne pas se plaindre de cette musique trop matinale. Le programme de notre journée comporte une visite aux ruines romaines de Dougga, séparées de Téboursouk par une distance de deux ou trois kilo- mètres. Il y alà,sur une de ces acropoles à pic que les Arabes nomment kef, un temple corinthien dédié à Marc-Aurèle et à Lucius Vérus ; un théâtre, dont l’hémicyele a vingt-cinq rangées de gradins; un mausolée € punico-berbère ». Quelle joie pour M. Gaston Boissier, pour M. Cagnat, pour M. Sala- din, pour M. Héron de Villefosse, surtout pour M. Gauckler, Inspecteur général du Service des Antiquités et des Arts en Tunisie, cicerone infati- Fig. 45. — Gens de Téboursouk, regardant passer la Tournée. Photographie de M. Meunier. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci, gable, qui nous fait avec beaucoup de science et d'agrément les honneurs de son domaine ! Tout le long de la route qui mène aux ruines, les gens de Téboursouk, massés sur les talus sablon- neux et les collines pelées, saluent d'un geste grave de la main, lentement portée vers le front. Le Rési- dent, toujours le premier en selle et le dernier au gite, prend la tête de notre cavalcade. Derrière lui, à distance respectueuse, galope une escorte de bur- nous bleus, Ce sont des spahis de l’oudjak, milice indigène qui forme une sorte de garde particulière pour les services de la Résidence et des contrôles. Je chevauche botte à botte avec le contrôleur de Téboursouk,M. René Gautier. Encore un tout jeune homme, grand,bien découplé, mince dans son dol- man pincé, l'air « officier », fort à l'aise sur son joli cheval?noir. Je cause avec lui. J'apprends qu'il est marié, que sa jeune femme habite là, dans cet exil de Téboursouk, et n’y trouve nul déplaisir. (Qui done a dit que les Françaises ne savaient plus s'expatrier?) La maison du contrôle, récemment bâtie sur la hauteur entre la ville arabe et le camp du 3‘ bataillon d'Afrique, vient d’être égayée par la venue d’un bébé, qu'une servante française promène dans une petite voiture, à travers les sen- tiers bordés de cactus. Plusieurs officiers du bataillon stationné à Téboursouk nous ont suivis aux ruines. Quelques- uns de ces messieurs sont archéologues,notamment le lieutenant Hilaire, qui a publié des mémoires très appréciés des spécialistes. C’est une façon intelligente d'employer les loisirs de cette garnison lointaine. Je ne sais si les centurions de l’armée romaine regardaient avec la même attention les antiquilés phéniciennes, disséminées autour de leurs casernements..….. Le commandant Rébillet a décidé que nous pou- vions disposer de notre après-midi. Les uns pro- fitent de ce congé pour aller voir danser une houri villageoise, amenée spécialement pour nous par le caïd des Drides. Les autres se promènent à travers les ruelles enchevêtrées de la ville arabe. Je vais au fondouk. On y peut toujours flâner, ba- rarder, écouter des histoires. Le fondouk, dans les bourgades africaines, depuis le Maroc jusqu'à la Cyénaïque et au delà, c’est le rendez-vous des marchands, des errants; c'est le lieu public où l'on trouve des compagnons, un gite et quelquefois le reste. C’est, d’ailleurs, une bâtisse fort simple. Une cour carrée. Tout autour, des chambrettes mal- propres, qui servent à loger tantôt des chevaux, tantôt des hommes. Au fondouk de Téboursouk, j'ai trouvé d’abord une famille grecque qui débite, sur le comptoir, dans des verres sales, des liqueurs de choix : brûle-gueule, tord-boyau, casse-poitrine à foison. Je ne résiste pas au plaisir de surprendre ces gens en parlant leur patois natal. Aussitôt, nous devenons amis. Le père est couché sur un grabat. Il a, parait-il, la jambe cassée. Le fils à l'air d’une franche canaille. Seule, la vieille mère, embé- guinée dans le costume noir des Cyclades, est inté- ressante par sa face de cire pâle, souffreteuse et résignée. Chez nous, les chipies ont moins de dis- tinction. — Ah! dit-elle, les affaires ne marchent pas. Nous n'avons plus un seul para. — Pourquoi donc? — On ne boit plus. Les Arabes n'ont plus d’ar- gent. Les soldats n’en ont pas beaucoup, et ils aiment mieux payer avec des coups de baïonnette. Tandis que nous devisons ainsi, dans une langue qui se souvient vaguement d'avoir été celle de Démosthène, une effroyable borgnesse entre dans ce « troquet » cosmopolite, en faisant des grâces. Elle est vêtue simplement d'une de ces chemises dont les femmes d'Europe ont coutume de s’affubler pendant la nuit. C'est (comment dirai-je?) la prin- cipale courtisane du lieu. Le médecin du 3° ba- laillon me montre une autre de ces dames. Plus { 1 tewé £ RE G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1023 exotique, celle-là. Une négresse lippue, large de poitrine, luisante de peau, forte en croupe. Elle est toute bruissante de bijoux et d'amulettes. De longues fibules d'argent retiennent, à ses épaules, la cotonnade bleue dont se drape sa corpulence. De lourds bracelets d'argent retombent sur ses che- villes. Parée comme une chàsse, portant sur elle toute sa fortune, elle est accroupie dans un coin du fondouk, et surveille une marmite où cuit son diner. Cetle cuisine de sauvage sent fort bon. La femme, interpellée en arabe par le médecin, tourne vers nous ses prunelles lourdes, dont l'expression animale fait songer au regard d’un chien souvent baltu. Elle balbutie quelques paroles rauques. Le médecin m'affirme que cette pauvre diablesse, peu difficile dans le choix de sa clientèle, n'ouvriraitsa porte ni pour or ni pour argent à un chrétien. Nous sortons de ce bouge. Le soir tombe sur les maisons blanches de Téboursouk, sur les coteaux boisés, sur les Lerrasses calcaires, d'où sortent des sources vives, sur la forêt d'oliviers qui s'étale, au pied du village, dans la plaine. Soir lumineux, doré de elartés blondes, allégé par de fines gla- cures d'argent, tout à fait semblable aux divins crépuseules dont j'ai goûté la douceur et le parfum sur les routes d'Asie. IV. — De TéBoursoux A BÉJA. 7 AVRIL. -- De Téboursouk au pont de Trajan, jolie étape sur des plateaux dont les pentes descen- dent vers la vallée de la Medjerdah. Mon voisin de route est un jeune Arabe, qui se nomme Sélami, et qui est instituteur à Tunis. Il parle remarquablement le français. — Sélami, lui dis-je en lui montrant les cheiks vénérables et barbus qui chevauchent, les uns sur des mules, les autres sur des ànes, autour du Rési- dent, est-ce que ces vieillards éprouvent, pour nous autres Français, des sentiments vraiment cordiaux? Sélami réfléchit un instant et me répondit à peu près en ces termes : — On raconte que le dernier bey de Constantine, El hadj Ahmed, accordait, tous les vendredis, une audience solennelle à ses sujets. Ceux qui croyaient avoir quelque motif de se plaindre se prosternaient au pied des coussins où ce majestueux personnage élait accroupi. Et chaque plaignant formulait ses doléances : Nous demandons la justice de Dieu contre notre cad, notre cheik (ou tel autre) qui nous a lésés. Le chef alors était mandé. S'il n'avait pas assez de richesse ou de crédit pour payer son absolution, il était aussitôt privé de son commandement. Dans le cas contraire, les pauvres diables assez auda- cieux pour se plaindre étaient saisis, bâtonnés, axés en proportion de la liberté qu'ils avaient osé prendre. Les Tunisiens, sujets du Bey, n’ont pas besoin de cette justice boiteuse, qui fut, pendant de longues années, l'unique recours de leurs voisins. — Dis-moi, Sélami, les Turcs ont-ils laissé quel- que trace de leur passage dans ce pays ? — Il y a encore, parmi nous, des Koulouglis, fils de Turcs et de femmes mauresques. Mais leur nombre diminue de jour en jour. Quant aux deys oltomans, leur mémoire est exécrée. C'élaient des voleurs, des pirates. — Mais alors, Sélami, pourquoi dit-on maintenant que le parti des mécontents, en Tunisie, regarde volontiers vers Constantinople? — Ah! voilà. Le Sultan est bien le chefdes Tures; mais il est aussi le Khalife.…. — Je n'insistai pas. Et, pendant quelques ins- tants, je trottai sans rien dire près du cheval de Sélami. D'ailleurs, nous descendions vers la Medjerdah. Une plaine fauve, couverte d’une couche de gravier par l'incessante alluvion du fleuve, s'étendait devant nous, toute fourmillante de piétons et de cavaliers. Les tribus du ceaïdat de Béja attendaient pour nous souhaiter la bienvenue. À mesure que nous avancions, les couleurs et les lignes de ee spectacle imprévu se précisaient davan- tage. Les burnous blancs se détachaient du sol blanchätre. La silhouette des capuchons pointus s'aiguisait sur l’azur tendre du ciel matinal. Les deux berges de la rivière s’animaient d'un grand remous de foule. Les Djendoubas, les Ouled-Bou- Salem étaient venus de leurs douars, non pas seu- lement pour nous regarder et pour faire pétarder la poudre en notre honneur, mais surtout pour nous faire passer à pied sec la Medjerdah. En cet endroit, la rivière est ordinairement guéable. Mais les pluies récentes ont grossi les eaux. La crue nous risque de mouiller nos bottes et de suivre involontairement la dérive, si les braves gens de la région ne con- sentaient à faire l'office d'un gué vivant. Ils se sont mis, cinq cents et davantage, dans l’eau jusqu'à la ceinture. Is barrent le courant. Le Résident, le premier, pousse son cheval dans la rivière. Aus- sitôt, une grappe d'hommes s'accroche à la mon- ture, les uns pour la tirer, les autres pour la pous- ser, jusqu'à ce que la bête, un peu effarée, ait posé son sabot sur la terre ferme. Le second cavalier suit le même chemin, puis le troisième, puis le noir nous exposerait au quatrième, jusqu'à ce que notre petit escadron ait été complètement tiré. Mais tout n'est pas fini. Maintenant, il faut remorquer à travers le fleuve jaune une douzaine de landaus qui nous suivent avec une cargaison de membres de l’Institul. Je ne crois pas manquer de respect à ces mes sieurs. Mais je vous assure que le spectacle de 1024 M. Oppert, un peu inquiélé par ce sport nouveau, cahoté, en pleine eau, par des chevaux échevelés et une voiture un peu dégingandée, et montant sur les coussins pour éviter un bain de pied, n'était point un spectacle banal. La procession des landaus serpenta dans les flots limoneux de la Medjerdah. Cette opération fut presque aussi longue que le passage du Rhin. Lorsque le dernier attelage, activé par de vigoureux coups de fouets, eut grimpé la berge septentrionale, une mème pensée vint Fig. 16. — Musicien nègre. Photographie de M. Garrigues Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci". à l'idée de tous les voyageurs. Nous ne venions pas seulement d'assister, comme acteurs et comme té- moins, à un épisode amusant, piltoresque, et qui sera pour nous tous, dans les soirées de notre vieil- lesse, une inépuisable source de récits. Nous avions aussi constaté, une fois de plus, le bon vouloir de ces populations, qui auraient pu, en nous laissant seuls en lèle-à-tète avec les eaux courantes, nous mettre dans un cruel embarras.…. Au Pont de Trajan, nous retrouvons le chemin de fer. Et, à deux pas de la voie ferrée, voilà qu'une fête arabe éclate en détonations précipitées, retentit en clameurs de bienvenue, se déploie en flottements G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE d'oriflammes et de banderoles. Le blanc domine : blancheur du sable, blancheur des burnous (dont le soleil indulgent efface les taches) : blancheur des pelits ànes trottinant, où s'étalent des cheiks con- sidérables; blancheur de presque tous ces fins che- vaux, qui viennent peut-être de labourer la terre, etqui, une fois sellés, bridés, pomponnés, se rebif- fentcomme s'ils allaient galoper contre les Infidèles dans les escadrons du sultan Saladin. Parmi toutes ces blancheurs, le häle des faces maugrabines, la noirceur des barbes, l'éclat des yeux noirs, ressor= tent en oppositions nettes, sousles capuchons poin- tus. On entend un bruit d'armes, un froissement d'étriers, un brouaha de conversations gutturales, Fig. 17. — Chameau portant deux fenunes. Photographie de M. $S. Journo, Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cr. un remuement de multitude. Peu à peu, la foule, sans cesse grossissante,s'immobilise en cercle autour d’un pré d'herbe rasé où Les cavaliers de la fantasia commencent à caracoler. Un chameau, dont la dé- marche fail osciller, en des mouvements de tangage etde roulis, un baldaquin de soie rouge (fig. 17), dé- passe, de la tête et de la bosse, l'assemblée des hommes et des chevaux, et promène, par-dessus les curieux, son cou allongé, ses gros yeux étonnés, Sa lippe morne. Un nègre, étriqué dans un sayon de cotonnade blanche, ceinturé de deux ou trois peaux de lapin, coiffé d'une tiare empennée où étincellent des verroteries, danse une bamboula burlesque, en rythmant, avec des castagnettes de fer battu, la cadence disgracieuse de ses pieds lourds. Près de lui, grimace une négresse, constellée et cliquetante G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1025 de pendeloques. Ce couple horrible induit l'imagi- nation dans l'Afrique profonde, vers Tombouctou, dans le pays noir où, sous le dur soleil, au milieu des brousses malsaines, une humanité inférieure, presque animale, gesticule et souffre obscurément, au son du tam-tam et du balafon. J'aime mieux l'Afrique arabe, le pays des beaux chevaux et des cavaliers intrépides. Oh ! l'admirable cavalier rouge et vert! Son che- val noir, caparaconné de soie, se cabre, s’enlève, pointe, saute, s'agenouille, se relève, et, à chaque mouvement, fait frissonner des reflets de pourpre, réunion des colons de cette riche région agricole, visiter la ville, en gravir les hauteurs, puis, enfin aller coucher à Souk-el-Arba. V.— LE KEr. Un rocher. Autour de ce rocher, une ceinture de remparts dont le dessin fantaisiste et délabré épuise, je crois, toutes les formes possibles du créneau, du machicoulis et de la barbacane (fig. 19). Sur les pentes de ces rochers, des carcasses de masures en ruines, d'où émergent, çà et là, les maisons neuves des colons. Sur la pointe, une vieille ca- Flg. 18. — Vue de Béju. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, des étincelles d'émeraude. L'homme est droit sur sa selle, les genoux pliés, les pieds fermes sur les étriers d'argent. Très jeune, fier, les trails immo- biles, la tête serrée par le turban, la bouche voilée par une mentonnière de soie blanche qui cache tout le bas du visage, il est charmant et superbe. C'est le cavalier sarrasin, tel qu'on le voit passer, muet, mystérieux, gracieux et terrible, dans les chroniques du temps des Croisades. Tci, il s'amuse, il jongle avec son sabre, il se divertit à dompter son cheval, tandis que la flûte chevrole obstinément ses trilles, et que les coups sourds des tambours couvrent à peine de leur rumeur lourde les you-you miaulés par les femmes!.. Quel dommage de quitter cette féerie ! Mais il faut nous rendre à Béjà (fig. 18), ou nous attend la serne que l’on a rajeunie pour y jucher quelques soldats de nos bataillons d'Afrique, pauvres diables et loustics inquiétants, plus connus sous le nom de Joyeux. Voilà, ou peu s’en faut, le Kef(fig. 20 et 24). Mais ia civilisation envahit peu à peu cette soli- tude et apporte la sécurité, le bien-être, la santé dans cette ville malheureuse, longtemps ravagée par des révoltes et des carnages, naguère encore dévastée par la peste, la famine, le typhus, le cho- léra. Ce n’est pas sans peine que l'on à pu assainir ce foyer de mort, et unir au reste du monde, par des routes, par des lignes télégraphiques, par un service postal, cette cité de misère et de colère. Pendant longtemps, les cantonniers, les postiers, les télégraphistes, furent harcelés par les indigènes qui les guettaient pour les fusiller. En 1866, un 1026 G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE surveillant de la ligne télégraphique mourut, au Kef, du choléra. Ses collègues et ses amis furent obligés de l’ensevelir en cachette. IL fallut mainte- nir, pendant quinze jours, autour de sa tombe, un poste de soldats, pour empêcher les fanatiques du lieu de violer la sépulture de ce chrétien maudit. Fig. 19. — Arrivée au Ke. Photographie de M. Meunier. Thotogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Uie, Aujourd'hui, les gens mariés de notre caravane peuvent envoyer tranquillement à leurs épouses des nouvelles de leur santé. Les conducteurs des Ponts el Chaussées font empierrer les routes sans galopent, flânent, costumés de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Cette ville pauvre s'est coquette- ment mise en frais pour nous accueillir. Aux portes du Kef, aux abords de laroute, sur lesescarpements des roches, dans les brèches des murs et dans les crevasses du sol, une foule bariolée comme la djebba Fig. 20. — Piscines du Kef. Photographie de M. Meunier. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci. du Prophète, bruissante comme une forêt de téré- binthes, mobile comme une volée de bengalis saha- riens, acclama le Résident. Les Juifs étaient venus à pied. Les Arabes, à cheval, le fusil haut ou le Fig. 21. — Vue panoramique du Kef. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ce, avoir besoin de déranger les gendarmes, pour qui le Protectorat à fait installer, au Kef, une caserne toute neuve. La ville renaît peu à peu de ses ruines ét de sa crasse. Il faut venir ici pour comprendre qu'une maison d'école, bien propre, même dénuée de pittoresque, a du bon. Toutes les tribus des alentours sont venues au Kef afin de faire honneur au Résident. Voici les Klaa, les Mellita, les Ouled-Ali, les Ouled-Abdelleh. Dans les rues, sur les places, des cavaliers trottent, sabre nu, bordaient d’une double haie les talus du chemin. Quelques-uns de ces cavaliers sont bizar- rement coiffés d'un diadème de plumes d'autruches; d'autres tiennent, sur le poing, des faucons chape- ronnés (fig. 22). Les tambourins, détonant par sac- cades, font un bruit de bombardement. Les ter- rasses des maisons, les créneaux déchiquetés du rempart sont vivement coloriés de vermillon, de safran, d'écarlate etd'or par les vêtements bouffants et les hennins pointus des femmes juives. G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1027 Place Logerot. Sur la chaussée, plantée d'arbres jeunes encore, maigres, les burnous vontet viennent gravement, attendant la fête. Quelques-uns se sont assis et patientent sur des bancs de pierre récem- ment installés par la municipalité francaise. Lente- ment, un groupe se forme en cercle autour d’un petit garçon d'une dizaine d'années qui, à cheval sur une selle trop grande, fait la fantasia, tout seul... Une flûte et un tambourin rylhment les mouvements de cet enfant, dont je vois la calotte rouge ornée d'un gland échevelé, s'élever et s'abais- ser en cadence, parmi les capuchons attentifs. Ce jeune cavalier, le buste serré dans une veste de soie violette, brodée d'or, les jambes bottées de maroquin doré, se hausse fièrement sur ses étriers. Il est sérieux comme le khalife Haroun-al-Raschid. Fidèles aux prescriptions qui règlent les élégances sarrasines, il a, lui aussi, voilé sa bouche d'une mentonnière de soie. Ainsi embéguiné, le cavalier arabe dissimule aux yeux des spec- tateurs ces contractions des FE lèvres que les meilleurs é- cuyers, même à Saumur, évi- tent Il a l'air impassible, et les femmes des goums le trouvent beau. Toujours place Logerot. Je rencontre un colon, marchand de chevaux, agriculteur et phosphatier à ses heures. Il malaisément. — Trop. Je serrai la main du lieutenant, en songeant que si tous les colons nourrissent de pareils sentiments pour les Arabes, ettous les soldats étaientainsidis- posés pour les colons, la Tunisie ne serait bientôt plus qu'une petite Algérie. Vue prise du haut de la Kasbah. D'abord, tout près de moi, les casernements neufs, accotés à de vieux bastions arabes, raccommodés par les Espa- gnols, et cassés par les Turcs. Des terrasses (fig. 21), où de vieilles coulevrines du temps des pirates bar- baresques gisent parmi les chardons, Descréneaux, qui découpent sur le cielune fine dentelure. Des remparts qui serpentent sur des collines semées de fleurs légères. Puis, à mesure que le regard s’a- baisse vers la ville, descasesde pierre quisemblent grimperauravin, le minarel d'une mosquée (fig. 20), un fouillis de logis et de ruelles, de terrasses, d’où monte incessamment une mu- sique endiablée, invisible. Et, par delà les ondulations de la plaine, que le crépuscule a teintée de nuances exquises, l'horizon est fermé par des montagnes que l'éloignement fait ressembler à des rideaux d'azur impalpable et de car- min irréel. NI. — Du KEF AUX PLAINES DU SERS. CR © PACS A ; à . 3 . acscé le Kef : re = est un peu arrogant, boufli, Fig. 22. — Cavaliers chassant au faucon Passé le Kef, il faut Ben ON suffisant, parleur par senten- dans les plaines du Sers. cer aux routes dites carros- ces, le type de nos colons d’Al- gérie. Négligemment, il me conte un accident qui vient d'arriver, un Arabe qui, dans le (ournoi, vient de heurter un de ses camarades, et de tomber à terre fort éclopé. — Oùest il ? — Là, tout à côté, dans une écurie. — Personne ne le soigne ? — Si. Les hommes de sa tribu. — Il faut envoyer chercher le médecin du batail- lon. — Bah ! Laissezdonc. Un de plus,un demoins !.…. Dans le « souk », en montant vers la Kasbah, je rencontre un officier, avecqui j'aifaitconnaissance, tout à l'heure, à l’« apéritif » aui nous fut offert aimablement par le cercle militaire. — Ek bien! mon lieutenant, vous ne vous en- nuyez pas trop au Kef? -— Ça dépend des jours. Il y a des moments où nous trouvons que ça manque un peu de Français. — Mais vous avez des fonctionnaires ? — Pas beaucoup... — Etdes colons? Photographie de M. Meunier. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. sables. Nos membres de l'Ins- titut el leurs landaus roule- ront comme ils pourront sur des pisles sablon- neuses, tracées à travers la brousse par le piéti- nement séculaire des bêtes et des gens. Nous en- trons dans un paysage de roches blanches, déso- lées, mouchetées detouffes malingres.Parendroits, un verger maigre, un semis de trèfle ou de luzerne évoque furlivement le paysage potager de l'Europe. Puis, ce sontdes plaines rases, que lethym ponctue d'un grènetis violet. Ce n’est pas le désert. Cest déjà la solitude des terres barbares. Seuls, les po- teaux du télégraphe, espacés de loin en loin, ja- lonnent ici, dans ces étendues vastes où l’on pour- rait déployer des armées, l'ilinéraire pacifique de la civilisation. À mesure que le soleil monte dans la ‘andeur azurée du ciel, le relief des montagnes loin- taines se noie de lumière épandue. Seuls, les pre- miers plans présentent encore des surfaces mode- lées. Le caïd du Kef et les tribus de son district, ont résolu d'organiser, pour nous divertir, une chasse au faucon (fig. 22). Encore de nouvelles scènes de la vie arabe. Les fauconniers earacolent, autour de 1028 G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE nous, l'oiseau sur le poing. L'un d'eux a fait percher son faucon sur sa tête. L'oiseau étend les ailes pour ne pas tomber. De loin, en voyant cette étrange envergure, on dirait que ce cavalier musul- man s'est coiffé du casque de Lohengrin. Toujours, autour de nous, l’espiègle galopade de ces petits chevaux qui, tout nus, ressemblent à des hi- ques, et habillés, pa- rés, prennent des allu- res si élégantes. Halle. Les faucon- niers s’éparpillent en türailleurs pour rabat- tre le gibier. Ils filent, ils filent, vertigineux, et les plus rapides ne sont déjà plus que des points quis’agitent sur la verdure päle. Les photographes de notre caravane mettent pied à terre, vivement, et Rev courent après les coureurs pour les saisir au vol. Rien de plus drôle que de voir ces chasseurs chassés par la photo-jumelle de M. Levasseur, par le « « détective » de M. Henry Boucher et par les énormes appareils de M. Max Doumic, cependant que M. René Bazin, M. Etienne Lamy et quelques autres prennent des no- tes. On repart. Tou- jours la plaine à monotone. La vie, la vie nouvelle , que la colonisa - tion voudrait in- troduire dans ces steppes, apparait çà et là en taches Fig. 23. — Cuisine en plein air au camp de Zanfour. Photographie de M. Henry Boucher. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cr, ras du sol comme des champignons, attestent ici la présence de quelques bergers. Près d'un de ces douars clairsemées, une vache pelée nous regarde passer. Deux petits bergers, accroupis parmi leurs troupeaux, ressemblent à deux paquets de linge sale; quelques moutons, serrés les uns contre les autres, paraissent fixés au sol par l'aveuglan- | te lumière. Et l’on va, | sur cette interminable plaine du Sers, qui, aux approches de Zan- four, se rétrécit, de- vient un couloir rem- blayé par des collines molles. Cela me rap- pelle les plaines de la Phrygie. — CAMP DE ZAN- FOUR, MATKAR. VII. AL AvRIL. — « À Zan- four, on couchera sous la tente dans un site. » Ces mots, lus sur l’ordre de service que nous distribue chaque soir le com- mandant Rébillet, a réveillé, dans nos âmes de citadins, des hérédilés nomades. Voici notre camp. C'est une excellente « lecon de choses » pour ceux de nos com- pagnons qui veu- lent voir comment s’abritent les ha- bitants vagabonds des douars. Nos tentes, en poils de chameaux, s’ali - gnent sur deux rangées parallèle- ment au lit dessé- ché de l'Oued- Zanfour (fig. 24). 1 de culture. L'orge Fig. 24. — Tentes au camp de Zanfour. Elles sont calfeu- essaie d’égayer Photographie de M. Wolfrom. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci. trées de laines, cette terre ingrate et de conquérir doucement cette glèbe abandonnée aux lentisques sombres,auxfloraisons duromarin, à la végétation indiscrète des cistes, aux petites corolles du thapsia.Par places, un bouquet de ca- roubiers épaissit son feuillage dense et immobile. De loin en loin, un petit pin d'Alep, isolé et mélan- colique, travaille de son mieux au reboisement de la contrée. L'humanité semble avoir déserté ce pays. C'est à peine si des gourbis misérables, tapis au crnées de tapis magnifiques, fleuries de branches vertes. Tandis que nos archéologues, à peine arrivés, montaient, sans reprendre haleine, au coteau re- vèche où les temples de l’ancienne Assuras achè- vent de s’écrouler, un tourbillon de cavaliers, un flot de « piélons », et des chameaux, et des chiens et des bourricots emplissent la plaine de poussières, d'aboiements, de rumeurs confuses, de burnous épais, de galops effrénés. Qui n’a pas vu G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1029 cette brusque levée des goums, ce rapide exode destribus, ne peut rien comprendre à l’histoire des Croisades. L'Orient est coutumier de ces as- semblées, venues on ne sait d'où, qui grossissent comme des nuées de sauterelles, et se dissipent comme un orage d'été. L'Islam immobile se mobi- lise instantanément. A 8 heures du soir, diffa, ce qui veut dire en arabe : repas. En- _ core une occasion , pour nos ethnogra- phes, de s'instruire sans faligue et avec plaisir. M. Levasseur, qui sait tout avec pré- cision, explique obli- geamment que « le couscous est fait de blé concassé en semoule et cuit à la vapeur au- tent d'un air solennel (fig. 26 et 97)! C'est simplement un mouton rôti, mais rôti avec amour, Toute la journée, tandis que la bête embrochée tournait au-dessus du brasier, un Arabe l'arrosait de parfums agrestes, subtilement dérobés, par des infusions savantes, aux simples de la montagne. Ce mouton est imprégné d’aromes. Il concentre toute la flore de la Tu- nisie. C'estun traité de z botanique amusante . Je parie que notre ai- mable compagnon M. Dybowski, 1 Direc- teur de l'Agriculture . reconnait, dans son assiette, la saveur de l'Allium roseum et du Trifoliuwm nigrescens. La peau surtout, la peau du #échoui, rissolée, dorée, croquante, est dessus d’une sauce for- tement épicée (marga), dans laquelle on a mis des morceaux de mou- ton ». M. Georges Perrot, qui a gardé la noslalgie des routes d'Asie-Mineure, préfère le pilaf desTures. — Patience! réplique le capitaine Bordier, con- trôleur de Maktar. Vous n'avez pas encore goûté au méchoui. Oh ! le m#échoui! Nous allez voir ca! Fig. 26. — Indigènes présentant le couscous. Photographie de M. Wolfrom. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. Et, patiemment, nous laissons passer les bou- lettes de viande au cubèbe, les dattes farcies, les pâtes au miel et au beurre, la chekchouka, mélange de légumes variés, oignons, pommes de terre, fèves, un ragoût aux cardons sauvages, et des gàteaux pi- mentés de coriandre, de cannelle, de girofle, de fe- nouil, d’anis, et enfin je ne sais combien d'oranges, nageant pêle-mêle avec des viandes, dans l'huile. Salut au #échouï, que les serviteurs du caïd appor- Fig. 25. — Indigènes présentant le méchoui. Photographie de M. Henry Boucher. : Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. un excellent manger qui s'associe très bien au champagne du Ré- sident. Au sorlir de ce banquet, dont l’exotisme s’assai- sonne heureusement d’élégances parisiennes, voici, de nouveau, un spectacle qui ouvre à nos yeux émerveillés des perspectives profondes vers le passé. Sous le ciel étincelant d'étoiles, la plaine, F4 Fig. 21. Photographie de M. Meunier, Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci°, jusqu'au bout de l’horizon, est semée de feux. Les goums bivouaquent sur le terrain, autour de leurs campements, et ont allumé, pour se défendre contre la fraicheur nocturne, des büchers de bois sec. La brise, qui s'est levée sitôt après l'agonie du soleil, active la flambée des branches de thuya et des broussailles de càprier. Les gens se pressent dans le tiède rayon des flammes claires, qui jet- tent de dures lueurs sur les burnous serrés, sur 1030 G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE Je métal des armes, sur les mains qui s'appro- chent frileusement de la braise, sur les cercles de visages noyés d'ombre. Çà et là, parmi les cha- meaux accroupis comme des blocs confus, un cheval entravé s'ébroue, tendant ses naseaux ouverts et aspirant les effluves du large ; un äne dresse les Fig. 28. — Scène de fantasia (prise du mouchoir). Photographie de M. Meunier. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cr, oreilles ; un sloughi dort, son fin museau allongé sur ses pattes; un groupe de femmes, empaqueté de voiles flottants, murmure des causeries do- impression, pour un moderne, pour un civilisé, que de voir ainsi, de ses yeux, un spectacle qui ne diffère point de ce qu'ont pu voir, en des siècles anciens, le géographe Edrisi et le voyageur Ibn-Khaldoum!... C'est à quoi je songe, en ren- trant sous ma lente, où le sort bienveillant m'a Fig. 29. — Scène de fantasia (combat du cavalier et du fantassin). Photographie de M, Meunier, Photogravure de MM, Rougeron, Vignerot et Cie, donné pour voisin le géographe Vidal de Lablache. De Zanfour à Maktar. Étape grise, sous les coups Me LE | # Fig. 30. — Cavaliers de fantasia devant les tentes. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. lentes. Où sommes-nous? Dans quel pays ? Dans quel temps? Est-ce le camp des Grecs dans la plaine de Troie? C'est ainsi qu'Homère l’a décrit. Est-ce au lemps des Byzantins ou des Vandales, la première halle des tribus, émigrant vers le nord, et couvrant, de leurs troupeaux débandés, de leur cavalerie éparpillée, de leur anarchie no- made, ce qui fut l'Afrique proconsulaire? Quelle de fouet d’un vent de nord-ouest qui jette vers nous des grains violents et des averses rageuses. Nos membres de l’Institut ont baissé les capotes de leurs voitures. Ce mauvais temps navre le contrô- leur de Maktar, le brave capitaine Bordier, que je vois trotter là-bas, aux grandes allures, à la tête de ses goums, parmi des étendards dont la pluie, hélas! rabat la fierté. » 2 & «e G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1031 Le capitaine, qui est un grand maitre de fanta- sias, avait élaboré un programme fort alléchant, que je copie avec une admiration mêlée de regret : 2, Cheval dressé en guerre. #. Prise du 1. Cheval dressé en haute école. liberté. 3. Mort d'un cheval de mouchoir (fig. 28). 5. Combat du cava- lier et du fantassin (fig. 29). 6. Deux ca- valiers pour un che- val. 7. Jeux inno- cents, 8. Les amours du lion. 9. La pieu- vre. 10. Enlèvement de la mariée, etc. Hélas! au ment précis où ces divertissements devaient nous ini- lier aux joies de la vie arabe, la pluie méchante nous o- bligeait à garder le coin du feu dans la maison de l'ins- liluteur ou dans le bord; du contrôle. Les nobles cavaliers de la tribu des Ouled Aoun palaugeaient dans les flaques. Mais le lendemain un ciel propice nous dédom- n0- suivi de ses escadrons. Nous sommes maintenant snr le territoire des Zlas, et le puissant caïd de cette tribu, Si Mohammed ben Khalifa, vient, à la tête de ses hommes (fig. 32), présenter ses hom- mages au résident général. La tribudes Zlas est particulière - ment cavalière et guerrière. Son hu- meur belliqueuse l'a souvent enga- gée en de péril- aventures. battue leuses Elle contre s’est les tribus voisines et contre nous. Maintenant, grace à l'intelli - gence el à l'énergie du caïd qui la com- mande. elle a ac- ceplé très loyale- ment l'autorité du Fig. 31. — Arrivée à la Kessera. Phetographie de M, G. Wolfrom. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, bey et le protec- torat de la France. Je renonce à vous décrire la diffa qui nous fut servie au camp de Sidi Mohammed ben Ali. Il fau- drait remonter jusqu'aux fastes du Moyen Age pour Fig, 32. — Goum de cavaliers, caïd en tête, allant à la rencontre de M. Millet. Photographie de M. Grarrigues. — Photogravure de MM. Rougerou, Vignerot et Cie, magea ; il nous permit de jouir tout à l'aise du magnifique spectacle qui s'offrit à nos regards Jusqu'à l’ancienne acropole de la Kessera (fig. 31), l'une des merveilles de la Tunisie. Aux limites du territoire soumis à son contrôle, le capitaine Bordier nous salue et nous quitte, retrouver celle façon seigneuriale et prodigue de traiter les gens que l’on reçoit. Je ne puis énumérer ces trente-deux plats de viande et ces dix-huit variétés de pâtisserie, où les ghoraïbes de semoule, les dattes farcies, et les kaaben de gazelle occu- paient le premier rang. 1032 G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE Après la nuit passée sous la tente, nous nous | descendre de voiture et soutenir les chevaux. mimes en marche vers les grandes plaines que nous Mais, arrivés au bas de cette série de collines, er Fig. 34. — Indigènes regardant passer les 2. Re s voyageurs de la Tournée. Fig. 33. — Descente de Sidi Mohammed ben Ali. ne : 2 2 . ? Photographie de M Boucher. Photographie de M. Wolfrom. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, Photogravure de MM, Rougeron, Vignerot et Cie. devions traverser jusqu'à Kairouan. Sidi Mohammed | nous n'avons plus rencontré qu'une immense mer ben Ali-est situé presque à la limite orientale du | de sable s'étendant jusqu'à la mer. C’est au milieu Fig. 35. — Jnlérieur de la Grande Mosquée de Kairouan. Photographie de M. Garrigues, — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. plateau central de la Tunisie. La rapidité des pentes | de cette solitude, etcomme de toutes parts entouré rendit la descente (fig. 33) assez difficile; il fallait | d’un désert, que se trouve Kairouan. G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1033 NIII. — KaïrRoUAN. Journée à Kairouan, la ville blanche et sèche, la ville de briques et de chaux (fig. 36). Entrée triom- phale, dans les rues pavoisées de drapeaux francais, parmi les turbans et les burnous, entre deux haies de tirailleurs indigènes, baïonnette au canon. Visite aux péristyles blancs de la Grande Mosquée (fig. 35), aux amusants carreaux de faïence de la Mosquée du Barbier (fig. 38). Nous sommes’ guidés, dans ce neur Si Sadok-Marabout. Je me reprocherais de ne point prélever sur mon sommeil, d'ailleurs très écourté par cette vie halelante, le Lemps néces- saire à la description de mon logis. Cette pièce est apparemment la plus belle de la maison, si j'en Juge par la profusion de meubles et d'ornements dont elle est surchargée. Le plancher, d'abord, est feutré par de moelieuses carpettes qui amortissent les pas. Où trouverait-on des tapis, sinon à Kai- rouan? Un revêtement de faïence posesur les murs HT LE Fig. 36. — Vue de Kairouan. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. pêlerinage assez profanateur, par le fils du caïd des Zlass, un beau garçon, nommé Si-Sadok, qui parle français aussi bien que nous. Ce simple fait en dit long sur l'évolution des mœurs qui a modifié cette ville sainte, cette Mecque tunisienne, naguère en- core inviolable aux Infidèles. | Le soir, après diner, visite, dans une mosquée, à la confrérie des Aissaouas, avaleurs de clous, mangeurs de cactus épineux,croqueurs de verre pilé. Je rentre dans ma chambre, un peu abasourdi. Quelle chambre, par Allah! Elle m'est obligeam- ment prêlée par un gros personnage, le gouver- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, une jolie tonalité de nuances légères. Maintenant, faisons le tour de la chambre et regardons : Un bouquet de fleurs artificielles sous globe. Une lampe à pétrole, un « verre d’eau » (comme on en voit en France dans les loteries) sur une commode (pareille à celles que l'on fabrique dans les éb6- nisleries du faubourg Saint-Antoine). Un bureau, Un piano. Deux lampes à pétrole. Un verre d'eau. Deux verres. Un coffret arabe. Une pendule. De quel mystérieux hôtel des ventes sort tout ce bric-à- brac ?.… Au fond de la chambre, du côté opposé à la fené- 22g 1034 G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE tre, trois marches de grès m'invitent à entrer dans un réduit obscur, où flotte un arome d'huile de jasmin et d'essence de roses. C'est l'alcôve de Si Sadok-Ma- rabout. Un lit s'y étale, très bas. très large, près d’un di- van très large et très bas. C'est là que je dormirai trois heu- res. IX. — LE SAUEL. — GABËÈS. Après ces étapes dans le Sahel ombragé d'olivettes et sur les terrasses caillouteuses, sur les dalles calcaires du pla- teau central, l'hospitalité du Résident nouvelles occasions de regar- nous réservait de der et de nous instruire: la côte barbaresque, toute pleine du souvenir des corsaires, et Fig. 31. — Arabe faisant des tours pour ga- gner l'argent nécessaire à un pèlerinage à la Mecque. Photographie de M. Meunier. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci, nos casernes ; Sfax (fig. 41), dont nos ingénieurs draguent la rade, et où le chemin de fer apportera prochainement les phosphates de Gafsa (fig. 40). Enfin, l'accostage à l'appon- tement de Gabès, le débarque- ment sur le sable chaud, au fond de la Syrte, devant un borizon d'orage, barré par la silhouette rigide des palmiers, l'accueil des Béni-Zid et des Hazim , farouches tribus du désert, nous donnèrent l'im- pression de l'Afrique redou- table et torride. Après trente- six heures de traversée, nous étions transportés, sans tran- sition, dans un autre pays, parmi d'autres hommes. En 1881 ,Gabèsn'étaitqu'une dune ingrate, avec un ruis- déjà rajeunie, assainie, nettoyée, éclairée, balisée | seau pestilentiel, et, à côté, une caserne turque. +48 Fig. 38. — Mosquée du Barbier à Kairouan. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie par lesbienfaits de notrecivilisation ; Sousse (fig.44), avec ses vieilles murailles turques, que débordent Un homme énergique, le général Allegro, s'éta= blit là, et jura de faire quelque chose de rien. G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1035 Maintenant, Gabès est une petite ville. A vrai dire, elle n'est point belle, étant plate, rectiligne, com- posée presque uniquement de boutiques et de caba- rets. Les mercantis juifs el grecs y foisonnent. Mais à côté, il y a l'oasis. Au sortir de la grève aride et du désert acca- blant , on entre dans le paradis terrestre, sous la fraicheur des palmes qui s’ar- rondissent com- me des voûtes, et s’agitent mol- lement comme des éventails. Cest au milieu de ces délices , au bruit limpide des eaux couran- tes, qu'il faudrait lire les parties fraiches de la Bi- ble , les idylles pastorales , les scènes près des citernes et des fontaines, le labeur joyeux des femmes tissant de la toile au seuil des portes, le repos des vieillards, assis à l’ombre de la vigne et du figuier. Les jardins de Chennini, où fleurissent des gerbes de roses. les champs de Menzel, où l'orge et le FE Fig, 40. — Gafsa (Entrée des piscines). Photographie de M. Wolfrom. Photogravure de MM. Rougerou, Vignerot et Cre, blé voisinent avec des massifs de henné.. On voudrait oublier tout parmi ces moissons exubé- rantes et suivre éternellement, en ne pensant à rien, ces sentiers encaissés par les talus de terre battue où les Arabes captent les eaux pluviales. Notre dernière étape fut une halte dans les mon- tagnes des Matmatas, chez les Troglodvtes (fig. 45). La chaîne des Matmatas est une série de mame- Fig. 39. — Place publique à Djemmal (au sud de Sousse). Photographie de M. Wolfrom. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. lons qui, de loin, se colorent d'une jolie teinte bleue, mais dont le tuf jaunâtre est triste à voir de près. Il est difficile d'apercevoir de loin Hadéjé, notre gite d'étape. Pour le voir, il est nécessaire, comme on dit vulgairement, d'avoir le nez dessus. C'est un village troglodyte, creu- sé dans la terre. Il faut, quand on y arrive, re- garder attentive- ment l’on marche ; sans où quoi, on risque- rail tomber dans un trou, au de beau milieu d'u- ne famille réunie pour le repas du soir. Autant de fosses, autant de maisons. Hadéje comprend envi- ron une centaine de ces logis é - tranges. N'allez pas croire que cette architecture souterraine soit incompatible avec le goût de l’ar- Fig. 41. — Porte séparant deux quarliers à Sfax. Photographie de M. G. Wolfrom. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, rangement et même du confort. Le terrier où le caïd nous offre l'hospitalité est bien la demeure d'un homme et non point la tanière d’un renard, Le vieux caïd est très fier de sa maison, Il l’a pavoisée de palmes en notre honneur et a placé, à 1036 G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE l'entrée de sa fosse hospitalière, une sentinelle avec un fusil. A l'entendre, les Troglodytes auraient bien Lort de renoncer à leurs installations. « Nos maisons, dit-il, sont, en hiver, chaudes comme des hammams, et, en été, fraiches comme la neige des cimes... » Toujane est le plus singulier paysage que j'aie Notre petite troupe, précédée et suivie de spahis rouges et bleus, suit le fond du ravin, entre les deux pics de Toujane. Au sommet de ces deux pointes, on avait perché,en des temps anciens, des chäteaux forts, des Æsar. L'abandon de ces bâtisses et la descente des habitants vers les plaines où gites, ‘en disent long sur la ils creusent leurs 42. — Rives de l’Oued Gabès. Photographie de M. Wolfrom. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. vu enfTunisie. Un‘ravin qui s'ouvre brusquement, entre deux pics, et qui laisse voir, dans sa vaste échancrure, la mer lointaine et l'étendue infinie du Fig. 43. — Rue à Djara (oasis de Gabès). Photographie de M. Wolfrom. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. pacification ei la sécurité croissante du pays. Beni-Zelten fut la dernière étape de notre voyage dans le Sud. — J'arrête ici ces notes. Au delà de désert. Sécheresse dorée.‘ Splendeur_éblouissante. Aridité magnifique. Tout à coup, l'horizon se voile d’un nuage épais qui se lève de terre et qui, de loin, ressemble à une fumée violette, Ce nuage court vers nous et obseurcit bientôt toute la pers- peclive. C'est la pluie, disent les gens du pays. Et ils sont contents. Un lambourinier nègre danse de joie et nous donne une aubade de sa facon, tandis que nous attendons, sous une tente, la fin de l’onéde. Fig. 44. — Vue générale de Photographie de M. Garrigues. — Photogra ce point, ce sont les contrées vagues et mal délimi- tées, les solitudes infestées de Touareg, le mysté- rieux hinterland où les puissances rivales vou= draient nous couper la route. Les peuplades qui habitent cette extrème pointe de la Tunisie m'ont semblé douces, bénignes, malgré le souvenir récent des insurreclions, malgré le voisinage de la frontière tripolitaine, qui offre loujours un asile aux insoumis. Dix fois, les tribus des Matmatas G. DESCHAMPS — VUE GÉNÉRALE DE LA TUNISIE 1037 auraient eu l’occasion de faire un mauvais parti à notre troupe pacifique, dénuée d'armes, escortée par quatre ou cinq spahis. Ils ont été hospitaliers et bons. Seulement, dans presque tous les hameaux, ils réclamaient vivement auprès du Résident géné- ral. À Toujane, une assemblée de notables, drapés dis-leur un peu comment vous êtes traités à la ca- serne? » Hussein prit la parole. Et jamais le pres- tige de l'uniforme, la propreté de la chambrée, les délices du rata ne furent plus éloquemment décrils. Je voudrais que cette scène familière fût l'image, en raccourci, de notre politique dans l'Afrique fran- çaise. Il faut que tous les indigènes qui viennent avec nous, chez nous, puissent faire à leurs compatriotes un Fig. 46. — Indigène du pays des Matmu- Las venant de capturer des petils chaculs. | 45. — Sies s $ . Fig. 45. iesle dans le pays des Matmatas. DCE Monnes Photographie de M. Wolfrom. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cr, comme des empereurs romains, vint présenter une série de doléances. Ils criaient tous ensemble : la ville et du port de Sousse. vure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie Sidi Louzir ! Sidi Louzir (Seigneur vizir). Ils deman- daient l'exonération du service militaire, dont le Gouvernement veut étendre les charges, précisé- ment cette année, jusqu'à leur district. Le Résident appela un des spahis rouges qui nous accompa- gnaient : « Regardez cet homme, dit-il aux mécon- tents. Trouvez-vous qu'il à l'air malheureux? » Et, s'adressant au spahi, magnifique gars, stature de géant, face de prospérité : « Voyons, Hussein, rapport favorable sur ce qu'ils ont vu, entendu et senti. Il faut attirer, gagner par l'exercice équitable de l'autorité, par le culte passionné du droit et de la justice, ces populations que nous avons affran- chies de l'insécurité et de la misère. Le Protectorat ne serait qu'une étiquette illusoire, vainement ins- crit sur les protocoles des diplomates, s'il n'était pas conforme à la définition que son nom même lui impose, — sil n'était pas, dans toute la force du Gaston Deschamps. Docteur ès lettres Ancien élève de l'Ecole d'Athènes. terme. une tutelle. 1038 D' A. LOIR — LES CONDITIONS SANITAIRES ET L'HYGIÈNE EN TUNISIE LES CONDITIONS SANITAIRES ET L'HYGIÈNE EN TUNISIE La Tunisie a toujours été considérée comme un pays parfaitement sain. Au temps de l'occupation romaine, on mourait, parait-il, de vieillesse dans cette partie de l'Afrique du Nord. I. — CLiMaT, SALUBRITÉ, MORTALITÉ. Le climat tunisien est, d'une façon générale, assez régulier. La température moyenne est à Tunis de 18. La côte orientale jouit à péu près de la même température. L'intérieur est plus chaud, et toutspécialement la région de la Medjerdah, abritée des brises du nord par un éeran montagneux. $ 1. — Saisons. Les saisons, considérées au sens vulgaire du mot, c'est-à-dire sous le seul rapport du climat, peuvent se distinguer comme en France en : hiver, printemps, été et automne. 1° L'hiver est caractérisé par des pluies dans les plaines, et de la neige sur les montagnes. Les pluies commencent à la fin d'octobre : elles durent, — avec de nombreuses interruptions qui ont lieu sur- tout en février, — jusqu'à la fin d'avril. 2% Le printemps commence en mars, finit en mai. 3° L'été va de mai à octobre. La saison chaude se prolonge le plus souvent jusqu'à la fin de ce mois. Les deux mois les plus fatigants à supporter sont ceux d'août et septembre ; cela tient à ce que l'atmosphère est rafraichie pendant les mois de juin et juillet par de grandes brises du nord. Au contraire, en août et septembre, et parfois octobre, on subit des temps orageux, et des vents du sud. Ces jours-là, le thermomètre peut atteindre 40°. 4 L'automne s'étend d'octobre à la fin de no- vembre; c’est une saison très agréable !. $ 2. — Conditions générales de salubrité. Taux de la mortalité. Il est assez difficile d'établir scientifiquement le degré de salubrité de la Tunisie. Même pour la ville de Tunis, la base élémentaire de cette appré- ciation, —le recensement delapopulation, —faisant défaut, on ne connail mème pas approximativement le nombre des habitants. La déclaration des nais- sances n'est pas obligatoire etne se pratique que pour les Européens ; encore chacun peut-il la faire au consulat de la nationalité à laquelle il appartient, el même, s'il veut se soustraire à cette formalité, il peut le faire impunément. Quant à la population indigène, elle pousse à un degré excessif le respect de la vie privée, et elle 1 D' BerrnoLon. Conseils hygiéniques aux émigrants en Tunisie. n'entend accepter aucun contrôle pour l'intérieur de la maison. La déclaration des décès est obliga- toire depuis le 1° avril 1885, époque où ont été réorganisées les municipalités. Ce service fonc- tionne d'une manière satisfaisante, parce qu'il faut déclarer préalablement le décès si l’on veut obtenir un permis d'inhumation dans les cimetières muni- » cipaux. Pour chaque décès, on exige un certificat médical constatant la mort et sa cause !. Si nous ne pouvons établir d'une manière cer- taine le degré de salubrité de la Régence, nous pouvons, du moins, le faire pour la partie française de ses habitants. Dans un travail publié par le docteur Bertholon dans la Revue tunisienne, organe de l’Institut de Carthage, nous trouvons qu'en « Tunisie les Français n’ont pas subi une mortalité exagérée au début de la colonisation, comme ils l'ont éprouvée en Algérie. De 1853 à 1887, la mor- talité des Français en Algérie a été de 30 à 47 pour mille, tandis que, pour la Tunisie, elle serait an- nuellement, depuis 1882, de 24 à 25 pour mille. La comparaison de la mortalité en Algérie avec la mortalité en Tunisie confirme hautement l’excel- lence du climat de ce dernier pays. Non seulement les débuts de la colonisation n'ont pas donné les proportions de mortalité exagérées comme en AL gérie, mais encore les chances de vie sont, au moment présent, supérieures dans la proportion de 2 à 5 pour mille en Tunisie, pays nouveau, sur l'Algérie colonisée depuis soixante ans. | grandes villes de France, on voit que les condi- Par comparaison avec ce qui se passe dans les | 4 tions sont souvent plus favorables en Tunisie. Ainsi, pour la période qui s'étend de 1887 à 1890, on an compté à Marseille 34 décès pour 4.000 habitants; à Reims, 30; à Toulouse 26,6; dans la population française prise en bloc : 26. La ville de Tunis n’au- rait éprouvé qu'une mortalité de 25,2 pendant cette même période. Cette mortalité est à peine supé-m rieure à celle de Paris, 24, la plus favorisée de nos grandes villes. A Malgré ce faible taux de mortalité, il ne faut pas oublier que la Tunisie est un pays chaud, et ce ai nous avons dit plus haut de l'été, doit être un aver- lissement pour l’émigrant ; car, s’il n’a pas à craindre un mauvais état sanitaire et des maladies spéciales à la colonie, il doit, comme partout ailleurs, subir un acclimatement, qu'il supportera mal pendant l'été, Il ne faut jamais débarquer en Tunisie pens LL ETES l De l'assainissement de Tunis, par le D' Ricnarp, méde= cin en chef, de l'hôpital militaire de Tunis et M. Janin, ingé= nieur des Ponts et Chaussées. NL D: A. LOIR — LES CONDITIONS SANITAIRES ET L'HYGIÈNE EN TUNISIE 1039 ‘dant la saison chaude. De juin à octobre ce serait s'exposer aux plus grands risques de maladie. La meilleure saison pour se mettre en route varie d'octobre à fin d'avril. La transition se fait alors sans secousse pour la santé, et l’on a tout le temps nécessaire pour s’habituer à la chaleur de l'été sui- vant, la chaleur venant progressivement. 8 3. — Régions sanitaires. M. le D' Bertholon a fait une étude sanitaire de la population française en Tunisie. Il divise la Régence en quatre régions. La première, qui comprend les contrôles du Nord-Est (Bizerte, Tunis, la Goulette, Nabeul), parait absolument favorable au point de vue hygiénique, puisque, pour 100 décès, on yrelève 133 naissances pendant la période de 1881 à 1892. La deuxième région comprend les contrôles du Nord-Ouest (Béja, Souk-El-Arba, Khroumirie, le Kef, Maktar); cette région du Nord-Ouest est moins privilégiée que la première; on ne compte plus que 112 naissances pour 100 décès. Elle est done, malgré tout, très saine. La troisième région com- prend les contrôles du Sahel et de la Tunisie cen- trale (Sousse, Kairouan, Sfax); cette région est remarquablement salubre : 149 naissances pour * 100 décès. On peut juger par ce chiffre du dévelop- pement que prendrait une population française, si l’on voulait diriger sur ce point ceux de nos émi- grants qui vont se perdre à l'étranger. La qua- trième région comprend les contrôles de la Tunisie méridionale (Djerba, Gabès, Tozeur). Dans cette région il y a trop peu de Français pour qu'on puisse établir des conclusions bien fermes: pour- tant, on y trouve des parties parfaitement saines. Dans cette portion de la Tunisie, aujourd'hui déserte, s'élevaient, du reste, autrefois de grandes villes du monde romain. Enfin, on ne rencontre pas en Tunisie de maladies spéciales au pays. Au point de vue de la colonisation, cette donnée offre un grand intérêt. Le Français trouve dans la Régence un climat sain, auquel il peut se faire rapidement, sans acclima- tement pour ainsi dire. Il fera bien pourtant de s'abstenir de tout travail musculaire de dix heures du matin à trois heures en été, et de faire la sieste pendant ce temps-là. Il se couvrira la tête d’un chapeau épais pour éviter les insolations !. Mieux vaut avoir des vêtements de laine, que l'on met au coucher du soleil; on évite ainsi les dangers des brusques écarts de température. Il. — VARIOLE. La maladie la plus fréquente dans la Régence est la variole : elle fait des ravages effrayants. Dans le Sud, chaque tente a un enfant chaque année, et, 1 D' Berrnocon. Conseils aux émigrants en Tunisie. malgré cela, la populalion reste stationnaire ; c’est que périodiquement, tous les cinq à six ans, la variole apparait, enlève tous les enfants qu'elle peut enlever, puis disparait. De là des différences considérables de mortalité d'une année à l'autre. A Tunis, la mortalité générale en 1886 est de 3.74%; en 1887 elle est de 3.685; en 1888, elle monte à 5.807; il est mort celte année-là à Tunis 1.645 peér- sonnes de variole; en 1889, la mortalité générale retombe à 3.750, dont 39 de variole; elle reste sta- tionnaire jusqu'en 1894, où elle monte à 4.499, sur lesquels il y à 870 morts par variole. Décès par variole à Tunis : 1886 2 1891 4 1887 2 1892 8 1888 1.645 1893 132 1889 39 1894 870 1890 39 1895 38 La population indigène ne se fait vacciner qu'en très petit nombre; cela s'explique par la peur que fait naître, chez elle, la pratique de la variolisation, — dont elle voit constamment les effets désas- treux, — puis par ce fait qu'au moment des épidé- mies où cetle variolisation s'opère sur une grande échelle, le chiffre de la mortalité augmente encore. Pendant ces épidémies, tout ce qui est susceptible de prendre la maladie en est atteint; ceux qui ne succombent pas gagnent l'immunité, et la conta- gion revient au bout de cinq à six ans, lorsque cette immunité disparait. Dans aucun pays du monde, on ne rencontre plus de figures conservant les marques de la variole, et plus d'indigènes ayant perdu les yeux à la suite de cette maladie. La variolisation est souvent pratiquée par les bar- biers, lesquels font aussi les saignées aux malades (fig. A); pour varioliser, ils inoculent le pus des pustules de variole bénigne sur le dos de la main, dans le premier espace interdigital; mais, à côté de cette inoculalion directe, on provoque encore la maladie en mettant, par exemple, le sujet à immu- niser dans le lit d'un varioleux et en obligeant ce malade à décortiquer des fruits secs, tels que : amandes, noisettes, noix, etc..., que son com- pagnon de lit doit absorber. On cherche encore à donner la maladie en grattant les eroûtes de variole, que l'on fait avaler dans du lait aux individus sains. Enfin, dès que les Arabes observent un cas de « variole de Dieu », cherchent à provoquer la maladie chez les enfants de tout le quartier, et déterminent ainsi volon- c'est-à-dire spontané, ils tairement ces épidémies épouvantables. Un médecin italien, né à Tunis, qui avait été variolisé dans sa jeunesse, nous disait derniè- rement que ces divers modes de variolisation et de contagion provoquées enlèvent jusqu'à 20 °/, des sujets qui prennent la maladie. 1040 Les épidémies de 1888 et de 1894 nous offrent une preuve très frappante de l'efficacité de la vac- cinalion ; la population de Tunis se compose d'environ 100.000 Arabes, 30.000 Israélites et 30.000 Euro- péens. En 1888, sur une mortalité de 1.645 vario- leux, on compte 1.384 Arabes, 101 Israélites, 160 Européens; en 1894, sur une mortalité de 870 varioleux, on compte 712 Musulmans, 30 Israé- lites, 128 Européens. Or, les Israélites sont, comme les Européens, presque toujours vaccinés, et, dès qu'on ouvre un établissement graluit de vaccination ou de revaccination, ils s'y précipitent en foule. Les Européens négligent trop souvent de se faire revacciner, elles Arabes sont rarement vaccinés. Il nous paraît intéressant de comparer les chiffres de la mortalité par variole à Tunis avec ceux de Marseille, ja ville française la plus éprouvée, où il y a toujours de la variole en plus ou moins grande quantité : Décès par variole survenus à Marseille. ANNÉES DÉCÈS 1884 59 1885 329 1886 2.032 1887 59 1888 124 1889 199 1890 548 1891 426 1892 50 1893 79 189% 14% 1895 738 On voit, d'après ces chiffres, que, dans les années les plus éprouvées, la mortalité est loin d’atteindre la proportion que nous avons signalée pour Tunis ; mais, en revanche, la variole ne disparait point entre deux épidémies à Marseille, comme elle le fait à Tunis. C'est que, à Tunis, pendant les épi- démies, la population recherche la maladie, et comme nous l'avons déjà dit, les causes de con- tagion sont tellement considérables que tout ce qui est susceptible de prendre la maladie en est atteint et que l'épidémie ne reparait que lorsque de nouvelles victimes lui sont offertes. Le gouvernement du Protectorat a, depuis plu- sieurs années, installé un service de vaccine publique qui répand la vaccination jennérienne. Les médecins militaires font aussi un grand nombre de vaccinations dans l'intérieur de la Régence. Depuis la fin de 1894, nous avons installé comme annexe de l'Znstitut Pasteur de Tunis, un centre vaccinogène qui, au moyen de génisses, produit le vaccin nécessaire à ces divers services. Jusqu'à ce jour, le vaccin employé par les médecins de la Tunisie venait de Paris, de Bordeaux, de Tours, de Montpellier, de Milan; il arrivait ici après un long voyage : on le conservait souvènt longtemps avant D' A. LOIR — LES CONDITIONS SANITAIRES ET L'HYGIÈNE EN TUNISIE de s’en servir, si bien que les résultats n'étaient pas toujours parfaits. . L'installation du centre vaccinogène de Tunis a coïncidé avec l'épidémie de variole qui a enlevé à. Tunis 870 personnes en 1894. Aussi toute la popu=" lation a-t-elle été poussée à se faire vacciner et à propager la vaccination autour d'elle. : Cette croisade sanitaire est, pensons-nous, inté- ressante à suivre; aussi allons-nous en dire quel- ques mots. Le directeur de l'Enseignement public en Tunisie, M. Machuel, encourage le plus possible, ER. quelques mois, son personnel d'instituteurs à pro pager la vaccination. Il est arrivé à créer une ému- lation salutaire parmi eux, en signalant dans le” Bulletin officiel de l'Enseignement, ceux qui se dis- tinguent en vaccinant dans leurs écoles. On trouve ainsi dans le Bulletin de l'Enseignement : « Le Directeur de l'Ecole de Schuiggi a vacciné avec « succès une vingtaine de ses élèves et deux personnes « adultes de la localité à à l’aide du vaccin qui lui avait «été envoyé par la Direction de l'Enseignement. IL «serait désirable que cet exemple fût suivi par tous « nos instituteurs ». Ou encore : « Messieurs les instituteurs Jourdan à Téboursouk, « Lacore à Mateur, et Rojat au Souassis, ont, sur leur « demande, recu du vaccin. Ils ont vacciné avec succès « presque tous leurs élèves, ainsi qu'un grand nombre «de personnes adultes. En imitant cet exemple, les « Instituteurs et Hspnntes rendraient à tout le pays « un service considérable. « A Ksour-Essaf, M, FEAR instituteur, à vacciné pen- « dant le mois dernier 71 élèves : l'opération a parfai- «tement réussi pour 67.Il a vacciné également 16 autres « personnes de la localité, dont 12 avec succès. Le rôle « de cet instituteur méritait d’être signalé. » Enfin, depuis deux ans, M. Machuel nous à chargé de faire un cours d'Hygiène et une leçon pratique à l'Ecole Normale de Tunis pour enseigné" à son personnel comment doit se faire la vacci- nation. D'un autre côté, frappé du danger que fait courir à notre armée le foyer de variole que l’on trouve dans ce pays, et contre lequel on ne peut lutter que par la vaccinalion, le groupe tunisien de l'Union des Femmes de France s’est décidé à tenter une croisade sanitaire pendant le cours de 1895: Pendant plus de six mois les dames membres de l'Union se sont créé l'obligation d'aller, au moin une fois par semaine, dans les familles Arabes les plus réfractaires à la vaccination. La Présidente, Mme René Millet, femme du Résident Général de France, comprenant l'influence qu'elle pouvait exercer sur les indigènes, a été présente à toutes les séances de vaccination. 1 Les femmes pénètrent plus facilement que les hommes dans la famille musulmane; mais ce n’est pas à cette difficulté d'approcher la femme D' A. LOIR — LES CONDITIONS SANITAIRES ET L'HYGIÈNE EN TUNISIE 1041 arabe qu'il faut attribuer exclusivement l'impossi- | époux, s2 voyaient contraintes de subir l'opération. bilité où l’on est de faire pénétrer la vaccination Peu à peu, les difficultés ont été moindres et, à la dans les intérieurs musulmans. Il y a une autre | fin,ies femmes venaient d'elles-même demander la Fig. 1. — Coiffeur ambulant lraitunt un Arabe malade par des saignées dans la peau du cou. (Ce sont ces coifleurs qui pratiquent, en cas d’épidémie aiguë de variole, l'opération, si dangereuse, de la variolisation.) Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM, Rougeron Vignerot et Cie. raison. Dans les premières séances d'inoculation, | vaccination. La réputation d'innocuité de l'opération après avoir entraîné la conviction du chef de | s'était répandue. En effet, ce qui retenait le plus famille au sujet de l'utilité de la vaccination et | les femmes arabes, c'étaient les accidents consécu- avoir pénétré auprès des femmes, les vaccinatrices | tifs à la variolisation qu'on pratique sur elles, et européennes ne pouvaient procéder à l'inoculation | qu'elles confondent avec la vaccination. Un exemple que lorsque les femmes arabes, menacées par leurs | frappant de ce que nous venons de dire se trouve 1042 D' A. LOIR — LES CONDITIONS SANITAIRES ET L'HYGIÈNE EN TUNISIE noté sur le cahier d'observations des membres de l'Union des Femmes de France. Un jour, ces vacci- natrices inoculèrent 124 femmes dans un vil- lage des environs de Tunis; il restait encore une vingtaine d'inoculations à faire, lorsque, surprises par l'heure tardive, elles remirent l'opération à une autre séance. Ce premier jour, les femmes hési- taient et ne se laissaient inoculer qu'avec difficulté. Le ramadan commença quelques jours après, et, pendant tout le mois que dura ce carème arabe, il fut impossible de reprendre la vaccination. Au bout de ce mois, à la première séance, les vaccina- trices furent tout étonnées du changement d’atti- tude des femmes arabes. Elles voulaient toutes être vaccinées, elles et leurs enfants; et même celles qui avaient été vaccinées un mois auparavant demandaient à subir à nouveau l'opération. Ques- tionnée sur les causes de ce changement d'attitude, l’une d'elles fit la réponse suivante : « Vous avez vacciné 124 des nôtres, 107 ont eu le « bras énorme, mais pas une n’est morte; s’il en est «ainsi, inoculez-nous {ant que vous voudrez; nous « savons que cette opération préserve de la variole; «ce qui nous avait retenues, c’est que, d'ordinaire, « plusieurs des opérées meurent de l’inoculation telle « qu’on la pratique chez nous. » D'autres fois,les vaccinatrices étaient reçues d’une façon particulièrement aimable : on remettait des adresses écrites sur parchemin à leur présidente ; voici la traduction de l’une de ces adresses : « Le soussigné est heureux de manifester à la très « parfaite Mme Millet, la digne compagne du très émi- « nent parmi les savants et les hommes politiques, «M. René Millet, Résident Général de la République « Francaise à Tunis, l'expression de sa reconnaissance « pour la peine qu’elle a bien voulu prendre d'apporter « sous son toit l’excellent préservatif du vaccin. Il l’as- «sure qu’elle a laissé derrière elle dans sa maison une « tranquililé d'esprit et des sentiments de gratitude « qui dureront autant que sa propre famille, et se «répandront autour d’elle comme le parfum des fleurs «et la lumière d'un astre au moment de sa splen- « deur. «Si toutes les femmes ressemblaient à celles que «nous avons vues, les femmes seraient à coup sûr con- sidérées à l’égal des hommes. » 2 D'autres fois encore, les colons reconnaissants envoyaient des lettres de remerciement : « J'ai, comme je vous l’avais promis, à vous donner « les résultats de la vaccine que vous avez pratiquée « sur les sept personnes qui composent la famille de « mon métayer. Outre que la réussite a été parfaite, «elle à convaincu tout le pays; car, dans le douar « auquel ils appartiennent, la variole n’a cessé que ces « jours derniers, et de ceux qui ne l’avaient pas encore «eue, les vaccinés sont les seuls qui lui ont échappé. « Un grand nombre de personnes ont été malades dans « la région, etles vaccinés conservent seuls leur figure, « comme disent les Arabes, Aussi, maintenant je suis « importuné par les parents venant me demander de « faire traiter leurs enfants. Si ce n’était pas vous « déranger, j'en aurais une vingtaine à faire vacciner. « Je vous remercie pour ces pauvres gens. » Un enfant en traitement à l'Institut anti-rabique de Tunis fut pris de variole ; lorsqu'il entra en con-. valescence, j'allai chez lui continuer les inocula- tions anti-rabiques. Dans la maison j'entrevoyais chaque jour les femmes qui se cachaient derrière les rideaux : j’appris que pas une d’entre elles n'était vaccinée, mais pas une ne voulut me laisser faire l'opération. J'eus recours à l'Union des Femmes de France: 1 femmes furent inoculées avec 7 succès. Enfin,la croisade a produit son effet: 500 femmes et enfants ontété vaccinés par l’Union des Femmes de France dans les différents milieux de la popula- tion tunisienne. Les femmes indigènes n'ont plus peur de la vaccination ; elles appellent maintenant médecins ou sages-femmes pour la pratiquer sur elles; l'impulsion est donnée. Un médecin de Tunis nous disait dernièrement qu'il ne savait à quelle cause attribuer le nombre des hommes et des femmes indigènes qui viennent réclamer la vacci- nation en ce moment. C'est évidemment à la pro- pagande qu'on a faite de divers côtés. J'ajouterai, du reste, que, grâce aux soins de propreté et aux précautions prises, pas un seul accident n'a été à déplorer, etles réussites ont été environ de 96 %. III. — AUTRES MALADIES INFECTIEUSES. $ 1. — Fièvre typhoïde. La fièvre typhoïde a fait autrefois de nombreuses victimes dans la Régence, surtout au moment de l'occupation française, en 1882. A l'heure actuelle, ces épidémies vont en décroissant de nombre et de gravité. À Tunis,en particulier, la mortalité, qui était de 1645 par variole en 1888, était de 33 par fièvre typhoïde. $ $ 2. — Dysenterie, etc... La dysenterie règne à l’état endémique dans la Régence, mais elle y est extrêmement bénigne, sans caractère de gravité. — On rencontre, de temps en temps, des abcès du foie. Les affections vermi- neuses sont fréquentes. $3. — Diphtérie. L'année 1894, qui a été la plus mauvaise au point de vue de la diphtérie, a présenté 61 décès pour cette maladie à Tunis. Nous croyons que cette affec- tion est très rare en Tunisie. Depuis la fin de 1894 fonctionne à Tunis un service de diagnostic de la diphtérie ; les examens de fausses membranes nous « ont montré une rareté excessive de véritable diphté- rie et, en général, les angines réellement diphté- riques sont bénignes : souvent, elles ne révèlent leurs caractères toxiques que par les paralysies consécutives. $S 4. — Choléra. En 1849, le choléra a sévi avec une violence extrême sur la population juive, qui a été décimée; D’ A. LOIR — LES CONDITIONS SANITAIRES ET L'HYGIÈNE EN TUNISIE 1043 et, l'année suivante, la population arabe et les Européens ontété, à leur tour, fortement éprouvés. A la fin de 1893, une légère épidémie de choléra a encore sévi sur le quartier israélite de la ville, ame- nant 35 décès en octobre, 80 en novembre, 19 en décembre. Cette épidémie est restée cantonnée à 7 ou 8 maisons et s'est éteinte d'elle-même ; on retrouvait dans le tube intestinal des victimes le bacille virgule, avec ses caractères de culture et de virulence. Depuis cette époque, de grands travaux d'assainissement ont été entrepris dans cette partie de la ville, et l'épidémie n’a pas reparu. 5. — Paludisme. un La fièvre paludéenne n'existe pas à Tunis, mais quelques foyers d'impaludisme sontdisséminés dans la Régence. On les évite en travaillant le moins possible dans les bas-fonds, surtout le matin et le soir, quand ceux-ci sont couverts de brume. L'occupation romaine semble avoir voulu éviter avec soin ces endroits malsains : toutes les ruines de villes ou de villages se trouvent au flanc des co- teaux qui bordent, par exemple, au nord la vallée de la Medjerdah., Il est, en effet, à remarquer que le remède existe dans cette région à côté du mal: par- tout, sur ces points d'’impaludisme, se trouvent de petites collines qui peuvent servir de sanatorium. La culture intensive dans ces régions recommence à les assainir et fera complètement disparaitre ces fièvres palustres, $ 6. — Tuberculose. La tuberculose est-elle fréquente en Tunisie ? C'est un point difficile à établir. On trouve certai- nement de nombreux cas de phtisie chez les indi- gènes ; pourtant, si nous nous en tenons aux seules données certaines que nous ayons, il semblerait que cette maladie fût extrêmement rare. Le corps d'occupation tient la tête de toute l’armée fran- çaise, depuis plusieurs années, au point de vue de la petite quantité de sujets tubereuleux qu il fournit à la moyenne générale, En 1892, par exemple, il y a eu dans le corps d'occupation de Tunisie 2,75 pour mille cas de réforme pour cette maladie et 0,64 pour mille décès, alors que le 4 corps comptait 10,15 cas de réforme pour tuberculose et 1,69 décès ; pour toute l'armée française, les cas de réforme étant de 6,55 pour mille, la morta- lité par tuberculose était de 1,04. D'un autre côté, Tunis possède, depuis 1888, un abattoir fort bien installé et où l'inspection se fait très sérieusement sous la direction d'un vétéri- naire. Les cas de tuberculose chez les bovidés sont extrêmement rares: sur 20.247 abattus en 1892, 2 ont été trouvés atteints, soit 4 pour 10.000 en moyenne, En 1893, le nombre a été plus faible : il a été de 4 pour 26.992. En 1894, quoique très faible encore, il a considérablement augmenté : il s'est élevé à 1,5 pour 27.618. En parlant de cet abattoir, nous devons signa- ler que les animaux y sont saignés par une large incision faite à la partie antérieure du cou; l’aba- tage se fait de la même façon dans les trois quartiers, pourtant bien séparés : chrétien, mu- sulman et israélite. La viande se conserve mieux ainsi, étant plus exsangue. Le vieux rite sémi- tique à done eu sa raison d'être et son origine dans une préoccupation d'ordre hygiénique ; et nous n'avons qu'à admirer et imiter sur ce point, dans les pays chauds, les musulmans et les juifs, malgré ce que ce procédé peut avoir de cruel. $ 1. — Rougeole. La rougeole est très rare en Tunisie; il y a eu une petite épidémie dans les premiers mois de l'année 1892, épidémie qui a enlevé, sur la population to- tale de Tunis, 139 personnes. Une autre épidémie a sévi sur la Tunisie dans le courant de 4895. Un grand nombre d'enfants sont morts de complications broncho-pneumoniques. Dans le corps d'occupation on signale 0,89 cas pour mille, alors que dans l'armée francaise tout entière la proportion est de 5,59. Même remarque pour la scarlatine : 0,57 pour mille soldats en Tunisie, au lieu de 3,98 cas sur mille dans l’armée française tout entière. $ 8 — Furonculose. On rencontre aussi dans la Régence pas mal de personnes atteintes de furonculose. Pour éviter la répétition sans nombre de ces clous, il est une précaution que les colons feront bien de prendre : c'est de ne jamais se servir d'étoffes de flanelle comme linge de corps: ils préféreront les tricots de coton en forme de filets, qui absorbent bien la transpiration, La flanelle se feutre vite, elle tient chaud et ne peut pas se laver à l’eau bouillante ; aussi est-elle une des causes qui permettent à la furonculose de se propager le plus sûrement. La nécessité de faire bouillir le linge de corps a été bien mise en évidence par le fait suivant qui à été observé dans l'un des régiments tenant garnison à Tunis : la moitié de l'effectif était atteinte de clous nombreux ; après enquête, le médecin, voyant, au bout de plusieurs mois, que l'épidémie ne faisait qu'augmenter malgré toutes les précautions prises, demanda que le linge qui, jusque-là, était lavé à l'eau froide dans la cour, fût porté à l'ébullition dans une buanderie, dont il proposa l'installation. En quelques semaines, l'épidémie disparut ou plu- tôt se localisa sur les hommes au niveau de la jambe et du pied, et ne disparut complètement que 104% lorsqu'on eut procédé à la désinfection des guêtres dont ils étaient porteurs. $ 9. — Rage. La rage est assez répandue en Tunisie ; la ville de Tunis, par exemple, ne se comporte pas comme les villes du Levant, où cette maladie est incon- nue. Les chiens y vivent comme ils le font dans les centres européens ; on n'y rencontre pas ces hordes d'animaux qui grouillent dans les cités comme Constantinople, Beyrouth, Smyrne, Alep, etc. Or, pour expliquer l'absence de rage dans ces villes du monde musulman, on a donné l'ingénieuse et très vraisemblable raison que voici; elle s'appuie sur un fait signalé par tous les voyageurs. Dans ces villes, les chiens n’appartiennent à personne : ils sont à la ville. Chaque famille canine a son quartier à elle; elle est là chez elle; elle se charge de débarrasser une partie de la ville de ses immon- dices, mais elle ne permet à aucun chien d’une fa- mille voisine de venir sur ce territoire réservé : l'imprudent serait de suite exterminé. Un des pre- miers symptômes de la rage, très fréquent chez le chien, est un besoin de mouvement qui se mani- feste par sa fuite de chez son maitre. Le publie, qui depuis longtemps a remarqué cette humeur voya- geuse de la première période, dit que le chien se sauve parce qu'il sent venir l'envie de mordre, et que, toujours fidèle, il ne veut pas s'attaquer à son maitre. Malheureusement pour la vraisemblance de cette explication, le chien à ce moment-là n’a pas encore envie de mordre; il n’est poussé par ce be- soin de faire des morsures que quelques jours après, lorsqu'il revient chez son maitre, où, dans la joie de le revoir, on lui prodigue des caresses; et l'inconscient mord souvent ceux qu'il aime. Aussi faut-il toujours se défier d'un chien qui revient après quelques jours d'absence. Dans les villes comme Constantinople, où chaque famille de chiens a son quartier, dans lequel elle se cantonne et qu'elle défend avec un soin jaloux contre toute intrusion, on comprend que la rage ne puisse s'acclimaler; en admettant, en effet, qu'un chien ait été mordu par un animal enragé, avant de devenir dangereux pour les autres, il éprouvera le besoin de voyager; il passera par le territoire d'une tribu voisine et il est certain de payer de sa vie cette audace maladive. Quelles que soient les causes qui empêchent la rage de s'acclimater dans les villes du Levant, il est cerlain que Tunis n'a pas les mêmes raisons pour voir disparaitre l'hydrophobie, et que les chiens en- ragés y sont aussi nombreux que dans les grandes villes de France. La rage estencore entretenue par la présence des chiens arabes, absolument libres dans la campagne, et sur lesquels il est impossible d’exer- D' A. LOIR — LES CONDITIONS SANITAIRES ET L'HYGIÈNE EN TUNISIE cer une surveillance. Nous pouvons ajouter que la rage mue ne parait pas être plus fréquente qu’en France. Jusqu'au mois de juin 1894, les personnes mordues par des animaux enragés allaient se faire traiter soit à Paris, soit à l’/Znstitut antirabique de Pa- lerme. Depuis cette époque, nous avons établi un Zns- titut Pasteur à Tunis. Cet institut a traité 200 per- sonnes pendant ses deux premières années d’exis- tence. IV. — ALCOOLISME. L'alcoolisme fait malheureusement de grands ravages dans la population européenne de Tunis. Dans ce pays chaud, où l’on devrait presque com- plètement s'abstenir de boissons qui contiennent une forte proportion d'alcool, on trouve des caba- rets où il est possible, moyennant une somme de six francs par mois, de venir chaque jour boire tout ce que l’on peut absorber sur place. Plus l'intoxi- cation est rapide, plus fort est le bénéfice de l’in- dustriel. Il n'y a en Tunisie aucun droit sur les alcools. L'alcoolisme est ici une plaie terrible, et les alcooliques ne fournissent pas une longue car- rière. Une habitude néfaste de beaucoup de colons est l'usage de boissons alcooliques prises sous le nm d'apéritif, et spécialement d'absinthe. Ceux qui en usent perdent vite tout appétit, ils sont éminemment sujets aux fièvres paludéennes, aux diarrhées et aux insolations. Tout colon, au contraire, qui s'ab- stiendra de boissons alcooliques, jouira d’une aussi borine santé que dans la mère-palrie. A Sfax, à Kerkenab, à Djerba, on voit des indi- gènes ivres de vin de palmier. L'ivresse produite par ce liquide fermenté est violente, mais dure peu. Le suc du palmier est, sous le nom de lagmi, l'objet d'un commerce assez important en Tunisie. Dans le Nefzaoua, par exemple, on récolte le lagmi sur environ 3.500 palmiers chaque année. Quand la récolte de blé et de dattes à élé mauvaise, on augmente encore la récolte du lagmi. Pour une période de 2 mois et demi, à raison de 9 litres par jour et par arbre, cela donne, pour le Nefzaoua seul, 2.362.500 litres de lagmi, qui se vend 0 fr. 10 à 0 fr. 20 le litre. Aux environs de Tunis, le lagmi qu'on récolle est peu sucré; ainsi nous n'avons Jamais trouvé dans cette région de vin de palmier ayant plus de 4 d'alcool; mais. dans le Sud, il n’en est pas de même, et c'est un liquide fortement alcoolique. Sur un palmier de taille ordinaire de 6 mètres de hauteur, on récolte le lagmi deux fois par jour, el voici comment l’on opère : On laisse les deux rangées de feuilles les plus basses, et on enlève toutes les autres. On coupe en forme de cône le sommet de l'arbre, mettant ainsi à nu le cœur du palmier, et l'on creuse tout autour une D' A. LOIR — LES CONDITIONS SANITAIRES ET L'HYGIÈNE EN TUNISIE 1045 rigole circulaire. Sur un point de cette rigole, on fait une entaille dans laquelle on place un roseau qui sert de déversoir au liquide. Ce liquide va tomber dans une gargoulette attachée à l'arbre. Pour permettre l'écoulement du lagmi dans la rigole circulaire, on rase tous les jours le sommet du tronc en détachant une très légère couche du cœur de l'arbre, de l'épaisseur d'une feuille de papier. Le roseau n’est généralement pas renouvelé pendant toute la durée de la récolte. Lorsqu'on a tiré le lagmi d'un palmier, une fois la récolte terminée, on panse la plaie en recou- vrant le cœur de l'arbre d'un linge, puis de terre mouillée, et le tout d'un panier ou couffin. Les nouvelles pousses prennent naissance dans l’exca- vation qui servait primitivement de réservoir et dépassent le manchon de terre qui, peu à peu, finit par tomber. Le palmier repousse ensuite, et un léger étranglement du tronc indique que l'arbre a été utilisé pour le lagmi. On le laisse reposer pendant deux ans au moins el on ne peul lui faire produire de nouveau lagmi que la troi- sième année. L'arbre ne donne des dattes que tous les deux ans, et, si une récolte l’a trop épuisé, il peut mourir; un palmier sur 15 environ meurt ainsi en séchant sur pied; cela dépend sou- vent de l'opérateur qui pousse trop loin la récolte. On boit le lagmi immédiatement après la ré- colte ; alors il est doux. On le conserve aussi quel- ques heures jusqu'à la fermentation, on le boit alors à l’état de vin de palmier. Beaucoup d'indi- gènes préfèrent le lagmi doux au vin de palmier. Ils cherchent, en effet, en buvant ce jus sucré, à se procurer un aliment. Le lagmi fermente sous l'influence de levures qui sont apportées par les insectes, — mouches, abeilles, etc., — qui viennentse noyer dans le lagmi où elles sont attirées par le liquide sucré et où on les retrouve en grande quantité. Puisque le lagmi est, d'ordinaire, préféré au vin de palmier, on pour- rait retarder le début de la fermentation en assu- rant la proyreté des récipients, en changeant le morceau de sureau qui amène le suc dans ces réci- pients, en lavant, de temps en temps, les surfaces de l'arbre qui produisent le lagmi et en les protégeant le mieux possible du contact de l'air extérieur et des insectes. Dans le vin de palmier, on trouve une flore bac- térienne très nombreuse et presque constamment une petite levure qui pousse mal et lentement dans les milieux sucrés où on la sème. Aussi il n’est pas étonnant de voir la fermentation de ce vin trainer en longueur, ce qui permet aux autres microbes de pulluler librement et de donner des produits secondaires, accessoires, auxquels on doit attribuer le goût désagréable de cette boisson. On peut pro- duire un vin de palmier assez agréable en semant dans du lagmi des levures de vin qui poussent vite et transforment rapidement le sucre en alcool. Pour les indigènes, ce n’est pas l'alcool qui est le plus à craindre ; ce qui fournit le plus d’aliénés est certainement le chirisme. L'indigène fume le kif, c'est-à-dire le chanvre, soit en le mélangeant avec du tabac, soit seul dans de petites pipes ad hoc, dont il aspire cinq à six bouffées. Il emploie aussi souvent la chira, qui contient la partie active du chanvre. On peut dire, en somme, que la chira est au kif ce que l'alcool est au vin. Pour fumer la chira, on se sert d'un narghilé spécial, qui reste au milieu du groupe des fumeurs; chacun d'eux aspire une ou deux bouffées. La chira produit une intoxi- cation comparable à celle de l'alcool. Il y a un chi- risme chronique, comme il ÿ a un alcoolisme chronique. Les indigènes emploient aussi l'opium, mais pour un usage très spécial. Ils donnent cons- lamment, et cela même dans les plus grandes familles, des infusions de têtes de pavots aux en- fants pour obtenir d’eux un sommeil profond. On peut dire que chaque enfant arabe absorbe en infusion une tête de pavot chaque soir et cela jusqu'à l'âge de deux ans. V. — TRAVAUX D'ASSAINISSEMENT A TUNIS. Tunis était, il v a bien peu d'années encore, une ville sale, entourée d’une ceinture continue de cimetières, d'ordures ménagères et d'eaux d'égout. La grande cause d'insalubrité provenait des égouts etdeleurs déversements.Ces égouts, très nombreux, étaient mal couverts dans la ville et découverts aux portes mêmes jusqu'à leur issue dans le lac; fort mal installés, leurs parois n'étaient pas même étanches; souvent obstrués, ils devenaient de larges fosses putrides, contenant non seulement les eaux ménagères et les détritus végétaux, mais encore les excrétions humaines, car le tout-à-l'égout est pra- tiqué à Tunis depuis fort longtemps. La plupart des maisons de la ville arabe y écoulent directement leurs matières de vidanges. Les cabinets d’aisance y sont assez proprement tenus, quoique souvent mal aérés, mais, au moins, ils sont fréquemment lavés. Ils sont isolés des pièces habitées, mais donnent presque toujours dans la cuisine, et leurs exhalai- sons sont toujours gênantes; il n’est pas queslion, bien entendu, d’occlusion hydraulique. Aujourd'hui, un nouveau réseau d'égouts est pres- que achevé non seulement dans la nouvelle ville européenne, mais aussi dans l'ancienne ville arabe. Jusqu'à il y a trente ans, on consommait à Tunis de l’eau de citernes. Ces cilernes, plus où moins étanches, recevaient l’eau de pluie ; mais, d'après ce que nous venons de dire des égouts, cette eau était 1046 plus ou moins salubre. A l'heure actuelle, la ville est abondamment fournie d’eau de source, venant de Zaghouan. On a emprunté, pour cela, l’ancien aque- duc romain, qui à été réparé et donne une eau potable excellente et en quantité suffisante. Il est à remarquer que l’Arabe est, en général, peu difficile sur la qualité de son eau d’alimenta- tion. Dans le sud, on le voit fréquemment préférer une eau provenant d'une mare souillée par les déjections de ses animaux, des végétations cryplo- gamiques de toute sorte, à une eau provenant d'une mare absolument limpide. C'est qu'il sait que cette eau limpide est magnésienne, par consé- quent purgative. Le colon fera donc bien d’imiter l’'Arabe dans son choix, mais de ne pas boire cette eau souillée sans l'avoir fait bouillir au préalable. Il y à une trentaine d'années, l'influence euro- péenne s’exerçant par les consuls des diverses nations, l'œuvre d’assainissement a commencé. Depuis l'occupation française et plus particuliè- rement depuis une dizaine d'années, cette œuvre a pris un grand essor, et, actuellement, elle pro- gresse avec une précision el une décision qui pour- raient servir de modèle à d’autres villes du conti- nent africain, et aussi du continent européen. A l'heure actuelle, les voyageurs qui traversent la ville de Tunis, dans sa partie basse, lorsque le vent y apporte les odeurs du lac, s'en'vont écrivant partout qu'une ville où il y a de telles odeurs ne peut être salubre. Nous n’irons pas aussi loin que les Tunisiens, et nous ne dirons pas que ces odeurs mêmes sont la sauvegarde de la cité. Maisilest cer- tain qu’elles ne semblent pas avoir d'influence sur l’état de la santé publique. Il est, du reste, à remar- quer que les eaux d’égout, si chargées en microbes au moment où elles se déversent dans le lac, subis- sentune sorte de stérilisation au contact de cette eau salée. Nous avons, de nombreuses fois, prélevé des échantillons d'eau dans les différentes parties du lac ; soumis à l'analyse bactériologique, ces échan- tillons ont permis de constater que, tout autour de l'endroit où débouchent les égouts, l’eau est très chargée en microbes. Ainsi, à la date du 28 février, on complait, dans cette partie, 9.400.000 germes au centimètre cube. À côté de cette zone s’en trouvait une autre, distante de 100 mètres environ du déver- sement de l'égout : on y voyait sourdre une infinité D’ A. LOIR — LES CONDITIONS SANITAIRES ET L'HYGIÈNE EN TUNISIE de bulles de gaz, et il ne restait plus, d’après l'ana- lyse bactériologique d'un échantillon prélevé à la même date, que 14.000 germes aérobies. C'est de cette zone surtout que se dégagent les odeurs. Au delà, malgré un fond brun jaunâtre, l’eau est claire et le nombre des germes qu’elle contient n’est plus que de 300 au centimètre cube, et cela à 250 mètres de la bouche de l'égout. Dans un avenir très rapproché, les eaux des égouts, au lieu de se déverser directement dans le lac, seront transportées en totalité, grâce à une machine élévatoire, sur les terrains qui avoisinent la ville. On y fera l'épandage sur une vaste échelle, comme à Gennevilliers et à Berlin. Le lac ne sera bientôt plus le dépotoir de Tunis, comme il l'a été pendant des siècles. Il est à remarquer que les habitants de ce pays sont familiarisés de longue date avec la pratique de l'irrigation à l’eau d’égout. Il est difficile de dire à quel moment on a commencé celte irriga- tion ; mais, des personnes qui habitent Tunis depuis plus de soixante ans affirment avoir toujours vu l’eau des kandacgs être utilisée par les Arabes pour la culture maraichère, et ellessontconvaineues qu'elle l’a élé très anciennement : d’où il résulterait que Tunis serait une des villes où les champs d’é- puration fonctionnent depuis le plus longtemps. VI. — CONCLUSION. En somme, et après tout ce que nous venons de dire, la Tunisie mérite la qualification de contrée parfaitement saine. L'Européen peut venir en toute sécurité y établir son Lome. Il n'a pas à craindre pour lui et sa famille les dangers de l'acclima- tement, qu'il rencontre dans nos autres possessions d'outre-mer, même les plus rapprochées. Depuis l'établissement du Protectorat, la France ne s’est pas seulement contentée d'apporter en Tunisie les bienfaits, souvent superficiels, d’une civilisation très avancée : elle a voulu faire œuvre sérieuse et profitable. C'est ainsi qu'en continuant son œuvre sanitaire d'embellissement et de repeu- plement, elle peut rendre rapidement à la Tunisie sa splendeur et sa richesse d'autrefois. D' Adrien Loir, Directeur de l'Institut Pasteur à Tunis. à "1 à è A E. HAUG — GÉOLOGIE DE LA TUNISIE 1047 GÉOLOGIE DE LA TUNISIE Avant l'occupation française, la Tunisie était, au point de vue géologique, un des pays les moins connus du littoral méditerranéen. Aujourd'hui il n’en est plus de même, et les résultats obtenus ont permis déjà de dresser une carte géologique de la Régence au 1/800.000, œuvre assurément encore imparfaile el qui porte avec raison le titre de carte provisoire, mais qui fait le plus grand honneur à l’auteur, M. Aubert, et à ses collaborateurs. L'exploration géologique de la Tunisie est due aux efforts combinés de la mission Cosson, à la- quelle prirent part, comme géologues, MM. Le Mesle, Rolland et Philippe Thomas, et du service des Mines de la Régence, placé, de 1884 à 1892, sous la direction de M. Aubert. Je mentionnerai encore : les recherches indivi- duelles de M. Pomel, qui, tout de suite après l'éta- blissement du Protectorat, rapporta, d'une excur- sion rapide dans toute la région du littoral, des ré- sultats d'une valeur capitale; celles de deux ingé- nieurs italiens, MM. Baldacci et Zoppi, et surtout celles de M. Baltzer, de Berne, auquel est due la meilleure esquisse tectonique de l'Atlas Tunisien. I. — APERÇU GÉNÉRAL. F On ne connaît en Tunisie aucune formation sédi- mentaire antérieure au Jurassique ; mais, depuis le Lias jusqu'au Pliocène, presque tous les étages y sont représentés, le plus souvent par des dépôts marins. Ces terrains forment l'ossature du pays : ils ont pris part aux dislocations du sol, et les inégalités de leurs reliefs sont en partie comblées par de vastes accumulations de dépôts d'origine torrentielle, d'âge récent, dont les éléments détritiques sont empruntés aux terrains secondaires et tertiaires. Les terrains sédimentaires les plus anciens de la série se rencontrent presque exclusivement dans les régions les plus accidentées de la Tunisie; ils constituent généralement des montagnes isolées, à crêtes quelquefois déchiquetées et à pentes abruptes, mais le plus souvent de forme très régu- lière, à base circulaire ou elliptique; ce sont des dômes, surélévations anticlinales, dans lesquelles les'couches plongent de toutes parts d'un point central vers la périphérie. Les terrains les plus récents de la Régence occupent, au contraire, des cuvettes synclinales, dans lesquelles la disposition des couches est inverse de ce qu'elle est dans les dômes, les couches plongeant de toutes parts de la périphérie de la cuvette vers un point central. En se dirigeant du centre du dôme vers la péri- phérie, on traverse des couches de plus en plus récentes, tandis qu’en se dirigeant du centre de la cuvette vers le bord, on traverse des couches de plus en plus anciennes. Les dômes sont quelquefois irrégulièrement groupés et surgissent au milieu des plaines comme des cônes volcaniques; d’autres fois, ils sont ali- gnés de manière à former des chaînons, orientés du sud-ouest au nord-est ou même du nord au sud dans le Nord de la Régence, orientés de l’ouest à l'est, dans le Sud, voire même probablement du nord-ouest au sud-est dans l'extrême Sud. Il existe, d’ailleurs, tous les passages entre les dômes à con- tours circulaires, les dômes à contours elliptiques et les véritables chaïnons linéaires, qui prédomi- nent dans le Sud. Les cuvettes synclinales se traduisent dans le relief du pays de deux manières différentes : ou bien elles correspondent à des dépressions eomblées et : transformées en des plaines par des formations alluviales ; ou bien elles forment des plateaux éle- vés, à surface légèrement concave, dont les contours elliptiques sont marqués par une falaise abrupte. Ces plateaux, constitués le plus souvent par des ter- rains éocènes, sont connus sous les noms de Dyr ou de Æamäda. Tels sont, par exemple, le Dyr du Kef, pendant du célèbre Dyr de Tébessa, et la Ha- mäda el Kessera. Si la distinction des dômes et des cuvettes syn- clinales est importante aux points de vue géolo- gique pur et orographique, elle ne l’est pas moins au point de vue de la géologie appliquée. Comme nous le verrons, elle est capitale au point de vue agricole, et elle nous fournit de précieux indices pour l'étude de la répartition des gites minéraux. Géologiquement, aussi bien que géographique- ment, la Tunisie est une dépendance de l'Algérie : les mêmes terrains se retrouvent dans les deux pays avec des caractères presque identiques, et les plis- sements de l'Atlas tunisien sont la continuation de ceux de l'une des zones qui constituent l'Algérie. Parmi celles-ci les deux plus extérieures, l'Atlas tellien et la zone des Hauts Plateaux, ne s'étendent pas vers l'Est au delà d’une ligne passant approxi- mativement par Batna, Guelma et Bône, et c’est l'Atlas saharien qui seul va passer en Tunisie, ses plis venant relayer ceux de l'Atlas tellien. Ce sont, en particulier, les plis du massif de l’Aurès et ceux du massif de Tébessa qui pénètrent en Tunisie; ceux-ci se continuent dans les montagnes du Centre, ceux-là traversent la Medjerdah et viennent atteindre la mer en conservant leur direction sud- ouest-nord-est. } .(Voir ci-contre la légende des terrains.) airouan © 1 800,000 gx Fig. 1. — Carte géologique de la Tunisie d'après la carte de M, Aubert au Part. Sinon, 12, rue Niole_ TES je TZ Cravé par À. E. HAUG — GÉOLOGIE DE LA TUNISIE 1049 IT: — LA SÉRIE SECONDAIRE ; LES SOURCES ET LES GÎTES DE CALAMINE. S 1. — Terrains jurassiques. Le Jurassique, si l’on fait abstraction d'un affileu- rement assez étendu dans l'extrême Sud, découvert par Le Mesle, est presque exclusivement cantonné dans la région montagneuse située immédiatement au sud de Tunis. Il constitue dans cette région, qui correspond à peu près à l’ancienne Zeugitane, une série de dûmes simples ou composés, tels que le Bou-Kournin, le Resàs, le djebel Oust, le Zaghouan, le djebel Djoukar, le djebel Fkirin, le Bargou, ete. Ces montagnes, formant tantôt des croupes arron- dies, tantôt des crètes dentelées des plus pitto- resques, sont presque entièrement composées de calcaires liasiques, compacts, indistinctement stra - tifiés, atleignant plusieurs centaines de mètres d'épaisseur. On ne connaît, d’ailleurs, pas leur sub- stratum. Le Jurassique moyen parait manquer par- tout et le Lias est immédiatement recouvert soit par le Jurassique supérieur, soit par les calcaires nodu- leux rouges, très marneux, très fossilifères, de l'Ox- fordien, soit par le Tithonique, représenté par des calcaires coralligènes ou par des brèches, mais for- mant toujours un revêtement transgressif, qui peut lui-même manquer, le Néocomien venant alors s'appliquer directement sur le Lias. Ces lacunes et ces transgressions indiquent des mouvements oro- géniques pendant la période jurassique, dont on retrouve la trace en Algérie, en Italie, dans quelques points des Alpes et dans le Caucase. L'a- nalogie des sédiments jurassiques avec ceux de l'Algérie, de la Sicile, de l'Apennin, de la Vénétie est frappante. L'intérêt agricole et industriel des calcaires du Lias est considérable. Des sources vives et abon- dantes, les meilleures de tout le Nord-Est de la Régence, y prennent naissance. Celles du Zaghouan et du djebel Djoukar sont captées et furent amenées à Carthage par les Romains au moyen d’un aqueduc dont on admire encore les ruines, mais dont le radier est en grande partie utilisé par la conduite qui aujourd'hui amène les mêmes eaux à Tunis. Il est certain qu'une très faible partie des sources qui jaillissent des cal- caires liasiques est actuellement utilisée et que leurs eaux sont appelées à répandre la fertilité et la vie dans tous les districts avoisinants; une étude géologique détaillée des dômes liasiques fournirait des renseignements précieux sur les chances d'augmenter le débit de toutes ces sources. Les calcaires du Lias sont traversés de nom- breuses fractures qui, en beaucoup de points, sont minéralisées. Les filons de plomb et de zine du djebel Resäs, les riches gisements de’ calamine du Zaghouan se trouvent dans le Lias. Ces derniers sont en pleine exploitation. $ 2. — Terrains crétacés. Les terrains crétacés occupent une très grande partie du sol tunisien. Les termes inférieurs de la série forment le revêtement des dômes jurassiques ou constituent eux-mêmes des dômes autour des- quels les termes plus récents affleurent en auréoles concentriques. Dans le Sud, les couches du Crétacé supérieur sont disposées en chainons anliclinaux qui ne laissent afeurer le Crélacé inférieur que sur de faibles surfaces. Les terrains crélacés, el surtout le Crétacé moyen et le Crétacé supérieur, sont très peu fossilifères au nord d'une ligne correspondant à peu près à la latitude de Kairouan, tandis que, au sud de cette ligne, les mêmes terrains ont fourni une faune extrêmement riche, qui a déjà fait l’objet de belles monographies, dues à MM. Gauthier, Péron, Ph. Thomas. De plus, tandis que dans le Nord les dif- férents termes du Crétacé sont au complet et qu'ils sont reliés les uns aux autres par des passages in- sensibles, dans le Centre et dans le Sud la succession présente des lacunes : le Néocomien y est inconnu, et la série crétacée commence par l'Aptien oumême, dans l'extrême Sud, par le Cénomanien, et le Séno- nien repose souvent en discordance angulaire sur le Cénomanien. Ces lacunes et le caractère gréseux de l'Aptien et du Cénomanien du Sud indiquent tantôt le voisinage d’une côte, tantôt des mers très peu profondes, tandis que la continuité des dépôts dans le Nord et leur caractère vaseux attestent un plus grand éloignement des côtes et des mers. dont le fond s'affaissait au fur et à mesure que les sédi- ments se déposaient. Dans le Nord, depuis le Néo- comien jusqu'au Cénomanien, les fossilessont pres- que exclusivement des Céphalopodes; dans le Sénonien ce sont surtout des Inocérames el des Echinides (Sfenonia tubereulata, Cardiaster itaticus), identiques à ceux de la Scaglia italienne. Dans le Sud et dans le Centre, ce sont les Huitres et des Jurassique. Eocène inférieur, == REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. Pliocène) continentaux. Crétacé inférieur. Eocèné supérieur. Terrains néogènes (Miocène et Crétacé moyen et supérieur. Terrains néogènes Mio- cène et Pliocène) marins. Fa Quaternaire 1050 E. HAUG — GÉOLOGIE DE LA TUNISIE genres d'Oursins tout différents qui prédominent. Dans le Sud, en raison du climat, les sols formés par les différents termes du Crétacé sont presque toujours stériles ; dans le Centre el le Nord, ils ne sont guère plus favorables aux cultures. Les marnes du Néocomien, avec leurs intercalations de bancs de grès, sont recouvertes de broussailles et ne donnent naissance à aucune source; l’Albien el le Cénomanien sont tout aussi peu fertiles, et les eaux auxquelles ils donnent naissance sont peu abondantes et de médiocre qualité. Si le sol séno- Tamerza de la Régence deux sous-étages, dont l’inférieur, constitué par des marnes, des grès phosphatés et une puissante série calcaire, supporte en discor- dance le supérieur, comprenant des marnes brunes avec rognons de calcaires jaunes et des grès fins. L'Ostrea Bogharensis se trouve à tous les niveaux de l'Éocène inférieur; dans les calcaires, on rencontre en très grande abondance des Nummulites de grande taille, appartenant à plusieurs variétés de la Nummuliles Gizehensis, espèce qui forme égale- ment de grandes accumulations en Égypte. Djebel Bligi (875 métres) Chebika Fig. 2. — Coupe transversale de la chaîne occidentale de Gafsa, près de la frontière algérienne, montrant la position straligraphique des gisements de phosphate (d'après Ph. Thomas). — C. Terrains crétacés supérieurs. — S. Suessonien (Eocène inférieur). — Ph. Niveaux de phosphate. — G. Gypses éocènes, — P. Pliocène. — Q. Alluvions quaternaires. Kef Tseldja Bled Douara | Fig. 3. — Coupe transversale du djebel Tseldja (d'après Ph. Thomas). — C. Terrains crétacés supérieurs. — $S. Suesso- Bassin du chott Rharsa Khanguet Tseldja Foum Tseldja nien (Eocène inférieur). — Ph. Niveaux de phosphate. — G. Gypses éocènes. — P. Pliocène. nien est peu fertile, il fournit, par contre, presque partout des eaux abondantes et de bonne qualité. Les marnes barrémiennes à Hacroscaphites Twani, que l’on peut distinguer, dans les environs de Tunis, au-dessus du Néocomien, sont exploitées, à Hammam-Lif et à Bordj-Cedria, pour la fabrication de la chaux hydraulique. Les calcaires du Sénonien sont exploités comme pierre de construction autour de Tunis. Dans les environs de Teboursouk, de Béja et de Souk-el-Kemis, ils sont traversés par des filons de calamine exploités avec succès. Tant au point de vue hydrologique qu'au point de vue minier, les calcaires sénoniens jouent donc le même rôle que les calcaires du Lias. III. — LEs TERRAINS ÉOCÈNES ET LES PHOSPHATES. Le groupe éocène est représenté en Tunisie par son terme inférieur, que les géologues algériens désignent habituellement sous le nom d'étage sues- sonien, et par son terme supérieur, le Priabonien de MM. Munier-Chalmas et de Lapparent ; le terme moyen, où Parisien, est entièrement absent. Dans le Sud l'Éocène inférieur parait seul représenté. Un intérêt tout particulier s'attache à l’Éocène inférieur, qui contient les grands gisements de phosphates tunisiens. On peut reconnaitre dans le Suessonien du Nord Les phosphates se présentent dans une roche brune ou verdàtre très friable et de teneur très variable. La richesse est très faible dans le Nord : elle varie entre 2 °/, et 15 à 16 °/, de phosphate; ce n’est qu'exceptionnellement qu'on trouve des teneurs plus élevées, 30 à 50 °/,, au Kalaa-es- Senam, par exemple. L'épaisseur des couches à phosphate est non moins variable : elle est nulle en certains points, atteint 5 à 6 mètres au Kef et même 10 mètres au Kalaa-es-Senam. Le Suessonien occupe de grandes surfaces sur la rive gauche de la Medjerdah, aux environs de Béja; mais, dans celte région, le phosphate mérite aussi peu d'être exploité que dans le Nord de l'Algérie. Entre la Medjerdah, au nord, et une ligne allant de Tébessa à Kairouan, au sud, le Suessonien forme de nombreuses cuvettes synclinales correspondant à des plateaux élevés, le plus souvent entièrement isolés et à contours plus ou moins elliptiques. Ces plateaux sont autant de tables de calcaires num- mulitiques, limitées par des parois verticales et reposant sur un soubassement de couches phos- phatées. Les conditions de gisement el l'aspect orographique du Dyr el Kef, du djebel Gorrah, de la Kalaa-es-Senam, ou Guelaat-es-Senam, de la Kalaa-el-Djerda, sont donc identiques à ceux du Dyr de Tébessa. Par contre, les gisements du Nasser- STE Chott Rharsa 4 E. HAUG — GÉOLOGIE DE LA TUNISIE 1051 Allah, au sud-ouest de Kairouan, se trouvent dans un chainon allongé du nord au sud. Les affleure- ments se présentent suivant deux lignes de crêtes parallèles sur une longueur de près de 30 kilo- mètres. Après une longue interruption, l'Éocène inférieur reparaît dans le Sud, aux environs de Gafsa. Il y débute toujours par un dépôt de puissance variable d'argiles à gypse et sel gemme qui repose trans- gressivement sur les différents termes du Crétacé. Après quelques bancs de calcaires marneux fossi- lifères, viennent les marnes et les calcaires phos- phatés et la série se termine par des calcaires plus ou moins siliceux à lumachelles d'Osfrea multicostata, remplaçant les puissants calcaires à Nummuliles du Nord. C'est en 1885 que M. Philippe Thomas, vétéri- naire principal de l'Armée, membre de la mission Cosson, fit la découverte des gisements de phos- phate des environs de Gafsa, découverte dont l’im- portance économique est immense, et qui, en même temps qu'elle fait le plus grand honneur à l'auteur, démontre une fois de plus la grande utilité pratique des explorations géologiques. L'Éocène inférieur se rencontre sur les deux flancs d'un chainon anticlinal dirigé de l'est à l'ouest, et allant de Gafsa à Tamerza, comme le montrent les coupes ci-contre (fig. 2 et 3), que nous empruntons à une note de M. Thomas. La puissance du niveau phosphaté oscille entre 50 et 100 mètres ; elle va généralement en s’atro- phiant de l’ouest vers l’est, atteignant son maximum de développement vers le centre de la chaîne. La bande méridionale est la plus importante : elle affleure sur 60 kilomètres de longueur; la bande septentrionale est beaucoup plus disloquée. Au Kanguet-Seldja, on trouve sept couches de phos- phate formant une épaisseur totale de 10 mètres. Les marnes qui séparent les bancs de calcaire phosphaté contiennent des dents de squales et des coprolithes. La teneur moyenne, résultant d'un grand nombre d'analyses, est de 50 à 60 °/, pour le phosphate brut; après lavage, la teneur serait supérieure à HD. Le cubage du minerai disponible et exploitable à ciel ouvert est de 5 millions de tonnes de minerai riche dans la seule partie sud des affleurements, et Sans tenir compte des marnes phosphatées et des couches de teneur inférieure à 52 °/,. La totalité du gisement parait dépasser 30 millions de tonnes !. On rencontre encore le Suessonien avec phos- phates à Midès, au nord de Tamerza, et sur le pourtour du dôme sénonien du djebel M'sila, puis 1 Ces données sont empruntées à l’ouvrage Agriculture, Industrie, Commerce, t. 1, p. 456. : La Tunisie, dans le djebel Jellabia, au sud-ouest de Gafsa. Au djebel Maktarai et au Bir M'Rabot, à l'est d'El Guettar, on ne trouve plus que les termes inférieurs du Suessonien; les phosphates ont été enlevés par l'érosion. L'Éocène supérieur est transgressif sur l'Éocène inférieur, dont il est séparé par une lacune corres- pondant à l'Éocène moyen. Il s'étend vers le nord- est dans des régions où l'Éocène inférieur fait défaut et où il repose alors en discordance, soit sur le Sénonien, soit sur le Cénomanien, soit même sur le Néocomien ou le Jurassique, comme, par exemple, au Zaghouan. Il est constitué lui-même par deux sous-élages distincts, auxquels M. Ficheur a donné en Algérie les noms de Medjanien et de Numidien. Le Medjanien est constitué, comme en Algérie, par des marnes à fucoïdes, passant ordi- nairement à des grès à la partie supérieure. Le Numidien comprend une importante formation de grès siliceux blancs, friables, bien stratifiés, connus sous les noms de grès de Khroumirie, de grès de Numidie, et qui se retrouvent avec une remar- quable constance sur tout le littoral algérien et tunisien. Dans le Centre, le Numidien repose immé- diatement sur l'Éocène inférieur et contient des intercalations de calcaires très fossilifères, qui ne laissent aucun doute sur l’âge éocène de ces for- mations. Les différents termes de la série éocène jouent un rôle très important au point de vue agricole et forestier et au point de vue de la distribution des eaux, au moins dans le Nord et dans le Centre. Les calcaires de l'Éocène inférieur donnent naissance à des eaux assez abondantes, quoique d'un débit irrégulier et de mauvaise qualité. La relation constante du terrain suessonien avec les régions riches en céréales avait déjà frappé Tissot, dans ses explorations de la province de Constantine, et il en avait conclu, bien avant la découverte des riches gisements de Tébessa et de la Tunisie, que le phosphate de chaux devait exister dans l'Éocène inférieur. « Nous savons done aujourd'hui, dit M. Ph. Thomas, quel fut l'élément actif de cette fécondité si remarquable qui valut à la province romaine d'Afrique le quali- ficatif de « grenier de Rome ». C'est précisément la région centrale des hauts plateaux qu'arrosent l'oued Mellègue, l'oued Siliana et leurs affluents, qui possède les lambeaux les plus étendus de Sues- sonien avec affleurements de la couche à phos- phate; c'est dans les plaines de cette région que sont accumulées les alluvions résultant du déman- tèlement de ces mêmes formations, et c'est celte région qui est, par excellence, encore aujourd'hui, la région agricole de la Tunisie. Par contre, la Khroumirie, dans laquelle les grès 1052 E. HAUG — GÉOLOGIE DE LA TUNISIE de l'Éocène supérieur occupent une grande partie du territoire, est, de même que la partie voisine de l'Algérie, qui s'étend le long du littoral jusqu'à Bône, une région forestière, la région des chênes- lièges. Ajoutons que c’est dans les grès de l'Éocène supérieur que se trouvent les grands gisements de minerais de fer de la région de Tabarka, con- cédés, mais encore non exploités. IV. — LES PUNASES RÉCENTES DE L'ÉVOLUTION GÉOLOGIQUE. $ 1. — Terrains tertiaires. À l'Éocène supérieur fait suite, en Tunisie, une phase d'émersion correspondant à toute la période aquitanienne. Des plissements ont affecté le pays et ont déterminé la formation de reliefs, auxquels s'est attaquée immédiatement l’action érosive des agents atmosphériques. Les dépressions se sont bientôt comblées par des formations détriliques, telles que poudingues, sables, argiles rouges, dont les éléments sont empruntés aux dépôts secondaires et à l'Éocène. Ces formations sont attribuées par M. Aubert au Pliocène, mais M. Ficheur pense qu'elles représentent l’Aguita- nien, c’est-à-dire l'Oligocène supérieur. Dans ce cas, elles offriraient les plus grandes analogies avec les couches aquilaniennes du bassin du Rhône. Les poudingues et les sables de cette série sont souvent recouverts de bois de Conifères, les par- ties argileuses peuvent fournir un sol arable. Avec le début du Yiocène, la mer reprend par- tiellement possession du pays, mais il est difficile d'établir ses limites, car l'érosion à détruit une partie des dépôts miocènes, tandis que d'autres sont recouverts par les dépôts pléistocènes. Les affleurements actuels s'étendent dans les plaines situées entre Tunis et Bizerte ; on en rencontre au nord et à l’ouest de Kairouan, et ils constituent une grande partie de la presqu'ile du cap Bon. Il est probable que, dans ces affleurements, sont représentés les trois étages que l’on a distingués dans le Miocène d'Algérie : le Cartennien, l'Helvé- lien et le Sahélien. trouvées L'étage inférieur, généralement gréseux, fournit un sol non cultivable ; les étages supérieurs sont plus argileux et donnent lieu à des terres fertiles, quoique un peu fortes. Ni l’Aquitanien, ni les dif- férents termes du Miocène ne donnent naissance à des sources importantes. Le Pliocène possède une étendue encore bien moindre que ceile du Miocène ; il n'existe que sur le littoral, entre Bizerte et Sousse, et ne couvre de surfaces tant soit peu considérables que dans la presqu'ile du cap Bon, où ses sables constituent un sol excellent pour la culture de l'olivier, $ 2. — Formation de l'Atlas. | À l’époque où se déposaient les terrains plio cènes marins, la chaîne de l'Atlas était déjà entièM rement soulevée. Plus que toute autre, cette chaine. doit sa formation à une œuvre de longue durée. Nous avons vu que, pendant toute la durée des temps secondaires, la sédimentation était très fréquemment interrompue, en divers points de la Tunisie, par des exondations partielles, indiquant des mouvements du sol assez importants. Less relours de la mer (les transgressions oxfordienne,s portlandienne ou tithonique, cénomanienne, sues- sonienne, priabonienne, miocène) ne sont pas localisés à la région : ils se produisent aux mêmes époques, non seulement en Algérie, mais encore en Andalousie, dans l’Apennin, dans une partie des Alpes et jusque dans le Caucase, indiquant bien l’unité des chaines circumméditerranéennes: Les plissements de l'Atlas résultent de la superpo= sition de tous les mouvements attestés par les lacunes et par les transgressions, mais ce sont less derniers plissements, les plus énergiques, ceux de la période tertiaire, qui ont imposé à l'Atlas son orographie. On ne pourrait affirmer que ces mou“ vements se soient produits toujours aux mêmes endroits et suivant les mêmes directions. Ainsi, Ia distribution des faciès est régie en Tunisie pañ des lignes est-ouest, parallèles, par conséquent, au littoral algérien, tandis que les directions des plis= sements principaux sont tout différentes. Un coujM d'œil sur la carte géologique montre que les plis de l'Atlas saharien, qui pénètrent en Tunisie avec une direction sud-ouest-nord-est, conservent, les plus septentrionaux, cette direction jusqu'à la mer, tan dis que ceux de la Tunisie centrale s'infléchissen bientôt vers le nord. Seuls les plis de la Tunisiém méridionale, dans la règion au nord des Chotts; sont orientés ouest-est, mais, avant d'arriver à là grande plaine de Sfax, ils tournent brusquement au nord !. Il est probable que, dans bien des cas, les particularités que l’on observe sur | pourtour des dômes et l'existence même de ces acci dents sont dues au croisement des plissementi de la fin du Tertiaire avec des plissements plu anciens. ! Cette inflexion vers le nord de tous les plis du nord-e de la Tunisie est tout à fait contraire à l'hypothèse d'aprè laquelle la continuation des plis de l'Atlas devrait étre che chée en Sicile. Si on prolonge par la pensée les plis ded Tunisie vers le N. N. E., on constate qu’ils passeraient sou la mer Tyrrhénienne pour venir rejoindre, à l’est de Rom l'Apennin central. La structure de cette dernière chaine, en particulier celle de l’Apennin transtévérin, présente plus parfaites analogies avec celle de l’Atlas tunisien. Ce so les mêmes terrains, les mêmes lacunes, les mêmes disco dances, les mêmes types de dislocations qui se retrouve dans les deux régions. C’est en vain que l'on chercherait pareilles analogies entre la Tunisie et la Sicile. E. HAUG — GÉOLOGIE DE LA TUNISIE 1053 $ 3. — Actions éruptives. La période de formation de l'Atlas, dans laquelle les mouvements tangentiels atteignirent leur maxi- mum d'intensité, fut suivie d'une période d’effon- drement, marquée par la prédominance des mou- vements verticaux. Le massif ancien de la côte algérienne, contre lequel s'étaient butés les efforts de compression latérale, s'abima dans la Méditer- ranée, ne laissant plus subsister en Algérie que quelques lambeaux de schistes cristallins, tandis qu'en Tunisie les restes de cette chaîne littorale ont entièrement disparu. Les lignes suivant lesquelles se fit l'effondrement sont jalonnées par des roches éruptives, témoins d'une activité volcanique manifeste. En Algérie, ces roches sont très répandues : l’île de la Gallite, au large de laKhroumirie,en estentièrementcomposée; mais, dans la Tunisie même, elles ne jouent qu'un rôle tout à fait insignifiant. On n’a signalé que deux pointements de rhyolithes dans l’'Eocène de la Khroumirie, non loin des gisements defer du Nefzas, et quelques dolérites. C'est avec ces dernières que beaucoup d'auteurs mettent en relation la présence de gypses probablement épigéniques, qui forment des amas considérables dans le Nord-Ouest de la Régence. Beaucoup de gypses sont toutefois inter- stratifiés dans les terrains crétacés et tertiaires, et il est possible qu'une partie d’entre eux, notamment ceux du Sud, soient d'origine lagunaire. $ 4. — Epoque pléistocène. La dernière phase de plissement de l'Atlas, dans laquelle s'acheva l'édification de la région, fut suivie d’une phase de destruction par les agents atmosphé- riques. À cette époque, dont les débuts remontent certainement à la fin du Pliocène, régnait en Afrique un climat incomparablement plus humide qu'à l’é- poque actuelle; des précipitations intenses détermi- naient un ravinement énergique des montagnes et facilitaient le transportetla dispersion des éléments détritiques. C’est de cette époque que datent la plu- part des cailloutis anguleux, des poudingues, des sables et des limons qui forment sur les pentes Les dé- pôts connus sous le nom d’atterrissements anciens ; c'est aussi à cette époque quil faut attribuer les grandes masses d'alluvions qui forment le sol fertile de la plupart des plaines. À cette période humide succéda, d'après M. Pomel, une phase d'extrême sécheresse, pendant laquelle toute la surface des dépôts alluvionnaires se recouvrit d'une croûte tra- vertineuse, résultant d’une sorte d'incrustation superficielle par suite de l'évaporalion des eaux d'infiltration, qui remontent par capillarité. Cette croûte traverlineuse forme une véritable carapace d'une épaisseur pouvant aller jusqu'à quelques mètres et qui s'oppose à toute culture si on ne prend soin de l'enlever préalablement. L'ancienneté de cette carapace, qui localement se forme encore de nos jours, peut être établie grâce à un phénomène qui se produisit sur tout le littoral barbaresque, depuis le golfe de Gabès jusqu'à Tanger : un affaissement du sol vint immerger une bande littorale de largeur variable, de sorte que sur la carapace calcaire se déposèrent des sédiments bien stratiliés, vases, sables et galets, contenant de grandes accumulations de coquilles appartenant non seulement à des espèces actuelles, mais encore à un certain nombre de formes qui ne vivent plus aujour- d'hui dans la Méditerranée, telles que le Sfrombus medilerraneus, et des espèces des genres 7ugonia, Conus, Nassa, etc. Ces anciennes plages ont élé sou- levées ultérieurement en certains points à plus de 30 mèlres au-dessus du niveau actuel de la mer. Un climat humide s'établit de nouveau dans la région, en même temps que l’abaissement du niveau de base réveilla l’activité des cours d’eau, et inaugura une nouvelle période de ravinementet d'alluvionnement pendant laquelle les lacs du Sud de la Régence eurent une salure moindre et une profondeur plus considérable qu'actuellement. Enfin, vint une nouvelle phase de sécheresse relative, qui dure encore actuellement, el « pen- dant laquelle l'alimentation des bassins lacustres n'a pu compenser leur évaporation, de sorte que les eaux, de plus en plus condensées, n'ont pas pu conserver leur faune de mélanies, de mélanopsides et de Cardium, et, se desséchant plus ou moins com- plètement, se sont transformées en chotts ou sebkas ! ». Les grandes plaines quaternaires de la Tunisie sont le plus souvent à l’état de steppes. Cependant certains atterrissements de la région littorale con- viennent fort bien à la culture de l'olivier. Les limons des vallées sont très fertiles lorsqu'ils ne sont pas imprégnés de gypse. Le Quaternaire ancien contient, dans le Sud, de grandes nappes artésiennes. Les alluvions récentes des grandes vallées renferment des nappes d'eau superficielles de qualité souvent très bonne. V. — CONCLUSIONS. L'étude géologique de la Tunisie permet donc de distinguer dans le pays plusieurs régions naturelles, caractérisées chacune par un relief spécial dû à la prédominance de cerlains terrains et à la tecto- nique ; chacune de ces régions possède son régime hydrographique souterrain propre, à peu près indépendant du climat; chacune a ses produits, minéraux ou agricoles. 1 A. PomeL. Sur certaines des dernières phases géolo- 1054 R. CAGNAT — LES MINES ET LES CARRIÈRES DE LA TUNISIE DANS L'ANTIQUITÉ Au nord de la Medjerda s'étend une région à laquelle on peut donner, par extension, le nom de khrounurw; elle est caractérisée par la prédomi- nance des grès éocènes; c'est un pays de forêts. On peut mettre à part la grande plaine tertiaire et qua- ternuire située à l'est de Bizerte et de Mateur: c’est essentiellement un pays agricole. La région centrale de la Tunisie forme un grand quadrilatère, à l'angle nord-est duquel se trouve Tunis; elle possède un relief extrêmement com- plexe, dans lequel le trait dominant est fourni par les dûmes jurassiques et crélacés et par les hamâ- das éocènes. L'irrigalion peut y être assurée par les eaux venant du Jurassique et du Sénonien : les plaines quaternaires sont formées d'un sol jadis ferlile, mais auquel des siècles de culture ont enlevé le phosphate, que l'exploitation des gise- ments éocènes voisins pourrait leur restituer, La Tunisie centrale fut, à l'époque romaine, la partie du pays la plus peuplée et la plus cultivée, c’est aussi vers la Tunisie centrale que se portera de préférence la colonisation française ; conformément a la structure géologique si variée, les cultures et les industries les plus diverses pourront s'y intro- duire. La région du Sud est caractérisée par la direction ouest-est des chainons, par de grandes lacunes dans la série des lerrains et par la présence des chotts. Les riches gisements de phosphate et les eaux souterraines qui arrosent de nombreuses oasis réservent à cette partie du pays un avenir prospère. On ne peut pas en dire autant de l'Zrtrême Sud, région que n'ont plus affectée les plissements de l'Atlas, d’où résulte un régime de plateaux d'une grande monolonie. 4 Enfin, les grandes plaines du littoral est, qui s'éten-« dent jusqu'aux escarpements abrupts du djebel Nasser-Allah, du djebel Bou-Daboux, du Djoukar, du Zaghouan, du Bou-Kournin, constituent une région dont la conslitution géologique contraste fort avec celle des autres régions. Les terrains qualernaires prédominent et ce n’est que dans la presqu'île du cap Bon que les terrains tertiaires s'élèvent à une certaine altitude. C'est la région de l'olivier, mais c'est aussi celle des grandes plaines salées et incultes. En résumé, il existe peu de pays dans lesquels les conditions économiques soient dans une aussi étroite dépendance de la constitution géologique. La géologie de la Régence est connue dans ses grandes lignes, mais l'étude détaillée s'impose iei plus encore que dans les pays où la culture et l'in- dustrie ont derrière elles des siècles de tradition. Qu'il nous soit permis, en terminant, d'exprimer un vœu : celui de voir entreprendre dans un avenir prochain la carte géologique détaillée de la Tunisie et de voir créer bientôt un Service géologique de la Régence. Æmile Haug, Docteur ès sciences, s Chef des Travaux pratiques de Géologie à la Faculté des Sciences de Paris. er LES MINES ET LES CARRIÈRES DE LA TUNISIE DANS L'ANTIQUITÉ Nous sommes assez mal renseignés sur l’exploi- tation des mines et des carrières de la Tunisie dans l'Antiquité. Les auteurs, et Pline lui-même, qui a beaucoup parlé des mines de l'Espagne, ne nous entretiennent guère de celles de l'Afrique que par hasard. Quant aux recherches archéologiques le terrain, elles ont été jusqu'ici infécondes, par cela même que l'industrie minière est encore peu développée dans la Régence : c’est seulement en reprenant les travaux anciens qu'on aura quelque chance de voir comment et jusqu'où ils ont été poussés. Voici le peu que l’on sait actuellement sur sur ce sujet. $ 1. — Mines. Les seuls minerais dont il soit question, aussi bien autrefois qu'aujourd'hui, sont ceux de plomb et ceux de zinc. On a constalé, d’après Tissot, qui ne cile pas ses sources, des traces d'exploilation à » giques et clinatériques du sol barbaresque. C. R. Acad. Sç. t. CIX,p 314-318. Djerad, à Sidi-Djedidi, et dans le Djebel-Zerissa sur la route de Carthage à Tébessa. Peyssonelm raconte avoir vu, en 1724, entre Béja et le cap Negro — c'est, en effet, la région de la Tunisie lan plus riche en mines — des mines de plomb argen- tifère, à l'entrée desquelles il a remarqué un bas- relief représentant un cheval, d'où il conclut qu'elles élaient connues jadis. À Djebba existe une mine de plomb, qu'on a tenté déjà plusieurs fois d'exploiter; je l'ai visitée; les traces de travaux romains sont évidentes, mais très confuses; on voit pourtant l'amorce de quelques galeries. La mine antique la mieux éludiée est celle du Djebel-Ressas. Elle a donné lieu à des études techniques de la part d'un ingénieur de Florence. Depuis lors, M. le capitaine Vidal, chef d’une bri= gade topographique, a examiné, à son tour, le terrain, avec grand soin, et il a pu se rendre comple des méthodes employées par les Romains, et peut-être avant eux par les Carthaginois. On retrouve, dit-il, les galeries des Romains R. CAGNAT — LES MINES ET LES CARRIÈRES DE LA TUNISIE DANS L'ANTIQUITÉ dans le rocher vers 600 mètres d'altitude, au-dessus de la ruine actuelle; mais, sauf quelques puits verticaux d'assez grande dimension, leurs travaux paraissent avoir élé faits à peu près à ciel ouvert, et l’on peut juger, par le volume des roches enta- mées et par l'énorme quantité des scories répandues dans la plaine — on en a recueilli 65.700 tonnes — de l'importance de cette exploitation. Cependant il n'existe aueun chemin d'accès, sauf un sentier raide et étroit, impraticable aux bêtes de somme et qui permet à peine le transport du minerai à dos d'homme. Il est donc probable qu'après avoir détaché la roche, on la faisait rouler sur les pentes très abruptes du flanc nord-ouest de la montagne; elle se désagrégeait ainsi dans sa chute et élait recueillie 500 mètres plus bas à l’état de fragments. Là, on achevait de la broyer ou de la diviser pour dégager le minerai de plomb de la roche calcaire et de la calamine. Enfin, on transportait le minerai sur les points où il devait être traité. Ce traitement, des plus simples, consistait à réduire le minerai suivant la méthode catalane, en le mettant dans des fourneaux improvisés en présence du charbon de bois, que l’on tirait sur place des forêts du pays. Un tel procédé obligeait à disperser sur une grande étendue les points de traitement du minerai, ce qui explique les amas de scories que l’on à ren- contrées sur un grand nombre des points de la forêt de Mornak. Il ne donnait, en outre, qu'un rendementassez faible, puisque les scories romaines ont fourni à l'analyse plus de 20 ‘/, de plomb. C'est celle richesse qui avait engagé la Société actuellement concessionnaire des mines à ajourner l'extraction du minerai pour s'occuper tout d'abord du traitement des scories. $ 2. — Carrières. On constate un peu partout la présence de cal- caires ; et il n’est pas de ruine un peu étendue près de laquelle on ne trouve une carrière autrefois exploitée pour la construction des édifices de la ville. Quant au marbre, il est plus rare. La carrière la plus belle, la seule vraiment remarquable, semble-t-il, la seule, en tout cas, dont nous connais- sions l’histoire et le mode d'exploitation, est la carrière de marbre jaune et rose de Chemtou (jadis Simittus), ou, pour l'appeler par son nom ancien, demarbrenumidique. Elle appartenait d'abord aux rois de Numidie; à la suite de la conquête, elle devint la propriété de l'État Romain et, à l'époque impériale, de l'Empereur, duquel dépendaient presque toutes les mines et carrières du monde. Cent ans avant J.-C., on importait déjà à Rome le marbre de Chemtou; aussi bien toutes les recons- tructions qui marquèrent l’âge de Sylla et de César nécessitaient l'emploi de marbres précieux : le 1055 marbre numidique y avait sa place toute marquée à côté de ceux de la Grèce. Mais c'est surtout au n° et au n° siècle de notre ère qu'on en fit usage, à l'époque de l'empereur Hadrien et de ses succes- seurs. On en a recueilli partout : à Rome, au bord du Tibre, dans les vases du port de déchargement, sous forme de gros blocs à peine équarris; dans les décombres des monuments, dalles ou de plaques de revêtement pour les murs; dans les villas de Tivoli et d'Antium, à Sainte- Sophie de Constantinople, sous forme de colonnes ; enfin, il n’est pas de ville africaine importante où des fouilles ne nous en réservent quelques spé- cimens. On se rend très bien compte, en parcourant les carrières de Chemtou et les ruines qui les envi- ronnent, des méthodes employées par les ingénieurs romains. Tantôt, ils creusaient de grandes galeries dans le flanc de la montagne et poussaient devant eux ces galeries tant qu'ils trouvaient matière à un travail rémunérateur. Plusieurs d'entre elles existent encore, notamment au centre de la carrière, devant la maison du directeur actuel de l'exploita- tion; tantôt ils ouvraient de vastes tranchées à ciel ouvert dans la colline. Il en reste aujourd'hui pour témoignage une immense fosse aux parois verti- cales, voisines des galeries dont je viens de parler. On y débitait le marbre en gros blocs rectangu- laires; plusieurs ont été abandonnés à pied d'œuvre, dans l’état où ils sont sortis de la carrière il y a quinze siècles. Quant aux colonnes, on les travaillait à même le rocher; on leur donnait sur place, en les taillant, le diamètre et la courbe voulus, sauf sur une petite épaisseur par laquelle elles restaient adhérentes à la montagne jusqu'au moment où on les en détachait avec des coins, pour les descendre à terre. Un certain nombre d’entre elles ont été aussi retrouvées dans les déblais. Blocs et colonnes recevaient, sur le chantier, des inscriptions, rela- tant le nom de l’empereur sous lequel ils avaient été débités, un numéro d'extraction, la date de l'année indiquée par le nom des consuls en charge au 4% janvier, le nom de l'atelier d'où ils prove- chef des travaux. En voici un sous forme de naient el du exemple : IMP ANTONINI AVG PI D N LXVII OF CERTI STLOGA ET SEVERO COS SVB CVRA AGATHAE LIB « Appartenant à l'empereur Antonin Auguste Pieux, notre maître : numéro 67; atelier (officina) de Certus ; sous le Consulat de Stloga et de Severus; sous lu surveil- lance de l'affranchi Agathas ». La comparaison des différents documents de cette sorte nous a amené à quelques conclusions inté- 1056 E. DE FAGES — EXPLOITATION DES MINES ET DES CARRIÈRES EN TUNISIE ressantes, surtout pour l'administration de la car- rière. Le directeur de l'exploitation étaitun affranchi de l’empereur, qui portait le titre de procurateur : il avait sous ses ordres un certain nombre d’af- franchis ou d'esclaves impériaux, parmi lesquels on recrultait les chefs de chantiers, les contremaitres, les conducteurs de travaux, en un mot tous ceux qui avaient besoin de connaissances spéciales. La besogne même de l'extraction était confiée soit à des ouvriers libres embauchés sur place, soit à des condamnés ; on sait que les chrétiens, spécialement en Numidie, furent aussi employés, à titre de chà- üment, au travail des mines. Bien que la Medjerdah passe précisément à Chemtou, il ne semble pas qu'on s’en soit servi pour le transport des marbres à la côte : son cours est trop irrégulier pour offrir une voie commer- ciale utilisable. Mais deux routes permettaient d'expédier en Italie le produit de l'exploitation. L'une à existé de bonne heure : c’est celle qui, comme le chemin de fer actuel, suivait la vallée du fleuve : elle aboutissait à Carthage. Au début du u° siècle qui, je l'ai dit, marqua la grande prospé- rité de la carrière, on trouva cette route trop longue, et l’on préféra gagner le port plus voisin de Tabarca. Mais, pour y arriver, il fallait franchir les hauteurs, très difficiles d'accès, du pays khroumir. L'empereur Hadrien ne se laissa pas arrêter par cette considé- ration : il joignit, par une voie carrossable, Simittus. et Tabarca. Gräce à cette viabilité, les blocs extraits à Chemtou étaient envoyés aisément dans toutesles parties du monde. Les déchets, par contre, élaient vendus ou ulilisés sur place. La ville, qui est née autour de la carrière et qui était considérable, est entièrement. bâtie de petits morceaux de marbre noyés dans du ciment; on n'y a employélapierre de taille que par exception, Avec les restes encore visibles de son exploitation antique, avec les inscriptions qui éclairent son his- loire, qui nous font connaitre le personnel d'af- franchis et d'esclaves employés à l'extraction du marbre, qui nous permettent de pénétrer dans le détail de son administration, la carrière, si célèbre jadis, de Simittus est une curiosilé lunisienne; c'est mieux encore : on peut la regarder comme le type d'une carrière romaine à l'époque impé-— riale. R. Cagnat, Professeur au Collèxe de France, Membre de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres. ÉTAT ACTUEL DE L’'EXPLOITATION DES MINES ET DES CARRIÈRES EN TUNISIE La législation qui régit actuellement l'industrie extractive en Tunisie est des plus sommaires : elle se borne, en effet, à un décret unique, celui du 10 mai 1893, qui n'est guère qu'un règlement sur les travaux de recherches de mines. Cependant les quatre premiers articles de ce décret, inspirés des traditions de la législation musulmane et des erre- ments constamment suivis par le Gouvernement beylical, posent le principe de la domanialité des mines et établissent nettement la distinction entre les mines et les carrières *. ———————————————.— 1 Ils méritent d’être transcrits ici, en raison de leur im- portance. « Article 1%. — Les mines étant propriétés doma- « niales, nul ne pourra faire des recherches de mines sans « autorisation du Gouvernement tunisien donnée par arrêté « de notre Directeur général des travaux publics. « Cette interdiction ne porte aucune atteinte au droit de « tout propriétaire de pratiquer des fouilles ou sondages « sur son propre terrain. Mais ces travaux ne pourront être « considérés comme ayant pour objet des recherches de « mines qu'autant que celui qui les effectue sera muni de « l'autorisation administrative. « ArË. 2. — Sont considérés comme mines : « S 197. — Les gîles de : « 19 Houilles, lignites et tous autres combustibles fossiles (la tourbe exceptée), graphite, bitume, pétrole et autres huiles minérales ; « 2° les substances métallifères, telles que : minerais d’or, Ce décret peut suflire encore quelque temps aux besoins de la Tunisie, mais il sera forcément com- plété un jour par une législation sur les conces- sions, sur la police des mines, sur la sécurité des « argent, platine, mercure, plomb, fer, cuivre, étain, zinc, « bismuth, cobalt, nickel, manganèse, titane, antimoine, « molybdène, tungstène, chrome ; a 30 Soufre et arsenic, soit seuls, soit combinés avec les « métaux alcalins, et sels solubles à base de métaux indiqués « au 2°; « 40 Sels gemmes et autres sels associés dans le même « gisement. « $ 2. — Les sources salées. « Art. 3. — Sont considérés comme carrières appartenant. « aux propriétaires du sol les gites non classés comme « mines, tels que : ardoises, grès, marbres, granits, ba= « saltes, laves, les pierres à bâtir de toute nature, les « pierres à chaux, à plâtre, les pouzzolanes, sables, argiles, « pierres à fusil, kaolin, terre à foulon et à poteries, les « substances terreuses et cailloux de toute nature, les amen- « dements ou engrais. « Art. 4. — En cas de contestation sur la classification « d’un gite de substance minérale ou fossile, il est statuë par un décret de S. A. le Bey... » La suite du décret fait connaître les règles de demande et d'établissement des permis de recherches, ainsi que les droits et les obligations des permissionnaires ; elle indique; en outre, les formes à suivre pour les occupations tempo= raires, tant pour les permis de recherches que pour les concessions et prévoit les pénalités applicables aux contre= venants. E. DE FAGES — EXPLOITATION DES MINES ET DES CARRIÈRES EN TUNISIE 1057 ouvriers. etc., en un mot par l’ensemble des sti- pulations qui sont nécessaires pour constituer un code minier. L'avenir est entièrement réservé à ce point de vue, puisque les principes posés par le décret de 1893, qui les a tirés lui-même de la loi musulmane, ne sont pas en opposition avec ceux de la loi fran- çaise. Toutes les concessions accordées depuis l'établissement du Protectorat l'ont été suivant les errements de la loi française !. En ce qui concerne les carrières, il y a une cer- taine urgence, en raison du développement que prend tous les jours leur exploitation et du peu de garantie qu'offre en général leur direction tech- nique, à combler la lacune que présente la législa- tion beylicale à leur égard. Un décret sur cette matière a élé préparé par la Direction générale des Travaux publics, d'après les indications de la loi française. Il soumet les carrières au régime de la déclaration, fixe les règles de leur exploitation et indique le service chargé de leur surveillance, ainsi que les conditions de cette surveillance; ül édicte, enfin, la pénalité applicable aux contreve- nants. Ce décret ne saurait tarder à être pro- mulgué. I. — Mines. Le nombre des concessions de mines actuelle- ment en vigueur dans la Régence s'élève à neuf seulement, dont sept accordées depuis l'établisse- ment du Protectorat. Sur ces neuf mines, cinq seu- lement sont en exploitalion : ce sont toutes des mines de zinc. La seule concession nouvelle en instance est celle du djebel Bou-Jaber. Ce gisement, situé sur la frontière algérienne, à environ 30 kilomètres à l’est de la gare de Morsott, parait devoir renfer- mer des quantités de calamine ‘hydrocarbonate de zinc) suffisantes pour permettre une bonne exploi- lation. Les transports devrontse faire par l'Algérie ; les minerais seront dirigés sur Bône par la ligne de Tébessa. Les formalités de l'instance pourront être terminées au commencement de l’année pro- chaine. Le petit nombre des exploilations minières de la Régence est dû, pour une faible part, à la diffi- culté des communications et à la cherté des trans- ports qui, venant grever les minerais, matières ‘ Les demandes de concession adressées au Directeur gé- néral des travaux publics sont l’objet d'une enquête admi- nistrative au Contrôle civil dans le ressort duquel est situé le gisement; un registre de réclamations y est ouvert pen- dant deux mois. Un rapport sur le gisement est dressé par l'ingénieur des mines; le dossier est ensuite envoyé à Paris et soumis à l'examen du Conseil général des Mines; la convention de concession est passée par le Directeur géné- ral des Travaux publics et approuvée par décret de S. A. le Bey. lourdes, rend onéreuse leur sortie de la mine. Par l'effet du développement économique du pays et de l'accroissement des moyens de transport, cette cause perdra peu à peu son influence, mais les ex- ploitants se heurteront toujours aux aléas que pré- sentent les gisements de zinc, en raison de l'irrégu- larité de leurs amas et de l'absence de caractères géologiques qui permettent de les rechercher méthodiquement. Quant aux minerais de plomb que la Régence possède, il ne faut guère songer à en tirer parti, étant donnée la baisse de l'argent, lequel forme un appoint important dans l'exploi- tation du plomb. En résumé, les dépôts irréguliers de zine, qui sesont concrétés dans les failles et les poches de la formation géologique du nord de la Régence, semblent, pour le moment, la seule ri- chesse minière praliquement exploitable dans cette région. L'activité des chercheurs à cet égard est loin, d’ailleurs, de se démentir et de se laisser facilement rebuter. Sous le régime du décret de 1893, plus de 200 demandes de permis de re- cherches ont été présentées ; une quarantaine seu- lement avaient été assez sérieusement étudiées pour recevoir une suite favorable. Ces permis con- cernent à peu près exclusivement des minerais de plomb et de zinc. N 1, — Concession de Djebba. Cette mine a été concédée, en 1873, à la Sociéte des Batignolles, qui avait également le chemin de fer de la Medjerda et qui a cédé ses droits à la Compagnie Bône-Guelma; elle se trouve située à 24 kilomètres au sud-est de Souk-el-Kemis, station de la ligne précitée. Malgré cette condition avan- tageuse, le gisement n'a jamais été exploré, en raison, sans doute, des exigences du cahier des charges. Les progrès économiques du pays com- binés avec une revision des clauses de ce cahier des charges permettraient vraisemblablement au- jourd’hui la mise en valeur du gisement. L'admi- nistration poursuit actuellement l'étude de cette question et la mise en harmonie de cette conces- sion avec celles qui ont élé accordées depuis l’occu- pation. La mine a été autrefois exploitée comme gite de plomb; mais on y trouve aussi du carbonate de fer et de zinc. Un oued assez abondant pourrait fournir sur place la force motrice nécessaire. $ 2. — Concession du Djebel-Recças. Cette mine est située à environ 25 kilomètres au sud-est de Tunis. La concession actuelle date de 1877; elle appar- tient à la ÆSociela metallurgica italiana. Le gise- ment renferme à la fois du plomb et du zinc; les premiers travaux avaient surtout pour objet le 1058 E. DE FAGES — EXPLOITATION DES MINES ET DES CARRIÈRES EN TUNISIE plomb; poslérieurement on exploita le zinc. Le concessionnaire fit de grandes dépenses pour les bâtiments de l'administration, la laverie, la fonde- rie, ete.; des capitaux importants furent absorbés, qu'il eût mieux valu employer en travaux de re- cherches, et, finalement, l'exploitation dut être suspendue en 1892. Elle n'a pas été reprise depuis. Quelques tentatives pour vendre la mine ont été faites sans succès par la Sociélé concessionnaire. Il semble, cependant, qu'élant donnée la proximité du port de Tunis, il serait inléressaut de recher- cher, par des travaux neufs, si les gisements du Djebel-Reças ne renferment pas des amas encore inconnus, dont on pourrait tirer un parti avanta- geux. Les profitsà espérer ont toutes chances d’être rémunéraleurs, si, comme il y a lieu de s’y attendre, le tramway à voie d'un mètre, qui doit relier la plaine agricole du Mornag au port de Tunis était mis prochainement en exploitation, et si le conces- sionnaire de la mine élablissait un embranche- ment particulier pour la joindre à la ligne princi- pale. K 3. — Concession du Mokta-el-Hadid. La Compagnie algérienne de Mokta-el-Hadid a obtenu en 1884 la concession de divers gisements ferrugineux, situés le long du littoral nord de la Tunisie, entre Tabarka et le cap Negro. Les pre- miers de ces gisements sont situés à 12 kilomètres, les derniers à une quarantaine de kilomètres de Tabarka. On peut admettre, d'après les premières études faites, que le groupe le plus voisin de Ta- barka renferme près de 2 millions de tonnes de minerai à environ 50 °/, de fer, et que le groupe le plus éloigné en renferme à peu près autant. Ce- pendant, et bien que l'affaire paraisse susceptible de donner des bénéfices, la Compagnie concession- naire n'a fait jusqu à ce jour aucune tentative d’ex- ploitation. La cause générale de cette siluation ré- side d'abord dans la teneur légèrement arsénicale du minerai, et surtout dans la baisse qu'a subie universellement le fer; les stipulations du cahier des charges, qui impose à la Compagnie conces- sionnaire, entre autres obligations, la construction d’un port à Tabarka et celle d'une ligne ferrée re- liant les gisements à ce port, sont, d'ailleurs, une lourde charge pour l’entreprise. Une revision du cahier des charges, opérée d'un commun accord, pourrait, peut-être, remédier à une situation aussi préjudiciable à l'intérêt général. L'administration a engagé des pourparlers dans cet ordre d'idées. N 4. — Concession du Comité d'études de Tabarka. Le Comité d'études des mines de Tabarka a ob- tenu également, en 1884, la concession de gise- ments de fer situés, comme le précédent, en Khrou- mirie, et se présentant dans des conditions ana- logues. Le cahier des charges stipule l'obligation de construire une ligne ferrée aboutissant au cap Serrat, et l'établissement, en ce point, d'un port d'embarquement. La situalion générale de celle concession est à peu près identique à celle de la concession du Mokta-el-Hadid, et il sera peut-être possible d'y remédier par les mêmes moyens. La création du port de Bizerte, terminé en 1895, est venue, du reste, apporter à la question un élé- ment nouveau, et des études sont faites en vue d'obtenir, en dirigeant les minerais vers ce port, une solution économique de la question, tout en dotant d’une voie ferrée une région forestière peu connue jusqu'à présent. S5. — Concession du Kanguet-et-Tout,. Cette mine a été concédée à M. Faure par décret du6 février 1889; elle est située à une trentaine de kilomètres au nord de Béja, sur la route qui reliera cette ville à Tabarka et qui est actuellement termi- née entre Béja et la mine. Le périmètre de la con- cession embrasse 1.086 hectares. Cette mine et toutes celles qui nous restent à examiner sont en pleine exploitation, dans les li- miles que permettent à la fois la cherté des trans- ports, les difficultés de recrutement des ouvriers, et surtout la nature spéciale du minerai de zine qui se présente par amas essentiellement irréguliers. L'exploitalion de Kanguet-et-Tout se fait à ciel ouvert ou en souterrain à l'aide de tranchées et de galeries. Les travaux souterrains présentent de grandes irrégularités, et, par suite, quelques diffi- cultés, à raison des formes tourmentées des amas : leur profondeur ne dépasse pas 25 mètres. Le nombre des ouvriers employés à l'intérieur est de cinquante environ. Le minerai ne subit pas de préparation méca- nique; il est trié à la main et classé en deux caté- gories : roches et terres calaminaires. La roche, après avoir été concassée, est seule calcinée dans des fours à cuve, analogues aux fours à chaux. Le combustible employé est le charbon de bois pro- venant des forêts de la région. Les transports s'effectuent : à l'intérieur de la mine, à la brouette ; à l'extérieur, du chantier aux fours, par un Decauville. À la sortie du four, la ca- lamine calcinée est mise en sacs de 50 à 60 kilos et transportée à dos de chameaux, de mulets ou de bourricots, à la gare de Béja. Les transports bé- néficient de tarifs spéciaux par voie ferrée entre ce point et le port de Tunis. De la mine au chemin de fer, les transports de- vaient, jusqu à ce jour, s'effectuer par temps sec. Ils sont maintenant possibles en tout temps, et la substitution du roulage au portage permeltra de E E. DE FAGES — EXPLOITATION DES MINES ET DES CARRIÈRES EN TUNISIE 1059 44 SQ l & n è M pu = ! © \ LE -et-To X = Zinc) JE x e — 7 14 # ne 5 An/Draham S Ÿ Mensel-5 ff Ly 4 < 6 — 180.000 calories enlevées à l’heure. Le réfrigé- rant à fascines mentionné dans le devis ci-dessus débite 40 mètres cubes d’eau à l’heure, soit 400 hectolitres; il peut donc largement alimenter les 6 réfrigérants qui n'exigent que 300 hectolitres. On voit qu'en somme les frais d'une bonne installation pour réfrigérer les moûts sont loin d’être aussi élevés que pendant longtemps on avait pu le croire. Les avantages du système en Tunisie sont tels qu'il serait absurde de reculer devant la dépensé des appareils et de l'opération. 60, Il y aura donc $ 3, — Réfrigération par l'emploi de cuves métalliques. M. Toutée opère la fermentation dans des cuves métalliques, émaillées à l'intérieur. Ces cuves, de faible capacité, sont disposées dans un cellier ou- vert. La chaleur de la fermentation, dit M. Toutée, provient du moût et non de l'extérieur. Il est donc absurde d’enfermer le moût qui fermente dans une enveloppe épaisse de ciment, qui, étant très peu conductrice, conserve la chaleur produite. 1l est beaucoup plus rationnel de placer le moût dans une cuve en matériaux conducteurs de la chaleur et susceptibles d'éliminer celle-ci, au fur et à me- sure qu'elle se produit. Donc, en principe, la tem- pérature des moûts ne doit pas dépasser sensible- ment la température ambiante, si l'échange de température se fait bien entre l’intérieur et l’exté- rieur des cuves. $ 4. — Réfrigération des celliers. Pour pratiquer cette méthode, il faut que les locaux soient bien clos. Le refroidissement des cel- liers au moyen de machines à glace n’est pas possible pour les raisons économiques que nous avons mentionnées ; le seul moyen pratique con- siste à se servir d’un courant d'air froid. On refoule, au moyen d’un ventilateur, de l'air pris à l'extérieur, en le faisant circuler sur de l’eau fraiche. Il est bon d'effectuer cette ventilation principalement pendant la nuit, au moment où l'air extérieur est frais. Dans certains domaines, tels que celui de M. M. Pilter, à Ksar-Tyr, cette pratique, jointe au rafraichissement nocturne de la vendange, donne des résullals assez bons. IX. — AÉRATIONS. L'aération des moûts, qui avait été depuis long- temps préconisée par Pasteur, peut, à défaut de la réfrigération, fermentation des dernières portions du sucre. L'aération est aussi pratiquée dans la réfrigération telle que nous l'avons décrite. Le vin, soutiré au bas de la cuve, est envoyé au réfrigérant, puis il est déversé au sommet de la cuve. Un ouvrier dirige le jet de moût réfrigéré sur toute la surface du liquide. M. Lecq conseille aussi de recourir à l'aération quand on ne peut réfrigérer ; mais l'aération ne remplace cependant pas la réfrigération, et le mieux est de combiner ces deux traitements du moûL. favoriser la X. — DÉCUVAGE. En général, en Tunisie, la fermentation est ter- minée au bout de trois ou quatre jours. Lorsque le glucomètre marque 0, on procède au décuvage. 1136 X. RUCQUES — LES INDUSTRIE S DES EUROPÉENS EN TUNISIE Le vin, au décuvage, doit se trouver, autant que il doit être rela- chaud. On recueille successivement, dans des foudres spé- possible, dans deux conditions : livement clair; il ne doit pas être ciaux, le vin de goutte et le vin de presse. Les mares servent en général à faire de l'alcool. l'alcool, ce Au lieu d'en extraire directement de qui donne des eaux-de-vie à goût empyreuma- tique, il est à recommander de faire des piquetltes en lixiviant ces mares à l'eau, et de distiller ensuite ces piquettes. Les vins décuvés sont placés dans des vases | vinaires en bois. Le ciment, qui peut être utilisé fait et ne doit se faire qu'exceptionnellement. IL n'en est pas de même de la filtration qui tend à se répandre de plus en plus et qui donne de bons ré- sultats. Beaucoup de viticulteurs considèrent même cette opération comme nécessaire. Elle donne des vins limpides et brillants et supprime les matières albuminoïdes et les agents des fermentations se- condaires. Les vins filtrés se conservent mieux que ceux qui n'ont pas subi cette opération. XII. — DESCRIPTION DE QUELQUES CELLIERS. Les plus grands celliers sont ceux de l'Enfida, de Potinville, de Crétéville et du domaine de M. Pilter. Fig. à. — Domaine de Polinville. Photographie de M. Paul Potin. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cr, pour la construction des cuves de fermentalion, n'est pas favorable à la conservation du vin. On place généralement les vins déecuvés dans de grands foudres en bois. XI. — FILTRATION, STÉRILISATION. SOINS A DONNER AUX VINS. Les vins exigent en Tunisie les soins les plus minutieux. ]l faut que les foudres, et d’une ma- nière générale, la vaisselle vinaire, soient d'une propreté absolue, il faut faire des ouillages et des soutirages réguliers. Si, malgré cela, le vin menaçait de s'altérer; s'il élait envahi par des ferments secondaires, il fau- drait le pasteuriser. C'est une opération qui ne se S 1. — Celliers du domaine de Potinville Le domaine de Potinville, fondé en 1884 par M. Paul Potin de Paris, est situé à 19 kilomètres de Tunis sur la route de Tunis à Sousse. [l occupe 2,800 hectares, dont 450 plantés en vignes (207 hec- lares sont antérieurs à 1888). Les vignes sont dans un bon état d'entretien. Les bâtiments de vinification se composent d'un cellier à deux étages, orienté de l'est à l'ouest, et d'une cave placée en contre-bas et perpendiculaire- ment. Au premier étage du cellier sont placés les appareils de foulage du raisin; à l'étage inférieur les cuves de fermentation et les pressoirs; on n'ac- cède au rez-de-chaussée que par la facade et les X. ROCQUES — LES INDUSTRIES DES EUROPÉENS EN TUNISIE côtés du bàliment : la façade postérieure a été adossée à un coteau, et le bâtiment se trouve de ce côté enterré jusqu'au premier élage, auquel les cha- riots accèdent directement en suivant un long plan incliné. Le raisin se irouve donc apporté au pre- mier étage et derrière le bâtiment. Il est versé dans une grande trémie en ciment, où vient le 1137 jus et on établit un plancher, retenu par des ma- driers, pour maintenir le chapeau submergé ; on re- met ensuite le moût et on surveille sa fermentation. Chaque cuve est inscrite sur un registre spécial indiquant la nature du cépage, la température d’en- cuvage, la richesse acide ef saccharine du moût, Un homme spécial relève trois fois par jour la tem- Fig. 6. — auxquels le raisin est amené par un élévateur visible en haut à droite ; le les cuves dont on apercoit l'ouverture en bas à droite. Photographie de M. Paul Potin. — Photogravure de MM puiser une chaîne sans fin. Le raisin est monté par celle-ci à la turbine foulante, placée au milieu et au sommet du cellier. La vendange, foulée par la tur- bine, est dirigée, au moyen de canaux de bois, dans les cuves de fermentation. Celles-ci se composent de 36 grandes cuves en ciment de 230 hectolitres chacune, formant une double rangée centrale, et de cuves de bois, d’une contenance moyenne de 200 hectolitres, placés le long des murs. Quand la cuve est pleine, on soulire une certaine quantité de Cellier du domaine de Polinville. — Au milieu se trouvent les appareils de foulage et d'égrappage, raisin foulé est ensuite déversé dans Rougeron, Vignerot et Ci° pérature des cuves et trace la courbe de tempéra- ture de chaque cuve. Ces indications servent de guide pour appliquer la réfrigération au monrent le plus propice. Un refroidisseur d'eau Rohleder-Mon- tupet, de réfrigérer six cuves à la fois. six réfrigérants et des pompes permettent Les vins terminés sont envoyés dans la cave, qui est votée et enterrée dans le sol. Elle renferme 44 foudres de 200 hectolitres, 27 foudres de 100 hec- tolitres et 44 citernes de 200, 1138 Les vins produits sont des vins rouges ordinaires, des vins blanes et des vins rouges de cépages fins (cabernet, pineau, syrah), et des vins de museat et de Banyuls. La production annuelle est actuellement d'environ 25.000 hectolitres. $ 2. — Domaine de Crétéville. Le domaine de M. Crété, à Crétéville, se trouve également dans la région voisine de Tunis. Il y à été planté 400 hectares de vignes. Le foulage s'ef- fectue au moyen de fouloirs à cylindres et la fer- mentation s'effectue dans des cuves en ciment et des cuves en bois. Les plus grands soins sont apportés à la réfrigération des moûts, pour laquelle on emploie le réfrigérant Baldauff-Crété. On pra- tique également l'aération. Pour activer les fermen- tations paresseuses, on emploie une levure préparée d'avance. Les vins décuvés sont soumis à la filtra- tion. $ 3. — Domaine de Ksar-Tyr. Dans le domaine de M. Pilter à Ksar-Tyr, la sur- face cultivée en vignes est de 100 hectares. Les raisins sont arrosés avec de l'eau de citerne à 25° environ et on les abandonne pendant la nuit, On les foule et on envoie la vendange dansles cuves; ces cuves sont d'une faible capacité — 65 à 110 hectoli- tres.— Il y a des cuves en ciment et d’autres en bois. Pour obtenir une bonne fermentation, on aère bien le moût en le pompant à la partie inférieure et le déversant au-dessus de la cuve. On refroidit d’abord les raisins comme nous l'avons dit, puis on entretient le cellier à une température qui ne dépasse pas 25°. Pour cela, le cellier, qui est en- terré en partie et entouré de murs épais, est com- plètement fermé pendant le jour. Pendant la nuit on en ouvre, au contraire, les portes. Le sol, qui est bien cimenté, est loujours entretenu humide, et un puissant ventilateur Blackmann, placé en tête d’un tunnel attenant au cellier, entretient un vio- lent courant d'air. Ce ventilateur, tournant à 50 tours par minute, renouvelle en 10 minutes les 6.000 mè- tres cubes d'air contenus dans le cellier. Sur le par- cours du tunnel qui amène l'air, on fait couler de l'eau en pluie pour entretenir l'air frais et humide. Le ventilateur ne fonctionne pas d’une manière permanente; car, dans la journée, il introduirait dans le cellier de l'air à une température fort élevée. On ne le met en marche que peu d’instants avant le lever du soleil et après son coucher. Chaque ventilation dure 20 minutes. De cette ma- les fermentations s'achèvent en trois ou quatre jours sans s'élever à plus de 35° ?. nière X. Rocques, Chimiste du domaine de Potinville, Ex-Chimiste principal au Laboratoire municipal. 1 Comme on le voit, certains domaines tunisiens com- J.-A. DEISS — LES INDUSTRIES DES EUROPÉENS EN TUNISIE 3°: Partie : La Pêche La pêche est, de toutes les industries de la Tuni- sie, de beaucoup la plus importante. Elle fait vivre 60.000 personnes. Ses conditions varient suivant les régions cô- tières ; aussi devrons-nous la décrire par étape. I. — DE LA CALLE AU G@LFE DE HAMMAMET La côte qui s'étend sur ce long espace, bien que très poissonneuse,n'estpas d’une exploitation facile, à cause de l'insécurité de ses rades. | On avait eu l’idée d'établir des pêcheries fran- çaises à Tabarka (fig.7); une Société s'était formée sous Ja présidence de M. Oudin, l’éditeurbien connu; le Gouvernement s'était prêté à cette affaire qui, tout en étant une spéculation privée, avait pour la Régence un réel intérêt; il s'agissait, en effet, de supplanter les Italiens ou tout au moins d'opposer à ces derniers une concurrence française. Certains avantages avaient été accordés par le Gouverne- ment; malheureusement, au lieu de prendre des pêcheurs à Marseille ou en Corse, la Société en fit venir de Bretagne qui, outre qu'ils ne connais- saient pas les engins employés en Méditerranée, s'acclimatèrent difficilement en Tunisie : l’entre- prise échoua. x Bizerte etTunis,par leur configuration exception- nelle, véritables lacs à l'abri des vents et des cou- rants, possèdent de grandes et belles pêcheries; celles de Bizerte, qui appartiennent à une Compa- gnie française, prennent plusieurs milliers de kilos de poisson par jour. Tous ces poissons sont expédiés congelés à un commissionnaire à Marseille, où ils sont vendus dans les différentes halles à des prix rémunérateurs. | MM. Noël et Coste, adjudicataires du lac de Tunis, vendent 1.500 kilos de poisson par jour; ils pour- raient en vendre 10.000 rien que sur le marché de Tunis etrelirer ainsi des bénéfices considérables, surtout depuis que le poisson de Bizerte n’est plus vendu à Tunis. Noussignaleronslesthonaires(pêcheries dethons) de la Goulette et de Sidi Daoud près du cap Bon, appartenant au comte Raffo, toutes deux d’un excellent rapport. Ces pêcheries ont un personnel italien et sont constituées avec des capitaux entiè- rement italiens. Rien de particulier à signaler du cap Bon jus- qu'à Monastir, où pourtant le golfe est des plus mencent à posséder un assez bon matériel de vinification. Le fait, toutefois, est loin d’être général. Il serait utile de créer en quelques grands centres, surtout à Tunis, des usines de vinification qui centraliseraient les produits de la petite pro- priété, laquelle ne peut s'imposer les frais du matériel néces- saire à la bonne conduite des fermentations. (NorE DE LA DIRECTION.) J.-A. DEISS — LES INDUSTRIES DES EUROPÉENS EN TUNISIE 1139 riches, mais, comme dans la partie Nord, peu faci- lement exploitable à cause des vents et des cou- rants; le poisson n'y est pas, non plus, des meil- leurs ; ainsi les sardines de Sousse ne peuvent pas être conservées au sel. IT. — GoLrEe DE MONASTIR A Monastir, en dehors de la thonaire du baron Fleury, qui est de beaucoup la plus importante de toutes celles créées jusqu'à ce jour, il n'y apas d'autre établissement de pêche; les pêcheurs de la rade y apportent sur le marché d'excellents pois- sons en abondance pour les besoins de la consom- mation locale. C’est dans cette baie que se trouve le groupe des iles de Kuriat, dont les bords sont très favorables à l'établissement de pêcheries de thons et de sardines ; une concession y à été accor- poisson, qui s'expédie salé en Autriche, en Italie eten Grèce, en barils de 50 kilos. On y pêche aussi des sardines et des anchoiïs, mais en moins grande quantilé; toutefois, il suffirait d'engins spéciaux à cette pêche pour en capturer de plus grandes quan- lités. Les 150 ou. 200 barques qui, annuellement, se livrent à la pêche dans la partie de mer comprise entre le cap Dinas et les iles Kuriat ne prennent pas moins de 300 à 400 tonnes d’alacces, mêlées à des sardines et à des anchoiïs, qui sont amenées à Mahedia et salées pour l'exportation. Une fabrique de conserves sur ce point serait donc une excellente affaire. C’est 500 à 600 tonnes de poissons que l’on expédie actuellement salés, qui pourraient être livrés à la consommation en conserves à l'huile, et cela à des prix bien plus Fig. 7. — Côte de Tabarka, lrès fréquentée par les pécheurs ilaliens. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci, dée à MM. Deiss et Demange qui, aprèsdes études sérieuses et de l'avis des gens compétents, ont acquis la conviction qu'on pouvait y établir une madrague d’un rapport aussi grand que celle de Monastir : c'est un emplacement de premier ordre et l'un des meilleurs de toute la Méditerranée. MM. Deiss et Demange sont également possesseurs d'une concession de pêche au cap Dinas, où ils comptent établir une madrague; l'endroit serait pourtant moins favorable qu'à Kuriat; ils sont aussi concessionnaires de la thonaire de Salakta. III. — Bare DE MANEDIA Toute la côte de Mahedia, depuis Sagada jusqu'à Chebba, est très poissonneuse; de plus, le poisson qu'elle fournit est bien supérieur à celui du golfe d'Hammamet. On fait à Mahedia, depuis plus de 25 ans, la pêche d'une variété de sardine appelée alacce, qui donne lieu à un véritable trafic.On pêche annuellement à partir du mois de mai, et durant 40 jours, près de deux cent mille kilogs de ce rémunérateurs. Mahedia est le point de la Tunisie qui fournit la meilleure huile d'olive :une industrie de ce genre serait donc appelée à une entière réussite, d'autant plus que les thons qui pourraient y être apportés en grande quantité seraient plus avantageusement vendus en boites, marinés à l'huile, que livrés salés. IV. — Du cap KADipJA a GABÈS Le cap Kadidja ou Kapoudia est le point de départ d'immenses séries de banes qui hérissent la côte et que les indigènes riverains ont su exploiter de tout temps par l'ingénieuse installation de leurs innombrables pêcheries. Aucune côte au monde n'est plus couverte de pêcheries que celle qui s'étend de ce cap jusqu'à Zarzis. 6.000 pêcheurs environ, étrangers el indigènes, répartis 2.000 barques de pèche, exploitent ces rivages. Le sur groupe des iles Kerkennah, qui fait face à Sfax, est l'un des plus riches qui soient par sa faune marine ; presque tous les habitants s’y livrent à la pêche ; 1140 J.-A. DEISS — LES INDUSTRIES DES EUROPÉENS EN TUNISIE malheureusement, leurs nombreuses pêcheries sont parliculièrement exposées aux déprédalions des étrangers, grecs el siciliens; ces derniers, quand les hasards de la pêche aux éponges les amènent à proximilé des établissements indigènes, y pénètrent hardiment, brisent les clôtures et relèvent du fond les nasses contenant les poissons. Les dommages subis par les propriétaires de pêcheries sont toujours considérables ; un établis- sement de ce genre, lorsqu'il est brisé et dépouillé de ses pièges, devient immédiatement improductif et nécessite de coûteuses réparations; toute récla- mation des pêcheurs indigènes auprès de l'Admi- nistration demeure lettre morte. La configuralion spéciale de la côte, la région variée des fonds et, par-dessus-tout, le phénomène exceptionnel de la marée qui se produit dans ces parages, rendent facile l'exploitation de la pêche. Ce curieux phénomène de la marée s'explique par la disposition du golfe en forme d’entonnoir et par le relèvement graduel des fonds; on n'y constate pas non plus les vents etles courants que l'on ren- contre dans le Nord, la mer est toujours clémente et l’on n'a pas à craindre de naufrages, condilions exceptionnellement favorables. Tous les procédés de pêche employés dans le golfe de Gabès sont basés sur ce mouvement de flux et de reflux des eaux. Les divers engins sont presque tous invariable- ment construits à l’aide de côtes de palmier préa- lablement divisées en brindilles reliées entre elles par de petits cordages d’alfa. La méthode employée pour la pèche du poisson à l’aide de ces engins se rapproche beaucoup des madragues à thons; le procédé de la cherfiat,le plus communémentemployé, consiste à couvrir un certain espace de mer à l'aide de ces cloisons où panneaux de 2 m. 50 de hauteur sur 3 m.environ de largeur bordés de pieux servant à les planter dans le sable ou la vase et à les juxta- poser. Ces panneaux, qui s'appellent Ausors (hussira au singulier), sont disposés suivant la forme d’un segment de polygone étoilé dont les angles saillants sont garnis de nasses placées de manière à former une petile chambre carrée, appelée chambre de la mort. La chambre de la mort est ouverte sur l’inté- rieur de la pècherie.Quand le mouvement de reflux commence, le poisson se laisse entrainer par le courant qui s'établit et, sentant peu à peu l'eau lui manquer,éprouve le besoin instinctif de s'échapper, mais il se heurte à l'obstacle des cloisons, qu'il est bien obligé de suivre; il se laisse ainsi entrainer dans la petite chambre où, croyant trouver une issue favorable dans les nasses, il s'engouffre pour y demeurer captif. La principale difficulté de l'installation d’une cherfiat consiste dans l'orientation qu'il convient de lui donner. 11 importe, en effet, que le courant des- cendant au moment du reflux n’entraine pas en dehors de la limite des cloisons le poisson qui s'y estaventuré ; on établit les cherfiats par des fonds un peu supérieurs à 2 mètres, de façon que le pois= son pris dans les nasses ne cesse d'être dans l’eau. Il y a encore d'autres procédés de pêche; ils se rapprochent sensiblement de la cherfiat, dontils ne différent que par la disposition des cloisons et des nasses. On emploie également les pulangres!, surtout à Sfax ; les indigènes de quelques villages voisins ont également adopté ce procédé. Les barques dont se servent les indigènes, appe- lées loudes, sont invariablement du même type; elles sont à fond plat, ce qui leur permet de naviguer sur la plupart des bancs sans danger de s’échouer; il y a aussi les carèbes, qui sont des loudes d'un plus fort tonnage. L'habileté des pêcheurs consiste dans le choix de: l'emplacement, lequel doit variersuivantla direction ! du ventet dela meretavec l'amplitude de la marée. V. — GOLFE DE GABÈS. SA FAUNE. On trouve dans le golfe de Gabès toutes les espèces pêchées sur les autres rivages méditerra- néens; pourtant, dans la famille des squales il se capture de temps en temps d'assez gros spécimens, D ce qui est très rare sur nos côles; parmi ceux-ci, la. roussetlle, espèce de requin de 0 m. 90 à 1 mètre de longueur, qui à la singulière propriété d’'êlre vivipare. La série des Crustacés n'est représentée que par le crabe commun et la petite crevette; les autres espèces, telles que homards, langoustes, y sont totalement inconnues; cela lient aux fonds qui ne leur sont pas propices. Il y a également peu de coquillages comestibles dansle golfe de Gabès; pourtantles Kerkennabs four- nissent de belles et exquises clovisses. À signaler aussi un banc d'huitres assez important à l'embou- chure de l'Oued-Serrak. Un Français, M. Delber, de Bordeaux, a tenté, en 1883, un essai d’ostréiculture qui démontre la possibilité d'acclimater dans le golfe nos espèces d'Arcachon. Les Kerkennahs produisentencore un énorme co- quillage : la Pinna nobilis, plus connue sous le nom de jambonneau, dont elle a la forme; il y a des Pin- nas qui atteignent 0 m. 80 de longueur; elles adhèrent au sol par leur byssus, sorte de chanvre d'une belle couleur pourpre que les Romains utili= saient pour confectionner leurs étoffes de luxe. La Pinna n’a aucune valeur commerciale, elle ne four- nit qu'une nacre grossière, dont les armuriers indi- gènes se servent pour l'ornementation des armes. 1 La palangre est une grandeligne d'un nombre consi- dérable d'hamecons. J.-A. DEISS — LES INDUSTRIES DES EUROPÉENS EN TUNISIE LE 1141 VI. — EPONGES. De tout temps les éponges ont été pêchées dans le golfe de Gabès; nous n'entreprendrons pas de donner la monographie de ces êtres singuliers au- jourd'hui classés dans le règne animal; et nous ne les considérerons ici que sous le rapport com- mercial. On peut classer les éponges en trois sortes les plus employées : 1° l'éponge de toilette, la plus belle et, par conséquent, la plus chère; elle provient de l'archipel grec, des côtes de Syrie et de Tripolitaine; elle se vend depuis 2 francs jusqu'à 25 francs la pièce suivant la grosseur ; 2° l'éponge de ménage, qui se vend en gros en chapelets de 12 au prix de 15 à 30 francs le chapelet, et au détail de 2 à 4 francs la pièce ; 3° l'éponge pour l'industrie. Les procédés de pêè- che varient avec la na- ture du fond, la pro- fondeur de l’eau et la nationalité des pèê - cheurs. Les Arabes et les Siciliens se servent de la foëne ou trident:; les Grecs pèchent à la draque et au seaphan - dre; les indigènes de Djerba et des Kerken- nah- les pêchent au plongeon. Pêche à la foëne. — Tout le monde connait cet instrument à plu- sieurs pointes emmanché à une perche de lon- gueur variant avec le fond dans lequel on pêche ; on peut se servir de cet instrument jusqu'à une profondeur de 15 mètres. Pour que cette pêche puisse se faire dans de bonnes conditions, il est indispensable qu'on puisse voir distinctement les éponges. Quand la mer est calme, rien n’est plus facile, mais dès qu'elle se ride même légèrement, l'obscurité à travers l’onde devient complète. Il y a une vingtaine d'années, les pêcheurs versaient à la surface de l'eau quelques gouttes d'huile qui s’éten- daient en faisant une large tache, à travers laquelle ils suivaient et exploraient le fond ; on a renoncé à ce système assez dispendieux : aujourd'hui on se sert d'un cylindre en fer-blanc de 0 m. 30 de dia- mètre sur 50 à 60 de long, fermé à l’une de ses extrémités par un verre de vitre. Le pêcheur plonge cette extrémité dans l’eau clapoteuse et, mettant sa tête à l'autre extrémité du cylindre, il peut examiner tout à son aise le fond dans ses moindres détails. Pendant qu'il explore ainsi le fond, le rameur sous REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. Fig. $S. — Barques de pêcheurs Aïissaouas sur la côte de Sfax. Photographie de M. Henry Boucher. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci°. ses ordres conduit la barque. Dès qu'une éponge est aperçue, le pêcheur commande au rameur de s'arrêter ou de donner quelques coups de rame soit à droite soit à gauche, de façon à amener la barque à peu près perpendiculairement au-dessus de l'éponge; il laisse alors descendre son trident, pique l'éponge, donne un tour de main pour la dé- tacher et la ramène. Ces pêcheurs, très adroits, arrivent à piquer l'éponge sur ses parois, épargnant ainsi la face, pour ne pas la déprécier. La foëne est l'engin le plus généralement employé par tous les pêcheurs du monde. Pêche à la drague ou ganyava. — Cet engin, qui res- semble beaucoup à notre drague, se compose d'un cadre dont trois côtés sont en bois; le quatrième est une forte barre de fer rond. Ce cadre, mu- ni d'un filet en forme de poche, est fixé à un gros câble amarré au bateau. Le mode d'emploi de la gangava est des plus simples : on la coule à la mer, et la barre de fer qui la borde d'un côté vient tout naturel- lement reposer sur le fond; le bateau est mis en marche et derrière lui l'engin, qui détache au pas - sage les éponges que le filet recoit. Dès que le filet est plein, ce que l’on reconnail aisément au ralentissement de la mar- che du bateau, on remonte l'appareil à l'aide d'un treuil disposé pour cela à l'avant; on le vide de tout ce qu'il contient, éponges, coquillages, cailloux, etc., jusqu'à de gros poissons ; on procède au triage et on recommence la même opéralion. Ce système a le grave inconvénient de ravager les bancs d'éponges en détruisant celles ‘qu’on ne prend pas. Il a été longtemps mis en interdit ave beaucoup de raison par le Gouvernement turc; le Gouvernement tunisien en a décrété depuis plus de cinq ans la prohibition pendant les mois de mars, avril et mai, époque probable de la reproduction de l'espèce, et en vue de sa conservation. traine Pêche au scaphandre. — Ymporté en Tunisie par M. de Nayrouse, il y a une vingtaine d'années, le scaphandre est trop connu pour qu'il soit nécessaire d'en faire la description; la pêche au scaphandre nécessite de grands capitaux, elle n’est pas égale- 23e 1142 J.-A. DEISS — LES INDUSTRIES DES EUROPÉENS EN TUNISIE ment exercée sans d'énormes difficultés, par suite des exigences des plongeurs qui ne se mettent pas en mer sans avoir recu une avance d'au moins 2.500 francs chacun; ensuite, s’il arrive que l'un des leurs soit blessé par un requin, ils refusent de con- tinuer à plonger au même endroit; de même que, si, lestubess’entortillant dans des madrépores, le plon- geurestasphyxié,lesautrescessentalorstouttravail. Tous ces accidents, joints au prix élevé de l’appa- reil, empêchent d'en généraliser l'emploi. Pêche au plongeon. — Cette méthode n’estemployée que dans des fonds de 4 à 5 mètres et par les Ker- kenniens et les Djerbiens. Les plongeurs se réunis- sent par 4 ou 5 surle même bateau; chacun d'eux, armé d'un poignard pour se défendre contre les requins, est pourvu d'un filet qu'il attache à sa cein- ture et dans lequel il met les éponges pêchées; ces hommes plongent à tour de rôle, Tinportance de la pêche des éponges. — Cette indus- trie, qui assure l’existence d'un millier de pêcheurs indigènes, de 700 Grecs et de 800 Siciliens, provoque un mouvement de 1.500.000 francs sur le marché de Sfax, somme dont les trois quarts sont dépensés dans le pays. Les droits de pêche des éponges rapportent au Gouvernement une centaine de mille francs annuel- lement; la douane et les masoulats perçoivent soixante à quatre-vingt mille franes sur les produits consommés par les pêcheurs. Enfin, les éponges, soumises à un droit de sortie de 0 fr. 37 par kilo, donnent, pour cent mille kilos exportés, trente-sept mille francs au Trésor. On voit par ces chiffres la source de revenu que cette pêche procure à la Tunisie, on voit aussi com- bien il importe qu'on s'intéresse à la conserver ; mais, pour cela, il convient d'édicter une réglemen- tation résolument protectrice : il faudrait, avant tout, qu'on se livrât sur l'éponge, sur son mode de reproduction, l'époque probable de sa naissance, le temps qu'elle met pour devenir adulte, ete., ete, à des études sérieuses et que ces études fussent faites sur place par des zoologistes. I n'ya pas que le golfe de Gabès où les pécheurs se livrent à la pêche des éponges; depuis trois ans la baie de Mahedia fournit une espèce qui se vend de 1% à 15 francs le kilo. De l'avis des profession- nels, Mahedia est appelée à un grand avenir, et, d'après eux, serait mieux située que Sfax pour cette pêche, qui, actuellement, procure sur le marché de Mahedia un mouvement de trois cent mille francs. Si un groupe de capitalistes entreprenait de créer en celle région un centre de pêche des éponges, nul doute, qu'en y obtenant lui-même le succès, il y créerait la richesse. VII. — PouLpres. Le poulpe, ou pieuvre, que tout le monde connaît, est un mollusque céphalopode d’une saveur fade; il fournit un très médiocre aliment, ilest pourtant re- cherché par les indigènes et par les Grecs. La pêche despoulpes, qui a lieu de septembre à avril, se fait généralement au plongeon ou au tri- dent. Les indigènes emploient aussi un procédé très ingénieux, qui consiste à placer, dans les fonds fréquentés par cet animal, des sortes d’abris artifi- ciels, qu'ils disposent sur plusieurs rangs, connais- sant son instinct de se blottir dans des cavilés d'où il peut facilement surprendre sa proie et la dévorer. Dans les eaux profondes on emploie une sorte de long chapelet formé par des gargoulettes ou- vertes à leurs deux extrémités, que l’on déroule sur le fond et qu'on relève quelques heures après pour recueillir les poulpes qui s’y sont réfugiés. Les poulpes sont ensuite préparés de la manière suivante : après leur avoir enlevé l'espèce de mem- brane très dure qui recouvre leur tête, on les frappe violemment contre terre jusqu’à 200 fois de suite, ce qui attendrit leur chair et achève de les tuer; puis, on les comprime fortement, de façon à leur faire rendre la plus grande partie de leur eau: enfin, on les dessèche complètement en les suspendant à des cordes tendues au soleil. On apporte annuellement sur le marché de Sfax 30.000 kilos de poulpes desséchés, qui sont expé- pédiés en Autriche et surtout en Grèce, où ils cons- tituent pendant le carême la base principale de l'alimentation. VIII. — RÉGLEMENTATION ET PROTECTION DES PÊCHES. Depuis longtemps déjà, des capitalistes français ont songé à tirer parti des nombreuses richesses qu'offrait la côte tunisienne ; mais ce n'est guère que depuis le Protectorat français que les affaires peuvent s'y développer. Dans la Conférence con- sultative de Tunis, en novembre 1895, la Commis- sion fut d'avis de maintenir le vœu de laprécédente session, vœu qui avait pour but de délimiter le domaine maritime au fur et à mesure que l'État pourrait disposer des moyens financiers néces- saires, Ce qui permettrait d'accorder des conces- sions de pêche aux personnes offrant des garanties sérieuses pour en faire l'exploitation régulière. La Commission fut aussi d'avis qu'une réglementation complète de la pêche côtière fût promulguée au plus tôt. En ce moment, les pêcheurs ne sont soumis à aucun contrôle et jouissent de privilèges qu'il serait dangereux de maintenir à l'avenir. Ils opèrent avec des engins de toutes sortes sans s'inquiéter de l'avenir, ravagent, avec des filets à mailles J.-A. DEISS — LES INDUSTRIES DES EUROPÉENS EN TUNISIE 1143 EEE EEE étroites et des dragues, les fonds autrefois si pois- sonneux de la côte tunisienne. Les entreprises de thonaires paraissent jouir d'une certaine faveur ; l'Administration a tenté aussi avec succès l'affermage de la pêche dans le lac de Tunis: ce fermage a été adjugé pour 17.500 francs par an. Une adjudication est en préparation pour le lac de Porto-Farina; ce système sera très proba- blement généralisé. J.-A. Deiss, Manufacturier à Salon (Marseille), Membre de la Chambre de Commerce de Marseille. 4° Partie : Industries chimiques et mécaniques. Ces industries, restées rudimentaires ou nulles jusqu'au moment de l’arrivée des Français, ont pris, depuis l'’établisse - ment du Pro- tectorat, une importance assez considé- rable, que l'a- venir ne fera que dévelop- per. IL — Ixpus- TRIES EX- TRACTIVES, CHIMIQUES ET MÉCANIQUES. Depuis quelques années MM. Balzan et C* et MM. Demange frères, constructeurs à Sousse, ont créé dans cette ville des établissements pour la fa- brication des briques à bâtir; cette industrie parait prospérer. Nous n'en dirons pas autant de l'industrie des poteries et carrelages, autrefois si florissante en Tunisie ; elle a été l’une des plus considérables de ce pays au commencement du siècle, mais elle à passé presque toutentière entre les mains de l'Italie, qui inonde de ses produits tous les ports de la Régence. Nous signalerons aussi l'extraction du sel qui se pratique dans les Sebkhas ou lacs salés (fig. 9): La fabrication du gaz d'éclairage en Tunisie n’est pas de celles qui sont appelées à prospérer. La cause en est au bon marché du pétrole, qui n'est pas soumis, comme en France, à d’é- normes droits de douane. L'éclairage au gaz est consi- dérécomme un éclairage de luxe, dont l'emploi serait trèslimité,sur- tout dans les petites villes. Les lièges des forêts dela Un: gise- Fig. 9. — Extraction du sel dans les Sebkhas. Khroumirie ment de phos- Photographie de M. Wolfrom. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et (Cie. fourniraient : phale a été . à à notre avis, découvert à Gafsa il y a quelques années : une Com- pagnie s'estformée pour l'exploiter. La Compagnie n'a pas encore commencé cette exploilation ; elle n'en est encore qu'à la période d'essai; toutefois il est certain aujourd’hui que cette affaire sera d'un excellent rapport; mais la création d'une fabrique d'acide sulfurique en Tunisie assurerait à cette Compagnie de plus grands revenus encore; en effet, la transformation du phosphate en super- phosphate sur place lui procurerait l'écoulement d'une grande quantité de ses produits pour les besoins de la consommation tunisienne à des prix bien plus rémunérateurs. Les phosphates ne peuvent pas être utilisés sous leur forme naturelle, et, s'ils doivent être expédiés à l'Étranger pour y être transformés, la Tunisie n'aura plus l'avantage de cette source de richesse. La fabrication de l'acide sulfurique sur place s'y ferait à très bon compte, puisqu'on aurait à bon marché les pyrites de fer et de cuivre du pays ou le soufre de Sicile. un aliment plus que suffisant pour plusieurs fabri- ques de bouchons qui trouveraient leur écoulement sur place. Une industrie de ce genre serait des plus prospères ; en effet, les bouchons pour les huiles et les vins viennent de France ou d’ailleurs. Quant à la construction des machines et instru- ments agricoles, il n'y a absolument aucun intérêt à ce qu'elle soit entreprise sur place, en raison de la franchise des droits d'entrée dont sont favori- sés ces articles. De même quant à la construction mécanique en fer et acier. En effet, tous les maté- riaux destinés à l'usage industriel ou à l'usage agri- cole sont exempts de tous droits. Si nous ajou- tons que les ouvriers spécialistes manquent et que, si l'on en faisait venir, on les paierait beaucoup plus cher qu'en France, nous aurons suffisam- ment démontré que ces dernières industries ne sont pas appelées à réussir en Tunisie, du moins pour le moment. Pour la construction en bois, on emploie géné- 1144 G. WOLFROM — LES RAPPORTS DE LA TUNISIE AVEC LE MARCHÉ EUROPÉEN ralement les bois de Norwège, qui arrivent dans les ports de la Tunisie à aussi bon compte que dans les nôtres. I1.— INDUSTRIE DES TRANSPORTS URBAINS. Il n'ya guère qu'à Tunis que l'industrie des transports urbains est en voie de se développer. Une concession a été donnée il y a quelques mois à peine à MM. Julien et Bretté pour l'exploitation d'une ligne detramways électriques de 7.500 mètres de longueur. Il existe déjà à Tunis un réseau de tramways à traction animale desservant circulairement les quartiers de la vieille ville arabe. C'est une Com- pagnie belge qui en est concessionnaire; elle en tire de jolis profits. Il y a donc lieu d'espérer que la Société nouvelle, qui est française, réussira pleinement. J.-A. Deiss, Manufacturier à Salon (Marseille), Membre de la Chambre de Commerce de Marseille. ’ LES RAPPORTS DE LA TUNISIE I. — MOUVEMENT GÉNÉRAL DU COMMERCE AVEC L'EUROPE. $S 1. — Importance du Commerce tunisien. Le commerce total de la Régence, exportation et importation réunies, était, en chiffre rond, de 27.000.000 de francs en 1875, année particulière- ment favorable, si l'on songe qu’en 1876, il n'était Tableau I. — Commerce total de la Régence. IMPORTATION EXPORTATION .343.174 71.667.950 76.525.126 68.068.555 78 855.481 85.332.832 1.202,50% .685.323 .932.766 1.246.887 que de 20.000.000 de francs et en 1878 de 18.000.000. Ce commerce est aujourd'hui de 75 à 85.000.000 de AVEC LE MARCHÉ EUROPÉEN Le tableau I indique, du reste, les chiffres du Commerce pendant les cinq dernières années. Depuis 1881, date de l'établissement du Protec- torat français en Tunisie, le commerce a quadru- plé ; on peut donc espérer beaucoup de l'avenir, car le pays est susceptible de nourrir une popula- tion beaucoup plus nombreuse que celle qui existe actuellement. Bien plus, tant dans le commerce d'importation que dans celui d'exportation, c'est la France qui tient le premier rang : elle importe et exporte plus de moitié des marchandises du com- merce tunisien. Le tableau IT donne, pour les années 1894 et 1895, les chiffres du Commerce avec les principaux pays et la proportion dans laquelle chacun d’eux prend part au commerce. $ 2. — Tarif général et Droits de douane. Le décret beylical du 28 septembre 1896 a établi à l'importation en Tunisie un tarif général qui Tableau 11. — Commerce de la Régence avec les principaux pays. IMPORTATIONS EN TUNISIE EE —— 1894 1895 941.923 RNA TES AE ARE 23.308.764 EXPORTATIONS DE TUNISIE 19.874.223 TOTAUX © % . 4895 49.657.088 Probe de bite .958.097 .198.722 1.728.211 e 6.023.390 Autres pays | ? 1.302.269 4.974.433 4.574.645 4.153.378 5.961.212 9.694.702 6.277.668 6.245.994 6.037.865 3.163.454 2.573.131 2.119.303 Belgique, Autriche, Tri- poli, Egypte, Russie. 5.075. 7.696.168 Suède et Norvège, Tur- quie, Grèce, Allemagne Espagne, ToTAux..... 41.922.745 36.932.766 .246.887 85.332.832 francs, résultat considérable, si l’on pense qu'il a été obtenu après quatorze années seulement d'ad- ministralion par la France. reproduit les droits du tarif maximum français, sauf sur certains produits : sucre, café, ete. Il est applicable aux pays qui n’ont pas de traité avec la bi G. WOLFROM — LES RAPPORTS DE LA TUNISIE Régence el servira de base aux négociations fu- tures. Ce tarif est entré en vigueur le 15 octobre sui- vant, mais il n'est guère appliqué aux puissances européennes : car, jouissant presque toutes du traitement de la nation la plus favorisée, elles continuent à bénéficier du traitement réserve à l'Angleterre qui, d’après un traité encore en vi- gueur avec la Tunisie, paie l'ancien droit d'entrée de 8 °/, ad valorem. Pour faire disparaitre ce droit, il sera nécessaire de traiter avec l'Angleterre, en prenant pour base le tarif général du 28 septembre 1896. À ce mo- ment-là il sera bon aussi que l'Angleterre recon- naisse, au point de vue douanier, la situation pri- vilégiée de la France en Tunisie, ainsi que l'Italie l’a fait dans son traité du 28 septembre 1896 avec la Régence. De cette manière, non seulement le droit de 8 °/, aura disparu et les Puissances jouissant du traitement de la nation la plus favorisée paieront des droits égaux ou inférieurs au tarif général suivant les concessions qui auront été faites à l'Angleterre; mais la France et la Tunisie pourront établir entre elles le régime douanier qui leur conviendra, sans que les autres Puissances puis- sent réclamer le même traitement. ; D'ici là, tandis que le tarif général n'est appli- cable actuellement qu'aux pays qui n'ont pas de traité avec la Régence, le régime appliqué à la France et aux pays suivants : Allemagne, Autriche- Hongrie, Angleterre et colonies, Belgique, Dane- mark, Espagne, Etats-Unis, Italie, Pays-Bas, Por- tugal, Russie, Suède et Norvège, Suisse, continuera à être le suivant : Les droits de douane sont, à l'importation, de 8°/, ad valorem sur tous les articles en général, sauf sur ceux qui suivent : Bijouterie en argent............ Ë 1 % ad valorem BiJOUTArI ER ON Lee meer 18% » Bijouterie montée avec pierres précieuses et pierres précieuses et perles fines non montées... 14 % » COUDE Te etes 3 % » Dorures fines au titre de 1750/1000 DRAM TES SNS: ee creer 3 % » AO NS POMPES RENE 8 % » Horlogérie argent et cuivre...... 1% » OCDE RER Ur 3 % » Nins'et Spiritueux..." 10 % » Quelques articles sont admis en franchise : Animaux des races chevaline, asine, mulassière, bo- vine, ovine, caprine, porcine et cameline, — Huiles fixes pures d'olive. — Gibier mort ou vivant et volailles mortes ou vivantes, Céréales (blé, orge, mais), livres, brochures et journaux, douilles et bourres, or et ar- gent en lingots, pierres meulières, appareils de son- dage et de forage des puits artésiens. Produits chi- miques et organiques destinés à l'amendement des terres et au traitement des maladies de la vigne (voir la nomenclature annexée au décret du 20 juin 1891) AVEC LE MARCHÉ EUROPÉEN 1145 (17 kada 1308). Instruments et machines agricoles (voir Îles nomenclatures annexées aux décrets des 9 sept. 1885) (30 kada 1302), 12 juillet 1888, (4 kada 1305), 5 janvier 4890 (14 djoumadi el aoual 1307) et 28 juin 4891 (22 kada 1308). Enfin l'introduction de certains produits est pro- hibée ; en voici l'énumération : Armes et munitions de guerre, sel, tabac, kif, chira, hachich et monnaies de cuivre et de billon de fabrica- tion étrangère, ceps de vignes, sarments, crossettes, boutures avec ou sans racines, marcottes, etc., feuilles de vigne, même employées comme enveloppe, couver- ture et emballage, raisins de table où de vendange, mares de raisins et de tous les débris de la vigne, plants d'arbres, arbustes et végétaux de toute nature, échalas et tuteurs déjà employés, engrais végétaux, terres, terreaux et fumiers, légumes frais de toute nature, f Les pommes de terre sont seules admises à l'importation moyennant paiement du droit de 8 °/,, mais après avoir élé lavées et entièrement dégarnies de terre !. Ne sont pas compris dans la prohibition les en- grais commerciaux, tels que : Guanos, phosphates, poudrette, sels de soude et de potasse, sulfate d'ammoniaque, phosphate et super- phosphate de chaux, chiffons de laine, os, tourteaux, plätres, chaux, cendres, marnes, sang frais et dessé- ché et les engrais composés de matières animales, minérales et analogues (Loi du 29 janvier 1892 — 29 djoumadi ellani 1309, art. 1°). Il existe encore en Tunisie, sur certains articles, des droits à l'exportation qui ne pourraient être supprimés immédiatement, car ils constituent un revenu dans les recettes du budget et, dans le cas de leur suppression, il y aurait lieu de créer des impôts ou des taxes d'une autre manière. Les droits d'exportation sont donnés dans le tableau IT (page 1146). $S 3, — Articles du commerce tuniso-européen. Avant l'établissement du Protectorat français en Tunisie, l'importation portait sur les objets qui sont de première nécessité où qui ne peuvent être fabriqués par les indigènes à aussi bon compte que par les Européens. Ces objels sont tous les mêmes dans les pays d'Orient, non encore habités par un grand nombre d'Européens. C'était à l’im- portalion principalement : le café, les luines d'Es- pagne, le papier, les produits manufacturés, Va soie, le sucre, les tentures (cochenille et vermillon), tes tissus de laine, de colon et de soie. L'exportation portait principalement sur les pro- duits végétaux et animaux, tels que : blé, bœufs, chevaux, cire, peaux, dattes, éponges, laines, et sur les 1 L'expéditeur qui justiliera par un certificat d’origine que les pommes de terre proviennent d'une région non phyllo- xérée ne sera pas tenu de remplir ces formalités, pourvu que l'expédition ait été faite en sac. 1146 G. WOLFROM — LES RAPPORTS DE LA TUNISIE AVEC LE MARCHÉ EUROPÉEN cinq produits suivants qui constituaient à peu près toute l’industrie du pays : les ewirs, les chéchas, l'Auile d'olive, les savons et les tissus. L'industrie n’était donc pas tout à fait nulle ; mais ses produits, à l'exception des huiles d'olive, qui se vendaient en Europe où elles devaient être raffinées, et des cuirs, étaient achetés par les autres pays musul- mans, au goût desquels ils étaient appropriés. Les articles d'importation et d'exportation qui viennent d'être nommés formaient, depuis plu- sieurs siècles, la base des échanges commerciaux entre la Tunisie et les pays voisins et constituent, encore aujourd'hui, la plus grosse part du com- merce tunisien; mais d’autres sont venus s'y ajou- ter, tant par les besoins des émigrants qui se sont rendus en si grand nombre dans la Régence, depuis auxquels se sont vendus les animaux en 1895 sont les suivants : agneaux, l'unité, 10 fr. ; ânes, 30 fr. ; bœufs, 150 fr.; béliers, 15 fr.; boucs, 8 fr.; che- vaux, 200 fr.; chevreaux, 3 fr.; chèvres, 8 fr. ; co- chons, 50 fr.; juments, 250 fr.; moutons, 15 fr. ; mulets et mules, 300 fr.; poulains, 150 fr.; tau- reaux, 80 fr.; vaches, 90 fr. Peaux brutes, fraîches ou salées. — On exporte chaque année 4.000 quintaux métriques de peaux de bœufs, chevaux, chameaux, ânes, mulets; de 2 à 3.000 quinlaux métriques de peaux de moutons et de 2 à 2.500 quintaux métriques de peaux de chèvres et chevreaux, soit en tout pour plus de 1.000.000 francs. Les prix des peaux sont les sui- vants : peaux de bœufs et vaches, 80 à 100 fr. les 100 kil., rendus en France; peaux de moutons et Tableau III. — Droits d'exportation en Tunisie. DÉSIGNATION DES MARCHANDISES UNITÉS DROITS CHIHONS A ER RSR eee les 100 kgs. 2.55 DEBla RENTE » 12.00 HOT a eee nue » 5.00 Dattes IBESSOL Er Bee Une Le ut, » 0.75 Gapésietrautres tee "200 » 0.75 SEL MÉNONMIAVÉES RTE en » 18.60 HORDE ES Ne RES ME SAUT ON D em ) 37.35 Gnisponsid'olive ere creer » 0.35 Alfatetidiss ae CU ER » 1-27 Huile d'olive eee mercure » 12.37 Huile delGnignons. Fr. +--227e 1.50 DÉSIGNATION DES MARCHANDISES UNITÉS DROITS \ DANCE re et ... [les 100 kgs. 12.00 Laine ! Bonnetouf.......... doses » 12.00 ENCORE OO ME MT O 20028 QE » 20.00 Olives fraiches des pays de Kanoum. » 3.97 de bœufs, vaches, veaux, chevaux, chameaux, mu- Peaux lets NANES Prec ee 0300 » 7.50 de chévres, chevreaux.... » 12.45 de moutons,agneaux...... » 9.90 Poissons salés, boutargue, thon, poissons secs, fumés, conservés au naturel, marinés ou autrement PTÉPALES Rec Ce » 0.97 Poulpes tre Me AMEN RE dé » 12.45 Tissus ide Haine Re 2 rte re ad valorem 5.10 1881, que par les exploitations et les industries qu'ils y ont perfectionnées ou qu'ils y ont créées. IT. — REMARQUES SUR LES MARCHANDISES DU COMMERCE TUNISO-EUROPÉEN. Il importe de considérer de plus près les prin- cipaux produits de l'exportation el de l'importation, en ayant soin d'indiquer l’origine de l'article examiné, la forme sous laquelle il est vendu, son importance commerciale, son avenir, son prix.de revient, de vente ou d'achat suivant qu'il est article d'exportation ou d'importation, et enfin les pays qui l’achètent ou le vendent, S 1. — Articles d'exportation. Animaux vivants. — Les bestiaux occupent une place importante dans l'exportation tunisienne, et, er première ligne, les bœufs qui sont exportés sur- tout en France et en Algérie, soit pour une valeur de 2.000.000 francs en 1895. Les autres animaux que l’on exporte de Tunisie sont les chevaux, les mules et mulets, el enfin, en faible quantité à cause de la race qui est peu appréciée par la boucherie, les moutons barbarins à grosse queue. Les prix moyens béliers, 100 fr. les 100 kil. Les peaux d’agneaux valent de 15 à 18 francs la douzaine et les peaux de chèvres de 18 à 22 francs la douzaine, Os, sabots, cornes de bétail. — L'exportation oscille entre 40 et80.000 francs, principalement à destina- tion de l'Italie. Poissons. — Les côtes tunisiennes sont très pois- sonneuses, et renferment les espèces de poissons les plus variées; actuellement on y pêche surtout le thon et la sardine. L'exportation de ces poissons, à destination principalement de l'Italie, où on en fait des conserves, s'élève à plus de 1.000.000 fr. Le thon salé se vend au prix moyen de 50 franes les 100 kil.; sous huile, il vaut de 450 à 470 francs. Il est regrettable que des Français ne viennent pas sur place se consacrer à la pêche et à la conserve des poissons. — On exporte aussi en Grèce une certaine quantité de poulpes désséchés. Éponges. — La pêche est très active et l’expor- tation dépasse 1.000.000 francs. L'éponge tuni- sienne est très solide et sert pour les gros travaux du ménage; l'éponge lavée se vend au prix moyen de 12 francs le kil. et paie un droit de sortie de 37 fr. 35 les 400 kil. G. WOLFROM — LES RAPPORTS DE LA TUNISIE AVEC LE MARCHÉ EUROPÉEN 1147 Œufs. — Les œufs s'exportent pour 20.000 francs par an. Beurre. — Le beurre est surtout fourni par le Nord de la Régence, et s'exporte en Algérie pour une cinquantaine de mille francs. Céréales. — Les céréales constituent, avec l'huile d'olive, la plus grosse part de l'exportation et prennent surtout la route de la France, soit pour 90 °/, de l'exportation totale, qui représente une valeur de près de 15.000.000 francs ainsi répartis : 1894 1895 Froment......... 6.327.5:0 9.914.370 MATRA PRE nettes 163.365 200.536 Open 3.877.608 3.164.453 AVOINMET Abuse 250.600 359.842 14.239.201 La France achète aujourd'hui plus d'orge que l'Angleterre. Léqumes. — 11 est regrettable que la Régence n'exporte pas encore de légumes frais, mais uni- quement des légumes secs, Lels que fèves, haricots, pois, poivrons, quisontsurtoutachetés par la France. Cette exportation s’est élevée à 300.000 francs en 1895. Fruits. — L'exportation enest peu importante, et cependant la Régence pourrait produire en quantité des oranges, des citrons, des figues, des amandes, des pistaches, des caroubes. La région de Sfax serait favorable au développement de ces essences. La figue fraiche vaut de 5 à 10 centimes le kilo, et sèche de 12 à 45 francs le quintal. Les pistaches se vendent de 2 à 3 francs le kil. ; l'amande dure, de 20 à 26 francs les 100 kil. et l’amande demi-tendre de 40 à 60 francs. Dattes. — Les oasis, notamment celles du Dijerid, fournissent d'excellentes dattes ; les meilleures sont dites degla à 0 fr. 60 le kilogramme; viennent ensuite les dattes L'orra à 0 fr. 40 et les dattes b'ser à 0 fr.20. La datte, dont le commerce d'exportation s'élève à 1.000.000 de franes, est un produit d'avenir. Graine de lin. — Le prix du kilogramme est de 0 fr. 25 en moyenne et l'exportation de 150.000 fr. environ. Huile d'olive. — Ce produit est peut-être le plus important de l'exportation tunisienne : il s'en vend actuellement au dehors pour 7 à 8.000.000 de francs, dont la plus grosse part à destination de la France. La région de Sfax, qui est le domaine de l'olivier, se couvre tous les jours d'un plus grand nombre de plantations ; on ne trouve plus à acheter des terres à moins de 40 kilomètres de Sfax et on compte près de 12.000.000 d'oliviers en Tunisie ‘. L'huile d'olive 1 Pour plus de détails sur cette culture importante et ré- munératrice, demander, à la direction de l'Agriculture et du Commerce à Tunis, la brochure de M. Bourde sur la cul- surfine,qui coûte en moyenne 0 fr. 70 le kilo, paie à la sortie un droit de 12 fr. 40 les 100 kilos. Olive (grignons d'). — Les huiles que l’on extrait des grignons d'olive servent à la fabrication du savon. Il en a été exporté 2.739.906 kil. en 1895 à raison de 0.05 le kil. Cire. — Ce produit, dont l’exportation atteint 100.000 francs, est surtout acheté par la France au prix moyen de 1 fr. 75 le kil. Vins. — La vigne, qui vient à merveille en Tu- nisie, fournit un vin peut-être supérieur à celui d'Algérie. L'exportation a dépassé 2.000.000 de francs en 1895, à destination de la France, et le vin s'est vendu de 15 à 18 franes l'hectolitre. Alfa. — Ce produit pousse spontanément, et le Arabes n'ont qu'à l'arracher ; il est surtout acheté par l'Angleterre; sa valeur est de 10 francs le quintal métrique et il paie un droit de sortie de 4 fr. 27 les 100 kilos. Lièges. — Le liège est fourni par les forêts de la Khroumirie; il coûte, bouilli, raclé, visé, mis en balles et rendu à quai à Tabarka, 45 francs le quintal. L'Italie en est le principal exportateur. Ecorces à tan. — L'arbre qui fournit la meilleure écorce à tan est le chène-liège ; le lentisque et le pin d’Alep sont assez pauvres en tanin; l'écorce à tan de chêne-liège se vend surtout en Italie, soit pour 4.500.000 francs en 1895 au prix moyen de 43 fr. 50 le quintal et de 7 fr. 75 sur pied. Laines. — Les laines tunisiennes se divisent en laines en suint et lines lavées. Les premières, qui valent de 62 à 75 francs les 100 kilos sur les mar- chés de Tunis, paient un droit de vente de 6 fr. 25°/, et un droit de sorlie de 12 fr.°/,. La laine lavée vaut de 180 à 200 franes les 400 kilos et paie à la sortie un droit de 20 francs les 100 kilos. Ce pro- duit a perdu de son importance; son exportation, qui élait de 1.083.630 kilos en 1887, est tombée à 407.551 kilos en 1895. Tissus. — Le Tunisien est bon tisserand\; il fa- brique des tissus en soie et bourre de soie, en laine, en coton, qui sont vendus aux pays d'Orient. Ces tissus consistent surtout en burnous, haouli ou haïks, jebba ou gandoura, frach, ouzera, fouta, chenbir, seraïa, elc., et sont fabriqués un peu partout en Tunisie, au métier antique en bois. L'exportation dépasse 1.000.000 de francs. Tapis. — Les plus connus sont ceux de Kairouan, qui valent, suivant la qualité, 10, 15 et 20 francs le mètre carré. Il s'en exporte pour 300.000 francs par an. Chéchias. — Les chéchias sont de très bonne qua- lité, l'exportation s’en élève à 500.000 francs en- ture de l'olivier, brochure qui est distribuée gratuitement. Voir également ci-dessus le remarquable article de M. de l’Espinasse- Langeac (page 1105 de la présente livraison). 1148 viron; mais elles ont à lutter contre celles qui vien- nent d'Autriche et qui se vendent 2 fr. 50 pièce, tandis que la chéchia tunisienne qui, il est vrai, dure plus longtemps, se paie 8 francs. Poterie. — C'est là une industrie lunisienne, dont les produits, fabriqués à Nabeul et à Djerba, ne s’exportent que pour une valeur de 60.000 francs environ. Savons. — Ce peut être un produit d'avenir pour le pays qui possède la malière première, c'est-à- dire l'huile. Il en est exporté pour 150.000 francs par an au prix de 0 fr. 40 à 0 fr. 45 le kilo. Orfèvrerie, Bijouterie. — Exportation de 50.000 fr. environ, Les produits de fabrication indigène sont consommés dans le pays. Zinc (minerai de). — C'est là le seul minerai que l'on ait exporté jusqu'à présent et principalement à destination de la Belgique, où il se vend, sur le marché d'Anvers, de 70 à 80 francs la tonne avec une teneur de 45 à 50 °/,. En 1895, l'exportation s’en s’est élevée à 10.421 tonnes. $S 2. — Articles d’Importation. Animaux. — Celle importation, qui consiste en bœufs, mules et mulets, venant d'Algérie et d’I- talie, oscille entre 200.000 et 300.000 francs. Peauxr préparées, lannées, mégissées, corroyées, ver- nies, teintes el autrement préparées. — Cette importa- tion est importante, quoique stationnaire depuis 1886; en 1895, elle a été de 1.100.000 francs dont 580.000 francs à l'actif de la France. Le reste vient de Belgique, d'Italie, d'Égypte. Viandes. — Les importations consistent surtout en lards et conserves. Ces dernières viennent pres- que en totalité de France, pour une valeur de 114.000 francs. Poissons frais, salés, à l'huile. — La France en a vendu en 1895 pour 88.000 francs sur une impor- tation totale de 212.000 francs. Beurres. — 1 en vient du dehors pour 100.000 fr.., dont la moitié fournie par la France. Graisses. — Les graisses viennent en grande partie de France, soit pour plus de 400.000 francs. Fromayes. — La France en vend pour plus de 200.000 francs et l'Italie pour plus de 100.000 francs. Ce sont des gruyères, des roqueforts, des hol- landes, etc. Céréales. — L'importation des céréales (blé, orge, avoine, maïs), oscille généralement entre 10.000 et 700.000 francs. Farines et semoules. — L'importation totale des farines de froment, orges, gruaux, dont la France a presque le monopole de la vente à cause de son régime de l'admission temporaire des blés, s'est élevée à près de 6.000.000 francs en 1895, dont .500.000 francs à l’aclif de la France. G. WOLFROM — LES RAPPORTS DE LA TUNISIE AVEC LE MARCHÉ EUROPÉEN Pommes de terre. — L'importation dépasse 200.000 francs, dont la majeure partie revient à la France, le reste à l'Italie. Fruits de table secs ou tapés. — La Sicile importe en Tunisie pour 30.000 fr. de fruits frais, la France pour 150.000 fr. de fruits secs (châtaignes, mar- rons, noix, figues, etc.); le reste vient d'Italie. Cafe. — L'importation, qui dépasse 1.000.000 fr., venait presque exclusivement de la métropole, lorsqu'en 1895 il en vint d'Italie une très notable quantité. Thé.— La consommation, peu importante jusqu’à présent, augmente. Chocolat, cacao. — Les indigènes n’achètent pas beaucoup ces produits. Vins. — L'Italie en a importé pour 362.000 fr. en 1895 sur une importation de 798.875 francs. La France est presque seule à fournir les eaux-de-vie, soit pour 174.534 fr. sur une importation totale de 178.391 fr., et Malte, les esprits et alcool pur pour 464.000 fr. sur une importation totale de 590.000 fr. Bières. — Les bières viennent de France pour 80.000 fr. environ. Tabac.— Le tabac (monopole de l'Etat) est acheté par le gouvernement en Belgique, en France, en Algérie et à Malte. Poivre, piments. — Le poivre est surtout fourni par l'Italie ; les piments viennent de Tripoli. Sucres. — La consommation de ce produit a légèrement décru en 1895, mais elle s'élève encore à 1.500.000 francs. La France, qui avait presque le monopole de la vente, semble perdre du terrain. Les sucres d'Allemagne et d'Autriche lui font con- currence. Sirops, bonbons, confitures. — L'importation sen élève à 100.000 francs en moyenne. Fer, fonte, fils de fer, acier en barre. — L'importation atteint 1.300.000 fr , dont 800.000 francs représen- tent le commerce avec la France qui vend surtout des rails ; le reste vient principalement de la Bel- gique, qui tient la tête dans la vente des fers bruts, fers élirés en barres et fer d'angle à T, tôle et fer- blanc. Houille. — L'importalion s'élève à 600.000 francs, dont les 2/3 fournis par l'Angleterre. La France n’en a vendu que pour 30.000 fr. Chaux, viments, plâtre, briques, tuiles, etc. — La France a presque le monopole de tous ces articles dont l'importation est importante, mais en Tunisie on ne tardera pas à fabriquer sur place la chaux et le ciment. Marbre. — 1 vient d'Italie, malgré l'existence des carrières de marbre de Chemtou, qui ne peu- vent en fournir à aussi bon compte que l'Italie. Mélaux précieur. — L'or et l'argent pour la bijouterie viennent de France. TPE G. WOLFROM — LES RAPPORTS DE LA TUNISIE AVEC LE MARCHÉ EUROPÉEN 1149 Pétrole. — La consommation en augmente tous | ewivre et acier, serrurerie. — L'importation, qui dé- les ans, l'importation en a été de 570.000 francs en 4895. Il vient de Russie et d'Amérique en transit par Malte, et coûte très bon marché (0 fr. 40 à 0 fr. 15 le litre). Bois de construction el bois ouvrés. — La France importe pour 100.000 francs de planches et ma- driers de sapin sur une importation totale de bois qui atteint 1.500.000 fr. ; la Suède et la Norwège en fournissent pour 700 ou 800.000 fr. Bouteilles. — Cet article est fourni par la France. Gobeleterie. — La gobeleterie vient de France pour 95.000 fr. sur une importalion totale de 150.000 fr. Le reste vient d'Autriche et de Belgique. Glaces. — Les glaces viennent surtout de France, soit pour 40.000 fr. en 1895. Fils de lin, de coton, de laine, de soie et bourre de soie. — L'importation de ces différents fils a été de plus de 800.000 fr. en 1895. Les fils de lin viennent d'Italie ; ceux de coton, d'Angleterre; et ceux de laine, de France. Soies grèges et moulinées, teintes, bourre et frisons. — La Tunisie en achète pour plus d'un million par an; les soies fines viennent de France pour près de 750.000 fr., les autres viennent d'Italie. Tissus. — La consommation des tissus, qui cons- tituent la branche la plus importante des importa- tions, aigmente tous les ans; elle a atteint le chiffre de 8.567.000 fr. en 1895, dont 1.643.000 fr. à l'actif de la France. L'Angleterre tient une place pré- pondérante dans la vente des tissus de coton (5.000.000 fr.), tandis que les tissus de laine et de soie sont surtout fournis par la France (600.000 fr.), Le tissu de laine mollelon, destiné aux costumes des Arabes et des Israélites indigènes, est un impor- tant article d'importation. Vêtements confectionnés. Lingerie cousue. — La France occupe un très bon rang dans la vente de ces produits. Elle vend pour 100.000 fr. de lingerie cousue et pour 600.000 fr. de vêtements confec- lionnés sur une importation totale de 1.300.000 fr. Bijouterie, orfèvrerie, horlogerie. — L'importation totale de tous ces articles, dont la France fournit la moitié, s'élève à 350 ou 400.000 fr. Le reste est fourni par l'Allemagne, la Suisse et l'Italie, Il faut noter qu'à Tunis, on fabrique de la joaillerie et de la bijouterie dont les formes et types sont adaptés au goût des indigènes. Les bijoux en or de fabrica- tion tunisienne sont au titre de 0.375, ceux en argent au litre de 0.900. 11 se vend annuellement pour 90.000 fr. de montres en Tunisie. Bimbeloterie. — La bimbeloterie est importée pour une valeur de 300.000 fr., dont 250.000 fr., d’après les statistiques des douanes, seraientà l'actif de la France. Coutellerie, ferronnerie, quincaillerie, ouvrages en passe 1.500.000 fr., semblerait être faite exclusi- vement par la France, mais une partie de ces articles est d'origine allemande et belge. Chapellerie. — Les chapeaux de paille et de feutre, dont l'importation est de 50.000 fr., sont principa- lement expédiés par la France. Meubles, baguettes, moulures. — L'imporlation, qu'on peut estimer à 300.000 fr., est faite princi- palement par l'Italie, dont les meubles ne sont pas solides, mais à très bon marché. L'Autriche fournit des sièges en bois courbé. Papiers de toutes sorles, livres, gravures, cartes à jouer. — La France vend les 2/3 de l'importation, qui atteindra bientôt 600.000 fr. Machines et mécaniques de toutes sortes, chaudières, pièces délachées et organes. — La France est presque seule à fournir les machines, dont elle à importé en Tunisie pour 760.000 francs en 1895, sur une importation totale de 980.000 fr. Produils chimiques et compositions diverses. — Ces produits viennent surtout de la France qui, en 1895, a vendu pour : 193.000 fr. de produits chi- miques ; 250.000 francs de teintures préparées ; 80.000 fr. de couleurs, vernis, encre et crayons; 140.000 fr. de savons et parfumerie et 424.000 fr. d'épices, chicorée et médicaments composés. Essences et sues végétuur. — L'importalion de ces produits s'élève à 100.000 fr. Les Arabes aiment beaucoup les parfums. Allumettes. — La Tunisie consomme surtout des allumettes-bougies, qui se vendent très bon marché, soit au prix de 0 fr. 05 la boite de 130 à 160 allu- meltes. L'importation représente une valeur de 200.000 fr. environ. Bougies. — La France a presque le monopole de cet article, pour lequel la Belgique cherche à lui faire concurrence et dont l'importation s'élève à 200.000 fr. III. -— DÉBOUCITÉS COMMERCIAUX QUE LA TUNISIE PEUT OFFRIR A LA FRANCE, ET RÉCIPROQUEMENT. En présence de tels résultats, on peut être sûr que le commerce entre la France et la Tunisie ira en croissant. Il est naturellement impossible d'in- diquer à chaque commerçant ce quil pourrait vendre ou acheter en Tunisie comme produit nou- veau ; il appartient à celui qui veut entrer en rela- tions d'affaires avec ce pays de consulter les sta- tistiques de commerce, d'examiner la liste des marchandises qui s'y vendent, et choisir celles qui, fournies actuellement par l'étranger, pourraient être avantageusement fabriquées en France; il appartient au négociant qui dispose de capitaux de se rendre sur place, d'y prendre des échantil- lons des articles étrangers et de chercher à fabri- 1150 G. WOLFROM — LES RAPPORTS DE LA TUNISIE AVEC LE MARCHÉ EUROPÉEN quer ces mêmes arlicles aux mêmes conditions et même à de meilleures que ses concurrents, sans oublier ces deux principes : 4° qu'il faut se plier au goût des indigènes (combien de fois ne l'a-t-on pas répété?) et leur fournir des articles peu artis- tiques, si tel est leur goût, et 2° imiter servilement les articles que les étrangers vendent dans le pays. C'est là le seul moyen de faire concurrence. Les objets artistiques et chers seront vendus plus tard, lorsque le pays sera plus prospère et que les habitants se seront faits aux modes françaises. Pour le moment, il faut s'assurer de plus en plus le marché en luttant avec l'étranger; la France a réussi à attirer à elle la plus grande partie de l'exportation lunisienne, elle a fait beaucoup dans la création et le développement des industries ; c'est ainsi que les colons ou industriels français ont créé en Tunisie la fabrication de la chaux et du ciment, des briques et tuiles, des carrelages en ciments comprimés, des liqueurs, des boissons gazeuses, des foudres et futailles, de la glace arti- ficielle, l'imprimerie, la lithographie: c'est ainsi qu'ils ont développé et perfectionné d'autres indus- tries comme celles de la savonnerie, de la minote- rie, des pâtes alimentaires et surtout de l'huile d'olive, dont la fabricalion représente 195 établisse- ments européens, possédant 18 machines à vapeur, d’une force dé 3.146 chevaux, 222 broyeurs d'olives et 532 presses à huile; mais la France peut encore faire davantage. Pourquoi ne demanderait-elle pas à la Tunisie une partie du blé qu'elle achète à la Russie, aux Indes, à l'Amérique ? Les blés durs de la Tunisie sont, en effet, très recherchés pour la semoulerie. Pourquoi les parfumeurs français ne s'approvisionneraient-ils pas de fleurs en Tunisie ? On cultive dans les jardins de Sfax le fenouil, la co- riandre, le cumin, la rose, l’églantine, la fleur d'oranger, le jasmin et la cassie, et on y fabrique des essences qui sont recherchées dans tout l'Orient. Pourquoi les savonniers et les fabricants d'huile français ne viendraient-ils pas fonder de nouvelles usines dans un pays où ils auraient la matière première en quantité et de bonne qualité ? Pourquoi l'industriel du Nord ne prendrait-il pas son lin en Tunisie ou n’y établirait-il pas une fa- brique de fil? Combien de cultures ne pourrait-on pas développer dans ce pays et notamment l'orge, qui non seulement sert à la nourriture des che- vaux, mais est très recherchée en Europe pour la brasserie ; l'uvoine etle maïs, dont les surfaces ense- mencées sont encore bien faibles, les légumes frais, la pomme de terre, lesasperges, les tomates... qui se vendraient comme primeurs en France ; le coton, dont la culture était, parait-il, autrefois assez ré- pandue ; les condiments, auxquels le climat chaud et sec de la Tunisie communiquerait des qualités aro- matiques toutes spéciales; l'olivier lui-même, les plantes à essence, que seuls les indigènes utilisent jusqu'à présent; l’arachide, le sorgho, le pavot à opium, le mürier, qui permettrait peut-être l'élevage du ver à soie ; le citronnier, l'oranger, le fiquier, le caroubier, le grenadier, les fruits avec ou Sans noyaur, parmi lesquels il faut citer les amandes, les pis- taches, les olives de table, et enfin les fruits qui poussent en France, comme les abricots, coings, pêches et prunes. Les forêts sont appelées à se dé- velopper, surtout dans le Nord ; le sumac pousse à l’état sauvage sur les montagnes des Ourazlas ; le chêne-liège est à peine exploité. Combien d'exploi- tations à développer ou à entreprendre, comme l'élevage du bétail, l'extraction du goudron, qui serai . fourni par le pin d'Alep et le genévrier de Phéni- cie ; la pêche, le parcage des huîtres, dont certaines, qui produisent des perles, ont été signalées dans le golfe de Gabès! Combien d'industries nouvelles à créer! Les tortues de l’île Djerba fournissent des écailles très fines, le thon qui se trouve sur toutes les côtes ferait d'excellentes conserves ; dans un autre ordre d'idées, on n'a pas encore songé à faire du raisin sec, qui est d'une consommation universelle. Enfin le pays renferme, outre d'im- menses gisements de phosphale sur un grand nombre de points de la Régence, des mines de zinc, de plomb, de cuivre, de fer, qui ne sont pas encore l'objet d'une exploitation très active. Des gisements de calcaires asphaltiques ont été reconnus près de Tunis. Enfin, la Tunisie elle-même pourrait développer son commerce avec Tripoli, qui fait annuellement un chiffre d'affaires de plus de 22.000.000 de francs, dont 1.500.000 avec la Régence. L'Europe fabrique couramment des marchan- dises uniquement recherchées pour le commerce soudanien : cotonnades, soieries, quincaillerie, etc., marchandises dont la couleur, la longueur, le pliage sont en conformité avec les usages du pays. La Tunisie en produit aussi une notable quan- tité, tels que les tissus indigènes de laine et de coton, les étoffes, les couvertures, les haïks, les burnous du Djerid, des Matmata, de Djerba, de : Kassen Kellah, les tissus de soie, les chéchias, les vêtements en étoffes indigènes el européennes, pour la confection desquels Tunis a une spécialité reconnue. Îl faut donc que la Tunisie vienne en. concurrence avec l'Europe pour tous les articles du commerce saharien et soudanien. Qu'on ne s'attende pas à trouver ici l'énuméra- tion complète des débouchés que peut offrir le pays. C'est à chacun de s'enquérir de ce qu'il peut faire en Tunisie, et pour cela, il faut consulter les statis- RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN 1151 tique et les rapports commerciaux qui abondent en France, tant ceux qui sont publiés par les mi- nistères des Affaires étrangères, des Colonies, du Commerce, des Finances, de l'Agriculture, que ceux qui sont mis à la disposition du public par la Direction de l'Agriculture et du Commerce de Tunis. Il faut au simple vu des stalistiques, c'est- à-dire de la liste des marchandises, de leur im- portance au point de vue des transactions et de leur origine, que le négociant voie sur quels articles il peut exercer la concurrence. C'est ainsi qu'il verra que la France à à subir une sérieuse concur- rence pour les tissus de coton ; les tissus de chanvre, lin, jute ; la bijouterie, les meubles, les fruits, les fromages, les vins, les fils de coton. Il s'apercevra aussi en lisantles rapports commerciaux que l'usage de la bière augmente, que les sirops et la confiserie offrent un débouché qui prend de l'importance; que les alcools ne viennent pas de France, qu'on vend en Tunisie du poisson salé, des conserves à l'huile, des cotons filés en masse, qui viennent surtout d'Angleterre et de Malte; des bois de con- truction fournis par la Suède et la Norvège, des meubles qui sont italiens, des tissus de coton et de toile qui viennent d'Angleterre. Il verra qu'on importe en Tunisie des cartes à jouer, des papiers à cigarettes, de la bonneterie, des galons or et argent faux, des tasses à café en porcelaine, des verres de lampe, de la tabletterie, miroiterie, de la houille, de la serrurerie, coutel- lerie et articles de ménage, des jeux d'enfants, des verres à vitres, de la poterie en terre commune, des carreaux el pavés céramiques et de la gobe- leterie qui ne viennent pas de France. Les débouchés sont tout indiqués. La France possède ou fabrique, elle aussi, tous ces articles ; qu'elle lutte donc avec les autres pays, comme elle lutte pour s'assurer le monopole des tissus de laine et de soie. La France fournit bien les draperies de choix et les belles étoffes de laine pour robes et manteaux ; mais l'Angleterre, l'Autriche et l'Italie expédient plus de la moitié des tissus de laine qui sont de qualité médiocre, Enfin, il ne faut pas que le commercant français se contente de rechercher quels sont les articles qu'il peut vendre dansle pays concurremment avec l'étranger ; il faut qu'il voie quels sont les articles nouveaux qu'il peut y importer et les matières nou- velles qu'il peut en tirer ; il s'en apercevra au fur et à mesure que la population européenne s'accroitra, que la population indigène se rapprochera de plus en plus des Européens pour les mœurs et les habi- tudes, au fur et à mesure que le pays s’enrichira, c'est-à-dire que ses besoins deviendront plus nom- breux. mais courante. G. Wolfrom. LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN [. — LE COMMERCE TRANS-SAIARIEN EN TUNISIE. Le Soudan, qui n’a qu'une industrie très rudimen- taire, esttributaire de l'Europe et de la région côtière méditerranéenne de l'Afrique, la Berbérie, pour la plus grande quantité des produits manufacturés. D'autre part, l'Europe et la Berbérie ont à deman- der à la région soudanienne tous les produits na- turels qu'elles tirent des pays tropicaux et que ce pays produit ou peut produire. De ce double besoin d'échanges nait un courant commercial. Avant que les progrès de la navigation aient livré aux Européens les côtes soudaniennes, le courant s'établissait exclusivement à travers le Sahara avec la Berbérie. C'était le commerce trans- saharien. Le Sahara présente une zone de 4.500 à 2.000 kil. de largeur, avec un elimat rendu extrême par l'ab- sence de pluies régulières, et, sauf en un très petit nombre de zones étroitement limitées, un sol infer- tile, de rares points d'eau et une population no- made, extrêmement clairsemée, farouche, indomp- table, cupide et pillarde. Les caravanes commerciales ne peuvent,en une seule traite, traverser une région aussi large et aussi inhospitalière. Il s'est donc créé, aux rares points d’eau importants de la région, des centres d'occupation fixes jalonnant les routes commercia- les. Le commerce trans-saharien se fait au moyen de ces centres jouant tantôt le rôle d'intermédiaires successifs, tantôt celui de simples étapes. La composition de ces centres est uniforme el bien appropriée à leur rôle. On y trouve, autour d'un point d’eau, une surface irriguée, condition indispensable à toute culture dans le Sahara et présentant, outre son oasis de palmiers, quelques raresarbres fruitiers et quelques légumes. Lapopu- lation y est uniformément composée de trois élé- ments : 1° Un groupe berbère blanc et sédentaire, — plus ou moins nigritisé par le mélange avec des noirs sou- daniens, mélange qui forme un tempérament plus 1152 RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN résistant au climat, — constitue l'élément commer- cant. On y retrouve les aptitudes spéciales de la race berbère pour le commerce par caravanes, avec son esprit de caleul et sa prudence mélangée d'audace. 2° À côté et au-dessous vit, dans le servage et vouée à la culture du sol, une population noire, seule capable d'un travail continu dans ces climats brülants, et réfractaire aux fièvres que développent, chez les hommes de race blanche, les émanations d'une terre irriguée et surchauffée. et sud de cette mer saharienne se trouvent, pour les caravanes, des ports de départ et d'arrivée, où les marchandises des pays voisins se concentrent pour l'importation, et d'où les marchandises impor- tées se dispersent dans les régions environnantes. Ces marchés sont peu nombreux, car ils exigent un personnel spécial, difficile à former et expert dans le commerce des marchandises de grand prix, les seules qui puissent supporter les frais de transport de 120 à 150 francs par quintal que leur impose la 12e o E.Michiels del. Fig. 1. — Carle des caravanes trans-sahariennes. 3° Enfin, un troisième élément est constitué par un groupe nomade de race arabe ou berbère, ou plus ou moins mélangée de ces deux éléments. C'est ce groupe qui fournit les caravaniers, les convoyeurs et les escortes des caravanes. Ces nomades passent leur vie errante autour du centre saharien auquel ils se rattachent, el qui est leur base de ravitaille- ment etleur marché. Telle est la constitution et le fonctionnement de ces centres répartis sur la surface du Sahara. C'est là que se concentre la vie de ces régions désolées. Le commerce trans-saharien peut être comparé à une navigation sur une mer de 2,000 kil. de largeur, avec escales dans ces centres. Sur les rivages nord traversée du Sahara par caravane. Ce négoce n'est pas l'affaire du pelit commerçant barbaresque dans son échoppe ou du colporteur avec sa balle: c'est l'affaire de commerçants intelligents et au- dacieux, connaissant le marché européen, possé- dant des capitaux pour faire des approvisionne- ments, acheter sans retard les marchandises aux caravanes el les revendre en temps opportun; ces commerçants doivent aussi connaître les mar- chés soudanéens et y suivre avec soin l'offre et la demande, soumises à la mode, qui, dans ce pays, plus tyrannique encore que chez nous, im- prime des oscillations folles à la valeur de certai- nes marchandises, aujourd'hui demandées à tout \5 A | RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN 1153 prix, le lendemain dédaignées et sans valeur. De ces ports sahariens partent des lignes de tra- versée du Sahara par les caravanes. Elles sont au nombre de sept (fig. 1), savoir de l’ouest à l’est : 1° La ligne Tombouctou-Tindouf aboutissant au Maroc ; 2° La ligne Tombouctou-Insalah-Touat-Gourara, aboutissant à l'Algérie : 3° La ligne Kano-Amadghor-Ouargla ; % La ligne Kano- ou Kouka-Rhat-Rhadamès et la Tunisie ou Tripoli ; 5° La ligne Kouka-Kaouar, le Fezzan-Tripoli ; 6° La ligne Abeché dans le Ouadaï, Ouadjanga Koufra-Djado-Benghazi : débuts, ont mis au cœur de la population indigène des sentiments de colère et d'antipathie contre nous, qui, s'étendant aux populations sahariennes, leur ont inspiré la crainte d'entrer en relations avec nous. Un très maladroit essai de douanes sahariennes, que nous avons fait dans le Sud algérien, a fermé ensuite complètement les voies trans-sahariennes aboutissant en Algérie. Nous nous trouvons dans de meilleures condi- tions en Tunisie. Notre frontière saharienne y est douanière. Une conquête facile et rapide n'a pas laissé dans le restée franche de toute barrière | pays les levains qui naissent toujours de l'emploi Fig. 2. — Marchands aux environs de Djara. o « 4} Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci:. 7° La ligne égyptienne qui suit le Nil. Le commerce trans-saharien, qui existait déjà au temps de Carthage et de Rome, est devenu particu- lièrement florissant du x° au xvi° siècle, alors que la Berbérie islamisée, mais délivrée de ses oppres- seurs arabes, rayonnant au dehors, fit pénétrer au Soudan l'Islam, qui devint comme un pont jeté entre les deux pays sur le Sahara. Aujourd'hui ce commerce est tombé dans une complète décadence, qui tient aux causes suivantes que nous ne ferons qu'énumérer : 1° L'établissement en Berbérie, depuis le xvi° siè- cle, de l'autorité turque, qui là, comme partout où elle s'est établie, n'a pas tardé à tarir les sources de la prospérité locale. 2° La conquête française de l'Algérie. Les trente- cinq années de guerre qui en ont marqué les prolongé de la violence. La population, à qui nous avons conservé ses lois, ses coutumes et son gou- vernement, ne voit en nous ni des ennemis, ni des oppresseurs, et est disposée à nous seconder. 3° La suppression de la traite des nègres, qui for- mait la principale et la plus avantageuse des mar- chandises soudanniennes. 4 L'occupation des côtes soudanniennes par les Européens, occupation commencée au xvi° siècle et si vivement poussée dans le siècle actuel et par- ticulièrement dans les trente dernières années, avec pénétration profonde dans l'intérieur et drai- nage vers la côte des produits soudanais. Dans les dernières années, depuis 1890, d'autres causes sont venues encore s'ajouter aux précé- dentes, à savoir : la conquête du Bornou par Rabah et l'anarchie qui en a été la suite, et notre instal- 1154 RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN lation à Tombouctou. Mais ce sont là des causes momentanées, dont l'effet doit disparaître assez promptement, et l'on peut considérer que l'état du ecommerce trans-saharien, tel qu'il était en 1890, pré- sente un état d'équilibre auquel on reviendra bientôt et qui se maintiendra aussi longtemps que de nouvelles causes de changement, durables et profondes, n'interviendront pas. D'après les renseignements assez précis que l'on possède, on peut évaluer comme suit l'état du commerce trans-saharien en 1890 : Route de Tombouetou à Tindouf (Maroc).. 1.700.000 f. — de Tombouctou au Touat.......... 150.000 — de Kano par Amäghdor à Ouargla. » — de Rhat à Tripoli par Rhadamès... 2.000.000 — — directes. 22 2" 1.000.000 — de /Bornou arbore eee l — d'Abéché à Tripoli par Koufra x 5.500.000 BEN ES DE LEE Ann ete AD 0 2 = LOU NES SERRES ee An Prat E » OUALLA ARE ar en 10.950.000 atteint le chiffre de 600.000 habitants pour tout le Sahara et donne lieu à un commerce qu'on peul évaluer à 6.000.000 de francs. Ce commerce saha- rien s'écoule par des courants particuliers, allant de la Berbérie et du Soudan vers les centres saha- riens, formant comme des affluents des voies lrans- sahariennes, affluents qui contribuent au trafic de ces voies, en assurent le fonctionnement et la con- tinuité et servent, en quelque sorte, à les amorcer pour le commerce entre le Soudan et la Berbérie, comme on amorce un siphon-en un point intermé- diaire pour y déterminer l'établissement d’un cou- rant entre les deux extrémités. C'est donc en tout à 11.000.000 de francs qu'il faut évaluer, à la date de 1890, le commerce qui est fait dans tout le Sahara de la mer Rouge à l'Atlan- tique. C'est bien, comme nousl'avons dit, une déca- dence complète. Le commerce trans-saharien a dû Fig. 3. — Chumeaux portant des femmes dans le Sud tunisien. Photographie de MM, Neurdein frères. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et C'e. On voit qu'en 1890 l'Algérie et la Tunisie ne faisaient pas de commerce trans-saharien et que Tripoli faisait à lui seul les 4/5 de la totalité de ce commerce. C'est une sorte de monopole en faveur de cette place, et il s'est créé à Tripoli pour le com- merce une base d'opérations exceptionnelle et un personnel spécial, qu'on ne trouve en aucun autre point avec de semblables aptitudes et des moyens d'action aussi développés. Le commerce trans saharien proprement dit a une annexe dans le commerce saharien, qui a pour objet l'approvisionnement de la populalion saba- rienne elle-même en moyens de subsistance et en objets de consommation qui lui manquent. Cette population est vivace,active profondément attachée au pays où elle vit et n’a pas de tendances notables à diminuer, En laissant de côté la vallée du Nil, elle être,au moment de sa grande prospérité, quinze ou vingt fois ce qu'il était en 1890.Au milieu du siècle actuel, il représentait encore un mouvement d'affaires de cinquante à soixante millions. Il faudrait, pour ramener de pareils chiffres, la construction d'un chemin de fer trans-saharien, qui détruirait toute possibilité de concurrence par les côtes soudaniennes dans l'exploitation de cet immense marché de l'Afrique tropicale. Nous ne signalerons ce projet,si souvent ramené en discus- sion et si souvent abandonné, qu'à titre d'observa- tion : ce n'est pas ici le lieu de traiter cette ques- tion. Mais, sans penser à changer complètement par une semblable entreprise le courant des choses, on peut,sur une échelle moindre,chercher à influencer les courants sahariens. Si l’on crée, en un empla- RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN 1155 cement favorable,une base commerciale bien orga- nisée sur le modèle de la place de Tripoli, si l'on ouvre une route saharienne aboutissant à ce point, ou si l'on revivifie une route autrefois fréquentée, si l'on détruit les préventions que nourrissent Con- tre les Européens les populations sahariennes, en employant à leur égard les bons procédés , la loyauté parfaite et la fermeté, si enfin on amorce le mouvement par des conces - sions faites aux premiers com - merçanis qui s'a- ventureront sur cette voie, on peut espérer détourner, au profit de la nouvelle voie, une part du commerce saharien et ensuite, en produisant à l'autre extrémité de la Fig. 4, — Caravane en marche. Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet. — Photogravure de MM, Rougeron, Vignerot et Cif. ciale, que nous avons évaluée, pour 4890, à un chiffre d'affaires de 3.000.000 de francs pour les transac- tions trans-sahariennes, auxquelles on peutajouter environ un million et demi ou deux millions pour le commerce sa- harien. C'est Tri- poli qui bénéficie actuellement de ce commerce: Le but de la Tunisie est de l’attirer à elleenledévelop- pant encore. IT, — LA VOIE coM- MERCIALE TRANS- SAHARIENNE : TUNISIE, RHADA- MÈS, RIHAT ET LE SOUDAN La voie trans- saharienne Rha- damès et Rhat fait bien partie de l’hinterland dans lequel la Tunisie est en droit, d'après la admise actuellement, de faire sentir son théorie action. Fig. 5. — Guermessa, sur la roule de Tunisie à Rhadames. Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci*. route sur le marché soudanien un appel plus éner- gique, faire sentir jusque-là son action. C'est le but que s'est proposé la Tunisie, et, par sa situation géographique et la politique suivie depuis le début de l’occupation,elle est bien placée pour réussir, elle peut espérer dériver de son côté le courant qui s'écoule par les voies de Rhat et Rha- damès et augmenter sur ces voies l’activité commer- Cet hinterland, comme celui des autres pays de la côte méditerranéenne, se prolonge dans le Sahara jusqu'au Soudan. Le Sahara étant une région de transit entre le Soudan et la Berbérie, où les seuls traits saillants sont les voies de communication entre ces deux pays, le partage entre les hinter- lands particuliers s’y réduira à l'attribution à cha- eun des divers possesseurs de la côte méditerra- 1156 RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN néenne de celles de ces voies qui aboutissent sur son territoire. Comme ces voies ont toutes la direc- tion des méridiens, c'est done en prolongeant dans le Sahara les méridiens extrêmes des pays de la côte qu'on déterminera ment jalonné de points d’eau, se succédant sur tout le parcours, régulièrement espacés et ne lais- sant pas entre eux d'intervalles de plus de 90 kilo- mètres. La route est tracée sur un sol ferme et les limites de leurs hin- Pr terlands respectifs. Le méridien Zarsis- Dehiba, qui limite ainsi à l’est l'hinterland tuni- sien, est le 9. Or Rhadamès est par 6° 85 Rhatipar: "#78 Kano par....... 6° Ces points dépendent done bien de l'hinter- land tunisien. De plus, le plus court plat, facilement pratica- ble aux hommes et aux animaux, avec des pàtu- rages convenables pour ces derniers. Celte route est égale- ment bien plus avanta- geuse que celles qui se dirigent de Rhadamès vers nos possessions af- gériennes.Ces dernières, plus longues de 1/3 au moins, doivent, en effet, traverser l'Erg ou mer de sable, pendant la plus grande parlie du trajet chemin de Rhadamès sur un sol de sable pul- vers la côte méditerra- vérulent, en franchis - néenne se trouve dans s sant par des cols élevés la direction du lac tuni- Fig. 6. — Médénine. des chaines de dunes S ! 6 Le Ë Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet. — Photogravure rt sien des Bibans avec j de MM. Rougeron, Vignerot et Ci. successives aux flancs une distance à vol d'oi- seau de 400 kil. De Rhadamès à Tripoli, il y a 500 kil., soit un quart en plus de la distance à la côte tunisienne. TRS DENT ei 2 FR PME REA A NS 204 A PPT PER UE mouvants, Elles présen- tent toutes, dans la partie correspondant aux dunes les plus élevées, vers Rhadamès, une lacune dépour- vue d’eau d’une largeur de 300 k., qui constitue un Fig. 7. — Djelledat. Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet, — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci*. Si, au lieu de ne considérer que les distances à vol d'oiseau, on lient compte de la qualité et de la facilité des chemins, on arrive, par la comparaison, à un résultat plus net encore. Eneffet, l'itinéraire de Rhadamès à Tataouïn, notre premier poste tunisien dans le Sud, est parfaite- obstacle considérable, et aboutissent sur la lisière saharienne de l'Algérie à des points encore éloignés de la côte de 350 à 400 kil. La ligne Rhadamès, Rhat, Kano, comprise dans l'hinterland tunisien, présentant son débouché le plus court et le plus facile vers la Tunisie, est RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN 1157 donc bien la voie trans-saharienne de la Tunisie. | plus commodes pour relayer sur la route qui mène Mais sur celte route, avant que le traité de Berlin ait défini les droits des possesseurs des cû- tes africaines sur leur hinterland, nous avons été devancés par les Tures établis en Tripoli- taine, qui occupent Rha- damès et Rhat avec des garnisons permanentes. Nous devons donc con- sidérer ces deux points comme faisant partie du terriloire ottoman et ne pas penser à y prendre pied, aussi longtemps du moins que les cir- constances politiques ac- tuelles ne seront pas changées. Mais nous a- vons eu soin de ne ja- mais reconnaitre à la Turquie aucun droit en dehors de l'enceinte de ces deux villes. Nous a- vons toujours considéré les populations saha - riennes nomades qui ont Rhadamès et Rhat pour centres, les Touaregs Azdjer, comme indépendants de la Porte, et nous avons constamment rejeté toute ingérence des aulo- rités ottoma - nes dans nos rapports avec ces Sahariens. Turcs n'ont jamais, d'ailleurs, fait d'objections à cet égard dans les nom- Les breuses cir- constances où la question s'est posée sur le terrain. Nous restons donc toujours maitres de traiteravecles Touaregs et de circuler sur le territoire de ces Sahariens. Rhada- mès et Rhat sont, sans aucun doute, les points les Fig. $. — Maisons à Médénine. Photographie de M: le Lieutenant-Colonel Rébillet. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, Fig. 9. — Talaouin. Vignerot et Ci°. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, cupation turque, le commerce de relativement prospère et envoyail ses caravanes du Sud tunisien au Sou- dan; mais, en cas de né- cessité,on peut les tour- ner, el, si nous réussis- sions, après entente avec les Touaregs Azdijer, à avoir la libre circulation dans leur pays et à y faire prédominer notre influence et nos vues, les Turcs pourraientse trou- ver bien embarrassés de leur occupalion de Rha- damès et de Rhat. milieu du xvur siècle, la ville de Rhadamès fut rattachée à la Régence de Tunis et Jusqu'au payait l'impôt au bey du elle indépendance au repril son mo- mentoù l'autorité du bey Pays ; diminua, et elle domina dans tout le Sud par suite de la faiblesse du gouvernemen£L. Les x bloqués dans leur ville Rhadamésiens par lesnomadesenviron- nants, pouvaient sortir qu'en payant des n'en redevances à toutes les tribus qui les entouraient. Sur la route du souf algérien, ils payaient aux Souafas et aux Chambaas ; sur la route de Tunisie, ils payaient aux Oughanmma, tribu tuni- sienne, beli- queuse, très remuante qui occupe la par- tie la plus mé- ridionale du lerritoire de la Régence et commande ainsi la route de Rhadamès. A ce etjusqu'à l'oc- Rhadames était Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet. — Photogravure de MM. Rougeron, moment 23 f 1158 RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN sur toutes les routes qui divergent de cette ville. Rhadamès se maintenait dans l'indépendance par rapport à la Tripolitaine et à la Tunisie, mais, en raison de ses traditions, faisait la plus grande partie de son commerce avec cette dernière. Le dernier des pachas de la dynastie de Kara- manlis, qui régna à Tripoli, dirigea, en 1840, une expédition sur Rhadamès, où ilfit reconnaitre son autorité. Il affran- chit en même temps le commer- cette ville de toutes les re- devances qu'il payait aux tribus tripolitaines, mais il resla impuissant délivrer de l'oppression des Touaregs indé- pendants, des Ou- ce de à la ghammas siens, des Cham- baas et des Souafas algériens. C'est de cette époque que date l'abandon, à peu près complet, du débouché commercial de Rhada- mès sur la Tunisie, par Gabès, et sur l'Algérie par le Souf et Ouargla. La route de Tripoli, largement ouverte et dé- livrée de l'o- bligation des redevances, dévint plus avantageuse aux Carava- nes. En même temps, les Rhadamé- siens préten- dirent s'af- franchirégale- mentdesrede- vances qu'ils payaient aux Oughammas et aux Cham- baas, qui entrèrent immédiatement en hostilités avec eux, razzièrent leurs caravanes venant en Tu- nisie et en Algérie, et aclivèrent ainsi l'œuvre entreprise par Youssef pacha, en ruinant complé- tement le commerce de ces deux pays avec Rha- damès. En 1842 les Karamanlis étaient chassés de Tripoli tuni- Fig. 10. — Chameaux de caravane buvant dans un ruisseau. Photographie de MM. Neurdein frères, — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. Fig. 14.— Place du marché à Tataouin. Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci, par les Turcs, etla Régence devenait une simple province de l'Empire Ottoman. Rhadamès reçut un représentant de l'autorité turque. Le nouvel état de choses ne fit qu'accentuer la situation par rap- port à Tripoli, d’une part, à la Tunisie et à l'Algérie, de l’autre. La route de Tripoli devint décidément le seul débouché de Rhadamès vers la mer, et l’hosti- lité des Ougham- mas et des Cham- baas, redoublant leurs razzias, fer- ma plus que ja- mais les routes de la Tunisie etde l'Algérie. Du côté de l’Al- gérie, cet état de guerre cessa quand, en 1854, la. conquête de Ouargla, faite pour notre compte par les Oulad Sidi Cheikh, rangea, sous l'autorité res- pectée de ces mai- tres, les Cham- baas, leurs serviteurs religieux. Les Oulad Sidi Cheikh rétablirent la paix avec Rhadamès et favo- risèrent le commerce entre l'Algérie et cette loca- lité. Le courant commercial, interrompu autrefois, a repris de- puiscelemps, mais : dans des propor- tions extré- mement ré- duites, tant à cause de la prépondéran- ce qu'avait prise, entre temps,le mar- ché de Tripo- li, que d’un maladroit es- sai de doua- nes saharien- nes fait par nous en Algérie. La mission Mircher envoyée par nous à Rhadamès en 1862 et le traité qu'elle, passa alors avec les Touaregs Azdjer, ne modifièrent pas sensiblement la situation. Du côté des Arghammas tunisiens, rien ne vint arrêter le cours des hostilités contre Rhadamès, et nous avons trouvé cette situation sans aucun chan- on dus RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN 1159 Touaregs; c'était une sorte de reconnaissance tentée par les Salariens. L'année 1893 a vu des tentatives plus sérieuses. Il est gement à notre arrivée en Tunisie. La paix n'avait été rétablie qu'à partir de l’année 1889, quand nous nous étions décidés à faire entrer, dans la soumission el arrivé à Tataouïn 19 caravanes dans la paix, les Oughammas jusqu'alors indépendants du gouvernement tunisien. On peutdire que depuis qua- rante ans le commerce de Rhadamès avec la Régence de Tripoli était mort. Pendant ce laps de temps jusqu'en 1890, aucune caravane Rhadamé- sienne n'aurait osés'aventurer dans cette direction. Quelques maigres caravanes partant de la frontière tunisienne, 30 ou 40 chameaux au plus chaque année, avaient continué à aller, dans les moments favo- rables,ense dissimulant entre les dunes del'Erg et en évitant les points d'eau, porter à Rha- damès quelques produits lo- eaux: huile, beurre, grains, rapportant en échange quel- ques rares marchandises sou- daniennes et quelques es- claves. Mais, depuis 1890, la paix la plus complète règne sur notre frontière tripo- litaine; les Arghammas sont maintenant soumis de Rhadamésiens et de Toua- regs, comprenant 90 hommes et 414 chameaux; en 41894, 10 caravanes de Rhadamésiens et de Touaregs avec 63 hom- mes el 303 chameaux, dans les mêmes conditions que l'année précédente. L'année 1895 a donné un chiffre d'affairescommerciales de 300.000 fr. L'année 1896 avait bien commencé et pro- mettait un progrès notable, quand le massacre du mar- quis de Morès et d'un certain nombre de ses compagnons est venu marquer un temps d'arrêt dans les transactions. Elles tendent aujourd'hui à reprendre,etce ne sera proba- blement qu'un ralentissement passager. Telle est à ce jour l'état des relations de la Tunisie avec Rhadamès; avant d'exa- miner les moyens à employer Fig. 12. — Cor ducleur de caravane. Photographie de M. Journo. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie pour les développer dans l'avenir, nous étudierons d’un peu plus près l’hinterland Tunisien. et pacifiques. La route de Rhadamès est absolument sûre et placée sous leur pro- tection même et le commer- ce de cette ville montre une sérieuse tendance à reprendre cette route abandonnée depuis qua- rante ans. En 1890, nous avons vu arriver à Ta- taouïn, notre poste le plus avancé dans le Sud, une première caravane de | Fig. 13. — Zouura. Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet, — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Ci, IT. L'HINTERLAND TUNISIEN Se! Sen Rhadamès est un centre saharien qui fonctionne. dans les con- dilions que nousavonsin- diquées plus haut, avec une triple po- pulation de commer- çants, de cul- tivateursetde caravaniers. Petite ville de 7.000 à 8.000 habitants, entourée Rhadamésiens; en 1891, une pelite caravane de | de toutes parts d'un terrain de roc ou de sable 1160 improduetif,elle a une petite oasis de 75 hectares, qu'elle arrose péniblement à l'aide d’une source et dequelquespuits, avec60,000 palmiers donnant des dattes de qualité inférieure et quelques légumes, pointdecéréales, point de bétail. À 100 kilomètres dans l’est, Derdj, belle oasis de 450.000 palmiers, avec une popula- tion de cultiva- teurs, appartient tout entière aux Rhadamésiens, dont elle forme la colonie agricole. Smaoun, à mi- chemin entre Rhadamès et la Tunisie, est le centre de la tri- bu arabe des Oulad Bellil, caravaniers des Rhadamésiens etsouvent commercants eux-mêmes. Rhadamès, Derdj et Smaoun constituent en- semble un centre saharien complet, et forment une division ad- ministrative de la Tripoli- laine, à la tête de laquelle se trouve un caïimacan sidant à Rha- damès même et appuyé ré- garni- de 100 hommes d'in- d'une son fanterie et de 20 cavaliers irréguliers. L'élément commerçant , 3erbères, blancs plus ou moins ni- gritisés, pré- sente à un haut degré le caractère et les aptitudes particulières à cette race pour le négoce. Les Rhadamésiens se procurent, directement el jusqu'ici presque exclusivement à Tripoli, les pro- duits d'Europe et des pays barbaresques, et les expédient au Soudan par des, cæravanes, qu'ils REBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN Fig. 14. — Arabes tirant de l'eau à un puits saharien. Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, Fig. 15. — Campement saharien. Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet. — Photogravure de MM, Rougeron, Vignerot et Cie. forment eux-mêmes soit par Rhat à Kouka et à Kano, soit par Insalah à Tombouctou. Ils ont, sur ces trois marchés soudaniens, des correspondants établis à demeure, qui forment les caravanes de retour. Mais Rha- damès, : depuis quelque temps, faire la plus grande par- lie de son com- merce avec Rhat, sur le marché de laquelle la plupart de commerçants, restreignant ain- si l'amplitude de leurs opérations, vont faire leurs achats et leurs ventes. tend à ses Le commerce transsaharien de Rhadamès, qui était en 1862, lors de la mission Mircher, de 3.000,000 de francs, a notablement diminué depuis ce temps et ne peut plus être évalué qu'à 2.000.000. Il se compose, pour les pro- duits envoyés au Soudan : De , mar- chandises eu- ropéennes . par Tripoli : Co- tonnaudes, étoffes de laine et de soie, verroterie, sucre, quincail- lerie ; De mar- chandises fournies di- rectement par la Tripolitai- ne et surtout par la Tuni- sie : Vêtements venant draps, en laine et en drap confectionnés, étoffes de laine et de soie, chéchias, éloffes et cuirs brodés, tapis. Ceux de ces produits qui viennent de Tunisie arrivaient à Rhadamès par Tripoli, depuis que la roule de terre est coupée; ils paient ainsi 8 °/, de droit d'importation en Tunisie, et 8 */, de droit DRE RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN 1161 d'importation en Tripolitaine. Par la voie de terre de Tunis à Rhadamès, si la cireulalion y était réta- blie, comme il n’y a pas de douanes à la frontière Tuniso-Tripolilaine, ce serait donc, pour la valeur de ces produits rendus qe marché de Rha- |» ; damès, une éco- nomie de 16 °/,. Les marchan- dises apportées du Soudan sont : L'ivoire, les plu- mes d'autrucle, la cire et la gom- me, les peaux tannées de bufies, d'antilopes, de Chèvres et de mou- tons, la poudre d'or, les peaux de digres, pantlières et lions, le natron el autres produits 1 sur le médicinaux, le bekbour, résine odorante, et la civelte, produit animal odorant, l'indigo et autres matières tinctoriales plus où moins communes. Certains Fig. 16. — Caravane en marche dans le Sahara. Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet.— Photogravure de MM. Rougeron. Vignerot et C', mêmes leurs achats et leurs ventes à Tripoli et à Rhat et touchent les bénéfices complets de ces opé- rations. Ils ne verraient done pas sans crainte leur marché envahi par des caravanes étrangères venant d'Algérie et de M ï‘unisie, ou né- | gligé par des caravanes de | méme prove- nance traversant directement le Sahara. Les prin- cipaux commer- cants de Rhada- mès forment parti qui redoute no- tre activité dans donc un le Sahara et qui nous est hostile. Il est entretenu dans son hosti- lité par l'impru- dence fde cer- tains voyageurs qui sont allés jusqu'au centre de leur ville exposer aux Rhadamésiens des projets de commerce direct trans-saharien, Les auto- de ces pro- duitsvonten Europe par Tripoli, d'autres sont sommés par les popula- tions de la Tripolitaine. et surtout de la Tuni- sie; ceux de ces produits quiviennent en Tunisie, s'y rendent con- rilés otto - manes elles- mêmes,crai- gnantou fei- gnant de craindre n0s visées Rhadamès, entretien- sur nent la po- pulation dans ces 1- dées et in- terdiscnt l'entrée de la ville aux Européens ; Aépuenle; Fig. 17. — Caravane au repes. mais elles à DORE ment pat Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet. — Photogravure de MM. Rougeron, ne singe - Tripoli et la voie de mer, el on peut faire à leur sujet la même observa- tion que plus haut eu ce qui concerne les droits qu'ils paient à l'embarquementetau débarquement, pour l'économie qui résulterait de leur transport par la voie de terre. Les Rhadamésiens organisent eux-mêmes leurs caravanes d'importation et d'exportalion, font eux- Vignerot et C'*. rent pas d'y gêner notre commerce fait au moyen de caravanes tunisiennes, Pour achever de donner une idée exacte de Rha- damès, il faut encore parler de l'influence dont y jouissent les Touaregs Azdjer. Maîtres de la route de Rhat et du Soudan, en outre des redevances qu'ils sur la lation des caravanes, ils ont, à l'égard de leurs commerciale perçoivent circu- 1162 RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN protégés Rhadamésiens, des exigences indiscrètes. Rhadamès est un de leurs marchés ; ils s’y rendent souvent, campent autour de la ville et en exploitent impudemment les habitants. L'autorité turque est obligée de supporter ces écarts de conduite et de s'abstenir à l'é- gard des Toua- regs, qui ne man- queraient pas, s'ils étaient lob- jet de mesures de répression, d'u- ser de représail- les sur les cara- vanes Rhadamé - siennes dans le Sahara, où l’au- torité ottomane ne pénètre pas. $ 2, — Rhat. Rhat grand marché sa- harienoüuaffluent est un les commerçants Barbaresques, Soudaniens et ceux des centres saha- rienset les nomadesenvironnants. On vient à la foire d'hiver de Rhat, de Kouka, de Kano, deSokoto, d’Aïr, de Tombouctou, de l’Adghar, de Taoudeni, du Touat, d'Insalah, des Hoggar, de Kaouar, du Fez- zan,de Rhadamès, de Tripoli et de Benghazi. Enfin Rhat est le prin- cipal marché des Touaregs Azdjer. I] se fait àRhal un chiffre d’af- faires trans-sa- hariennes de 3.000.000 de francs et de 1.000.000 à 1.500.000 francs Fiu. 45. — Puils saharien. Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. est, en effet, plus directe, plus courte, plus facile et plus sûre que la route de Rhat à Tripoli, qui doit passer par le Fezzan en faisant un grand détour. Rhat, situé à 600 kilomètres au sud de Rhadamès, au milieu du territoire des Touaregs Azdjer, est une petite cité de 9.000 habitants, entourée d’une petite oasis, et fonctionne com- me un centre sa- harien dans les mêmes condi- tions que Rhada- mès. Rhat vécut in- dépendant jus- qu'en 1874, date laquelle les Tures y mirent une gar- nison de 50 hom- mes d'infanterie. L'importance de cette prise de pos- contre laquelle nous aurions pu protester et que nous aurions pu empêcher, nous échappa complètement à ce moment. En 1886, à la suile d’un conflit qui éelala entre les Touaregs Azdjer et la population de Rhat soutenue par la garnison tur- que, les Touaregs s'emparèrent de la ville par la for- ce et massacrè- rent ou emmenè- rent en captivité la garnison. Les Turcs rentrèrent l'année suivante à Rhat à la suite d'un compromis avec les Toua- regs ; mais leur rôle y est fort ef- facé et se borne à session , de commerce sa- Fig. 19. — Oasis saharienne. uneaction de pré- harien. Les 2/3 de Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet, — Photogravure de MM. Rougéron, sence qui ne dé- ce commerce se font avec Rhadamès et reviendront à quand hous aurons reconquis pour celle-ci le mar- ché de cette place ; 1/3 se fait directement avec Tripoli, et pourra de même se faire directement avec la Tunisie, ou avec celle-ci par l'intermédiaire la Tunisie de Rhadamès, mieux et à meilleur marché appro- visionnée. La route de Rhat à Gabès par Rhadamès Vignerot et Ci*. passe d’ailleurs pas les murs de la ville : les Touaregs restent les vrais maitres de la situation. $ 3. — Les Touaregs Azdjer. A partir de Rhadamès commence, dans notre hinterland tunisien, le territoire des Touaregs Azd- jer, qui s'étendent jusque vers l'Aïr. Les Azdjer, ( RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN 1103 fraction de la grande famille des Touaregs, sont 20.000 sur un territoire grand comme la France, si infertile et si pauvre que la recherche de la nourriture de chaque jour est pour sa population un problème constant et souvent insuffisamment résolu, de sorte que la caractéristique du Touareg est d'avoir toujours faim. Les Touaregs, de race berbère, se font remar- quer par un sau- vage amour de l'indépendance , etune étroite soli- darité, une gran- de bravoure et un cerlain esprit chevaleresque dans les rapports intérieurs des tribus; mais ils montrent un ex- clusivisme de race poussé si loin qu'ils se croient tout per- mis à l'égard des étrangers etn'ob- servent plus en- Vers CeuX-Ci au- cune des règles morales qu'ils pratiquent entre eux. Ils devien- nent alors men- teurs, traitres le plus lâche guelt-apens, le même femme , l'empoisonne- meurtre d'une leur coûtent pas. Ils semontrent hon- teuserment ment, ne avi - deset mendiants sans pudeur. Le meurtre de Ma- demoiselle Tynné et de sa suite en 1869, sur la route du Fezzan à Rhat, de Dourneaux-Duperré en 1879, des Pères blanes en 1876 et en 1880; le massacre de la mission Flatters en 1882, le massacre du mar- quis de Morès et de cinq de ses compagnons il } a quelques mois, témoignent contre cette race. Tel est le caractère des Touaregs. En ne se met- tant jamais à leur merci, et en gardant toujours les Fig. 20. — Touaregs Azdjer du Sud Tunisien. Photographie de M. le Lieutenant-Colonel Rébillet, — Photogravure de MM Cueille et Despréaux. moyens de s'en faire respecter, on peut espérer mettre en jeu, pour l'œuvre qu'on poursuit, les bons côtés de leur caractère. Il faut, à leur égard, éviter aussi bien l'emploi de la contrainte et de la violence, auxquelles, avec leur caractère fier el indomptable, il se soustrairaient en se mettant facilement hors de notre portée, que l'extrème con- fiance, dont ils abuseraient im- médiatement. Les Touaregs Azdjer sont les maitres du Sa- hara dans notre hinterland tuni- sien, de Rhada- mès à l’Aïr, et ils perçoiventdesre- devances ou cou- tumes sur toul le commerce qui se fait dans cette région par les Rhadamésiens, les Rhatiens et les Fezzanais. Il serait à désirer qu'ils entrepris- sentlaprotection des caravanes sur la route qui relie Rhadamès à la Tunisie, ou du moins sur la par- tie méridionale de celte route, quitte à y pré- lever des rede- vances comme celles qu'ils tou- chent Sud, et qui sonl plus au très légitimes en droit saharien. En vivant de ce commerce , ils arriveront certai- nement à le favo- riser au détriment de celui qui s'écoule vers Tri- poli, et où ils ne percoivent rien. Bien plus impor- tantestencore leur concours pour ouvrir à la Tunisie le commerce de Rhai, la route decette ville àRhada- mès étant tout entière entre leurs mains. Nous de- vons également avoir pour but de nous créer lôt ou lard une voie commerciale vers le Soudan, av nous appartiennecomplètement, et qui évite Rh 1d?- 1164 RÉBILLET — LES RELATIONS COMMERCIALES DE LA TUNISIE AVEC LE SOUDAN ES mès et Rhat occupés par les Turcs. Cette route passe- rait par T’kout, point d'eau reconnu par Mircher à 25 kilomètres à l'ouest de Rhadamès: elle rejoindrait ensuite, à Bir Imolaï, la route bien jalonnée d’eau qui sert actuellement aux communications entre Rhadamès et Rhat, éviterait Rhat en passant par Dja- net, position centrale des Touaregs Azdjer, et conti- nuerait ainsi en territoire complètement libre sur l'Aïr. C'estavec l’aide des Azdjir que nous ouvrirons cette route. L'œuvre est de longue haleine, mais le programme mérite d'en être établi dès maintenant, Nous devons donc entrer en relations avec les Touaregs et nous efforcer de les amener à nos vues. Le véritable moyen pour atteindre ce but n’est pas de nous jeter à leur tête; ce serait leur donner une trop haute idée de l'importance que nous atta- chons à leur concours et leur en faire demander trop cher. Nous devons les encourager à développer lesrelationsqu'ilsentretiennent déjà avecnos postes du Sud, et chercher à y attirer les principaux d'entre eux. Ce qu'ils y verront les disposera bien à nous entendre. C'est chez nous qu'il faut traiter l'affaire et non dans le Sahara. Nous ne pouvons avoir con- fiance dans leurs promesses que quand ils auront donné un gage sérieux en venant à nous. Ce résul- tat n'est probablement pas impossible à atteindre el dans un avenir assez rapproché. Le terrain est, d'ailleurs, libre pour des négociations directes avec ces tribus qui sont en droit et en fait complètement indépendantes des Turcs, étroitement confinés eux- mêmes au Sahara, dans l'enceinte de Rhadamès et de Rhat. IV. — ConNczuUsIoNS. Le débouché de Rhadamès vers la Tunisie est. d'un quart plus court que celui de Tripoli; la route est plus riche en eau et offre aux caravanes des facilités plus grandes, en ce sens que, dès leur en- trée sur le territoire tunisien, elles trouvent aide et protection désintéressées et bienveillantes de notre partet évitent l'arbitraire et les exactions des fonctionnaires tures. Cette voie présente sur celle de Tripoli un autre avantage des plus marqués au point de vue des produits du commerce trans-saharien, qui sont originaires des pays barbaresques eux-mêmes, et des produits soudanais qui se consomment dans ces pays. Ces produils, comme nous l'avons dé- montré, en passant par la frontière tuniso-tripoli- taine, franche de douanes, bénéficient de 16 °/, sur ceux qui suivent, entre Tunis et Tripoli, la voie de mer, comme la plupart le font actuellement. Nous organiserons à Gabès une base commer- ciale trans-saharienne sur le modèle de celle de Tripoli, qui formera les caravanes, s'approvision- nera, sur le territoire de la Régence et en Europe, des produits demandés au Soudan, permettra l’écou- lement rapide des marchandises des caravanes arrivant du Sud et leur rechargement. Nous intéres- serons à cette entreprise les centres commerciaux tunisiens : Tunis, le Sahel, Sfax, Djerba. Nous assurerons aux produits entrant en Tu- nisie pour être ensuite exportés au Soudan, la franchise de droit de douane. Des mesures sont déjà prises dans ce sens. C’est un avantage sup- plémentaire de 8 °/,, dont bénéficieront les pro- duits apportés à Rhadamès par la Tunisie, sur ceux qui proviennent de Tripoli. À Tataouïn, dernière station vers le Sud, où at- teignent facilement les chameaux sahariens, nous favoriserons la formalion d’un entrepôt avancé, où lecommerce trans-saharien courantpourrase défaire de ses marchandises et se réapprovisionner. Nous n'aurons, dans ce but, qu'à développer le marché très bien approvisionné et très achalandé qui existe déjà dans cette localité. Sur un point avancé vers le sud de notre hinterland saharien, à Dje- néïen où à Zahar, par exemple, à mi-chemin de Rhadamès, nous établirons un poste qui assurera la complète sécurité du chemin et servira de relais et de point de repos aux caravanes. Nous entrerons en relations avec les Touaregs Azdjer pour en faire des auxiliaires destinés à seconder nos vues dans le Sahara, en mettant en jeu leur intérêt par les gains qu'ils auront à faire. Nous travaillerons à ce résultat en nous installant dans le Sahara et en entrant ainsi en contact avec ces tribus. Notre action immédiate se bornera pour le moment à agir sur le marché de Rhadamès et de Rhat pour leur faire adopter le débouché tunisien ; nous serons ainsi à même d'agirsur un mouvement commercial de 4.000.000 à 5.000.000 de francs, que nous pourrons attirer tout entier sur la Tu- nisie; ce n'est que plus tard que nous pourrons penser à développer ce commerce en dehors de ces limites, en agissant au moyen de caravanes directes, circulant entre le Soudan et la Tunisie. Une entre- prise de ce genre serait actuellement prématurée. Elle n'aurait pas de chances de succès aussi long- temps que l'accord ne sera pas réalisé avec les Touaregs et ne produirait d'autre résultat que de nous aliéner les commerçants de Rhadamès et de Rhat, qui verraient là, avec raison, une tentative pour se passer de leur intermédiaire. Le commerce trans-saharien n'estpas, on le voit, ce qu'un mirage africain l'a fait paraître aux yeux de certaines personnes ; nous avons tenu à montrer les limites de l'entreprise, pour éviter les illusions el les découragements qui surviendraient plus tard. Telle qu'elle est, par son côté matériel et par son côté politique, elle peut encore nous tenter. Lieutenant-Colonel Rébillet, Attaché à la Maison militaire , du Résident général de France à Tunis. E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE 1165 LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNI Si discuté que soit encore dans l'opinion publique le principe de l'expansion coloniale de la France, tout le monde est d'accord pour reconnaitre qu'il convient de mettre en valeur, par les moyens les plus rapides et les moins coûteux, les possessions nouvelles que des circonstances diverses ont placées — et placeront encore dans l'avenir — sous la direction de notre pays. En quoi consistent ces moyens rapides et peu coûteux, qui doivent non seulement s'appliquer à des objets multiples et complexes, finances, politique, administration, tra- vaux, elc., elc., mais encore varier suivant les temps et les pays, c'est là une question primordiale que nous n'avons pas la prétention d’effleurer et dont l'énoncé seul permet de juger combien sont rares les qualités d’un bon administrateur colonial. Nous voulons seulement ici, par l'exposé som- maire de ce qui a été fait dans une de nos posses- sions, en ce qui concerne les travaux d'utilité publique, donner une idée de ce que peut être, au point de vue spécial des travaux publics, la mise en valeur d'une colonie nouvelle et, par les résultats déjà acquis en Tunisie, faire connaitre ceux qu'il est permis d'espérer dans des circonstances ana- logues. Ï. — SITUATION DES TRAVAUX PUBLICS DE LA RÉGENCE ANTÉRIEUREMENT AU PROTECTORAT FRANCAIS. Lorsque le traité de Ksar-Saïd confia à la France le soin de présider aux destinées de la Régence, celle-ci ne possédait qu'un outillage économique des plus modestes, presque entièrement dû, d'ail- leurs, à des ingénieurs français. L'inventaire mérite d'en être établi, ne fül-ce qu'à titre de curiosité rétrospective. Le réseau routier mesurait. quatre kilomètres de longueur et consistait uniquement dans la voie empierrée, élablie vers 1860 par l'ingénieur Du- bois, qui relie Tunis au Bardo. Les chemins de fer avaient une certaine impor- tance ; ils comprenaient la ligne de Tunis à Ghardi- maou (193 kilomètres), construite et exploitée par la Compagnie française de Bône à Guelma et les lignes de Tunis au Bardo, Tunis à la Marsa, Tunis à la Goulette (34 kilomètres), construites par une Société anglaise quiles avait vendues, en 1880, à la Société italienne Florio-Rubattino. Les adductions d’eau se réduisaient à l'alimenta- tion de la ville de Tunis, que l'ingénieur français Colin avait assurée, en 1861, par la restauration, IE sur près de 100 kilomètres, des aquedues romains de Carthage, délaissés depuis treize siècles. Enfin trois phares dioptriques avaient été allu- més en 1860 et1873 sur la côte nord de la Régence ; un des appareils sortait de la maison Sautter et Lemonnier, de Paris; les deux autres venaient d'une maison de Londres. Depuis une trentaine d'années déjà, avant l'éta- blissement du Proteclorat, le Gouvernement fran- çais mettait à la disposition des Beys des ingénieurs, dont le rôle, comme on a pu en juger par le bilan qui précède, devait être assez difficile, en raison de sa simplicité même. « De quoi te plains-tu? répon- dit un jour le Bey à l'un de ces ingénieurs qui réclamait en vain des crédits pour ses travaux, ne L'a-t-on pas toujours servi régulièrement tes appointements ?... » Il. — ORGANISATION D'UNE DIRECTION GÉNÉRALE DES TRAVAUX PUBLICS. Ces errements ont bien changé : et, en 1883, a été organisée, sous le nom de Direction générale des Travaux publics, une administration complète qui présente, réduits et simplifiés, tous les rouages des services analogues de la Métropole. Cette administration n'a, en réalité, commencé à fonctionner sérieusement qu'en 1886 ; elle compte actuellement : un ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, directeur général; six ingénieurs des Ponts et Chaussées, un ingénieur des Mines, et près de deux cents agents commissionnés de tous ordres : conducteurs, architectes, commis, officiers de port, géomètres, ete. Elle assure directement soit pour le compte de l'Etat, soit pour le compte des municipalités, l'éta- blissement des projets el leur exécution, sauf pour les travaux concédés à des compagnies, comme nous le verrons plus loin, dont elle exerce seulement le contrôle. Elle est, en outre, chargée d’un certain nombre de services de police et de surveillance, dont nous n'avons pas à nous occuper; enfin, elle donne son concours le plus actif à l'élaboration d'une législation des travaux publics dont iln'exis- tait aucune trace avant l'organisation du Protec- torat. Actuellement, les sommes inscrites au budget ordinaire tant pour l'entretien que pour les travaux neufs, atteignent environ 4.500.000 francs par an ; ce chiffre comprend les travaux non concédés des municipalités et de l'État, c'est-à-dire les travaux 1166 E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE exécutés directement par l'administration des Tra- vaux publics; il ne comprend pas les frais de per- sonnel et de matériel. Le rapport des frais généraux, du matériel et du personnel au montant des travaux faits reste inférieur à 12 °/,. Outre les ressources provenant des recettes ordi- naires du budget, l'administration du Protectorat a pu consacrer aux travaux publics des fonds extraordinaires provenant soit des excédents bud- gélaires, soit des bénéfices des conversions de la dette; le total de ces fonds représente environ trente-trois millions de francs. Les renseignements généraux qui précèdent nous ont paru utiles pour l'intelligence de ce qui va suivre; il était bon de faire connaitre l'outil avant d'indiquer sa production. III. — PorTS MARITIMES. Dans la plupart des pays neufs, à civilisation rudimentaire, la circulation - intérieure des mar- chandises s'effectue, en général, dans des condi- lions moins défavorabies qu'on ne serait tenté de le supposer, grâce à la simplicité des moyens de transport employés et aux bas prix dont se conten- tent les indigènes qui s’adonnent à l'industrie des transports. Sur pistes, c'est-à-dire sur terrain naturel frayé, le prix de revient des transports soil à l’aide de véhicules rustiques à grandes roues, soit même à dos de chameau ou de bêtes de somme, n'est pas très supérieur au prix de revient des trans- ports par voie ferrée : le degré de célérité de ces transports est même très acceptable ; les qualités qui leur manquent le plus sont la puissance et la régularité : mais, à tout prendre, au début de la mise en valeur d'un pays, ces qualités n'ont pas l’im- portance qu'ellesacquièrentparla suite. Demême les transports maritimes, assurés généralement par des compagnies bien organisées, ne comportent guère que des améliorations peu considérables, en tant que matériel naval. Ce qui importe le plus est d'as- surer à peu de frais la jonction des voies de terre el des voies maritimes ; c'est, en un mot, de créer des ports commodes et sûrs permeltant d’économi- ser les frais importants qu'exigent les chargements et déchargements sur rades. Ces frais sont tels, dans la plupart des cas, qu'un port bien placé et bien conçu doit pouvoir se suffire à lui-même. Si l'on applique au trafic existant d’un port à cons- truire des taxes modérées, inférieures aux charges de transbordement qui grèvent les marchandises, le produit de ces taxes doit permettre de rémunérer le capital de premier établissement et d'assurer l'entretien des ouvrages, sans demander à l'Etat d'autre concours qu'une garantie d'intérêt plutôt morale que réelle. C'est dans cet ordre d'idées qu'a été développée la conception des quatre grands ports tunisiens actuellement terminés ou sur le point de l'être. Le plus important de ces quatre ports, non par son mouvement commercial actuel, mais par les espérances légitimes qu'il suscite et par l'intérêt que lui porte la métropole, estle port de Bizerte, tout récemment ouvert au commerce. Disons tout de suite que, contrairement à certaines allégations, les travaux de ce port, ainsi que ceux de la ligne ferrée qui le relie à Tunis, s’élevant ensemble à plus de 16 millions, ont été intégralement suppor- tés par le trésor tunisien et n’ont grevé en rien le budget métropolitain. Les travaux du port ont consisté principalement dans le dragage d'un chenal de 64 mètres de lar- geur au plafond, destiné à relier les fonds de 9 mètres de large aux fonds de 9 mètres du lac de Bizerte, lequel ne communiquait précédemment avec la mer que par un petit déversoir sinueux et sans profondeur. Deux jetées d'environ 1.000 mètres chacune protègent l'entrée du chenal et enserrent un avant-port d'une superficie de 75 hectares: elles se terminent aux fonds de 13 mètres et laissent entre elles une passe libre de 400 mètres de lar- geur. Des quais, feux, terre-pleins, hangars, grues, etc., complètent les installations néces- saires aux besoins des plus grands navires connus. Les travaux confiés àune compagnie concession- naire, qui est également chargée de l'exploitation, ont donné lieu à une subvention de l'Etat d'environ 6 millions de francs et à l'octroi de divers avan- tages en nature fort importants, notamment de la perception de taxes applicables aux navires. Ces taxes sont actuellement d’un produit médiocre : le trafic local de Bizerte est, en effet, assez restreint et ne parait pas, malgré la fertilité de la région environnante et la douceur de son climat, pouvoir jamais être en rapport avec les sacrifices consentis pour ce port. Il suflit de jeter les yeux sur une carte pour juger que le rayon d'action de Bizerte en terre ferme ne dépasse guère une cinquantaine de kilomètres; au delà de cette zone, l’action de Tunis est prépondérante. Aussi bien, l'avenir de Bizerte n'est-il pas du côté de la terre. Bizerle n'est pas appelé à relier entre eux de grands courants com- merciaux, terrestres et maritimes; mais il peut et doit être un point de relation de premier ordre entre grands courants maritimes : il doit être un des ports d’escale les plus importants de la Médi- terranée, grâce à sa situation géographique et aux dispositions adoptées dans la construction de ses ouvrages. Sans entrer dans les développements que comporte la question, il est permis de prévoir que Bizerte aura, dans quelque temps, comme port à charbon, une importance comparable à celle de Malte ou d'Alger. E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE 1167 ignes Céréales, ee çereales vignes” / hosphè 3 Ne x — Légende — —— Chemins de fer réalisés ou dotés —— Aoutes construites ou dotées . Zz ce Prolongements Les dépenses, faites ou engagees sont représentées par la longueur d1 rayon J à raison de 2 millimètres pour 1 million def Grave par A Simon, 1, rue Mcole Paris Fig. 1. — Carte des travaux publics de lu Tunisie, dressée par M. de Fages. 1168 E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTOR\T FRANÇAIS EN TUNISIE Düût-on attendre un peu la réalisation de celte échéance, on eslimera avec raison que l'ouverture à nos flottes de guerre d’un lac d'une grande pro- fondeur et de dix à douze kilomètres de diamètre, valait bien les sacrifices que la Tunisie s’est libéra- lement imposés pour le port de Bizerte. C'est en vue d'éventualités moins éloignées que la Régence n'a pas davantage hésité à effectuer, pour le port de Tunis, une première dépense de 13.500.000 francs, qui a permis, au moyen d'im- portants dragages, d'amener, presque en pleine Pis 2. — Port très avancés à Tunis, où ils comprennent 600 mètres de murs de quai accostables à 6"50 de profondeur, la construction de hangars, magasins, terre-pleins, voies ferrées, ele. Le prix de revient total du port de Tunis sera voisin de 17 millions de francs, dont 13.500.000 francs auront été payés en argent par le trésor tunisien. Le reste de la dépense, comme la totalité de celle des ports de Sousse et de Sfax sera supporté par le concessionnaire qui se couvrira desintérêtsde ses avancesau moyen de la perception des taxes autorisées. La durée de la concession est de Bizerte. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougcron, Vignerot et Ci. ville, les navires obligés autrefois de mouiller sur ‘ade à la Goulette. Un chenal de neuf kilomètres de longueur, creusé à travers les vases du lac de Tunis, conduit à un bassin de 12 hectares, de 6 m. 50 de profondeur, muni d'appontements, de terre-pleins et de voies ferrées; ces ouvrages ont été mis en service le 28 mai 1893. Cette organisation provisoire demandait à être complétée ; tel a été le but de la concession du port de Tunis, signée en 1894 et à laquelle a été liée celle des ports de Sousse et de Sfax. L'achèvement el l'exploitation de ces trois ports sont aujourd'hui entre les mains d'une Société anonyme, qui doit avoir terminé tous les travaux de premier établis- sement avant le 4° janvier 1899. Ces travaux sont limitée à quarante-sept ans ; le laux de l'intérêt garanti aux capitaux n'alteint pas 4 °/, ; les bénéfices sont partagés par moilié entre l'État et la Com- pagnie ; la combinaison, dans son ensemble, peut ètre regardée comme très favorable pour l'État. Le port de Tunis est en bonne voie de prospérité ; il donne lieu dès maintenant à un mouvement annuel, entrées et sorties réunies, de plus de 270.000 tonnes de marchandises et de plus de 50.000 passagers; il réalise à lui seul plus de la moitié du mouvement total des ports de la Régence. Le port de Sousse, en pleine période de con- struction, comportera, comme celui de Tunis, un bassin d'une douzaine d'hectares, muni de 600 m. de quai à 6 m. 50de profondeur, et protégé par une E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE 1169 jetée-abri de 500 mètres de longueur. Mais les conditions d'établissement sont bien difiérentes ; les dragages y auront peu d'importance, et l'ou- vrage principal est la jetée-abri qui comporte, sinon des difficultés, du moins quelques lenteurs, en raison de la rareté de la pierre dans la région. Les dépenses à prévoir pour le port de Sousse, s'élèvent à 4.500.000 francs, y compris bien entendu les feux, les hangars, les lerre-pleins et tous les ouvrages accessoires que nous n'énumérons pas. Ainsi outillé, ce port pourra suffire à un trafic de 2 à 300.000 tonnes par an, soit plus de trois fois le trafic actuel. Le port de Sfax est caractérisé, comme le port de Tunis, par l'abondance des dragages ; il comporte un chenal d'environ trois kilomètres de longueur | “ | ns ue durer À =s iibitr 9 À 6 divers, de dépenses en rapport avec les intérêts qu'ils sont appelés à desservir et sont dotés de l'outillage qu'ils comportent. Leur tonnage annuel décroit de 20.000 tonnes pour les premiers, à quel- ques tonnes pour Nabeul et Porto-Farina; ils ne sont, en général, accessibles qu'à des embarcations calant moins de deux mètres, et qui font les trans- bordements entre les quais et les navires sur rade. Cette situation est acceptable ; cependant des ré- clamalions constantesontété formulées par les habi- tants de Gabès et de l'extrême sud; lesquelles parais- sent tendre à la création d'un grand port, au sud de Sfax. Si l'on examine, en effet, la carte de la Ré- gence, on voit que les quatre ports à grand tirant avons parlé, sont assez régu- d'eau dont nous lièrement distribués sur la côte et que la conti- Fig. 3. — Apponlements et port de Sousse. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et C*, d donnant accès à un bassin de 10 hectares, muni de 600 mètres de murs et quais accostables à 6 m. 50 de profondeur. La dépense 2 millions de francs, y compris tous les ouvrages prévue est d'environ accessoires. Les travaux sont (très avancés. Bien que le trafic actuel de Sfax ne dépasse guère 40.000 tonnes, il est permis d'espérer pour ce port un développement plus brillant peut-être que pour Sousse. Il ne faut pas oublier, en effet, que les phosphates de chaux de la région de Gafsa, dont la mise en exploitation ne saurait tarder, pourront donner, à eux seuls, jusqu à 300.000 tonnes par an, à la sortie. Outre les quatre grands ports dont nous venons de parler, la Tunisie possède encore onze ports ou- verts au commerce d'exportation. Ce sont, par ordre d'importance : Gabès — Mehdia — Tabarka — Djerba — Monastir — La Skira — Hammamet — Zarzis — Kelibia — Nabeul et Porto-Farina. Tous ces ports ont fait l'objet, à des degrés ; 0 nuation de la même loi de distribution au delà de Sfax conduirait à l'établissement d'un grand port à Gabès ou au sud de cette ville. Un fait peu connu, c'est que M. F. de Lesseps avait obtenu, en 1885, la concession de ce port, et qu'il n'a jamais cru devoir user de celte concession. En réalité, il est permis de penser que toute entreprise de cette nature serait au moins prématurée, en raison de la situa- tion commerciale et agricole de la région avoi- sinante, | Deuxaméliorations, plusréalisables parce qu'elles sont peu coûteuses el qu'elles auraient unerin- fluence heureuse sur le développement de l'in- dustrie de la pêche maritime, seraient la création de deux ports de refuge pour les embarcalions calant de deux à trois mètres d’eau, l’un à Tabarka, l'autre à Hammamet. Plus de 300 petits navires adonnés à la pêche de la sardine et d’autres pois- sons trouveraient en ces deux points un abri qui leur fait actuellement complètement défaut, ;611:/ 1170 E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANCAIS EN TUNISIE On voit, en résumé, que le programme des tra- vaux restant à réaliser en Tunisie ne serait pas bien long à établir ; ce programme reste subordonné aux ressources budgétaires, car il ne faudrait pas compter ici équilibrer les charges par le produit des laxes à percevoir. Trois millions suffiraient pour Gabès et les autres ports, alors que 35 millions sont déjà engagés dans les travaux en cours. On pourra donc dire très prochainement que les neuf dixièmes de l'outillage normal des ports de la cette œuvre aura demandé maritimes Régence sont réalisés ; dix ans à peine. Phares et balises. — Une œuvre aujourdhui entiè- rement terminée et qui aura demandé à peu près le même nombre d'années, est celle de l'éclairage des côtes. Aux trois feux établis sous les Beys, sont venus s'adjoindre, depuis 1866, suivant un programme approuvé par la Commission des phares de la métropole, onze grands phares, vingt-neuf feux de port et dix bouées lumineuses. Cet éclairage complet qui règne de la frontière algérienne à la frontière tripolitaine sur 1.500 kilomètres de côtes et rend à la navigalion des services très appréciés, n'a pas coûté plus de 1.500.000 francs. Les frais d'entretien annuels sont d'environ 150.000 francs. Le balisage des côtes de la Régence est égale- ment terminé; comportant peu d'ouvrages, grâce à la nature des côtes, il n’a donné lieu qu'à une dépense d'environ 60.000 francs. IV. — ROUTES ET PISTES. L'amélioration des voies de terre n'a pas suivi une marche aussi rapide que celle des voies mari- times. D'une part, comme nous l'avons dit plus haut, celte amélioration ne présentait pas tout à fait la même urgence; d'autre part, le retard ap- porté dans la construction des chemins de fer, retard que nous expliquerons plus loin, à eu une fâcheuse ét singulière répercussion sur les routes. Jusqu'en 1892, l'opinion publique de la colonie semblait admettre que les routes sont inutiles là où doivent exister les chemins de fer; on paraissait poser en principe qu'un réseau roulier el un réseau ferré devaient faire double emploi, et qu'étant donnés, par exemple, les fonds de réserve dont disposait le trésor beylical, il était plus sage de ies dépenser emièrement en voies ferrées, que partie en chemins de fer et partie en routes. Sous l'em- pire de ces idées, on n'a pas construit 80 kilomè- tres de routes empierrées pendant chacune des dix premières années de l'administration des tra- vaux publics et l'on a perdu un temps précieux. Aujourd'hui des crédits plus largement distribués perse ettent de développer le réseau à raison de 250 kilomètres par an. Ce réseau dépassera 1.400 kilomètres à la fin de l'année courante. Il comportera notamment, sans aucune solution de continuité, les voies suivantes : LONGUEURS EN CHIFFRES RONDS TOME TA Saxe ATEN Lee 270 km uns AlGrombals 2 20e 35 Tunis à Zaghouan.............. 55 Tunis rau dla sn ee ie Sins 40 Tunis tautKers PEN RUE 175 Tunis a Bizér tete AURA Gen 65 anlieue de Tunis: 7.11 60 LelKeRaMTADaArkK arc Let 115 Sousse arDjemat eee certe 18 Sousse à Kairouan..........-.. £1 Sousse à Moknine................ 17 Sousse: à Mehdia..:....:..1"..0.. 70 Banlieue de Sousse.. ..........., 20 Ces routes comportent généralement une plate- forme de 8 mètres entre fossés et un empierrement de 3 m. à 3 m. 50; elles sont plantées aux abords des villes, munies de bornes kilométriques et de poteaux indicateurs. Soixante-treize maisons can- tonnières servent de logement aux salariés char- gés de l'entretien ; enfin de nombreux ouvrages d'art, dont quelques-uns très importants, assurent l'écoulement des eaux. Le prix de revient moyen des routes existantes est de 9,000 fr. par kilomètre, chiffre bien infé- rieur au prix de revient des routes de la métro- pole (30.000 francs en moyenne). Et encore ce prix s'applique-t-il à des routes construites dès le début de l’occupalion, dans des conditions souvent difficiles; actuellement le prix moyen des der- nières routes construites est tombé à 6.000 francs ; ce résultat, favorable à bien des points de vue, est malheureusement dû en partie à l'abondance et par suite au bas prix de la main-d'œuvre italienne encore plus employée sur les chantiers que la main-d'œuvre indigène. Le capital consacré à l'établissement des routes est d'environ 13 millions de franes ; en l’augmen- tant encore de 3 à 4 millions, on donnerait satis- faction à la plupart des besoins existant actuel- lement. Les charges annuelles d'entretien des routes sont à peu près fixes depuis deux ou trois ans, malgré l'accroissement du réseau empierré; elles sont d'environ 600.000 franes. Il convient de signa- ler à ce propos que les efforts faits depuis 1890 pour généraliser et réglementer l'usage de la pres- tation en nature permettent de retirer de cette source de revenus 400.000 francs par an, appli- cables, suivant les besoins, tant au premier éta- blissement qu'à l'entretien des routes. Les voies empierrées principales que nous avons énumérées plus haut seraient bien évidem- E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE 1171 ment insuflisantes pour les relalions d'un pays dont la superficie est environ le cinquième de celle de la France, si l'on ne pouvait utiliser lar- gement les chemins à l’état de nature connus sous le nom de pistes. Dans les parties où le sous-sol n'est ni entièrement sableux, ni entièrement argi- leux, ces pistes sont généralement très praticables soit aux chameaux, soit aux véhicules à deux roues, connus dans le pays sous le nom d’arabas. Pour donner une idée de leur situation, il suf- fira de citer ce fait que, même en l'absence de toute roule empierrée entre Sousse et Kairouan, le Decauville (fig. 4) qui relie ces deux villes n'a jamais pu lutter pour le transport des marchandises contre les arabas des indigènes. En somme, partout où la circulation est peu intense, les pistes rendent de grands services, à la condition expresse qu'on leur consacre peu d'argent et qu'on se borne à assurer le passage sans chercher d'une façon ab- solue la commodité et la pé- rennilé de la circulation. Une des premières conditions pour y rendre la circulation possible est l'existence, à des espacements convenables, de points d'eau pour les animaux et d’abris pour les voyageurs. C'est à peu près uniquement à ces deux genres d'ouvrages que se borne la création d'une voie de communication dans le sud de la Régence. Citons particulièrement les pistes importantes qui rayonnent de Gafsa sur Sfax, sur Gabès, sur Tozeur et sur Tebessa; celle de Gabès à Médenine et Tataouine, celle de Médenine à Zarzis. Sept caravansérails avec leur alimentation d'eau ont été établis sur ces diverses pistes à une dis- tance d'environ 40 kilomètres les uns des autres; de son côté l'autorité militaire possède six bordjs où les voyageurs civils peuvent être admis dans certains cas. V.— CHEMINS DE FER. Les voies ferrées de la Régence de Tunis peuvent se diviser en trois groupes distincts : 4° Un réseau garanti par le gouvernement fran- çais, que nous appellerons le réseau français; 2° Un réseau qui ne jouit d'aucune garantie d’in- térêt et que nous appellerons le réseau lunisien ; 3° Enfin un réseau italien, c'est-à-dire qui jouit de la garantie d'intérêt de l'Italie. Le réseau français mesure 220 kilomètres ; il comprend les lignes à voie normale de Tunis à la Fig. 4. — Tramway de Sousse à Kairouan. Photographie de M. Meunier. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie, frontière algérienne avec l’embranchement du Pont-de-Trajan à Béja et la ligne de Tunis à Ham- mam-Lif. Le réseau tunisien compte environ #13 kilo- mètres; il comprend la ligne à voie normale de Djedeïda à Bizerte et les lignes à voie d'un mètre de Tunis à Zaghouan, Tunis à Sousse [avec embran- chement sur Menzel-Bou-Zalfa et sur Nabeul) ; Sousse à Kairouan el Sousse à Moknine. Ces deux réseaux sont réunis, pour la construc- tion et l’exploilation, dans les mains de la Compa- gnie Bône-Guelma. Le réseau ilalien ne comprend que 34 kilomètres et relie Tunis au Bardo, à la Marsa et à la Gou- lette. L'historique détaillé de ces trois concessions serait loin d'être dépourvu d'intérêt et fournirail matière à d’amples réflexions, aussi bien à l’amateur d’études sociales qu'au diplomate et à l'ingénieur, Il sortirait malheu- reusement du cadre de cet ar- liele, et nous nous bornerons à donner une idée du régime financier des deux réseaux ex- ploités par la Compagnie Bône- Guelma. Le réseau français a été établi en vertu de la loi du 8 mai 1877, sur les bases précédemment adoptées, pour les lignes algé- riennes de la Compagnie Bône- Guelma. La Compagnie prenait à sa charge tous les frais d'établissement d'un réseau de 220 kilomètres, moyennant une garantie de six pour cent du capital forfaitaire de construc- tion, soit de 10.122 francs par kilomètre; elle pre- nait également à sa charge les dépenses d'exploita tion moyennant une deuxième garantie fixée par un barème dont le point de départ est de 7.700 francs par kilomètre pour des recettes brutes de 11.000 fr. et au-dessous, et qui décroit ensuite de 70 à 52 °/, de la recette brute maximum de 10.400 francs. Il nous est difficile de prévoir les jugements que l'opinion publique formulera dans vingt ans d'ici sur les conventions diverses que la Régence de Tunis a passées tout récemment pour l'exécution de ses travaux publics, mais il nous semble impos- sible que ces jugements soient aussi sévères que avec les critiques que l'on a adressées à la combinaison financière adoptée en 1877 vis-à-vis de la Compa- gnie Bône-Guelma. D'une part, ongarantissait un nombre de kilo- mètres déterminé, d'où prime aux allongements de tracés; de l’autre, sans tenir compte des dé- 1172 penses réelles, on fixait un capital forfaitaire d'établissement qui, après exécution, s'est trouvé sensiblement le double du capital réellement employé, d'où majoration à 12 °/, de la garantie effectivement accordée ; enfin on fixait un mini- forfaitaire de frais d'exploitation, quelle mum que fût la recette brute, d'où prime à la non- exploitation. Pour des recettes kilométriques d'environ 7.000 francs qui représentent la moyenne des der- nières années, ce régime financier met à la charge du gouvernement français une garantie lotale d'environ 2.400.000 francs par an. Pour comble de malheur, cette fächeuse situa- lion a eu sa répercussion sur le second réseau tunisien, pour lequel il n’était point besoin'de par- ler de garantie d'intérêts, puisque le gouverne- ment du Protectorat avait dans ses réserves les fonds nécessaires pour subvenir aux frais d'éla- blissement. Un certain nombre de membres du Parlement, mus par la pensée louable de reviser les contrats onéreux passés entre le gouvernement français et la Compagnie Bône-Guelma, avaient saisi l'occasion de la création du second réseau, dont la Compagnie désirait vivement la concession, et se refusaient à approuver cette concession si la Compagnie ne consentait pas à des modifications au contrat primitif. Ces difficultés arrêtèrent pen- dant plusieurs années la construction du réseau ferré, qui retardait lui-même le réseau empierré. Enfin le 12 août 1894, une loi autorisa le gouver- nement tunisien à mettre en vigueur les conven- tions qu'il avait passées en 1892 avec la Compagnie Bône-Guelma pour l'exécution et l'exploitation de ses nouvelles voies ferrées : le Parlement consen- tait à disjoindre, au grand avantage de la Tunisie, la question de la concession du nouveau réseau de celle de la revision des contrats relatifs à l’ancien. Le régime des nouvelles lignes est avantageux pour l'Etat tunisien, comme on peut en juger par l'exposé qui suit. Au point de vue de l'établissement, l'Etat tuni- sien fournit à la Compagnie les terrains dont elle a besoin ; celle-ci construit les lignes suivant un prix forfailaire fixé d'avance. Ce prix ne dépasse pas 50.060 fr. par kilomètre pour les lignes à voie d'un mètre; il est intégralement versé par l'Etat à la Compagnie, mais celle-ci est tenue de mettre en réserve pour les grosses réparations et les re- nouvellements de voie les économies qu'elle réali- serait en exécution par la différence du prix de revient réel avec le forfait. Au point de vue de l'exploitation, la Compagnie ne reçoit aucune avance ou subvention de l'État tunisien, mais elle établit un compte où les dé- penses sont calculées forfaitairement par kilomètre E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE exploité d'après la formule 1.500 + _ R dési- gnant la recette brute et ne pouvant descendre au- dessous de 3.000 francs. Les insuffisances sont supportées par la Compagnie, mais les excédents, dès qu'il s'en produit, sont affectés à lui rem- bourser les avances qu'elle à faites, avec intérêt simple à 4.60 ./°. Ce remboursement opéré, l'excédent des recettes brutes sur le forfait d'ex- ploitalion est versé à l'État jusqu’à concurrence du montant de l'intérêt, au taux de 460 % du capital de premier établissement. Ces prélève- ments faits, s'il reste encore des excédents, ceux- ci sont partagés par moitié entre l'État et la Com- pagnie. Ajoutons que les insuffisances qui ne manque- ront pas de se produire au début seront prélevées à titre d'avances et avec l'autorisation du Parle- ment, sur les réserves que la Compagnie s’est con- stituées au moyen des bénéfices que lui procure le forfait d'exploitation consenti sur le réseau fran- çais. Le réseau tunisien, vigoureusement poussé, de- puis que les derniers obstacles qui s'opposaient à sa construction ont élé levés, sera entièrement ter- miné avant deux ans. Depuis le T novembre 1896, la ligne de Tunis à Sousse avec ses embranche- ments est livrée à l'exploitation sur toute sa lon- gueur, environ 150 kilomètres; la ligne de Djedéida à Bizerte est exploitée depuis la fin de 1894. Le nouveau réseau donnera lieu à une dépense d'en- viron 25 millions de francs, entièrement prélevés sur les fonds du trésor tunisien. La mise en exploitation des tronçons actuelle ment livrés esl encore trop récente pour quon puisse établir quelques prévisions sur les résultats financiers de celle exploilation. Les tarifs sont un peu plus élevés en Algérie el en Tunisie qu'en France: ils sont les mêmes sur les deux réseaux exploités par la Compagnie Bûône-Guelma. On espère atteindre assez rapidement une recette kilo- métrique annuelle de 1.200 franes pour les voya- geurs et de 2.100 pour les marchandises. Ces pré- visions se sontréalisées pour les voyageurs présque dès l'ouverture des lignes, mais le trafic des mar- chandises atteint à peine 10 % du chiffre escompté, ce qui n'a rien de bien surprenant. Le matériel du réseau à voie large est analogue au matériel adopté en France; les vitesses com- merciales varient de 20 à 33 kilomètres suivant les trains. Sur le réseau à voie étroite les vilesses ne sont encore que de 23 kilomètres à l'heure. Le matériel, à couloir central, à reçu du publie un excellent accueil. Ajoutons, pour terminer ce qui concerne la Com- E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE 4473 pagnie Bône-Guelma, que l'ensemble de son réseau est soumis à un contrôle unique, commercial et technique, confié au Directeur général des travaux publics et fonctionnant suivant les bases admises pour le contrôle des chemins de fer de la Mé- tropole. Aux renseignements que nous avons donnés plus haut sur le réseau italien de la Compagnie Rubattino, nous ajouterons que ce petit réseau ne comporte que des lignes de banlieue et dessert sur- tout un mouvement de voyageurs. Il n’est que juste de rendre hommage à l'entente parfaite des besoins du public que la Compagnie apporte tant dans la fixation de ses tarifs que dans l’organisation du service de ses trains. VI. — TRAVAUX D'ALIMENTATION HYDRAULIQUE. Les travaux que nous venons d'indiquer concer- nent à peu près uniquement la circulation des pro- duits existants, et à ce titre méritaient la priorité dans les préoccupations du gouvernement; mais les pouvoirs publics ne sauraient se désintéresser de la création de produits nouveaux, agricoles et industriels ; à ce point de vue, rien n'était plus urgent que l'aménagement des eaux destinées aux besoins tant des êtres du règne animal que de ceux du règne végétal. De là les nombreux travaux d'adductions d'eaux potables et d'irrigations entre- pris par le Protectorat dès le début de son fonc- tionnement. Bien que peu difficiles sur la qualité et la quan- tité des eaux potables, les habitants de la plupart des villes souffraient parfois de ce chef de véritables disettes. Les citernes privées et publiques qui constituaient, à défaut de puits, leur seul moyen d'alimentation, étaient souvent vides etne pouvaient parer aux nécessités des usages de l’eau même les plus restreints. À Tunis seulement des Iravaux importants avaient été exéculés, comme nous l'avons dit, et avaient donné lieu à une dépense de plus de 12 millions de francs, moyennant laquelle on disposait d'un volume de 10.000 mètres cubes par jour. Toutefois le gaspillage et l'incurie avaient pris de telles proportions quele Protectorat dut réor- ganiser complètement cette alimentation hydrau- lique et en confier l'exploitation à une Société ano- nyme qui a dépensé près de 3 millions en travaux complémentaires pour Tunis et sa banlieue, dans un rayon de 40 kilomètres. De même Kairouan, la ville sainte où les disettes étaient particulièrement pénibles, le Kef, Sousse, Sfax, Bizerte, Gabès, Nabeul, etc., ont été succes- sivement dotées de distributions d’eau potable. En définilive, 42 localités renfermant une population totale de plus de 250.000 habitants dispo- sent actuellement ensemble d’un débit d'environ REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. 20.000 mètres cubes par jour; les dépenses faites depuis 1881 dépassent 5 millions de francs. La ville de Tunis entre pour moitié environ dans les chiffres qui précèdent. Les quelques centres qui ne sont pas encore dotés de distributions d’eau font l'objet d'études aujourd'hui fort avancées, et le programme des ali- mentations urbaines de la Régence pourrait être complélé en peu de temps pour une dépense approximative d'un million. Au point de vue agricole, l'œuvre à accomplir est moins avancée, comme cela s'explique aisément; elle était d'abord moins urgente, et ensuite, elle a avec les intérêts particuliers des relations trop étroites pour que l'État y possède la liberté d’allure et la sûreté de vues dont il dispose dans les tra- vaux purement d'intérêt public. Du reste, le temps écoulé est loin d’avoir été perdu, car il a permis d'étudier d'un peu plus près les ouvrages d'irriga- tion laissés par les Romains, ouvrages auxquels, par un effet de perspective bien naturel, on était porté à attribuer un nombre et une puissance qu'ils n’ont pas. On est à peu près d'accord au- jourd'hui pour admettre que les circonstances atmosphériques et pluviométriques n'étaient pas, il y a quinze cents ans, sensiblement différentes de ce qu'elles sontaujourd'hui; on reconnaît aisément, par la simple constatation de la pente et des di- mensions des canaux dont on retrouve les vestiges, que nombre de ces ouvrages étaient insuffisants pour desirrigations de quelque étendue et n'avaient vraisemblablement d'autre but que l'alimentation des hommes et des animaux; la multiplicité des citernes, engins tout à faitimpropre auxirrigations, confirme cette manière de voir. On peut conclure de tout cela qu'il y a surtout entre l’ancien état de choses et l'état actuel une différence de densité dans la population. Que le peuplement de la Tu- nisie s'effectue sous la protection de nos lois, et la prospérité antique de ce pays renaïilra d'elle-même. Le rôle des irrigations sera évidemment tré. important dans cette transformation, et bien des régions sont pourvues de cours d'eau qu'il suffira de barrer et de diriger convenablement. L'administration n'a pas manqué de faire à ce sujet tous les travaux de reconnaissance et de statistique qui peuvent faciliter les études de ce genre; elle appelle l'attention des propriétaires sur ces questions et se met à leur disposition pour dresser gratuilement les avant-projets sommaires qui permettent de se rendre compte de la possi- bilité et du prix de revient approximatif des ouvrages. Enfin elle s'emploie activement à la constitution des syndicats d'arrosage entre particuliers; l’un de ces syndicats pourra disposer à Tebourba de 23 g 1174 E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE 700 litres d’eau par seconde pris dans la Medjerda et permettant d'irriguer environ 1.500 hectares; d'autres utihsent déjà dans le sud les eaux des puits artésiens que le Service des Mines a forés à Gabès, à Zarzis et dans l'ile de Djerba. Ces puits qui vont chercher la nappe ar- tésienne à une profon- deur d'environ 230 mè- tres, et dont certains débitent plus de 100 li- tres par seconde, four- ren- nissent une fermant de 2 à 4 gram- eau mes de sels, mais très suffisante pour les ir- rigalions. Des veaux nou- exécutés forages sont tous lesans, et d'ici peu ils seront assez nom- breux pour donneruneidéeexacte delaconfiguration de la nappe artésienne dans des régions où tout autre mode d'irrigation serait coûteux ou impraticable. à CNRS. à “ai # nt! Fig. 5. — Aménagement des irrigations dans l'oasis de Gabès, Photographie de M. Wolfrom. Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et Cie. doivent leur existence à des cours d’eau, comme celle de Gabès, ou à des sources sommairement captées. La répartition de l’eau se fait par le sys- tème le plus primitif; les barrages sont en troncs de palmier; les rigoles et les vannes, en terre meuble; on peutadmet- tre que l’eau n'est utili- sée qu'à moitié ; la cul- ture principale estcelle du Palmier,souslequel, suivant une descrip- tion fameuse de Pline, s'étagent des planta- tions de toute espèce. Il sera possible de créer à peu de frais de nouvelles oasis et d'augmenter la surface de celles qui existent. A côtédesirrigations on cite les entreprises de desséchement qui leur sontsouventliées. Mais ces entreprises n'offrent pas d'intérêt; la disposition na- turelle des terres offre peu de cas à trailer, et dans ms RES ERRONNEENEENEECNES - 5 FRERE Fig. 6. — Avenue de France, à Tunis. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. Rougeron, Vignerot et wie. A côté des syndicats réguliers que l’adminis- tration s'efforce de constiluer, citons les syndicats rudimentaires et basés surles usages qui existent de temps immémorial dans-les oasis du sud. Ces oasis » chacun d’eux, malgré l'absence de difficultés techni- ques, le prix de revient des terrains obtenus serait, pendant longtemps encore, supérieur au prix d'achat des terres naturelles qui s'offrent à la colonisation. 4 E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE 1175 | tion des eaux potables et d'abduction des eaux usées, sont effectuées par l'État, A côté des adduc- Les organismes municipaux n'ont pas encore | lions que nous avons énumérées, il faut citer l'éta- en Tunisie une vie propre bien marquée; ils | blissement de réseaux d'égout dont la construction NII. — TRAVAUX MUNICIPAUX. Fig. 7. — Monument de la Poste et du Télégraphe à Tunis. (Construil par M. Saladin.} Photographie}jde M, Garrigues. — Photogravuro de MM. Rougeron, Vignerot et Ur. ne subsistent pour la plupart qu’en raison des | est en cours à Tunis, à Souk el Arba, à Bizerte, a subventions de toute nalure que l’État leur al- | Sousse, à Kairouan et à Gabès. Tunis a déjà dépensé loue. Ainsi les travaux les plus essentiels à | près de deux millions pour son assainissement, la vie et à la salubrité municipales, ceux d’addue- | qui coûtera environ trois millions Dans les autres 1176 E. DE FAGES — LES TRAVAUX PUBLICS DU PROTECTORAT FRANÇAIS EN TUNISIE centres que nous venons de citer, l'État a dépensé plus de 400.000 francs et continue ses subventions suivant les bases d'un programme régulier. Des services et desrèglements de voirie analogues à ceux des villes de France, existent dans dix loca- lités érigées en municipalités. Quatre localités moins importantes sont pourvues de commissions municipales et dix autres de commissions de voirie. Ces commissions possèdent, d'une façon restreinte, les attributions de nos Conseils municipaux et assurent plus spécialement les services de la voirie, ceux du nettoiement, de l’arrosage et de l'éclai- rage publics. Ce dernier service est particuliè- rement bien organisé dans la plupart des villes, et notamment dans celles qui n’ont pas eu la fâcheuse idée de recourir à la lumière du gaz. C'est ainsi que Tunis et la Goulette, éclairées au gaz, dépensent ensemble 143.000 francs par an pour 4.110 becs, alors que toutes les autres localités, éclairées au pétrole, dépensent 58.000 francs pour 1.400 becs, soit trois fois moins à lumière égale. Ce résultat est dù au bas prix du pétrole (environ 0,30 le kilo- gramme). VIII. — BATIMENTS CIVILS. La plupart des localités de la Régence sont dotées des bâtiments qui leur sont utiles, abattoirs, halles, etc.; mais le caractère municipal de ces édifices n’est pas aussi nettement tranché qu'en France, et bon nombre ont été établis aux frais de l'État. Le capital consacré à la construction des bâtiments civils est d'environ neuf millions de francs qui ont permis d'établir 20 abattoirs, dont le prix varie de 5.000 francs jusqu'à un million (Tunis); 11 hôtels de contrôles civils; 30 bâtiments de douane ; 10 établissements scolaires; T bâtiments de gendarmerie; 17 halles ou marchés; 7 hôtels des postes et télégraphes; 9 geôles ou prisons, et 21 bâtiments divers. Bien entendu, cette énumé- ration ne comprend que les bâtiments neufs et ne s'étend pas aux aménagements des locaux existants, qui ont été encore plus nombreux. Toutes ces ins- tallations, desquelles le luxe estentièrement banni, sont, en général, très satisfaisantes comme disposi- tions, maisinsuffisantes comme nombre. Bien qu'un crédit extraordinaire d'un million vienne de per- mettre la construction à Tunis d’un hôpital civil qui sera mis en service au commencement de l’an- née prochaine, bien qu'un crédit de 1.350.000 fr. ait été ouvert pour la construction du Palais de Justice de Tunis, de diverses écoles, etc., il faudrait encore environ deux millions pour assurer l’ins- tallation complète de tous les services de l'État et de la plupart des services municipaux. IX. — ConcLusIoNs. Il serait lout à fait absurde de fixer des bornes au développement de l'oulillage économique d'un pays; mais il n’est pas défendu de tenter de marquer les phases de ce développement et d’assigner à la phase à laquelle nous collaborons ses limites pro- bables en temps et en argent. À nos yeux, il apparait clairement que le gou- vernement du Protectorat pourra clore avec ce siècle la première période de son œuvre, celle qui lui aura permis de mettre l'outillage public des parties peuplées de la Régence au niveau de celui des nations civilisées. Alors seulement pourra et devra commencer la période de marche en avant et d'ouverture de régions nouvelles au peuplement et à la civilisation. Appuyés sur une zone côlière dotée de toutes ses voies de communication ter- restres et maritimes, il ne sera pas interdit aux spéculateurs aventureux de lancer des voies de pénétration « à l'américaine » dans l’intérieur et le sud de la Régence, et vers ce Soudan arrosé déjà du sang français le plus généreux. Cette œuvre viendra en son temps, et si la première est plus modeste, elle n’en élait pas moins nécessaire et ne restera pas sans mérite. Au commencement du xx° siècle, après quinze années d'un travail patient et continu, le Protectorat, sans recourir à aucun emprunt, aura porté à près de 150 millions le capital de son outillage public. Ce capital pourra très vraisemblablement se décomposer comme il suit : Ports maritimes "et". . 38 millions Phares et (balises. .222.-2.-.---tec--a es 27e Routes eMpierrées....--.. 1-2 Re 0 A5 Chemins detente ----cet Sp BAtiments neufs... <..: A2 Eaux et égouts.....:..... ro e 12 » Travaux municipaux, tramways, divers. 4# » Au moment où l'idée d'un emprunt tunisien est lancée et paraît devoir mériter la plus sérieuse attention, il ne nous a pas paru inutile de consacrer cette étude sommaire à la constatation des résultats obtenus. E. de Fages, Ingénieur des Ponts et Chaussées. Adjoint à la Direction générale des Travaux publics, à Tunis. | | | NI — SERVICES SCIENTIFIQUES ET INSTRUCTION PUBLIQUE EN TUNISIE 1177 L'ÉTAT ACTUEL DES SERVICES SCIENTIFIQUES ET DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE EN TUNISIE Le trait caractéristique de l'administration du Protectorat tunisien, — sorte de dyarchie où le pouvoir est partagé entre les indigènes et les re- présentants de la nation protectrice — se retrouve, comme ailleurs, dans l'enseignement public. L'en- seignement musulman,aussi ancien que la Régence, a subsislé après l'établissement du Protectoral. Mais, à côté et indépendant de lui, est né eta grandi un enseignement français, plus approprié aux besoins actuels du pays, sorti pour ainsi dire des exigences mêmes de la situation. Il se distingue de l'enseignement musulman par deux caractères principaux. Ce dernier est fixé par la tradition; l'autre, par l'indépendance relative dont il jouit vis-à-vis de la Métropole, est susceptible d'une adaptation plus intime au pays et à ses besoins. En outre, l’enseignement français garde un carac- tère pratique, primaire, — le musulman reste une culture, dans son genre supérieure, sans rapports directs avec les nécessités de la vie pratique. Ces réserves faites, l'enseignement français joue en Tunisie le rôle de nos enseignements primaire el secondaire, et l’enseignement musulman, si l'on y ajoute les chaires publiques d'arabe, corres- pondrait assez bien à notreenseignement supérieur. Ï. — ENSEIGNEMENT FRANÇAIS PRIMAIRE ET SECONDAIRE. L'enseignement français est encore en grande partie primaire. Le lycée compte une bonne moitié de ses élèves dans cet enseignement. L'École se- condaire de jeunes filles, en même temps qu'elle forme des institutrices, prépare aux brevets de l'enseignement primaire. Le collège Alaoui est une école normale d’instituteurs — et le collège Sadiki, réservé aux Arabes, n'est qu'une école primaire supérieure. Il ne peut en être autrement si l’on songe à la nouveauté de notre enseignement dans ce pays de culture et de religion si différentes des nôtres. L'enseignement français date du Protectorat et de la création de la Direction de l'Enseignement public. Auparavant il n'avait été fait que quelques tentatives isolées. En 1845, l'abbé Bourgade avait fondé à Tunis une école ouverte aux enfants de toute confession et donnant à tous un enseignement commun. Mais cet établissement périclita et dut disparaître après la venue des Frères de la Doctrine chrétienne, à l'appel de Mgr Suter, vicaire aposto- lique de la Funisie. Une seconde école de Frères s'ouvrit à Tunis en 1859, une troisième à la Gou- lette en 1871. En 1816, le gouvernement tunisien fonda le col- lège Sadiki. En 1878 fut ouverte la grande école de l'Alliance israëlite. En 1880, le cardinal Lavigerie créa, auprès de la chapelle élevée en l'honneur du roi Louis IX à Carthage, un collège qu'il appela Collège Saint-Louis. En 1881, cet établissement ne comptait pas moins de 50 pensionnaires. Il fut transféré l’année suivante à Tunis sous le nom de collège Saint-Charles. Pour les filles, la plus ancienne école date de 1843, et fut créée par les sœurs Saint-Joseph de l'Appa- rilion. Cette même congrégation ouvrit des écoles successivement à Tunis, La Goulette, Bizerte, Sousse, Monastir, Mehdia, Sfax et Djerba. En 1882, les sœurs de Sion fondèrent une grande école à Tunis. Ainsi les établissements scolaires où le français était la base de l’enseignement, se comptaient au nombre de 2% en 1883. 20 étaient dirigés par les congréganistes, les 4 autres (le collège Sadiki et les 3 écoles de l'Alliance israélite) étaient confiés à des maitres laïques. Aucun d'eux ne recevait de subvention du gouvernement local, qui n’exerçait, du reste, sur eux aucune surveillance. Tableau I. — Ecoles françaises en Tunisie. LAÏQUES | CONGRÉG. ————— | ———— 1° ÉCOLES PUBLIQUES de garcons 58 51 Ecoles primaires.. « de filles... 923 13 { mixtes... 10 10 ( Lycée. et Ecoles secondaires | collèges. Jeunestilles Totaux ho 29 ÉCOLES PRIVÉES Séminaire et collège de garcons. 2 garcons... 3 Ecoles primaires... { filles...... 7 | mixtes... 2 Totaux... A ces établissements scolaires s’ajoutaient les 1178 KR. VERSINI — SERVICES SCIENTIFIQUES ET INSTRUCTION PUBLIQUE EN TUNISIE écoles italiennes qui comprenaient: à Tunis un col- lège de garçons et un collège de filles, à la Gou- lette et à Sousse une école de filles. Au 1° juillet 1896, le nombre des établissements scolaires français de la Tunisie, publics et privés, était de 109, se décomposant comme l'indique le tableau I (page 1177). Divisés par nationalités, les élèves de ces écoles, garçons etfilles, se répartissent comme le montre le tableau IT. çais, l'arithmélique, les éléments de la géométrie et de la comptabilité, la géographie (spécialement celle du bassin méditerranéen), les éléments de l'histoire de la France et de l'Afrique du Nord, des récits sur les grands hommes de tous les âges, les éléments des sciences physiques et naturelles et leurs applications pratiques, les travaux manuels, le dessin, la musique élémentaire, la gymnastique pour les garcons et les travaux à l'aiguille pour les filles. Tableau II. — Répartition des nationalités dans les écoles françaises en Tunisie. GARCONS FILLES FRAN- ÇAIS MAL-|MUSUL-|ISRAÉ- TAIS | MANS | LITES ITA- LIENS Etablissements PubhES = ertee Etablissements PRIVÉS eee (21) 7| 1115 | 1290! 766 4145 | 1069 115 1206 22 TOTAUX GÉNÉRAUX. ...-........ DIVERS |TOTAL { Etablissements publics : | Etablissements privés MAL- | MUSUL- [ISRAË= ASE. ab DIVERS [TOTAL TAISES| MANES | LITES ÇAISES | LIENNES 826 103% 632 1622 281 22 137 11.950 garcons et filles. 3.198 » » _» 15.148 À la fin de l’année scolaire 1894-1895, la popula- tion scolaire de ces établissements d'instruction se divisait comme l'indique le tableau II. Tableau III. — Nombre des élèves dans les écoles françaises GARÇONS FILLES TOTAUX Ecoles publiques ...... 10.881 Ecoles libres MOTAUX:-- eee Le nombre des élèves des écoles publiques a donc augmenté de 1.069, celui des écoles privées de 138; au total, de 1.207. En 1885, première année où il a été possible de faire une statistique rigoureuse, ces écoles élaient fréquentées par 2.707 garçons et 1.683 filles, soil par 4.390 écoliers au total. Les résultats de 1885 et de 1896 s'opposent d'eux-mêmes et montrent le chemin parcouru. Nous ferons seulement observer qu'en 1883 il y avait à peine en Tunisie 150 élèves musulmans étudiant la langue française : il yen a aujourd'hui 3.585, non compris les adultes. Matières enseignées. — L'enseignement primaire dans les écoles publiques de la Tunisie comprend l'instruction morale, la lecture, l'écriture, le fran- Ce programme n'est pas appliqué partout inté- gralement. On le suit cependant dans les écoles où les Européens forment la majorité. Il indique en tout cas le but à atteindre. L'emploi du temps est arrêté par l'Inspecteur primaire sur la proposition des directeurs d'écoles. Les écoles sont aménagées selon les ressources qu'a pu fournir le budget tunisien. Le matériel d'enseignement est le même qu'en France. Mais les immeubles ne répondent pas à tous les desiderala. Il y a cependant progrès, et l’on peut espérer bien- tôt un aménagement suffisant pour les écoles de la Tunisie. Les quatre établissements d'enseignement les plus considérables de la Tunisie se trouvent tous à Tunis. Ce sont le lycée Carnot, l'École secondaire de jeunes filles, le collège Sadiki et le collège Alaoui ou École Normale d'instituteurs. Lycée Carnot. — Le lycée de Tunis, auquel on a donné le nom de lycée Carnot en juin 1894, est situé au centre du quartier européen, avenue de Paris. Il occupe une superficie de plus de deux hectares ; c'est dire qu'on a pu doaner aux bâti- ments et aux cours de récréation tout l'espace né- cessaire. Le gouvernement tunisien a fait les plus grands sacrifices pour cet établissement, qui peut suppor- ter la comparaison avec les établissements simi- laires de la Métropole. Aussi, la population sco-. R. VERSINI — SERVICES SCIENTIFIQUES ET INSTRUCTION PUBLIQUE EN TUNISIE 1179 laire qui s'élevait à 256 élèves en 1890, comprend aujourd'hui 426 élèves répartis comme il suit : Ext. surv. Ext. libres Internes Demi-pensionnaires 48 19 127 232 Enseig. primaire Enseig. classique Enseig. moderne 214 m 15 L'enseignement secondaire classique et l'ensei- gnement primaire y sont donnés conformément aux programmes de la Métropole. L'enseignement secondaire moderne est donné d’après des pro- grammes spéciaux qu'on a établis en prenant pour base ceux de l’enseignement moderne en France, mais que l’on a appropriés aux besoins de la Tunisie. Il comprend deux divisions : division de gram- maire (6°, 5°, 4°) et division supérieure (3°, 2°, 1"°). Après la troisième, les élèves peuvent entrer dans la section normale, dans la section commerciale ou dans la section agricole. L'enseignement de la section normale est con- forme aux programmes de l’enseignement moderne de France. Les sections commerciale etagricole sont propres à la Tunisie et dues à l'initiative de la Direction de l'Enseignement. La section commerciale comprend deux années d'étude, 2° et 1", L'enseignement embrasse : les langues française, arabe, italienne, anglaise; l'his- toire du commerce et de l'industrie, la géographie commerciale et industrielle: les mathématiques appliquées au commerce; la physique et la chimie appliquées à l'industrie; le droit usuel et l'écono- mie politique; la comptabilité, la calligraphie, le commerce et l'étude des marchandises. La section agricole comprend également deux années. Elle embrasse dans son enseignement les langues française, arabe, italienne: l'histoire et la géographie économiques, les mathématiques, la physique, la chimie et les sciences naturelles ap- pliquées à l'agriculture ; le droit usuel et l'écono- mie politique; la comptabilité agricole et des no- tions de commerce; le dessin appliqué à l’agricul- ture. Au lycée Carnot, au point de vue des nationalités, les élèves se dénombraient ainsi à la fin de 1895- 1896 : Francais Arabes Israëlites Maltais Italiens Grecs Divers 228 Il 445 Lo 3 37 8 24 DOS ee 426 Ecole secondaire de jeunes filles. — Pour permettre aux familles européennes de faire donner à leurs filles une instruction solide, il fallait créer à Tunis un établissement analogue au lycée Carnot. En même temps, on devait songer à former des insti- tutrices pour les écoles laïques, après les avoir recrulées parmi les meilleures élèves de ces écoles. Ces raisons ont amené la création de l'Ecole secon- daire de jeunes filles, installée dans le quartier européen avec tous les avantages du plus moderne confort. L'école de Tunis n'a rien à envier à ce point de vue aux établissements les plus perfec- tionnés de la France. L'enseignement y est ainsi réparti : Classe maternelle destinée aux enfants au-d s- sous de 4 ans (garçons et filles). Classe enfantine pour les enfants de 4 à 6 ans (garcons et filles. Classes primaires pour les filles au-dessus de 1 ans. Classes secondaires dans lesquelles on ne reçoit les élèves que lorsqu'elles sont pourvues du certi- ficat d'études primaires. Ces classes comprennent cinq années d'enseignement. Les trois premières conduisent à l'examen du brevet élémentaire, les deux dernières au brevet supérieur. Les programmes de l'enseignement comprennent d'une manière générale les matières suivantes langue et littérature françaises, langues vivantes (arabe, anglais, italien), morale, histoire, géogra- phie, mathématiques, physique, chimie, sciences naturelles, économie domestique, travaux à l'ai- guille, dessin, musique, etc. L'École reçoit, outre les élèves-maitresses qui se destinent à l'enseignement, des élèves internes, demi-pensionnaires, externes surveillées etexternes libres. A la fin de 1895-96 cet établissement comp- lait 442 élèves dont : Externes surveillées Ext. libres Internes Demi-pensionn. 10$ 318 13 13 II. — ENSEIGNEMENT MUSULMAN. Collège Sadiki. — Le trait caractéristique du col- lège Sadiki est d'être exclusivement ouvert aux jeunes musulmans. Il leur offre une culture pri- maire supérieure appropriée à leurs besoins et à leurs moyens. Il complète ainsi heureusement le lycée. Européens au lycée Carnot, musulmans au collège Sadiki trouvent dans la métropole tuni- sienne l’enseignement auquel ils ont droit et qui leur convient. Le collège fut fondé en 1876 par le bey Sadiki sous le ministère de Khérédine, et doté de la ma- jeure partie des biens conlisqués à l’ancien mi- nistre Si-Moustafa-Khasnadar : biens religieux, inaliénables, dontles revenus couvrent les dépenses d'administration du collège. Depuis le Protectorat, le contrôle français s'exerce sur le collège et ses propriétés, grâce à un Conseil d'administration de 8 membres. Ce conseil joue le rôle du Conseil de 1180 dans les Universités allemandes. Il dresse le budget, approuve la gestion des biens, crée les chaires, fixe les traitements, etc. l'Université Le collège, autrefois recruté par le tirage au sort — seul moyen alors d'éviter les abus du favori- tisme — estaujourd'hui ouvert au concours. Ilreçoit 100 élèves qui sont demi-pensionnaires aux frais de l'établissement et 50 internes complètement boursiers. L'enseignement que les élèves sont obligés de suivre se divise en sept classes et com- prend: l'étude du français (lecture, grammaire, écriture, littérature), l'histoire et la géographie de la France, des notions d'histoire et de géographie générales, l'arithmétique, le système métrique, la géométrie, l'algèbre, le dessin, les éléments des sciences physiques. L'arabe est naturellement en- seigné dans toutes les classes. Le débouché naturel du collège, ce sont les administrations lunisiennes. Un des anciens élèves est aujourd'hui médecin à Tunis, deux sont géo- mètres, beaucoup d’autres fonctionnaires (ensei- gnement, finances, contrôles, municipalités). Collège Alaoui. — Le collège Alaoui est le seul des quatre établissements de Tunis qui soit vérita- blement ouvert à tous. Européens français et indi- gènes s'y coudoient. C'est que l'École Normale doit former à la fois des instituteurs français et indi- gènes. Fondée en 1884 sur l'initiative de la Direction de l'Enseignement, l'École Normale est la pépinière des instituteurs de la Tunisie. Presque tous les maitres venus de France y ont passé au moins quelques mois. Aujourd'hui les jeunes maitres y séjournent encore pour se familiariser avec les méthodes spéciales employées dans les écoles pri- maires de la Régence ainsi qu'avec la langue arabe, et c'est seulement quand leur stage est terminé qu ils rejoignent leur poste dans l'intérieur. L'École Normale donne l'enseignement primaire supérieur, et dans les classes de l’école annexe l'enseignement primaire. L'enseignement profes- sionnel, commercial et agricole, y lient une large place. Les travaux manuels, principalement ceux qui ont rapport au bois et au fer, sont particulière- ment en honneur dans l'établissement. En 1889,on a installé des ateliers pour ces travaux pratiques. Ils comprennent une grande salle de dessin, une salle pour le travail du bois, une salle de mode- lage, un atelier d'ajustage, un atelier de reliure. Déjà plusieurs des élèves ont été reçus à l’école des Arts et Méliers d'Aix. Les notions de travail manuel acquises à l'École Normale sont très utiles aux futurs instituteurs dans les différents postes où ils ont à exercer. La population du collège, 542 élèves en juillet 1896, comprend des externes libres, des externes surveillés, des demi-pensionnaires et des R. VERSINI — SERVICES SCIENTIFIQUES ET INSTRUCTION PUBLIQUE EN TUNISIE pensionnaires. Parmi ceux-ci comptent les élèves maitres ou futurs instituteurs. Tous sont boursiers, au nombre de 45 dont 5 Français et 10 indigènes. Leur séjour à l'École peut se prolonger au delà des: trois années réglementaires pour leur permettre de compléter leur éducation professionnelle. III. — ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. L'enseignement supérieur en Tunisie est repré- senté par l'enseignement musulman et les chaires publiques de langue arabe. L'enseignement musulman est essentiellement religieux. Il débute par une sorte de catéchisme. En effet, le Moueddeb (maitre primaire) enseigne aux enfants des Kouttab (écoles musulmanes) à lire et à écrire le Koran, sans l'expliquer ni le com- menter (fig. 1). 14.000 élèves suivent cet enseigne- ment purement mécanique, qui n’a, comme on le voit, qu'une portée très limitée. Il a pour objet de mellre seulement l'enfant à même d'acquérir les notions les plus simples de sa religion el d'en apprendre les pratiques. L'enseignement musulman proprement dit est concentré à la grande Mosquée de Tunis, ou Djama- ez-Zitouna. Cette Université tunisienne rappelle nos Universités des siècles passés, où la Faculté de théologie tenait la première place quand elle n'absorbail pas à elle seule toute la vie de l'Uni versité. La grande mosquée estadministrée par le Cheikh- el-Islam, grand pontife de la religion musulmane, assisté de trois magistrats pris dans les deux rites hanéfi et maléki. Les professeurs sont au nombre de 44, assistés de 67 maitres auxiliaires. Ils doivent faire au minimum deux leçons par jour. Généralement ils en font davantage. Actuellement, le nombre des leçons faites chaque jour est de 270. On voit, rien que par ce chiffre, que l'enseignement de la Mosquée n'a de supérieur que le nom. Les professeurs enseignent la science acquise, ils ne la font pas, comme nos chefs de service des Universités fran- çaises. C'est encore une conséquence du caractère religieux de la grande Mosquée. La notion du de- venir perpétuel, qui est à la base de toute recherche, échappe au musulman. Pour lui, le Koran, le livre sacré, émane de Dieu et doit tout contenir. Tout part du Koran et tout y ramène. Les étudiants passent au moins 7 années avant de subir l'examen dit teloui ou licence qui leur donne accès aux administrations et au professorat. Ils sont logés dans des établissements spéciaux, appelés médraças qui jouent à Tunis les Eton ou les Trinity-College. Il y en a 22 à Tunis avec 450 chambres. Le service intérieur en est régle- menté par la Direction de l'Enseignement. R. VERSINI — SERVICES SCIENTIFIQUES ET INSTRUCTION PUBLIQUE EN TUNISIE 1181 En 1895, 830 élèves suivaient les cours de la Djama-ez-Zitouna, dont 438 logeaient dans des médraças. La bibliothèque, très riche, compte 6.850 volumes prêlés au public autorisé par le Conseil d'administration. Une seconde bibliothèque, fondée par le bey Sadok, possède 3.613 volumes, qui ne peuvent être consultés que sur place. A côté de cet enseignement musulman auquel il serait délicat de toucher, la Direction de l'Ensei- gnement à créé en 1884 une chaire publique de langue arabe. Celte chaire a pour but de permettre aux Européens d'apprendre l'arabe, non seulement qui en est pourvue possède, outre les connais- sances du brevet, des notions étendues de la syn- taxe arabe et des notions élémentaires du droit musulman, de la littérature arabe et de l'adminis- tration gouvernementale de la Régence. 154 per- sonnes ont suivi ces cours l'an passé, dont 123 ré- gulièrement 31 pour Ja 2° 40 pour l'arabe parlé 4° année, année, 34 pour l'arabe régulier, 18 pour le cours supérieur. L'enseignement supérieur français possède, lui aussi, sa bibliothèque, fondée en 1885. Elle s’enri- chitchaque année, grâce aux dons du Ministère de Æ l F l k E Fig. 1. — Ecole arabe dans une mosquée. Photographie de M. Garrigues. — Photogravure de MM. celui qui se parle et s'écrit, mais aussi l'arabe lit- léraire ou régulier. Le cours d’arabe parlé, qui prépare au certificat d’arabe parlé, est très fréquenté par les colons, fonctionnaires et officiers, que leur position ou leurs besoins mettent dans l'obligation de conver- ser avec les indigènes. Ce cours est divisé en trois années. Le cours élémentaire d'arabe régulier prépare au brevet élémentaire d’'arabe, brevet établissant que la personne qui l’a obtenu possède une con- naissance suflisante des principes de la grammaire arabe (lexicologie et syntaxe) et qu'elle est à même non seulement de communiquer avec les indi- gènes, mais encore de lire et de comprendre un écrit ordinaire rédigé en arabe régulier et de tra- duire en style arabe correct un texte français d'un genre simple el usuel. Le cours supérieur prépare au diplôme supé- rieur d’arabe. Ce diplôme établit que la personne Rougeron, Vignerot et Ci, l'Instruetion publique et aux achats de la Direction de l'Enseignement. Son fonds général comprend un nombre assez considérable d'ouvrages sur l'his- toire, la géographie, l'archéologie, l’agriculture de l'Afrique du Nord et en particulier de la Régence. Elle compte 2.590 ouvrages ou 5.264 volumes. En 1894, 9.359 ont été communiqués sur place à 3.897 613 ouvrages ont été prétés à 166 lecteurs autorisés à emporter les livres à domicile. Une bibliothèque pédagogique circulante a été créée à Tunis et compte un millier de volumes. Le collège Alaoui, ainsi que le lycée Carnot et le chacun l'une pour les maîtres, l’autre pour les élèves. lecteurs collège Sadiki, ont deux bibliothèques, L'Alliance française, enfin, a fondé à Tunis une bibliothèque populaire qui dépasse 3.000 volumes à l'heure actuelle, et qui a prêté près de 10.000 vo- lumes en 1895. Des bibliothèques populaires ont été également ouvertes à Bizerte, Sousse, Sfax, le 1182 E. LEVASSEUR — L'OEUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE Kef, Souk-el-Arba. Elles ont prèté 1.580 volumes à 1.051 lecteurs. IV. — LES SOCIÉTÉS FRANÇAISES. A côté de l'Enseignement public, il existe en Tunisie des Sociétés qui collaborent à l’œuvre en- treprise par la France et qui ont pour but l'instruc- tion, l'éducation, la culture des lettres, des sciences et des arts. L'Alliance française tient chronologiquement la première place. Elle est trop connue en France pour y insister. Son Comité régional, fondé en 1884, a créé à Tunis l'œuvre des Cantines scolaires et les Bibliothèques populaires, sans compter les fourni- tures, les prix,les livres de classe qu'elle à dis- tribués. La Chorale et l'Harmonie française ont déve- loppé à Tunis le goût du chant et de la musique. L'Union française de la Jeunesse a importé à Tunis l’œuvre si intéressante des cours d'adultes le soir, d'un caractère professionnel et pratique. Enfin, sans oublier le Cercle tunisien de la Ligue de l'Enseignement aujourd'hui disparu, faisons une place spéciale à l’Institut de Carthage qui, né en 1893, tient aujourd'hui le premier rang parmi les sociétés françaises à Tunis. Les organisateurs ont voulu créer un groupement capable de ré- pondre aux besoins intellectuels de la Régence. La société est divisée en trois sections : sciences his- toriques, sciences physiques, lettres et arts. L'Ins- titut a commencé dès janvier 1894 la publication d'une revue tunisienne très appréciée des géo- graphes. Deux fois sous ses auspices ont été ou- vertes des expositions artistiques qui ont réussi au delà des espérances. C'est l'Institut enfin qui a pris l'initiative d'inviter l'Association française pour l’'Avancement des Sciences, à venir à Tunis tenir son congrès en 1896. Raoul Versini, Ancien élève de l'Ecole Normale supérieure, Ancien professeur au lycée Carnot de Tunis, Professeur agrégé de Rhétorique au lycée d'Aix. L'ESPRIT DU PROTECTORAT FRANÇAIS L'ŒUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE I. — Le TRAITÉ Le 12 mai 1881, vingt jours après l'entrée des troupes françaises en Tunisie, le général Bréart signait avec S. A. le Bey de Tunis, dans son palais de Kassar-Saïd, le traité du Bardo (le palais de Kassar-Saïd peut être considéré comme faisant partie de l'ensemble des constructions du Bardo). Le général, qui avait débarqué à Bizerte dix jours auparavant, avait reçu de Paris l’ordre de se porter en avant jusqu'à une demi-lieue du Bardo et de proposer au Bey de signer sans délai le traité que le ministre des Affaires étran- gères, M. Barthélemy Saint-Hilaire, avait préparé de concert avec l'actif et ciairvoyant consul de France à Tunis, M. Roustan. Celui-ci venait, le 12 mai au matin, de demander une audience au Bey pour le général Bréart, par une lettre dans laquelle il expliquait le caractère de sa mission : « L'arrangement dont il s'agit, disait-il, assure le maintien de Votre Altesse et de sa dynastie dans le gouvernement de la Régence et ne porte aucune alteinte à son territoire. » Invité par le général à prendre sa résolution dans la journée même, le Bey, après avoir con- sullé ses ministres, accepta le protectorat de la France et signa le traité que le gouvernement français ratifia le 27 mai. On sait comment le retrait prématuré des troupes françaises nécessita un déploiement de forces considérables (50.000 hommes) el une cam- pagne coûteuse en argent et en hommes. Gam- belta, qui était alors président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, déclarait devant la Chambre maintenir, avec ses conséquences, ce trailé « qui ne permettait aucune des deux choses : ni l'annexion ni l'abandon ». Un homme qui réunissait les qualités du diplo- mate à celles de l'administrateur, M. Cambon, fut choisi pour organiser ce protectorat et développer le germedesinslitutions implicitementcontenuesdans le traité. Il en a obtenu le complément par la conven- tion additionnelle du 8 juin 1883 (traité de la Marsa), ratifié le 10 avril 4884. Quand il a quitté le pays, les grandes lignes du nouvel édifice politique de la Tu- nisie étaient fixées. Il a eu dans M. Massicault un di- gne successeur, qui a contribué à compléter l'œuvre. Récemment le rapporteur du budget du Minis- tère des Affaires étrangères pour l’année 1896 à la Chambre des députés, M. Merlou, a rappelé le caractère de cette œuvre: «Une nation de civili- sation européenne s’est donné pour mission de HAS E. LEVASSEUR — L'OEUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE 1183 rétablir l’ordre, la paix publique et la prospérité dans un pays de civilisation musulmane,et cela, : sans faire disparaitre le pouvoir local, sans pré- tendre le remplacer, mais en se contentant de le conseiller, de le contrôler, de le guider. » Il. — LE BEY ET LE GOUVERNEMENT. Le Beyest,comme il était par le passé, le « posses- seur de la Régence » ;c'estensonnom et sousson au- torité que se font les actes de gouvernement, confor- mément aux traditions religieuses de l'Islam et aux usages politiques du pays. La succession au trône est garantie à la famille de Hussein, succession régulière que le Protectorat met à l'abri des révolutions mili- taires ou populaires, etmet même mieux qu'autre- fois à l'abri des conspirations intérieures du harem. L'article 3 du traité porte : « Le gouvernement de la République francaise prend l'engagement de prêter un constant appui à S. A.le Bey de Tunis contre tout danger qui menacerait la personne ou la dynastie de Son Altesse ou qui compromettrait la sécurité de ses États. » La sécurité de la possession est un avantage considérable pour une dynastie de souverains dont le palais, même au temps de leur plus grande prospérité, a été le théâtre de drames sinistres et qui, dans les derniers temps, obérés de dettes, étaient obligés de recourir à une tutelle financière el ne pouvaient qu'avec de grandes diffi- cultés réprimer les soulèvements de leurs sujets révoltés contre la lourdeur des impôts et contre les exactions des collecteurs. La première condition d'un protectorat, c'est que l'État protecteur soit chargé des relations extérieures de l'État protégé; il en est en quelque sorte le curateur, ayant mission de défendre ses intérêts. En vertu de ce principe, la France est chargée des relations de la Régence avec les puis- sances étrangères; l’article 6 du traité porte : « Les agents diplomatiques et consulaires de la France, en pays étrangers, seront chargés de la protection des intérêts tunisiens et nationaux de la Régence. En retour,S. A. le Bey de Tunis s'engage à ne con- clure aucun traité ayant un caractère international sans en avoir donné connaissance au gouverne- ment de la République française et sans s'être entendu avec lui. » Le gouvernement français exerce à cet effet un contrôle dans la Régence, comme hors de la Régence. Les négociations qui ont eu lieu avec les puis- sances étrangères, notamment avec l'Angleterre, sont la conséquence de ce droit et sa consécration par la diplomatie européenne. Un des derniers actes el un des plus importants de ce genre est la triple convention ! signée le 28 septembre 1896 par 1 Convention consulaire et d'établissement. — Convention d'extradition. — Convention de commerce et de navigation. M. Hanotaux, ministre des Affaires étrangères, pour « le Président de la République française agissant tant en nom personnel qu'au nom de S. A. le Bey de Tunis », et par M. le comte Tornielli Brusali de Vergano pour le roi d'Italie. Le gouvernement italien, qui s'était abs- tenu jusque-là de reconnaitre l'autorité de la France en Tunisie, s'est prononcé : c'est le résultat polilique qui domine dans ces conventions. La situation particulière de la France est nettement définie dans l’article 8 de la convention de com- merce et de navigation. «Il est bien entendu que le traitement de la nalion la plus favorisée dont la jouissance est assurée à l'Italie ne lui donne pas droit au régime douanier qui pourrait être institué entre la Tunisie el la France, mais seulement aux avantages, de quelque nalure que ce soit, qui, dans les conditions énumérées au paragraphe précédent, seraient concédés à une tierce puissance quel- conque. » Le Protectorat ne se borne pas là. Les lois qui ont été la conséquence des conventions de 1881 et de 1883 ont constitué un organisme gouvernemental et administratif ingénieux et simple dans lequel se trouvent habilement combinées l'autorité du sou- verain protégé et celle de l'État protecteur, de manière à assurer à la populalion indigène le gou- vernement par son souverain national, au souve- rain les conseils de notre civilisation, à la France la haute surveillance sur l'administration musul- mane, à la colonie européenne le bénéfice des lois civiles de la France et certains avantages particu- liers pour la mise en valeur des richesses naturelles du pays. Le Bey gouverne. Mais, conformément aux lois, c'est par le Conseil des Ministres qu'est arrêté le budget annuel des recettes et des dépenses, et ce budget est une règle inflexible qui limite l’action du Bey comme celle de l'administration. Le Conseil est composé de ministres, dont deux, qui étaient les ministres du Bey avant le Protec- torat, sont indigènes et nommés par le Bey, et dont les autres sont Francais et désignés par leurs fonc- tions. Les deux ministres indigènes sont le Premier ministre, qui est à la fois Ministre de l'Intérieur et garde des sceaux, et le Ministre de la plume, qui a la justice indigène dans ses attributions. Le Rési- dent général, qui est le premier fonctionnaire francais de la Régence, est en même temps le ministre des Affaires étrangères du Bey et le prési- dent du Conseil des Ministres; le général comman- dant le corps d'occupation est en même temps le ministre de la Guerre. Le secrétaire général du gouvernement tunisien par les mains duquel passe toute la correspondance du gouvernement, qui soumet au Premier ministre les lettres à signer et son 1184 E. LEVASSEUR — L'OEUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE les expédie lui-même, et qui est chargé de la pro- mulgation des décrets elactes,est un Francais. Les finances, les travaux publics, l'enseignement, l'agri- culture, les postes et télégraphes sont constitués en services distinets dont les chefs sont des Français et ont voix consultative dans le Conseil. III. — LE RÉSIDENT GÉNÉRAL. Le Résident général qui, jusqu'en 1885, était désigné sous le titre de Ministre résident, est le représentant de la France et le dépositaire des pouvoirs du gouvernement de la République. Il relève du Ministre des Affaires étrangères du gouvernement français. Il a reçu le pouvoir de promulguer, au nom du Président de la Répu- blique francaise, les lois tunisiennes et de veiller à leur application. Il à sous son autorité tous les chefs de service français, y compris les com- mandants des troupes de terre et de mer. Il a droit de conseiller ofliciellement des ré- formes au Bey et de surveiller l'exécution de ces réformes. C'est par son intermédiaire que s'éta- blissent les relations des différents services avec les ministres de la République. Il est assisté d'un Résident adjoint et il étend sa surveillance sur la population indigène par l’or- , qui dépendent de la Direction des renseignements des contrôles civils et de l'agriculture et qui seraient plus logiquement rallachés à la Résidence, sont les rouages essentiels de l'organisme du Protectorat. gane des contrôleurs civils. Ces contrôleurs IV.— LEs CONTROLES CIVILS ET L'ADMINISTRATION LOCALE. Les formes de l'administration indigène sont de- meurées. Les caïds ou gouverneurs nommés par le Bey sont toujours les administrateurs des circons- criptions territoriales et des tribus; ils sont chargés dela police générale, de la recette de l'impôt, d’une certaine autorité militaire, el ils ont même des attributions judiciaires. Ils ont pour adjoints des khalifas et pour collecteurs d’impôtles cheikhs. Les fonctions caïds et les circonscriptions des caïdats ont élé revisées et précisées par le Protec- torat. Le contrôleur civil, assisté du contrôleur sup- pléant, les surveille ; ilest leur intermédiaire auprès du gouvernement du Bey et, de même que toute la correspondance beylicale passe entre les mains du secrélaire général du gouvernement tunisien, toutes les correspondances et toutes les affaires des autorités locales passent par l'intermédiaire du contrôleur. Rien ne peut donc se faire qu'il ne sache et dont, par conséquent, le Résident général ne puisse être instruit; il connaît les abus et il doit s'appliquer à les détruire ou au moins à les atté- nuer peu à peu; il veille à la répartition et à la des levée des impôts et dispose en réalité de la cor- vée ; il exerce une grande autorité sur les caïds, car il peut les faire destituer; il recommande les candidats: il exerce la haute police, et la gendar- merie indigène (oudjak) est directement sous ses ordres. Il serait peut-être utile d'augmenter le nombre de ces gendarmes pour donner aux colons établis au milieu des campagnes toute la sécurité souhaitable etcalmer des inquiétudes que quelques attentats récents leur ont causées. L'institution des contrôleurs, par laquelle le gouvernement fran- çais à la main sur la population tunisienne sans que le poids de celle main, qui est celle d'un étranger et d'un infidèle, pèse trop lourdement sur une population attachée à ses traditions, est un instrument peu coûteux et lrès eflicace de police, d'influence et de progrès. La Tunisie est divisée aujourd’hui en treize con- trôles (Tunis, Bizerte, Grombalia, Beja, Souk-el- Arba, le Kef, Maktar, Kasserine, Kairouan, Sousse, Sfax, Gafsa, Gabès) avec sept annexes (Zaghouan, Medjez-el-Bab, Tabarka, Mehdia, Djerba, Tozeur). Dans l’extrème sud, les pouvoirs de contrôleur sont confiés à l'administration militaire, qui a créé le commandement militaire de Gabès, divisé en poste des Matmata et poste de Kebili et le cerele de Me- denine avec ses quatre postes : Medenine, Foum- Tatahouine, Zarzis et Ksar-el-Ghardane. C'est prin- cipalement avec les Magzden, goums indigènes, que les officiers font la police de la frontière de la Tripolitaine. Chaque contrôle civil comprend ordinairement plusieurs caïdats. Dans celui de Tunis, par exem- ple, sont les caïdats de la banlieue de Tunis et celui de Tebourbaet de la Sebala et, en oulre, l'an- nexe de Zaghouan. L'administration indigène tient du caractère pa- triarcal, surtout dans les tribus ; elle est très simple, pour cette raison surtout qu'on administre très peu, les services publics n’existant pas ou étant à l'état rudimentaire. Les deux grandes affaires sont la justice et l'impôt, dont je parlerai plus loin. V. — L'ADMINISTRATION MUNICIPALE. Il n'y avait pas d'organisation municipale, sauf un embryon à Tunis depuis 1858, avant le Protec- torat. Plusieurs villes maintenant en ont une. En 1883, la commune de Tunis a été réorganisée ; puis d'autres communes ont été instituées avant ou après le décret du 1% avril 1885 qui règle le fonc- tionnement des municipalilés : Bizerte, Sfax, Sousse, La Goulette, le Kef, Mehdia. Sept autres villes ont été pourvues d'une Commission munieci- pale dont les pouvoirs ne sont pas déterminés par une loi: Gabès, Monastir, Kairouan, Beja, Nabeul, Houmt-Souk, Souk-el-Arba. Dix localités avaient, E. LEVASSEUR — L'OEUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE 1185 au commencement de l’année 1896, une commis- sion de voirie : Tozeur, Zarzis, Zaghouan, Te- bourba, Gafsa, Medenine, Aïn-Draham, Tabarka, Medjez-e6l-Bab, Sidi-bou-Saïd. Les conseils municipaux des sept communes se composent d'un président qui est toujours un indigène el presque toujours le caïd de la cir- conscription, d'un vice-président français (il y en a deux à Tunis), qui possède la plus grande partie des attributions administratives, et d'un nombre à peu près égal, quand il est possible, de conseil lers européens et de conseillers indigènes; le nom- bre des conseillers est fixé par le gouvernement qui les nomme. À Tunis, il y a un commissariat central et cinq arrondissements de commissaire de police. Trois cheikhs pour les musulmans et un caïd pour les israélites sont chargés de faire exécuter les arrêtés municipaux par leurs admi- nistrés. Les membres des commissions de voirie sont nommés aussi par l'administration; les Européens y sont en général peu nombreux, parce qu'il y a peu d'Européens établis dans ces localités. VI. — LA JUSTICE INDIGÈNE. Dans chaque communauté politique, la justice est rendue par le cadi et par le caïd. Le caïd connait des contraventions de police et des deltes (à Tunis, c’est le ferik qui juge les contra- ventions), des délits el des affaires personnelles et mobilières qui ne concernent pas le statut personnel et cherche en général à concilier les différends par un arrange- ment à l'amiable, et, s'il ne le peut, il renvoie l’af- faire au tribunal de l’ouzara. Le cadi, qui està pro- prement parler le juge, mais qui exerce en même temps les fonctions de notaire et quelque peu celles d’officier de l’état civil, connaît des affaires relatives au statut personnel, aux successions, aux habous, à la propriété immobilière. Caïds et cadis sont nommés parle Bey, de qui émane leur pouvoir, et rendent une justice qui, en principe, est gra- luite, mais que l'accessibilité des magistrats aux présents rend souvent très coûteuse. Il n'y a pas de code civil ni criminel; le Coran, avec les commentateurs qui en ont développé la jurisprudence, est, comme dans tout pays musul- man, la source unique du droit. Le Bey est théoriquement le juge souverain de ses sujets, et, en réalité, c'est à lui ou aux tribu- naux qui siègent près de lui que les plaideurs ou les juges appellent et que les affaires, telles que les crimes et certains délits, sont portées directe- ment. Ces tribunaux sont au nombre de deux :l’Ou- zara et le Chàraa. L'Ouzara est le tribunal laïque, chargé de toutes les successions; il les affaires, hors celles qui concernent le statut personnel et la propriété immobilière. Il est divisé en section des affaires civiles etse ction des affaires pénales, cette dernière étant subdivisée elle-même en correctionnelle et en criminelle. Il ne prononce pas le jugement; il le prépare par instruction sur pièces, audition de témoins, enquêtes, plaidoiries. Quand, en matière civile, les parties ont déclaré qu'après communication des conclusions, elles n'avaient plus rien à opposer à la partie adverse, quand, en matière criminelle, le premier ministre a examiné le dossier, l'Ouzara présente au Bey le projet de jugement à signer. Celte présentation se fait deux fois par semaine. Le Bey étudie d'or- dinaireles conclusions avec le Ministre de la plume, entend mêmeles parties et rend le jugement en con- formité ouen non-conformilé aveele projet. Lorsque le projet contient sentence de mort, le Bey ne peut commuer la peine en travaux forcés que si les plai- gnants consentent à accepter une composilion pécu- niaire. Pour coups, blessures, comme pour assassi- nat, il y a un tarif de rachat : c’est le werhgeld des anciens Germains, le prix du sang ; toutefois un au- teur a fait remarquer qu'il s'en distingue en ce que l'institution germanique admettait des compensa- tions différentes suivant la condition des per- sonnes, tandis que le taux musulman est le même, quel que soit le rang de la victime. Quand la sentence est prononcée, l'exécution suit immédiatement, et le condamné est pendu sur une place toute voisine du Bardo, en présence du Bey. Cette manière de rendre la justice rappelle la légende de saint Louis sous le chène de Vincennes et les justices féodales. Elle a le grave défaut de concentrer trop d'affaires à Tunis, de forcer les plaideurs à venir souvent de très loin, des extré- mités mêmes de la Régence, de coûter parfois très cher et de décourager les appels. Le gouverne- ment songe à créer des tribunaux provinciaux de l'Ouzara ; l'obstacle principal est dans la fiction que le jugement est rendu par le Bey. On pourrait peut-être la tourner en augmentant le nombre des membres du tribunal de Tunis et en les envoyant tenir régulièrement des assises dans les provinces. Le Chàraa est le tribunal religieux. Il a dans ses attributions les mêmes affaires que le cadi, l'état des personnes, les successions, la propriété immo- bilière étant essentiellement réglée par le Coran. Aussi le Chàraa a-t-il deux jurisprudences distinctes suivant le rite adopté par les parties, le rite hane- fite qui est surtout celui des Turcs et auquel appar- tient toujours le cheikh-el-Islam, premier magistrat du Chàraa, et le rite malekite qui est suivi par la plus grande partie de la population. C'est le défen- deur qui a le choix du rite. 1186 E. LEVASSEUR — L'OEUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE Le Châraa n'a pas l'inconvénient d’être unique, comme l'Ouzara;ila dansles provinces de la Régence plusieurs tribunaux composés d'un bach mufti ou président, de plusieurs muftis ou conseillers et d'un cadi ; en réalité, c’est le cadi qui juge, à moins que les parties ne sollicitent une délibération du conseil des muflis. À Tunis, il y a deux cadis, un pour chaque rite, et ces magistrats exercent une certaine auiorité sur leurs collègues des provinces. Le Bey, d’ailleurs, n'a pas abandonné entièrement son pouvoir judiciaire; si l'arrêt n'estpas prononcé à l'unanimité, il se saisit de l'affaire et décide après avoir examiné les deux opinions. VII. — Les IMPOTS ET LA DouANE. Le système général des impôts n'a pas été changé: la population tunisienne v est habi- tuée. Mais la perception et l'administration ont été très avantageusement remaniées; des impôts ont été réduits ou supprimés. L'impôt le plus général, et un des plus productifs, est la medjba, impôt de capitation, qui était de 24 francs par adulte jusqu'en 1892 et qui a été abaissé à 22, puis à 20 francs en 1894. Comme tous les impôts de capitation qui sont forts et qui ne sont pas gradués, celui-ci, qui porte en principe sur tout adulte du sexe masculin, sauf certaines exceptions, pèse lourdement sur les pauvres gens. Au manouvrier qui gagne à peine 4 fr. 20 et qui subit souvent de longs chômages, il prend près du dixième de son revenu brut. Néanmoins, il est payé et l’arriéré, qui montait à 12 et à 15 millions dans la période 1886- 1890, n'était plus que de 6 millions, y compris les non-valeurs, en 1896. Il faut se garder de le changer; sa raison d'être, avec une population comme celle de la Tunisie, est dans sa simplicité et dans son existence séculaire. Des administrateurs pensent même que le Tré- sor à plus perdu par la réduction d’un sixième qui le prive d'une recette d'environ 700.000 francs, que es habitants, habitués à payer, n'ont gagné en con- ‘entement. On doit faire observer à ces critiques que la surveillance du Protectorat a amené plus de sévérité dans la perception et a élevé de 180.000 à 240.000 le des qu'elle élèvera peut-être encore! et que les nouveaux contribuables n'étaient pas habitués à payer; il est nombre contribuables, vrai qu'ils peuvent répondre qu'avec les mœurs administratives des musulmans ce n'étaient proba- blement pas les plus pauvres qui étaient le plus exemplés. Les habitants de cinq grandes willes n'y sont pas assujettis. Leur immunité est-elle bien justifiée ? , 1 240.000 adultes mäles correspondent approximativement (approximation très vague d’ailleurs) à un million d'habitants. | ot il ya plus d’un million de Tunisiens. Outre la medjba, les indigènes supportent la charge personnelle de la prestation. De tout temps la corvée a existé en Tunisie; elle était imposée irrégulièrement et inégalement par la volonté des caïds, et les travaux d'utilité publique n’en profi- taient guère. Le Protectorat l’a à peu près géné- ralisée dans les campagnes depuis 1886 et il l’a beau- coup mieux employée. Il paraît qu’en général elle est de trois journées et que les contrôleurs ont soin de les demander aux époques où la culture laisse des loisirs aux indigènes. Il serait bon qu'un décret fixät les bases de cette contribution; il paraît juste, si la prestation peut être rachetée en argent, que les Européens qui, cerlainement, ne profitent pas moins de ses œuvres que les indigènes, sup- portent une part de la charge !. L'achour, le kanoun et la dime des huiles, sont des impôts directs prélevés sur l'exploitation ou le produit agricole, qui rétablissent en partie la pro- portionnalité des contributions aux facultés des contribuables. L'achour est une dime sur les céréales, dont la valeur est fixée chaque année d'après la récolte. Aussi le produit estl très variable : 4.622.000 fr. en 1887-1888 et 903.000 l'année suivante; le maximum obtenu jusqu'ici a été de 2.120.000 fr. en 1894. En somme, il paraît augmenter ; soitparce que l'établissement des rôles est plus exact, soit parce qu'il y aune augmentation réelle des cultures. Cette dernière cause parait la plus vraisemblable où au moins la plus importante ; car le nombre des mechias (la mechia, équivalant en moyenne à une dizaine d'hectares, est l'unité culturale en Tunisie) s'est élevé en vingt ans de 40.000 à 60.000 environ. L'administration s'efforce de régulariser cel impôt qui était établi des bases différentes dans chaque région et dans l'assiette duquel on a cons- sur taté des omissions graves ?. Il était payable en nature ou en argent, à raison de 30 francs par mechia : en 1895, l'impôt en nature a rendu 1.289.300 francs et l'impôt en argent 706.200 francs. Le paiement en nature occasionnant des pertes et des abus et exigeant une administration spé- ciale, la Rabla, chargée de conserver et de vendre les grains, l'obligation du paiement en argent a été imposée par le décret du 3 juillet 1895 : c'est incontestablement une amélioration. Le kanoun estune laxe sur les oliviers et les pal- miers-datliers. Il est perçu d’après un tarif fixe par pied d'arbre. Mais les rôles, qui sont anciens, sont loin de comprendre tous les arbres des régions sou- mises à cette taxe et de répartir également l'impôt; 1 Ce à quoi les municipalités ne paraissent pas disposées. Voir 10e session de la Conférence consultative, n° 212. 2? Ainsi, on a constaté qu'à Nabeul il existait 193 mechias et que 100 seulement avaient payé; à Zaghouan, 243 sur 440. | _ PAR E. LEVASSEUR — L'OEUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE 1187 l'administration a entrepris, en vertu d'un décret du 22 janvier 14894, un nouveau recensement ‘. Il y a d’ailleurs des régions, la banlieue de Tunis, Bizerte, le Zaghouan, l'ile de Djerba, etc., qui ne - sont pas assujeties au kanoun et qui payent en - compensation la dime des huiles, c'est-à-dire le dixième de l'huile extraite des olives apportées au pressoir; en outre, dans certaines régions, les grignons, c’est-à-dire le résidu du pressage, devient la propriété de l'État. Le produit du kanoun, qui varie peu d'une année à l’autre, a été de 1.423.200 fr. en 1895; celui de la dime a varié de 616.473 francs en 1885-86 à 1.131.175 en 1888-89. Les autres impôts directs, la maradjas, qui est établie proportionnellement à la superficie sur les jardins et les cultures forestières dans la région du cap Bon et sur certaines olivettes dans celles de Sfax (40.900 fr., en 1895), les khodors, taxe d’abon- nement sur les palmiers, herbages, fruits, dans l'ile de Djerba (61.600 fr.), qui doit être remplacée par un impôt foncier après la confection du cadastre, la caroube, taxe du seizième (6,25 °/,) sur le revenu locatif ou sur les loyers effectivement payés des immeubles (59.200 fr.), dont l'État a abandonné le produit aux municipalités (excepté dans la banlieue de Tunis, à Monastir, à Kairouan), les patentes (27.100 fr.) sont d'importance secondaire. Les droits sur les immeubles (371.400 fr. en 1895) ? et les droits de timbre sur les actes (458.700 fr.) sont plus productifs. Par diverses réformes dans l'assiette, particulièrement par le décret du 2 no- vembre 1893, l'administration s'était appliquée à simplifier le droit de mutation et l'avait ramené du taux de 7,25 °/,à celui de 4 °/, et même de 0,2 pour les mutations entre vifs, à titre gratuit, ou après décès en ligne directe ou entre époux. La question des droits d'enregistrement et de timbre à été l'objet de vives controverses pendant le premier semestre de l’année 1896, depuis la promulgation d'un premier décret du 30 décembre 1895 qui modi- fiait ces droits jusqu'à celle des décrets du 20 juil- let 1896, qui, après examen et avis favorable de la totalité ou de la majorité de la Conférence consul- talive, ont définitivement établi ces impôts : «Tels qu'ils sont présentés maintenant, dit le rapporteur de la Conférence consultative, ces projets, loin de constituer de nouvelles charges dans le but de fournir des ressources nouvelles, ne sont en réalité que la péréquation, sous une forme plussimple, des anciens droits de timbre, lesquels, à raison de leur élévation, constituaient, sans offrir les avantages | Les plantations nouvelles doivent ètre exemptées pen- dant vingt ans. 3 : 2? Les droits de mutation se sont exceptionnellement élevés “à 805.491 francs en 1894; je ne connais pas la cause de cette augmentation. que procure l'enregistrement, un véritable droit d'enregistrement. » L'industrie et le commerce paient les mahsoulats et les droits de douanes. Les mahsoulats sont des taxes nombreuses, diverses et compliquées, ex- ploitées pour la plupart en fermes, payables soitau moment de la fabrication, comme pour la chaux, la brique, le savon, soit à l'entrée en ville en manière d'octroi, comme à Tunis, à Bizerte, à Sfax, pour les grains et légumes, soit sur le marché, comme pour le poisson à Tunis. L'administration, qui déjà les a simplifiéset qui a, dans certains cas !, substitué le système de la régie à celui de la ferme, étudie les moyens de les simplifier davantage ?. Ils ont ran- porté 2.818.000 francs en 1895, dont près de la moilié par régie. Les droits de douanes portent sur l'exportation comme sur l'importation; l'exportation rendait naguère même plus que l'importation : en 1884-85le produit a été de 1.984.303 francs à l'exportation et de 735.233 à l'importation*. Ce système, qui rappelle celui des temps féodaux, était un grand obstacle au développement du commerce extérieur. L'admi- nistration a peu à peu réduit de 62 à 14 le nombre des articles * portés au tarif d'exportation, sacri- fiant ainsi une recette qu'elle évalue à deux mil- lions de francs (dont 1.700.000 pour les céréales et le bétail). Néanmoins le progrès du commerce à soutenu la recette à 1.383.600 francs en 1895. Les droits d'importation ont rapporté la même année 2.216.300 francs, recette triple de celle de 1884-85. Les droits sur les vins et les spiritueux (167.200 fr. en 1895), comptés à part et perçus à de 10 °/, de la valeur, quand ils sont destinés au commerce, et de 3°/,, quand ils sont directement importés parle consommateur, s'ajoutent à ce total. La question des douanes est une de celles qui préoccupent vivement aujourd'hui les colons tuni- raison siens, partagés entre le désir d'ouvrir à leurs pro- duits le libre accès du territoire français et de ne pas compromettre le revenu que leur tarif douanier procure au Trésor tunisien. Le système de l’assimi- lation douanière, c'est-à-dire de l’unité complète de la Tunisie avec la France sous le régime du tarif douanier de 1892, est trop contraire au second pour 1 Depuis 1893. 2 Un projet de refonte des mahsoulats a été présenté à la conférence consultative en 1894. La question a été discutée pour les huiles et les céréales à la session de juin 1896. 3 La Tunisie n’est pas le seul pays placé sous l'autorité de la France dont une partie notable du revenu provienne d’un droit à l'exportation. En Cochinchine, par exemple, le droit d'exportation sur le riz est important. Mais la Cochinchine est à cet égard dans une situation autre que celle de la Tu- nisie, 4 D'après La Tunisie. Il Agriculture, Industrie, Commerce, p- 226. Dans le tome II, Histoire el description, p.97,il est dit que le nombre des espèces de produits frappés d’un droit était de 40 et qu’il n'est plus que de 44. 1188 E. LEVASSEUR — L'OEUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE v plaire à la majorité. Le système de l'union, c'est- à-dire un système qui admettrait réciproquement en franchise les produits de la Tunisie en France et ceux de France en Tunisie, mais en imposant davantage les produits étrangers et qui prélèverait sur certains articles d'importation, même de pro- venance française, un droit de consommation, est celui qui parait avoir le plus de chances de réussir; mais, pour le faire accepter, les colons tunisiens, qui sont protectionnistes à leur manière, auront à compter avec le protectionnisme français. Récem- ment le Résident général a dressé et le Gouverne- ment tunisien a promulgué par décret du 28 sep- tembre 1896 un tarif général des douanes appli- cable aux produitsoriginaires despays qui n'avaient pas de convention antérieure avec la Régence. Ce tarif, qui ressemble beaucoup au tarif francais de 1892, tout en portant un certain nombre de droits plus élevés (comme pour les peaux brutes, le beurre, l'ivoire, — le raisin est prohibé), et quel- ques droits moins élevés {comme pour le café) parait être un acheminement vers cette union. La medjba, impôt sur les personnes, n'atteint pas les Européens. Naturellement les impôts sur les choses et sur les transactions sont supportés par les Européens comme par les indigènes. VIII. — PROPRIÉTÉ, IMMATRICULATION ET CULTURE M. Chailley-Bert a fait connaitre, dans un article de la Revue, l'état de la propriété indigène et les modes d'amélioration de la terre: M. Grandeau, dans un autre article, a exposé l'état de la culture. Ils ont montré comment la population tunisienne et surtout le vieux fonds berbère élait attaché à la terre, comment, dans toute la région du nord et dans le Sahel, malgré de grands . E. LEVASSEUR — L'OŒUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE 1197 - Géographie commerciale !. Sans doute toutes les en- treprises agricoles n'ont pas répondu aux premières espérances de ceux qui y ontengagé leur argent ou leur personne. On a fait des écoles dans la manière d’ordonner la culture ou de choisirle personnel; on a quelquefois trop demandé à la terre sans lui rendre assez ; on a été éprouvé par les intempéries des sai- sons, etily aeudes découragements etdes plaintes; il y en a encore. Les déceptions des viticulteurs et d’autres causes ont même, depuis quelques années, ralenti le courant d'immigration. Quelle colonisa- tion n’en occasionne pas? Aux États-Unis, surtout dans les États de l'Ouest dont on vante avec raison le merveilleux progrès de population et de culture, les plaintes des fermiers sont beaucoup plus una- nimes qu'elles ne peuvent être en Tunisie et sont menaçantes : nous venons d'entendre dans le vieux continent l’écho des agilations que l'élection pré- sidentielle à soulevées dans le nouveau. Il est désirable que le nombre des cultivateurs français augmente: mais il faut attendre ce résultat du temps, sans impatience; il se produira peu à peu, à mesure que le développement des ressources de la Tunisie préparera la place. Que ce soit par la culture, par l'industrie ou par le commerce, il y a eu un développement d’affaires altesté par les chiffres ducommerceextérieur, lequel élait de 17 millions de francs en 1877-78 et qui a atteint jusqu'à 80 millions en 1890-91; or, il est vraisemblable que le commerce intérieur s’est accru dans une proportion plus forte par l'effet de la consommation des colons. J'ai dit et je redis volontiers ici, que dans l'œuvre de la colonisation il faut que l'administra- tion accueille avec bienveillance loutes les bonnes volontés. Toutefois, s'il est permis d'indiquer de quel côté sont les chances les meilleures pour la colonisation agricole, j'ajoute qu’elles me parais- sent être surtout du côté des exploitations d’impor- lance modique et même très modique, dirigées par le propriétaire vivant sur les lieux, possédant un capital suflisant el une connaissance pratique de l'agriculture, unissant, s’il est établi dans le nord, l'élevage à la culture des céréales et de la vigne. Ce que je dis ici n’est pas exclusif; car il y a de bonnes situations à occuper dans des cultures spéciales, légumes et fleurs, probablement aussi dans la plan- tation d’oliviers pour la consommation locale et pour l'exportation, par contrat de mhrarca; il ya de grands vignobles qui prospèrent, quoique en général les exploitations de sociétés par actions rencontrent en agriculture plus de difficultés que les exploitations directes par le maître?. EE ! Les ressources de la Tunisie, dans le Bulletin de la So- ciélé de Géographie commerciale du 15 juillet 1896. ? Dans l'intérêt de la colonisation, une agence de rensei- D'autre part, il y a une large place pour les colons engagés dans le commerce, et il y en aura une pour certains industriels; il y a des artisans dont le travail trouve une bonne rémunération, quoiqu'en général on ne doive guère songer à altirer des ouvriers français dans un pays où la main-d'œuvre indigène est à 1 fr. 20 et où les Ita- liens demandent à peine le double. Quelque désir que j'aie de voir augmenter la population fran- caise en Tunisie, je ne puis pas m'associer à un système qui consisterait à réserver les travaux publics à la main-d'œuvre française en grevant le budgeteten attirant artificiellement desouvriers, et qui laisserail probablement ensuite ces ouvriers sans ressources, ni même au système d'une prime pour l’emploi d'ouvriers français qui aurait, à un degré un peu moindre, les mêmes inconvénients que le premier. Les colons cultivateurs qui souhai- tent l'accroissement de la main-d'œuvre française doivent subordonner leurs considérations d'intérêt personnel à celles des ouvriers leurs concitoyens qu'il serait déshonnète d'attirer par une amorce trompeuse. La colonie italienne est très importante par le nombre : le recensement de 1891 a accusé environ 25.000 Italiens. La proximité de Pantellaria, de la Sicile et de l'Italie méridionale et la facilité avec laquelle s’expatrie l'Italien, vivant pauvrement dans son pays natal, suffisent à expliquer cette immigra- tion que la politique du gouvernement italien a été loin de décourager. Il ne faut pas médire de cette colonie; elle apporte de plusieurs manières un con- cours efficace à l'œuvre économique. Elle se com- pose, d'une part, d'industriels, de commercants et d'hommes d’affaires dont beaucoup, fixés depuis longtemps dans le pays, sont presque Tunisiens, et, d'autre part, d'ouvriers venus principalement de Sicile, dont l'immigration est temporaire ou déti- nitive et qui fournissent une main-d'œuvre à bon, marché. La Tunisie doit être hospitalière pour les uns et les autres et savoir s’en servir. La conven- tion du 18 septembre 1896 leur donne, avec raison et à titre de réciprocité pour les Tunisiens établis en Italie, la jouissance des mêmes droits civils que les nationaux, les assimile à ceux-ci pour l'impôt et autres charges publiques, à l'exception du service militaire dont ils sont exempts, les soumet à la juridiction des mêmes tribunaux que les Français, leur conserve une partie des privilèges de leurs écoles spéciales (ce qui est peut-être excessif), assure les conditions de la nation la plus favorisée pour le commerce et la navigation aux Italiens en Tunisie comme aux Tunisiens en Italie. Il reste à gnements a été instituée à Paris auprès de l’ « Union Colo- niale »; des expériences de culture sont faites avec le con- cours de cultivateurs, par l'administration. 1198 E. LEVASSEUR — L'OEUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE l'administration le devoir politique de surveiller attentivement une colonie étrangère, si nombreuse et très voisine d'un État qui fait partie de la Triple Alliance et qui convoitait la Tunisie. C'est une question de savoir quelle part peut avoir la colonie dans le gouvernement d'un pays de Protectorat. Le mot colonie dans ce sens ne signifie pas le corps des fonctionnaires qui exerce directement au nom de l'État protecteur les droits dont celui-ei est investi, mais s'applique aux parti- culiers, citoyens de l'Etat protecteur, qui sont fixés sur le territoire protégé. La question est celle-ci : les colons, en raison de leur résidence sur le terri- toire protégé, y jouiront-ils de droits politiques, quoique n'étant pas sujels du souverain protégé? Il est naturel que cette question soit agitée en Tunisie. Elle a reçu une solution partielle relative- ment aux affaires locales par la création de conseils municipaux dans sept ‘villes et de commissions municipales où de commissions de voirie dans d’autres localités. Nous savons que, dans les con- seils municipaux, le vice-président -doit être Fran- çais et que la moitié du conseil doit être composée de Français ou d'Européens. Quant aux affaires générales, il avait été créé une Chambre de com- merce dès 1885,etaujourd'hui il existe une Chambre de commerce du Nord, et une Chambre de com- merce du Sud, deux chambres mixtes d'agriculture et de commerce, l’une dans le Centre et l’autre dans le Sud : autant de corps consultatifs par l'or- gane desquels les colons peuvent faire parvenir leurs vœux au gouvernement. En octobre 1890,1e Résident général, autorisé par le Ministre des Affaires étrangères, a institué une Conférence consultative ! afin d’intéresser, autant que le système du Protectorat le permettait, la colonie française à la geslion des affaires publiques, en prenant l'avis des représentants de cette colonie sur les questions qui toucheraient à ses intérêts agricoles, industriels et commerciaux et au sujel desquels elle serait consultée par le gouverne- ment du Protectorat et sur les projets d'impôt qui feraient peser une charge nouvelle sur la colonie française. De cette commission font partie, d'une part, le bureau des chambres de commerce et d’agrieul- ture, d'autre part, le vice-président ou le plus ancien conseiller français de chaque municipalité ; les six chefs de service du Protectorat en sont membres. La conférence siège sous la présidence du Résident général. Ainsi composée, elle repré- sentait les plus gros intérêts de la colonie, mais non le plus grand nombre des colons; car on esti- ! La colonie n'avait auparavant pour organe que la Chambre de commerce, qui correspondait avec la Résidence par écrit. mait que sur 4.200 Français qui auraient joui de leurs droits politiques en France, 3.000 environ n'avaient pas de représentants. C'est pourquoi en 1896, le gouvernement a changé le cadre en ajou- tant, sous le nom de délégation des électeurs fran- çais, sept membres pour le Nord et pour le Sud qui seront désormais élus par les Français n’apparte- nant pasà un des corps déjà représentés. Les fonc- tionnaires font partie de ce troisième collège comme électeurs, ne sont pas éligibles. J'ai entendu des colons propriétaires exprimer des craintes au sujet de ce troisième collège qui ne représente pas la propriété; mais j'avais entendu, d'autre part, des colons se plaindre d'être exclus de toute participation aux affaires’ parce qu'ils n'étaient ni cultivaleurs ni négociants. La Confé- rence, dont l'arrêté du 22 février 1896 a fixé l’orga- nisation, est convoquée régulièrement deux fois l'an par le Résident général. Ses avis, sans s'impo- ser, pèsent et doivent peser d'un grand poids dans les résolutions du gouvernement. La plupart des colons français, qu'ilssoient pro- priélaires, commerçants où qu'ils ne le soient pas, aspirent à avoir des pouvoirs plus étendus. Plu- sieurs me disaient qu'il était illogique et regrettable que des ciloyens français, qui avaient quitté leur pays natal pour travailler à la prospérité de la Tunisie, se trouvassent privés de leurs droits poli- tiques dans un pays que la France couvrait de son drapeau. D'autres cherchaient à me démontrer que les villes de Tunisie devraient être régies par les mêmes lois communales que celles de la France et, quand je leur demandais quel serait le corps électoral du conseil municipal, ils me répondaient: « Des Français, » en m'expliquantles raisons pour lesquelles ils excluaient les Italiens, les israélites et les indigènes. Il y en à qui voudraient trans- former la Conférence consultative en une assem- blée politique élue par le suffrage universel des Français, laquelle voterait le budget et ferait les lois au lieu de donner des avis !. Quelques-uns mème m'ont exprimé le désir que la Tunisie devint une colonie française qui, comme d’autres posses- sions ou colonies, aurait des représentants jusque dans le Parlement. Je comprenais leur sentiment sans partager leur opinion. Les colons, parmi lesquels il y a un mélange d'éléments divers, ont en général un esprit ardent et indépendant. Pour qu'un Français aille tenter la fortune à l'étranger, il faut, comme ils me disaient eux-mêmes, qu'il ait de l'énergie de caractère ou qu'ilse trouve dans certaines con- dilions spéciales ; aussi n'aime-t-il pas à être tenu mais ils 1 Voir, entre autres manifestations de ce sentiment, les procès-verbaux de la 10° session de la Conférence consulta- tive, p. 200. E. LEVASSEUR — L'OEUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE 1199 en lisière. Il voit la différence du régime de l’AI- gérie et de la Tunisie et, sans se rendre compte des raisons historiques ou politiques qui l'ont produite et sans s'arrêter aux critiques dont l'ad- ministration communale et départementale de l'Algérie a été l'objet, il est porté à préférer le régime qui lui donnerait le plus d'influence : senti- ment très humain. Le colon a des rapports avec l’administration, et il n'est pas rare qu'il se plaigne, en Tunisie comme en France, qu'elle ne le serve pas assez ou qu'elle le gène. Il peut avoir raison dans certains cas ; il devrait pourtant reconnaître qu’en règle générale, l'administration française a puissamment servi l'intérêt de la Tunisie. Ce pays a eu et à encore aujourd'hui la bonne fortune d'avoir pour Résident général plusieurs hommes d'une grande valeur et de posséder un certain nombre de fonctionnaires d'élite qui ont fait leurs preuves : c'est un mérite des Résidents d'avoir su les choisir, et c'est un fait très important pour l'œuvre de la colonisation. Il v a un principe que j'entendais invoquer en Tunisie, que je crois sage et qu'on ne met peut-être pas assez en pratique dans nos ministères, c’est d'envoyer dans les colo- nies toujours des fonctionnaires de choix, à condi- tion de ne pas les y oublier, et, au contraire, de leur tenir compte en France des services rendus loin de leurs foyers. Dans une colonie, l'action person- nelle des fonctionnaires est plus immédiate et leur qualité importe plus encore que dans la métropole. Il y a probablement des améliorations qu'on pourra introduire peu à peu dans le système muni- cipal. Quelques grandes villes pourraient avoir des ressources plus déterminées ; leur budget pourrait être rendu plus distinct du budget de l'Etat sans cesser d'être soumis au contrôle. Mais serait-il bon que les conseillers municipaux français fussent élus par le suffrage universel? Dans ce cas, quelles conditions de séjour don- neraient le droit électoral, et le gouvernement pourrait-il choisir le vice-président en dehors des élus? Si le gouvernement le faisait, ne le mettrait-il pas dans une fausse position, et s'il ne s’en réservait pas le droit, n'abandonnerait-il pas à une petite minorité une autorité prépondé- rante ? C'est une erreur de politique de comparer les communes françaises, où il n'y a que des Fran- çais gérant leurs affaires, aux villes tunisiennes où les membres français ne représentent qu'une petite minorité, souvent même une infime minorité, etoù l’on verrait cette minorité, ayant la haute main dans le conseil municipal, gérer les affaires de tous, c'est-à-dire faire surtout les affaires des autres. C'est une illusion de philanthropie de croire qu'ils se feraient les tuteurs bienveillants de la popu- lation indigène et des colons étrangers : il existe des exemples du contraire. Il se rencontre sans doute des hommes désintéressés ; mais il n’y a pas de classe qui, quand elle gouverne, ne le fasse en vue de son propre intérêt : c'est même là un des arguments de Ja démocratie en faveur du suffrage universel. Or, à ne considérer que les nationalités et les religions, il y a au moins quatre classes dis- tinctes dans les villes de Tunisie : Français, Ita- liens et Maltais, israélites (indigènes ou italiens), musulmans (tunisiens où algériens). La classe des Français est généralement la moins nombreuse ; il n yaguère en moyenne que À Français sur 420 habi- lants de la Tunisie (villes et campagnes réunies). Ces considérations s'appliquent au gouverne- ment de l'Etat aussi bien qu'à l'administration municipale. Les Français qui se sont établis depuis 1881 en Tunisie savent qu'ils sont venus, non dans une colonie, mais dans un pays de protectorat, el ils ont virtuellement acquiescé aux institutions politiques de ce pays : ce qui ne veut pas dire que ces institutions ne soient pas susceptibles de per- fectionnement, et que les conseils de leur expé- rience ne puissent être utiles pour les perfeclion- ner. Mais ils sont 12.000 à 15.000 au plus, et la population indigène est évaluée à 1.700.000 âmes qui sont les sujets du Bey, leur souverain; une si faible fraction ne peut logiquement prétendre gou- verner le corps entier,même quand elle trouverait des exemples à citer dans certaines colonies. - La création des Chambres de commerce et d’agri- culture semblait indiquée et ne soulevait pas d'objection. Celle de la Conférence consultative en a soulevé, el il y a des hommes d’Elat qui craignent que l'extension qu'elle vient de recevoir récem- ment ne fasse naître de nouvelles prétentions. Je crois cependant cette création à la fois utite et lé- gale. Le Résident général a le droit de s’éclairer des conseils de ses concitoyens ; il peut en éprou- ver quelquefois des embarras, il peut très souvent y trouver des lumières et un appui. Mais il n'a pas le droit de leur abandonner l'autorité que le gou- vernement français lui a confiée et que la France elle-même exerce en vertu d’un pacte. La colonie française n’est pas apte à faire les lois de la Tunisie; c’est du Bey qu'elles émanent dans les conditions déterminées par le traité du Bardo. Elle n’a pas de titre, comme l’a un parle- ment européen, pour voter le budget, parce qu'il y a des impôts qu’elle ne paie pas du tout, et qu'elle ne supporte en somme que la moindre part des charges publiques. Le principe démocratique, que les colons invoquent, est que les citoyens stipulent pour eux-mêmes, mais non pour autrui. On peut se hasarder à soutenir que le régime du Protectorat repose sur une fiction; en tout cas, 1200 E. LEVASSEUR — L'OEUVRE ADMINISTRATIVE DE LA FRANCE EN TUNISIE celte fiction est le droit et elle est la raison de notre présence à Tunis. Quand même les colons seraient convaincus qu'ils gouverneraient mieux les indigènes, ils doivent s'arrêter devant l'argu- ment qu'ils n’ont pas le droit de le faire et, s'ils consultaient bien l'expérience, ils reconnaîtraient que l'administration d’un pays musulman par des colons n'est pas un moyen infaillible pour les bien administrer et se concilier leur affection. La populalion tunisienne n'a pas eu de longues guerres à soutenir contre les armées françaises, et elle n'a pas été conquise par la France. Elle a suivi son souverain qui acceptait notre protectorat; et, s'il nous a fallu recourir aux armes pendant le second semestre de 1881, c'est avec le concours du Bey que nous l'avons fait et pour ramener à l'obéis- sance ses sujets rebelles. Entre cette population et nous il n'existe pas — ou du moins il ne semble pas exister — de barrières de haine, parce qu’elle n a pas ces ressentiments indéfiniment vivaces que font naître le sang versé el les confiscations. C'est là une situation exceptionnellement favorable, qu'il faut bien se garder de compromettre. Le peuple tunisien reçoit ses lois de son souverain qui est le même que par le passé, qui rend la justice et au nom duquel l'impôt est levé ; il a conservé sa religion, et les ministres de la religion ont conservé leurs biens: il est, comme par le passé, administré par ses caïds, ses cheikhs, ses cadis. La France est au-dessus, d'autant plus respectée que sa main ne pèse pas directement sur ce peuple et que ses chefs s'inclinent devant elle. Sans doute, cette organisation n’est pas à l'abri de tout reproche. La sécurité des personnes est encore quelquefois troublée par des malfaiteurs ; il y a des caïds qui vexent les faibles, et il se produit des abus dans la répartition des impôts. Mais n'y en avait-il pas davantage avant le Protectorat et, si l'on peut signaler l'esprit autoritaire de quelques fonctionnaires français, oserait-on meltre en paral- lèle l'intégrité de l'administration francaise et celle de l'administration indigène ? Il a été fait beaucoup déjà, et il reste beaucoup à faire ; mais, pour réfor- mer un mode d'administralion qui a des racines séculaires dans les mœurs du peuple, la politique sait qu'il faut compter avec le temps et avec le renouvellement des générations. Le Protectorat a déjà amélioré cette administra- tion et, quoiqu'il y ait, comme dans tous pays, des criminels el des crimes, on peut dire qu'il a com- plètement assuré la paix intérieure en Tunisie. Il a peut-être rendu l'impôt plus sensible en le rendant plus général, mais en retour il l’a perçu plus équi- tablementet il a amélioré la viabilité. C'est surtout par des bienfaits que le peuple tunisien le connaît. Quelles chances aurail-il d'un meilleur sort si, sous le nom de Conseil colonial ou sous un autre nom; un parlement francais siégeait à Tunis? De l’ensemble des études écrites sur la Tunisie par les collaborateurs de la Revue, il se dégage le sentiment d'un progrès manifeste accompli dans des directions diverses en l'espace de quinze an- nées. Nous nous reprochons souvent à nous- mêmes, non sans quelque motif, de n'avoir pas tiré de nos possessions coloniales tout le profit possible ; mais il faut reconnaitre aussi que nous avons parfois de singulières impaliences, et que nous en donnons une preuve quand nous nous étonnons que la protection de la France n'ait pas fait en trois lustres autant que la domination de. Rome en sept siècles. Le Protectorat a donné jusqu'ici à peu près Ce qu'il pouvait ; les résultats obtenus, tant pour la population indigène que pour la colonie euro-m péenne, sont le gage des progrès que la Tunisie peut encore faire sous ce régime. C'est un instru-M ment de gouvernement ingénieusement construit, mais nouveau pour des mains françaises, délicat à manier et qui n'est pas fait pour les esprits tout d'une pièce. Il faut prendre garde de le fausser en l'employant brutalement. Il faut surtout ne pas le briser en vue de lui substituer un mode d’ad-M ministration directe par la France ou par des Fran- çais ; tout le bénéfice que nous vaut le maintien des cadres de l’organisation musulmane ne tarde- rait pas à être perdu. Perfectionnons, avec le con- cours du gouvernement beylical, les rouages du Protectorat, mais conservons l'instrument. L'honneur de la France y est engagé. Nous sommes liés avec le Bey par un traité perpétuel comme le Bey est lié avec nous; nous avons ga- ranti la dynastie et nous nous sommes présentés au souverain et au peuple comme des amis venant civiliser et non comme des maitres venant boule= verser. Restons fidèles à notre rôle. Le changer serait une violation de foi à l'égard du Bey et une usurpation inique. À l'égard des puissances étran- gères qui ont reconnu le traité du Bardo, déchirer ce traité serait nous rejeter dans l’indéterminé. Je m'imagine que l'opinion que j'émets est partagée par la grande majorité des hommes politiques qui en France s'intéressent à la Tunisie. Je supplie ceuxdes colons qui, en Tunisie, auraient une opinion différente, de songer que l'intérêt de la colonisation est étroitement lié à la pacification du pays et de. peser les considérations d'administration des mu= sulmans par les musulmans, de fidélité aux enga= gements du traité, et d'honneur de la France, que je viens de rappeler. E. Levasseur, Professeur au Collège de France, et au Conservatoire des Arts et Métiers, Membre de l'Académie des Sciences morales et politiques: = V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE 1201 4 NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE ” I. — PoPuLATION. $ 1. — Population totale. Il n'y à jamais eu, à vrai dire, de recensement d'ensemble officiel en Tunisie. L'Administration évalue à 1.500.000 habitants le chiffre de la popula- tion totale. On estime généralement, sansle pouvoir prouver, faute d'enquête spéciale, que ce chiffre est inférieur à la réalité de 300.000 unités, ce qui don- nerait à la Régence une population de 4.800.000 ha- bitants environ, se décomposant comme suit : Musulmans et Israélites (Berbires, Arabes, Cou- lon SPORE ONE RPC ee cree ere 1.700.000 HANenS ER eee 40.000 Francais ou protégés non compris le corps d’occu- ET IC RESE PARDON A ere 20.000 | ie Ne 16.000 HppD ESnapnols 2. Ce 500 Allemands ms rs te 250 CRECS ER Le remet 1.600 MOLAl Rene sece seems 1.771.750 $ 2. — Principaux centres de population. 65.000 Musulmans. Tunis \ 40.000 Israëlites. ; à 12.000 Italiens. a 140.000 habitants dont l 12.000 Maltais. 10.000 Français. Aux environs de Tunis, le Bardo, Kassar-Saïd, la Manouba, Tébourba, l'Ariana, terres fertiles, centres de maraichères, scientifiquement exploitées, Gammart, l'ancienne nécropole de Carthage ; la Marsa, résidence du bey actuel. La (roulette, qui a perdu beaucoup de son impor- tance depuis l'inauguration du port de Tunis et depuis que ce port est devenu le point d'attache de paquebots 11893) qui relient la Tunisie à la France et à l'Europe. Bizerte, rattachée à Tunis par un chemin de fer de 300 kilomètres, entre une rade immense et un lac poissonneux, dans une position avantageuse au milieu de la Méditerranée; il est regrettable que l'escale de Bizerte, où touchaient les paquebots venant de France, ait été supprimée, juste au moment où les travaux du port venaient d'être colonisation, cultures terminés. Béja, réunie par un chemin de fer à la ligne de la Medjerdah. Sa situation, au sud des montagnes de la Khroumirie, en fait un centre commercial et un poste stratégique de grande importance. Souk el Arba, au croisement des routes de Tunis. Béja, Aïn Draham et le Kef. Nabeul, au centre d'un pays couvert d'oliviers, fabrique de poteries renommées. Sousse, capitale du Sahel, au centre d'immenses cultures d'oliviers; Monastir, Mahedia (l'ancienne Thapsus), importantes pêcheries, Msaken, Djem- mal, Mouknine, Kalaa-Kebira, ete. fax, la ville la plus importante du littoral orien- tal. Kairouan, la ville sainte qui à été longtemps la capitale de l'Afrique du Nord. Le Kef, à 800 mètres d'altitude, garde les prinei- pales voies qui conduisent de Tunisie en Algérie. Téboursouk, au milieu d'un pays boisé. Tozeur, à 24 kilomètres du Nefta, réunion d'oasis qui ne comptent pas moins de 600.00) palmiers. Houmtsouk, le centre le plus populeux de Djerba. (rabès, centre d'un commandement militaire, dont l'importance peut devenir considérable comme port des caravanes venant du Sahara, de Rhât et Rhadamès. Le nombre de tentes est évalué à 64.600, celui des maisons, tant arabes qu'européennes, à 58.400, et celui des gourbis, épars dans les campagnes, oasis et montagnes, à 20.700. S 3. — Population française en Tunisie. En 1881, au moment de l'occupation, on évaluait à 300 environ le nombre des Français fixés en Tunisie. Voici le résultat du dernier recensement fait en 1891 : Population francaise civile .............. 10.030 } C v : c 030 } GET Effectif francais de la brigade d'occupation 9.617 | dDAET Protégés musulmans (Algériens)......... 20.098 } — israélites(Algérienset Tunisiens) 2.389 22.530 — chrétiens (Syriens et Roumains). 43 NOISrabroureaooneconodtacecobesgeaune 42.177 Le chiffre de la population civile est certaine- ment inférieur à la réalité : car un certain nombre de familles ont négligé d'établir des bulletins indi- viduels pour les enfants en bas âge. L'Administra- tion tunisienne estime à plus de 200 le nombre de ces omissions. Il n'est pas sans intérêt de rechercher, pour la population civile, le département d'origine des citoyens fixés en Tunisie. Le relevé qui a été opéré à cet effet à permis de constater que 1.838 Français sont nés en Tunisie. Ce chiffre est élevé, si l'on considère qu'il y a dix ans le nombre des Français établis en Tunisie ne dépassail pas quelques cen- taines, et constitue un élément précieux à recueil- lir, car il permet de supposer que le niveau de la nalalité est élevé chez nos immigrants. Les trois départements algériens ont fourni à la 1202 V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE colonie française un appoint de 1.487 personnes : Constantine, 908 : Alger, 417 ; Oran, 162 Ces chiffres décroissent avec l'éloignement. La Corse vient ensuite avec d14 immigrés, puis les départements du bassin du Rhône et de la Seine. La carte de la figure 1 indique quelle est la ré- partition de Français recensés en Tunisie, par dé- partements d'origine. Il est à remarquer que tous les départements français, sans aucune exception, ont des représen- tants en Tunisie. Tableau I. — Population française de Tunisie par localité et par circonscription. Tunisie ere er 4.832 \Le Kef (210, ville). 245 Tunis contrôle........ 915//Nabeul (55, ville).. 168 Sousse (691, ville).. 918||Tozeur (21, ville). 94 Bizerte (4 466, ville)... 501 |Béja (67, ville)... 91 La Goulette | 489, ville). 493|| Djerba... 86 Sfax (420, ville)" ": 431||Medjez el bab .... 74 Souk el Arba (246, v ille) ) °39%| Kairouan (58, ville) 68 Ain Draham. rc 297]! Medenine......... 49 Gabés (241, ville)... ... 246||Gafsa 2... "07 36 Tableau II. — R‘partition de la population française en Tunisie par profession. PROFESSIONS PERSONNES nn Agriculteurs, VIHICULLEULS-..... CR" 348 Propriétaires et TELiEPS..... see 271 Avoués, ay ocats, agents d'affaires, commis- saires-priseurs, syndics, arbitres......... 84 Commerçants, industriels, banquiers ....... 885 pee siastiques, membres des communautés ROPIEUSES SEE EE SERRE eee 155 Hbleyes des administrations de l'Etat..... 892 Employés chez les particuliers........ Cave 780 Entrepreneurs de travaux................. 14 Ingénieurs, architectes, conducteurs de tra- ARR eee Ce ie crer menti Crete Journalistes..." Magistrats. ......... Manœuvres,ouvriers d'usines et de commerce Médecins, phone sages-femmes...... Ouvriers d'art. PRO ÉSSPHNSE ec ec rette Sans professions (femmes et enfants) ou pro- feSSLODS ANCONNUES .....-.-------erce = Total de la population francaise civile. Armée,brigade d'occupation: ofliciers 4817 } troupe 9.130 | a . $ 4. — Population italienne en Tunisie. Un recensement effectué par les soins des agents consulaires italiens en 1882 à accusé en Tunisie la présence de 41.206 de leurs ressortissants. Depuis cette époque, une statistique officielle de l'émigration italienne, à destination de la Tunisie, a donné les chiffres suivants : KT DRE AE 2.935 Immigrés 1887. ....... 633 LORD rene 1.867 ABLE A a 902 APS eee 637 ELLES. ad 639 AND ere S1S ARJOEE EE 522 1808 ere 12591 Total om 7e 9.810 A ces 9.810 immigrants, l'administration tuni- sienne ajoute les 11.206 Italiens recensés en 1882. Si l'on admet que les décès sont au même nombre que les naissances, bien que l’on n'en connaisse pas le chiffre, et que le nombre d'Italiens qui quit- tent la Régence est très faible, l’on peut estimer à 21.000 le nombre des Italiens habitant la Tunisie. $ 5. — Mouvement de la population. L'on ne connait guère d'une manière précise, faute d'enregistrement régulier, le nombre de naissances, de mariages, de décès des indigènes. Voici quel est le mouvement de la population fran- çaise habitant la Tunisie (1899) : NATIRBES Pret ch 117 DIVOrCES EE ET 0e 5 Naissances F2 396 (dont 33 naturelles) DÉCÉS EEE er Pere 312 Les naturalisations ont été au nombre de 200, pendant les cinq années de 1888 à 1892, dont 85 d'Italiens et 45 d'Anglo-Maltais. IT, — STATISTIQUE AGRICOLE. $ {. — Superficie de la Tunisie distinguée sous le rapport de la nature du sol. On distingue en Tunisie : Roches, landes, montagnes, etc. 4.000.000 hectares ETES ÉTES EE Nee Ee e 3.000.000 — MOrrESTANCRES EE SNS eee 1.000.009 —_ Terres compactes.............. 1.000.000 — Dunes, sebkas, rivières, routes. 3.000.000 — Motal eee Er 12.000.000 — Lenord de la Tunisie contient environ 430.000 habitants, dont 250.000 habitent Tunis et les ré- gions où domine la petite propriété ; 170.000 à peine occupent les 3.500.000 hectares qui appar- tiennent à la grande ou à la moyenne propriété. Si l’on retranche de ce chiffre les populations qui cul- tivent les plaines de Béja et de Souk-el-Arba, dé- coupées en domaines de 40 à 60 hectares et relati- vement peuplées, il reste à peine 100.000 habitants pour une surface de 3 millions d'hectares. La densité de la population varie done de 200 habitantspar kilomètre carré, sur certains points du littoral, Tunis, Marsa, la Goulette, Bizerte, Sousse, à 3 habitants par kilomètre carré dans les montagnes et vastes plaines du nord, et à moins d'un habitant dans le sud, aux confins du désert. La plus grande partie de la Tunisie, malgré une densité moyenne de 44 à 45 habitants par kilo- mètre carré, est en réalité déserte. Dans le sud, le Sahel tunisien de Kalàa Kbira à Mehedia, malgré de grandes forêts d'oliviers, a une densité de 200 et 250 habitants par kilomètre carré; il en est de même dans les oasis de l’Arad et dans l'ile de Djerba. Le pays des Ksours, entre les chotts LR DL 2 F V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE 1203 “et la frontière tripolitaine, a une densité de 50 à 2° Les boisements de pins d’Alep près de l'Ain Fourna, dans la haute vallée de l’oued Miliane : 3° Le grand boisement montueux de la Kessera ; 1 4° Le boisement des montagnes de Zlass; 5° Les boisements de Sidi Youssef ét de l’oued- Mellègue ; 6° La forêt de Nebeur sur la route du Kef à Souk-el- L . . » e -60 habitants par kilomètre carré. NS 2. — Forêts de la Tunisie. TE Les forèts de la Régence couvrent une superficie te “d'environ 500.000 hectares : elles peuvent se di- | Arba: 7° Les massifs de Haïdra ; : : Se) à ; RARE de S° Les massifs de Maktar, 30.000 hectares environ ; pen de NOuestel du Centre }_SAIPÈREES THE la Med- 90 La forêt de Feriana, sur le territoire des Frechiche, jerda. 50.000 hectares ; “viser en deux groupes distincts: celui du Nord, et 2,0 SORME } ARDENRES"Y, 18 DISK DIAPASON DES TEINYES de dans lesquels le nombre .QK& de leurs origimairesrécensés en Tunisie D 2 CREUSE mot ST SN NN — 50 = 100 — 100 _ 200 ; — 200 _ 200 plus de 400 ___ Français en Tunisie nes en France 6107 | nés dans une coloniefr* 18 j __ enTunisie 1638 | __ en Alsace-Lorrame 164 & ane … enAlgerie.1487 | __ à l'Etranger CE Fig. 1. — Carle indiquant les départements originaires des Français recensés en Tunisie. ; e NA ne - Le groupe du Nord comprend : 10° La forêtde Thalah; 110 La forêt de Cheba, 15.000 hectares. + 1° Le massif de la Khroumirie occidentale, superficie Les plus belles forêts de la Régence sont situées en » approximative, 20,000 hectares ; Khroumirie, l'essence la plus commune est le chène- 2° Le massif de la Khroumirie centrale, 46.000 en- | liège et le chêne zéen. Le nombre des chênes-lièges viron ; est évalué à 6 inillions et demi, susceptibles de pro- « 3° Le massif de la Khroumirie orientale, 35.000; duire chaque année 30.000 quintaux de liège pour une } .4° Les forêts des Nefta, d'une étendue approxima- | valeur de 350.000 francs, ; tive de 25.000 hectares: | 5° Le massif de Mogod, de Porto-Farina, $ 3, — Division de la propriété. L On peut partager la Tunisie en deux grandes ré- Le groupe de l'Ouest et du Centre comprend : gions au point de vue de la constitution de la pro- 1° Les forêts de Zaghouan, de Djouggar et de Djebel été Recas, qui sontplulôtdes massifs de buissons et de ma- FRAIS : nr quis ; Au nord, le grand « henchir » de 200 à 500 hec- d : | 120% V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE taresde terres labourables, lamoyenne propriété de 50 à 60 hectares, le jardin ou le verger de 4 à 5 hec- tares.Au sud, la propriété géante de 5.000 à 100.000 hectares,oceupe presque toutle territoire ;elle ne dis- parait que dans l'extrême sud, où les terres n'ap- partiennent plus à personne. EC partout, dans les oasis, dans les Ksours, à Sfax comme à Sousse, le petit champ planté d'oliviers a entamé les terres | vacantes ou l'immense henchir. N 4. — Population agricole. Les essais de recensement, en 1889 et 1890, ont indiqué que le nombre des hommes valides pou- vait être évalué à 227.000 en dehors de la ville de Tunis ; ces hommes sont ouvriers agricoles pour la plupart. La superficie totale des terres labourables ayant été évaluée à 6 millions d'hectares, il y aurait un homme par 27 hectares, proportion faible qui explique la généralité des jachères triennales : OUVRIERS DU LITTORAL Contrôle de Tunis (ville exclue)........... 14.020 | NEO EsDoicooetoesroaancec 11.809 | — L'delGrombaAla ee 2. 12.519 + EAONS OURS NL dE cu Sean 38.877 + A0 SEAL sn nrmurar ane ee 17.912 + de (Gabes RES NEC AE Le ss 215098 | de D)er Da Re Cr cer ee 6.923 | Commandement militaire de l'Aïn Draham 5.108 | MROtAlE eee Eemte Reese 129.166 | OUVRIERS DE L'INTÉRIEUR | Contrôle de Béja epcipdondobcaccése os 9.060 —_Mde SoucelATDa ee ere 8.865 LE CS AT TE DUO On de 19.292 —=Y de Maktar tee set. 9.476 — LATE IR AIrOUANT Aer sn ire 23.135 A CNET oc ane r ae Con c 8.527 MON A en - 78.355 Total duthittorall "1" 129 166 | ——_——— | Total de la population ouvrière agricole.. 207.521 N 5. — Surfaces ensemencées. Le tableau IIT nous donne, en hectares, les sur- faces ensemencées, d'après lescultures, parcontrôle: | Tableau III. + || BLÉ ORGE Maïs |AVOINE| TOTAL UNIS. 5 en 32.910! 32.000 169 120 Nabeul..... 17.000! 19.000! 2.000 300 Sousse. .... 73.500! 57.000 150 SEEN 25 000! 40.000 Djerba tre 1.660| 3.890 ROZEnre Eee 150 120 180 Kairouan ..... 53.650] 71.720 Maktar........ 46.000! 36.000 82.000 Le Kef..225%%: 56.200! 55.400 111.600 Souk-el-Arba. .| 37.800! 30.790 200 800 | 69.590 Béart 42.000! 32.000! 3.700 300 | 78.000 Bizerte... 33.030! 29.460! 5.460 67.950 Commandements militaires Durs. : 2.000! 4.600 6.000 SOUSSE ee. 950 580 1.530 Gabès ..... «..| 41.000! 60.090 101.000 GREAT ET. de 1.200! 41.00€ 2.200 Totaux ...1464.050/472 960! 11.850! 1.520 [950.380 ———.—.—.—.—.—.—.—.—…———_—a—apapapZpZLZLZLZLcLcLccce | N6. -- Statistique des oliviers. Le tableau IV indique, par territoire, le nombre des oliviers plantés. Tableau IV. TERRITOIRES Maktar . Nabeul (caïdat de Soliman) Derbateree-rertee Nabeul (caiïdat de Nabeul). D'OUSSP PRET ere : KAITOUBNNEERE Eee cer DÉS RE et ec ee Mozeur 2. Goüvernement de l'Arad.. Ensemble OLIVIERS OLIVIERS EN EN PAYS PAYS D'ACHOUR|DE KANOUN 521.224 2.592.851 37.351 6.000 76.093 44.326 1.700.000 450.000 355.000 4.000.000 80.000 533.481 101.770 251.906 5.433.851 5.322.455 EE 10.756.006 7. — Récolte de l’huile d'olive. Le tableau V nous donne la récolte de l'huile d'olive et de l'huile de grignons d'olives en 1893. Tableau V. Djerba terre Gouvernement de l’Arad . Totaux re ee Ensemble"... HUILE D'OLIVE HUILES DE GRIGNONS litres 130.000 3.000.000 -000 3.140.000 a = 9.617.000 NS 8. — Statistique des palmiers. Les palmiers se répartissent comme suit : CONTRÔLES CIVILS NOMBRE TERRITOIRES caïdats DE PALMIERS (ET SM re mt SE 64.240 LAN PLZA Te RSR re ae 46.000 MOULE RAR eee 417.511 Tozenr RE ONBTA EEE CPE ele. 386.706 HOUdIANE PEER EE. 0 212.974 BHIMMARrE CE Es Le 73.698 NBFZAOUR EE meer me nene 280.377 Totale 1.481.563 Lt nt PR 1 - RS D I LU LE V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE 19e DID CONS 00 SRE PO DATE dE 308.675 D'OUSISO rates ne case Else 1.068 S MON AAUIT A Eee Sr cree meteo 1442 et) DjemmaA lee ares 2e tunes 94 Mahodla nue hero 1.422 MofalN rene 3.696 STAR Re CLR ce ee 4.688 \ Iles Kerkenna.. ......... 19.263 DS A PUPTDAeeE cr re 15 Ouled'Nedjem:=7""".. 21 Ouled'Nasseur 2.12... 19 DOtAl ne creme et 24.006 Commandements militaires. ; (OA DOS EE ren area part 174.340 Gabès.. CE EN TEE PRE Ce EU 19 175.359 Total général......... 1.992.30% Tableau VIII. — Culture du coton. ce MENZEL-DJEMIL ANNEES "©" Tableau VII. — Vignes en production (1893). VINS PRODUITS MOYENNE HECTARES CR PAR rouges blancs | HECTARE hect. 29,83 18,40 18,42 21,60 25,66 hect. hect 60.259.2 5 © 9. Nabeul ... Béja.… Souk-el-Arba. 250,30 266,02 117,25 45 Le Kef.... Totaux et moyenne... .973,09 .936 5.031 CONTROLE DE BIZERTE MENZEL-ABDERRAHMANE Nombre de merdjas ensemencés Nombre de kil. récoltés Prix du quintal Nombre de merdjas ensemencés Nombre de kil. récoltés 130% (1887-88) ROME EE) BRREOEE 1307 (1889-90) 1308 (1890-91) fr: 715) 617. 60 60 60 50 N 9. — Statistique de la vigne. Le tableau VI nous indique les surfaces plantées et le tableau VII la production. Tableau VI. — Surfaces plantées en vignes (1892). MORE EEE DOUSSE 0-0 Mabeuls. 0. Beta... ca Souk-el-Arba, MilBizerte......, cr Pre Kairouan..... Hl'Le Kef....... 2 ! Djerba ire. : 54, 2, BTunis ........ 4 PLANTATIONS POSSÉDÉES PLANTATIONS ARE CTUR ES ar par P par desEuropéens|des indigènes|desEuropéens hectares 244,78 10,98 4,50 2,50 hectares 298,32 4,18 183,11 hectares 3.172,76 432,16 521,173 281 268,40 131,18 286,74 14,73 33,81 2,32 512,08 Commandements militaires. 14,83 1 Gabès 5.159,66 1.083,05 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. $ 10. — Culture du coton. La culture du coton ne se fait, en Tunisie, qu'à Menzel-Djemilet à Menzel-Abderrahmane; elle tend à décliner, parce qu'elle n'est pas suffisamment rémunératrice. À Menzel-Djemil, elle est pratiquée par des indigènes qui ne sont pas propriétaires du sol, et qui, ne louant que pour une année, ne lui donnent pas la fumure nécessaire pour obtenir un bon rendement. À Menzel-Abderrahmane, où cette culture se fait sur une petite échelle, elle est entre les mains de quelques propriétaires qui donnent, au contraire, l’engrais nécessaire à leurs terres et qui obtiennent de de celui leurs tableau VIIT donne ce fait un rendement double voisins, à Menzel-Djemil. Le les résultats de cette culture. de 11. — Animaux domestiques. 1888 1893 Nombre de Nombre de têtes. têtes. Chevaux... eme 38.185 51.644 Anes et mulets 79.740 119.606 BŒu Sert 6-0 10D-002 32.726 Moutons...-""11-7% 161.094 1% 481 CHEVIOSE 2. - cer ee 427.450 -636 Chameaux....... Le500,280: 617 122.694 POrCS RE RER re FE 1.726 10.923 23 à 1206 V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE a —————_—_— 0 EE $ 12. — Statistique de l’opium. Cette culture, concentrée aux environs de Porto- Farina, a donné les résultats indiqués par le tableau IX. Tableau IX.— Production de l’opium à Porto- Farina (contrôle de Bizerte). NOMBRE NOMBRE PRIX ANNÉES DE De un MERDJAS ENSEMENCÉES KILOG. KILOG. fr. 1305 (1887-88). 60 295 36 1306 (1888-89). 50 210 36 1307 (1889-90). 50 195 40 1308 (1890-81). 40 160 36 TROD PARA 30 123 36 III. — PROPRIÉTÉS ET IMMATRICULATION. Le tableau X nous donne le nombre, la conte- nance et la valeur des propriétés immatriculées. servateur de la propriété foncière, et relatives à des immeubles : RUTAUE armee senees ere: 291 à Urbains fe 2e RUE AR MR RER RRDE 290 à \ Total: rest. ere ire 591 % d’immatriculation se répartissent comme suit au point de vue de leur valeur : RURAUX URBAINS 3.000 francs et au-dessous. 88 49 3.001 à 6.000 francs... 40 3ù 6.001 à 12.000 — .... 36 88 12.001 à 30.000 — .... 25 67 30.001 à 60.000 — .... 13 29 60.001 à 100.000 — .... 5 16 100.001 à 200.000 — .... 2 3 200.001 et au-desssus........ 2 3 211 290 A 501 IV. — CnEMiINS DE FER DE TUNISIE. Les chemins de fer tunisiens sont concédés à la Compagnie Bône-Guelma. Ils comprennent la ligne Tableau X. — Propriétés immatriculées. DÉPENSE, ASSURANCE, JUSTICE, PUBLICITÉ, TOPOGRAPHIE A VALEUR NOMBRE CONTENANCE YÉNALE * de la valeur! par hectare hectares 9.134 48.30 11.534.71.60 17.949.70.05 10.153.85.72 6.791.31.39 Avant le 1er janvier 1889 En ARS OR NE te eee Du {tr janvier au 25 novembre 1890 Du 26 novembre 1890 au 31 décembre 1891. DUT D oo sac ou chosatons 200 0001 1.372.985 954.234 963.315 828.087 808.976 Le nombre total des titres d'immatriculalion au 31 décembre 1894 était de 834 avec une contenance de Tunis à la frontière algérienne, celle de Tunis à Hammam-Lif (1894), celle de Béja-Gare à Béja= Tableau XI. — Propriétés européennes acquisesen | Ville, celle de Djedeida à Bizerte. Tunisie, superficies exprimées en hectares au : ? Longueur totale construite............ 299 kil. 1e" janvier 1898. Longueur moyenne exploitée.......... 238 — Nombre de voyageurs à toute distance. 390.718 CONTROLES PROPRIÉTÉS | PROPRIÉTÉS Nombre de tonnes à toute distance.... 81.703 — CIVILS FRANÇAISES | ÉTRANGÈRES TOTAL Recettes de la grande vitesse Ro eee 750,500 fr. Recettes de la petite vitesse.........,. 844.700 — | —— | ——— Recette kilométrique... urrec-cene 6.700 — je Lesee. AS GT OBS. On do se Il faut ajouter la ligne d'Hammam-Lif à Nabeul}s Jones FAR. 45.150,79 236,04 | 45.986,83 avec embranchement sur Menzel-bou-Zalfa, au=« £ AS AUS 9% 79: Fi £ À 128 Fr Rs ann AUa ot ue jourd'hui lerminée et comportant une lon gueur de SES CUT 19.089,75 1.184,27 | 20.274,02 70 kilomètres. ; GaDÉSE Se 2 42 2.022,42 ONE TR 2 - F RES neue 102,80 | 33.836,01 Voici le détail des chemins de fer pour no Hé A A EN E A 8.008 39.863,50 ; re 1898 : Ar NE 97,50 | 2.838/50 vembre1895 : 6 Mo Re Eee Ode olE 13.011,73 64.525,73 Tunis-Ghardimaou............ 189 kil. voic large Embranchement de Djedeida- Bizerte -.Rre-c tree 73 — — à Totaux .....| 402.211,4) | 21,358,89 | 429.570,29 Embranchement du Pont-de- $ Mrajan a BEA Ne ere 13 — _ v4 Tunis-Hammam-Lif........... 17 — — : de 505.110 hectares et une valeur globale de Tunis-Aoïuna-la-Goulette.....…. 17 — — 3 14.704.000 francs. Embranchement sur la Marsa. 1,5 — 5 2 Fe € 2 Hammam-Lif, Fondouk-Djedid, Demandes d’immatriculalion reçues par le con- Grombalia à Nabeul........, 61 kil. voie étroile V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE 1207 Embranchement Koudouk-Dje- Tableau XII. —Commerce extérieur de la Tunisie did à Menzel Bou-Djelfa..... 13 — — (1m) AR LE VE UPS Sousse-Kairouan, traction de GREAT Re nest atelate 60 — voie de 60 cent. EXPORTATIONS | INPORTATIONS ms | ns Sont en construction el seront terminés pour 1303 (du 13 octobre 1883 à 1898 : 12 octobre 1886)......... 28.498.043 1304 (1886-1887 1........... 36.894.475 Sousse-Kalaa-Sbira et l'Enfida, avec prolon- A EL VE bin 18.104.857 ne Le gement jusquà Birbou-Rekba, sur la 1307 (1889-1890)... .. 30:599-299) || 29:194.520 Lenerdelunis aNabeulree "terre. 93 kil. 1308 prolongé (13 oct. 1890 Embranchement de Kalaa-Sbira à Kairouan 55 — EME ET EC ET 0 RSS ES 26 51.289.415 48.187.892 Sousse-Menzel-Moknine.................... 47 — LRO MNT ER APNRRER TE 37.199.502 39.325.622 Tunis à Zaghouan par Oudna.............. 61 — ‘ Embranchement de Semindja au Pont de ET CE PE LT CD DUO Sd 12 — EXPORTATIONS a 1885 1892 1885 1892 PAYS Nombres Pro- Nombres Pro- Nombres Pro- Nombres Pro- absolus portion % absolus portion % absolus portion % absolus portion % PE ——— ERancos nie 2,.699.591,10 13,3 19.874.223 58,8 1#.426.975,00 50,6 22,941 54, Alpérie .: 7. 2.161.467,"0 11,0 6.037.865 16,4 762.519,60 PA 1.955: 4,6 Male. 11 9.112.694,40 45,4 3.163.454 8,6 3.803.394,00 A3" 4.198.722 10,( Malte .| 1.265.751,00 6,3 2.119.303 51 2.019.559,80 fe. 6.023.390 14,4 Angleterre....| 2.613.612,00 13,3 2.573.131 6,9 4.653.237,60 A 1.628.211 3,9 Autres pays...| 2.145.498,40 10,7 3.164.184 8,6 2.832.351,60 8,5 5.175.372 12,4 Totaux..." 20.058.514,80 36.932.766 28.498.044,60 .922:715 Éventuellement et dans un avenir prochain : V. — COMMERCE. SÉRÉTORRN RRR P 205 kil. En 1875, l'importation et l'exportation réunies ne te De da ee es F atteignaient 27 millions de francs, en 4894, leur Sousse-Menzel-Sfax par EM... ere 100 — : ; Ar = es È : importance était de 78.800.000 francs. En vingt ans. les transactions ont presque triplé. (Tableaux XI, Tableau XIV.—E tati 1894 2 : ee < L EE CS XII, XIV, XV et figures 2, 3, 4.) Tableau XV. — Importations en 1894 PRINCIPALES MARCHANDISES — ——— MARCHANDISES VALEURS MARCHANDISES VALEURS Lai... nn | Eponges lavées............ 1.260.780 k. 914.401 k. ë 1.457.870 I t 2.669.368 Huile d’olive 6.898.870 Soies grèges, moulinées, pliée 1.716.797 Laine en suint 193.707 Denrées coloniales, sucre, caf 3.292.605 Peaux de bœufs, de vaches... 295.656 Farines et semoules........ 5.117.029 Poissons salés 491.701 Métaux bruts et ouvrés........ CAS 2.834.387 2,959 647 Machines ct mécaniques. .......... 187.973 5.780.659 Métementet/linperic. "2-00 1.:48.408 6.327.550 BEAUX) PrépADÉES he eee eme 1932 .8117.608 issuside Coton et ee PRE 5.3 DÉBUNTES SPCS: 0 ere eee .351 Vans etleaux-de-Yi0..-. 0e 1.51 Tissus de laine > . 164 .050 ToTAL des marchandises ci-dessus. 97.213.559 Autres marchandises....:.......... 14.649.156 Autres marchandises... ... ; DORSLIGENERRE -16: TOLATI GÉNÉRAL con 41.922.715 \ COMMERCE EXTERIEUR DE LA TUNISIE 1894, Deere \mportation pxportation RÉ de provenan. sde RARE France | (4 WW tee COMMERCE DE LA FRANCE AVEC LA TUNISIE 1894 LH ANR PER A Ka VE ANA yon er. en à coton en . 7 È TU0Ut @ © 30 Up. sw 28É Tee gS 399% lenes Va, Huile d'olive s 9188000 i Divers SSS SISSSSSIN SISSSSSSSNS NSSNS Fig. 3. — Commerce de la Tunisie avec la France. ee] I I AU Ë lu SE Millions Li tt + He Commerce extérieur de la francs SE 80 ummerce total + de Exportations ETES Importations 70 60 50 LE 3220800020 | | UE 8 PE EX ] Si 35milions | 32800000 }. | re ; fes) 30 ] [por fere np RS SES 2% I Î [71 2: Î Ï Ÿ + Ï | Î TT T Î 20 + Î | Ï PE L ! fl Î 10 Ï Ï Î EE) Si Ï L = È 188% 189% 1087 1888 1889 | 1890 1891 189y Fig. 4. — Commerce extérieur de la Tunisie. VI. — INDUSTRIE. La Tunisie est un pays presque exclusivement agricole; d’ailleurs l’on y relève un certain nombre d'industries assez actives. Au premierrang figurent l'huilerie, qui est une industrie presque purement agricole, les industries textiles et connexes: fabri- cation des chéchias, des tapis de Kaïrouan, des cou- vertures du Djerid et de Djerba, des tissus detoutes sortes, de laine, de soie, de coton et de substances mélangées, teinturerie et préparation des fils. Voici le dénombrement des établissements des industries principales en Tunisie : le tableau XVI indique lenombre dechaudièresetmachines qu'elles emploient. Brasseries : 4 établissements (Bizerte, Sousse, Tunis); . Distilleries, liqueurs, boissons gazeuses : 53 (dont 27 à Tunis); Huileries d'olive : 125 (dont 87 à Sousse, 15 à Sfax, 41 à Tunis); Minoterie : 9 (dont 5 à Tunis); Fabriques de pâtes alimentaires : 34 (dont 25 à Tunis); Fabriques de glace artificielle : 8 (dont 4 à Tunis); Huiïleries de grignons, au sulfure de carbone : 5 (dont # à Sousse) ; Mégisseries et tanneries : 5 (dont 4 à Tunis); - Savonneries : 9 (dont 7 à Tunis) ; Usines à gaz : 3 (dont 2 à Tunis); Imprimeries : 16 (dont 10 à Tunis, 2 Sousse) ; Fabriques de foudres et futailles : 13 (dont 8 à Tunis, 2 à Sousse, 2 à Sfax); Menuiseries et scieries mécaniques: 8 (dont 5 à Tunis.) Ateliersmécaniques de constructions en fer : 14 (dont 7 à Tunis); Fonderies de fer et de cuivre : 4 (toutes à Tunis); à Sfax, 2: à V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE 1209 Briqueteries et tuileries : 148 (dont 7 à Tunis, 5 à Souk el Arba); Fabriques de carrelages, ciment comprimé : 6 (dont 5 à Tunis); Fabriques de chaux : 25 (dont 7 à Tunis, 6 à Souk el Arba); Ateliers de carrosserie : 15 (dont 8 à Tunis); Tableau XVI. — Chaudières et machines à vapeur, à gaz et à pétrole relevées dans l’ensemble de la région, par industrie. NOMBRE DE FORCE —— NATURE DES INDUSTRIES GE chaudières [machines [chevaux Ateliers mécaniques des constructions métalliques Baliseurs, canots, remor- ŒUEULS EDR Boissons gazeuses Briqueteries et tuileries.. Carrières de marbre, sable, etc Chantier d’alfa........... Chaux et ciments Distilleries Eclairage électrique Foudres et futailles Glace artificielle. ... .... Administrat. de la Guerre ÉRIC re -Ce Imprimeries Industries agricoles Machines élévatoires hy- ATANIQUES FE. -00 Minoteries Municipalités, ponts et chaussées Fabriques de biscuits... Sabotage de traverses de chemin de fer Scieries et menuiseries mé- caniques Travaux des ports........ Usines à gaz Manufactures de tabacs Passementeries.......... A = © Le] 9 19 © D œ S 1 Æ 9 ND I QE Ke 19 D Co 12 IN 15 1 a eo = = NO NOR = VII. — NAVIGATION. La posilion avantageuse de la Tunisie a toujours assuré la facilité des rapports commerciaux de ses ports avec l'Europe et l'Asie. Après un long engour- dissement, la Tunisie est en train dese relever, grâce au Protectorat français ; les communications avec l'Europe, Malte et le reste de l'Afrique, sont assu- rées par plusieurs compagnies : (°° générale Trans- atlantique, C°® Touache, Ce des transports maritimes, etc., sans compter plusieurs centaines de petits navires qui se livrent au cabotage et à la pêche. Le commerce maritime doit devenir très consi- dérable dans un pays particulièrement favorisé par le développement, la disposition et la nature des côtes. Il n’y a pas, en Tunisie, de point situé à plus de 275 kilomètres d'une côte accessible aux navires. On a commencé par les ports de Tunis et 1210 V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE Tableau XVII. — Mouvement de la navigation par port. ENTRÉES SORTIES A Navires | Tonnage ue Passagers| Navires | Tonnage ie Passagers ERbarka eue 2 MERE 305 69.668 3.400 1.144 285 68.840 1.060 874 BizertonmEte ee 343 89.302 16.657 1.682 339 89.169 3.451 1.426 Rhar el Melah....... 34 150 39 15%418 30 136 95 Tunis-Goulette....... 1.365 594.195 141.809 21.568 1.359 591.888 69.473 18.4 RNA EEE Pare à . de 72 1.032 244 16 72 1.032 667 100 Hammamet......... 176 2.319 480 203 174 2.412 1.857 302 SOUSCRIRE UE 1.092 263.206 35.55% 3.749 1.087 261.961 38.061 3.868 Monastir creer 519 186.572 5.569 597 516 186.489 5.303 372 Mehdi are eue 932 186.587 2-595 796 932 186.587 9.576 974 S'ÉAX EEE ARS F2 008 215.80# 19.164 4.287 2.099 245.573 26.035 4.631 Kerkennah........... 335 1.084 81% 101 357 1.20% 493 LaSEITA Eee 260 15.040 890 264 263 15.104 8.459 195 Gabés ER Mt 672 198.135 11.932 3.458 61: 198.122 10.869 3.347 Djerba te 702 182.237 4.946 3.218 708 181.874 2.686 3.153 LADA EEE ee 183 5.298 616 13 182 5.255 4.197 118 TODAUXE EN; 6 4 9.088 2.010.689 244.009 41.301 9.07% 2.005.646 188.862 28.403 Navires Tonnes Passagers Navires Tonnes Passagers ac débarquées ares embarquées SÈèe 1304 (1886-1887)... ... 6.693 154.725 55.064 6,431 46.662 1305 (1887-1888)...... 6.984 199.630 48.059 6.730 44.637 1306 (1888-1889)...... 7.138 212.935 44.693 1.432 44.306 1307 (1889-1890)..... 6.637 163.937 45.493 6.262 44.859 ARE RES EE COR 5.709 188.805 52.345 8.714 51.985 ART she e nie moe tue 9.442 207.150 58.166 9.376 56.617 ARDENNE EE 9.171 221.213 52.528 9.083 47.949 Eee ont 9 9.088 245.009 41.301 9.074 38.463 TER Donne 9.573 272.061 54.766 9.607 48.570 Nombre 7 | 72061 ]Nombre Re : : E Entre | de tonnes | Entrées « Sorties La ess es L =] ies. tonnes tonnes lat Mouvement general | rail —.—. Pavillon français F el fe — italien 12 ET EE AE | —— — tumsien Q) 200000!—| a | 200000 | Ÿ | _____Mouvemnt general |. |, _._.Pavillon français Le e || ; | en italien 1! 300000 NS np — ‘anglais Default ve J'AREeES tumisien Hi 0 | “| 1 Q = | 1 19) | Î Î NT 4187612 | | {| |; HS if ÿ 200000 ! \ | Q1 100000) { | 100000 pis,” VE mi et ! st/ Je 4 655 Pl | ANAN EI | [NB 2 7 + + FA 55307 Parier 3072 LL : A PRE PT ou” | Pavillon 4 PV70 | Le 15 | RESF ENIT SÉ2888e28%828 Fis. 5, — Mouvement de la navigati éparli i h ; COR gation réparti par pavillons Fiæ. 6. — Mo ES ea : Enter eeor este me Par 7 Fig. 6. — Mouvement de la nawgationréparti par pavillons à ê LEE S (entrées el sorlies réunies). V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE 1211 5 L: 650 FE a s x = | [1] A CE T 200000 Se Passagers # sage —| Mouverrent general — E = 4 ‘ri —.—— Pavillon français QUE) Nombre des “ 60000 tt Le ll Re | hommes déquipagq xx glais ne Fe È tunisien affectés à lapèche f Entrées Se É S a 5000 IS Fe MOUSE n our SE F0" ue LL -1Sorties & = À ® | | T S = | | 50000 4000 = 1090000 #2 | Ÿ 4 IT ntrées D | Ro 00? Sorties | 3000 600000 20000 ann brnees Produits LA de la péche en L PC à 2.000 | 10000 ie LA 500000 ss | j Entrées 266% Sorties | Bavi!loh Ariglais TR ; LT ee = Re = Sorties 1000 200000 = 7 = = a e — oi . 2 Entrées 118057 2 = a a a a a a a | a Se CE pere GC a tt AN { 100000 Fig, T. — Mouvement des passagers réparti par pavillons des Compagnies de transport. o Jo ES È 2 Es & SIN AL CLR RE e de Bizerte; on continue par ceux de Sousse et de Le À \ Fig. 8. — Graphique montrant le nombre des hommes Sfax. Tabarka, port d'assez bonne tenue (pêche et exportation des bois), Hammamet (port de pêche), Gabès, Zarzis, ont été ou seront prochainement améliorés. En attendant, le service des travaux pu- _ blics s'est préoccupé d'éclairer les routes maritimes par la création de phares et de feux. (Voir l'article consacré aux Travaux publics.) VIII. — PÈCHERIES. Les chiffres qui figurent dans les tableaux XIX, XX, XXI et XXII sont aisémentconnus, car un cer- ain nombre de droits sont établis sur les barques affeclés aux différentes péches el le produit de ces péches en kilogrammes. de pêche, sur le nombre d'hommes qui lesmontent et sur les produits de leur travail. En 1894,1.493 barques,montées par 4.441 hommes, ont été employées à la pêche des éponges et des poulpes, et la valeur estimée de leur pêche a été de 1.213.000 francs. En 1892 le nombre des bateaux était de........ 170 En 1893 » 5e UE, 2e ON 242 En 1894 » A I EN Cu LR ee 403 Tableau XIX. — Pêche des sardines, anchois, allaches, en 1895 NOMBRE PRODUIT DE LA PÈCHE a OOOOOEZEZEZEZEZEZLELELELE Te CENTRES PAVILLON de SARDINES ANCHOIS ALLACHES DE PÈCHE de FOIE A ROME RS . de d’équi- navires | jauge page en kil. en fr. en kil. en fr. en kil. en fr. Habarkas=e. 7 Italien ol 909 956 139.720 39.125 18.200 12.015 » » Porto-Farina .. » 64 512 384 2.000 2.500 1.600 2.000 » » Sousse.......-. » 20 80 120 65.400 8.938 » » » » Monastir....... Tunisien 10 25 30 1.310 575 » » » » Mehdia........ Italien 9% 1410 470 » » » » 610.000 91.500 MOPA Den elaeeeve e 319 2936 1960 208.430 51.138 19.800 14.015 | 610.000 91.500 1212 V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE Tableau XX. — Mouvement an nuel total des pêches diverses sur les côtes de la Régence 1890 1891 1892 1893 DÉSIGNATION ne || ES TE | DES ESPÈCES |QUANTITÉS| VALEUR | QUANTITES| VALEUR | Q UANTITÉS| VALEUR | QUANTITÉS | VALEUR | QUANTITÉS| VALEUR fr. fr. : ; SALAIRES 2-0 2 1.629.000! 521.280] 430.652 | 437.820 55.2 33.900 338.610 4.410 613.056 ANCROISE ARR eee 1.000.000! 800.000! 495.158 | 396.150 317.920! 201.000 393.640 47.740 795.624 ANIACHESEREET PACS 243. 36.500 184.410] 27.700 325.962 Poissons divers, crustacés, etc. . 820. 685.000! 1.816.606| 752.195| 1.965.715 .210| 1.749.110| 682.250 Hponpes ec.-c08 111.543| S4%.010| 105. 707.500 91.233|1188.500 103.600 .S00 115.590/1166.860 Poulpes . 98.650] 112.680 bi 67.500 207.500! 96.100 247.950 .050 84.030! 46.780) : : NOMBRE , PÈCHEURS CEN PÈCHE SENRE DE PÈCHE PAV N JAUG 3 CENTRES DE PÉC GENRE DE PÈCH AVILLO RATES JAUGE ÉQUIPAGE Nr Poulpes Tunisien 30 à Poulpes Tunisien 5 Epongeslavées et poulpes Ottoman ( Grec Italien l Eponges brutes etpoulpes Tunisien Grec Italien Ottoman , Tunisien Eponges brutes et poulpes Tuntsien Grec Tunisien Tunisien | Épongeslavées et poulpes} Ke geslavées et Er) Tableau XXII. — Pêche des poissons autres | Nombre de bureaux de poste. 25 61 que sardines, anchois et allaches, en 1895 Nombre de distributions... 8 156 F EXPLOITATION l = = = RE Nombre de correspondances Él Es ü “a | À (départ et arrivée).......… 4.300.000 12.118 896 CENTRES DE PÈCHE Ë È Ë E : e Z Z Mandats-poste Pr ete 125.059 ; 272.913 2 < D Sp, BONE ETIDATÉS AE 2 Montant 8.936.535 fr. 14.313.714 fr. M z hs & + A < Chargements - dé Ie 58.344 145.591 d — | — — — — Parts cu Montant 2,509.490 fr. 8.100.693 fr. 2 ; Chargements-arri-{Nombres 20.562 52.068 L De RRELE " 5 “ à a VÉBE rer Montant 1.067.866 fr. 2.631.919 Mob ao 2 2 » » en T 3 EAP NE à 99 24 88 20 1 | Colis-postaux...... Nombres » 140.962 Porto Farina. 7l 9 24 20 1 | Tunis-Goulette...| 90 | 335 | 366 25 Il $ 2. — Télégraphes. NE 6 850000 4 4 16 5 » Hammamet .….... 3 6 14 » » Longueur des lignes........ 1.967 kil. 2.456kil | Sousse .......... #1 4T | 126 » ” Longueur des fils....... ÉL 3.520 — 4.890 — Monastir ........ 92 110 113 » à Bureaux de télégraphes..... 26 64 Mehdia.......... 48 95 144 » » Gares ouvertes à la télégra- Safx et Kerkenna.| 418 | 822 11654 | 950 | 900 | “he... 6 9 Skira............ 2 3 # 5 2 Télégrammes recus et en- ; Gabès.......,... 10 12 | 32 12 » VOYÉS Me EE ARE 320.957 636.420 Dierbs RER 84 |100 | 200 » 85 ÉTAT ER SRE 9 54 » » À . $ 3. — Téléphones. cn Ie En ER ro 1891 1894 TOTALE et 864 |158# |2918 1737 990 Longueur des lignes des ré- Ne ES SBAUX UPDAIDSEL ee ee 73 146 B : + Longueur des lignes inter- IX. — POSTES ET TÉLÉGRAPHES. USDaineR CCE CRUE 39 307 Nombre des postes d'abon- $ 1. — Postes. DÉS eme RL RTE s1 161 à 4 Nombre de conversations ... 70.000 215.0°0 L des chemins de f. FE Eu ongueur des © er — — : : Die Eee routes parcourues $ 4, — Produits de l'exploitation postale. parles cONTrIerS 2-0. 1.677 kil. 3.760 Parcours quotidien des cour- Postes tr re-ne--echrercrer 228.000 fr. 543.000 fr. | riers de terre et par che- Mélépraphés tre eprnrt ee 293.000 — 329.000 — Mini de for Perte 2753 — 5.459 Téléphones: .--""--".-r-e"r 30.000 — M 1 7e V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE 0 Recettes et CL 7z dep: HR reunies| 500000 fre: LE DOS Ps T1 = 65 M FEU] Cohs postaux (2500 [par div) par div) 140362 fl Eh mi 6000 Lroduits de] be ue er LE Fire Br div.) 100 D HS 1-50 Lo (aie | | F1 Nombre des Produit oduits de l'Office + + D Eorresp a ! Catane ‘par div) 21 250000 par à ) j — 12118896 Le jepenses del Office nes 111 Su EU À \'i [Se il [Caisse d'Epargne œ il] Ï S00par div) 20671 & Hi (] ÿ U #0 1]; + ongueut des Sa H GR Te H Kil par divi 3760 (On E [El PA hi ; ss AE |_| El + NTE MB 1 É f ombre FE Ÿ E Dee par Q LL El “ Cf mn) FJ 7 Ü 5 17 c Fe à yvrements Tan el ASUS + Li £ F À + 5 “+ Q 5 il ! 0 Œ Il o $ ] . 1 jai] ] | | | | CT, À A | WITT SES Î RCE TELER ELLES ELETETEEEErLEETETELTT] ë É É HE Ë à « S Fig. 9. — Graphique montrant les résullals de l'exploitation postale. Loyers payés par le souverne- MENTIDUUISIENS. reset 15.090 fr. 15.000 fr. Subventions de la Caisse HÉDATENO ee ee ere 15,000 fr. MORAER Rire C ie este 536.000 fr. 932.000 fr. DÉPENSES Een Sn ete 590.000 fr. 913.000 fr. { déficit 54.000 fr. » DDC NET EE bénéfice » 19.000 fr. X. — BANQUE DE TUNISIE. Les tableaux XXII, XXIV, XXV (page 1214) sont le résumé de l’activité de cette institution, 2 XI. — CAISSE D'ÉPARGNE PATRONALE. 1888 189% Nombre de livrets ouverts....... 885 2.168 Nombre .. 5.010 13.069 Versements......... Montant.. 468.903/fr. 1.813.096 fr. Remboursemonts { Nombre .. 1.561 7.602 ‘| Montant.. 266.801 fr. 1.429.644 fr. 1213 55 50 Fils (100X1om ar div)4890 K Bunnnne EE F HAE EEE EE Hi CS Ï l : SURE ER + 40 E}Nombre des je: ire auxt2 pa div) 73 55 Produits de 2 LE exploitation z s) ire ra PEns iv }$29000 0 Ve nqueur des ones D Rue honiques Er D Nombre ges postes tele SUIS (10 15PT mm mn a? Lignes te nn 100 À pardiv) 453 î pal Il ae 2 ë & Ë & Ë] ëË ë Ë NRPRSNÉNS NMAS SNeRE VE S LU Fig. 10.— Graphique montrant les résultats de l'exploitation télégraphique el téléphonique. RTE Nombre .… 6.571 Total des opératio ns Montant.. 735.104 fr. Solde dû aux déposants......... 349.000 fr. XIT: 1° Recettes. $ 1°r, —_ Produits ordinaires. 20.671 3.304.740 fr. 2.081.177 fr. — BUuDGET DE LA TUNISIE. I. — IMPÔTS DIRECTS. francs Mediba.4 NE CR RME 0 En 4.496.275,35 Kanoun des olivierset dattiers 1.431.699,98 Dime sur les oliviers ........ 176.429,30 ne Achour payable en nature... 1.001.885,31 FT = en argent... 522.159,32 ongle Due ANRT Cle do MO DEU UE due 39.842,77 RADIOS RE RER ra 60.693,55 Taxe sur les loyers.......... 73.636,30 PAFONTES.E ET EE ARR ARE RIRES 10.826,36 II. — IMPÔTS ET REVENUS INDIRECTS. Droits sur les mutations d'immeubles.. ..... 625.222,57 TND CNET RMI re, 389.960,31 ('Affermes et LLC Re tes 1.540.304,61 Mahsoulats..…. RAR RENE TE L 11332:35931 V. TURQUAN — NOTES STATISTIQUES SUR LA TUNISIE Tableau XXIII. — Opérations de la Banque de Tunisie pendant les années 1890, 1891 et 1892. SOLDE AU 10 JANVIER 362.588 369.567,40 341.041,70 MONTANT DES SOMMES REÇUES EN CAISSE MONTANT DES SOMMES VERSÉES 21.006.905,50 35.368.272.81 413.956.594,68 20.637.338,10 35.027.234 41 12.449 .646,60 369.567,40 341.041,70 806.948,08 Tableau XXIV. — Portefeuille (Banque de Tunisie). SOLDE AU 10r JANVIER MONTANT DES EFFETS PRÉSENTÉS MONTANT SOLDE TOTAL DES EFFETS AU SORTIS 31 DÉCEMBRE AND BP certe ns 508.040,80 23.148.449,45 23.21 431.958,90 EE RO ED I Da 437.958,90 41.414.269,99 40.02 1.828.300,82 AROP ER MR sente end 1.828.300,82 15.903. 897,99 46.11 1.620.219,97 Tableau XXV. — Dépôts (Banque de Tunisie). SOLDE MONTANT MONTANT SOLDE AU DES TOTAL DES AU Aer JANVIER VERSEMENTS RETRAITS 31 DÉCEMBRE BDD nant 529.678,50 RS SO CRE or ns 1.166.284,60 HORS TE RES AS 0 1.498. 802,79 5.059.209, 10.007.118, 12.034.511, 5.588.888,15 11.173.403,47 13.533.314,36 .166.284,60 .498.802,79 -517.709,80 65 87 57 4.422.603,55 9.674.600,68 12.015.604,56 TS { Droits à l’exportation..... | Droits à l'importation et Douanes........ MASSE ER can | Droits sur les vins et spi- MITUBU eee te l 14 { Droits sanitaires et de Droits maritimes {==phares-.."21........ l Droitsideport tree. IIT. — MONOPOLES ET EXPLOITATIONS INDUS DE L’ÉTAT. Produits de la vente des Produits \ LADACS ST ec ene de la direction { Produits de la vente des des monopoles ( POudLES AMEN. Produits dela vente dessels Produits DOS des Postes....... de l'office des Télégraphes. des Téléphones... Subyention de la Caisse des Postes at Télécrarhes et Télégraphes | d'épargne de France... HVA Produit du domaine autre que le domaine fOrÉS EL NT RE ARE Ecru Produit des pêcheries des forêts des mines 1.544.903,86 2.858.205,62 167.091,06 TRIELLES 1.219.438 ,86 229, 650,70 631.468,52 573.588,66 33.602,26 30.99% 17.539 — PRODUITS ET REVENUS DU DOMAINE DE L'ÉTAT. 703.370,79 261 .702,16 635. 321,33 7.553,01 V. — PRODUITS DIVERS DU BUDGET. Droits de chancellerie du Nichan-Iftikhar .… Contribution de l’administration des habous. Autres droits et taxes, amendes, recettes ac- CT ET a AT ROUTE co Total de la première partie, ressources ordi- NAITOS RE Een res eresienir ie Mer res 4 2. Ressources exceptionnelles {excé- 23.319 22.036,96 638.135,32 24.735 .312,50 dent des exercices précédents)............. 3.209.430 Autres ressources et comptes d'ordre 8.128.408,69 Toial des ressources extraordinaires. 11.331.838,69 RÉCAPITULAIION DES RECETTES. 2 A1. Recettes OT AiNAITES...-Re tee eseeseleeste 24.735.312,50 $ 2. Ressources extraordinaires............. 11.337.838,69 Total des recettes (4895)... "0.00" 36.073.151,19 2° Dépenses. Chapitre I. — Direction générale des finances. Juste civilede S. Ale Bey... 900.000 Dotation des princes et princesses de la fa- mille Hussermte...-- cree Per rec E 600.000 Personnel et service du palais............... 120.000 Dette fthmisienne terres reerr--ce--crert 6.251.414,13 Mot ET et emece elec ELEE 7.931.414,13 Autre ILéPEDSe eee rec CE CC rer 3.404.267,57 Lotalidu chapitre eee re. 11.335.681,70 Chapitre II. — Office des Postes et Télégra- phes Ne Ce ee nee JO TE 951 .422,179 Chapitre III. — Administration générale. . 3.092.073,60 — IV. — Renseignements et contrôles, APTICUREUTE ER eee seems t-ehuse 1.264.684,18 Chapitre V. — Enseignement public ........ 182.966,79 — VI. — Armée tunisienne........... 623.873,87 — VII. — Direction générale des tra- Vaux PUDICSE er ere- me CtE nee 405.691.02 Chapitre VIII. — Dépenses imprévues...... — — X. — Dépenses exceptionnelles (chemins de fer, Ft A) a ST TE 6.110.333,48 Total des dépenses effectives (1895).. 28.212.727,43 V. Turquan, Directeur de la Statistique au Ministère du Commerce. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1215 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Niewenglowski (B.), Docteur ès sciences, Ancien Pro- fesseur de Muthématiques spéciales au Lycée Louis-le- Grand, Inspecteur de l'Académie de Paris. — Cours de Géométrie analytique. Tome III. Géométrie dans l’espace, avec une Note sur les transforma- tions en Géométrie, par Emile Borel, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Lille. — 1 vol. in-8° de 572 pages. (Prix :12 fr.) Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. Le tome III du Cours de M. Niewenglowski! ren- ferme la Géométrie dans l’espace et une Note de M. Borel sur Les transformations en Géométrie. Il contient, de plus, outre lesexercices proposés à la fin dechaque chapitre et les énoncés des questions de géométrie analytique donnés dans les concours en 1895, une demi-douzaine de notes intéressantes empruntées au cours professé par M. Darboux en 1895-96 et se rap- portant à des questions géométriques particulières, telles que l'homologie, la cubique lieu des foyers des coniques inscrites à un quadrilatère, le théorème de Pascal, etc. La géométrie dans l’espace est développée avec une ampleur et une richesse de détails vraiment inusitées; à eile seule elle tient plus de place (464 pages) que les géométries réunies, à deux et à trois dimensions, des traités d'autrefois. Quant à la note de M. Borel (78 pages), bien que limitée au domaine des mathéma- tiques spéciales, elle constitue une addition d’un prix inestimable, Pour la première fois, nous voyons pa- raître, dans un ouvrage francais, une exposition di- dactique abinilio des principes dus à M. Lie; pour la première fois, les méthodes de l’éminent géomètre norvégien sont introduites dans la littérature mathé- matique classique. La Géométrie dans l'espace est divisée en 31 chapitres, accompagnés chacun de nombreux exercices. Les cinq premiers chapitres concernent les coordonnées, le plan, la ligne droite, la sphère. Signalons le cha- pitre VI, où l'on étudie les courbes gauches et leurs courbures. Puis vient un chapitre surles plans tan- gents : les rayons de courbure principaux et la cour- bure moyenne y sont exprimés. Les lieux géomé- triques, la génération des surfaces ou des lignes, les surfaces réglées, les enveloppes occupent les chapitres suivants. Le onzième est consacré aux systèmes de droites, aux complexes, aux congruences, et le dou- zième aux figures homothétiques., On étudie alors la classification des quadriques, la théorie du centre, les plans diamétraux et la réduction de léquation du second degré. Les pôles et les plans polaires condui- sent aux polaires réciproques, qui permettent l’inter- prétation des coordonnées tangentielles. Viennent en- suite les diamètres conjugués, les cônes du second degré, les plans tangents et les normales étudiés sur les formes réduites, puis les génératrices rectilignes et les sections circulaires. Les chapitres XXVI, XXVIL et XX VIII concernent la discussion d’une équation nu- mérique du second degré, la détermination des qua- driques, leur intersection. Enfin, les focales et les quadriques homofocales, les éléments d’une section plane d'une quadrique font l’objet des deux chapitres suivants, et des notions sommairessur les quaternions constituent le dernier. L'emploi des deux sortes de caractères pour le texte, les plus petits étant réservés aux questions les plus difficiles, fait que le débutant ! Voir les comptes rendus des tomes I et II dans la Revue du 15 mai et du 15 juin 1895. ne s’égarera pas dans les mille détails de ces trente et un chapitres. Peut-être regrettera-t-on pour lui l'ab- sence de ces monographies de l’ellipsoiïde, des hyper- boloïdes, des paraboloïdes, considérés successivement et isolément, que l’on rencontre dans d’autres traités de valeur. Mais il faut reconnaitre qu'avec une telle profusion de détails, ce mode de division entrainerait à bien des répétitions. Dans sa Note sur les transformations en (Géométrie, M. Borel s'inspire des idées de M. Lie qui, en créant sa célèbre théorie des groupes de transformations, à étendu si loin la notion féconde due au génie de Galois. Laissant de côté les transformations qui sont définies seulement pour une courbe ou pour une surface, M. Bo- rel étudieuniquement les transformations définies pour l'espace entier. Après avoir posé les délinitions et no- tations primordiales, il se place d’abord au point de vue le plus habituel, qui consiste à regarder l’espace comme formé de points: il considère les transformations ponctuelles, et en premierlieu le cas particulier impor- tantdel’homographie, qu'ilenvisage successivementsur la droite, dansle plan etdans l’espace. Les propriétés du groupe projectif et de ses sous-groupes, celles des in- variants d'une figure sont passées en revue, et l’auteur met en évidence l'utilité de l'emploi des transforma- tions de coordonnées pour l'étude des transformations projectives. Les transformations ponctuelles, considé- rées en général, conduisent à l'inversion et aux Ccoor- données pentasphériques, que M. Borel étudie tout particulièrement, en s'aidant des beaux travaux de M. Darboux. On peut concevoirl'espacecomme formé de plans, ce qui donne naissance aux transformations tangentielles, par lesquelles un plan correspond à un plan. On peut aussi envisager des transformations mixtes faisant correspondre aux points d’un espace les plans d’un autre espace ; mais ces deux classes peu- vent s’obtenir en combinant avec les transformations ponctuelles une transformation corrélative des plus simples qui n’est autre qu’une transformation par po- laires réciproques. M. Borel étudie ensuite la trans- formation corrélative générale qui, d'ordinaire, n'est pas involutive, mais qui le devient dans deux cas : toute transfurmation corrélative se ramène à une cer- trine transformation homographique et à une de ces deux transformations spéciales. L'ensemble des trans- formations homographiques et corrélatives forme un groupe qui est étudié. L'auteur développe alors la no- tion fondamentale d’élément de contact due à M. Lie; il en déduit la définition des transformations de con- tact, qui remplacent deux multiplicités tangentes par deux multiplicités pareilles. M. Borel cherche la forme générale des transformations de contact, ce qui fait retrouver en particulier toutes les transformations pré- cédemment étudiées. L'auteur examine enfin la belle transformation de M. Lie, dont M. Darboux a pu dire qu'elle constituait l’une des plus belles découvertes de la Géométrie moderne. Lestransformations dansl’espace à plus de trois dimensions sont considérées finalement. Ajoutons qu'une quinzaine d'exercices proposés, dont plusieurs sont des applications de latransformation de M. Lie, clôturent de la manière la plus heureuse cette précieuse et substantielle notice. Ecrite dans un style à la fois clair et concis, nous la croyons appelée à un grand succès. . Tel est dans son ensemble le nouvel ouvrage sorti des presses de MM. Gauthier-Villars. Riche en rensel- guements de toute sorte, il ne peutmanquer d'obtenir la notoriété qu'il mérite. G. FLOQUET, Pr à la Faculté des Sciences de Nancy. 1216 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 2° Sciences physiques. Dans le chapitre I, l'auteur explique sur des épreuves Guillaume (Ch.-E.), Attaché au Bureau international colorées comment s'exécute la sélection photogra- des Poids et Mesures. — Les Radiations nouvelles. Les Rayons X et la Photographie à travers les corps opaques. 3° Edition. — 1 vol. in-8° de 150 pages avec 22 fig. et 8 planches hors texte. (Prix 3 fr.) Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. La première édition de cet ouvrage, parue au mo- ment où foisonnaient les travaux relatifs aux nouvelles radiations, était destinée à vieillir vite; elle fut rem- placée un mois après par une deuxième, celle-ci beaucoup plus documentée. Mais une fois encore, de nouvelles recherches ont modifié et considérablement éclairci quelques-unes de nos idées sur les phéno- mènes si intéressants étudiés à la suite de la décou- verte de Rœntgen. L'auteur et les éditeurs ont voulu tenir compte de ces progrès. La deuxième édition n'étant pas complètement épuisée, ils l’ont rafraîchie par une nouvelle rédaction des dernières feuilles; c’est donc en réalité une troisième édition mise au courant des derniers travaux que nous présentons à nos lec- teurs. Deux idées surtout se sont précisées dans ces der- niers mois : la facilité de transformation des rayons X et le mode d’action de ces rayons sur les corps électri- sés. Une bonne partie des phénomènes que l’on pensait pouvoir attribuer aux rayons X eux-mêmes sont dusà des radiations d’une autre nature résultant de la trans- formation des premiers par une sorte de fluorescence invisible. Ainsi s'expliquent, entre autres, les résultats contradictoires relatifs à la réflexion des rayons X. L'action sur les corps électrisés resta obscure aussi longtemps que l’on chercha, dans le contact des rayons avec les conducteurs, la cause de la décharge; mais la lumière se fit comme par enchantement lorsque M. J. Perrin eut montré que la décharge se produit toutes les fois que les rayons X passent à travers les lignes de force réunissant deux conducteurs électrisés. Cette notion si simple rend compte maintenant avec la plus grande facilité d’un grand nombre de résultats qui auraient pu faire croire à une diffraction énergi- que des rayons, ou à une condensation de la radiation, alors que la vraie cause des variations observées était la concentration des lignes de force. Les découvertes récentes dans le domaine des rayons X sont consignées à la fin du volume dans une série de notes mises à jour jusqu'à la fin de novembre. On y trouve élucidées bon nombre de questions qui res- taient sans réponse il y a peu de temps, et que le tra- vail de ces derniers mois a définitivement éclaircies. En 0, Vidal (Léon), Professeur à l'École nationale des Arts décoratifs. — Photographie des couleurs. SÉLEC- TION PHOTOGRAPHIQUE DES COULEURS PRIMAIRES. SON APPLICATION A L'EXÉCUTION DE CLICHÉS ET DE TIRAGES PROPRES A LA PRODUCTION D'IMAGES POLYCHROMES A TROIS COULEURS. — { vol, in-8 de 89 pages. (Prix : 1 fr.) (Bibliothèque photographique.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. Comme le sous-titre l'indique, il s’agitici, non pas de reproduction directe des couleurs par la méthode Lippmann, mais du procédé indirect, inventé par Ducos du Hauron et Cros, qui analyse, puis restitue, au moyen de trois couleurs, toutes les combinaisons de colorations que nous présente la Nature. Il est clair que cette restitution ne peut offrir une précision absolue: mais, lorsque les opérations sont bien con- duites, l'approximation est suffisante pour donner de très belles épreuves, susceptibles d’être tirées indus- triellement à un grand nombre d'exemplaires. Les appli- cations qui dérivent de l'idée analytique sont très nombreuses: M. Vidal n’a voulu, dans cette brochure d'une centaine de pages, qu'’insister sur l'application aux lirages aux encres grasses; celle-là est réelle- ment pratique. phique des trois couleurs dans lesquelles tout modèle peut être décomposé, et comment les trois clichés obtenus par l'impression successive des rayons rouges, bleus, jaunes, doivent être tirés respectivement, le premier en bleu, le second en jaune, le troisième en rouge. Le chapitre IT comprend les moyens de rendre les plaques plus sensibles aux rayons rouges, ou bleus, ou Jaunes. Il s’agit ensuite de vérifier si J’effet combiné de ces trois clichés restitue bien les couleurs de l'original; il n’est pas nécessaire, pour cela, de faire les frais d’un tirage d'impression; le résultat est donné par le chro- moscope Nachet, décrit dans le chapitre II. Cet appa- reil permet, au moyen de miroirs convenablement disposés, de superposer les trois images produites par trois diapositifs qui sont doublés de verres colorés produisant les combinaisons indiquées plus haut; d’un coup d'œil dans l’appareiïl, on apprécie immédiatement l'effet restitué, ainsi que les’corrections à faire s'ilya lieu. Le chapitre IV montre comment les trois clichés peuvent être exécutés successivement par un appareil ordinaire, et contient des renseignements sur les écrans colorés qui trient les trois radiations simples dans le faisceau complexe émanant de l’objet. Mais il y a grand intérêt, dans certains cas, à obtenir les trois clichés à la fois, en une seule et même pose; le lecteur verra dans le chapitre V comment on y parvient, malgré la différence des sensibilités aux trois radiations, grâce au chromographe Nachet. Le chapitre VI est relatif au contrôle de la sensibi- lité des plaques; le chapitre VII indique différentes facons de préparer les plaques sensibles au jaune et au rouge. L'auteur passe ensuite au tirage des épreuves dans le chapitre VIIL, et insiste dans le chapitre IX sur le procédé d'impression mécanique à l’aide de clichés tramés, qui donne en Amérique et ailleurs de très bons résultats. Enfin, le chapitre X traite du tirage des diapositifs destinés au chromoscope. En résumé, ce nouvel ouvrage de M. Vidal condense, d’une facon très claire, ce qu’il est nécessaire de con- naître pour bien comprendre et pour bien exécuter la reproduction des couleurs par la méthode analytique. Il est à désirer, en particulier, que nos éditeurs s’en inspirent et entrent dans cette voie, où ils doivent recueillir honneur et profit. ROLE Hantzsch (A.), Professeur de Chimie à l'Université de Würtzhourg. — Précis de Stéréochimie. (Traduc- tion francaise par M. Pu.-A, Guye, Professewr, et M. M. Gautier, privat-docent à l'Université de Genève, avec une note de M. A. Werner, Professeur à l'Univer- sité de Zürich. — 1 vol. in-8° de 220 pages. (Prix : 7 francs.) G. Carré, éditeur. Paris, 1896, Plus il est publié de traités de Stéréochimie, plus on s’apercoit de la difficulté qu'il y a à écrire l’histoire complète de cette science, constituée, pour ainsi dire, par les vérifications expérimentales d’une série d’hy- pothèses qu’on n’a pu coordonner jusqu'ici par au- cune théorie dynamique satisfaisante. Il faut avouer que le Précis de M. Hantzsch n'est guère supérieur, sous le rapport de l'unité, à ceux qui l'ont précédé ; on n’en doit pas moins être reconnaissant à MM. Guye et Gautier d’avoir mis à la disposition des chimistes un ouvrage français capable de rendre un compte exact de l’état actuel de la Stéréochimie, et de permettre de ne plus avoir re- cours aux traités allemands. l’ordre suivi par l’auteur est le même que celui qu'on retrouve dans les traités antérieurs de MM. Meyerhoffer et Van’t Hoff. L'ouvrage est divisé en deux parties principales : la 1 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX première s'occupe de l’isomérie optique et de la dis- symétrie moléculaire,en commencant par l'exposition rapide des principes généraux (relation entre la dis- symétrie moléculaire et l’activité optique, principe de la liaison mobile, etc.). L'auteur passe ensuite aux vérifications expérimentales de ces principes, puis à la théorie de la racémisation et aux méthodes de dé- doublement. Il insiste tout spécialement sur la déter- mination de la configuration des isomères optiques et sur les travaux de M. Fischer. Introduisant ensuite les notions de signe et de grandeur de l’activité optique, M. Hantzsch expose la loi du produit d’asymétrie et ses principales conséquences, en indiquant en chemin quelques vérifications expérimentales. Il termine par des considérations sur l’azote asymétrique et sur les bases quaternaires actives de M. Le Bel. _La deuxième partie de l’ouvrage traite de l’isomérie géométrique et de l’application du schéma tétraé- drique aux composés éthyléniques et acétyléniques, ainsi qu'aux corps cycliques. l’auteur s'étend princi- palement sur la détermination de la configuration des composés éthyléniques et sur la notion de la position avantagée. Cette partie du livre est certainement la plus com- plète et la mieux traitée; elle a, de plus, le mérite de renfermer un grand nombre de faits intéressants fort peu connus en France. Elle est suivie d’une étude approfondie des isomères géométriques de l’azote (oximes, hydrazones, diazoïques). Tout à fait à la fin de l’ouvrage, on trouve une note de M. Werner, relative aux composés platosammoniés et cobaltammoniés ; cette note est fort intéressante, mais sa place n’est peut-être pas dans un traité des- tiné à donner une idée précise de la Stéréochimie en ce qu’elle a de plus positif ; il aurait aussi mieux valu laisser de côté les spéculations un peu avancées de M. Hantzsch sur la constitution des diazoïques. La lec- ture de ce Précis peut, en effet, laisser un peu de con- fusion dans l’esprit d'un lecteur qui ne serait pas bien familiarisé avec les doctrines stéréochimiques. Nous regrettons aussi que l’auteur ou les traduc- teurs n'aient pas divisé leur sujet en un plus grand nombre de chapitres, et qu’ils n'aient pas résumé les principes généraux au commencement de chaque partie. Leur œuvre n'en aurait été que plus claire. À part ces quelques observations, nous n’avons à signaler qu'une ou deux erreurs de formule (acides oléique et brassidique) et nous devons reconnaître la grande valeur de ce Précis, le seul qui soit actuel- lement au courant des progrès de la Stéréochimie. P, FREUNDLER, Docteur ès sciences. Bernthsen (A), Directeur du Laboratoire de re- cherches de la Société badoïise de fabrication d’aniline et de soude à Ludwigshafen, ex-Professeur à l'Université d'Heidelberg, et &uchner (E.), Professeur à l'Univer- sité de Tübingen. — Kurzes Lehrbuch der organis- chen Chemie. — 1 vol. in-S°, Friederich Vierweg und Sohn, éditeurs. Brunswick, 1896, Il yaurait tout intérêt pour la jeunesse de nos écoles de s’habituer, dès son entrée dans les laboratoires, à se servirà la fois d'ouvrages francais et de traitésétran- gers. Etudier une science dans deux ou iroislangues, c'est se livrer à la plus profitable des gymnastiques intellectuelles, et c’est en même temps s'inspirer de méthodes et d’apercus qui varient suivant les auteurs. De nos jours, il est d'ailleurs presque impossible de se tenir au courant de la production chimique si l’on ne connait, outre notre langue nationale, l'allemand et l'anglais, Dans la modeste sphère qui nous est réser- vée, nous ne cessons d'engager la jeunesse à se péné- trer de l’idée que tout homme d'initiative et d’action qui veut étendre ses connaissances, est contraint de savoir au moins l’une de ces deux langues, sinon les deux. Aussi croyons-nous utile de signaler de temps à aulre à nos lecteurs les différents traités qui se 1217 publient à l'étranger. Celui que MM. Bernthsen et Buch- ner viennent de rééditer mérite particulièrement de leur être signalé. Parmi les nombreux ouvrages de Chimie organique qui se publient en Allemagne, il y en à peu qui, sous une forme résumée, doune une idée aussi nette et en même temps aussi claire de cette partie de la science. Une brève introduction sur le but primitivement poursuiviet sur celui atteint, des généralités indispensables, l'étude des carbures acy- cliques, celle de leurs produits de substitution; vient ensuite la description des fonctions et des dérivés qui se rattachent à chacune d’elles etenfin, un chapitre qui traite des corps servant d’intermédiaires entre la série grasse et la partie aromatique, voilà pour la première moitié de l'ouvrage. La série cyclique estexposée dans le même esprit et avec la même simplicité. Ce qui ca- ractérise cette œuvre, c’est la concision avec laquelle sont exposées, sans cependant nuire à leur clarté, les théories les plus importantes et les faits les plus sail- lants, c’est la quantité de composés cités et de sources indiquées, c’est enfin la facilité avec laquelle ce traité se prête à la lecture et aux recherches. La première édition ne date que de 1887, alors que le principal auteur était encore professeur à Heidelberg, et l’ouvrage en est à sa sixième édition. C’est assez dire le succès qu'il a en Allemagne. A. HaLLer. Correspondant de l'Institut. Schützenberger (P.), Membre de l'Institut. — Les Fermentations (sisième édition, entièrement refon- due). — 1 vol. in-8° de 316 pages. (Prix : 6 fr.) Biblio- thèque scientifique internationale. Félix Alcan, éditeur, 108, Boulevard Saint-Germain à Paris, 1896. Dans cette nouvelle édition d'un ouvrage qui a déjà eu tant de succès, M. Schützenberger met encore une fois en lumière les brillantes qualités qui distinguent tous ses écrits, et, par la tournure originale de ses vues, par la limpidité de son exposition, arrive à rendre attrayante et facile la lecture de son livre, où il résume les principaux faits acquis touchant les fermentations vulgaires. On comprendra facilement qu’il nous soit impossible d’en faire ici une analyse, même succincte; signalons seulement les points qui nous paraissent devoir attirer plus particulièrement l’attention. En premier lieu, M. Schützenberger, dans une intro- duction qui montre, aussi nettement que possible, l’es- prit dans lequel l’ouvrage a été concu, s’empresse de dégager le mot fermentation de toutes les obscurités qui l’entouraient autrefois, et nous convie à ne voir dans ces phénomènes, étroitement liés cependant à la vie, que des réactions chimiques provoquées par un ébranlement comparable à celui que déterminent Les vibrations lumineuses et calorifiques. N’a-t-on pas, d’ailleurs, une démonstration évidente de l'influence d’un pareil ébranlement dans l’accom- plissement de la fonction chlorophyllienne, et ne doit- on pas voir là l'intervention d'une énergie extérieure qui, dans la fermentation proprement dite, se trouve être remplacée par de l'énergie chimique? L'auteur rappelle ensuite que le cercle des réactions rapportées jadis à l’activité vitale, se resserre de jour en jour davantage, et que la synthèse même des corps dissymétriques, récemment encore attribuée par Pasteur au jeu de forces dissymétriques, actionnant des organes dissymétriques, a pu être réalisée de toutes pièces et sans le concours de la vie; il aurait pu ajou- ter que la plupart des phénomènes de fermentation, alcoolique, lactique, butyrique, ammoniacale, etc., sont également du domaine de nos réactions de labo- ratoire, enfin, que les diastases ne sont que des agents chimiques d’hydrolyse ou d’oxydation, dont l'effet peut être reproduit à volonté in vitro. L'étude de la fermentation alcoolique comprend à elle seule la moitié du volume : l’analogie des effets de la levure avec ceux des cellules végétales privées d'air y est signalée, ainsi que l’influence des divers agents 1218 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX chimiques sur la marche de la fermentation; enfin, on trouvera dans cette partie de l'ouvrage une étude approfondie, tirée surtout des travaux de l’auteur, sur la respiration normale des levures. Vient ensuite l'étude des principales fermentations bactériennes, acides, ammoniacale, putrides et oxy- dantes; à propos de la putréfaction, M. Schützenberger résume rapidement les principaux faits acquis touchant les ptomaines et les leucomaines. Ensuite, il rappelle les travaux de Pasteur relatifs au développement et à l'apport par l'air des germes organisés, et, enfin, examine les diastases hydrolysantes ou zymases, à côté desquelles il place les toxines et les toxalbumines, L'ouvrage se termine par un exposé rapide de la constitution des matières protéiques et hydrocarbo- nées, telle qu’elle a été établie parles recherches clas- siques de l’auteur et par celles de M. Fischer : il ren- ferme donc tous les éléments essentiels à l’étude de cet ensemble, si touffu et à la fois si mystérieux en- core, que l’on appelle les fermentations. C'est un gage assuré de succès nouveau, et nous sommes certains que, devant la clarté de l'exposition, le lecteur ne pourra que regretter l’exiguité du livre. L. MAQUENNE, Docteur ès sciences. 3° Sciences naturelles. Lacroix (Alfred), Professeur de Minéraogie au Mu- séum. — Minéralogie de la France et de ses Co- lonies. Description physique et chimique des minéraux. Etude des conditions géologiques de leurs gisements. T. 11, première partie. — 1 vol in-8° de 352 pages avec figures (Prix 15 fr.) Baudry et Cie, 15, rue des Saints-Pères, Paris, 1896. Le présent fascicule (voir, pour les précédents, cetle Revue t. IV, 1893, p. 149 et t. VII, 1896, p. 421) est relatif à la description des espèces suivantes : leucite, béryl, groupe des feldspaths, groupe des wernérites, sphène, groupe des zéolithes. L'auteur a terminé ce qui a trait aux silicates (et ti- lanates); l'ouvrage, qui primitivement devait contenir deux volumes, en comprendra trois. Léon BourGeois, Depaire (J. B.), Professeur à l'Université de Bruxelles. Hydromels et produits dérivés de la fermenta- tion du Miel. (Conférences faites à la Société d'Api- culture de Bruxelles.) — Une brochure in-8° de 72 pages. Henri Lamrrtin, éditeur, 20, rue du Marché-au-Bois. Bruxelles, 1896. La quantité de miel consommée actuellement pour les usages médicinaux et gastronomiques étant loin d'atteindre la production totale de cette denrée, il se- rait avantageux d’en employer l'excédent à la fabrica- tion de liqueurs fermentées. Dans une petite brochure très soignée, M. Depaire a réuni les conférences qu'il a faites à ce sujet et dans lesquelles il a indiqué les principes scientifiques qui doivent guider l’apiculteur, et les méthodes pratiques qu'il peut employer dans la préparation de l’hydro- mel. La brochure comprend, en outre, l’étude de l’eau- de-vie, des liqueurs et du vinaigre d’hydromel. Nous souhaitons vivement que ces notions se ré- pandent, et qu'en permettant d'obtenir ainsi une li- queur saine, agréable et économique, elles contribuent à remettre en usage une de nos plus anciennes bois- sons nationales. A. HÉBERT. Æ. Van Gehuchten, Professeur ordinaire à la Fa- cullé de Médecine de Louvain, Directeur de l'Institut Vésale. — Anatomie du Système nerveux de l'Homme. (Leçons professées à l’Université de Lou- vain.) 2° édition. — 1 vol, in-8° de 941 pages, avec 619 fig.dans le texte. A, Uyspruyst-Dieudonné, éditeur. Louvain, 1897. A ne considérer que les vastes développements et le nombre des figures que renferme cette seconde édition au regard de la première, publiée il n'y a guère plus de deux ans, et dont nous avons rendu compte ici même, on a l'impression qu'on se trouvé devant une œuvre nouvelle, Il ne saurait, d’ailleurs, en être autre- ment, à une époque où, pour être, comme on dit, au courant de la science, un livre d’anatomie ou de phy- siologie du système nerveux devrait être en partie récrit tous les trois ou quatre ans, et encore ce court espace de temps apparait-il aujourd'hui presque comme un âge de la pensée humaine, comme une longue période de la science. Au nombre des modifications et additions capitales introduites par M. le Professeur Van Gehuchten dans ce grand livre, nous devons signaler : {° Une étude approfondie de la structure interne des cellules nerveuses, et, en particulier, des deux parties constitutives, chromatique et achromatique, du proto- plasma des neurones, telle que l’ont fait connaître, grâce à l'introduction dans la technique microsco- pique de la méthode de Nissl, les travaux de Ramon y Cajal, de Lugaro, de Marinesco, de Van Gehuchten et de ses élèves. 2° La nouvelle division, due à Flechsig, de l'écorce cérébrale en zones de centres de projection et de cen- tres d’association, conception qui « jette une lumière si vive sur la valeur relative que nous devons attribuer aux différentes régions de nos hémisphères cérébraux que, sans attendre que des recherches ultérieures soient venues confirmer les conclusions » de l’illustre auteur de la méthode embryologique, Van Gehuchten a consacré une lecon à l'exposition de cette doctrine nouvelle. . 3° Une bibliographie aussi complète que possible, placée à la fin de chaque lecon, des principaux travaux relatifs aux sujets traités. C’est là, pour l'étudiant de nos jours, l’arsenal d’où il doit tirer ses armes. Aussi bien, au point de vue pratique, ce livre a été rédigé avec la constante préoccupation d’être utile aux méde- cins qui se destinent plus particulièrement à l'étude de la pathologie mentale et nerveuse. 4° Enfin, l’adoption de la nomenclature anatomique nouvelle adoptée par la Commission de la Société ana- tomique, instituée à cet effet. On sait que, des trois vésicules cérébrales primitives des Vertébrés, la pre- mière et la dernière se transforment chacune en deux; si bien qu’au cours du développement de l'embryon l’encéphale comprend cinq vésicules cérébrales secon- daires, appelées jusqu'ici, chez l’adulte, d'avant en arrière : cerveau antérieur, cerveau intermédiaire, cerveau moyen, cerveau postérieur, arrière-cerveau. Quoique cette division nous ait paru toujours fort claire, les membres de la Commission de nomencela ture analomique, en jugeant autrement, ont substitué aux anciennes dénominations des dénominations nou- velles, qui ont, à la vérité, le mérite de décrire les par- lies de l'encéphale qu'elles désignent. La vésicule cérébrale primitive antérieure s'appelle prosencéphalon ou cerveau antérieur; la moyenne, mésencéphalon ou cerveau moyen; la postérieure, rhombencéphalon ou cerveau rhomboïdal. Ce dernier comprend toutes les parties de l’encéphale qui em- brassent le quatrième ventricule (fosse rhomboïdale) : moelle allongée, cervelet, protubérance annulaire, pé- doncules cérébelleux. Comme le rhombencéphalon, c’est-à-dire la vésicule cérébrale primitive postérieure, se divise en deux vésicules cérébrales secondaires (cerveau postérieur et arrière-cerveau), la Commission, admettant la manière de voir de His, l’a partagé en trois parties distinctes : 1° la moelle allongée, où «ar- rière-cerveau », est dénommée myélencéphalon; 2 la protubérance, avec le cervelet, formant l'ancien « cer- veau postérieur », mésencéphalon; 3° tout ce qui, chez l’adulte, entoure l'extrémité supérieure du quatrième ventricule (pédoncules cérébelleux supérieurs, noyaux d’origine des deux nerfs pathétiques, ganglion inter- pédonculaire), isthme du rhombencéphale. Le mésencé- vhalon, ou cerveau moyen, c'est-à-dire la vésicule cé- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ————————_—__—_______ —— —— ——————————_——————— rébrale moyenne primitive, conserve la même déno- mination chez l'adulte. Enfin, des deux vésicules cérébrales secondaires nées de la vésicule cérébrale primitive antérieure, ou prosencéphalon, celle qui est voisine du mésencéphalon, prend le nom de diencé- phalon, et celle qui forme l'extrémité supérieure de l'axe neural, l’ancien « cerveau antérieur », celui de télencéphalon. L'encéphale apparait ainsi constitué de six parties distinctes qui, à un moment du développe- ment ontogénique, se présentent sous la forme de six anneaux nerveux. Chacun de ces anneaux peut être à son tour divisé en une moitié antérieure ou ventrale, postérieure ou dorsale, par deux sillons longitudinaux existant sur les parois des cavités ventriculaires, les sillons limitants des ventricules. Ces sillons séparent en quelque sorte la partie motrice de la partie sensitive de l’axe nerveux central : « Tous les noyaux moteurs, dans chaque moitié de l’axe nerveux, se trouvent, en effet, en avant ou en dedans du sillon limitant; tandis que toutes les masses grises en rapport avec les nerfs sensitifs périphériques se trouvent en arrière ou en dehors de ce sillon. Ces six anneaux se développeront alors, dans le cours du développement, pour donner naissance aux parties constitutives de l'axe cérébro- spinal de l'adulte, » Ainsi, la partie dorsale du télen- céphale comprend le pallium, le corps strié et le bulbe olfactif avec ses dépendances ou rhinencéphalon. La partie ventrale du télencéphale appartient à la région hypothalamique. L’hypothalamus, qui appartient à la fois au diencéphale et au télencéphale, comprend les corps mamillaires, le tubercule cendré avec l'infundi- bulum et la partie postérieure de l’hypophyse, le chiasma des nerfs optiques, le récessus optique et la lame terminale. Les trois parties de l’encéphale dont nous venons de rappeler les origines, le mésencéphale, le diencéphale et le télencéphale, constituent, dans leur ensemble, ce qu’on nomme le cerveau, Les coupes de l’encéphale de l’embryon humain, de His, étant sans doute présentes à l’espril du lecteur, nous nous bornons à signaler la révolution profonde, indépen- dante de toute nomenclature, qui doit sortir de ces faits, et renouveler en partie notre conception de la structure et des fonctions du cerveau. Des esprits étrangers à ces hautes études pourraient seuls méconnaître la portée philosophique de l’ana- tomie du système nerveux. Si la physiologie expéri- mentale et l'observation clinique ont quelquefois af- fecté de ne relever que d’elles-mêmes et ont dédaigné l'anatomie, ces velléités d'indépendance se sont vite dissipées. L’Anatomie du Système nerveux de l'Homme, de Van Gehuchten, est sans doute le guide le plus sûr qu'on puisse suivre dans cette grande province des sciences biologiques. Jules Soury, Maitre de conférences à l'Ecole pratique des Hautes Etudes (Sorbonne). 4° Sciences médicales. Pagès (D: Calixte), Vétérinaire sanitaire de Paris et du Département de la Seine. — Hygiène des Animaux domestiques dans la production du lait. — 1 vol. in-12° de 324 pages. (Prix : 3 fr.) G. Masson, éditeur. 120, Boulevard Saint-Germain. Paris, 1896. L'étude de l'hygiène des femelles laitières a une im- portance considérable au point de vue théorique et pratique. La plupart des physiologistes et tous les praticiens (agriculteurs, nourriciers, etc.) admettent que, de tous les liquides organiques, le lait est celui qui traduit le plus complètement et le plus fidèlement les changements qui surviennent dans les phénomènes intimes de la nutrition. Suivant les conditions dans lesquelles vivent les femelles laitières, leur état de repos ou de mouvement, le travail plus ou moins considérable qu’on leur impose, les variations ther- miques et chimiques de l'air qu’elles respirent, et la nature des aliments dont elles se nourrissent, on voit 1219 le lait se modifier en quantité et en qualité. Les modi- fications portent à la fois sur les matières albuminoïdes, le sucre et les aliments minéraux. M. Pagès s'attache à démontrer en un style entrainant que dans l'hygiène et la médecine, comme dans l’in- dustrie, il existe des laits et non un lait; qu'il ya non seulement des laits d'espèce, de race, de variété et d’individu, mais qu'il faut encore considérer des laits d'alimentation. Le lait, comme on le sait, joue un rôle grandissant dans la nourriture de l’homme, à tous les âges et à tous les états, Puisque, dit l’auteur, l'allaitement artificiel constitue, par notre faute, un mal de plus en plus nécessaire, nous devons nous efforcer de le rendre moins insuf- fisant, moins meurtrier, Combien d'insuccès les mé- decins attribuent aux différences chimiques du lait de femme et du lait de vache, à la faiblesse constitu- tionnelle des enfants, aux mauvaises conditions hygié- niques dans lesquelles ils sont placés, et dont la cause réside surtout dans l'alimentation insuffisante, irra- tionnelle des vaches laitières! M. Pagès pense que la dénaturation plus ou moins complète du lait, soit par la dilution, soit par la cuisson, soit par ces deux moyens réunis, est un mal néces- saire, dont il convient d’atténuer les effets en déter- minant les laits d'espèce, de race, de variété, d’indi- vidu, et surtout d'alimentation, qui conviennent le mieux aux jeunes enfants considérés aux diverses périodes de leur évolution. Le lait présente sa plus haute valeur nutritive immé- diatement après sa formation; il s’altère peu à peu dans la mamelle, il s’altère plus encore en dehors de son réservoir naturel : l'idéal serait donc de le faire téter goutte à goutte, au fur et à mesure de son élabo- ration. Mais Le lait récemment sécrété est plus difficile à digérer que le lait qui a séjourné longtemps dans la mamelle; la même différence existe entre ce dernier, lorsqu'il est pris à la mamelle, chaud, vivant, etle lait froid, rassis, qui a subi, à l’air libre, une certaine destruction. Après avoir établi l'opportunité et l'importance de l'étude qu'il a entreprise, M. Pagès adopte dans l’ex- position la marche suivante : Pour mettre en évidence l'influence de certaines rations sur la composition chimique du lait, il fallait démontrer d’abord, d’une manière plus générale, l'action des aliments sur cette sécrétion, et cette dé- monstration devait elle-même être précédée de l'étude, beaucoup plus vaste, de l'influence des alimentssur les animaux domestiques; c’est pour cela que la première partie de ce travail est un chapitre de physiologie générale, dont la conception systématique appartient tout entière à l’auteur, La deuxième partie estconsacrée à l'étude del’hygiène et de l'alimentation des femelles laitières, considérées dans leur ensemble ; premièrement, en dehors de leur destination économique ; secondement, d’après leur utilisation dans la production du lait fermenté, du lait fromager, du lait beurrier, du lait aliment et du lait médicament. Dans une troisième et dernière partie, les principales femelles domestiques exploitées et exploitables par l’industrie laitière ont été considérées isolément et suivant l’ordre de leur importance. L’indication très sommaire des propriétés physico-chimiques et physio- logiques des divers laits précède l'étude de l'hygiène qui convient à chacune d’elles, Ce petit volume, très agréable à lire, renferme des faits nombreux, bien coordonnés, et des vues nouvelles intéressantes. Il sera utile à consulter par les hygié- nistes et les biologistes en général, et par toutes les personnes qui s'intéressent directement ou indirec- tement à l'hygiène de l'alimentation. M. KAUFMANN, Professeur de Physiologie à l'Ecole vétérinaire d'Alfort. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 16 Novembre 1896. M. le Secrétaire perpétuel annonce à l’Académie la perte qu’elle vient de faire en la personne de M. Hugo Gylden, correspondant pour la Section d’Astronomie. M. O. Callandreau lit une notice sur la vie etles tra- vaux de Gylden. — La Section de Minéralogie présente la liste suivante de candidats à la place laissée vacante par le décès de M. Daubrée : 1° M. Michel-Lévy; 2° M. de Lapparent; 3° M. Barrois ; 4° M. Douvillé. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Bouquet de laGrye donne la détermination des positions de Santa-Cruz de Ténérife, Saint-Louis (Sénégal) et Dakar, ainsi que les mesures d'intensité de la pesanteur faites en ces points par MM. Pujazon, Driencourt et lui. — M. E. Guyou fait hommage à l’Académie de deuxmémoires intitulés « Les problèmes de Navigation et la Carte marine, par M. E. Guyou » et « Observations magnétiques en mer, à bord du croiseur le Dubourdieu, par M. Schwerer, » — M. H. Andoyer indique sous quelle forme il est possible de généraliser le théorème de Poisson relatif à l’invariabilité des grands axes des orbites planétaires, — M. E. M. Lémeray communique quelques résultats nouveaux sur la convergence des substitulions uni- formes. —M.T. Craig arrive au théorème suivant sur les surfaces à lignes de courbure isométriques : Si u et v sont les paramètres des lignes de courbure et si ces lignes forment un système isométrique, tel que : ds? = } (Udu? + Vdv?) où À = UV», RE 414531 ; alors les réciproques —,— desrayons de courbure prin- PiNe2 cipaux satisfont à une équation aux dérivées partielles qui est l’adjointe de celle qui est satisfaite par les coordonnées carlésiennes du point (u,v) de la surface. — M. René de Saussure montre que les principes de géométrie réglée, exposés par lui dans une note pré- cédente, s'appliquent sans modification à la Mécanique ; il indique la marche à suivre pour traiter les problèmes de Mécanique sous ce nouveau point de vue. 20 ScrENGEs PHYSIQUES. — M. L. Marchis donne les lois des déformations permanentes du verre et du dé- placement du zéro des thermomètres; ses expériences ont porté sur unthermomètre en cristal Guilbert Mar- tin qui se déforme facilement; des expériences sur des thermomètres en verre vertont montré l'existence de lois identiques, quoiqueles déplacements soient beau- coup plus petits.— MM. U. Lalla et A. Fournierétablis- sens l’influence de l’aimantation sur la force électro- motrice des piles dont le fer est un des éléments. Deux séries d'expériences, faites avec un couple thermoélec- trique fercuivre et avec un couple hydroélectrique fer-cuivre, ont donné des résultats très probants. — MM. Ch. Fabry el A. Perot indiquent un nouveau pro- cédé optique de mesure des petites épaisseurs en valeur absolue ; il repose sur l'observation des franges qui se produisent entre deux lames de verre faiblement ar- gentées, — M. A. Leduc a fait de nouvelles détermi- nations très précises des densités de l'azote, de l’oxy- gène et de l’argon, ainsi que de la composition de l'air atmosphérique. Voici ses résullats : Densilé.par rap- port à l’air : azote, 0,9671 ; oxygène, 110523; argon, 1,376. Composition de l’air:en poids : azote, 75,5; oxy- gène, 23,2; argon, 1,3; en volumes : azote, 78,06; oxygène, 21; argon, 0,94. — M. Rateaus'est proposé deconstruire un abaque permettant de trouver rapi- dement la consommation théoriquek, en kilogrammes par cheval et par heure, pour une machine à vapeur parfaite fonctionnant entre les pressions P et p. Si l’on porte en abcisse log p et en ordonnée log P, on ob- serve que les points d'ésale consommation sont en ligne droite. Il en résulte que les valeurs de p et P qui donnent à # unemême valeur sont liées par une rela- tion de la forme ap — P?. D'autre part, l’auteur indi- que une formule qui donne ken fonction de P etp seulement. — On sait que les gaz comprimés et liqué- fiés, lancés trop vivement dans un détendeur, produi- sent quelquefois une explosion. MM. E. Ducretet et L. Lejeune présentent un modèle de robinet qui em- pêche la sortie trop rapide des gaz des récipients où ils sont comprimés. — M. A. Poincaré signale de nou- velles relations entre les mouvements lunaires et les mouvements barométriques sur l'ensemble de l’hémis- phère boréal. — M. H. Tarry adresse une note sur les pluies extraordinaires et la pluie rose tombée au Croisic (Loire-Inférieure) le 8 novembre 1896. — MM. M. Ber- thelot et G. André donnent un nouveau procédé de dosage de l’acide pyrophosphorique : il consiste à pré- cipiter ce corps au bain-marie bouillant par un mé- lange de chlorure de magnésium, de chlorhydrate et d’acétate d'ammoniaque, en présence d'un excès no- table d'acide acétique ; dans ces conditions lacide phosphorique normal demeure dissous, mais le pyro- phosphate précipité est de composition variable, ce qui nécessite sa transformation en acide ortho, qui est en- suite définitivement précipité. — MM. M. Berthelot et G. André ont étudié les transformations de l'acide pyrophosphorique.En solution aqueuse, ilsetransforme en partie en acide orthophosphorique, mais beaucoup plus lentementque l'acide mélaphosphorique; la vitesse de transformation de l'acide pyro en acide ortho croît avec la concentration. Lorsqu'on déshydrate l’acide ortho, on voitque la formation del’acide méta commence avant même que la déshydratation corresponde à la for- mule de l'acide pyro ; ilse produit deséquilibres en vertu desquels les trois acides coexistent. — MM. P. Schut- zenberger et Boudouard ont isolé des sables mona- zités une série de terres à poids atomiques variant de 96 à 150,et qui, cependant, présentent à peu près toutes un même spectre, analogue à celui de l'yttria. Les auteurs cherchent l'explication de ces faits, en apparence contradictoires. — MM. H. Lescœur étudie les réactions des indicateurs colorés (tournesol, phta- léine, hélianthine) en présence des acides, des bases et des corps neutres et indique comment les faits obser- vés doivent être interprétés. — M. Paul Chrétien a dissous vers 2000 l’acide iodique dans l'acide sulfurique et, par refroidissement, a obtenu des cristaux d’anhy- dride iodique. Si l’on élève la température vers 300 la liqueur devient noire, et, par refroidissement, laisse déposer lentement des cristaux jaunes, dont la com- position est représentée par la formule SO*, 4H20, PO? et qui, projetés dans l’eau, se décomposent immédia- tement en acide sulfurique, acide iodique et iode. — M.T.-L. Phipson, en mettant sur l'eau, dansune cloche graduée pleine d'air, un pied d’Aguricus abramentarius, a observé que ce champignon absorbe progressive: ment tout l’oxygèneen dégageant de l'acide carbonique qui est absorbé par l’eau ; au bout de quelque temps, il ne reste plus que de l'azote dans a cloche et le champignon meurt. — M.P. Lebeau à étudié les pro- priétés de la glucine; elle est fusible et volatile à la température du four électrique. Elle ne varie pas sen- siblement de densité etelle conserve la propriété d’être attaquée par les acides concentrés. Le bore, le car- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 122 22 bone et le silicium sont les seuls métalloïdes suscep- tibles de réduire la glucine en donnant des composés cristallisés. Les métaux réducteurs, sodium, potas- sium, magnésium et aluminium sont sans effet. — M. M. Guichard à obtenu l'iodure de molybdène amorphe Mol? par l’action de l'acide iodhydrique sur le chlorure de molybdène MoCl.— M. Ed. Defacqz donne un procédé de séparation du tungstène et du titane, basé sur ce fait que le tungstène et l'acide tungstique se dissolvent entièrement au bout de quel- que temps dans un mélange fondu d’azotate et de car- bonate de potasse, tandis que le titane et l'acide tita- nique ne s’y dissolvent pas. — M. A. Etard donne les spectres d'absorption de deux chlorophylles distinctes la médicagophylle -x C?SH#A70* et la borragophylle a CH AZO US à trois états de concentration, dans deux dissolvants : l'alcool et le sulfure de carbone pur. — M. Raoul Bouilhac a observé que l'association d’une algue, le Nostoc punctiforme, avec desbactéries, dans un milieu nutritif exempt d'azote, permet cepen- dant le développement simultané des deux espèces et la fixation de l’azote de l'air, La fixation a également lieu dans un milieu contenant des traces d’acide arsé- nique. — M.F. Garrigou montre nettementla présence d'un alcaloïde organique dans l’eau minérale de Tulle- Haut, commune de lilh (Haute-Garonne), — M.Hanriot a reconnu que Ja lipase existait dans l'organisme d'un grand nombre de Mammifères; d'autre part, il a montré quecette substancene provient ni du pancréas, ni des globules sanguins. 3° SCIENCES NATURELLEs. — M. A. M. Bloch présente un nouvel instrument, qu'il appelle achromatomètre, destiné à mesurer la pression nécessaire pour décolo- rer, en la rendant exsangue, une région limitée du té- gument. Cette pression indique, jusqu'à un certain point, la tension capillaire des vaisseaux sous-jacents, — M. A. Giard cite de nouveaux cas de parasitisme d'un Monstrillidé, le Thauwmaleus, sur un Annélide, le Polydora Giardi. Ces Crustacés parasites se comportent, dans leurs rapports avec leur hôte, à peu près comme les Insectes Diptères du groupe des Tachynaires. — M. J. Kunstler présente ses recherches sur la mor- phologie du Trichomonas intestinalis. — M.J. Kunc- kel d’Herculais étudie les ravages causés, en Algé- rie, au mais, à la canne à sucre, au sorgho, par les chenilles de Sesamia monagrioides Lefèvre. Le seul moyen actuel de préservation est la destruction par le feu des tiges contaminées. — M. A. Delebecque étu- die l'étang de Berre et les étangs de la côte de Pro- vence situés dans son voisinage ‘et explique leur for- mation géologique. — MM. E. -A, Martel et A. Dele- becque communiquent leurs dernières observations sur les scialets (puits) et l’hydrologie souterraine du Vercors (Drôme). Séance du 23 Novembre 1896. L'Académie, ayant à désigner à M. le Ministre de l'instruction publique deux “candidats aux fonctions de directeur de l'Observatoire de Paris, présente en première ligne M. Lœwy, en deuxième ligne M. Cal- landreau. — M. Michel-Lévy est élu membre dans la Sr de Minéralogie, en remplacement de M. Dau- rée 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et Sy présentent leurs observations de la nouvelle comète Perrine (2 nov. 1896) faites à l'Observatoire d'Alger. — M. Faye présente la Connuissance des temps pour 1899 et l'Annuaire du Bureau des Longitudes pour 1897. — M. Bouquet de la Grye fait hommage d’un mémoire intitulé : Décimalisation de l'heure etde lacirconférence. — M. Eugène Fabry communique ses recherches sur les courbes algébriques à torsion constante. — M.F. Marotte applique Ja théorie des groupes continus à l’étude des points singuliers des équations différentielles linéaires, et il arrive à définir un groupe continu G dont les invariants différentiels caractérisent complè- tement la nature des singularités des intégrales autour REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. d'un point singulier 4. — M. P. Painlevé étudie de nouvelles singularités des équations de la Dynamique et leur raport avec le problème des trois corps. — M.R. Liouville, étudiant le mouvement d’un solide dans un liquide indéfini, arrive à un système d'équations diffé- rentielles de nature assez compliquée ; il pose les prin- cipes de la méthode qui doit conduire à leur intégra- tion. — M. Leflaive présente une étude théorique sur la plongée des sous-marins; ilétablit des équations de l'équilibre et en déduit les conditions de flottabilité et de stabilité. — M. E. Fontaneau adresse un mémoire sur un cas particulier du mouvement des liquides, — M. G. Morosov envoie un mémoire intitulé : Postulat d'Euclide considéré comme une propriété de l'espace à trois dimensions. — M. C. Blanc adresse l'énoncé d'un théorème de Statique, — En réponse à la der- nière note de M. Hartmann sur la répartition des dé- formations dans les métaux soumis à des efforts, M. G. Charpy établit : 1° que les déformations régulières dé- pendent de la texture du métal; 2° que la texture mi- croscopique est d'autant plus nette que le métal a été mieux recuit, c’est-à-dire que les déformations préexis- tantes ont plus de chances d’avoir disparu. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M, H. Becquerel signale des morceaux d'uranium qui, placés à l'abri de la lumière,émettent constamment depuis six mois des ra- diations ; d'autre part, les gaz ayant été soumis à l’in- fluence des rayons uraniques possèdent la propriété de décharger les corps électrisés. — M. Jean Perrin montre que. pour un même rayonnement et en un même point, la quantité d'électricité dissociée par unité de masse dans un gaz soumis à l'influence des rayons X est indépendante de la pression et propor- tionnelle à la température absolue, — M. G. Sagnac signale le fait suivant : Si, entre un objet opaque A et une source rayonnante S, de diamètre apparent sen- sible, on introduit progressivement un objet opaque B, l'ombre de A semble comme attirée vers l'ombre de B. La raison de cet effet est que l'introduction de B supprime l’éclairement d'une étendue croissante de la pénombre de A au profit de l’ombre, dont la netteté s’accuse et qui semble ainsi grandir. Ou doit tenir compte de ce fait dans les expériences d’optique,faites en lumière ordinaire ou avec les rayons X. — M. A. Besson étudie les réactions de quelques composés hydrogénés sur le chlorure de thionyle. — M. Em. Dufau, en soumettant à la température élevée de l'arc électrique un mélange de sesquioxyde de chrome et de magnésie, a obtenu un chromite neutre Mg Cr? O0‘ cristallisé en octaèdres. — M. Marcel Delépine a déterminé la chaleur de saturation de l’hexaméthylène- amine par divers acides, Elle est de environ 11°%! 6 plus petite que celle des sels de potasse correspon- dants; l’hexawméthylène-amine est donc une base faible, — M. L. Grenet explique le rôle de l'acide borique dans les verres et émaux. Quand, dans un verre,on fait varier d’une facon continue la proportion d'acide borique, la dilatation commence par décroître et croît ensuite pour tendre à se rapprocher de celle de l’acide borique pur qui est très élevée et supérieure à celle de tous les verres. — M. A.-J. da Cruz Magal- haës, en analysant des vins colorés au caramel, a remarqué qu'ils donnaient toutes les réactions d'un dérivé de la houille ; le caramel pur donne les mêmes réactions. On peut donc être induit à confondre dans un vin la présence du caramel avec celle d'une couleur dérivée de la houille. 39 SCIENCES NATURELLES.— On sait qu’à l'état normal, le caillot sanguin formé après l'issue du sang hors des vaisseaux, se rétracte pour abandonner une certaine quantité du sérum qui l’imbibe. M. G. Hayem montre que, dans certains états pathologiques, le caillot ne fournit plus de sérum; ce fait est en relation avec une diminution des hématoblastes dans le sang.— Au début de la germination, les graines se gonflent fortement par absorption d’eau. M. L. Maquenne a déterminé la pression osmotique à l’intérieur de ces 23 7 graines; elle atteint souvent une dizaine d’atmos- phères. — M. Rémy Perrier, qui vient de terminer l'examen des formes abyssales recueillies par le Tra- vailleur et le Talisman, communiquela liste des espèces appartenant à la famille des Elasip odes, avec la dia- ynose des espèces nouvelles, — M. Auguste Michel présente ses recherches sur les nucléoles composés qu'il a observés dans l'œuf des Annélides, notamment chez le Nephthys et le Spiophanes bombyx.— M.BP.Viala a observé que le Guignardia Bidvellii, cause du Black Rot de la vigne, peut se reproduire sous forme de conidiophores, qui jouent un rôle important comme organe de propagalion rapide et à distance du para- site, — M. Julien Ray a cherché à développer un champignon (Sterigmatocystis) dans un liquide en mou- vement; Ja plante s'est adaptée à la vie en liquide agité avec les circonstances suivantes : 1° formes sphé- riques ; 2° résistance plus grande; 3° tendances à la structure cellulaire ; 4° formes de conservation meil- leures, — M. Vénukoff indique les terrains rencontrés dans la chaîne du Caucase central par les ingénieurs russes chargé de fixer le tracé du chemin de fer pro- jeté entre Wladikawkas et Tiflis. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 2% Novembre. M. le Président annonce à l’Académie le décès de M. Mahé, correspondant national. — M. Hallopeau analyse un mémoire de M. Rémy, concernant un cas de morve chronique chez l'homme. La lésion initiale, qualifiée de panaris, est survenue huit à dix jours après une piqûre avec une aiguille contaminée. Elle fut bientôt suivie d’une Iymphangite du même membre et d’adénopathies axillaires, qui ont arrêté jusqu'ici l'agent infectieux. Depuis lors la maladie a passé à l’état chronique et se manifeste par des séries d’abcès et des lésions cutanées polymorphes. Comme traite- ment, l’auteur a employé les bains locaux prolongés dans une solution d’iode et d’iodure de potassium dans l’eau. — M. P. Berger lit le rapport du concours pour le prix Bourceret, M. Le Dentu celui du prix Meynot, M. Landouzy celui du prix Desportes, — M. Char- pentier analyse les communications adressées à la Commission de l'Hygiène de l'Enfance. — M. V. Cor- nil étudie les lésions des vaisseaux (artères et veines) et indique le mode de formation des cicatrices consé- cutivement à une ligature : prolifération de l’endothé- lium, pénétration par lui du caillot fibrineux, bourgeon cellulaire plus marqué en un point, formation de fentes et d'un réseau pseudocapillaire dans le coagulum fibrino-sanguin, — A. Manouvriez signale une falsi- fication dangereuse de la bière au moyen d’une colle renfermant du bisulfite de chaux; cette colle, — em- ployée par certains fabricants pour assurer la conser- vation de leurs produits, car elle empêche les fermen- tations secondaires, — cède à la bière de l'acide sul- fureux qui la rend indigeste et peut provoquer des troubles intestinaux graves chez les personnes qui consomment cette boisson en grande quantité. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 21 Novembre 1896. MM. Achard et Bensaude étud'ent le phénomène de l'agglutination des microbes par le sérum et sa valeur comme élément de diagnostic. Ils montrent, d’une part que, pour une espèce bacillaire déterminée, la propriété agglutinative varie souvent beaucoup suivant échantillon de sérum employé; d’autre part, que certains types bacillaires, très voisins d'une espèce déterminée, mais qui doivent cependant en être dis- tingués, donnent à peu près la mème réaclion aggluti- nante que cette espèce, — M. Charrin signale l’appa- rition de crises épileptiformes chez un cobaye qui recut, il y a sept mois, de la toxine diphtérique, et ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES auquel on pratiqua plus tard la section des sciatiques ; il est impossible de dire présentement à laquelle de ces deux causes est due la maladie. — MM. Gilbert et Carnot ont pratiqué, chez les animaux, puis chez l'homme, l’ingestion de foie ou d’extrait hépatique dans les cas d'insuffisance hépatique. Chez les animaux, il y a toujours eu survie; chez l’homme, dans les cas de cirrhose et de diabète, les résultats sont encore incertains. — M. Guiraud présente ses recherches stalistiques sur la mortalité et montre que les maladies virulentes suivent un cycle déterminé. — MM. Tuf- fier et Hallion sont parvenus à pratiquer chez des animaux diverses opérations sur les organes profonds en suppléant à l’affaissement pulmonaire provenant des résections costales par la respiration artificielle. La survie de la plupart des animaux opérés permet de penser que ces résultats pourront s'appliquer à l’'homme.— M. Wertheimer adresse une note sur les voies de résorption de la bile dans le foie, — MM. Langlois et Athanasiu ont étudié l’action de l'extrait de capsules surrénales malades sur la pression sanguine. L'action anticoagulante de la peptone n’est pas modifiée. Les modifications de la pression sont variables. — M. Richet cite le cas de deux femmes névropathes qui étaient arrivées à ne plus absorber que des substances représentant 350 à 370 calories par jour; il est vrai que le quotient respiratoire s'était abaissé à 0 30, indiquant une fixation exagérée d'oxygène par les tissus. M. Hanriot est élu membre de la Société, Séance du 28 Novembre 1896. M. Roger étudie l'effet des injections d’eau salée sur l'élimination par le rein; pour cela, il injecte à des lapins du sulfo-indigotate de soude ou du ferrocyanure de potassium; ces substances apparaissent plus vite dans l'urine et s’éliminent plus rapidement chez les sujets qui ont subi le lavage du sang que chez les témoins. Il faut en conclure que les injections d’eau salée stimulent l’activité glandulaire et réalisent un véritable lavage de l’organisme. — M. G. Marinesco décrit les lésions du système nerveux qu’il a observées chez des singes et des chats inoculés avec le bacillus botulinus ou sa toxine, —MM. Ettlinger et Nageotte ont étudié les lésions des cellules du système nerveux cen- tral qui se produisent dans l’intoxication addisonienne expérimentale (extirpation des deux capsules surré- nales); on sait qu'il y a, dans ce cas, auto-intoxication, Les lésions consistent en des altérations profondes de la substance chromatophile du protoplasma et de la substance achromatique. — MM. Charrin et Gley présentent le squelette d'animaux provenant de géné- rateurs soumis pendant longtemps à l'influence des toxines. Les os ont diminué de volume; plusieurs sont atrophiés ou manquent; il ya eu amputation spontanée. — M, Féré fait remarquer qu'il peut y avoir eu muti- lation de naissance par la mère. — M. Charrinet Mile Pompilian ont recherché les modifications que l'injection de toxine diphtérique ou pyocyanique fait subir à la contraction musculaire du cobaye. Pour des intoxications à petite dose, l’excitabilité musculaire augmente et la forme de la secousse est modifiée. — M. Phisalix montre que la résistance des serpents aux venins n’est pas due seulement au pouvoir immu- nisant du sang, mais aussi à la présence d’un principe immunisant secrété par les glandes labiales supé- rieures, — M. Widal montre que le bacille d'Eberth et le bacille de la psittacose peuvent être différenciés par la réaction agglutinante dans le sérum; mais il faut avoir l'habitude de la méthode pour saisir la dif- férence, — M. J. Roux fait connaître ses recherches sur l'évacuation du contenu de l’estomac par le pylore et le mécanisme de cet acte. — M. Rambaud envoie une note relative à l’origine endodermique des vais- seaux sanguins, — M. Widal a pratiqué l'opothérapie chez des cirrhotiques et aussi l'injection d'extrait hé- patique; l'état général s'est amélioré. feed d'en rte. usé nn TP ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1993 SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 20 Novembre 1896 M. Bouty, président, annonce à la Société les décès de M. Morisot, professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux, auteur de recherches sur les chaleurs spécifiques, de M. Alfred Combes, maitre de confé- rences de Chimie à la Faculté des Sciences de Paris, et enfin de M. Fizeau, dont il résume la carrière en quelques mots, rappelant ses principaux travaux, de- venus immédiatement classiques, sur la vitesse de la lumière, la dilatation des cristaux, l'entrainement de l'éther par les corps en mouvement et, en commun avec Foucault, sur les interférences à grande différence de marche. L'assemblée de physiciens qui s'était réu- nie pour jeter les bases de la Société de Physique acclama Fizeau comme son président, et il fut, en 1873, le premier président de la Société constituée. La dé- pêche suivante a été adressée de Saint-Pétersbourg à l’occasion de sa mort: « La Société Physico-Chimique russe, réunie dans sa première séance annuelle, témoigne ses sentiments de regrets et de condoléances les plus vifs causés par la mort du premier président de la Société Francaise de Physique, le célèbre Fizeau ».— Sur la loi des états correspondants et l’équa- tion caractéristique des fluides : M. Raveau propose une modification de la méthode par laquelle M. Amagat a vérifié le théorème des états correspondants en réa- lisant l’intercalation des deux faisceaux d’isothermes. Si l’on trace les courbes en prenant pour coordonnées les logarithmes de la pression et du volume, les coor- données de deux points correspondants diffèrent de deux quantités constantes et les courbes correspon- dantes sont identiques. M. Raveau a tracé les réseaux de l’acide carbonique et de l’éthylène et a constaté, en les superposant et en les éclairant par transparence, qu'on pouvait intercaler les courbes sans qu'il y ait d'intersection. Il projette le diagramme obtenu en cal- quant l’un des réseaux sur l’autre, Les dimensions des tracés originaux n'excèdent pas 0®40 sur 030; cepen- dant l’écart des courbes, dans la région où elles sont le plus resserrées, est encore de 2m», ce qui permet d'effectuer l’opération sans changement d'échelle. Les constantes critiques calculées pour léthylène sont identiques à celles qu'a données M. Amagat. De ces vérifications très étendues de la loi de van der Waals il ne résulte pas que l'équation caractéristique des fluides soit nécessairement plus simple qu'on ne l’avait pensé jusqu'ici; la théorie montre que, si cette équation est algébrique, elle ne renferme que trois constantes, qui caractérisent la nature de chaque corps, mais le nombre des coefficients, pour chaque corps, reste indéterminé. En particulier, en tracant les isothermes d'après la formule de van der Waals, on constate l'impossibilité absolue de les intercaler entre les courbes expérimentales. L'étude attentive des don- æp d T? s’annule dans une région limitée, voisine du point cri- tique ; il en résulte qu'il est impossible de représenter les expériences par une équation dans la forme de celle de Clausius, quelque complication que l’on donne à nées de l'expérience montre que le coefficient la fonction f (T) dans le second terme en En ce qui \v s concerne la généralité complète de la loi des états cor- respondants, on peut remarquer d’abord que l'exis- tence d’une limite inférieure du volume exigerait la proportionnalité du covolume au volume critique; si le rapport n’est pas constant, il faudrait modifier légè- rement le théorème en l’appliquant à l'excès du volume réel sur le covolume ; tel est d’ailleurs le sens de la modification qu'a proposée van der Waals pour rendre son théorème applicable à la formule de Clausius. La méthode de M. Amagat pourrait encore servir dans ce cas; il suffirait de tracer les courbes en net vet de ne pas chercher à réaliser la superposition des axes des p. D'autre part, les recherches de M. Sidney Young (1892) semblent établir que la loi de van der Waals n’est vraie que pour des corps de même formule chimique. La théorie cinétique des gaz faisant dépendre les chaleurs spécifiques de la forme de la molécule, on entrevoit une relation entre les propriétés thermométriques et les propriétés calorimétriques des corps. Ce point a une importance générale: la thermodynamique laisse en effet sans lien complet ces deux sortes de proprié- tés ; de la loi de van der Waals, supposée vraie, il est absolument impossible de rien déduire, quant aux variations de l’entropie dans des modifications corres- pondantes. On voit qu'il sera impossible de déduire théoriquement l’équation caractéristique des fluides, si on considère les molécules simplement comme les volumes très petits, sans se préoccuper de leur consti- tution et que les recherches de formules empiriques n’aboutiront que si on cherche à mettre en évidence les propriétés calorimétriques des corps. En terminant, M.Raveau fait remarquer que, si l’on traduit les résul- tats expérimentaux par des courbes logarithmiques, il reste de tout ensemble de mesures relatives bien faites une courbe dont la forme est absolument déterminée ; la comparaison de diverses séries d'expériences devient ainsi facile. Le tracé des courbes serait très simple si l’on utilisait les graduations des règles à calcul. M. Broca fait observer que, dans un travail récent, M. Paschen a utilisé pour des comparaisons de courbes la méthode proposée indépendamment par M. Raveau. — M. Becquerel s'est demandé quelle était la source de l’énergie qu’émettaient d’une facon si prolongée, dans l'obscurité, les cristaux de sels d’urane, sous forme de radiations qui impressionnent les plaques pho- tographiques. Il a cherché avant tout s’il était possible d’épuiser cette énergie. Des cristaux enfermés sous un tube de verre scellé, par de la paraffine, à une lamelle de microscope, ont été séparés d’une plaque photogra- phique par un papier noir et enfermés dans une dou- ble boîte placée dans un réduit obscur, absolument fermé à la lumière du jour. Certains de ces cristaux sont en expérience depuis le 3 mars, quelques-uns depuis le 3 mai; ils n’ont pas cessé jusqu'à ce jour d'exercer une action sur une plaque sensible. M. Bec- querel a cherché d’autre part à répéter, avec de l'air qui avait passé sur des cristaux d’urane ou sur un culot métallique contenant 95 °/, d'uranium, prêté par M. Moissan, l'expérience de décharge d’un électro- scope, qui réussit quand on insuffle sur la boule de l'air qui à été traversé par les rayons X. En envoyant d'abord de l’air bien purgé de poussières, on voit se produire une déperdition lente, qui s’accélère brusquement dès qu'on place sur le trajet du courant un sel d'uranium ou le métal lui-même. Dans le second cas l'effet est particulièrement marqué. — M. Lauriol expose l'ensemble des travaux de l’aéronaute Lilienthal dont la mort a interrompu les essais encore incomplets. Il projette les épreuves originales de photographies pri- ses pendant les expériences. Lilienthal avait cherché à réaliser le vol sans dépense d'énergie. C’est une utopie dans le cas où le vent est horizontal et de vitesse constante, mais la théorie montre qu’il est possible, quand le vent a une vitesse variable ou une composante verticale. Les observations de la tour Eiffel indiquent peu de variations dans la direction du vent et il serait d’ailleurs impossible de les prévoir pour les utiliser, vu leur irrégularité ; au contraire les composantes verti- cales semblent avoir des valeurs si grandes que les chiffres observés ne sont donnés que sous toutes ré- serves. Lilienthal s’est proposé d'utiliser un appareil dont la forme serait copiée sur les ailes des oiseaux; la difficulté principale est ici la question de l'équilibre; on doit apprendre à voler, comme on apprend à mar- cher ou à aller à bicyclette, Lilienthal n’a pu arriver à voler, c'est-à-dire à s'élever d'une facon constante ou à se maintenir au même niveau contre le vent; il a pu réussir seulement à descendre en pente douce, à s’ar- rêter et à remonter quelques instants, Partant du 1924 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES haut d’une colline artificielle de 15 mètres, l’aéronaute s’élancait en courant et parcourait ensuite quelques centaines de mètres sans dépense d’énergie. Le pre- mier appareil était une sorte de double éventail croisé; on enfile les bras dans la croisée, par le mouve- ment des jambes on change le centre de gravité et on donne l'inclinaison des ailes. Un second appareil qui offrait 48 mèlres carrés de surface portante, offrait deux étages de voiles ; il était plus exposé aux coups de vent, mais permettait une descente beaucoup plus lente. Lilienthal a utilisé l'avantage énorme que pré- sentent les surfaces courbes; la flèche de ses voiles était de TI environ de la corde. Cet avantage, bien connu avant lui, apparaît d'une manière frappante, quand on représente, comme il l’a proposé, les réactions qu’exerce un vent constant sur une voile orientée dans diverses positions par une courbe dont le rayon vec- teur est cette réaction même, en grandeur et en direc- tion : les ordonnées de cette courbe, qui représentent l’effet sustentateur, sont beaucoup plus grandes pour une surface courbe que pour un plan. La mort de Lilienthal, due probablement à un coup de vent brus- que, qui a renversé l'appareil, ne nous laisse en pos- session d'aucun résultat numérique relatif à ses essais. — M. Benoist présente un électroscope à trois feuilles d’or. En coupant trois feuilles égales qu’on pince dans une feuille d'étain et qu’on fixe à un support on réalise un appareil plus sensible que l’électroscope ordinaire, dans le rapport de 4,5 à { environ. La présence de la feuille centrale, qui reste immobile, accroît la préci- sion des mesures d’angle en fournissant un repère. L’angle limite qui, dans le cas de deux feuilles, est de 90°, serait de 120° dans le cas de trois, à condition que la feuille intermédiaire servit de support inférieur aux deux autres. Il est clair qu'on augmenterait encore la sensibilité en ne laissant plus qu’une feuille d’or ;on serait ainsi ramené, comme dernier progrès, au type de l’électroscope de Henley; le calcul montre que le sinus de la demi-déviation serait à peu près propor- tionnel à la charge. — M. Gendron rappelle que des élestrocopes à tige ou à lame centrale fixe ont déjà été proposés, et sont cités par Wiedemann. M. Branly aurait employé un de ces appareils dans des expériences sur la conductibilité des poudres métalliques exécutées devant la Société !. — M. Chabaud présente des {ubes qui donnent naissance à des rayons X très intenses. Quand on observe la décharge dans un tube dont la cathode est une calotte sphérique et l’anode une lame inclinée sur l’axe de cette calotte, on constate pour un vide de Amm. l'existence d’une auréole autour des deux pôles et d’un cône de couleur verte, à deux nappes, limité d’une part par la cathode à laquelle il est homocen- trique et s'étendant d’autre part au delà de l’anode, La raréfaction augmentant, les auréoles disparaissent pro- gressivement, les deux nappes du cône se séparent en s’amincissant etsont réunies par un faisceau très délié qui a Tou 8 millimètres de long. La cause de ces phéno- mènes est inconnue ; on pourrait soupconner l’insuffi- sance du contact au point central où est fixé le rivet ou l’accroissement d'épaisseur en ce point: mais les effets ne changent pas quand on supporte Ja cathode en ses bords par quatre pinces. Les défauts de cour- bure sont trop faibles pour pouvoir jouer un rôle. La 1 La dernière édition de die Lehre von der Elektricität de M. G. Wiedemann contient, en effet, tome I, p. 166, en note, l'indication d'un appareil de M. Kolbe (1888), assez analogue à celui de M. Benoist, mais qui n'est pas destiné aux mesu- res. L’électroscope de M. Exner (1887) comporte une lame rigide qui facilite le transport. M. Branly a décrit un appa- reil à lame intermédiaire où les feuilles ne peuvent prendre qu’une faible divergence, dans son Traité élémentaire de Physique (p. 316). Dans sa dernière communication à la Société Française de Physique, Swr la conduclibililé des gaz chauds (20 mai 1892), il a employé un électroscope à une feuille. CR, Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17. Le Directeur-Gérant : LOUIS OLIVIER. production des rayons X est la plus intense quand le faisceau central disparait. En photographiant l'inté- rieur des tubes dans une chambre obscure sur des plaques placées dans les mêmes conditions, M. Cha- baud a obtenu des clichés qui renseignent sur les centres d'émission des rayons; il a conclu de ses recherches que, comme le pense M. Colardeau, la bonne direction desrayons cathodiques dans un tube où il ne peut pas se produire de remous est le facteur principal de l'intensité et de la netteté; il a construit un tube Colardeau dans lequel les dimensions de la partie ulile ont été si considérablement augmentées, qu’elle charge un électroscope à plus de deux mètres et qui permet, avec des étincelles de 025 ou 030 de faire voir, par fluoroscopie, les côtes et la colonne ver- tébrale d’un adulte. C. RAvEAu. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications resues aucours des vacances de la Société. MM. R. Meldola F.R.S., C. H. Woolcottet E. Wray décrivent un certain nombre de nouveaux dé- rivés du phénol, de la pyrocatéchine et du gaïacol qu'ils ont préparés au cours de leurs recherches re- latives à la synthèse des dérivés du phénol rencontrés dans la nature tels que l’eugénol, le saliol, etc. —MM.A. Richardson et Emily C. Fortey ont étudié l’action exercée par la lumière sur différents alcools et spé- cialement sur l'alcool amylique qui, après quelques jours d’exposition à la lumière, contient d'assez grandes quantités de peroxyde d'hydrogène. — Les mêmes au- teurs publient leurs travaux sur les effets produits par la lumière sur les éthers qui comme précédemment fournissent du peroxyde d'hydrogène. — M. Samuel C. Hooker: Constitution du lapachol et de sesdérivés. Etude de l’hydroxyisolapacholconstituantle «Lomatiol» de Rennie. — MM.Siegfried Ruhemann et G.L.Wolf: Recherches sur les acides 8 cétoniques résultant de l’action du chlorofumarate d’éthyle sur le benzoylacétate d’éthyle et quelques autres dérivés. -— Les mêmes au- teurs décrivent ensuite la formation des dérivés du pyrazolone en partant de l’acide chlorofumarique. — M. Henry E. Armstrong : Note sur l’acide kétopicri- que produit par l'oxydation du chlorhydrate solide (chlorocamphydrène) préparé en partant du pinène. — A. G. Perkin continue ses travaux sur la constitution des composés acides formant quelques matières colo- rantes naturelles. — M. W. J. Sell a réussi à intro- duire le groupe aldéhydique dans quelques dérivés hydroxylés de la pyridine et a isolé un sel disodique de la monaldéhyde de l’acide citrosinique. — En pro- longeant l’action de certains oxydesacides sur les sels d'acides à groupes hydroxylés, MM. G. G. Hendersonet John M. Barr ont obtenu certains sels doubles tels que l’antimoniomalate d'ammoniaque : 28b20(C1H405AzH4)48b20(C1H505)20H20, l’antimoniomucate d’ammoniaque, le molybdotartrate de soude MoO?(NaC#H#06} 3 H20, le tungstitartrate de soude. etc. — MM. W. H. Bentley et W.H. Perkin décrivent quelques dérivés méthylés, éthylés, propylés etc. des acides propionique, acrylique et glutarique. — M. W.J. Elliot a fait réagir le chloroforme et la potasse sur l'acide métamidobenzoïque; il a obtenu un corps tout à fait insoluble, réduisant la liqueur de Fehling etdonnantavecla phénylhydrazine un composé qui n’est pas une hydrazone, mais un dérivé azoïque. Ce corps à la formule suivante : AzH? AzH? des.cHom.cobens | | COOH COOH et 2 x + S] 1° ANNÉE N° 24 30 DÉCEMBRE 1896 REVUE GÉNÉRALE | DES SCIENCE PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 1. — Nécrologie. Translation du corps de Pasteur. — Sai- medi dernier, 26 décembre, la dépouille mortelle de Pasteur a été transférée de la cathédrale de Paris $ 2. — Mécanique. Les nouvelles locomotives électriques du système Heïlmann.,— Ces jours-ci va être mise en marche la nouvelle locomotive électrique du Fig. 1. — Vue de la nouvelle locomotive électrique Heilmann. dans la crypte de l'Institut Pasteur. Cette cérémonie à eu lieu en présence de la famille de l'illustre dé- funtet d’un grand nombre de notabilités scientifiques de la France et de l'Etranger. La presse politique en ayant déjà rendu compte, nous ne la mentionnons ici “que pour associer une fois de plus la Revue à l'hom- mage dù par l'humanité tout entière à notre illustre compatriote. ; F,Tisserand,— (Voir plus loin, page 1230). REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896, système Heilmann, construite pour la Compagnie des Chemins de l'Ouest par la Société de Traction élec- brique. Nos lecteurs se souviennent de la description que la Revue a donnée du premier type de cette locomotive 1. Cette machine, qui fonctionna sur les lignes de l'Ouest, 1 Voir, dans la Revue générale des Sciences du 15 août 1893, {tome IV, pages 489 à 500), l’article de M. Drouin sur la traction électrique des chemins de fer. 24 1226 CHRONIQUE ÆT CORRESPONDANCE Fa = —_——— d’abord entre le Havre et Beuzeville, puis entre Paris et Mantes, avait, comme on sait, très justement attiré l'attention des ingénieurs. Elle a servi ensuite à faire des essais. Ainsi que l'avait prévu l'inventeur, sa sta- bilité s’est montrée exceptionnelle, son allure est celle d'un wagon à bogies, ses démarrages s'effectuent d’une facon progressive, sans à-coup el sans patinage. Elle a franchi sans difficulté des courbes de 75 mètres, Elle a traversé avec une facilité remarquable tous les ap- pareils de la voie : aiguillages, croisements, etc. Son mode spécial de suspension sur bogie à 4 essieux, était pour beaucoup dans cette élasticité, Elle a pu démarrer et remorquer à faible vilesse trains de 400 à 450 {onnes. Elle a remorqué des trains de 200 (onnes sur une rampe de à millimè- tres, Les premiers essais, entre le Havre et Beu- zeville, ont mis en évi- dence la faible tance au roulement, de la machine. Cette hyne comporte, en effet, une rampe de 8 millimètres sur une longueur de 12 kilomètres. La ma- chine a descendu cette rampe sans vapeur, et atteint, dans ces con- ditions, une vilesse de 100 kiloraètres à l’heu- re, On sait que, dans les mêmes conditions, une locomotive à va- peur, à résulateur fer- mé, tie dépasse guère la vitesse de 65 kilo- mètres. Dans les essais qui ont eu lieu entre Paris et Mantes, la vitesse de 108 kilomètres à l’heu- re a été atteinte sans difficulté. La locomo- tive a remorqué un certain nombre de trains du service régu- lier, et a donné lieu à une série d'essais de consommation qui ont fourni le chiffre moyen de 5k,62 de charbon des résis- par kilomètre - train, Les consommations ont d’ailleurs été en diminuant d’une facon continue, et les derniers voyages ont été effectués avec 3k,800 par kilomètre-train. La locomotive a donné lieu à des expériences pour déterminer son action sur la voie. Des appareils de mesure ont été disposés pour mesurer la flexion verti- cale des rails, laquelle a été trouvée inférieure à celle que produit une locomotive à vapeur de même puis- sance, D’autres appareils ont été montés, sur le pont d'Argenteuil, pour mesurer la flexion des ouvrages d'art, Cette flexion a été trouvée exactement celle due au poids statique, alors que, avec les locomotives à vapeur, il se produit des efforts transversaux considé- rables, en même temps que des vibrations, qui, après le passage de la locomotive, se continuent pendant le passage du train. A la suite de ces essais, la Compagnie de l'Ouest a confié à la Société de Traction électrique l'exécution de Fig. 2, — Vue du bäâli de la machine montrant ia commande des essieux des roues par l'arbre des dynamos. deux nouvelles machines, qu’elle doit prendre en loca- tion pour les affecter au service des trains réguliers. Ces locomotives diffèrent un peu de la première, bien qu'elles soient du même type. La première, qui était, avant tout, une machine d'expérience, était d’une puis- sance ordinaire, sa machine à vapeur développait nor- malement 600:chevaux indiqués. Les nouvelles ma- chines, sous un poids analogue, pourront développer 1.350 chevaux indiqués. Ces locomotives, dont la construction s'achève en ce moment, ont la même forme générale que la première ; elles sont montées sur deux bogies à quatre essieux chacun. La chaudière occupe l’ar- rière, la machine à va- peur et les dynamos sont à l'avant, La ma- chine est abritée par une caisse en tôle, effi- lée à la partie anté- rieure. La figure 1 donne, du reste, une idée de cette forme générale. La chaudière est du type locomotive. Elle n'a rien de particulier que ses grandes dimen- sions. La surface de chauffe est de 185 mè- tres carrés, la surface de grille 3m4,34, Le tim- bre est de 14 kilos. La machine à vapeur est d'un type spécial, équilibré à six lignes de cylindres. Elle a été construite par MM. Wil- lans et Robinson, C’est une machine com- pound tournant à 40 tours. Elle actionne deux dynamos multi- polaires, une à chaque extrémité de l'arbre. Ces machines, cons- truites par MM. Brown, fournir chacune 4.000 La figure 2 montre: l’ensemble de la partie inférieure de la: ma- chine à vapeur, avec les deux levée , voir. l'arbre principal etl’arbre de distribution qu'il actionne par engrenages. Toute cette partie inférieur etourne dans un bain d'huile, Les deux génératrices sont excitées par une pelte dynamo auxiliaire, miseen mouvement par une machine à vapeur à deux cylindres du système Willans. | Chaque essieu est actionné par un moteur électrique. Ce moteur est porté parle bogie, et son induit est monté sur un tube que traverse l’essieu, avec un cer- tain jeu. Le mouvement de l’induit est transmis à l'une des roues par un système de 3 ressorts (essieu monté). L'essieu peut ainsi se déplacer verticalement, sous l’action de chocs, sans entrainer avec lui le moteur. Le poids total de la machine est d'environ 120 ton- nes et sa puissance aux jantes des roues, environ 1.000 chevaux effectifs. Elle pourra remorquer, à la vitesse de 100 kilomètres à l'heure et en palier, 250 tonnes de matériel ordinaire. E. H. Boveri et Cie, peuvent: ampères sous 450 volts. 0 induits de. dynamos, La partie su-® périeure se trouve en- ! laissant, ainsi! CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1227 $ 3. — Physique. Les nouveaux tubes pour la Fluoros- copie. — La Fluoroscopie, méthode pour observer de visu, à l’aide des rayons X, les organes internes d’un individu vivant, animal ou homme, a recu un notable perfectionnement depuis que M. le Professeur Gariel a décrit, dans cette Revue, ce merveilleux procédé d'exploration internet. Les physiciens et les construc- teurs se sont ingéniés à augmenter l'intensité et la régularité de la fluorescence, les premiers en propor- tionnant la puissance des bobines d'induction à celle des tubes, les seconds en créant de nouveaux types de tubes, susceptibles de fournir, sous l'action d’un flux cathodique considérable, une abondante production de rayons X très actifs. Dans ce dernier ordre d'idées, il convient de signaler les tubes que viennent d'inventer M. Chabaud, de Paris, et M. Hard, de Zürich. Avec ces tubes et une bobine susceptible de donner des étincelles de 15 centimètres, on arrive à des résultats merveilleux : les rayons tra- versent la poitrine d’un homme de réplétion moyenne, ce qui permet d’apercevoir lasilhouette des omoplates, et même la position de certains viscères, les batte- ments du cœur, etc... Fig. 1. Tube de Hard. — À, cathode; B, plaque de platine émettant les rayons X; C, lame de platine; D, ampoule renfermant du charbon en poudre. La figure 1 ci-jointe représente l’un de ces tubes. A est la cathode. En regard se trouve l’anode. Celle-ci porte une plaque de platine B, sur laquelle a lieu la chute des rayons cathodiques. Sous l'action de ces rayons, la plaque B émet, sur une grande surface, des rayons X très intenses. Lorsque la raréfaction du tube cesse d’être optimum, on la ramène à ce degré de la facon suivante : si la pression est trop basse, on chauffe l’'ampoule D, qui contient du charbon en poudre, et on libère ainsi une petite quantité de gaz; veut-on, au contraire, réduire la pression, on réunit, pendant quelque temps, par un conducteur extérieur, la cathode A et la lame métallique C; dans ces conditions la lame C absorbe du gaz. Grâce à ce système, on peut régler d’une facon parfaite la raréfaction du gaz au degré le plus convenable pour obtenir le maximum de production des rayons X, et faire durer pendant très longtemps le fonctionnement du tube. $ 4 — Chimie. Sur la Philosophie chimique. — Au sujet du compte rendu'que j'ai fait de sa thèse?, M. Henri Hélier m'adresse Ja lettre suivante: LETTRE DE M. H. HÉLIER Monsieur, je viens de lire votre spiritnelle critique de ma thèse de doctorat. 1 Voyez la Revue générale des Sciences du 30 octobre 1896. ? Revue générale des Sciences du 30 novembre 1896, Vous avez raison, Monsieur, la vraie loi de l’attrac- tion universelle est peut-être beaucoup plus compli- quée que ne l'indique la formule de Newton. Je lais- serai à M. Henri Poincaré le soin de vous répondre : « En formulant une loi générale, simple, précise, « basée sur des expériences relativement peu nom- « breuses et qui présentent certaines divergences, on « ne fait qu'obéir à une nécessité à laquelle l'esprit « humain ne peut se soustraire ». Vous croyez à la fécondité indéfinie de l'expérience. Sans doute, mais toujours l’expérimentation s'est laissé conduire par une idée préconcue, par une phi- losophie, Idée souvent presque absurde en apparence, philosophie parfois bizarre et déconcertante dans ses signes. « Si je vous racontais comment j'ai fait mes découvertes, disait Faraday, vous me prendriez pour un imbécile. » Tous les grands chimistes ont eu ainsi des idées de derrière la tête, qu'ils se sont bien gardés de faire connaître. IL est vrai qu'elles leur ont suffi pour achever presque la chimie expérimentale, mais je garde le droit de dire qu'au point de vue du méca- nisme des actions chimiques, ils ont travaillé comme au hasard. C'est de leurs travaux que nous avons tiré nos méthodes et nos théories actuelles ; elles en sont le plus précieux résultat, elles n’en furent pas l’ori- gine. J'ai toujours pensé, mousieur, que la science était une. Il peut être permis à des hommes de génie de mépriser les ressources que telle de ses parties offre à telle autre. À défaut de génie, laissons-nous guider par « des vues théoriques solidement établies sur le terrain mathématique », si insuffisantes soient-elles, quitte à les jeter par-dessus bord le jour où elles se seront trop gravement compromises aux heurts de l’ex- périence, Vous pensez que des savants trop prudents trouveront ce secours fragile et hésiteront avec lui à s'engager dans des recherches nouvelles : tant pis pour eux. Nous leur offrons nos béquilles : s'ils n’en veulent pas, qu'ils restent en place. Veuillez agréer, etc. Henri Hélier. RÉPONSE DE M, L, OLIVIER 1° L'observation de M. Poincaré est parfaitement juste ; il accepte la loi de Newton en Astronomie, mais il ne dit pas aux chimistes : « Prenez-la telle qu’elle est, et votre science ira comme sur des roulettes, » En quoi donc sa remarque appuie-t-elle l’opinion de M. Hélier? 2° J'ai parlé de la « fécondité indéfinie de l’expé- rience » . Je n'ai pas dit: « de l’expérience aveugle, réduite à des manipulations quelconques, sans idée di- rectrice ». Sur l'utilité de l'hypothèse, même baroque, je suis d'accord avec M. Hélier et, je l’espère, avectout le monde. Mais je me garde d’en conclure qu’il n'y a plus que des théories à édifier et que la Chimie expé- rimentale est « presque achevée !, » 3° M. Hélier prétend qu’ «au point de vue du méca- uisme des actions chimiques », nos grands savants « ont travaillé comme au hasard ». Je persiste à n’être point de son avis. Il me semble que Deville, sinon en décou- vrant, du moins en étudiant la dissociation, Debray en poursuivant l’analyse expérimentale de ce phénomène, ont travaillé sans bandeau sur les yeux. Quand Dumas, dans son Mémoire sur le Carbone, comparait les com- 1 À diverses époques certains savants ont cru que le nombre des faits établis par l'expérience était tel qu'il n'y avait plus d'intérêt à l'accroître. Oken, au siècle dernier, professsait cette opinion : il suflisait, selon lui, de mettre en œuvre les faits connus, pour en exprimer toute l’organisa- tion de la Nature. Il a ainsi enfanté le système le plus co- mique qui se puisse imaginer. On aurait tort de m'objecter, à ce propos, la théorie ver- tébrale du crâne, théorie qui, telle que l'histoire des sciences la formule, appartient à Gœthe. Oken bénéficie d’une erreur, quand on lui attribue le mérite de cette conception. Ce qui sauve son nom de l'oubli, c’est qu'on ne le lit plus ! binaisons à dessystèmes planétaires, etprésumaitqu'un jour viendrait où le calcul s’appliquerait aux réactions de la Chimie avec la même certitude qu’au cours des astres, ne se préoccupail-il pas du « mécanisme des actions chimiques », et peut-on dire qu'il s’avançait dans la nuit sans guide et sans flambeau? Lavoisier et Laplace fondant la calorimétrie chimique, Berthelot, Thomsen, Longuinine, appliquant cette méthode à mesurer le travail des réactions, ont-ils vraiment expé- rimenté au hasard? La découverte, par Berthelot et Péan de Saint-Gilles, des vitesses d’éthérification, la publica- tion, par M. Berthelot, d’une série de travaux qui ont abouti à sa Mécanique chimique, les recherches de M. Van t’Hoffsurla pression osmotiqne, de M. Gibbs, deM.H. Le Chàtelier sur les équilibres chimiques, et beaucoup d'autres études du même genre, ne témoignent-elles pas du souci, qu'ont un très grand nombre de savants, d'éclairer le « mécanisme » des combinaisons? Il sem- ble difficile d'attribuer leurs efforts dans ce sens à une sorte d’inconscience heureusement servie par le Destin. M. Hélier ne pardonne pas à ces efforts de se mon- trer féconds. Suivant lui, les maîtres dela Chimie ont erré en aboutissant par l’expérimentation à la mise au jour de lois naturelles : «.. Ils ont travaillé comme au hasard, C’est de leurs travaux que nous avons tiré nos méthodes et nos théories actuelles; elles en sont le plus précieux résultat, elles n’en furent pas l’origine. » Sije comprends bien, c’est reprocher aux chimistes de n'avoir point énoncé les résultats de leurs travaux avant de s'être mis au travail. Puissent les béquilles automobiles que leur offre M. Hélier, les aider à modifier leur marche à coup sûr fort lente. .…. Ces critiques, ai-je besoin de le dire, ne m’em- pêchent pas de reconnaitre l'intérêt très réel de la savante dissertation de M. Hélier. Louis Olivier. $S 5. — Sciences médicales. Mouveau procédé d’intervention chi- rurgicale sur l’intestin, — jes interventions chirurgicales sur l'intestin sont d’origine toute récente, et comptent parmi les plus belles conquêtes de la Chirurgie moderne. Les opérations se multiplient chaque jour. C'est la pylorectomie, pratiquée le plus souvent pour cancer de l'estomac, suivant les règles émises par Billroth, c’est-à-dire en trois temps. Dans le premier, isolement de la tumeur bien détachée de ses connexions épiploiïques ; dans le second, section de l'estomac et du duodénum; enfin, dans un troisième, réunion de l'estomac au duodénum. C’est la gastro- entérostomie, imaginée par Weælfer en 1881 et prati- quée dans un cas de cancer du pylore trop étendu pour permettre une opération radicale. Ge sont ces deux opérations combinées l’une à l’autre, ou bien encore la pyloroplastie, exécutée, en 1886, par Heinecke et Mickuliez, pour remédier à des cas de cicatrice pylo- rique peu étendue. Sur l'intestin, ce sont les sutures diverses, les antéro- anastomoses et les résections plus ou moins considé- rables, les sutures pouvant se faire de facons très dif- férentes : sutures à différents étages, c’est-à-dire com- prenant les différentes tuniques séparément, telle l’entéroraphie longitudinale; la suture circulaire par abrasion; la suture circulaire avec fente, procédé ima- giné et décrit par M. le Dr Chaput, Mais le premier grand perfectionnement apporté aux opérations, le fut par Murphy, de Chicago, qui, en 1892, imagina le bouton anastomotique qui porte son nom, Ce bouton se compose essentiellement de deux pièces, deux cylindres, avec chacun une sorte de cha- peau. De ces deux pièces, l’une est mâle, l’autre fe- melle, Le cylindre femelle, le plus simple et aussi le ! Murpny, Communication sur le bouton de Murphy. New-York Med. Record, déc. 1892, t. II, p. 665, et 1894, t. I. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE mn plus large, présente à sa face interne un pas de vis. De ses deux extrémités l’une est libre, l’autre est sur- montée d'une gouttière circulaire dont la face convexe regarde l'extérieur. Le cylindre mâle est identique au précédent, mais présente en plus deux tiges à crochets, insérées sur la face interne du cylindre et sortant par deux orilices creusés dans l'épaisseur de la gouttière circulaire qui coiffe le cylindre. Comment se servir de ce bouton? La méthode est simple. Supposons que l’on veuille aboucher deux anses intestinales, Sur chacune d’elles on fait une lé- gère incision par laquelle on introduit l’un des cy- lindres, mâle ou femelle, peu importe ; puis le cylindre est maintenu en place par des fils circulaires, chose aisée, grâce à la gouttière circulaire ci-dessus décrite, les crochets de la pièce mâle étant venus se buter contre le pas de vis de la pièce femelle. On a reproché à ce bouton, toutefois, d’être trop volu- mineux, et le Dr Chaput, dans des expériences faites avec MM. Angelesco et Lenoble, a montré qu'il pas- sait difficilement dans l'intestin grêle et qu'il pouvait ainsi provoquer une obstruction intestinale. Le Dr Chaput, modifiant et perfectionnant l'appa- reil, imagina un autre dispositif auquel il donna le nom de gouttière anastomosique, pour l'exécution des opérations sur l'estomac, l'intestin et la vésicule bi- liaire, mais que l’on nomme plus communément bou- ton de Chaput. Cet appareil est composé d’une gout- tière en étain, qui, vue de face, a Ja forme d’un anneau elliptique percé au centre d'un orifice. Que l’on re- garde cet anneau de profil, on constate que ses bords ont la forme d’une gouttière qui fait tout le tour de l'instrument, mais présente six incisions, décompo- sant ainsi l'anneau en six portions minces et flexibles. Qu'il s'agisse d’une entéro-anastomose ou d’une gas- tro-entéro-anastomose, après incision sur chaque organe, on introduit les bords de l’orifice dans la con- cavité de la gouttière et l’on passe un fil qui le main- tient solidement ; puis, à travers les parois de chaque viscère, on comprime avec les doigts les lames flexibles, de facon à les serrer fortement entre les parois et obtenir ainsi une fixité absolue. Le procédé est simple, ingénieux et facile; mais, comme les précédents, il présente le grave inconvé- nient d’obliger le chirurgien à avoir un orifice préala- blement fait dans chacun des organes à anastomoser. Or le D' Souligoux, prosecteur à la Faculté de Méde- cine de Paris, vient de décrire un nouveau procédé, fort simple, et, semble-t-il, appelé à modifier complè- tement la technique de la chirurgie intestinale. Il a eu pour but d’aboucher soit l'estomac à l’intes- tin, soit une anse intestinale à une autre anse intesti= nale, soit la vésicule biliaire à l’intestin, et cela sans ouvrir préalablement ces cavités, faisant, ainsi qu'il l’a désigné lui-même, soit une gastro-entéro-anastomose, soit une entéro-anastomose, soit une cholécysten- téro-anastomose sans ouverture préalable de la cavité des organes à anastomoser. La méthode est simple. Elle consiste à déterminer, sur chacun des organes à réunir, une plaque de spha- cèle et à adosser face à face les deux plaques par un surjet. Qu’arrive-til? Des adhérences péritonéales se forment rapidement, si bien que, lorsque les portions sphacélées tombent, ce qui arrive après un laps de temps de quarante-huit heures, ces adhérences sont largement suffisantes pour maintenir accolés les deux organes etassurerainsi une connexion rapidement par- faite. Pour l’instrumentation, il suffit d'une pince très puissante, à mors très solide, spécialement construite à cet effet, d’une fine aiguille à suture, de fil de soie et de potasse caustique solide. var Quant au manuel opératoire, simple, lui aussi, il dif- fère suivant que l’on à affaire à une gascro-entéro- anastomose, d’une part, à une cholecystentéro-anas- tomose, de l’autre. Dans le premier cas, que l’on veuille aboucher l’es- tomac à une anse intestinale ou que l'on veuille abou- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE cher deux anses entre elles, le manuel opératoire est le même. On recherche et on attire au dehors les or- ganes destinés à être anastomosés, l'estomac et l’intes- tin, par exemple. Le bord libre de l'intestin est forte- ment serré pendant un court instant entre les deux mors de la pince, et l’on peut, pour cela, déployer une force considérable sans craindre la moindre rupture. IL est fait de même sur l’estomac. Les deux organes sont accolés et les deux bords internes reliés l’un à l’autre par un surjet. Les deux zones si fortement com- primées, et rapidement devenues d’une coloration noi- râtre, sont là sous les yeux. On les cautérise toutes deux largement, dans toute leur étendue, avec un morceau de potasse caustique solide; puis, mettant en présence ces deux zones mortifiées, on réunit les deux bords restés libres, ayant fait tout autour de la double eschare un surjet qui l’isole et accole complè- tement les deux organes, Les jours suivants l’eschare s'élimine d'elle-même, et une communication sans ou- verture préalable s'effectue spontanément entre les deux organes. Dans les cas d'abouchement de l'intestin à lui-même, le manuel opératoire est identiquement semblable. Dans les cas d'abouchement de la vésicule biliaire à l'intestin, il doit être légèrement modifié. On attire au dehors l’anse intestinale et on trace au bistouri une incisionelliptique de trois centimètres de long sur deux de large, mais n'inféressant que deux des trois tu- niques de l'estomac : la tunique séreuse et la tunique musculaire, La tunique muqueuse est laissée intacte, mais mortifiée et cautérisée ensuite sur une étendue d'un demi-centimètre. La vésicule biliaire attirée, elle aussi, au dehors, est approchée de l’anse à anastomo- ser, Un fil mince, armé d’une aiguille, est passé sur chacune des deux faces; puis, la face postérieure réunie au bord postérieur de l'intestin par un surjet qui les maintient solidement en présence, Ceci fait, le fond de la petite poire que représente la vésicule bi- liaire est broyé et badigeonné à la potasse caustique ; puis, des deux bouts pendants du fil passé dans les pa- rois de la vésicule, l’antérieur est introduit à travers l'intestin, en avant de la zone mortifiée, le postérieur en arrière de cette même zone. On a ainsi deux fils qui permettent d'attirer à soi la vésicule biliaire et de la faire s’invaginer dans l’anse intestinale; la partie invaginée correspondant au fond de la vésicule biliaire, c'est-à-dire à la portion nécrosée. Que l’on termine le suriet en avant, que l’on coupe au ras de l'intestin les deux fils qui ont amené, guidé et invaginé la vésicule biliaire, et l'opération se trouve terminée. La méthode, on le voit, est simple, bien plus facile - à pratiquer qu'à décrire, comme le dit M. le D' Souli- goux lui-même, et, déjà expérimentée, elle a donné à son auteur et à divers chirurgiens, d'excellents ré- sultats. Elle a surtout le grand avantage d'éviter l'introduction, dans la cavité péritonéale, de germes infectieux venus des organes anastomosés, et cela né- cessairement, puisque aucun de ces organes n’est préa- lablement ouvert. M. Fontoynont, Interne des hôpitaux, $ 6. — Géographie et Colonisation. Les relations commerciales de l'Égypte avec le Soudan oriental, — M, Henri Dehérain nous adresse la lettre suivante : « Mon cher Directeur, «Au début de laremarquable étude qu'il arécemment publiée dans la Revue !, M. le L'-colonel Rébillet expose que le commerce entre le Soudan occidental et le Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) est en pleine décadence. Tandis qu'au milieu de ce siècle il était + encore assez brillant, il aprésentement perdu toutéclat. «Voulez-vousmepermettre d'ajouter qu'un phénomène 1 Les Relations commerciales de la Tunisie avec le Sou- dan, Revue des Sciences, 15 décembre 1896. 1929) économique tout à fait analogue s’est produit dans la vallée du Nil, et que maintenant les relations com- merciales entre l'Egypte et le Soudan oriental sont aussi presque complètement interrompues. «Au xvure siècle, le commerce entre l'Egypte d'une part et le Darfour, le Kordofan et le Sennar de l'autre, était animé. L'arrivée des caravanes provoquait l’ad- miration de Benoît de Maillet, consul de France au Caire, de 1692 à 1708, l’un des plus éclairés parmi nos vieux agents diplomatiques en Orient. « On ne saurait croire, écrivait-il, combien la caravane renferme de richesse. » Il insiste sur les sommes prodigieuses que cette caravane doit remporter tous les ans, à son re- tour dans son pays, en espèces ou en marchandises. «Les renseignements recueillis par cette compagnie d'hommes d'élite, de chercheurs aussi infatigables qu’avisés, qui accompagnèrent Bonaparte pendant sa campagne de 1798-99, prouvent qu'à la fin du siècle ce commerce était toujours aussi prospère, «Alors les caravanes du Darfour et du Kordofan ar- rivaient à Girgeh et à Siout (haute Egypte) sur la rive gauche du Nil, celles du Sennar à Assouan, sur la rive droite, Il existait aussi un courant commercial entre le Sennar et le port de Souakim sur la mer Rouge. « Les principales denrées apportées par les caravanes étaient des dents d'éléphant, des cornes de rhinocéros dont on fabrique des manches de poignard, du bois d’ébène, des plumes d’autruche, de la gomme, et enfin des pains ronds et noirâtres de ta- marin dont on compose en Orient des boissons rafrai- chissantes. C’étaient la vente et l'achat des nègres qui provoquaient le trafic le plus important. Ce commerce se maintint pendant la durée de la domination égyp- tienne au Soudan. Il baissa un peu à la suite de certaines mesures administratives maladroites, puis il se releva, quand les explorateurs eurent découvert les pays à ivoire du haut Nil et du Bahr el Ghasal, eteurent, en même temps, ouvert aux trafiquants un champ nou- veau d'exploitation. a Mais, il y a une vingtaine d'années, ce commerce com- mença à décroître, puis il cessa presque entièrement, Un voyage que nous fimes en haute Egypte, en jan- vier 1896, et surtout des conversations que nous eùmes à Siout avec quelques négociants, nous ont convaincu de la profonde modification de l’ancien état de choses. « Il est remarquable que certaines des causes aux- quelles le Colonel Rébillet attribue la décadence du commerce entre le Soudan occidental et le Maghreb aient aussi provoqué le déclin, puis l’anéantissement de celui de la vallée du Nil. C’est ainsi, par exemple, que l'interdiction du trafic des esclaves a, en Egypte, comme en Algérie, grandement contribué à ce phéno- mène économique. Le khédive Ismaïl Pacha se ren- dant, sans enthousiasme d’ailleurs, aux sollicitations répétées du gouvernement anglais, défendit d’intro- duire des nègres en Egypte. De son côté, Gordon, pre- nant très au sérieux son rôle de gouverneur général du Soudan égyptien, traqua de toutes parts les marchands d'esclaves, Sous l'influence de ces mesures humani- taires, le commerce de la vallée du Nil diminua. « Mais c’est surtout aux événements politiques, qu'est due sa disparition. On sait que, depuis 1883, le Soudan oriental a échappé à la domination égyptienne. Or, depuis l'établissement du gouvernement du Mahdi, la population a considérablement diminué par suite de guerres, de famines et d’épidémies, Joignez que le régime de bon plaisir et d’arbitraire institué par le khalife Adullah, successeur du Mahdi, écarte les négo- ciants égyptiens, qui n’osent plus risquer leurs capi- taux dans des entreprises commerciales. Et voilà pour- quoi seuls quelques audacieux traversent encore fur- tivement des solitudes qui s'étendent entre le Soudan et l'Egypte, alors que naguère on voyait chaque année des chameaux lourdement chargés descendre par centaines la montagne qui s'élève derrière les pal- meraies de la ville de Siout. « Henri Dehérain. » 1230 H. POINCARÉ — LA VIE ET LES TRAVAUX DE F. TISSERAND LA VIE ET LES TRAVAUX DE F. TISSERAND LECON D'OUVERTURE DU COURS DE MÉCANIQUE CÉLESTE A LA SORBONNE ‘ Ce n’est pas sans émotion que je m'assieds dans cette chaire où vousavez vu silongtempsun maitre éminent, qui fut mon ami. Vous savez tous ce qu'il a été pour ses élèves. Il leur a toujours témoigné, comme à tous ceux qui l’entouraient,une bienveillante et délicate sol- licitude. Il les recevait avec cette tranquille sim- plicité que le succès, les honneurs, la gloire même n'avaient jamais pu altérer. Aussi était-il un guide qui ne s'imposait à personne, mais que tous acceptaient,. Ses collègues aussi appréciaient la douce cons- lance de son humeur; ils aimaient son influence conciliante et ses conseils, toujours diclés par un jugement droit et ferme. La perte qu’ils ont faite ne sera jamais réparée. Mais je ne veux pas melaisser aller à vous parler trop longuement de l’homme. C'est de son œuvre que je dois vous entretenir. I Tisserand entra à l'Ecole Normale en 1863 à l’âge de 18 ans: il se consacra de bonne heure à l’Astronomie, etentra à l'Observatoire en 1866 au sortir de l'Ecole. Il ne devait pas tarder à se faire connaître à la fois comme théoricien et comme observateur. La même année, en effet, en 1868, il écrivait une thèse très remarquée, dont nous parlerons plus loin, etil se faisait envoyer dans la presqu'ile de Malacca pour observer une éclipse de Soleil. En 1873, il était nommé directeur de l'Observa- toire de Toulouse et professeur d’Astronomie à la Faculté de cette ville. En 1878, enfin, ses travaux recevaient une triple récompense : il était élu membre de l'Académie des Sciences, membre du Bureau des Longitudes, et il entrait à la Faculté des Sciences de Paris en qualité de professeur suppléant. Bien qu’il n’eût que 33 ans, sa rapide élévation n’étonnait que lui. Il nous appartenait donc depuis près de 20 ans. Il enseigna d'abord la Mécanique rationnelle i Notre illustre collaborateur M. Henri Poincaré, profes- seur de Physique mathématique à la Faculté des Sciences de Paris, vient, après la mort de F, Tisserand, de permuter de chaire. C'est en prenant possession de l’enseignement de la Mécanique Céleste, dont s'était acquitté avec tant d’éclat le regretté directeur de l'Observatoire de Paris, que M. H. Poincaré a prononcé, le 23 novembre dernier, la remarquable lecon d'ouverture qu’on va lire. Nous le remer- cions d'en avoir réservé la publication à la Revue générale des Sciences. NoïE DE LA DIRECTION.) comme suppléant de Liouville; parmi ceux qui sont encore sur ces bancs, il n'est probablement personne qui ait entendu les leçons qu'il professa dans celte chaire; mais je puis vous dire d'unmot ce qu'il y a été : il y a déployé les mêmes qualités que vous appréciez chez le maître quis’y est assis après lui !. D'ailleurs, il passa bientôt à la chaire de Méca- nique Céleste, où l’appelaient sa compétence et ses études de prédilection. Pendant de longues années, trop courtes, hélas! pour l’Astronomie française, il vous y a prodigué les trésors de sa science, et, « éclairant votre chemin d'une lumière calme et ! constante, il vous a facilité l'accès des plus hautes vérités. Il aimait cel enseignement qu'il n'avait pas voulu quitter quand il avait été appelé à d’autres fonctions. Il allait le reprendre avec joie lorsque la mort l’a supris, et on a retrouvé dans ses papiers plusieurs leçons toutes préparées. En 18992, il fut nommé Directeur de l’Observa- toire de Paris. Les qualités de son esprit et sur- tout celles de son caractère lui ont permis de rendre à cet établissement de précieux services. Ce n'est pas ici le lieu d’en parler; je ne puis cependant passer sous silence l'impulsion qu'il a donnée au travail de la Carte photographique du Ciel, ni ses éludes, si curieuses et si pénétrantes, sur la marche de la pendule de l'Observatoire. Il revenait ainsi à l’Astronomie d'observation, dont les circonstances l'avaient détourné depuis quelques années, mais qu'il avait déjautilement servie au Japon et à la Martinique, lors des deux passages de Vénus. Mais c’est l’Astronomie théorique qu'il a surtout cultivée, et je suis forcé de m'étendre longuement sur cette partie de son œuvre. Il Méthode de Delaunay. — Le premier travail dem Tisserand aété unethèse sur la méthode de Delau- nay, alors tout à fait nouvelle. Le premier, Delau- | nay avait rompu avec les traditions anciennes dem la Mécanique Céleste et abandonné des procédés qui devenaient impuissants en face des problèmes" plus délicats qui restaient à résoudre. * Peut-être, toutefois, n'avait-il pas aperçu toute lan » portée desa découverte; en larattachant aux prin- 1 M. Paul Appell, membre de l'Académie des Sciences. & (NorTe DE LA DIRECTION). ec H. POINCARE — LA VIE ET LES TRAVAUX DE F, TISSERAND 1231 cipes de Jacobi, Tisserand l'éclairait d'un jour nouveau, et il allait en tirer un parti inattendu. L'inventeur n'avait appliqué sa méthode nou- velle qu’à la théorie de la Lune; la thèse de Tisse- rand a pour but de l’étendré à la grande inégalité de Jupiter et de Saturne; c'était montrer en même temps, ajouterai-je, qu'elle peut servir au calcul de toutes les grandes inégalités à longue période qui avaient jusque-là arrêté les astronomes, Une des plus remarquables est celle qui se pro- duit quand le rapport des moyens mouvements est très voisin de , j élant entier. C’est ce qui ps Each der) arrive, par exemple, dans le cas de certaines petites planètes dont le moyen mouvement est à peu près le double de celui de Jupiter; ou bien encore dans le cas de deux des satellites de Saturne, Hypérion et Titan, dont les vitesses angulaires moyennes sont à peu près entre elles comme les nombres 3 et 4. Ces cas, autrefois inabordables, ont pu être faci- lement traités par Tisserand, grâce aux moyens nouveaux qu'il avait créés. La solution, remar- quable par son élégance, se rattache à la théorie des solutions périodiques. Il a déterminé de cette façon la masse de Titan et l'orbite de quelques petites planètes; il indiquait ainsi à ses élèves une voie où beaucoup d’entre eux devaient trouver des occasions d’utiles travaux. Ces cas de commensurabilité approchée présen- tent un très grand intérêt théorique. Ce sont ceux, en effet, où l’invariabilité des grands axes peut sembler douteuse. Tout au moins n’était-elle pas démontrée jusqu'ici. Par un heureux emploi de la méthode de Delau- nay, Tisserand a triomphé des dernières difficultés: les grands axes peuvent subir, dans certains cas, des variations dont l'amplitude est assez grande; mais ces variations sont périodiques et elles ne compromettent pas la stabilité du système. C'est dans ce travail qu’on voit apparaitre, pour la première fois, des développements procédant, non pas suivant les puissances entières des masses, mais suivant celles des racines carrées des masses. Si le rapport des moyens mouvements oscula- teurs est encore plus voisin d’un nombre commen- surable, on voit se produire un phénomène bien digne d'intérêt. Ce rapport subit des oscillations périodiques, et de telle façon que ce que l'on peut appeler les moyens mouvements moyens soient exactement commensurables entre eux. On dit alors qu'il y a Zibration; Tisserand discute en détail toutes les circonstances qui peuvent se présenter. Le mémoire sur la libration des Petites Planètes est un des derniers qu'il ait écrits. Ainsi, les mêmes recherches qui avaient occupé ses débuts, l'ont intéressé jusqu’à ses derniers moments, Elles sont condensées dans une série de courtes Notes qui ont paru dans les Comptes Rendus ou dans le Zullelin Astronomique. Dans l’étroit espace que ces recueils lui réservaient, Tisserand a su tout dire et tout dire clairement. On dirait qu'il y a exprimé tout le suc de ces nou- velles méthodes dont l'exposition complète remplit de gros volumes. Dédaigneux d’un appareil mathé- matique inutile, il va droit au point essentiel et néglige ce qui n’est qu'accessoire, Ge qui est essentiel, c’est la possibilité d’expri- mer les coordonnées des astres par des séries dont tous les termes sont des fonctions périodiques de plusieurs arguments, Mais si Tisserand appréciait ce progrès, auquel il avait si puissamment contribué, il n’en avait pas, pour ainsi dire, la superstition: il l’a bien montré. Il arrive souvent qu'avec les récents procédés un terme unique est remplacé par un très grand nombre de termes nouveaux, dont les périodes sont extrèmement peu différentes. Il arrive plus souvent encore qu'une période est très mal connue. Le progrès est alors apparent et illusoire. Tisserand a souvent insislé sur ce point, nous donnant ainsi, une fois de plus, une leçon utile. Qu'on relise sa Note à propos des recherches de M. Souillart'sur les satellites de Jupiter. III Critérium de T'isserand. — Souvent l'orbite d’une comète est profondément modifiée par l’action des grosses planètes ; en retrouvant cette comète après quelques années, on croit avoir affaire à un astre nouveau. Quand on soupconne l'identité de deux comètes, on est contraint, pour s’en assurer, à de pénibles calculs ; le résultat est ordinairement négatif. On peut donc s’épargner bien du travail si l’on a un moyen d'éliminer « priori de fausses identités. Ce moyen, Tisserand nous l’a donné : Si l’on néglige l’excentricité de Jupiter, ce que nous pou- vons faire, la fonction connue sous le nom d'inté- grale de Jucobi doit demeurer constante. C'est un véritable invariant, que les perturbations ne peu- vent altérer et qui permet de suivre une comète à travers les changements qu'éprouve son orbite. À cette question se rattache celle de la capture des comètes périodiques ; Tisserand l’a traitée dans le Bulletin Astronomique. Perturbations de Pallus. — La recherche des Per- turbations exige d'abord le développement de la fonction perturbatrice. Ce développement est très laborieux, surtout quand on a besoin des termes 1232 H. POINCARÉ — LA VIE ET LES TRAVAUX DE F. TISSERAND ———————————————@——— d'ordre élevé et quand les inclinaisons sont grandes. Toutes ces circonstances sont réunies dans le cas de Pallas ; on sait les calculs gigantesques que Le Verrier a dû entreprendre pour étudier la grande inégalité de cette planète. Ces calculs seront aujourd’hui bien simplifiés. Tisserand a, en effet, rattaché la détermination des termes qui dépendent de l'inclinaison à la théorie des séries hypergéométriques de. Gauss. La méthode nou- velle est applicable à une foule de cas, non senle- ment à Pallas, mais à beaucoup de petites planètes et même aux comètes de courte période. Éjuation de Gyldén. — Gyldén a été conduit, dans ses recherches, à une équation linéaire très simple dans sa forme : ‘ = — (x + $ cos yé)æ. Les chemins les plus divers et les plus détournés l'y ramènent toujours et, à son exemple, bien des géomètres s'y sont attaqués; l'étude approfondie que Tisserand en a faite a done beaucoup con- tribué à faciliter la solution de nombreux pro- blèmes. Travaux divers. — Je ne puis songer à énumérer ici les sujets si variés que Tisserand a traités, rela- tifs soit à la détermination des orbites, soit à l'anneau de Saturne, soit à certains points de la théorie de la Lune, soit à l’origine des Comètes. Son attention a été également attirée par les questions qui se rattachent à la figure des corps célestes, à la rotation de la Terre et à sa constitu- tion interne, aux hypothèses de la nutation diurne et de la variabilité des latitudes, à la libration de Ja Lune. IV Aplatissement de Neptune et d'Algol. — La planète Neptune est trop éloignée pour que le télescope puisse déceler son aplatissement; mais le mouve- ment de son satellite peut nous permettre de le mettre en évidence et même d’en déterminer les limites. C'est le résultat qu’a obtenu Tisserand; mais il a fait plus encore : Algol n'apparaît dans les lunettes que comme un point lumineux; son satel- lite n’est même pas visible et son mouvement ne nous est dévoilé que par ses variations d'éclat et les déplacements de ses raies spectrales, Ces don- nées ont suffi à Tisserand pour calculer l’aplatis- sement de celte éloile. Loi de Weber. — On s’est souvent demandé si les progrès de la science ne nous amèneront pas un jour à substituer à la loi de Newton une autre loi peu différente, mais plus approchée.Tisserand est revenu sur cette question à plusieurs reprises et il a, en particulier, fait porter son enquête sur les« points suivants : - 1° Les astres se meuvent-ils dans un milie résistant ? 2° La propagation ‘de l'attraction est-elle ins- lanlanée? 3° Comment les planètes se comporteraient-. elles, si elles obéissaient à la loi électrodynamique de Weber? 4° La loi de Newton est-elle encore vraie hors du système solaire, ou les mouvements des étoiles doubles peuvent-ils comporter une autre explica- tion ? Cette enquête, d'ailleurs, a toujours abouti au même résultat : nous n'avons jusqu'ici aucune raison d'abandonner la loi de Newton. Traité de mécanique céleste. — Quand, au commen- cement de ce siècle, Laplace écrivait son trailé de Mécanique Céleste, il réunissait dans un tableau d'ensemble les travaux de ses devanciers et les siens. En lisant son livre, on avait sous les yeux M un résumé fidèle et complet de l’état de l'Astro- nomie mathématique. Les progrès de la science ont été d'abord assez lents et le monument élevé par Laplace n’a long- temps reçu que de légères additions qui n'en rom- paient pas l'ordonnance. Il y a quinze ans, il n’en était déjà plus de même, et la Mécanique Céleste attendait, pour ainsi dire, un nouveau Laplace qui sût, non certes faire M oublier le premier, ni dispenser de le lire, mais le compléter et continuer son œuvre. Tisserand m'en voudrait certainement si je di- sais qu’il a égalé son modèle; mais sa modestie aurait peut-être tort. Si Laplace a des qualités propres qui ne seront jamais surpassées, par exemple je ne sais quelle ampleur de pensée et de style, Tisserand ne le rappelle-t-il pas par la con- cision et l’élégance? ne l’emporte-t-il pas même sur lui par la clarté de son exposition, que le lec- teur suit sans fatigue ? Les quatre volumes de la Mécanique Céleste de Tisserand ont paru de 1889 à 1896. Dans le tome premier, nous retrouvons le calcul des perturbations planétaires par les procédés anciens; c’est l'Analyse de Laplace avec tous les perfectionnements qu'y ont introduits Lagrange, Poisson, Cauchy, Le Verrier et qui en ont accru la puissance sans en altérer les caractères essen- tiels. ù Le tome II a pour objet la figure des corps célestes et la rotation des planètes. Le tome III est entièrement consacré à la Lune. C'est peut-être celui qu'on lira avec le plus de fruit et d'intérêt. C’est dans cet historique si com- plet qu'on verra comment les nouvelles méthodes D P. MAUBRAC er G. MAURANGE — L'OPOTHÉRAPIE sont devenues nécessaires et se sont dévelop- pées. Dans le tome IV,le mouvement des satellites est étudié en détail et toutes les questions relatives aux méthodes de Hansen-et de Gyldén sont pas- sées en revue. Telle est cette œuvre colossale. En lisant cet .exposé de l’éfat actuel de la science, on voit la place considérable qu'y tiennent les travaux per- sonnels de Tisserand. Cet ouvrage, Messieurs, vous en avez eu la pri- meur: les lecons que vous avez entendues ici vous en ont fait connaître, avant l’impression, les par- ties les plus intéressantes. V Mais ce n’est pas seulement par ses travaux et par sescours que Tisserand se rendait utile à la Science et à l'Enseignement. Il les servait encore indirectement de mille manières, C'est lui qui a fondé le Bulletin Astronomique. Grâce à son habile direction, ce recueil avait acquis une grande autorité dans le monde scientifique, et les jeunes savants qu'il savait accueillir et attirer, étaient fiers d'y voir imprimer leur nom. Cetle œuvre, aussi, lui survivra et conservera le caractère élevé qu’il avait su lui donner. Les exercices d'Analyse, qu'ila publiésil y a plus de vingt ans et qui viennent d’être réédités, ont été lus ctrelus par bien des générations d’élu- diants. Dans aucun ouvrage de ce genre, on n’a aussi bien compris les besoins des débutants; jamais on n’amieux su assouplir leuresprit par une gymnastique judicieusement progressive. Dans les dernières années de sa vie, Tisserand a encore collaboré à un livre pédagogique, mo- deste, mais utile comme celui dont nous venons de parler; dans ce traité de Cosmographie à l'usage des classes de Mathématiques élementaires, il a mis, au service des élèves de nos lycées, l'agrément 1233 de son style et la limpidité de son exposition. On y remarquera le chapitre consacré à l'his- loire del’Astronomie, etonyretrouveraavec plaisir les Notices qu'il avait publiées dans l'Annuaire du Bureau des Lonyitudes. Ce n’était pas chose facile que de présenter sous une forme accessible au grand public, et en les dépouillant de tout appareil mathématique, les théories des plus abstraites de la Mécanique Céleste. C’est pourtant ce que font ces Nolices où sont traitées d'une main légère les questions les plus délicates et les plus actuelles : la découverte de Neptune, la détermination des masses, l’accélé- ration séculaire de la Lune, les Planètes intra-mer- curielles. J’ajouterai encore an mot : C'estaussi par son influence sur ses élèves que Tisserand a rendu d'incalculables services. Beau- coup d’entre vous qui ont soutenu leur thèse, ou qui la préparent, savent ce qu'ils doivent à ses conseils ; ils se rappellent qu'ils ont été encouragés par son accueil bienveillant, soutenus par son constant appui. Ce serait trop peu faire pour la Science que de s’absorber dans ses travaux personnels, sans regarder autour de soi. Ilfaut préparer des recrues pour l’armée du travail en vue des combats de l'avenir. Sans cette prévoyance, qui de nous pour- rait se flatter d'achever son œuvre? La mort ne va-t-elle pas bientôt l’interrompre, et si nous l’ou- bliions, le coup si inattendu qui vient de nous frapper tous en enlevant Tisserand, ne serait-il pas un cruel avertissement? Lui, du moins, n’a pas élé pris au dépourvu: le grain qu'il a semé germera et nous promet une riche moisson. Henri Poincaré, Membre de l'Académie des Sciences, et du Bureau des Longitudes, Professeur de Mécanique Céleste à la Faculté des Sciences de Paris. UNE NOUVELLE MÉTHODE THÉRAPEUTIQUE : L'OPOTHÉRAPIE L'idée de traiter les maladies par l'ingestion de certains organes ou tissus animaux est déjà ancienne. Il s'agissait là d’une thérapeutique instinctive, sans autre base scientifique que des observations très confuses, transmises par la tradition. C’est ainsi que les toreros mangeaient les testicules des taureaux sacrifiés « pour se donner des muscles et du sang froid »; que les chasseurs, pour augmenter leur résistance à la fatigue, recherchaient les organes mäles du san- glier; que les personnes affectées de toux opi- niâtre étaient traitées par le sirop de mou (pou- mon) de veau; que les anémiques se régénéraient en buvant, aux abattoirs, le sang encore chaud des animaux... On pourrait multiplier ces exemples et montrer combien l’âme populaire avait foi en des remèdes dont quelques faits heureux lui avaient révélé la puissance. Mais ces croyances étaient demeurées sans écho dans les milieux scienti- fiques. 1234 D" P. MAUBRAC Er G, MAURANGE — L'OPOTHÉRAPIE Aussi, lorsque Brown-Séquard communiqua, le 1°* juin 1889, à la Société de Biologie, les résultats de ses premières injections de suc orchitique chez les débilités, ne pensait-on guère qu'il jetait ainsi les bases d’une thérapeutique nouvelle, capable d'étendre indéfiniment le champ de ses applica- tions. La découverte de l'illustre physiologiste n'élait pourtant pas le fruit d’un empirisme gros- sier : elle avaitété déduite de l'examen des troubles consécutifs à la castration. Et, tout de suite, dès les premiers succès de ses expériences avec le li- quide testiculaire, Brown-Séquard entrevoyait la généralisation de sa méthode, et pressentait, de la façon la plus précise, le rôle que tiendraient, dans la thérapeutique de demain, les extraits des glandes ou des tissus normaux de l'organisme. Ils seraient systématiquement employés dans le but de prévenir ou de combattre les effets morbides entrainés dans l’économie par la suppression natu- relle ou accidentelle des fonctions de quelques- uns des organes qui la constituent. Notre intention n’est pas de faire l'historique de la question : nous nous proposons simplement d’en indiquer, à grands traits, les origines, l’évo- lution, l’état actuel. Disons seulement que c'est à M. le Professeur Landouzy que nous sommes redevables du terme Opothérapie (de érès, sue, jus, humeur de lissu, tissu, et Osparsia, cure). Nous l’'adoptons comme plus général et moins amphibo- logique que le mot Organothérapie, qui semble plus en faveur de l’autre côté du Rhin, et parce que l'usage lui a déjà donné une certaine consécration. Le terme Zoopothérapie serait cependant préférable, car il est seul adéquat à la définition : Thérapeu- tique par les sucs animaux. I. — BASES DE LA MÉTHODE OPOTHÉRAPIQUE. Trois groupes de faits cliniques et expérimen- taux forment la base de la méthode. Elle repose : {° sur l'observation des troubles qui surviennent chez l'homme à la suite de l’ablation d’une glande ou de tout autre organe important ; 2° sur les rela- tions trophiques qui semblent unir entre eux, chez un même individu, certains organes de type dis- semblable ; 3° sur les expériences de laboratoire qui ont démontré l'existence d’une sécrétion in- terne, modificatrice du sang; notion nouvelle, qui a permis, dans le domaine de la physiologie nor- male et pathologique, l'interprétation de phéno- mèênes que la clinique ne permettait pas d’expli- quer. Examinons séparément chacun de ces points. 1° On connaît depuis longtemps les troubles consécutifs à la castration chez l’homme : la cadu- cité, la vieillesse précoce, l’affaiblissement de l'activité intellectuelle, la diminution de résis- tance aux agents morbides, en sont les principaux caractères, Chez la femme, l'ovariotomie a pour conséquences ordinaires une déchéance physique et psychique qui peut affecter depuis les formes les plus bénignes jusqu'aux formes les plus graves de l'épuisement nerveux. De leur côté, les opérés de goître (thyroïdectomisés) sont fréquemment frappés d'une altération particulière de la peau et des muqueuses (épaississement), accompagnée de dyspnée et même de convulsions tétaniques et coïncidant avec un état de dépression psychique et intellectuelle, — ensemble morbide en tous points comparable à celui que présentent quelques goi- treux et les athyroïdiens. L'extirpation de la rate ou sa destruction anatomopathologique se traduit par une diminution passagère du nombre et peut- être du volume des globules rouges; les lésions destructives du corps pituitaire paraissent avoir, dans quelques cas, pour conséquence une « hyper- trophie singulière des extrémités supérieures, in- férieures et céphalique »; celles du pancréas, le diabète ; celles du foie, des altérations chimiques diverses, avec ou sans glycosurie; celles des cap- sules surrénales, la mélanodermie el l’asthénie musculaire... On pourrait ainsi passer en revue la plus grande partie de la pathologie et montrer combien de maladies tirent leur origine de la sup- pression d’une fonction glandulaire. 2° Un autre groupe de faits est non moins inté- ressant. Il s’agit des relations ou mieux de la pa- renté physiologique de quelques organes de l’éco- nomie. Les rapports du corps thyroïde et de l'appareil génital, connus des anciens, sont affirmés par l'observation clinique : c’est l’hypertrophie thyroïdienne menstruelle, pouvant devenir défini- tive et persister sous la forme d'un goitre; c’est l’atrophie thyroïdienne après la ménopause, l’atro- phie génitale aprèsla thyroïdectomie ; c'est encore la thyroïdite, complication fréquente de la septi- cémie puerpérale, ou la disparition d’un goitre ayant résisté à tous les traitements antérieurs, à la suite d’une hystérectomie pour fibrome de l'uté- rus ou d’une oophorosalpingectomiepour suppura- tion pelvienne. Des liens aussi étroits unissent les glandes mammaires et l'utérus, la parotide et l’o- vaire, à l’état normal et pathologique. Enfin il y a les actions vicariantes dont le type est l'hypertro- phie de la glande pituitaire dans l’insuffisance thy- roïdienne... Un certain nombre d'états morbides peuvent donc dépendre du rapport de l'intégrité des relations fonctionnelles des organes entre eux. 3° Les recherches de laboratoire ont permis l'interprétation de quelques-uns de ces faits. Mering et Minkowsky établissent, en 1889, que, si l'ablalion du pancréas a pour conséquence de pro- voquer le diabète chez le chien, il suffit, pour en D" P. MAUBRAC er G. MAURANGE — L'OPOTHÉRAPIE 1235 empêcher le développement, de laisser un petit fragment de la glande avec ses connexions vascu- laires. Hédon, en 1890, supprime seulement l’ex- crélion, en liant le canal de Wirsung ou en le remplissant de parafline : les animaux ne devien- nent pas glycosuriques. Antérieurement, M. Gley n'avait pu réussir à rendre tous ses chiens diabé- tiques par des injections intra-glandulaires de suif : car ici encore, malgré le soin apporté à la technique, quelques parties mucroscopiquement inap- préciables persistaient et assuraient la fonction. Un peu plus tard, en 1891, M. Gley démontre que la thyroïdectomie est toujours suivie, chez les ani- maux, d'accidents mortels, lorsqu'elle est fofale. Ceux qui survivent le doivent à un certain nombre de glandes accessoires, dites glandules thyroï- diennes, dont l’hypertrophie rétablit plus ou moins complètement et pour un certain temps les fonc- tions de l’organe absent. Si on les enlève en même temps que le corps thyroïde, la mort est inévi- table. Mais elle peut être retardée par l'injection intra-veineuse d’un liquide dilué extrait du corps thyroïde, même dans le cas où se sont développés depuis 24 heures des phénomènes graves de poly- pnée, marche titubante, contractions tétaniques : le retour à l’état normal a lieu rapidement et per- siste généralement jusqu'au lendemain, où l’on peut pratiquer, avec le même succès, une nouvelle injection. A leur tour, P. Langlois et Abelous sont arrivés, pour les capsules surrénales, à des résultats ana- logues. Sans doute, les injections d’extraits surré- naux ne leur ont pas donné des survies bien appré- ciables à cause de la rapidité de la mort chez les animaux acapsulés, mais ils ont reconnu l'existence de capsules accessoires jouant le même rôle que les glandules thyroïdiennes. P. Langlois a montré, en outre, que la survie était possible chez le chien avec 1/11° de capsule. Ainsi doncilsuffit d’une très minime partie de glande pour assurer la fonction, que cette partie ait été laissée par une extirpation incomplète, ou qu’elle ait été artificiellement introduite dans l’or- ganisme. De ces faits on doit conclure : 4° que les tissus glandulaires ont, en dehors de leur rôle d'appareils d'élimination ou d’excrétion, une fonc- tion indispensable à l’économie; 2° que cette fonc- tion peut être, au moins transitoirement, assurée soit par une portion de ces organes, soit par des organes accessoires ou de réserve et de même type, soit par d’autres organes en parenté physiologique; 3° que cette fonction consiste essentiellement en une modification du sang, à son passage à travers la glande, par les produits qui y sont élaborés; 4 que, lorsque la glande vient à manquer, cette action peut être obtenue par l'injection de l’extrait d’un organe de même type prélevé sur un animal sain. Nous verrons que cette propriété modifica- trice a été, par la suite, reconnue aux tissus non glandulaires et que la plupart des considérations qui précèdent leur sont applicables. En résumé, les glandes ou les tissus de l'orga- nisme sont le siège d'une sécrétion intra-cellu- laire très active, qui, se mêlant au sang, y pro- duit des modifications très diverses. C'est tantôt la neutralisalion d’un produit toxique, comme cela a lieu dans la glande thyroïde ou les capsules surrénales; tantôt l'élaboration d’un principe, ferment soluble, dérivé chimique, capable d’avoir une influence sur les autres éléments anatomiques de l'organisme, comme on l’observe dans le testi- cule, l'ovaire, le rein ; tantôt enfin l’aclion directe globulaire, ici destructive des globules rouges, là des leucocytes, ailleurs créatrice des hématies, comme on peut la surprendre dans la rate, la moelle osseuse, les parois des capillaires. Cette fonction générale — élaboration de pro- duits spéciaux destinés à être déversés directe- ment dans la circulation — commune à toutes les glandes, munies ou non de conduits excréteurs, et à tous les tissus de l'organisme, a recu le nom de sécrétion interne. L'opothérapie a précisément pour but de fournir aux malades le déficient de celte sécrétion interne de l'organe absent ou détruit, à l’aide d’un organe identique, ou en pa- renté physiologique, emprunté à la série animale. II. — PRÉPARATION DES SUBSTANCES EMPLOYÉES EN OPOTHÉRAPIE. Les premières tentatives de cet ordre ont été faites par Brown-Séquard avec le suc orchitique. Il pratiqua sur lui-même une série d’injections sous-cutanées d'un liquide obtenu en faisant ma- cérer 24 heures des testicules de cobaye dans de la glycérine additionnée d'une proportion convenable d'eau bouillie salée. Les résultats furent remar- quables, surtout au point de vue du relèvement intellectuel, de la résistance à la fatigue et du réta- blissement des fonctions de l'intestin. D'autre part, encouragé par les recherches de Schiff, qui avait vu, chez le chien, la transplanta- tion, dans le péritoine, de sa propre glande thyroïde extirpée, retarder la mort de l’animal, et celles de Horsley arrivé aux mêmes conclusions expérimentales, M. Lannelongue tenta, en 1890, chez l’homme, la greffe thyroïdienne. Le résultat, obtenu chez une fillette de 8 ans myxædémateuse, fut une amélioration évidente, mais passagère, des symptômes. Get essai fut répété, notamment par Kocher, Bettencourt et Serrano, et n'aboutit qu’à des succès temporaires. On ne tarda pas à recon- naître qu'ils étaient dus non à la greffe elle-même, 1236 D* P. MAUBRAC Et G. MAURANGE — L'OPOTHÉRAPIE qui se résorbait ou cessait de sécréter, mais au suc thyroïdien contenu dans l'organe greffé. Il était plus simple de s'adresser à l'injection sous- culanée, comme l'avait fait Brown-Séquard pour le liquide orchitique et comme on y était invité par le résultat des expériences de Gley. — La médication thyroïdienne était créée et devait prendre le développement que l’onsait. Cependant le procédé de Brown-Séquard était passible de certaines critiques. Le suc extrait de l'organe et filtré par l'acide carbonique sous pres- sion d’après la technique de son collaborateur, M. d'Arsonval, était loin de représenter les élé- ments de la totalité de la glande. Gley démontra expérimentalement qu'un liquide filtré sur papier, sur coton de verre ou sur porcelaine, à faible pression, avait une activité bien supérieure à celui que préparait M. d'Arsonval. Malheureuse- ment cet extrait total est difficilement injectable : la conservation en est peu aisée, la préparation doit en être faite, pour ainsi dire, au fur et à mesure des besoins, et avec des précautions d’asepsie peu réalisables en pratique courante. On se trouvait donc en présence d’obstacles tenant intrinsèquement à l'injection, en d’autres termes, aux exigences de la voie d'introduction de ces liquides dans l'organisme. Aussi, en démontrant que le suc gastrique n’altère pas les propriétés des organes ingérés, Howitz, puis Fox et Mackensie, donnèrent en 1892 un essor inattendu aux applications de la méthode. L'opothérapie gastrique était la solution pratique cherchée, et dès lors, non seulement le corps thyroïde, mais, comme nous le verrons, un grand nombre de glandes et de tissus normaux furent essayés en clinique. Le médecin a donc à sa disposition le suc ou l'extrait total. Le suc, nous l'avons vu, est un pro- duit incomplet : il y manque peut-être la partie la plus active au point de vue thérapeutique. Il ne faudrait pas croire cependant que ce soit un liquide inerte : son énergie est comparable à celle des produits de sécrétion des glandes munies d'un conduit excréteur. Et l’on sait que le sperme, par exemple, contient, au moins en partie, les principes spéciaux de la sécrétion interne du testicule. Néanmoins, hors le cas d'intolérance gastrique absolue, il vaut mieux, jusqu’à plus ample informé, employer l'extrait total préparé selon le procédé de M. Gley, ou la glande elle-même en ingeslion, comme l’ont recommandé la plupart des auteurs depuis Howitz. Ce n’est pas à dire que ce produit"complet ait des droits de cité définitifs en thérapeutique. C’est, en effet, un mélange d'éléments dont l’action sur l’éco- nomie peut être dissemblable, suivant la prédomi- nance des uns ou des autres. Ainsi, pour ne parler que de la glande thyroïde, il est possible qu'elle contienne plusieurs-substances actives. IL est évi- dent que bon nombre des accidents de la médica- tion thyroïdienne ou tout au moins quelques-uns des résultats contradictoires auxquels elle a abouti, tiennent, en parlie, à la proportion variable de ces principes dans les glandes employées. Lorsque les progrès de l'étude chimique auront permis d'isoler chacune des substances actives contenues dans ces produits complexes qu'utilise l'opothérapie, et que l’on en aura établi la phar- macodynamie, il va sans dire qu'elles seront em- ployées à l'exclusion de ces derniers. Nous assis- terons à une évolution comparable à celle qui s’est poursuivie dans la matière médicale qui, de l'étude des propriétés des plantes, feuilles, fleurs ou racines, est passée à celle, plus précise, de leurs alcaloïdes. Mais jusqu'ici, sauf peut-être la thyroïo- dine de Baumann, aucune des substances actives découvertes, ne paraît avoir de valeur théra- peutique définie. Ainsi Poehl croyait tenir dans la spermine le principe dynamogénique des sucs organiques. Or un travail récent de Babès montre que la spermine provient du dédoublement de la nucléine en pré- sence de l’alcalescence normale du sang, et sert d'agent d’oxydation pour les produits intermé- diaires qu’elle amène à l’élat d’urée et qui, sans cela, seraient la source d’auto-intoxications. Si l’alcalinité du sang diminue, il se forme du phos- phate de spermine inactif : les indications de la spermine seraient donc précisées et limitées à ces cas. Malgré cela, les résultats chez les anémiques, les diabétiques et même chez les goutteux sont à ce point incertains qu'ils ont pu être niés par Senator, Ewald, Goldscheider, ou rejetés sur le compte de Ja suggestion. Il en est de même des nucléines et protonu- cléines. Fort en faveur en Angleterre et surtout aux États-Unis, elles ont été employées dans les maladies les plus diverses et ont donné presque au- tant d'échecs que de succès. Ge sont des substances extraites des noyaux cellulaires des glandes — c'est au moins le procédé de préparation le plus ré- pandu en Amérique, — qui, introduites dans l'orga- nisme, ont pour effet d'augmenter temporairement, dans une forte proportion, les corpuscules blancs du sang ; elles favorisent par conséquent la phago- cylose et sont révélatrices des inflammations la: tentes. Quel rôle jouent la nucléine ou son produit de développement, la spermine, dans les médicaments opothérapiques? C'est ce qu'il est diflicile de dé- terminer. L'embarras croît lorsqu'on se rappelle que le dédoublement de la nuciéine donne nais- D P. MAUBRAC er G. MAURANGE — L'OPOTHÉRAPIE 1937 sance, en même temps qu'à la spermine, à des dé- rivés æanthiques (Babès) que la glande thyroïde aurait, peut-être, précisément pour fonction de dé- truire (Lindermann). La thyroïodine parait, au contraire, résumer la majeure partie des propriétés thérapeutiques de l’extrail total thyroïdien, dont elle exprimerait, dès lors, le principe actif. Mais agit-elle seulement, comme le veut Kocher et semble le démontrer Notkine, en tant que substance iodée assimi- lable, par suite efficace, contre l'absence de cet même iode signalée chez les goitreux, et leur donnant, par conséquent, le maximum des résul- tats que l’empirisme avait reconnu au lraitement ioduré? Possède-t-elle, en outre, comme le pense Baumann, le pouvoir antitoxique de la sécrétion interne thyroïdienne ? C'est ce que l’élat actuel de nos connaissances ne nous permet pas de décider. Il semble bien au moins que la thyroïodine est impuissante à retarder la mort chez les animaux thyroïdectomisés. Et, d'autre part, nous savons que la présence d’une combinaison iodée molécu- laire n’est pas exclusive à la glande thyroïde, et qu'on l'a signalée dans l’hypophyse (J. Schnitzler et K. Ewald) el dans les nucléines (Mescher). Ces exemples suffisent à montrer qu'en opothé- rapie nous en sommes, si on nous permet cette expression, à la fisane et point encore à l’wlcaloïde. C'est dire que la greffe, l'injection sous-cutanée, doivent céder provisoirement le pas à l'inges- tion en attendant que demain la découverte des principes actifs nous permelte de revenir à la méthode hypodermique. Nous serons brefs sur le mode de préparation des médicaments opothérapiques. Rappelons que les liquides destinés à l'injection sous-cutanée sont obtenus par la macération pendant 24 heures, dans un poids égal de glycérine, des glandes ou tissus, préalablement débarrassés de tout élé- ment étranger (aponévroses, graisse, concrélions, kystes, elc.) et découpés en menus fragments. On filtre sur porcelaine par l'acide carbonique sous pression, avecl’appareilimaginé par M: d’Arsonval; ou, après avoir filtré simplement sur papier, on sté- rilise à autoclave du même auteur, dans lequel on peut atteindre une pression d'acide carbonique de 95 atmosphères à 45°, lempérature maxima que l'on ne peut dépasser sans altérer les matières albuminoïdes. Les sucs organiques sont alors mis en ampoules stérilisées et scellées à la lampe, chaque ampoule contenant la quantité nécessaire à une seule injection. Pour la voie gastrique on s'adresse de préférence aux organes frais. La cuisson n’altérant pas leurs propriétés thérapeutiques permet de les admi- nistrer aux malades assez aisément. On peut encore les donner en cachels ou en capsules gélatineuses. Le seul inconvénient est la difficulté de la conser- valion de pareils produits. Aussi a-t-on imaginé de faire dessécher les organes dans le vide à la température de 37° : en 24 heures, 36 heures au plus, ils sont transformés en une masse brune qui peut être facilement pulvérisée et mise en cachets. C'est à ces produits que l’on a donné le nom de thyroïdire, ovarine, etc. Avec une proportion con- venable de sucre et de miel on en fait des pastilles, tableltes, labloïdes, dont l'usage est courant en Angleterre et en Amérique. Ces préparations phar- maceutiques ont le grave tort de s’alltérer aussi rapidement que les organes frais, sans que cette altération se traduise par des signes visibles à l'œil nu. Il en résulte une série d’accidents qui sont impu- tables non à la médication, mais au remède lui- même. On trouve, en effet, dans nombre de ces tablettes, toute une flore bactérienne, comprenant même le vibrion septique, et aussi des produits de décomposition putride, plomaïnes, etc. Aussi n’est-on pas étonné de l'expérience de M. O. Lanz, .qui, sur lui-même et sur quelques-uns de ses amis, a observé des signes de pseudo-thyroïdisme avec soixante centigrammes de tablettes, tandis que l'ingestion de 20 et 30 grammes de glande fraiche crue n’était suivie d'aucun trouble, même passa- ger. Il faut donc s’en tenir aux préparations d’or- ganes frais, si l’on veut avoir des résullats compa- rables. Mais l’utilisation même de ces préparations n’est pas sans danger. Ce sont, en effet, des produits très aclifs, voire même toxiques, dont l'emploi pro- longé ou inopportun peut amener des accidents. Il faut tenir compte de la possibilité de la présence simultanée dans le médicament opothérapique du principe utile et de lasubstance »wisible, qu'il a pré- cisément pour effet de neutraliser. De là, la néces- sité d’une grande prudence dans les doses et d'une exacte surveillance des malades. III. — APPLICATIONS CLINIQUES, Pour les applications cliniques de l’opothérapie, trois voies étaient ouvertes : voie hypodermique, voie gastrique, voie rectale. Nous avons vu pour quelles raisons la voie gastrique devait être pré- férée, la voie hypodermique demeurant à la fois, pour le présent la voie d'exception, pour l’avenir la voie d'élection. Quant à la voie rectale, elle ne doit pas être utilisée; car, en plus des inconvé- nienls qui lui sont propres, elle présente celui de faire subir aux substances organiques une dénatu- ralion capable d'en modifier les propriétés : le fait a élé bien démontré par Gibier pour les sérums vaccinateurs. 1238 D'° P. MAUBRAC Er G. MAURANGE — L’OPOTHÉRAPIE La plupart des résultats que nous relatons ont du reste été obtenus par l’ingestion du médicament opothérapique; chemin faisant, nous signalerons les exceptions à cette règle. Nous allons maintenant étudier chacun des or- ganes (glandes ou lissus) employés en opothérapie. Nous éliminons de notre étude les produits de sécrétion proprement dite (suc gastrique, sperme, lait, urine, bile, salive) dont les applications thé- rapeutiques peuvent être retranchées du cadre de notre sujet. En passant, remarquons que, pour plusieurs de ces sécrétions, à côté de la sécrétion réelle de la glande, il y a des poisons éliminés, d'intensité variable, et qui ne peuventguère trouver emploi en thérapeutique. Nous retranchons également l’élude thérapeu- tique du sang, quinous conduit au sérum et à la sérothérapie ; faisons cependant, au sujetdu sang, une réserve : n'est-ce point dans le sang efférent des glandes, que se trouve le principe actif de la sécrétion interne de ces glandes, c’est-à-dire, l’a- gent thérapeutique actif de l'opothérapie ? S1. — Corps thyroïde, thymus, glande pituitaire. Dans le premier groupe, nous rangeons le corps thyroïde, le hymus, la glande pituitaire. Ces trois glandes ont, au point de vue physiolo- gique, des relations connues : de plus, en patho- logie leur rôle vicariant a été maintes fois constaté. C’est ainsi qu'on a observé l'hypertrophie compen- satrice du thymus dans le goitre exophtalmique, dans le myxædème, — l’hypertrophie de la pilui- taire dans le cancer du corps thyroïde, — l'hyper- trophie du corps thyroïde et du thymus dans le sarcome de la glande pituitaire (Mossé et Daumic, Dallemagne); enfin, le résultat de l’ingestion du thymus [dans le cas de goitre, de corps thyroïde dans le cas d’acromégalie, justifie ce groupement. Nous rappellerons aussi l'existence del’iode dans la thyroïde et dans la pituitaire. 1. Thyroïde. — Pour faciliter l'intelligence de l'opothérapie thyroïdienne, il nous paraît tout d’abord utile de schématiser en quelques mots la physiologie normale et pathologique du corps thy- roïde, telles que les peut faire comprendre l'état actuel de nos connaissances. Normalement la glande thyroïde sécrète un com- posé dans lequel l’iode est en combinaison intime. Cette sécrétion, continuellement versée dans la circulation, est destinée à jouer un rôle antitoxique vis-à-vis de certaines substances, résultat du mé- tabolisme des tissus ou déchet des échanges intra- organiques, qui constituent un véritable poison pour l’économie. Désignons, pour la commodité de cet exposé, la sécrélionthyroïdienne sous le terme général d’antiloxine, comprenant à la fois l’antitcæine de Frænkel, substance insuffisamment déterminée, le ferment, enzyme ou fhyrévidine de Notkine et la thyroïodine de Baumann — et, souslenom dekyropro- téide (Notkine), l’ensemble des toxines àneutraliser. Au point de vue pathologique, la glande pourra donc présenter deux états très distincts : ou bien la sécrétion del’antitoxine est diminuée, supprimée ou insuffisante — athyroïdisme — ou bien elle est augmentée — hyperthyroïdisme !. Dans l’athy- roïdisme, la thyroprotéide est en excès, le méta- bolisme est réduit ; dans l'hyperthyroïdisme, la thyroprotéide est neutralisée, mais l’antitoxine demeure en excès, et il y a accélération du méla- bolisme. Si maintenant l’on passe en revue les différents états morbides liés aux allérations matérielles ou fonctionnelles du corps thyroïde, on voit qu'on peut les ramener, quelle que soit leur dissemblance apparente, soit à l’athyroïdisme, soit à l’hyperthy- roïdisme. La suppression totale de la glande par absence congénitale, par atrophie, par dégénéres- cence, parl'ablation chirurgicale, entraineune série de modifications de l'organisme en rapport avec l’athyroïdisme, et caractérisées par un trouble tro- phique généralisé des téguments avec infiltration de mucine et par la déchéance intellectuelle. Cet état morbide a reçu le nom de myxædème, et, selon la cause de la suppression de la glande, on a le myxædème congénital (absence congénitale de thyroïde), lemyxædèmedes adultes ou cachexie pa- chydermique (atrophie simple de la glande), le myxædème opératoire (après thyroïdectomie). D'autre part, la lésion matérielle, le trouble fonc- tionnel de la glande (tumeurs diverses, goîtres), se traduisent soil par une diminution, soit par une augmentation, soit, plus exactement, par une per- version de la fonction thyroïdienne. Le goitre spo- radique, le goitre endémique « degré initial d’une dégénérescence dont le crétinisme complet est le dernier échelon », lecrétinisme se compliquantpar- fois d’idiotie, de myxædème, sont en rapport avec une diminution de la sécrétion de l'antitoxine: la maladie de Basedow ou goîtreexophtalmique serait, aucontraire, d’après quelques-uns,liéeàl’exaltation de la fonction thyroïdienne (hyperthyroïdisation). Ainsi on peut se faire une idée générale de la valeur du traitement thyroïdien qui sera ordinaire- ment efficace dans l’athyroïdisme, inefficace ou dan- gereux dans l’hyperthyroïdisme, L'examen des faits confirme la théorie. Dans le myxæœdème, quelle qu’en soit la cause, lamédication thyroïdienne donne une amélioration i Cette notion de l'hyperthyroïdisme est contestée : elle n’a pas encore été démontrée physiologiquement. D'° P. MAUBRAC Er G. MAURANGE — L'OPOTHÉRAPIE 1239 presque constante : le rétablissement des fonc- tions de la peau, la disparition du gonflement dif- fus des téguments, la perte de poids, le dévelop- pement du sujet !, le relèvement de l'intelligence sont de règle. Cette amélioration porte surtout sur les lésions du tissu conjonctif ramené à l'état fœtal, muqueux, par l’athyroïdisme, qui, comme on le sait, ralentit le métabolisme des tissus : sous l’in- fluence du traitement, le tissu conjoncelif reprend et lermine son évolution normale. Le myxædème post-opéraloire, mieux encore que tout autre, est ainsi amélioré, guéri ou même prévenu. La tétanie ou contracture des extrémités, qui survient fréquemmentaprès l’ablation du corps thyroïde est, elle aussi, le plus souvent guérie par le traitement opothérapique *. Mêmes succès dans le myxædème non opéra- toire, qu'il soit congénital ou consécutif à une affection destruclive du corps thyroïde. Il faut con- sidérer cependant que les idiots myxædémateux sont très sensibles au traitement et présentent facilement du {Ayroidisme. Ce thyroïdisme, qui n'est probablement que du /hyroprotéidisme, — fait en apparence paradoxal — est une intoxication carac- térisée par des troubles cardiaques, de l'excitation cérébrale et la présence anormale dans l'urine d'al- bumine et fréquemment de glycose. Ces symptômes qui cèdent ordinairement avec assez de rapidité dès que le traitement est suspendu, peuvent, dans quelques cas, persister et même entrainer la mort. Dans le créfinisme sporadique qui coïncide fré- quemment avec un certain degré de myxædème, le traitement thyroïdien amène au point de vue phy- sique et psychique, une amélioration sensible, et d'autant plus rapide que le sujet est plus jeune. Dans quelques cas, néanmoins, le résultat a été nul. Le goître simple sporadique est-il justiciable de la médication thyroïdienne? S'il s'agit d'un goitre kystique pur, non seulement on n'obtient aucune diminution de volume de la glande, mais on dé- termine dans quelques cas de l’hyperthyroïdisme. Dans la forme parenchymateuse, hyperplastique diffuse simple, l'extrail thyroïdien, comme la thyroïodine, entraine une régression remarquable de l'organe hypertrophié dans 90 °/, des cas (Ri- chard Cabot). Les meilleurs résultats s'observent chez les enfants, alors que les lésions dégénéra- tives ne sont pas trop avancées. Enfin il est des cas assez nombreux (10 °/,) où la tumeur rétrocède totalement. Tout le bénéfice du traitement est ob- tenu au bout de 4 à 6 semaines, mais exige, pour ! Ce qui a conduit à traiter de même facon les sujets atteints d'arrêt ou de ralentissement dans la croissance. ? Par contre, dans la tétanie idiopathique le traitement thy- roïdien échoue le plus souvent. demeurer acquis, une nouvelle cure, 4 à 10 mois après la première. D’après Stabel, le goitre récidi- verait d'autant plus vite qu'il a plus rapidement disparu. Chez les sujets atteints d’aliénation où d'autres psychoses associées au goitre parenchymateux, le traitement agit sur la tumeur thyroïdienne, mais reste sans effel sur l'état mental. Dans le goilre exophlalmique, dont le tableau cli- nique rappelle en de nombreux points celui de l'hyperthyroïdisation, il était à prévoir que le trai- tement thyroïdien aurait pour résultat d’aggraver les symptômes, fait confirmé par l'observation cli- nique. Cependant, dans quelques cas exception- nels, on aurait noté une amélioration sans qu'on puisse donner de ces faits une interprétation sa- tisfaisante. Le myxædème présente des formes cliniques très complexes : le goitre, l'obésité, les derma- toses diverses, l'anémie, les arrêts de développe- ment, la lélanie lui sont, à des degrés divers, asso- ciés. Or, laplupartde ces états pathologiques sont, en même temps que le myxædème, favorablement influencés par la médication thyroïdienne. De là est née l’idée de leur appliquer ce même traite- ment, alors même qu'ils sont indépendants du myxædème. Par extension, d’autres troubles de la nutrition, rachitisme, diabète, goutte ; puis encore la syphilis, la tuberculose, le cancer, lalèpre, etc., ont élé l’objet de tentatives thérapeutiques de même ordre: en sorte qu'aujourd'hui, i! n’est guère de maladies où le corps thyroïde n'ait été prescrit. Nous devons une mention particulière à quelques-uns de ces essais. Obésité. — Nous avons vu que le traitement thy- roïdien déterminait chez les mxyœdémateux une perte de poids parfois considérable. Par analogie, il a été appliqué aux obèses, et les résultats ont été des plus satisfaisants. Sans rien modifier à leur régime alimentaire ou hygiénique, certains obèses ont perdu jusqu’à 3, 4et à kilos en une semaine. L’extrait thyroïdien serait-il donc le « spéci- fique » de cette dystrophie (Guttmann)? Et ce spécifique est-il sans danger? Théoriquement un médicament capable de faire perdre à des malades 57 livres en 3 mcis (Raljen), 66 livres en 2 mois (Rendu), etc., est trop actif pour être employé, dans tous les cas, sans accidents. En fait, si les éléments les plus importants de la perte de poids sont l’augmentation de l'excrétion aqueuse et la fonte du tissu graisseux, il s’y ajoute de la phosphaturie, une élimination anormale d'azote, c’est-à-dire d’albumine, ce qui équivaut à une destruction de chair musculaire. D'où l'influence défavorable, sur le muscle cardiaque, du traitement thyroïdien, qui est, par conséquent, contre-indiqué 1240 D P. MAUBRAC er G. MAURANGE — L'OPOTHÉRAPIE dans tous les cas où le myocarde est dégénéré, comme cela est fréquent chez les obèses. Pour la même raison, les personnes âgées ou affaiblies, les glycosuriques, les albuminuriques ne seront pas exposées à celte médication. Mais, en dehorsde ces contre-indications, tousles obèses ne sont pas au même degré justiciables de la thyroïdine. Les obèses jeunes, vigoureux, plé- thoriques, à faciès coloré, gros mangeurs, ne sont que peu ou point améliorés. Seuls, les obèses au teint pâle, à chair molle, œdématiée, bouffie, re- tirent tous les bénéfices du traitement. Cette obé- sité « torpide», qui n'est pas sans présenter quelque analogie avec le myxædème, se rencontre particulièrement chez la femme, par opposition à l'obésité « fleurie », plus fréquente chez l'homme. Acromégalie. — Les insuccès sont ici au moins aussi nombreux que les succés. Psychoses. — Bruce a essayé l'extrait thyroïdien dans l’aliénation, et en a retiré d'excellents résul- tats, chez les femmes, dans les cas de manie, de mélancolie, sans signes de démence : 21 améliora- tionssur30 malades. Rogers a obtenu le même suc- cès dans deux cas de catalepsie invétérée. Malheu- reusemenl, dans des cas semblables, Scribner et Wright n'ont constaté aucune amélioration. Dermatoses. — On a noté quelques faits non point de guérison, mais d'amélioration réelle dans le lupus. Quant à l’action de la médication sur le psoriasis, elle est fort incertaine et, pour quelques guérisons, on compte de bien nombreux insuccès. Quelques cas même (1/6)se sont aggravés. Il parait en être de même pour la plupart des affections cutanées, eczéma, vitiligo, lichen, etc., dont on a rapporté quelques observations avec de bien rares succès. Tuberculose. — L'antagonisme qui existerait entre la tuberculose et le goitre ont conduit à traiter des phtisiques par la thyroïdine. Les résullats en- courageants publiés par Morin de Neufchätel, sont demeurés isolés. R. Cabot, Hertoghe, Krauss, n’ont obtenu aucune amélioration, bien que ce dernier ait vu ses malades engraisser. Autres maladies. — Bien nombreux encore sont les états morbides dans lesquels la médication thyroïdienne a été essayée avec des résultats divers. Rappelons son action dans ies affections de l'utérus (Hertoghe,R. Bell). Pour le reste, nous nous bornerons à une simple énumération : sclérodermie, rachitisme (quelques succès), rhumatisme chronique, goulte, dinbète, chlorose, otite scléreuse, cicatrices hyper- trophiques rebelles, cirrhose hépatique, syphilis à ten- dance cachectique, néphrite interstitielle (résultats douteux, le plus souvent désastreux). Enfin chez une femme dont le bassin élait rétréci, letraitement fut institué en vue d'amener la diminution de vo- lume du fœtus : un résultat appréciable fut obtenu. De tous ces faits, nous concluons : L'opothérapie thyroïdienne a donné de superbes résultats dans le myxædème, dont elle est aujour- d'hui le spécifique le meilleur; dans le goitre parenchymateux, c’est une médication à essayer, et souvent le succès couronnera la tentative — surtout s'il s'associe au goître quelque signe de myxædème; — le goitre exophtalmique ne paraît pas justiciable de ce traitement. Dans l'obésité torpide, l'extrait thyroïdien fera souvent merveille; dans l'obésité « fleurie » les chances d’échouer sont nombreuses. Sur les multiples applications que nous avons citées de cette médication il est, pour le moment, impossible de porter un jugement : il semble néan- moins que le nombre est assez restreint des autres affections qui relireront bénéfice du traitement thyroïdien. 2. Thymus. — En décembre 1893, David Owen publia l'histoire d’une malade affectée de yoitre exophtalmique depuis 20 ans, très améliorée par le traitement thyroïdien. Or, quelque temps après, on apprit que le boucher s'était trompé et avait donné du thymus au lieu de thyroïde. Plus tard les acci- dents propres à la maladie de Basedow ayant reparu, on prescrivit du thymus et les symptômes s’amendèrent. Cette seconde partie de l'observation fut publiée le 15 février 1895 : depuis celle époque, le traite- ment thymique a élé essayé chez de très nombreux malades basedowiens, et assez régulièrement on a noté, non point la guérison, mais l'amélioration de la plupart des symptômes jusque-là rebelles aux autres traitements. L'hypertrophie du thymus est très fréquente dans la maladie de Graves : il est vraisemblable qu'il y a là un fait de compensation, la sécrélion interne du thymus servant à neutraliser les toxines qui causent la maladie : ce qui expliquerait l’action thérapeutique du thymus. L'emploi du thymus n'a pas été limité au seul goitre exophtalmique : Reinbach vient de traiter ainsi 30 cas de goitres avec 3 guérisons complètes, 18 améliorations considérables, 10 insuccès. C'est, ici encore, le goitre hyperplastique diffus simple qui est le mieux influencé par le traitement, dont les résultats sont semblables à ceux de la médica- tion thyroïdienne, avec cet avantage qu'il ne se produirait pas de phénomènes d'intoxication. 3. Glunde pituilaire. — Les relations, aujourd'hui nettement établies, entre l’acromégalieel l'altération de la glande pituitaire, ont invité à l'utiliser dans le traitement de la maladie de P. Marie. On a noté D P. MAUBRAC er G. MAURANGE — L'OPOTHÉRAPIE 1241 la diminution de la céphalalgie, parfois atroce, et des paresthésies des mains. La fréquence des lésions simultanées de l'hypo- physe et du corps thyroïde justifierait l'association thérapeutique des extraits de ces deux glandes. $ 2. — Capsules surrénales. Les capsules surrénales se rapprochent, par leurs fonctions antitoxiques, des groupes glandulaires qui précèdent. Abelous et P. Langlois ont montré, en 1892, que les capsules surrénales exercent, par leursécrélion, une action antitoxique vis-à-vis d'un poison curarisant élaboré surtout dans le travail musculaire. L'extrait capsulaire; introduit dans l'organisme, augmente la tension sanguine par un mécanisme qui nous échappe encore. Carsi Oliver et Schäfer insistent sur l'indépendance d'action des centres médullaires, Cybulski défend une action centrale et Gottlieb fait jouer le rôle essentiel aux ganglions intra-cardiaques et peut- être aux cellules ganglionnaires disséminées dans la tunique des vaisseaux. Quoi qu'il en soit, cet extrait, le plus toxique des médicaments qu'ulilise l'opothérapie, a, en outre de ses propriétés anti- toxiques, une action lonique sur la circulation, dont l'effet est de provoquer une diurèse abondante. Lesessais cliniques entrepris par Abelous, Char- rinet Langlois, Chauffard, Dieulafoy, dans le trai- tement de la maladie d'Addison, ont donné des amélioralions encourageantes. La diminution de l'asthénie, de la pigmentation, des vomissements, de l’hypotension artérielle, a été obtenue dans la moilié des cas, sans que la maladie ait paru sensiblement enrayée. Iei encore la question reste à l’étude. Par extension, on a employé, avec quelques succès, l’extrail capsulaire dans certains cas d'anémie, de neurasthénie (Huchard), d'hystérie, d'al- buminurie cyclique, dans le diabète sucré, la polyurie nerveuse, le goitre exophtalmique. Enfin, W. H. Bates a utilisé cet extrait avec succès en fhérapeulique oculaire el estime — Dor confirme celte appréciation — que c’est un astringent local excellent el un hémostalique idéal. $ 83. — Moelle osseuse, rate, ganglions lymphatiques. Nous groupons la moelle osseuse, la rate, les ganglions lymphatiques, dont l'action est, en quel- ques points, similaire sur la composition du sang. 1. Moelle osseuse. — En 1894, Danforth, Fraser, ont relalé des cas d’anémie pernicieuse des plus graves, guéris par l'ingestion de moelle osseuse. Dans le cas de Fraser, le chiffre des globules rouges était attribue le résultat à l’ingestion de moelle osseuse, — on comptait 4.130.000 globules : la malade pou- vait être considérée comme guérie. Barrsa rapporté une observation analogue; mais plusieurs autres cas ont été publiés, dans lesquels le traitement avait totalement échoué. L'ingestion de moelle osseuse a donné quelques succès dans la cachexie palustre, la leucémie. Mais, dans l’anémie secondaire, dans la chlorosesur- tout, on a observé, en {rès grand nombre, des amé- liorations et des guérisons remarquables. 2. Rate. — À la moelle osseuse on a souvent associé la pulpe splénique, et ont été ainsi traités, avec succès, des impaludés chroniques, des sujets opérés de splénectomie, chez lesquels on a obtenu rapidement le rétablissement de la proportion normale des globules blancs et des globules rouges. Le sue splénique a été donné seul, avec succès, dans des cas de cachexie paludéenne ; on a noté une diminution de la rate, une augmentalion rapide des globules rouges du sang : dans la ckloro-anémie, on a également retiré un effet favorable de ce trai- tement. Enfin, Wood {de Philadelphie) a employé avec succès l'extrait splénique dans un cas de goître exophtalmique. C’est ici le lieu de rappeler que la rate, comme le thymus, est hypertrophiée dans la maladie de Graves. 3. Ganglions lymphatiques. — À la pulpe splénique el à la moelle osseuse, il peut être logique, dans le traitement de la leucocythémie, d'ajouter le produit detrituration de ganglions lymphatiques, comme le conseille Brown-Séquard. Cette maladie peut être considérée comme une perversion de la sé- crétion interne de ces glandes et être heureuse- ment modifiée par cette médication. Mais cette hy- pothèse n'a reçu aucune confirmation clinique. $ 4 — Testicule, ovaire, mamelle. Le testicule et l'ovaire constituent un groupe bien netet bien indépendant, auquel cependant nous raltacherons la mamelle. 41. Testicule. — Le produit de la sécrélion interne du testicule paraitexercerune influence dynamogé- nique spécialesurle système nerveux. Gelte action a été démontrée physiologiquement sur les ani- maux auxquels on a fait subir une perte de sang rapide, ou chez lesquels on a provoqué des paraly- sies expérimentales. Chez l'homme, elle se traduit directement par une augmentation de la force musculaire mesurée à l'ergographe. Son rôle de- meure encore incertain sur l'hématose, la régula- tombé à 840.000 ; un mois plus lard, — et Fraser | tion thermique, la résistance aux infections. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. 9 :* PA: 1942 Cliniquement, cetteinfluence se manifeste parune action sur la nutrilion générale et spécialementsur la régularisation des fonctions digestives. Elle est variable sur les fonctions intellectuelles, et pres- que nulle sur les fonctions génésiques. La médication orchitique, faite presque exclusi- vement par la voie hypodermique, paraît avoir donné des résultats positifs dans la débilité sénile, la constipation opiniâtre des vieillards, Va neurasthène. Elle n'a produit que des améliorations passagères dans les seléroses médullaires, la paralysie agitante, les maladies mentales, la chorée, le diabète, V'asthénie de la tuberculose et du cancer; que des insuccès dans l'artério-sclérose, les lésions cardiaques où hépatiques, l’épilepsie, la goutte, les dermatoses, le rhumatisme, a maladie d Addison, les affections utérines. Il est lo- gique delimiter son emploi au traitement de la dé- bilité sénile et de l'épuisement nerveux accidentel chez l'adulte. 9, Ovaires. — Trois groupes de faits établissent l'hypothèse de la sécrélion interne des ovaires (Jayle). C'est d’abord l’apparition constante, chez les ovariotomisées,de troubles d'intensité variable, dontles pluscommuns sonl:les bouffées de chaleur, les douleurs rhumaloïdes, la perte de mémoire, un état mental particulier, l’anaphrodisie ou l'hy- perexeitabilité sexuelle. C'est, ensuite, l’absence ou du moins l’atténualion considérable de ces troubles dans les cas de castration ovarienne uni-laté- rale ! ou de castration ulérine simple. C'est enfin la disparition ou tout au moins l’amélioration de ces symplômes, aujourd'hui démontrées par de nombreuses observations, au moyen de l’ingestion ou de l'injection d'extrails ovariques. L’opothérapie ovarienne est donc le traitement de choix des troubles consécutifs à la castration chez la femme. Il y aurait même intérêt à l’entre- prendre systémaliquement après toute oophorec- tomie. Par extension, elle a été appliquée avec succès dans quelques manifestations morbides de la ménopause naturelle. On a enfin essayé de l'utiliser au traitement de diverses lésions ova- riennes. Mais, si elle a paru donner quelques résul- lats encourageants dans l’aménorrhée, la dysmé- norrhée, la chlorose, elle est demeurée sans aclion, comme cela élait, du reste, facile à prévoir, dans toutes les affections suppurées tubo-ovariennes. Mamelle. — Nous avons vu ? que R. Bell, se ba- sant sur les relations physiologiques de la ma- melle et de l'utérus, avait traité, par l'extrait de ! Une femme à qui M. Pozzi avait enlevé l'ovaire gauche et reséqué la plus grande partie de l'ovaire droit, n'a pré- senté aucun des troubles consécutifs à l'oophorectomie. ? Revue générale des Sciences du 15 Oclobre1896, page 803. D: P. MAUBRAC Er G. MAURANGE — L'OPOTHÉRAPIE glandes mammaires, un certain nombre de cas de Jibromes de ia matrice. Sous l’action de ce traite- ment, les hémorrhagies auraient cessé et la tumeur aurait subi une régression notable. Ces faits, bie que n'ayant pas encore été confirmés par d’autres cliniciens, méritent de figurer dans cette rapide revue des traitements opothérapiques. $ 5. — Glandes à conduits excréteurs. Nous réunissons les glandes à conduit excré- teur, pancréas, rein, foie, parotide, dont les extraits produisent sur l'organisme des résultals bien différents de ceux produits par les excrétions de ces mêmes organes : rien de comparable, en effet, entre l'ingestion de lait, et lingestion d'extrait de mamelle, entre l'injection d'urine et l'injection de substance rénale, etc., etc. 1. Pancréas. — L'altération ou la destruction du pancréas détermine un état glycosurique qui a paru justiciable de l’opothérapie; les résultats obtenus sont fort variables, et le plus souvent peu satisfaisants. Ainsi Watson Williams à traité un enfant glycosurique de 15 ans, successivement par in- gestion de pancréas, injection d'extrait glycérique, greffe de fragment de pancréas de mouton; il n’oblint aucune amélioration, et, l’enfant ayant succombé, on constata une sclérose atrophique complète de la glande. Quelques amélioralions ont cependant été cilées par Lisser, Ausset, Combes. 2, Rein. — Le fait de l'existence d'une sécrétion interne rénale est démontré cliniquement par l'absence de phénomènes urémiquesdans certains cas d’anurie, et expérimentalement par la survie notable avec retard dans l'apparition des accidents urémiques de chiens néphrectomisés, auxquels on injecte du suc extrait de la substance corticale du rein (Brown-Séquard, Meyer). L'urémie est donc le résullat non seulement de l'accumulation dans le sang des toxines normalement éliminées par les urines, mais aussi et principalement de l'absence des produits versés dans la ciculation par l'appa- reil glandulaire rénal. Ainsi, l’urémie est plutôt fonelion de lasuspension de la sécrélion interne du rein que de celle de l'excrétion de l'urine. Par- tant de ces données, M. Dieulafoy aemployél'extrait rénal en injections dans un cas désespéré d’urémie avec anurie, avec une amélioration passagère des symptômes, caractérisée par la disparition du coma eLle rétablissementullérieurde la fonction urinaire. Celle même médication, essayée dans l’albumi- nurie par Teissier et Frankel, aurait eu pour résultat de relever le coeflicient urotoxique, sans avoir, du reste, aucune action diurélique. D' P. MAUBRAC &r G. MAURANGE — L'OPOTHÉRAPIE 1243 3. Parotide. — Cesont encore les relations patho- logiques de la parotide et de l'ovaire qui ont ins- piré à R. Bell d'employer l'extrait de la glande salivaire au traitement des ovarites. L'ingestion parotidienne aurait, dans ces cas, donné les meil- leurs résultats. Jusqu'à plus entière confirmation, il vaut mieux s'adresser à l’ovarine. 4. Foie. — On sait qu’en outre de la fonction gly- cogénique, le foie joue un rôle prépondérant dans la formation de l’urée. On connait aussi la double action destructive qu'il exerce Lant sur les poisons biliaires que sur ceux qui sont apportés dans la circulation par la voie digestive. Il était naturel de penser que l'injection de liquide hépatique pou- vailprévenir les accidents dus à l’ablation du foie: cette expérience a élé réalisée avec plein succès par Massini, qui a pu, au moyen d'injections d’ex- trait hépatique, obtenir une survie appréciable chez un animal auquel il avait praliqué l’extirpa- tion de la presque lotalité de l'organe, fait ordi- nairement incompalible avec l'existence. La médicalion hépatique, dont l'huile de foie de morue serait, suivant l’heureuse expression de M. Bra, l'application « avant la lettre », a été em- ployée par Vidal (de Blidah) et plus récemment par Cadiot et Roger, F. Widal, dans le traitement de la cirrhose hypertrophique, par Gilbert et Carnol dans le diabète. Attendons les résultals. $ 6. — Organes à rôle fonctionnel. Dans ce dernier groupe nous prenons les organes qui, sans sécrétion proprement dite, ont surtout un rôle fonctionnel, tel le cerveau, le cœur, le poumon, la prostate, le cartilage, le muscle. 1. Cerveau. — Constantin Paul, en 1893, choisil l'extrait du cerveau de mouton, pour introduire la transfusion nerveuse dans la thérapeuliqueinfan- tile. Malgré les résultals encourageants qu'il obtint, surtout dans la neurasthénie : retour des forces, disparilion de l'insomnie, réveil de l’ap- pétit, résultats que Moncorvo, Felkin et quelques autres ont constaté, l'emploi de cette substance en opothérapieest aujourd’hui presque abandonné, et les périodiques ne contiennent que de rares communications concernantla cérébrine. Ilsemble que les améliorations n'ont pas été conslantes entre les mains de Lous ceux qui l'ont employée. A Queen Square’s Hospilal l'administralion de substance cérébrale n'a donné aucun résullat ‘Horsley). _ 2. Cœur. — Le liquide carditique ou cardine, extrait glycériné de cœur de bœuf, injecté sous la peau, aurait, d'après Hammond, une action très rapide sur le poule. L'élévatlion de la lension arté- | rielle, l'augmentation du nombre des globules, un effet diurétique, seraient les principaux phéno- mènes observés. Hammond aurait employé avec succès la cardine contre la faiblesse du myo- carde. 3. Prostate. — La prostate desséchée et pulvérisée a été employée par M. Bazy dans le traitement de l’Aypertrophie prostatique, concurremment avec la médication thyroïdienne. Les résultals obtenus ont élé, dans un cas, le retour temporaire de la miction volontaire. Remert aurait obtenu, sur quatre malades, deux succès incomplets. 4. Cartilages. — Samuel Hyde a préparé un extrait de cartilages articulaires et de membranes syno- viales, qu'il se propose d'employer dans les affec- tions articulaires chroniques, y compris l'arlhrite sèche. Les résultats ne nous sont pas connus, 5. Muscle. — L'extraitde muscle pourraitétreuti- lisé danstoulesles atrophies musculaires essentielles (Brown-Séquard). Nous ne possédons encore sur ce point aucune observation clinique pouvant con- firmer celle hypothèse. N 7. — Autres organes. Un grand nombre d’autres organes ou tissus ont élé encore ulilisés : moelle épinière, intestin (mu- queuse etsous-muqueuse), duodénum (muqueuse), trompes, etc. Mais nous ne disposons pas encore de documents assez précis, d'observations assez démonstratives pour signaler ici, autrement que par une simple énumération, les essais dont les résultats sont demeurés incertains. IV. — CoxcLUSION. L'opothérapie, employée avec discernement, dans des cas déterminés, a donné des résullats heureux, quelques-uns même fort remarquables. Et cependant c’est une mélhode encore dans l'enfance : ses principes aclifs sont inconnus, ses indications sont loin d'êlre précises, on en est encore à la période destätonnements. Enregistrons néanmoins les fails favorables connus, pour en ürer profit dès maintenant, sansoublier que dans la méthode lout est encore primitif et doit se mo- difier ou se perfectionner. Lorsque sera plus appro- fondie, au point de vue chimiqueet physiologique, la connaissance de la sécrélion interne des glandes, la méthode, reposant sur des bases plus scienti- tiques, élendra et précisera son champ d'action. Mais déjà les résultats acquis ont fait, dans l’art de guérir, une place fort honorable à l'opothé- rapie. Ê D P. Maubrac el G. Maurançe. 124% L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE 64.26 L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE La fécule, ou amidon de pommes de terre, est en France l’objet d’une trèsimportante consommalion. Dansune proportion toujours croissante, l’industrie de la papeterie s’en sert pour l’encollage ; le tissage du coton et du lin la met à profit pour apprêter ses fils ; enfin, la glucoserie la transforme en matière sucrée ulilisée pour la fabrication à bon marché des liqueurs, vins de seconde cuvée, petites bières, sans compter divers usages tels que l'alimentation, la fabrication de colle de pâte, etc., dont l’appoint estencore sensible. Ces débouchés assurent à la féculerie française un débit annuel de 600.000 sacs de chacun 100kilos. Malgré cetle importante production, la féculerie est aujourd’hui peu prospère dans notre pays, alors qu’en Allemagne elle donne des bénéfices appré- ciables. Nos concurrents allemands savent s’asso- cier pour discuter les intérêts généraux de leur métier, prendre en commun les mesures les plus propres à en favoriser le développement, mettre à l'étude les questions économiques et scientifiques dont dépend le progrès de leur industrie, et ils ont aussi soin d'introduire dans leurs usines les pro- cédés scientifiques, le contrôle chimique, la coopé- ration de l'ingénieur et du savant. Comme nous le verrons, ce n’est pas à la diffé- rence entre les salaires payés en France et les sa- laires payés en Allemagne, qu’il convient d’attri- buer la différence des résultats financiers : la ques- tion de main-d'œuvre est, dansl'espèce, secondaire, tandis que la perfection du travail est chose capi- tale. Or, il faut bien le dire, le progrès de la fabri- calion n’est guère le souci dominant des féculiers français; la science ne pénètre pas dans leurs fa- briques aussi largement que dans les fabriques allemandes ; des questions d’un haut intérêt tech- nique, non seulement demeurent sans solution, mais ne sont même pas abordées, pour cette simple raison qu'elles relèvent de la recherche scientifique, à laquelle nos manufacturiers ne sont guère portés à recourir ‘. ! En France, la plupart des féculeries sont dirigées par les propriétaires des usines; que ceux-ci aient été élevés dans le métier ou s'y soient engagés sans grande initiation pratique, c'est en commerçants, non en industriels, qu’ils l’exercent. N'étant point passés par les écoles, ils n’ont généralement aucun savoir scientifique, ni, qui pis est, aucune, foi dans la science. C’est là un état d’ime fréquent dans le monde des allaires. Arrivés à la fortune par l'intelligence et le travail, c’est-à-dire par le fait de l'effort personnel, sans l’aide d'aucun enseignement, beaucoup dyndustriels ne remarquent mème pas que les machines employées, les procédés mis en œuvre C'est cel état de choses qui nous engage à exposer ici, au moins dans ses grandes lignes, l'élat actuel et surtout les besoins de la féculerie française. LI. — HISTORIQUE. Sans entrer dans le détail des tentatives succes- sives en vue de faire pénétrer la pomme de terre en Europe, nous rappellerons que c'est vers 1790, et grâce à la persévérance de Parmentier, que ce précieux lubercule commença à être apprécié à sa juste valeur. Mais ce n’est que quarante ans après, en 1830, que se montèrent les premières usines ayant pour but d’extraire la fécule des tubercules. Très primitive dans ses débuts, l’industrie n'em- ployait alors que le broyage à bras; bientôt on chercha à utiliser, dans ce travail pénible, la force animale, et les premières usines à manège furent créées (1840). Presque en mème lemps,la force hydraulique fut appliquée, et, encore de nos jours, nombre de féculeries des Vosges et de l'Oise travaillent ainsi; mais, en raison de l'irrégularité de cette force motrice, il fut bientôt indiqué de lui substituer celle des machines à vapeur, seule em- ployée aujourd’hui dans les fabriques de création récente. dans leurs usines sont des produits de la science. Commeils se sont passés d'elle, ils ne doutent pas que, sans elle, le succès puisse continuer. Ceux qui désirent que leurs enfants leur succèdent, pourvoient leurs fils du grade de bachelier — qui estampille gentleman — mais négligent de les instruire, et surtout se gardent de les envoyer dans les écoles techniques, de peur d'en faire des «théoriciens »! Le vicux préjugé contre Vétablissement scientifique, auquel le bourgeois demande d'être un atelier, une véritable usine, et dont il ne concoit pas autrement la vertu éducative, règne toujours. Que de fois, en Normandie, avons-nous entendu des manufacturiers manifester hautement leur répugnance à prendre comme em- ployé un ancien élève de l'Ecole Centrale, de l'Ecole des Mines, du Conservatoire des Arts et Métiers, ctc.! Entre ce jeune ingénieur, auquel ils reprochent d'ignorer la pratique du métier, et le premier campagnard venu, qui ne la sait pas davantage, ils n'hésitent pas: ils choisissent celui qui n'oflre pas la tare originelle du «théoricien » ; et la routine continue. Au contraire, l'industriel qui, en sa jeunesse, a suivi quel- ques cours et fréquenté les laboratoires, apporte dans la gestion de son usine un tout autre esprit. Mème s’il a oublié les doctrines enseignées, les faits les plus élémentaires, une chose précieuse lui reste : cette simple notion que la science existe et qu'elle sert à quelque chose; conscient de son insuflisance, il appelle à lui l'ingénieur, le chimiste, par- fois le micrographe, et les introduit dans sa fabrique. Si les monographies des grandes industries de la France, dont nous avons entrepris la publication, n'avaient d'autre résultat que de provoquer la réflexion sur ce sujet et d’amor- cer contre les errements actuels une réaction eflicace, ce service rendu à nos industries nationales récompenserait, à lui seul, toutes les peines que se donnent nos savants et dé- voués collaborateurs. (NoTE LE LA DIRECTION.) INSTITUT DE BEAUVAIS © CZARINE AUS MERVEILLE d'AMÉRIQUE BLAU RIESEN JEANCÉ CHARDON BLANC PRE CHARDON ROUGE CANADA PRE = Fig. 1. — Variélés de pommes de lerre cullivées pour l'industrie de la fécule. — (Ces différentes espèces sont représentées ici à la méme échelle correspondant environ au 1/3 de leur grandeur naturelle). Institut de Beauvais, Pomme de terre jaune ovale, peu riche en fécule, presque abandonnée aujourd'hui. — Chardon blanc et Chardon rouge (Ked Skinned), très appréciées par la féculerie, renferment 16 à 18 °/, de fécule; rendements moyens à l'hectare. — Blau Riesen ou Géante bleue, appelée aussi Pomme de terre évêque à cause de sa robe violette; grands ren- dements à l’hectare ; elle s’est améliorée d'une facon notable depuis son introduction dans la culture industrielle (16 à 18 °/, de fécule); elle est très réfractaire à la maladie. — Richter’s Imperator, Pomme de terre d'origine allemande, la meilleure actuellement connue pour la féculerie (18 à 22 0/, de fécule); cette fécule s'extrait plus facilement que dans les autres variétés, à richesse égale; très cultivée dans l'Oise. elle tend malheureusement à dégénérer.— Czarine, Pemme de terre ronde, jaune à yeux enfoncés colorés enrose;elle estcultivée surtout aux environs de Paris; grands rendements àl'hectare (16 à 20 ® de fécule). — Jeancey, spéciale aux Vosges, jaune ronde (17 à 21 0/, de fécule). — Les autres variétés cultivées, surtout pour la consommation,de bouche, ne sont qu’accidentellement livrées à la féculerie. 1246 L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE NA ERE PREMIERE sont insuflisants. [ls ne donnent que des indica- Ù 7 tions trop vagues, tantôt supérieures, tantôt infé- $ 1. — Particularités culturales de la pomme de | rieures à la réalité, par suite du défaut d'homogé- terre de féculerie. Les variétés de pommes de terre utilisées indus- triellementsont(fig.i,:la Richter s Imperator, la Blau Riesen (Géante bleue), la Jeancey ou Vosgienne, la Chardon rouge et blanche, la Czarine, VInstitut-de- Beauvais, la Magnum bonum, la Canada, Ya Merveille d'Amérique, la Géante sans pareille et V'Erly rose. L'assolement se fait habituellement après cé- réales, blé ou seigle. Le sol convenant à la pomme Fig. 2. de lerre el montrant les cellules avec leurs parois el les grains de fécule qu'elles renferment. (Photographie.) — La majeure partie des grains de fécule dont sont bourrées les cellules a été enlevée au moment de la préparation de la coupe. — Coupe faite à travers le parenchyme d'une pomme de terre doit être sablo-argileux, léger, friable, perméable et profond. Le choix du plant a une très grande importance et, de plus, les tubercules doivent êlre plantés entiers, sous peine de voir la pourriture s'y dé- velopper. Les engrais employés au printemps comportent les éléments habituels, azote, acide phosphorique, auxquelsilimporte d'ajouter la po- tasse, élément spécialement requis dans l’espèce. La pomme de terre est livréé à la féculerie à raison de 101 kilos pour 100 kilos payés. Aucune restriction sur le prix d'achat n’est faite actuelle- ment suivant la richesse en fécule du produit livré, pour la raison que les procédés de dosage propo- sés jusqu'ici et presque tous basés sur la densité, néité du tubercule et des vides qui y existent accidentellement. Le seul procédé exact est encore la saccharification par l'acide sulfurique dilué et le titrage du glucose formé par la liqueur cupro- potassique ; maisles féculiers, peu versés dans les manipulations chimiques, considèrent ce procédé comme élant du domaine du laboratoire et n'y f/ RS VA LE SN : AE À Fig. 3. — Dessin schématique montrant la répartition des grains de fécule dans les cellules. recourent pas plus qu’au procédé Baudry(saccha- rification par l'acide salicylique) qui nécessite l’em- Fig. 4. — Dessin schémalique montrant lu forme et la cons- lilulion des grains d'amidon. ploi du saccharimètre et qui est loin, du reste, de donner toute satisfaction. Il est regrettable de constater que, pour ces rai- sons, l'achat à la richesse en fécule n'est pas pratiqué en féculerie, alors que cette manière de procéder aurait, pour l'industriel et l’agriculteur, de réels avantages. En cette occurrence, le rôle des associations syndicales se trouve tout indiqué: mettre au concours la recherche d’un procédé pralique permettant de déterminer, rapidement et sur une ràpure de la pomme de terre, la richesse en fécule. Le résultat serait, nous n’en doutons pas, bientôt obtenu; mais il faut que l'initiative en L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE 19417 soit prise, et, ce que le particulier ne peut faire seul, l'union peut l’obtenir; il faudrait naturellement que les sommes allouées couvrissent les frais des recherches qu’une semblable élude ertrainerail. Entre la récolte des pommes de terre et leur emploi en féculerie, il se passe parfois un certain temps, et cela pendant la saison la moins favorable à la conservation des Tout le travail de l’industrie consiste à déchirer, de la façon la plus parfaite possible, les cellules parenchymateuses, de facon à mettre en liberté le grain de fécule, et, d'autre part, à le séparer des matières étrangères insolubles ou solubles, ce qu'on fait au moyen de tamis appropriés et de lavages abondants. III. — OPÉRATIONS tubercules; à cause des pluies et de l’hu- = INDUSTRIELLES. midité qu'elles en - trainent, certains soins sont nécessai- res, si l'on veut ré- duire au minimum la perte entrainée par la fermentation et la germination, quiren- lime Fig. 5. — Débourbeur. — ABCDEF, auge demi-cylindrique en tôle. Dimensions : À B = 0075; E F — 3m, —_ G H, arbre mobile suivant l'axe du cylindre, muni de tiges à boules. Cet arbre est commandé par la poulie K. — Les pommes de terre déposées avec de l’eau dans la cuve sont débarrassées de la terre adhérente par les boules du débourbeur. Une condition es- sentielle de succès en féculerie est l’abon- dance et la qualité de l'eau employée dans la série des opéra- tions ; la quantité n'est pas négligea - dent la fécule solu- ble et, par suite, non récupérable. A cet effet on dispose le tubercule en silos où la tempé- rature est surveillée attentivement : lorsqu'elle s'élève trop, cela provient de la pourriture, et il faut s'empresser d'employer la pomme de lerre. Quant à la gelée, elle ne produit pas d’altération sensible du grain, mais ramollit le parenchyme, qui se rompt alors diflici- lement sous l'effort de la râpe; dans ce cas il est préférable de travailler les pommes de terre en- core gelées pluiôt que d'attendre le dégel. La qualité du produit laisse cependant toujours à dé- sirer, surtout pour l'em- ploi en tissage, car l’em- pois ne se forme plus que difficilement. $ 2. — Composition des ble, car la pomme de terre demande environ 10 fois son poids d’eau pour être travaillée : soit 8 à 10 hectolitres (celle du géné- rateur comprise) pour 100 kilos de tubercules ; soit, pour un travail moyen de 50.000 kilos, 5.000 hec- tolitres par jour. Cette eau doit présenter une très grande pureté, surloul dans les opérations subsé- quentes du lavage; elle doit être exempte de composés ferrugineux, de matières organiques et de parasites végétaux. Cette pureté des eaux est tellement nécessaire que les fabriques faisant la plus belle fécule sont, sans conteste, celles qui disposent des eaux les plus pures, et la renom- mée des fécules des Vos- ges, comparativement à celle des autres régions, est due en grande partie tubercules. aux eaux torrentielles,rou- Le tubercule est formé d’un tissu cellulaire (fig. 2 et 3) ou parenchyme, dont Fig. 6. — Elévaleur de pommes de terre. — À, tôle envelop- pant l’hélice; C, trémie recevant la pomme de terre; B, crapaudine supportant l'axe de l’hélice élévatrice; D, vi- dange de l’hélice ; E, graisseur alimentant la crapaudine ; G, rampe d’arrosage de la pomme de terre pendant son ascension. lant sur fond granitique, qui alimentent les usines. Ces conditions géné- rales élant réalisées, sui- les cellules sont bourrées de grains de fécule (fig. 4),etrenferment aussi divers | produits pourlapluparten solution dansle suc cellu- laire. La teneur en eau est, en moyenne, de 75 °/,. La composition, au point de vue chimique, est : LERMAORESS GER Fc HÉMÉbADEE Tone du rLoBda de 14,00 IHOTIEE à 20 226 C8 CRM A TE 20,00 Epiderme, cellulose, pectose, pectate de chaux. 1,65 Albumine et matères azotées..,.............. 1,50 SATA see bee clore ini dela tee areas 0,12 | TARIERES EE TA SN OS SPP eee ner 0,10 } 4,35 Sucre, résines, huiles essentielles, solanine... 1,07 \ Citrate de pot., phos.de chaux,Mg O.SiO?Fe?03, 1,56 100,00 } vons maintenant la série des opérations industrielles à effectuer. $ 1. — Lavage. Les pommes de terre sont, après pesage, ame- nées soi! directement, soit des silos, au débour- beur (fig. 5). Get appareil se compose, en général, d'une auge en tôle de 075 de diamètre et 3 mètres de longueur, ayant la forme d'un demi- cylindre, et dontl'axeest constitué par un arbre dans lequel sont implantées des tiges munies de boules 1248 L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE et disposées suivant une hélice; la rotation de l'arbre entraine la pomme de terre lentement d'un bout à l’autre du demi-cylindre; les tubercules y barbotent dans l'eau; de temps à autre, au moyen d'une vanne à guilloline, on évacue les eaux bour- beuses du côté où arrive la pomme de terre. Le personnel employé à ce travail pour une quantité de 3.000 kilos à l'heure est de trois hommes le jour et quatre la nuit. Les tubercules sortant du débourbeur sont pris par l’élévateur qui les transporte au lavoir. L’éléva- teur est constitué (fig. 6) par une hélice dont l'axe est incliné à 35°. Engagées dans chaque spire, les pommes de lerre sont obligées de mon- ter et reçoivent pendant celle ascension un jet d’eau qui complète l’action du débourbeur. — à la râpe; l’épierreur a, en général, une longueur de 4 50 à 2 mètres suivant la distance qui existe entre le lavoir et la râpe. La quantité d’eau employée dans ces trois appa- reils essentiels, débourbeur, élévateur, lavoir, esl de 95 à 28 hectolitres à l'heure par Lonne de pommes de terre, soit 75 à 85 hectolitres à l’heure pour un travail moyen de 3.000 kilos. Le lavage a, en féculerie, une importance capi- tale, attendu que toutes les impurelés non enlevées préalablement, terres, boues, se délaient et pas- sent au lamisage en donnant à la fécule une teinte défectueuse; il est donc de toute nécessité de surveiller minutieusement les opérations prépa- ratoires, car le produit que l'on cherche à extraire n’est pas soluble comme le sucre que l’on épure Fig. 7. — Lavoir et son épierreur. — Le lavoir est composé, comme le débourbeur (fig. 5), d'une auge demi-cylindrique et d'un arbre portant des palettes B. Les pommes de terre, amenées par l’élévateur, y sont soumises à l'action d’un courant d'eau et à celle des palettes; elles se débarrassent complètement de la terre qui les entourent. La terre passe par le fond G percé de trous, tombe sur un plan incliné et peut étre évacuée par la vanne F, commandée par la vis H. L’épierreur est situé à droite; son fond C, également percé de trous, est situé en contre-bas. Il est constamment plein d’eau; les pommes de terre, légères, amenées par le mouvement des palettes B, flottent à la surface de l’eau, tandis que les pierres, plus lourdes, tombent en E, d’où elles sont évacuées par la vanne D. À, poulie recevant son mouvement d’une machine et le transmettant à l’axe du lavoir. J, bâti de l'appareil. Arrivées au sommet de l’élévateur, les tubercules tombent dans le lavoir proprement dit (fig. 7) com- posé, comme le débourbeur, d'un demi-cylindre et d’un arbre à palettes, mais divisé en deux parties latérales. L’une, celle de gauche sur la figure, a son fond G constitué par une tôle percée de trous qui laissent passer la terre; celle-ci tombe sur un plan incliné vers la gauche et estévacuée par la vanne F; l’autre compartiment, celui de droite, a son fond C en contre-bas; il est destiné à enlever la majeure partie des pierres; c’est dans celui-ci qu'arrive l’eau propre; cetle eau chemine de droite à gau- che et se rend dans le compartiment de droite; là les pommesde terre, déplacées parles palettes B dis- posées en hélice sur l’arbre, circulent de gauche à droite. Le tubercule tombe alors dans l’épierreur C, où une vis hélicoïdale tourne sans cesse; les pier- res plus lourdes tombent au fond; les pommes de terre, plus légères, flottent dans l’eau, et, saisies par les premières spires de l’hélice, sont conduites par filtration, mais bien insoluble, et jouit des mêmes propriétés que les autres corps solides, terres, sables, etc. $S2. — Râpage. Pour mettre les grains de fécule en liberté, il faut déchirer les cellules qui les renferment, mais non pas les broyer, ce qui aurait pour effet : d’une part, d’altérer le grain; d'autre part, de rendre les débris de cellules assez fins pour passer aux tamis, et cela même empécherait de les séparer. Il faut donc employer comme appareils diviseurs ceux qui déchirerort le mieux le parenchyme sans allérer le grain. Le principe de la ràpe employée en féculerie est connu depuis fort longtemps; perfectionné d’une façon notable par Joly, le même modèle est em- ployé dans la presque totalité des usines: ilse com- pose (fig. 8) d’un lambour en bois garni de lames à dents de scie À ; ces dents sont écartées de 2 milli- L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE 1249 mètres environet les lames espacées de 10 à 15 mil- limètres; ce tambour est monté sur un bäli reposant directement sur une fosse cimentée, dans laquelle s'écoule la pomme de terre ràpée. La ràpe Jolv présen- te surtout comme per- feclionnement certains organes accessoires qui permeltent une di- vision des plus par- faitesetempêchentque cerlains gros morceaux appelés semelles res - tent non divisés. Ces accessoires se COMpO- sent : tement après le premier, soit en opérant sur le produit épuisé par un premier lamisage. L'appareil employé (fig. 9) est basé sur la mème principe que le ràpe Champonnois des distilleries de betteraves; la pulpe râpée est ver- sée dans l’entonnoir courbe B, et, de là tombe dans le cylindre D. C'est dans ce cylindre qu'est la râpe. Ses dents sont fixes. La matière est frottée sur ces dents au moyen de barreltes E E montées sur un ar- bre moteur A; la force centrifuge amène la ma- tière sur ces dents et le produit divisé passe entre les lames pour tomber sous le moulin et être envoyé au pre- {1° D'une plaque d’ap- proche D chargée par un contrepoids E qui force la pomme de terre à s’ap- pliquer sur les dents de la râpe ; ce poids est ré- Yi W_ TINQ DES VTT mier ou second tami- sage. Une cavité G est ménagée au bas du tam- bour pour recevoir les corps élrangers; une porte mobile (H, H) per- met de les extraire de glé de facon à ne pas être LP, Tr Wa assez fort pour permet- #17 JA temps en temps. s my = Far tre l’atlaque des corps durs tels que bois, pier- Fig. 8. — Räpe à pommes de terre. — À. tambour en bois garni de Ce contre -ràpage res, lorsqu'il s’en pré- lames à dents de scie. — B, grille tamiseuse empêchant les groS onne d'excellents ré- sente, et il est facile de les retirer saus arrêt en soulevant la plaque ; 20 D'une pièce d’ap- proche en bois dur G qu'il est possible de ré- gler par une vis de rap- morceaux ou semelles de tomber dans la fosse inférieure et les maintenant sous la râpe jusqu’à ce qu'ils soient complètement divi- sés. — D, pièce d'approche chargée par un contrepoids E et for- cant la pomme de terre qui vient d'en haut à s'appliquer sur les dents de la râpe. — G, pièce d'approche en bois dur, réglée par une vis de rappel située à sa droite, et obligeant également le tubercule à passer près de la räpe. sultats à l'extraction et nous verrons, en parlant des rende - ments, qu'une pulpe déchet de paren - pel; cette pièce G touche presque les dents A et oblige , les tubercules à passer dans un espace restreint; 3° Enfin, d’une grille tamiseuse B, qui recouvre la der- nière portion inférieure du lambour; l’écartement des barreaux est tel que les se- melles ne puissent passer; — = celles-ci restent donc dans le | corps de la räpe jusqu'à ce qu'elles soient assez divisées pour passer au travers de la grille; elles tombent alors dans la fosse située sous la chyme) renfermant 50 de fécule pour 100 de ma- tières sèches peut facilement êlre amenée à la teneur de 35 à 40 °/, seulement. $ 4. — Tamisage d'extraction. Les tubercules étant ré- En duits en bouillie, celle-ci est ràpe. En mème temps que s’ef- fectue le ràpage, on faci- lite la division et la sor- aspirée par des pompes à boisseau el à boulels dis- posées spécialement pour l'aspiration er le refoule- ment des malières épais- ï] OT NN SRE SELLES ARE tie du produit par un arro- sage abondant; la quantité d'eau nécessaire est environ de 12 hectolitres à l’heure par tonne de tubercules,soit 36 hectolitres pour un tra- vail de 3.000 kilos; la force absorbée est de 5 à 6 chevaux. $ 3. — Contre-Râpage. Dans les usines montées récemment, on procède à un second ràpage; celui-ci a lieu soit immédia- Fig. 9. — Contre-rûpe. — La pulpe räpée est versée par l'entonnoir B dans le cylindre D garni intérieu- rement de dents. La matière est frotitée contre ces dents au moyen des barrettes EE mues par l'arbre moteur AA. — G, cavité recevant les corps étran- gers qui sont ensuite évacuées par la porte H H. ses; le produit féculent est alors envoyé à l'intérieur du premier jeu de tamis rotatifs, dans le but de séparer la fécule des dé- bris de parenchyme dé- chiré, c’est-à-dire de la pulpe, en terme de mélier. Les tamis rotalifs peuvent avoir une forme carrée, hexagonale ou cylindrique; celle der- nière est presque toujours adoptée dans l'Oise ; ils se composent (fig. 10 de deux parties sy- 1250 L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE em métriques demi-cylindriques formant châssis en bois, sur lesquelles on cloue une toile métallique fig. 11) ordinairement en cuivre rouge, n° 40 à 50m La surface tamisante se trouve habituellement répar- tie sur deux appareils qui portent le nom de tamis extracteurs. Seulement, comme au bout d’un courtche- min à l’intérieur du tamis, la pulpe forme un boudin qui ne laisse plus échapper la fécule, il est nécessaire de procéder à un redélayage, lorsque la pulpeaparcouru environ un mètre; c'est pourquoi chaque tamis proprement dit est divisé en quatre troncons de 1 m. 40 séparés par des augets dans lesquels arrive de l'eau. La pulpe délayée est alors reprise par des da- naïdes, ou palettes, et reversée à l’intérieur du tron- con suivant. Les tamis ont, en général, une longueur de 5 m. 50; Fig. 10.— Tamis exlracteur. — La pulpe arrive par le con- duit E dans le premier troncon F du tamis extracteur, formé de deux parties symétriques demi-cylindriques sur lesquelles on a cloué une toile métallique. Le tamis est animé, par l'intermédiaire des poulies C et D d’un mouve- ment de rotation rapide; par l’action de la force centri- luge, la fécule est séparée de la pulpe et s'échappe au tra- vers de la toile métallique dans l’auge K. La pulpe, en partie épuisée, sort du troncon F et passe en G au moyen d'une palette appelée danaïde, et ainsi de suite, Pour faci- liter l’extraction, les tamis sont continuellement mouillés par des filets d’eau qui tombent des orifices du tube À B placé au-dessus. La fécule délayée dans l’eau sort en Let la pulpe plus ou moins complètement épuisée en M. leur diamètre ne doit pas dépasser 0 m. 50 sous peine de former trop facilement le boudin; leur vitesse rotative est de 1/2 tour par seconde. Au moyen d'un tuyau percé de trous, toute la surface tamisante est arrosée extérieurement d’eau pour éviter le gommage et le bouchage des trous; la quantité d'eau employée est de 65 hectolitres à l'heure par lonne de pommes de terre, soit 195 à 200 hectolitres pour 3.000 kilos. —————————————————_—_—_________——_————.— 1! Disons ce qu'on entend pratiquement par numéro de la toile d'un tamis; ce chiffre, tout arbitraire au premierabord, représente le nombre de leurs fils que l'on trouve dans une largeur de 27 %, 4, ou un pouce. Les numéros employés en féculerie ne commencent guère qu’à 40 et vont en augmentant de plus en plus à mesure que l’épuration du produit s'avance: en d’autres termes, le nombre des fils augmentant au pouce carré, il s'ensuit que l’espace existant entre eux devient d’autant plus petit et les trous de plus en plus faibles à mesure que le numéro augmente. — D’après M. Thomas, on doit compter au minimum 5 mètres carrés de surface tamisante par tonne de tubercules râpés, soit 145 mq. pour l'usine type que nous avons considérée travaillant 3.000 kilos à l'heure. Nous remercions ici MM. Thomas et Hébert du prèt qu'ils ont bien voulu nous faire de leurs clichés. N 5. — Tamis d'épuration. La matière qui provient du râpage a été séparée : en deux parties: l’une contenant la fécule impure, délayée dans l’eau qui coule dans le bâli du lamis extracteur; l’autre représentant les débris de cel- lules ou pulpe plus ou moins épuisée en fécule. — Lorsque l'usine dispose d’un contre-râpage, cette pulpe, divisée à nouveau, est envoyée dans un jeu de tamis habituellement à chässis et mis en mou- vement par secousses; le liquide Lenant la fécule en suspension est réuni au précédent sortant des tamis exlracteurs, et passé au {amis épurateur. Le tamis épurateur est identique comme construction aux tamis extracteurs; le numéro de la toile est seule- ment plus élevé, 80 à 100 ; il est en outre muni d'un arrosage intérieur; on lui donne comme surface tami- <== 27% mm ----> a #0 mailles =-- Fig. 11.— Exemples de diverses loiles employées en fécule- rie (grandeur réelle). Le numéro de la toile indique le nombre de fils contenus dans 27 mm. 1/4. sante 2 m. 50 par tonne de pommes de terre. La lon- gueur varie de # à mètres. La quantité d’eau employée par les tamis à secousses, lorsqu'ils existent, est de 19 hectol. par 1.000 kil. de tubercules, soit 60 hectol, environ pour 3.000 kil. Quant à la pulpe, elle est prise par une pompe el envoyée au dehors pour l’égoultage dans des fosses dont les dimensions sont calculées à raison de 1/3 de mètre cube par tonne de tuber- cules travaillés ; quelquefois ils sont immédia- tement pressés au moyen d'appareils continus empruntés généralement à la distillerie de bette- rave (presse Dujardin). $ 6. — Plans de dépôt de la fécule. Le liquide féculant, sortant des lamis épurateurs et débarrassé en presque totalité de la pulpe, est envoyé dans des bassins, tantôt circulaires, lantôt rectangulaires, disposés sur le sol et appelés plans de dépôt. Ces plans présentant habituellement une surface de 100 mq. répartie en une série de caniveaux ayant 0 m. 60 à O0 m. 70 de largeur et formés par des mu- rettes de 0 m. 50 de hauteur disposées en escargot. L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE 1251 L'inclinaison du fond est aménagée à { “" par mètre, de sorte que le lait de fécule chemine lentement en laissant déposer peu à peu son contenu, qui est en suspension. On coule sur ce plan pendant 8 à 10 heures; la fécule relevée est délayée dans une cuve en maçonnerie, placée au centre du plan et munie d’un agitateur ; le lait de fécule est alors pompé et envoyé aux cuves à dégraisser !. doivent avoir, pour un travail de 3.000 kilogs de pommes de terre à l'heure, 6" ><6"X 4"; elles contiennent par conséquent 450 me. environ ; elles sont au nombre de trois, et on coule alternative- ment pendant 8 heures sur chacune; le dépôt est ensuile enlevé par délayage. $S 7. — Cuve à dégraisser. Le produil du délayage de la fécule des plans Fig. 12. — Cuve Gaudet pour le dépôt de la fécule. — La cuve est primitivement remplie d’eau au moye du tube G; puis on y fait arriver, par le tuyau À, le lait féculent qui sort des tamis d’extraction. La fécule se dépose peu à peu et tombe au fond, tandis que l'eau monte et se déverse, par la rigole circulaire C cet le tuyau de sortie D. Lorsqu'un peu de fécule commence à sortir en D, on arrête l'arrivée en A. On procède alors au délayage. La poulie L, mue par une courroie de transmission transmet, son mouvement à l’arbre J et fait tourner les agitateurs B. Le produit du délayage est ensuite envoyé dans les cuves à dégraisser. K, contrepoids soutenant l'arbre J. F, indicateur de niveau. I, galcrie circulaire. M, escalier pour descendre à l’intérieur de la cuve. Dans plusieurs usines nouvelles, les plans en longueur sont remplacés par une cuve en hauteur, cuve Gaudet (fig. 12; préalablement celle-ci est remplie d'eau ; on fait arriver au fond le lait fécu- lent ; il y abandonne peu à peu la matière en sus- pension etsort par le haut de la cuve complètement dépouillé, puis est enlevé par débordement. Lors- qu'un peu de fécule commence à sortir, on arrête l’affusion et on coule sur une autre cuve. Ces cuves 1 Dans les usines bien installées, pour éviter l'arrêt dû au relevage des plans,on a soin de disposer ceux-ci en double; mais la plupart des féculeries ne travaillent que de jour, de 5 heures du matin à 10 heures du soir, minuit au plus. est envoyé dans une cuve à dégraisser, dont la ca- pacilé varie de 200 à 300 hectolitres au maximum, en même temps qu'une grande quantilé d’eau; on laisse alors reposer jusqu'à éclaircissement par- fait; puis l'eau est décantée au moyen de trous latéraux munis de bondes (clarinette). La majeure partie des impuretés moins denses que la fécule se trouve à la surface sous forme de dépôt gris, gluant, portant le nom de yraisses ; on enlève ces graisses par grattage de façon à mettre à nu la fécule pure; celle-ci est alors remise en suspen- sion dans l’eau, pompée et envoyée à la Lable à _ blanchir (fig. 13). 1952 L. LAZE — L’ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE $ 8. — Blanchiment. Le laitde fécule arrive dans un tamis rotatif de 2 mètres de longueur seulement, famis à blanc A, fig. 13), disposé comme ceux que nous avons déjà décrits ; le numéro de toile est plus fin (140 à 180),etle plus souvent le tissu est en soie au lieu de cuivre. Ce tamis se trouve placé en tête d'une vaste table (C D, fig. 13) dite table à blanchir, ayant comme dimensions 2 m, X 8 m. et présentant un rebord de O m. 50; la fécule se dépose à nou- veau, et, lorsque la table est chargée, on procède à un léger grattage de la surface en même temps que l’on fait couler un léger courant d'eau; les dernières impuretés sont entraînées, et le produit restant sur la table a une parfaite blancheur. Les tables à blanchir se font soit en maconnerie, soit en tôle: celle dernière disposition est préférable ; à l'extrémité opposée à l’arrivée se trouve une vanne E que l’on relève au mo- yen du contre-poids F de façon à régulariser la sortie de l’eau ; dans certaines féculeries, au lieu d’une vanne, on dispose une série de régleties de bois que l'on ajoute suc- cessivement. par le contrepoids F. Un autre procédé deblanchiment.créé en ces dernières an- nées, le procédé Her- mille (fig. 14) utilise Fig. 13. — Table à blanchir. — La fécule délayée, venant des cuves à dégraisser, arrive dans le tamis à blanc A, semblable à ceux de la figure 10, mais muni d'une toile plus fine. De là, par le conduit B, le lait féculent coule sur la table à blanchir C D, où la fécule se dépose. L'eau s'échappe par la vanne E, réglée l’action oxydante des composés chlo- rés obtenus par l’é- lectrolyse du chlo- rure de magnésium ; il en résulte une plus grande blancheur du produit, blan- cheur qui est d’au- tant plus accentuée que la matière ini- tiale était plus grise; d'autre part, le chlore in- tervient par ses propriétés antisepliques en em- pêchant loute fermentation; celle-ci se produiten général dans le travail ordinaire et donne aux fécules le goût dit de lerroir qui en rend souvent, en particulier pour les fécules de l'Oise, la vente assez difficile au tout au moins restreinte à cer- lains emplois tels que la glucoserie à l'exclusion fécule. Fig. 14. — Electrolyseur Hermitle. — L'appareil consiste en une cuve de fonte galvanisée ayant à sa partie inférieure un tube perforé d’une quantité de trous et muni d’un robinet en zinc par lequel arrive la solu- uon.de chlorure à électrolyser. — Le haut de la cuve est muni d’un rebord formant canal par lequel entre les lames de lélectrolyseur. Celui-ci se compose d'électrodes négatives, disques de zinc tournant lentement, et d’électrodes positives rectangulaires, toiles de platine montées sur cadres en ébonite, placées entre les disques de zinc. Chaque électrode est mise en communication avec le pôle correspondant d’une machine dynamo à courants continus. Le liquide, sortant de l'appareil, riche en chlore ou composés oxy- chlorés, est employé pour le blanchiment et la conservation de la du tissage. A ce point de vue, le procédé Hermitle réalise un progrès, d'autant que les produits chlo- roxygénés en excès sont facilement éliminés par lavage. La fécule, sortant de l'appareil ou déposée sur la table à blanchir et débarrassée de l’eau surnageante, peut être livrée directement au commerce sous le nom de fécule verte employée par la glucoserie ; mais la plupart des fécule- ries la sèchent. À cet effet, la fécule sortant du {amis à blanc À est envoyée sur des tamis à secousses garnis de toiles mouillées; au lieu de la table à blan- chir, le dégraissage se fait sur ces châssis ; l'épuration est moins bonne, mais suffit en général à l’oblention des types courants tels que celui de l'Oise. La fécule obtenue par le plan à secousses ne renferme plus que 50 à 55 °/, d'eau; elle est alors portée aux étuves. Dans le cas où l'usine dispose de turbines (fig. 15, les plans à secousses sont inutiles : la fé- cule sortant de l'ap- pareil Hermitle ou de la table à blan- chirestdélayée dans un malaxeur, puis versée sous forme de lait dans le pa- nier de la lurbine. déborde le liquide après passage sées au rez-de- chaussée sont au nombre de trois; le diamètre du panier est de O0 m. 75: elles tournent à une vi- tesse de 1.200 à 1.400 par minute, la fécule qui en sort ne renferme pas plus de 35 à 40 ?°/, d’eau. S 9. — Etuvage. La dessiccalion de la fécule préalablement esso- rée se fait de deux manières, suivant la perfection des usines. Le procédé le plus primitif consiste à jeter la Ces turbines, dispo. « L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE 1253 fécule sur des tablettes garnies de plâtre, dispo- sées à l’intérieur d’une chambre et à allumer au centre de cette chambre un poële. Deux ou trois évents ménagés dans le plafond permettent la sor- tie de l'air chargé d'humidité. Naturellement ce système de séchage présente de graves inconvé- nients, car, en dehors d’un prix de revient assez élevé, — 1 fr. 50 à 4 fr.60 par sac de fécule sèche produite, — les dangers d'incendie sont assez grands ; mal- heureuse - ment ce pro- cédé est en- core employé dans beau - 5 mètres de longueur; elles sont superposées par rau- gées de 5 ou 7 formant un bâti immuable, Sur la tôle plane on dispose une claie d’osier; sur celle-ci, une toile qui recoit la fécule verte. On compte habituelle- ment un mètre carré par 16 kilos de fécule provenant de la table à blanc ou du plan à secousses et un mètre par 20 kilos pour la fécule turbinée. Le séjour de la fécule sur les tablettes est de 8 à 10 heures, Une usine comportant un travail de 3.000 kilos de pommes de terre à l’heure doit, d'après ce que nous ve- nons de dire, avoirunesur- face séchante de 350 à 400 mèlres car- coup d'usi- nes des Vos- rés; les frais geset de l'Oi- se. Un perfec- tionnement a de séchage par la vapeur ainsi em - ployée se chiffrent par été apporté 0 fr.70 à 0 fr. auchauffage, diminuant en même temps les do par sac de 100 kilos de fécule. Toutes ces chances d’in- cendie, en substituant étuves pré- sentent l'in- convénient au poêle un calorifère chauflé avec de laisser stagner la fé- cule; de plus, des débris de l’eau de cette combustible fécule se con- et située à u- dense en par- ne certaine tie sur les distance de l'étuve. Le système Mi- chel Perret, qui fonclion- ne à Cuise-la-Motte, donne de très bons résultats, et réduit la dépense à 1 franc pour 700 kilogram- mes de fécule. Vers 1870 a été imaginée la modification la plus imporlante dans l'étuvage, modification consis- tant à employer à la calorisation des éluves la vapeur sous double enveloppe. Les étuves se com- posent alors d’une série de tablettes formées de deux feuilles de tôle, l’une plane, l’autre courbe, entre lesquelles circule la vapeur, qui entre par une extrémité et sort condensée par l'autre. panier À, monté sur l’axe Ces tablettes ont, en général, un mètre de largeur et Fig. 15. — Turbine pour le séchage de la fécule. — Le lait de fécule est chargé dans le C, qui reçoit son mouvement de la poulie Fet de l'axe G par l’intermédiaire d'un cône de friction. Par l’action de la force centrifuge, l'eau tra- verse la-toile et les trous du panier A, tandis que la fécule est+retenue à l’intérieur. — DE, appareils de freinage et de régulation. — B, crapaudine. tablettes su- périeures, et retombe par- fois sur celles du dessous; il en résulte une formation de grumeaux avec production d’une petite quantité de dextrine, due à la chaleur assez forte que donnent les lablet- les; ces grumeaux, appelés éapiora, sont une cause de refus pour certaines applications, lelles que le lissage et les apprêts. Pour remédier à ce défaut des étuves’à toile fixe, Langlois a appliqué au système d'’éluves genre Lacambre et Persac lestoiles sans finetle chauffage àlavapeur(fig 16); ilen fit la première installation à Compiègne à la féculerie Ancel. Son appareil donne d'excellents résullats, mais demande un réglage très soigné, 1254 en même temps qu'une alimentation en fécule à sécher très régulière; c'est particulièrement dans ce but qu'on y ajoute un distributeur automatique Ancel, se composant d'une cuvette horizontale S) see TU (ec LOPND ANT — * < » E œ É 5 Lot T anbuyvu mod ‘y fenxprunup 982849 are | ap oagqdsouw UUBUWMOUIT) SOYOT op euuos ‘© à ‘anodea 9J CI JUEI9E S9A1UIO4 soyJoqed ap 1 1 “( ste9 (y [ Auvae ar 2DUOJND ANOJNGUASIP 0900 S107 bu S9107 Sp OpPUEWUOD SSSS ‘anodea e] 9[101 ET ANS 9Ju9 & $no1} 9p 29040 as [ep 1 I Juessraiedox U9 AlE,] 8p 2pAUAE ‘f {SOILOJ S0D SAN9Ppu® a[qe) ‘Q Q * *2911JNQIISIP QUrqAN) TE] EJ 9707 ans uoryrardse Q F] | ed oyyne aed 08 2[n997 EL 2p 001nqustp aurquuy ‘4 É 910997 ®[ 0p opArIe ‘Y — ‘aouy 2nb Bpueyo) anodea 9p s97] 94 ‘J{ ‘anos -J2,] SUEP 104 sayjorre e XnvAny 9 ‘(addoçoaus açqnop mobile aulour de son axe de figure, et dans laquelle vient puiser une noria fixe; successive- ment toutes les parties de la cuvette se présentent aux godets de la noria el la fécuie est ainsi portée, avec une grande régularité, à l'étuve automatique. Nous n’entrerons pas dans la description de L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE celte étuve, la figure 16 en faisant suffisamment comprendre le fonctionnement ; disons seule- ment que la température de la caisse dans laquelle est enfermé le bâti supportant les toiles ne doit pas dépasser 50° C, sous peine de former l’em- pois. Le tissu des toiles doit être de préférence en colon; enfin, l'addition d’un ventilateur (Black- mann ou autre), en favorisant l'expulsion de l'air saturé, donne d’excellents résultats. Voici quelles doivent être les données de construc- tion d'un de ces appareils basé sur un travail de 3.000 kilos de pommes de terre, correspondant à une production maximum de 600 kilos de fécule sèche à 20 °/, d’eau, Toiles de 4 mètre de large parcours... ... SURIACONTENCRAUTIENE ARRET Res Tempsque durél'étuvage........2 195 mètres. 4 » 20 à 30 minutes, Le parcours des toiles ne doit jamais être inférieur à 65 centimètres el la surface de chauffe à 400 mètres. Quant à la dépense, elle peut être évaluée à 70 kilos de vapeur correspondant à 10 kilos de charbon, quan- tité nécessaire pour évaporer les 20 kilos d'eau que comporte en excès la fécule entrant à 40 °/, d’eau emi- ron.Cette vapeur est habituellement fournie parl'échap- pement de la machine; au cas où l'on emploie la va- peur directe les frais s'élèvent à 0 fr. 25 par sac de fé- cule (charbon à 25 francs la tonne). $ 10. — Produits de qualité inférieure. Nous avons vu que le produit laiteux sortant des tamis extracleurs et envoyé sur le plan devait, en principe, y abandonner toule sa fécule; dans la pratique il n’en est pas ainsi : l’eau sor- tant de ce plan en renferme encorc une certaire quantilé, mais de qualilé inférieure. On envoie celte fécule se déposer à loisir dans de vastes bassins situés hors de la féculerie et dont la capa- cité doit être d'environ 3 mètres cubes par tonne de tubercules travaillés, soit, comme dimensions, 100 X 100 et 1 mètre de profondeur. Un certain nombre de barrages doivent empêcher la forma- lion de courants, et, à leur sortie, les eaux dites résituaires ne doivent contenir que des traces de fécule. Ces fécules inférieures ne sont relevées qu’une fois la fabrication principale lerminée, c'est-à-dire vers le mois dé février; on y ajoute le produit des dégraissages de cuves et les queues de plans. Le tout est alors passé dans la série des appareils | décrits, Llamis-épurateurs, cuve àdégraisser, lamis à blanc, table à blanchir où plans à secousses; il est alors presque toujours nécessaire de faciliter le dépôt de la fécule par addition de 0,1°/, d'acide sulfurique commercial ; on lave ensuite abondam- ment à plusieurs reprises. La fécule oblenue, ou. fécule seconde, est de moins belle qualité etse vend avec un écart sur la fécule Lype. Certaines féculeries épurent une seconde fois la … fécule première oblenue et en font une fécule supé- L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE Il 19 0 © rieure destinée aux apprêts et dont la valeur est majorée de 1 franc par sac sur le prix du type habi- tuel courant. Certains industriels préfèrent aussi ne pas épuiser immédiatement les pulpes résultant d'un premier broyage; après les avoir accumulées en fosse pendant la fabrication, ils laissent s’y déve- lopper une fermentation qui a pour effet de briser les cellules restées intactes. Ces pulpes sont alors reprises, rebroyées et traitées comme le produit initial; on obtient ainsi des fécules de pulpe ou de sons de qualité voisine de celle des fécules secondes. $ 11. — Sous-produits. Les sous-produits de la féculerie se réduisent à l'obtention de pulpes, parenchyme plus ou moins épuisé, et de gras provenant de l'épuration des cuves. Les pulpes, telles qu’elles sortent des tamis extracteurs ou même des tamis à secousses, ren- ferment en moyenne 85 °/, d'eau et 41 à 12°/, de fécule, chiffre qui peut paraître exagéré au pre- mier abord, mais qui est compréhensible si l'on considère que 100 kilogs de pommes de terre don- nent 95 à 30 kilogs de pulpe verte; il est facile d'en déduire néanmoins que l'industrie perd ainsi 1/4 à 1/5 du produit utile, el là certainement il y a un progrès à faire. Ces pulpes vertes sont tantôt repassées au tra- vail (ràpage,tamisage, etc.) après une fermentation qui désagrège les cellules: tantôt elles sont pres- sées el séchées ; ces pulpes sèches renferment alors, non repassées, 60 °/, de fécule et 12 à 15 °/, d’eau; le chiffre descend à 50, si elles sont traitées à nouveau. Le dit séchage s'effectue au moyen de tourailles, élémentaires de construction, formées par une toile métallique disposée au-dessus d’un foyer; le produit résultant est vendu à la distillerie de grains ou pour l'alimentation des bestiaux- Quant aux produits de qualité inférieure ou gras, ils renferment de 55 à 70 °/, de fécule et sont utilisés par la distillerie ou la glucoserie. Enfin notons, en passant, que les eaux résiduaires pro- venant du lavage de la pulpe et de la fécule ren- forment en dissolution des sels et matières azotées; elles constituent, par conséquent, un excellent engrais lorsqu'il est possible de les utiliser. $12. — Broyage et Blutage. Dans le but d'éliminer les graines de /apioca formées à l'étuve, les fécules sont parfois blutées après séchage; onfait alors précéder celte opéra- lion d'un broyage à la pelle où au rouleau, ou bien on se sert d'appareils spéciaux composés essentiellement de cônes roulant sur une surface plane, puis on blute d'une façon idenlique en se servant des mêmes bluleries qu'en meunerie. Les mêmes soins doivent y être observés pour éviter les inflammations spontanées; l'air extérieur pour la combustion des lampes est introduit avec pré- caution, et les produits de cette combustion sont immédiatement éliminés. Malheureusement peu d'usines s'imposent ce surcroit de travail, malgré le faible déchet (1/2 °/;), qui est compensé large- ment par des prix plus rémunérateurs. La fécule, ainsi préparée ou non, est mise en sacs, neufs de préférence; ces sacs sont yommés ex- térieurement (lerme consacré) au moyen d'un léger empois fait avec des déchets de fécule, em- pois que l’on applique au moyen d’une brosse; cette opération a pour but d'empêcher le tamisage de la fécule au travers des mailles de la toile. La fécule ainsi ensachée, quoique portant le nom de fécule sèche, renferme environ 20 °/, d’eau; les sacs sont vendus à 400 kilos brut pour net, c'est-à-dire que le sac est vendu au prix de la fécule. IV. — PERSONNEL DES FÉCULERIES. Les féculeries, sauf les grandes usines de la Loire, sont presque toujours dirigées chacune par son propriétaire. Le personnel se compose d’un contre-mailre, un chauffeur, un étuveur, deux hommes au {ravail d'usine (cuves, plans), un ba- layeur et raccommodeur de courroies, trois hommes de cour pour l’alimentation du lavoir. Le salaire varie de 3 à 5 francs par jour, sauf pour l'étuveur qui fait son travail à la tâche, à raison de 0 fr. 30 à 0 fr. 35 par sac de fécule; ilest, en général, aidé par trois personnes de sa famille, et son gain journalicr peut ainsi atteindre, pour notre usine type (3.000 k.), le chiffre de 21 à 24 francs, soit 2.500 à 3.000 francs pour une cam- pagne de 100 à 120 jours. Peu d'usines travaillent de nuit; dans ce cas, le personnel est le même par équipe, mais il faut un homme de cour en plus. D'ordinaire, le travail se fait de 5 heures du matin à 10 heures du soir; les têtes de plans sont relevées tous les jours, les queues lous les 3 à 4 jours. Le personnel est toujours recruté dans la popu- lation indigène, el, à ce point de vue, la féculerie intéresse, au plus haut point, les populations ru- rales; annexée fréquemment à une exploitalion agricole, elle fournit du travail aux ouvriers de culture pendant la période de chômage en hiver. Les institutions de prévoyance sont peu répan- dues, elles se réduisent aux assurances contre les accidents, assurances payées par les patrons sans retenues, sauf pour les « ouvriers au mois » ga- gnant plus de 100 francs. Le tarif de prime est 1256 L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE de 1 fr. 50 par hectare pour les propriétaires agri- coles el de 1 fr. 05 °/, du salaire pour les indus- triels seuls. V. — RENDEMENTS. — PRIX DE REVIENT ET DE VENTE. — (CONCURRENCE ÉTRANGÈRE ET LÉGISLATION. La pomme de terre, livrée à la féculerie, possède en moyenne une richesse féculente de 17 °/,. En CIASR CAR, Rine er Re) | S SES CS" SN SNS RTS NN NS LG NS RIN IN AMAR LANTA ARNEE LA Fig. 11. — Variation du prix de la fécule en France depuis dix ans. égard à la perte de 1/5, que nous avons signalée dans les pulpes, et aux eaux résiduaires, on voit qu'on oblient, en fécule à 20 °/, d’eau, ce que la pomme de terre renferme en fécule anhydre. — b Fig. 18. — Cours comparalifs de la fécule en France el en Allemagne (année 1891). Les dépenses par 1.000 kilos de pommes de terre s'élèvent à: Pommes de terre 1.000 kilos à 3 fr. 25.......... 32 50 AN) RAC RS EP 2 NO RS TE = | 1 00 POLE AUUMALELIE EEE SN PS EME IENEEREREEES 0 60 Intérèt du capital (125.000 fr. à 6 % en 1350 Jours)... 1 00 Combustible 15 k. à 40 francs rendu à l’usine....... Ùù 60 Frais généraux (essentiellement variables).......... 0 30 Transport de 170 kilos de fécule.............. L.... il Frais imprévus Soit, comme frais de fabrication, 5, fe. 83 par tonne de pomme de terre, ou 3 fr. 42 par suc de fécule, puisque 5$S kilos de ponmes de terre à 17 % doanent 500 kilos de fécule à 20 %. Le cours des fécules premières a notablement varié dans ces dix dernières années, ainsi que le montrent les figures 17 et 18 : jusqu’à 4892 inclu- sivement, leur valeur n’est descendue qu'acciden- tellement à 25 fr. les 100 ki- los; aujourd’hui le cours est de 22 à 24 fr.; quant aux ze < E Bénéfice fécules secondes, elles se ven- Lars dent avec un écartdelà2fr. JéneTAUz sur le cours de la première, L / dont le type est établi chaque ETES année par la chambre syndi- cale de la région (Oise, Vos- ci ges, Loire). Cette fécule n'est vendue en vert, c’est-à-dire à 48 °/, d'eau, que dans le rayon 5? de Paris voisin des glucose- ries, au prix de 14 à 45 fr. les à 100 kilos. À Les bas produits sont ac- À tuellement (1896) payés: les Ÿ pulpes vertes aux 4.000 kilos = Fi 8 à 9 fr.; les pulpes sèches $ non repassées aux 100 kilos Ÿ 1 fr., repassées 5 fr.; les grais- ses séchées à l’air au même prix de à fr. et les fécules gri- ses 10 à 11 fr. les 100 kilos. Il en résulte que le bénéfice possible peut s'établir ainsi : 170 kgs fécule à 22fr. 37 40 ) 333 kgs pulpe à 9 fr. 40 40 les M 00 DRE RE 3 00 Re 10e 4 ï ES g. 49. ppor Les dépenses ont été 38 33 entre Le capital ét trouvées. égales... À le travail par tonne D'où un bénéfice à la 9 07 de pommes de terre. Soit pour 30.000 kgs de pomme de terre 2,07<50—103 £. 50 ou par sac de fécule 2,07 >< 0 588 == L Bencfice Bi IE #6 Les figures 19 et 20 tradui- frues : pe gerrÈTau x sent ces résultats en indi- 22e quant, par tonne de pommes de terre (fig. 19) et par sac de fécule (fig. 20), les rapports % À entre la valeur de la matière ‘1 première, la rémunération du À personnel employé, les frais Fe à généraux et le bénéfice du À patron. Ÿ On voit que le bénéfice est ÈS donné seulement par la pulpe, À dont la vente n'est pas tou- jours assurée dans les années A où il y a production abon- Pie 0: = CRE dante de fourrages (1893); de plus, il faut déduire de ces chiffres: le courtage, qui est de 0 fr. 50 par 100 fr. pour les fécules et de 0 fr.15 par 100 kilos pour les pulpes vertes ou sèches; entre le capilal et le travail par sue de fécule. L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE 1257 les transports, lorsque la marchandise est vendue rendue, frais qui sont de 0 fr. 08 à 0 fr. 10 par tonne et par kilomètre pour le chemin de fer et de 0 fr. 02 à O fr. 25 pour la batellerie, laquelle n'est ASNECMLRENRPENREERRE Me LONDRES œ ai Sabsbury ZE ne FU CHIC E ALON M A L a Se HAUT CHI S 27 c S | “ CALWADOS ! # ENST SE ; ne ; A ISTÉBE! 4 " NA RER GS E ES -DU- I SN ne =, ces DD UTrE EE) $ = gsettre ||LLAHE a RD Dre f = | 2 | ] F \ AU BE \ < VILAINE | AETLOIRE | < | “ ï MORBTHAN ne = TOR OIRE Th) DEEE VASTE LES { YOBSE \ ne D Se = S LOIBE-INFE — FRE LOIR = E— = © Ne CR a e m- NN L > À PUY-DE-DÔME RQ > Pa ! 3 <æ ex 7 \ Hæ. HéeS \DoRDOGrE 4-7 ge CANTAL 0 F Lor: PS / GIRÔYDE / 7 > CORNE 2 SRE } Non + È LOZERE (AT PECRE SSSGARGRRE 2 A | DEP SE SErne AVEYRON + 1 à = FU GARE LES FT Ê LANDES -X pu à 57 Garo ÿ GONE RER 1 GER ISSN SET ARMES ET D TRS EME VAN =: | PRE ñ NN ; HÉBAULT 7 N 2 UTE- DEAR 4 +, al 1 TS CARORNE ALU fs 2,5 PYRENEES “4 pre." AS i : L + i = Vos opménEN 7 Ÿ \AUDE À & Le ec À ë ’ 7x L2 … A ! RE & corse & Pme A) RAGE 0 Î S *, PYRENEES O1* = < P à PERS ME EL DD I TN ER RURC A NUE E G EE actuellement pour l'Oise et la Loire; magasins à Epinal pour la région des Vosges). La figure 21 montre la distribution de l’indus- trie féculière en France et son importance relative e OCrle, Fig. 21, — Carte indiquant les déparlements producteurs de fécule en France. E=3 Départemenis produisant de 0 à 10.000 sacs. utilisable que lorsque les usines sont à proximité de cours d’eau ; enfin, le magasinage ou mise en entrepôt, qui se comple à raison de O fr. 08 par 100 kilos et mois de 30 jours, plus O fr. 16 pour manutention d'entrée et de sortie, non compris les frais de transport de la féculerie aux dits ma- gasins (Magasins généraux de Paris, seuls existant REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896.° de 10,000 à 30,000 sacs. S NN Départements produisant de 30.000 à 59.000 sacs, de 50.000 à 100.000 sacs. dans les 21 départements où elle existe. Elle se réparlit en 4 groupes : 1° Le groupe du Nord, qui s'étend de la région parisienne à tout le nord prend : Seine-et-Marne, Seine-et-Oise, Seine, Oise, Seine-Inférieure, Pas-de-Calais et Nord. Dans ce groupe, le maximum de la 24** de la France, com- Aisne , 1258 L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE production a lieu dans l'Oise et en Seine-et-Oise. 2 Le groupe de l'Ouest, qui est le moins impor- lant, est formé par la Sarthe, l'Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher. 3° Le groupe du Centreesi constitué par Saûne-et- Loire, Rhône, Loire, Puy-de-Dôme, Allier, Creuse et Haute-Vienne. Le maximum d'importance est en Saône-et-Loire. 4° Le groupe de l'Est comprend Haute-Saône, Vosges, Meurthe-et-Moselle et Meuse. Le départe- ment de beaucoup le plus important de ce groupe est celui des Vosges. En résumé, on voit que la production intense de la fécule est surtout localisée dans 4 départements : Oise, Seine-et-Oise, Saône-et-Loire et Vosges. Si l’on considère l’ensemble de la production française, — 600.000 sacs de chacun 100 kilos, — on constale que cette production ne suflit pas à Ja consommation française, laquelle s'élève à 150.000 sacs. La différence, 150.000 sacs, est four- nie soit par l'importation étrangère, soit par des produits similaires : amidons de maïs, riz, Sagou, salep, etc. Quant à l'étranger, la féculerie française ne se trouve en concurrence qu'avecl'Allemagne, qui pro- duit 1.500.000 sacs à bien meilleur compte que nous, par suite de sa main-d'œuvre à meilleur marché et surtout de la perfection plus grande du travail. Nous sommes protégés contre elle par un farif douanier absolument prohibitif datant de 1892, qui frappe d'un droit de 12 fr. par 100 kilos à leur entrée les fécules étrangères. Mais, d'autre part, il est facile de remplacer, surtout en glucoserie qui absorbe /a moitié de la production, la fécule par les amidons de céréales; or le maïs étranger ne paie à l'entrée qu'un droit de 3 fr. par 100 kilos, et, comme il faut 200 kilos de maïs pour faire un sac d’amidon (qui porte le nom d’amidine), cette ami- dine ne paieen réalité qu'un droit de3fr.x<2=6fr., ce qui constitue une prime de 12 —6—6fr.en sa faveur. La Commission des Douanes et le Gouvernement s'élaient mis d'accord en mars 1894 pour établir un droit d'uccise de 4 fr. sur les amidines allant en qlucoserie, de facon à compenser cet écart; le projet volé par la Chambre, puis par le Sénat, qui y ajou- tait les amidons de riz, revenait devant celle-là le 27 novembre 1894; contre toute entente, par suite d'une confusion apportée dans le débat où l’on fit | intervenir les céréales indigènes, la solution fut ajournée et la discussion ne revint à l'ordre du jour que le 28 janvier dernier (1896); le projet, enfin voté par la Chambre, fut adopté par le Sénat dans sa séance du 28 mars 1896, et la loi fut pro- mulguée huit jours après !. —_—_—_— —_—___—_—_—_—_—_————————————— 1 Le texte adopté est le suivant : VI. — ROLE DE LA SCIENCE DANS L'INDUSTRIE DE LA FÉCULERIE. La science, qui, aujourd'hui, apporte son con- cours à toutes les industries, n'a malheureusement encore pénétré dans la féculerie que d’une manière très restreinte. Le rôle qu'elle devrait y jouer est, cependant, double. Chacun sait que les bénéfices industriels, rap- portés au sac ou à l'hectolitre, portent le plus souvent sur des chiffres minimes; la concurrence le veut ainsi. Il y a donc grand intérêt à abaisser, même légèrement, les prix de revient; l’indus- triel n'y peut parvenir qu'en restreignant, ou mème en supprimant les résidus de fabrication: pour qu'il en soit ainsi, un contrôle précis et ef- feclif de fout le travail de l'usine est nécessaire, une perte, si minime soit-elle, pouvant être chif- frée au résultat final. Ce contrôle de la fabrication, l'industrie fécu- lière l’applique-t-elle? Malheureusement non, et nombreux sont encore les industriels persuadés qu'après un double passage à la räpe, la quantité de fécule que renferment les pulpes est négli- geable, alors que celte quantité atteint encore 12 à 14°/, de leur poids. C’est ici que l'intervention de la chimie s'impose; il faut une détermination régulière et sérieuse, d’une part, de la matière utile (fécule) entrée avec la pomme de terre, et, d'autre part, des pertes dans les pulpes et les eaux rési- duaires; le féculier devrait : d'abord, se rendre compte du travail maximum que le matériel dont il dispose peut lui fournir; ensuite, savoir si ce travail maximum est toujours atleint. Le microscope, si délaissé et dont l'usage devrait lui être familier, lui rendrait de fréquents services : l'examen du grain de fécule lui révèlerait la cause de ses insuccès, décèlerait la maturité incomplète ou les altérations (fig. 22) ; l’élude d’une prépara- tion microscopique de la pulpe lui en dirait plus sur l'efficacité de son râäpage ou de son contre-rà- page que toutes les appréciations empiriques que la routine lui a apprises. Mais, à côté du présent, l'avenir est à envisager aussi : pour qu’une industrie prospère, il ne suflit Art. 2. — Jl sera percu à l'entrée en glucoserie un droit de 4 francs pour 100 kilos d'amidine sèche, et pour 150 ki= los d’amidine verte. Sont exemptes de ce droit les amidines dont les fabri- cants justifieront en due forme qu’elles ont été produites avec des blés, des seigles, des orges, etc. Art. 3. — L'admission temporaire est accordée aux maïs et aux orges employés à la production des glucoses, massés amidés destinés à l’exportation. Art. 4 — Sont exemptes du droit prévu à l'article 2 les amidines prises en charge dans les glucoseries, dans la huitaine de la promulgation de la loi, et celles provenant de maïs et d'orge dont l'achat dûment justifié remontera à une date antérieure au 15 janvier 1896. L. LAZE — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA FÉCULERIE EN FRANCE —_—_——_—__—…—…—….………..…——…——————……—…—…—————….—…—…—…—…—…—…—…——…——…—_—_———…—….—…—……………………_……_………………“ pas que les procédés actuels de fabrication soient correctement suivis dans les usines; il faut, de plus, que les méthodes se perfectionnent. Le com- merce impose des progrès forcés, sous peine de disparition; c'est encore à la science qu'est dévolu ce second rôle. Les pertes sont grandes en fécuierie, nous l'avons constaté : un cinquième du produit utile est perdu dans les pulpes,sinon totalement, du moins pour l’indus- trie, et encore une partie seulement du produit extrail est-elle de bonne qualité. Combien de de- siderata à satisfaire qui ne sont même pas encore mis à l'étude et de ques- tions que la science pour- rait trancher ! Si le contrôle reste personnel à chaque u - sine, les progrès à réa- liser sont, nous le répè- terons, du ressort des associalions; c'està elles à en prendre l'iniliative en subventionnant des techniciens compétents, en organisant des con- cours pour la solution des questions intéres- sant l'industrie, en pa- tronnant moralement et 1259 bases scientifiques de leur industrie et les mettre au courant des progrès réalisés. L'Association contribue aux frais d'entretien d'un laboratoire qui fait l’analyse de tous les produits eu cours de travail, et se livre à des recherches scientifiques; le directeur visite les usines des adhérents, leur signale les fautes qu'ils ont pu commettre, et leur sert de conseiller précieux dans tous les accidents survenus ; un journal spécial, publié par l'As- sociation , traite des questions qui intéres- sent la féculerie, fait pa- raitre les travaux exécu- tés au laboratoire et les rapports sur les procé- dés ou appareils nou- Yeaux. L'Association se livre aussi aux essais de nou- veaux appareils concer- nant la culture des pom- mes de terre ou la fabri- cation, crée des stations d'essai, vulgarise lesnou- velles variétés dont la supériorité est démon- trée, cherche enfin à ob- tenir des tarifs de cireu- lation plus réduits, dé- fend, en somme, le plus pécuniairement des la- boratoires spéciaux, ain- si que l'ont si bien com- Fig. 22. — Examen microscopique d'un échantillon de fécule bise. — Les gros grains ovales sont des grains arrivés à ma- turité complète; les petits grains ronds ne sont pas encore mürs. Quelques grains ont dépassé la maturité et éclaté en morceaux. efficacement possible les intérêts de l'industrie, — toutes choses qu'il pris les industriels alle- mands. Leur exemple est à suivre, si nous voulons conserver la vitalité à la féculerie francaise et la faire marcher dans la voie du progrès, voie où elle ne nous semble encore que très insuffisamment engagée. La crise qu'elle traverse va très probablement prendre fin, gräce à la protection efficace que vient de lui accorder le Gouvernement; maisil serait à désirer qu'elle ne se contentät pas de profiter passivement de ces avantages, et qu'elle imitàt l'exemple de l'Allemagne, qui comprend l’industrie d’une facon beaucoup plus juste et possède une vaste association de féculiers qui tient chaque année ses assises à Berlin : là les fabricants apprennent à connaître appareils el procédés nouveaux, en même temps que six con- férences leur sont faites pour leur expliquer les serait bon d'inaugurer ou d'améliorer en France, et desquelles résultent forcément des progrès continus. Un Syndicat central vient tout récemment de se former dans notre pays ; espérons qu'il ne se bornera pas, comme ce n’est encore que son but, à une uni- ficalion des types de fécule destinée à assurer la cote en bourse; généralisant son action, il don- nerait à la féculerie française une nouvelle impul- sion, qui nous permettrait de conserver longlemps encore une de nos industries nationales : car il serait profondément regrettable qu'après avoir honoré Parmentier pour l'introduction, si labo rieuse, du précieux tubercule, nous fussions aujour- d'hui les premiers à en restreindre la culture. L. Laze, Ingénieur-chimiste è Chimiste de la Chambre Syndicale des Féculiers de l'Oise, 1260 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES), APPAREILS POUR L'EXAMEN MICROSCOPIQUE DES CORPS OPAQUES — RÉFRIGÉRATION PAR CIRCULATION D'AIR SEC L'examen microscopique des corps qui ne peuvent ; être amenés à l'état de coupes transparentes néces- site l'emploi d'appareils spéciaux pour éclairer les surfaces examinées. Ces appareils ont élé amenés récemment à une assez grande perfection et, comme ils sont de plus en plus employés, en particulier dans l’étude microgra- phique des métaux, il a paru utile d’en résumer ici les descriptions. Quand on emploie de faibles gros- sissements, la distance entre l’objec- tif et l’objet examiné est assez grande pour que l'on puisse se contenter de la lumière diffuse; mais, même dans ces conditions, il y a des cas où il est bien préférable d’avoir un éclairage parallèle à l’axe du microscope. Dans le cas des forts grossissements, l’ob- jectif étant presque au contact de l’objet, on est obligé d'envoyer la lumière parallèlement à l’axe et par ÉTÉ ©) fs f (] ( À fl (l } f TEEN 1 CELUI TIME C —= — Fig.1. — Disposilif de Sorly pour l’éclaircment des corps opaques. 1] consiste en un miroir parabolique qui ré- fléchit les rayons lumineux sur l’objet placé au-dessous de l'objectif du microscope. l'intérieur du microscope, de placer, par suite, l'appa- reil éclairant au-dessus de l’objectif. Examinons d’abord le cas des faibles grossissements. On peut tout d’abord concentrer simplement la lumière sur la préparation au moyen d’une lentille ; ce procédé réussit parlaitement pour des grossissements allant jusqu’à cinquante diamètres; il est possible d’aller un peu plus loin en employant des surfaces réfléchis- santes placées très près de l'objectif; on peut signaler, dans ce sens, le dispositif de Sorby : miroir parabo- lique fixé à la monture de l’objectifet dont le fonction- nement se comprend à la seule inspection de la figure 1. Le miroirde Lieberkühn est un petitmiroir concave M (figure 2), percé d’un trou en son centre et porté par un tube creux en laiton T que l’on monte sur l’objec- üf ; la lumière envoyée par le miroir ordinaire M, du microscope passe autour de l’objet O, se réfléchit sur le miroir Met revient sur la surface supérieure de l'objet. Ce dispositif donne un éclairage peu incliné sur la normale; il s’applique à des l grossissements assez forts, mais à É l'inconvénient capital de nécessiter l'emploi d'un échantillon assez pelit pour que la lumière provenant de M, puisse passer autour. Le miroir percé en son centre peut être monté en dessous de l’objectif, de facon à pouvoir être incliné plus ou moins. Ce dispositif, représenté par la figure3, ne convient qu'à d'assez fai- bles grossissements; on le voit sou- DUT f Det | CTTTTNCIN CNE) ST Fig. 2. — Disposilif de Lieberkuhn | pour l'éclairement des corpsopaques. : M,,miroir ordinaire du microscope ; | M, miroir concave placé à Fextré- mité du tube T. Les rayons lumi- neux se réfléchissent sur M;:, pas- sent autour du corps O, se réflé- chissent sur M et viennent éclairer la surface de O. Fig. 3 — Disposilif de la figure 2 modifié. — Le mi- roir, placé au-dessous de l’ob- jectif, est percé en son centre. vent appliqué sur le: microscopes micrométriques des comparateurs et des bancs à élalonner. M. Nachet construit un prisme qui se monte au- dessous de l'objectif, dont il cache une portion seule- ment de la surface. On obtient de très bons résultats en placant au- dessous de l'objectif nne lame transparente inclinée à 45°. Dans la figure 4, une lame de verre mince L est collée sur une monture M qu'une vis de pression V permet de fixer sur l'objectif, La lumière provenant d’une source quelconque arrive parallèlement à la ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES platine, se réfléchit sur la lame L, puis sur la face supérieure de l’objet O et pénètre ensuite dans le mi- croscope parallèlement à laxe à travers la lame L. On n'utilise ainsi qu'une portion de la lumière inci- dente, mais on a un éclairage parfaitement uniforme et bien parallèle à l’axe du microscope. Pour les forts grossissements, le dispositif le plus anciennement employé est le « vertical illuminator » de Beck (fig. 5). Cet appareil comprend simplement une petite lame de verre L montée dans l'intérieur du tube du microscope, de facon à pouvoir tourner autour d’un axe perpendiculaire à l’axe de l’instrument. Gette lame sert à réfléchir sur l’objet la lumière qui arrive à travers un diaphragme D et une ouverture 0 ; la lu- mière traverse de nouveau l'objectif et la lame L. M. A. Cornu a trouvé que, pour utiliser le plus de lu- ip) Fig.4. — Autre disposi- tif pour l'éclairement des corps opaques. — ;:, lame de verre collée sur la monture M, qui est fixée par la vis V. La lumière se réfléchit sur L, puis sur l'objet O et entre dansle microscopeen traversant la lame L. Fig, 5. — Vertical illuminator de Beck. — L, lame de verre tournant autour d’un axe. La lumière traverse le dia- phragme D, l'ouverture O, se réfléchit sur L, va à l’objet et revient à l’oculaire en tra- versant la lame L, mière possible, il est préférable d'employer comme miroir un système de quatre glaces minces superpo- sées ; ces quatre glaces G (fig. 6) sont placées à 4,0 dans une boîte interposée entre le tube du microscope “et l’oculaire. Nous avons trouvé commode, pour pou- voir utiliser dans cet appareil la lumière venant dans une direction quelconque, sans incliner le micros- cope, d'y adjoindre un prisme à réflexion totale, P, monté dans un tube qui peut tourner autour de son axe, lequel est perpendiculaire à celui du microscope. Le prisme P peut alors tourner autour de l’axe du mi- croscope et autour d'un axe perpendiculaire ; il per- met donc d'envoyer normalement à l'axe du micros- cope la lumière venant d'un point quelconque de l’es- pace. M. Frémont a décrit en 1895 un dispositif représenté par la figure 8. A l’intérieur du microscope se trouve un tube conique T qui part de la surface de l'objectif sur laquelle il sépare la région centrale de la région périphérique. Sur cette région périphérique tombe la lumière envoyée par un miroir Met un prisme P qui entourent le tube T. Cette lumière traverse l'objectif, se réfléchit sur la surface supérieure de l’objet et re- 1261 AS D À 4 À ! \ f À h à h | h (} æ h À H 3 K] M i SY à TL T7) & ; SES 1 Nes DESSREESL SES RAA SEE ER ER ee ee D LS IT CNE COTE Ch) a, Fig. 6. — Disposilif de M. Cornu pour l'éclairement des corps | opaques. — La lumière arrive d’un point quelconque sur le prisme à réflexion totale P; elle est renvoyée sur un sys- tème de quatre-glaces super- posées G, se réfléchit sur l’ob- jet à examiner et revient à l'oculaire en traversant le sys- tèmc des glaces G. Fig. 7. — Dispositif Guille- min-Nachel.— La lumière arrive latéralement et est renvoyée sur l'objet par un prisme à réflexion to- tale P, mü par les bou- tons Bet B,. vient dans la partie centrale du microscope à travers le tube T. Le but de ce dispositif est d'éviter que la 1262 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES lumière réfléchie à la surface de l’objectif puisse reve- nir jusqu'à l’œil ou à la surface de la plaque photo- graphique. Le prisme P dévie le faisceau lumineux incident pour que l'ombre portée par le tube T sur le miroir ne vienne pas dans le champ du microscope. Enfin le vertical Guillemin-Nachet (fig, 7) est formé Fig. 8. — Dispositif de M. Frémont pour l'éclairement des corps opaques. La lumière réfléchie par le miroir M tra- verse le prisme P qui l’envoie sur l'objet à examiner; elle revient à l'oculaire par le tube central T. d’un prisme à réflexion {otale P que l’on monte au- dessus de l’objectif. Le bouton B permet, en agissant sur un pignon et une crémaillère, d'avancer et de re- culer le prisme par rapport à l'axe; le bouton B, per- met de le faire tourner aulour d’un axe perpendicu- laire à celui du microscope; on peut chercher ainsi la position qui donne le meilleur éclairement. C’est avec un dispositif de ce genre que le Pr Martens a pu photographier des coupes de métaux au grossissement de 800 diamètres, G. CHarpy, Docteur ès sciences. Au point de vue économique aussi bien qu'à celui de l'hygiène, il est intéressant de signaler les procédés au moyen desquels on peut obtenir la conservation rationnelle des aliments. Les marchandises gâtées, per- dues par défaut de soins pratiques employés pour leur conservation, se chiffrent, en eflet, chaque année, par un gros capital. De graves maladies sont, en outre, occasionnées par des comestibles mal conservés. Un mode de conservation des plus simples et des plus efficaces fonelivnne depuis quelque temps à Paris dans plusieurs élablissements de consommation 4, Ordinairement, les aliments susceptibles de segâter sont enfermés le plus hermétiquement possible dans des locaux réfrigérés. Pour produire labaissement de la température, on emploie de la glace ou des machines qui produisent de l'air froid; or, la réfrigération à l’aide de la glace présente, dans les conditions où elle se pratique généralement, des inconvénients graves : car la glace, par le dégagement d'humidité qu’elle oc- casionne, est le plus souvent nuisible à la conserva- tion. Dans l'air stagnant il est impossible d’obtenir un résultat satisfaisant. La ventilation est égalementinsuf- fisante, parce qu'elle ne détruit pas complètement l’hu- midité, qu’elle conduit sans cesse l’air froid vers l’ex- térieur et, par suite, n'assainit pas. C’est seulement par une circulation continue de l'air froid que l’on peut sécher et assainir un iocal dans lequel on obtiendra une conservalion certaine et peu coûteuse. Le problème a été résolu à l’aide d'une disposition spéciale consistant en un double plafond. Tout le système est basé sur ce simple fait que l’air froid tend à descendre, tandis que l’air chaud, plus léger, monte, attirant après lui le premier (fig. 9). II nn" Dans un local isolé et bien clos on place un récipient à glace b, muni sur le côté d’une grille get ouvert, dans la parlie supérieure, d’une petite ouverture a, réglée de facon que l’air soit introduit dans l’appareil en quantité convenable et soit obligé de passer sur la glace. L'air refroidi etdevenu pesant descend par la grille et pénètre dans la chambre de conservation, La température s’élève graduellement, il remonte, et, grâce à une ouverture, passe au-dessus du double plafond d où il se trouve attiré par le froid de la glace vers le récipient b. Il s’y introduit pour continuer de nouveau et indéfi- nimentson trajet circulaire. La glace s'empare au pas- sage des impuretés de l'air et les conduit au dehors par une gouttière c. Grâce à cette circulation continue, les parois de la chambre restent absolument sèches et pures et l’on évite à la fois et des frais d’assèchement et l'emploi de métaux nuisibles. Ajoutons que, toute proportion gardée dans la grandeur des locaux à amé- nager, la consommation de glace est de beaucoup infé-. rieure à celle que réclament les systèmes employés jusqu'ici. L'appareil que nous venons de décrire peut être adapté partout. On peut construire des chambres ré- frigérantes en pierres ou en bois, fixes ou transporta- bles, en plein air ou dans les maisons, les bateaux, les wagons et pouvant servirde caves ou de glacières. Emile THiEMANN, Ingénieur. 1 Une installation de ce genre est visible, 8, passage des Petites-Ecuries, à Paris. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Rougier (J.), Agrégé de l'Université, Professeur au Lycée de Toulon. — Sur quelques sous-groupes de 11° classe du groupe modulaire. — Thèse de ta Faculté des Sciences de Paris. — Un vol. in-4# de 112 pages. Burthelet et Cie, imprimeurs, 19, rue Ven- ture, Marseille, 1896. Soit H une relation entre deux variables complexes æ et y, qui fournit une fonction multiforme y de x; telest, par exemple, le cas pour une relation algé- brique. Le point capital dans la théorie est de décou- vrir la ramification, c’est-à-dire la loi suivant laquelle les diverses déterminations de y se substituent les unes aux autres, quand æ voyage dans son plan. La ramification s'étudie soit par la méthode abstraite pure (substitutions de Galois et de M. Jordan), soit en employant aussi, pour concrétiser les conceptions, di- verses représentations géométriques : déplacements de polyèdres, surfaces à plusieurs feuillets, polygones fondamentaux sur le plan ou sur une surface. (MM. Klein, Poincaré...) Quand on connait ou se donne la ramification, on obtient sur la nature de H d'importants renseigne- ments; mais, si on veut construire effectivement H d’après sa ramification, au moins en ce que H a d’es- sentiel, les théories générales, tout en fournissant des apercus précieux, sont d’une application très ma- laisée, dès que la ramification n’est plus tout à fait simple. Une ramification célèbre est celle de l'équation algé- brique f (J,-) — 0, dite « modulaire », du premier degré en J et du onzième en +, qui se présente, dans la transformation du onzième ordre d’une fonction elliptique, entre l'invariant J et une fonction uniforme conveuablement choisie + du rapport des périodes. Après avoir rappelé (pages 4 à 56), d’après M. Klein, les principes de la théorie, M. Rougier se propose d'étudier les types de relations algébriques qui ont la même ramification que la modulaire, Il retrouve les dix types de MM. Klein et Hurwitz par un calcul nou- veau, examine les groupes de monodromie, l’isomor- phisme, etc., etc. Quoique l'auteur n’ait pas donné la solution com- plète du problème qu'il s'était proposé, la thèse montre une grande connaissance de théories nou- velles et difficiles et mérite, par suite, des éloges. Léon AUTONNE, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Lyon. Cantor (Moritz). — Vorlesungen über Geschichte der Mathematik. — [rilter Band (vom Jahre 1668 bis zum Jahre 1799). Zweite Abteilung (Die Zeit ven 1700 bis 4726). — 1 vol. in-8° de 220 pages avec 30 figures (Prix : 7 fr. 50), B, G. Teubner, éditeur, Leipzig, 1896. Ce second fascicule est consacré à l’histoire des Ma- thématiques depuis 1760-1726 (mort de Newton); il constitue la section XVII de l'ouvrage entier. L'auteur examine d'abord les travaux qui se rat- tachent directement à l’histoire, et signale les éditions des auteurs classiques parmi lesquelles nous voyons figurerles œuvres d'Apollonius publiées par Halley. Il passe ensuite à l'étude des mémoires sur le calcul infinitésimal publiés entre 1700 et 1704. C’est précisé- ment à cette époque que commenca la querelle entre les deux illustres rivaux Newton et Leibniz au sujet de la découverte de l'Analyse, querelle qui se prolongea même au delà de la mort du grand philosophe alle- mand (1715). M. Cantor en fait un exposé très impartial et bien documenté. Les chapitres suivants sont consacrés aux mémoires parus pendant le premier quart du xvin siècle; ces travaux ont été classés dans l’ordre suivant: Analyse combinatoire. — Calcul des probabilités, — Séries, — Calcul des différences. — Algèbre. — Diffé- rentiation. — Intégration. — Géométrie analytique et projective, — Equations différentielles. L’Arithmetica universalis de Newton fait naturellement l’objet d'un compte rendu détaillé (p. 378-393) dans lequel l’auteur insiste particulièrement sur les pas- sages qui présentent un certain intérêt historique, H. Fer, Privat-docent à l'Université de Genève. 2° Sciences physiques. Lefèvre (Julien), Professeur à l'École des Sciences et à l'Ecole de Méd-cine de Nantes. — La Spectroscopie. La Spectrométrie. — 2 vol. in-18 de 188 pages avec 37 figures et 212 pages avec 42 figures, de l'Encyclo- pédie scientifique des Aide-Mémoire publiée sous la direction de M. H. Léauté, membre de l'Institut. (Prix charun, broché : 2 fr. 50; cartonné : 3 francs.) Gau- thier- Villars et G. Masson, éditeurs, Paris, 1896. La collection des Aide-Mémoire Léauté continue à s'enrichir de volumes intéressants et variés. La Spec- troscopie de M. Lefèvre et la Spectrométrie du même auteur sont au nombre des derniers parus. Dans le premier volume M. Lefèvre expose successivement l’origine du spectre, le mode de formation des divers spectres d'émission métalliques, puis il donne les ré- sultats qu'a fournis l'étude de ces spectres (chapitres 1 à ur), Il passe ensuite aux métalloïdes et aux spectres d'absorption {chapitres 1v et v). Un chapitre sur la Spec- troscopie céleste donne ensuite les principaux résul- tats de cette branche de l’Astronomie, Enfin, deux chapitres, consacrés l’un à l’extrémité infrarouge du spectre, l’autre à l’extrémité ultraviolette, terminent le volume. Dans le second, l’auteur étudie d’abord le prisme et décrit les principaux spectroscopes (chapitres 1 et). Dans le chapitre nt il traite du calcul des lon- gueurs d’onde au moyen de ces instruments. Le cha- pitre 1v est consacré aux réseaux et le v au réglage des diverses parties du spectroscope. On trouve dans les chapitres vi et vu quelques applications quanti- tatives et qualitatives de l'analyse spectrale, et la spectrophotométrie proprement dite dans le cha- pitre var. Le chapitre 1x, qui termine l'ouvrage, traite des théories imaginées pour rendre compte des raies spectrales, de la dispersion et enfin de l’emploi par M. Michelson de certaines longueurs d'onde comme unilé de longueur. En résumé, le lecteur trouvera dans ces deux petits volumes un abrégé qui comprend les faits importants, et, dans la bibliographie qui leur est adjointe, bon nombre des publications les plus utiles sur ce sujet. ÆEranchant (L.), Directeur en chef de la « Photogra- phie ».— La Linotypie ou l’art de décorer photo- graphiquement les étoffes. — Une brochure in-16, de 48 pages, de la Bibliothèque photographique. (Prix : 1 fr. 25). Gauthier- Villars et fils, éditeurs, 55, Quai des Grands-Augustins, Paris, 4896. Cette brochure indique les moyens de tirer sur étoffe des épreuves en teintes variées et la méthode à suivre pour préparer soi-même ces étofles. 1264 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Bayrac (Henri-lierre), Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Lille. — Sur une nouvelle méthode de préparation des paraquinones au moyen des indophénols. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). 1 vol. in-80 de 62 pages. Gauthier- Villars et fils, Paris, 1896. M. Bayrac a repris l’étude des indophénols, qui n’a encore été l’objet que d’un petit nombre de recherches et a réussi à fonder, surleur décomposition par lacide sulfurique, un procédé de préparation nouveau des plhènediones (paraquinones) 1,4, qui paraît être d’une grande généralité. Le travail de M. Bayrac est divisé en trois parties : dans la première il décrit en détail la préparation des phénols qui servent de point de départ à celle des ma- lières colorantes étudiées. Nous y renvoyons les per- sonnes qui ne sont pas familiarisées avec les opérations classiques, mais souvent délicates et capricieuses, de diazotation des amines aromatiques ou de fusion à la potasse des hydrocarbures sulfonés. L'auteur examine ensuite, dans une seconde partie, la préparation des indophénols proprement dits, On sait que MM. Kæchlin et Witt, à qui l’on doit la décou- verte de ces corps, les obtenaient, soit en réduisant un mélange de phénol quelconque avec une chlorimi- nophénone 1,4 ou de toute autre amine aromatique modifiée en para. C’est à ce dernier mode de prépara- tion que s’arrête M. Bayrac, en se bornant d’ailleurs à l'emploi de l’amino-diméthylaminophène, Il vérifie, en passant, l'exactitude de la formule donnée par Môühlau à l’indophénol du phénol ordinaire, qui en fait la diméthylaminophényliminophénone 1,4 CL D C=AI—CSHI— A (CH), et en déduit la constitution probable de tous les homo- logues que l’on obtient en traitant de la même manière les autres phénols : il en décrit dix nouveaux, cristalli- sables et solubles en bleu violacé dans les réactifs. Dans la troisième partie de son Mémoire, qui est sans contredit la plus intéressante, M. Bayrac montre que tous les indophénols se dédoublent sous l’action des acides forts, et notamment de l’acide sulfurique, en phènediones et amino-diméthylaminophène. La réaction n'est autre chose qu'une sorte d'hydro- lyse semblable à celle que Mühlau avait déjà constatée sur l’indophénol ordinaire; M. Bayrac nous apprend que ce mode de dédoublement est général et il en a profité pour préparer plusieurs phènediones nouvelles, entre autres l’éthylphènedione et son dérivé méthylé en para, la méthylpropylphènedione et la méthoéthylphè- nedione. Toutes ces diones aromatiques se transforment par réduction en paraphènediols, ainsi qu'on pouvait s’y attendre : l’auteur préfère, pour réaliserces réductions, le bisulfite de sodium saturé d'acide sulfureux à l'acide sulfureux seul, que l’on emploie d'ordinaire. En résumé, le travail de M. Bayrac est une revue consciencieuse et une extension des données déjà ac- quises relativement au mode de préparation et aux ca- ractères généraux des indophénols : il sera utile à consulter par (ous les chimistes qui s'intéressent à cette classe de matières colorantes. L. MAQUENNE, Maitre de Conférences à la Sorbonne. Brochet (A), Chef des Travaux pratiques à l'Ecole de Physique et Chimie industrielles. — Action du chlore sur les alcools de la série grasse. — Thèse de la Faculté des Sciences de Paris. —1 vol. in-8° de 110 pages. Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. La Chimie organique permet de créer un nombre aussi grand que nous le voulons d’individualités chi- miques présentant, comme on dit, la même fonction, c'est-à-dire, de corps engendrés suivant une même loi générale, mais avec une variation progressive dans leur composition et susceptibles d’un certain nombre de réactions fondamentales communes. Aussi la Chimie organique est-elle particulièrement puissante pour éta- blir les lois qui président aux combinaisons et décom= positions chimiques. C’est qu’eneffet, pour saisir la loi d’une réaction, c’est-à-dire une relation entre certaines varisbles du phénomène, il est nécessaire de pouvoir étudier plusieurs signes, plusieurs manifestations de cette loi. Or, les séries organiques, constituées par un ensemble de types chimiques très voisins, sont particu- lièrement propres à cet objet. Le travail de M. Brochet nous apporte une nouvelle démonstration de la vérité précédente, Un grand nom- bre de chimistes parmi lesquels se trouvent des noms illustres : Thénard, Liebig, Dumas, Malagutti, Lie- ben, etc., avaient fait agir le chlore sur l’alcoolet isolé soigneusement les différents corps formés dans cette action; mais aucun d’eux n’était encore parvenu, à cause de la complexité particulière de la réaction, à en formuler nettement-la marche et à établir l’ordre de succession des différents produits qui prennent naissance. M. Brochet, abandonnant l'alcool ordinaire, s’est attaché à l’action du chlore sur ses homologues, et ce qui devait arriver s’est produit : les réactions fonda- mentales se sont conservées avec les différents alcools primaires, en même temps que les réactions secon- daires allaient s’évanouissant. Il a donc été plus facile de dégager les lois fondamentales et, par leur applica- tion à l'alcool ordinaire, d'apporter une théorie plus complète et mieux assise que les théories précédentes, Tous les alcools primaires, à part l'alcool méthy- lique, donnent directement avec le chlore un dérivé dichloré (ou l’aléhyde monochloré par perte d'acide chlorhydrique; : CI CrH2rC1. CH Non qui se combine par perte d’eau avec l’alcool en excès en donnant un oxyde dichloré dissymétrique : cl Cn H2nC1.CH/ —L CnH°n4.CH20H NoH — CH C1. CHCI.0.CH?.CHE+H20. La réaction ne souffre aucune exception, toutes les fois que le chlore se trouve en présence d'alcool pur,par conséquent en milieu devenant rapidement acide par la formation d’acide chlorhydrique. Il est bien curieux de voir que tous les chimistes qui s'étaient occupés de la question, n'avaient pas remar- qué le fait important signalé par M. Brochet : La diffé- rence de la marche de la réaction suivant qu’on opère en milieu acide ou bien en milieu alcalin neutre ou peu acide, Dans ce second cas, en effet, il n'y a pas forma- tion de dérivés aldéhydiques, mais production de l’éther correspondant à l'alcool employé, par exemple l’acé- tate d’éthyle avec l’alcool ordinaire. L'auteur, généralisant cette remarque, l'a utilisée pour la préparation des aldéhydes à partir des alcools ; le rendement en aldéhyde se trouve amélioré, si l’on prend la précaution de rester ioujours en milieu . acide. Avec l’alcool méthylique, les résultats sont un peu différents. Mais n'est-ce pas là une exception comme en présentent la plupart des premiers termes de chaque série homologue; l'énergie interne de ces premiers termes ne satisfait pas, en général, la thermochimie le démontre, aux lois de l'homologie et la petite diffé- rence d'énergie qui en résulte suffit pour troubler les réactions, Les alcools secondaires fournissent directe- ment avec le chlore des acétones chlorées de formules générales CnH?nti—xClr.COC.CRS, l’alcool initial étant compris dans la formule : CrH2r+1.CHOH.CHS. L'ensemble de ces réactions a fourni à l’auteur un grand nombre de produits : par exemple, avec l’alcool isobutylique, ila pu caractériser, tant en produits de BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX chloruration directe qu'en produits de décomposition, vingt-quatre corps différents, dont deux seulement étaient des dérivés dichlorés, plusieurs d’entre eux, non encore signalés, sont susceptibles de devenir le point de départ de recherches intéressantes. Camille MariGxoN, Maitre de Conférences à la Faculté de Lille. 3° Sciences naturelles. Racovitza (E. G.). — Le Lobe céphalique et l'En- | céphale des Annélides Polychètes ANATOMIE, MorPHOLOGIE, HisroLoGiE). — (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8 de 216 pages avec fig., et 5 planches hors texte. (Archives de Zoologie gén. et expér., 3° série, vol. IV) G.Steinheil, éditeur, Paris, 1896. | L'ordre des Polychètes comprend de très nombreuses espèces, variant beaucoup de forme, surtout pour l'extrémité antérieure du corps; M. Racovitza a cherché à établir solidement la morphologie de ce lobe cépha- lique en étudiant un certain nombre de familles, mais surtout les Amphinomiens, Palmyriens, Maldaniens et Lycoridiens, Tous les naturalistes admettent que le corps des Polychètes comprend trois régions : le lobe céphalique ou tête, le soma (série des segments), et le pygidium où segment anal; mais ils ne s'accordent guère sur leur délimitation ou leur valeur morphologique. M, Ra- covitza discute d’une facon très serrée les opinions de ses devanciers, et adopte celle de Kleinenberg et Meyer : le lobe céphalique, non métamérisé, pourvu de centres nerveux et d'aires sensitives, ne renfermant jamais ni soies ni parapodes, est formé par la région supra-buc- cale de la larve Trochophore; la série des segments post-buccaux ou soma, correspond à la région moyenne de la Trochophore, avec ses ébauches cœlomiques, la plaque médullaire, les pronéphros, etc. ; la bouche est intercalée entre le lobe céphalique et le soma. Il arrive souvent que un ou plusieurs des segments qui suivent immédiatement la bouche soient assez modifiés pour être très différents des autres, comme chez les Nereis par exemple, où le premier segment post-buccal porte quatre paires de cirres tentaculaires ; mais il est bien certain que ces segments tentaculaires sont tout à fait homologues aux suivants puisque chez les Amphino- miens adultes et la plupart des embryons, ils portent des paropodes normaux. Enfin le dernier segment du corps ou pygidium, présentant l’anus et des appen- dices cirriformes (urites), correspond exactement au pygidium de la larve, M Racovitza s'élève avec force contre la théorie qui fait de l'Annélide une colonie linéaire d'individus. une sorte de strobile d'Acalèphe; il adopte à peu près la vue lumineuse de Meyer qui attribue une origine purement mécanique à la méta- mérie des Annélides, vue qui s’appliquera sans doute à bien d’autres animaux métamérisés. L’épithélium qui revêt le lobe céphalique des Poly- chètes présente trois aires sensitives, soit diffuses, soit différenciées en organes sensoriels : les palpes et l'épi- thélium de la face antéro-ventrale du lobe céphalique constituent l’aire palpaire; les yeux et les antennes, l'aire sincipitale, et enfin les organes nucaux, une aire nucale, placée postérieurement. Chez les embryons, l'épithélium de chacune de ces aires croît en profon- deur et donne naissance à un centre nerveux qui reste en continuité avec l’épithélium externe, soit directe- ment, soit par l'intermédiaire de nerfs plus ou moins longs : il en résulte que l’encéphale des Polychètes comprend trois masses distinctes, séparées au début, puis étroitement accolées chez l'adulte : une masse antérieure qui donne des nerfs aux palpes (centre stomato-gastrique), une masse médiane en rapport avec les antenneset les yeux, et une masse postérieure qui provient de l’aire nucale. Quelles que soient les variations de forme et de nombre des organes des sens, les rapports des trois masses cérébrales restent toujours les mêmes; chacune de ces masses innerve l’aire sen- 1265 sitive qui lui a donné naissance. Quand il y a des appen- dices sensoriels bien différenciés, des protubérances ganglionnaires s'ajoutent aux trois masses principales (ganglions optiques, antennaires, etc.); mais ce sont des formations secondaires qui disparaissent lorsque les appendices sensoriels s’atrophient, tandis que les masses centrales persistent toujours. Un chapitre spécial est consacré aux organes nu- caux des Polychètes, encore assez mal connus. Ils se développent sur l'aire épidermique sensitive qui couvre la nuque du lobe céphalique; ils varient beaucoup de forme ; tantôt ce sont des surfaces planes garnies de cellules ciliées et de terminaisons nerveuses, tantôt des fossettes plus ou moins profondes, dévaginables ou non. M. Racovitza pense qu’on peut attribuer à ces organes une fonction olfactive, qui semble bien s’ac- corder avec leur structure spéciale. M. Racovitza avait pris comme thèse un sujet déjà très étudié, tort difficile, mais il l'a comme renouvelé par sa conception très large et très vraie de ce qu'est la Morphologie, et par ses discussions serrées et ori- ginales. Il s’y montre aussi bon histologiste que théo- ricien clair et solide. L. CUÉNOT, Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de Nancy. 4° Sciences médicales. Gautier (Armand), de l’Académie des Sciences, Profes- seur à la Faculté de Médecine de Puris.— Les Toxines microbiennes et animales, — 1 vol. grand in-8° de 617 pages et 20 figures (Prix : 15 fr.). Société d'éditions scientifiques, #, rue Antoine-Dubois, Paris, 1896. Il y a quelques années, rendant compte dans cette Revue du Traité de Chimie biologique (t. II du Cours de Chimie) de M. Gautier, je constatais, en premier lieu, que ce livre présente les qualités que l’on peut dire maitresses des ouvrages de l’auteur, « une vue originale et très personnelle des choses, une rare pénétralion d'idées, la largeur des conceptions, un raisonnement ingénieux, une imagination féconde et, tenant à ces qualités mêmes, le particulier agrément de la forme, une exposition à la fois ferme et alerte » (Revue géné- rale des Sciences, 1892, p. 28). Pour apprécier l’œuvre nouvelle de M. Gautier dont il s’agit maintenant, je suis obligé de répéter d’abord ces paroles, en remar- quant toutefois que, si, en 1892, j'avais été amené à attirer particulièrement l'attention sur l’originalité du livre dont ilétait question, je dois encore insister davantage aujourd’hui sur cette éminente qualité. C’est que le fonds même de l’ouvrage appartient en propre à l’auteur. Ce n’est plus ici un traité sur des matières souvent et depuis longtemps étudiées et dans lequel par suite, à côté des idées et des recherches per- sonnelles, quelque nombreuses et importantes qu’elles soient, la part reste nécessairement considérable à faire aux recherches et aux idées d'autrui; c’est un livre comme on n’en écrit plus guère à notre époque de pu- blications fragmentaires, comme en écrivaient les sa- vants du dernier siècle ou de la première partie de ce siècle, plein d'observations et d'expériences poursui- vies durant de longues années, riche de méditations approfondies sur les notions positives résultant de ce travail persévérant, et tout pénétré par les grandes conceptions doctrinales tirées de ces notions. Eu quoi consiste donc cette œuvre? Tout le monde sait qu'en 1873 Armand Gautier annonca « qu'il se forme, dans la putréfaction des matières azotées d’ori- gine animale, des bases organiques fixes ou volatiles, présentant les plus grandes analogies, par leurs pro- priétés chimiques etphysiologiques, avec les alcaloïdes végétaux. » De son côté, et indépendamment du chi- miste francais, l'Italien F. Selmi faisait la même décou- verte, Par leurs travaux ultérieurs, Selmi, Gautier, puis Gautier et Etard et quelques autres établirent définiti- vement l'existence et la nature de ces corps, auxquels 1266 fut désormais attribué le nom de ptomaïnes. Mais ce n’est pas seulement sous l'influence des bactéries de la putréfaction, lors de la destruction des matières protéiques, que se produisent des alcaloïdes; il s'en forme aussi normalement dans les tissus vivants des animaux supérieurs, par suite de leur fonctionnement même; et ainsi les cellules de ces animaux né se com- | portent pas autrement, à ce point de vue, que la cel- lule bactérienne. Par cette nouvelle découverte des leucomaïnes, composés analogues aux ptomaines, Ar- | mand Gautier faisait voir que, quelque grand qu'il fût. l'intérêt chimique de ces bases organiques le cédait encore à leur importance physiologique. Car, du même coup, il entendait démontrer que les êtres su- périeurs ont une vie en partie anaérobie; et il n’a cessé depuis de défendre cette idée, soit à l’aide defaits expérimentaux, soit au moyen de calculs ingénieux. Enfin, ce ne sont pas seulement des alcaloïdes qui se forment pendant le fonctionnement des cellules vi- vantes de tous les organismes, ce sont aussi des com- posés à fonction chimique moins bien définie, de nature protéique. Ce fait, reconnu d’abord aussi par M. Gautüer, est à la fois d’un intérêt chimique égal à celui des précédents et d’une portée biologique plus grande encore, si possible, en raison de son applica- tion à la pathologie. L'auteur, en effet, rapprocha ces corps, dont il vit la nature toxique, de ceux qu'il trouva d'autre part dans le venin de serpents, et de | ces poisons microbiens, {oxines, toxalbumines, que Bou- chard et Charrin allaient bientôt considérer comme étant la cause réelle des troubles caractéristiques des maladies infectieuses; il montra que les toxines pro- | prement dites jouent toutes le rôle d’alcaloïdes faibles | et par suite qu'elles ne sont pas sans rapports avec les ptomaïnes; entre tous ces corps, il n'y aurait pas de démarcalion absolue, et ainsi, de même que par leur mode de formation et par leur rôle toxique analogue, quoique naturellement d'intensité variable, tous ces composés sont physiologiquement comparables, de même, en vertu de quelques-unes de leurs propriétés, ils ont entre eux des liens de parenté chimique. On voit comme toutes ces notions se relient étroite- ment les unes aux autres. Sous les nombreuses et très diverses recherches dont elles sont sorties et dont on trouve l'exposé dans ce livre se découvre donc une pensée directrice profonde, qui fut patiemment pour- suivie à travers la multiplicité des faits particuliers et | la variété des analyses et qui en constitue l’unité, Les conséquences apparaissent aujourd’hui dans tout leur éclat. « Les microbes, dit M. Gautier, réagis- sent sur nous par les matières qu’ils sécrètent. C’est là une vérité actu-llement admise à peu près par tout le monde, mais qui n’est pas venue d'emblée et comme tout naturellement à l'esprit. Au moment où Pasteur faisait les mémorables découvertes qui nous ont révélé le monde nouveau des microbes et qui nous ont appris à cultiver, sélectionner, atténuer ces agents, à les transformer en vaccins, l'illustre savant émettait diverses hypothèses pour essayer d’expliquer la surprenante | activité des bactéries pathogènes. En 1874, mes pre- mières recherches sur les produits de l’altération des albuminoïdes par les microbes anaérobies établirent | définitivement que la vénénosité des cultures bacté- riennes et des extraits de cadavres putréfiés tient, en partie du moins, à de vrais poisons chimiques, à ces alcaloïdes putréfactifs que sécrétent les microbes anaérobies... En 1831 et 1883, généralisant ces pre- mières recherches, j’examinai les matières extractives de l'organisme, la salive, les urines, les ferments, les | venius, et j’observai que les cellules de nos tissus | peuvent aussi produire, même à l’état normal, des | matières toxiques plus ou moins analogues aux pto- maines. En 1874, déjà, sans faire de ces substances extrac- lives ou de ces ferments un examen plus approfondi, Je les avais comparés aux venins de serpents. Plus tard, étudiant ces venins eux-mêmes, je faisais remar- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX quer qu'ils ne doivent pas leur principale activité à des alcaloïdes, mais bien à des principes azotés encore mal déltinis, analogues à ceux que l’on trouve dans les extraits incristallisables des urines et de la plupart des sécrétions normales, Ces poisons, sécrétés par les microbes, par les glandes, par les animaux venimeux, par les cellules de nos tissus, qu’ils soient alcaloïi- diques ou non, étaient pour moi, dès cette époque, les agents chimiques grâce auxquels se produisent les troubles fonctionnels et se généralise l’état morbide » (p. 302-305). Parmi ces conséquences, il me semble que deux surtout sont à signaler pour leur haute portée et pour leur nouveauté. Beaucoup de ses recherches sur les poisons formés dans nos organes ou par les microbes ont conduit M. Gautier à penser que toutes les maladies infec- tieuses ne sont pas nécessairement et par cela même microbiennes. En ce qui concerne les accidents presque toujours mortels qui suivent l’inoculation : d'une petite quantité de venin de serpent, il ne peut être question d’un virus vivant; la maladie n’en a pas moins les caractères de l'infection. N’en serait-il pas de même pour la rage dont on a cherché si vainement l’organisme, peut-être aussi pour la syphilis et pour d’autres infections encore? Actuellement, la concep- tion de la maladie contagieuse due à un micro-orga- nisme spécifique ef vivant, constitue en quelque sorte un dogme médical. Mais en médecine aussi il con- vient, modifiant quelque peu la parole du philosophe, de se demander de temps en temps si les dogmes ne finissent pas. « Un virus ne contient pas nécessaire- ment un microbe... Les virus sans microbes définis, tels que ceux de ja rage et de la syphilis, paraissent agir par leurs diastases toxiques, e{ se reproduire au sein de l'économie vivante » (p. 366-367). Si, dans un avenir plus ou moins rapproché, les pa- thologistes arrivent à distinguer, à côté des maladies contagieuses, produites par le développement d’un micro-orsanisme, une autre classe de maladies, tout à fait analogues à celles-ci par leurs caractères, mais dues à l’action de substances semblables aux venins, sortes de « toxines-ferments », 1ls ne feront qu’em- prunter cette notion à M. Gautier. D'autre part, il importe de remarquer que cette idée, si importante au point de vue de la pathologie générale, provient sans doute d’une conception biologique très hardie, à savoir que les fermeuts dits solubles et beau- coup de toxines doivent être considérés comme encore doués d'organisation, « L'organisation propre à la vie ne paraît pas comporter nécessairement des organismes figurés, cellules, microbes ou protoplasmas granu- leux, Les ferments dits solubles eux-mêmes (et la plu- part des toxines proprement dites entrent dans cette classe) me semblent doués d'organisation, et je erois que c’est en vain qu'on cherchera, comme facteurs premiers de certaines maladies infectieuses, le mi- crobe initial qui les aurait fait naître » (p. vi). Et ail- leurs on lit: « Nous pensons que les ferments, sans être à proprement parler des êtres vivants, sont déjà doués d'une organisation qui se rapproche singulière- ment de celle de la trame du protoplasma de la cel- lule dont ils dérivent » (p. 345). De là les tentatives si intéressantes de l’auteur pour montrer expérimenta- lement que les ferments ont la propriété d’assimiler et celle de se reproduire, propriétés que l'on tient pour caractéristiques de la matière vivante. C'est pour cela aussi qu'il insiste avec tant de raison sur le mode d'action des toxines, leur étonnante activité, dispro- portionnée, tout comme celle des ferments, à leur masse, la persistance de leurs effets, même après qu'ils ont disparu de l'organisme, l'influence de Ja réaction du milieu sur leur activité, etc. Ne serait-il pas curieux, à ce sujet, de rappeler les idées des anciens chimistes sur les corps semi-organisés? Ne semble-t-il pas qu'il y ait réellement des substances qui, provenant d'êtres vivants, résultant de la vie même BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1267 de ces êtres, emportent etgardent,issue d’eux, la marque agissante de leur origine ? Elles témoignent en effet celle-ci par quelques-unes de leurs propriétés ou quelques-unes de leurs actions, si bien qu'on peut se demander si elles ne participent pas encore à la vie, puisqu'elles paraissent manifester encore un peu de ce que la matière vivante a d’essentiel, de spéci- fique. C’est là seulement ce qu'il y a de plus général dans ce livre et c'en est le fonds principal. Mais autour et à côté de ces idées maîtresses se rangent une foule de données positives et de notions importantes. L'ouvrage s'ouvre sur un historique critique excel- lent de la découverte des ptomaines et des leuco- maïnes et sur l'exposé précis de la signification de cette découverte. lei prend naturellement place la théorie physiologique, si grosse de conséquences, à laquelle M. Gautier a attaché son nom, et qui mérite- rait une discussion approfondie. La Revue a déjà eu l’occasion de signaler l'intérêt capital de cette théorie, due tout entière aux travaux de M. Gautier, concer- nant la vie en partie anaérobie du protoplasma cellu- laire, chez les animaux (Revue générale des Sc., 1892, p.29, et 1894, p. 833). « Les animaux produisent néces- sairement, régulièrement, des alcaloïdes dans leurs tissus, par le simple jeu de la vie et du fonctionne- ment normal » (p. 23), « Les leucomaïnes sont les principes basiques que produit normalement lécono- mie animale » (p. 195). Il est clair que la découverte de ces corps conduisait tout droit à l’idée doctrinale dont il s'agit. Mais combien cette idée était éloignée des notions alors admises sur le rôle des oxydations dans les phénomènes chimiques qui se passent dans les tissus vivants! Cela est si vrai que, même dans ce livre, M. Gautier peut encore écrire : « Quant à ma conception du fonctionnement anaérobie des tissus animaux, dont la formation des leucomaines est la conséquence, celte sorte de paradoxe apparent n'entre encore aujourd’hui que difficilement dans les esprits » (p. 28-29). Il a donc fallu à l’auteur un pénétrant ef- fort de pensée pour se débarrasser lui-même de toutes les idées régnantes sur la nature des échanges maté- tériels dont les tissus animaux sont le siège, et pour arriver à cette conception. Les chapitres suivants sont consacrés à l’étude mi- nutieuse des ptomaines, caractères généraux (l’auteur met spécialement en lumière ce fait que les ptomaïines ne possèdent pas et ne peuvent posséder de réactions absolument spécifiques), procédés de préparation (on trouvera là bon nombre de documents chimiques ori- ginaux), classification, description chimique de cha- cune d'elles (parmi le grand nombre de corps ainsi décrits se trouve naturellement la dihydrocollidine CSH!347, la première base hydropyridique connue, dé- couverte par MM. Gautier et Etard; plus loin, l’auteur accepte, peut-être un peu facilement, l'existence de diverses ptomaines que l’on aurait extraites de plu- sieurs urines pathologiques), action physiologique, quelquefois trop sommairement indiquée, La deuxième partie de l'ouvrage traite des leuco- maines, origine et nature, définition, classification, procédés d'extraction, constitution; toute cette partie est, comme bien on pense, remplie de renseignements et de données propres à l’auteur; la classification qu'il présente de ces corps n’est pas moins intéressante au point de vue physiologique que pour les chimistes; on peut en dire autant des relations qu’il établit entre les uréides et les bases créatiniques. Dans la troisième partie, il s’agit des toxines. « On doitcomprendre sous cette dénomination l’ensemble des substances organiques, à caractères chimiques mal déterminés, qui n’agissent le plus souvent sur l’éco- nomie qu'après un certain temps, à la suite d'une sorte d'incubation, et qui sont aptes à provoquer dans l’or- ganisme des modifications profondes, plus ou moins durables, de la nutrition et de la santé » (p. 302). Ce- pendant il est possible d'indiquer avec plus de préci- sion la nature de ces corps : « Il convient, dès à pré- sent, de distinguer parmi les substances produites par les microbes, ou qui naissent du fonctionnement des cellules animales, d’une part, les ptomaines ct leuco- maines, principes à fonctions basiques bien définies, aptes à former des sels cristallisables; de autre, les toxines proprement dites, que nous nous bornerons pour le moment à séparer des matières précédentes par ces deux caractères négatifs qu'elles ne paraissent pas gé- néralement douées de propriétés alcaloïdiques fran- ches, et qu'elles ne semblent pas être constituées par des principes uniques et définis : ce sont presque tou- jours des mélanges complexes formés surtout des dé- rivés les plus prochains des albuminoïdes ou des nu- cléo-aibumines » (p. 311-312). M. Gautier s'efforce encore de distinguer avec plus de netteté les toxines; il ya là des pages que tout le monde tiendra à lire sur les fonctions chimiques des toxines, sur leur analogie avec les venins, avec les enzymes; la portée de la con- clusion n’échappera à personne : « Ainsi, entre les toxines proprement dites et les ptomaïnes, la démar- cation absolue qu’on a voulu tracer n existe pas : on passe d'autant plus facilement et insensiblement des unes aux autres que les corps albuminoïdes ordinaires peuvent être regardés eux-mêmes comme des alca- loïdes très faibles. Ces toxines albuminoïdes et diastasiques, presque toutes douées de fonctions basiques, qui passent insen- siblement aux ptomaines, représentent done simple- ment quelques-unes des formes chimiques plus com- plexes, souvent incomplètement interprétées, sous lesquelles la matière, pétrie et modifiée par les mi- crobes pathogènes, se charge de puissance et de véné- nosité » (p. 329-330). Les pages relatives au mode d’ac- tion des toxines, dans lesquelles celles-ci sont rappro- chées des ferments, n’intéresseront pas moins. Dans les chapitres suivants et jusqu’à la fin de l’ou- vrage, l'auteur décrit les différentes toxines connues, végétales et animales, et les antitoxines, les ferments digestifs à action toxique, les sucs glandulaires, les ve- nins, venins de Serpents, de Poissons, d'Hyménop- tères, etc., les sangs venimeux et enfin les toxines des maladies virulentes. — Très habilement, mais pour des raisons profondes, il rattache au fond même de son sujet les expériences et les conceptions de Brown- Séquard sur les « glandes à sécrétion interne ». C'est qu'en effet les extraits de glandes ont, en général, des actions physiologiques et toxiques énergiques. « L'économie, écrit M. Gautier (p. 608), sécrète des poisons et des ferments; pourquoi ceux-ci, comme ceux-là, n’agiraient-ils pas sur les divers orsanes, par l'entremise des humeurs, pour créer en eux une exci- tation, une modification nutritive plus ou moins du- rable? La glande testiculaire est de celles qui paraissent se comporter ainsi. Brown-Séquard montra l'influence de ses extraits sur la nutrition, et, généralisant aussi- tôt, il eut la hardiesse de penser que les glandes closes fournissent à l’économie l’un ou l’autre des ferments qui, directement ou indirectement, contribuent à l’assi- milation et à la nutrition générale. L'expérience a donné raison à cette conception puissante; nous con- naissons aujourd'hui, en partie du moins, les ferments issus de ces glandes et l'influence qu'ils exercent pour régulariser les fonctions générales, créant ainsi entre les organes une symbiose dont le mécanisme était resté jusque-là tout à fait ignoré. » Sans doute, au cours de ce long travail, on pourrait relever cà et là quelques erreurs de détail, par exemple quelques indications, surtout d'ordre physiologique, inexactes, Mais qu'est-ce que cette critique « regral- teuse » enlèverait à la valeur de ce livre, où sont réunis et solidement classés tant de documents originaux, el où la force de la pensée généralisatrice le dispute à la féconde abondance des idées? Dr E. GLEY, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. 1268 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 30 Novembre 1896. M. le Ministre de l'Instruction publique approuve l'élection de M. Michel-Lévy dans la Section de Minéralogie. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Perrotin commu- nique un nouveau système d'éléments de la comète Giacobini; cette comète est bien périodique et elle appartient au groupe si intéressant des astres qui, retenus dans le système solaire par l’action de Jupiter, peuvent-en être chassés sous l'influence de la même cause. — M. H. Poincaré montre comment la théorie des solutions périodiques peut, dans certains cas, se rattacher au principe de moindre action. — M. F. Ma- rotte montre qu'à tout domaine singulier (point ou courbe) d’une équation linéaire aux dérivées partielles du premier ordre est attaché un groupe, fini ou infini, dont les invariants différentiels déterminent complète- ment la forme analytique des intégrales au voisinage du domaine singulier. — M. E. Cotton indique une nouvelle classification des équations linéaires. aux dérivées partielles du second ordre à deux variables; cette classification s'établit par la considération de deux expressions H et K analogues aux expressions h et X introduites par M. Darboux. — M. Raoul Bri- card communique plusieurs théorèmes sur des dépla- cements remarquables : généralisation des modes de déplacement indiqués par MM. Darboux et Mannheim. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Maseart indique les premiers résultats des ascensions de ballons montés et de ballons libres faites à Paris, Berlin, Vienne, Saint-Pétersbourg, Strasbourg, Munich, Varsovie, dans la nuit du 13 au 14 novembre, suivant les décisions récentes de la Conférence météorologique interna- tionale. — MM. G. Hermite et G. Besançon donnent des renseignements particuliers sur l’ascension du ballon-sonde lancé à Paris, et qui est retombé près de Dinant. Le diagramme constate que le ballon est parvenu à 15.000 m.; la température minima a été de — 60°. — MM. Crova et Houdaïille communiquent les déterminalions actinométriques qu'ils ont faites cet été au Mont-Blanc. Les conditions des observations ont été assez défavorables: la valeur trouvée de la constante solaire (2% 90) diffère peu du chiffre admis jusqu'à présent; toutefois, les auteurs pensent que cette valeur est encore trop faible. — M. G. Darzens considère une nouvelle fonction qu'il désigne sous le nom d’entropie moléculaire et dont il donne les prin cipales propriétés. — M. L. Holtz adresse une note intitulée : Le microphone et la découverte des sources. — M. Th. Schloesing a déterminé le titre en acide nitrique des eaux de la Seine et de l'Yonne pendant la crue de novembre 1896 et l’a trouvé bien supérieur au chiffre obtenu par Boussingault pour la grande crue de 1876. Il en trouve l'explication dans les conditions climatériques qui ont précédé les crues, En 14876, les mois grécédents avaient été pluvieux et les eaux avaient entrainé la plus grande partie des nitrates avant la crue ; en 1896, les pluies moins considérables wavaient fait qu'imbiber la terre et dissoudre les nitrates, qui furent entraînés au moment de là crue. — M. V. Thomas montre que le bromure ferreux en solution aqueuse absorbe le bioxyde d'azote d’après la loi dé M. Gay. — M. Levat a fait des essais de trempe de l’acier à l'acide phénique; les aciers obtenus sont meilleurs que ceux trempés à l’eau. — M. L. Perdrix a étudié l’action du permanganate de potasse sur les alcools polyatomiques et leurs dérivés, en solution fortement acide et à chaud. La réaction est de la forme : C'HPO* + n0 = aCO? + 6 CH20? + CH: 0: Il n’y a que de rares exceptions. — M. C. Tanret a observé que, si l'on cultive l'Aspergillus niger dans un liquide renfermant une proportion plus forte de nitrate d'ammoniaque que le liquide de Raulin, le mycélium se développe énormément, mais sans s50- ruler; en même temps, de l'acide nitrique libre apparaît dans le liquide de culture, et de l’amidon se forme dans le tissu du champignon. — M. Lechappe adresse une note sur un procédé pratique de produc- tion de l’acétylène, 3° SCIENCES NATURELLES. — M. L. Ranvier donne la description des lymphatiques de la villosité centrale chez le rat et le lapin. — M. Lemoine a appliqué la radiophotographie à l'étude du squelette des animaux de l'époque actuelle. Dans les photographies qu'il présente, Lous les détails de la conformation intérieure des os se trouvent mis en évidence avec la plus grande netteté. — M. Bernard Renault, ayant étudié un grand nombre de houilles offrant de faibles indices d'organisation et ne présentant aucune fissure ayant permis à des microorganismes de s’y introduire acci- dentellement, y a trouvé des quantités considérablés de Microcoques et de Bacilles fossiles. — M. A. Lacroix communique ses recherches sur les minéraux qui se sont formés par l’action de l’eau de mer sur les scories des mines de plomb du Laurium (laurionite, penfiel- dite, fieldérite, phosgénite, cérusite, anglésite, ma- tlockite et hydrocérusite). — M. J. Blayac présente ses recherches surle Crétacé de la vallée de l'Oued Cherf (province de Constantine). En résumé, le Crétacé inférieur du Cherf présente au nord le faciès vaseuæ à faunes pyriteuses semblables à celles de la région delphino-provencale, et au sud le faciès récifal qui est surtout très accusé dans l’Aptien. Séance du 7 Décembre 1896. 1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H, Deslandres communique les observations de l’éclipse totale de | Soleil du 9 août 1896, faites par lui dans l’île de Yéso (Japon). Ces observations confirment la loi suivante, déjà indiquée : Les variations périodiques des taches, qui sont suivies par les protubérances, s'étendent aussi à la couronne et, donc, à l'atmosphère solaire tout entière. — M. Leveau offre un exemplaire de ses Tables de, Vesta et compare les observations de cette planète faites en 1895 à différents observatoires avec les positions déduites de ses calculs. — Etant données les droites de courbure d’une surface et seulement celles de l’une des nappes de sa développée, M. A. Mannheim montre quels sont les éléments de la deuxième nappe que l’on peut arriver à connaître par la considération du paraboloïde des huit droites, —. M. Le Roy, en étudiant le problème de Dirichlet, est arrivé à considérer certaines fonctions harmoniques fondamentales attachées à une surface fermée dont il. donne l’expression. — M. Maurice d'Ocagne donne la solution des équations représentables par trois sys- tèmes linéaires de points cotés : il considère les deux cas où les droites portant ces trois systèmes sont con= vergentes ou ne le sont pas. — M. L. Mirinny adresse un mémoire intitulé : Modification d’un principe fon-. damental relatif aux quantités imaginaires. 20 ScrENCES PHYSIQUES. — MM. À. Pérot et C. Fabry indiquent la facon dont ils construisent les lames qui ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1269 leur servent d’étalons dans leur procédé de mesure optique des petites épaisseurs. — M. E. Villari répond aux remarques, formulées précédemment par M. Branly, sur la propriété des flammes et des étin- celles de décharger les conducteurs électrisés par le moyen des gaz. — M. J. Niffre adresse une note sur un compresseur d'air à deux cylindres. — MM. Ch. Bouchard et Desgrez ont analysé le gaz qui s'échappe des eaux silicatées de Bagnoles-de-l'Orne. Ce gaz ren- ferme, en volume : acide carbonique, 5,0; azote, 90,5; argon, 4,5; hélium (traces). — M. Guntz a calculé la chaleur de formation de l’azoture de lithium d’après sa chaleur de dissolution dans l’eau; pour mesurer celle-ci, il faut tenir compte des corps étrangers que renferme l’azoture de lithium, car il ne peut être pré- paré absolument pur. La moyenne des chaleurs de dissolution est + 131 cal, 1, d'où l’on déduit, pour la chaleur de formation de LifAz solide + 49 cal,5. — M. René Metzner donne les chaleurs de saturation de l’acide sélénique par la soude, la potasse, la baryte, l’ox;de de plomb, l’oxyde d'argent, ainsi que les cha- leurs de formation des hydrates d'acide sélénique. Si l’on compare les nombres obtenus à ceux qui leur cor- respondent pour l'acide sulfurique, on voit qu'ils sont tous plus faibles, sauf les chaleurs d’hydratation. — M. L. Campredon communique ses expériences com- paratives sur les deux procédés actuellement usités pour le dosage de phosphore dans les cendres de houille et de coke. L'attaque par l'acide chlorhydrique concentré et chaud, même prolongée, est insuffisante pour dissoudre la totalité des phosphates des cendres. Pour obtenir des résultats précis, il faut opérer par fusion avec les carbonatés alcalins et précipiter le phosphore par la liqueur molybdique., — M. A. Hol- lard indique le procédé qu’il emploie pour analyser rapidement el avec une extrême exactitude le cuivre industriel; ce procédé est basé sur l’électrolyse d’un poids donné de métal en solution nitro-sulfurique. — M. Marius Otto étudie les phénomènes de phospho- rescence qui se produisent au contact de l’ozone et de l’eau. Il établit que cette phosphorescence est due à la présence dans l’eau de matières organiques d'origine animale ou végétale, et que la plupart des matières organiques sont susceptibles de donner cette phospho- rescence. — M. F. Landolph adresse un mémoire sur l'analyse optique des urines etle dosage exact des protéides, des glucosides et des matières saccharoïdes non fermentescibles. — M. Balland a analysé le nou- veau pain de guerre que l’on vient de substituer, dans l’armée, au biscuit de troupe; il est fabriqué avec de la levure tendre, del’eau, du sel et de la levurefraîche, ILest moins azoté que le pain de munition, mais l’azote que le soldat perd avec le pain de guerre luiest res- litué par l'augmentation de la ration de viande fraiche en campagne. © 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Ch. Bouchard aétudié la pleurésie chez l’homme à l’aide des rayons Rôntgen; il a reconnu que le côté du thorax occupé par le liquide pleurétique présente une teinte sombre qui contraste avec l'aspect clair du côté sain; de plus, le médiastin, qui n’est pas apparent à l’état normal, porte une ombre à gauche de la colonne vertébrale. L’exploration par les rayons Rüntgen est douce appelée à rendre des services à la Médecine autant qu'à la Chirurgie. — MM. Simon Duplay et Savoire dédui- sent de leurs observations que la toxicité des urines des malades atteints de cancer proprement dit, c’est-à-dire de cancers épithéliaux, est aussi peu démontrée que la présence, dans ces urines, d’une toxine spéciale, Dans un cas unique de sarcome, les autèurs ont trouvé, dans l'urine de la malade, des alcaloïdes et une ptomaine douée de propriétés convulsivantes. — M. L. Ranvier étudie le système lymphatique de la grenouille. Il montre que les vaisseaux lymphatiques, mis en contact, peuvent s'ouvrir les uns dans les autres, pour donner naissance à des canaux ou des ampoules de grandes dimensions; lorsque cette con- fluence se produit sur une grande échelle, il se forme les vastes cavités qu’on appelle sacs lymphatiques. — M. Paul Gibier indique une nouvelle méthode pour recueillir le venin de serpents vivants et rendre la prise de l'animal inoffensive. — La recherche médico-légale de l’oxyde de carbone dans le sang se fait généralement avec le spectroscope, qui donne souvent des indications incertaines. M. N Gréhant conseille de contrôler les résultats obtenus par l'emploi de son grisoumètre et il indique la technique du pro- cédé à suivre. — M. Auguste Michel éludie l’origine du bourgeon de régénération caudale chez les Anné- lides; cette régénération est pour la plus grande partie, sinon uniquement, d'origine ectodermique. — M. E. Roze étudie la maladie de la pomme de terre due au Rhizoctone. Le mycélium de ce champignon est formé de filaments noirâtres qui se condensent en certains .points sous forme de corpuscules (sclérotes) qui adhè- rent à la surface épidermique de la plante; mais, si les cellules épidermiques sont mortifiées, les filaments pénètrent à l'intérieur. — M. Willot signale un moyen de destruction de l’Heterodera Schachtii (nématode de la betterave) : il consiste à arroser le terrain à l’eau de gaz, qui tue les larves au moment où elles sortent de la femelle, — M. A.-G. Grimblot adresse un mémoire sur la germination des spores de la truffe. — M. A. La- croix a étudié. dans la Haute-Ariège, les transforma- tions endomorphiques du magma granitique au con- tact des calcaires. Il conclut qu'un magma granitique peut, avant sa consolidation définitive, absorber des quantités considérables d’assises sédimentaires qui, par leur influence chimique, transforment sa compo- sition de facon à lui faire parcourir la série presque complète des roches éruptives grenues. — M. A. de Schulten indique les réactions qui lui ont permis d'arriver à la reproduction artificielle de la pirssonite et à celle d'un mélange de morthuptile, gaylussite et pirssonite. — M. A. Pomel donne la monographie des éléphants quaternaires de l'Algérie: les espèces dé- crites, au nombre de six, appartiennent à deux hori- zons géologiques quaternaires, séparés par un faible envahissement de la mer.—M,. A, Pomel communique également une monographie des rhinocéros quater- naires de l'Algérie, — M. Ph. Glangeaud décrit les différentes assises du Jurassique supérieur qu’on rencontre aux environs d'Angoulême avec les fossiles caractéristiques des couches. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 1° Décembre 1896. M. Panas analyse un mémoire de M. le D' Gourfein (de Genève) intitulé : Double ophtalmoplégie extérieure héréditaire chez six membres de la même famille. Cette curieuse affection se traduit par l’immobilité des globes oculaires et des paupières qui tombent et forcent le malade à renverser la tête en arrière et à la tourner dans tous les sens pour se conduire. L'étiologie de cette maladie reste obscure. Toutefois, l’auteur pense qu'il s’agit, dans ce cas, d'une forme d'amyotrophie héréditaire familiale. — M. R. Blan- chard analyse un mémoire de M. le D' E. Legrain (de Bougie) intitulé : Sur un nouveau ças de pied de Madura observé en Algérie. Celte maladie est une sorte d'hypertrophie du pied avec tumeurs remplies d’une sérosité tenant en suspension des grains blancs; elle est causée par un champignon, le Discomyces Madurae et a beaucoup de ressemblance avee lacti- nomycose; on ne connait encore aucun moyen de guérison. — M. Kelsch présente quelques considéra- tions eritiques sur la contagion et l’origine des mala- dies infectieuses. Il ne faut jamais oublier la trans- missibilité de ces maladies, mais il faut se garder de lui attribuer un rôle exclusif. On doit se rappeler que le même microorganisme peut être tour à tour sapro- phyte et pathogène, et que nombre de maladies in- 1270 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES fectieuses naissent ainsi, sans contagion directe ou médiate, par le simple fait que les microbes, pour des causes diverses, passent du premier au second de ces états. — M. le D' Klein lit un mémoire sur un cas d’anévrisme cirsoïde intra-cranien chez une fillette de quatre ans. Séance du 8 Décembre 1896. M. le Président annonce à l’Académie le décès de M. Isidore Straus. — M. Huchard est élu membre titulaire dans la Section de Thérapeutique et d'His- toire naturelle médicale, — M. A. Gautier analyse un mémoire de M. EH. Duchenne. Il s'agit d’un em- poisonnement provenant, d’après l'auteur, de ce que le malade avait absorbé du lait contenu dans une boite en fer-blanc, dont les soudures renfermaient du plomb. M. A. Gautier attribuerait plutôt l’empoison- nement à des fermentations bactériennes produites dans un lait mal conservé, mais il n'est pas douteux que les soudures à l’étain plombique dans les usten- siles culinaires constituent souvent un grave danger. — M. Péan décrit une opération d'æœsophagotomie externe, exécutée en vue de l’extraction d’une pièce de monnaie, après diagnostic radiographique. La pré- sence des pièces de monnaie dans l’æsophage a été plusieurs fois constatée à l’autopsie chez les enfants sans avoir été présumée pendant la vie, — M. le D' Schwartz lit un mémoire sur la torsion du pédi- cule des fibromes sous-péritonéaux de l'utérus. — M. le D' Motais (d'Angers) litun travail sur la valeur hygiénique des éclairages artificiels, SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 4 Décembre 1896. M. Bouty, président, annonce à la Société que le congrès général des Sociétés savantes s'ouvrira le mardi 20 avril 1897, à deux heures, à la Sorbonne, et sera clos par une séance solennelle, présidée par M. le ministre de l'Instruction publique, le samedi 24. M. Schürr adresse une note sur l'expérience d'OErsted. La dérivation de laiguille aimantée passe par un maximum quand on la rapproche du fil qui conduit le courant ; la formule de Biot et Savart rend parfaite- ment compte des résultats observés. — M. Benoist, relativement à l'observation faite par M. Gendron à la séance précédente (voir la Revue, p. 1224) et au texte du procès-verbal, rappelle que M. Branly, qui a décrit des électroscopes à lame centrale fixe dans son Traité éle- mentaire de physique paru en janvier 1893, s’est servi dans ses expériences du 20 mai 1892, d'un électros- cope à lame fixe et à une feuille mobile, — M. Pellat expose comment il à mesuré la force agissant sur les diclectriques liquides non électrisés placés duns un champ électrique. Dans un travail précédent (voir la Revue du 30 mai, p. 496). M. Pellat avait fait la même mesure pour les diélectriques solides. L'expérience est ici plus diflicile; il faut mesurer les dénivellations qui n'at- teignent que quelques dizaines de microns. Le liquide est contenu entre les armatures d’un condensateur ver- tical dont il occupe environ la moitié de la hauteur; quand on électrise les armatures, la théorie, basée sur la seule considération de l'énergie, montre que le niveau du liquide doit s'élever, de facon à augmenter la capacité du condensateur ; on déduit la variation de niveau de celle qui se produit dans un vase commu- niquant extérieur. Pour mesurer celte seconde déni- vellalion, on a fait plonger dans le vase un flotteur suspendu au fléau d’une balance Curie, poriant une division en 0,1 mm. que l’on observe à l’aide d’un microscope; un calcul simple permet de déduire de la quantité dont s’abaisse le flotteur l'élévation de niveau du liquide, On peut faire la mesure de plusieurs facons : le liquide soumis à l'expérience n’occupe qu'une partie (2,43 em.) de la distans totale (5,43 cm) des armatures ; on peut: 1° laisser pleins d'air les deux intervalles de séparation, 21es remplircomplè- tement du même liquide ou 3° n’y verser ce liquide qu jusqu’au niveau atteint à l’intérieur. Ces trois cas don- nant lieu à trois formules qui contiennent, outre des longueurs, une différence de potentiel, le poids spé- cifique du liquide, les pouvoirs inducteurs spécifiques de l’ébonite qui constitue les cloisons et les supports des armatures et celui du pétrole, non volatil, qui servait aux expériences. Ces deux constantes ayant été üéterminées séparément, on peut calculer complète- ment la valeur théorique de la dénivellation; les valeurs observées qui varientde 0,0037 cm à 0,6066 em.; ne diffèrent des valeurs calculées que de quantités très faibles (9 au plus) qui ne présentent aucun caractère systématique. Les conséquences de la théorie sont ainsi vérifiées. M. Pellat annonce, pour une pro- chaine séance, une discussion destinée à montrer que toutes les théories de l'électrostatique sont insuffi- santes et qu'il est nécessaire de baser les raisonne- ments sur un autre fondement que la loi de Coulomb. Répondant à une question de M. Poincaré, M. Pellat rappelle que, dans les expériences de M. Duter, la contraction électrique qui se produisait dans un verre soumis à un champ intense, était extrèmement faible: elle n’a pu exercer aucune déformation sensible dans son appareil. — M. Perrin expose ses recherches sur l'influence de la pression et de la température sur la décharge par les rayons X. Comme dans des recherches précé- dentes (voir la Revue du 15 nov. p. 928), la décharge élait produite par un faisceau de rayons passant entre les lames d’un condensateur, sans les toucher. L'une des armatures était reliée à un électromètre, qui mesu- rait le débit, En placant le condensateur dans une boîte où l’on peut faire varier la pression, on constate que, de 7 em, à 116 cm. de mercure, le débit est pro- portionnel à cette pression. Si on le rapporte à l’unité de masse du gaz, on voit qu'il est, pour une masse donnée, indépendant de la pression. Pour étudier Pin- fluence de la température on a opposé deux conden- sateurs déchargés par les mêmes rayons ; pour l’un on pouvait faire varier la température, pour l’autre la pression de facon à rendre les débits exactement égaux et de signes contraires, c’est à-dire à maintenir au zéro un électromètre intercalé entre les deux. Quand on rétablit l'équilibre pour une certaine température, on constate que l’on peut faire varier cette tempéra- ture (de —12°à + 14#5° sans que l’équilibre soit rompu.Le débit est donc, à pression constante, indépendant de la température ou, à masse constante, proportionnel à la température absolue. L'énergie moyenne d’une molé- cule, dans la théorie cinétique du gaz, est également indépendante de la pression et proportionnelle à la température absolue. On peut donc exprimer les résul- tats de l’expérience en disant que le nombre de molé- cules dissociées est proportionnel au nombre de molé- cules rencontrées, quelle que soit leur distance, et pro- portionnel à leur énergie moyenne. Si l’on admet que les atomes gazeux, en se séparant, entraînent les mêmes quantités d'électricité que dans l'électrolyse ordinaire, on peut se faire une idée de la grandeur de la décomposition chimique produite : on trouve qu'elle est extrêmement faible. M. Joubert attire l'attention sur l'intérêt qu'il y aurait à faire des expériences sur différents gaz. M. Benoist rappelle que les expériences qu'il a effectuées en commun avec M. Hurmuzescu conduisent à admettre que les gaz occlus à la surface du mélal rencontré par les rayons X sont expulsés avec une vitesse (en poids) proportionnelle à la racine carrée de la densité, le coeflicient restant le même quand on change le gaz. Cet énoncé, qui semble diffé rent de celui de M. Perrin, lui estau fond identique, En effet le poids de gaz mis en liberté et la quantité d'électricité qui disparaît sont également proportion: nels à la racine carrée de la densité, c’est-à-dire que leur rapport est constant, comme l’énonce M. Perrin. De nouvelles expériences de M. Perrin sur des gaz différents montreront que le débit est, à une pression donnée, proportionnel au poids du gaz, quelle que soit ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sa nature.Quant à la loi de la température, elle semble connexe de celle de la pression, puisqu'à masse cons- tsnie les deux quantités sont proportionnelles. L’antino- mie des lois observées par M. Perrin et par MM. Benoist et Hurmuzescu semble prouver à nouveau que, dans les conditions où ces derniers expérimentateurs ont opéré, les phénomènes qu'a isolés M. Perrin ne jouent qu'un rôle négligeable ; si les deux effets étaient du même ordre, on observerait une loi mixte. Quant au mécanisme du phénomène, M. Benoist persiste à croire à l'existence d’une convection moléculaire sans disso- ciation, la loi de la masse et celle de la température, où ninterviennent que les molécules dans leur ensemble, sont des lois de convection. M. Perrin ne croit pas que le rapoort des deux portions du phé- nomène soit de l’ordre de grandeur qu'indique M. Benoist ; on trancherait la question en mesurant dans chacune des dispositions le débit par centimètre cube de gaz. M. Guillaume estime que les recherches de M. Perrin apportent beaucoup de lumière dans la question. M. Villari a décrit des expériences dans les- quelles un électroscope est déchargé par un tube de Crookes au delà d’un écran de petites dimensions, comme s’il y avait un reploiement des rayons autour d’un obstacle, ou au delà d'un grand écran, quand on piace latéralement une lame métallique, qui semble réfléchir les rayons. En réalité, il est clair maintenant, d'après la distribution des lignes de force dans ces expériences qu'on à affaire simplement à la décharge par de Pair qui a été traversé par les rayons. M. Righi a démoutré que l'action se produit bien suivant les lignes de force en disposant des obstacles de forme déterminée, dans des cas où il était possible de dessi- ner à priori le contour de l’ombre électrique qu'ils devaient porter sur un conducteur. Les phénomènes observés par MM. Benoist et Hurmuzescu peuvent s'expliquer par une propriété des rayons X analogue à la pulvérisation de la cathode sous l'influence de la lumière ultra-violette, qu'ont observée MM. Lénard et Wolf. Dans certains cas où on a pu croire à une réflexion, il y avaitseulement transformation ; MM. Win- kelmann et Stranbel constatent qu'à la hauteur d’un morceau de spath-fluor placé derrière une plaque sen- sible l’action est 100 fois plus intense que dans les réuions libres ; il ne peut s’agir ici de réflexion; en fait on observe la formation de rayons ultra-violets avec un maximum vers À — 0,28 y. Avant de chercher à définir l'intensité des rayons X, il serait nécessaire de spécifier leur nature; dans des expériences de M. Davies, des rayons, qui illuminent un écran à 20 ou 25 m, du tube, traversent indifféremment les os et les chairs ; la méthode de comparaison proposée par M. Perrin ne serait qu'une photométrie sélective. La théorie de l’ionisation présente de grandes difficultés. Qu'est-ce qui distingue la molécule qui, d’après M. J.-J. Thomson, est choisie parmi plusieurs milliards pour être dissociée? L'action est-elle indépendante de la ‘distance ou y a-t-il des rayons spéciaux absorbés au bout de quelques décimètres ? Cependant cette théorie semble expliquer assez facilement les actions photo- #raphiques et l’existence, observée par M. S. P. Thompson, du spectre d'émission du métal dans la fluorescence des platinocyanures de potassium et de baryum; elle rendrait peut-être comple aussi des ellets physiologiques désagréables et de ia chute des poils qui suivent une action prolongée des rayons X. M. Broca a observé que la chute des poils n’est qu'un effet secondaire ; il se produit d’abord une eschare et les poils ne disparaissent qu'aux points où la peau ne se reforme pas complètement. — M. Violle présente, au nom de M. Hémot. constructeur, un vase gradué en divisions qui indiquent le volume occupé par une mème masse d’un kilogramme d'eau à des tempéra- tures variant de 4° à 30° et des pipettes sur lesquelles est marqué, à partir d’un trait de repère, le volume de 100 gr. et de 1 gr. d'eau, aux mêmes températures, C. RAvEau. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 13 Novembre 1896. M. Moissan, président, avant d'ouvrir la séance, adresse à la famille et aux amis d’A. Combes les con- doléances de la Société Chimique, — Par l’action du chlorure d’aluminium sur lanhydride camphorique, M. Blanc a préparé un acide de formule C°H1#0? don- nant des éthers liquides facilement saponifiables, En passant par le chlorure d'acide il a préparé l'amide, l’anilide, l’hydrazide de cet acide ; ces trois derniers dérivés ne sont pas saponifiés par la potasse alcoo- lique.— L'étude dusuc de certains champignons a per- mis à M. Gabriel Bertrand de déceler l'existence simultanée dans ces cryptogames des deux espèces distinctes de ferments solubles oxydants qu’il avait antérieurement signalés chez les végélaux. A propos de la communication précédente, M. Béchamp retrace l'histoire des zymases, — M. Wyrouboff insiste sur le grand intérêt que présente l'étude des silicotungstates pour déterminer les formules des oxydes métalliques ; il communique ses recherches sur ce sujet. — M. Lebeau a étudié les propriétés de la glucine pure. Il a pu la fondre et la volatiliser. Cette glucine ainsi fondue n’a pas acquis l’inaltérabilité de l’alumine : l'acide sulfurique bouillant la transforme en sulfate de glucinium anhydre et cristallisé. Le bore et le sili- cium seuls réduisent la glucine; l'aluminium, le ma- gnésium, les métaux alcalins sont sans action. M. Lebeau a repris les expériences de M. Winkler; il conclut à la non-existence de l’hydrure de glucinium, qui se formerait d'après le chimiste allemand dans l’action du maguésium sur la glucine dans une atmos- phère d'hydrogène. — M. Tassilly passe en revue les procédés de dosage de la caféine dans le café; il décrit successivement les méthodes de Commaille perfec- tionnée par M. Cazeneuve, de Petit, Grandval et Lajoux, Domergue et Nicolas, Dvorkovitch, Herlaut et Georges. Il donne les précautions avantageuses à prendre dans ces opérations. — L'étude de la fusibilité des mélanges de sels a permis à M. H. LeChatelier d'ob- server une anomalie singulière dans le cas de mélanges de sulfate desoude avec les autres sulfales métalliques. Si l’on additionne le sulfate de soude de quantités crois- santes de sulfate de chaux, de baryte,de plomb ou de cad- mium, il y a d’abord élévation du point de solidifica- tion jusqu’à ce que l’on se trouve en présence d’une certaine proportion de sulfate métallique variable d’un métal à l’autre. Dans ces dernières conditions le point de solidification s'abaisse et la courbe reprend une allure normale, L'examen au microscope polarisant de plaques minces taillées dans le mélange fondu de sul- fate de soude et de sulfate de chaux permet de recon- naître l’existence de cristaux homogènes semblables à ceux de sulfate de soude. Cependant la double réfrac- tion décroit pour s’annuler presque complètement pour un mélange de deux molécules de sulfate de soude pour une de sulfate de chaux, On peut donc admettre que l'on a entre les mains un mélange iso- morphe de sulfate de soude et d’un sulfate double de chaux et de soude. La preuve directe de cette hypo- thèse n’a pu être faite. — M. Scheurer-Kestner à eu l’occasion d'observer un accident survenu par l’emploi de soude caustiqueen fusion dans un appareil en fonte dont les accessoires étaient en fer. Il a reconnu par expérience que, sous pression, le fer et la fonte sont plus attaqués par lasoude qu’à l’air libre. Cette attaque devient plus rapide si la température s'élève, et elle est de 45 à 55 °/, plus faible avec la fonte qu'avec le fer, E. CHaRoN. SECTION DE NANCY, Séance du 16 Décembre 1896. M. A. Haller, dans le but de démontrer queles deux groupes carboxyles de l'acide camphorique sont dans une position analogue à celle où se trouvent les mêmes ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES groupes dans l’acide glutarique, a soumis ce dernier à l’action de l’isocyanate de phényle et a obtenu directe- ment de la dianilide glutarique qui, chauffée à une température très élevée, a fourni de la phénylgluta- rimide. Il a déjà montré que l'acide camphorique se comporte de la même façon vis-à-vis de la phé- nylcarbimide, Si l’on soumet maintenant l'acide homo- camphorique à l’action de l’isocyanate, on obtient de la dianilide qui n’a pu être convertie en phényli- mide. Dans ce dernier acide, les deux carboxyles sont séparés par quatre atomes de carbone, comme dans l'acide adipique. Or un dérivé de substitution méthylé de ce dernier, l’acide 8 méthyladipique, soumisà l’action de l’isocyanate, a fourni une dianilide, mais non une phénylimide, ainsi que l’a démontré M. Arth. L’acide camphorique et son homologue supérieur peuvent donc être représentés par les formules : CH—COOH CH—CH?—CO0H | 7! C5H° CH? C5H° CH? NA \ | CH—COOH CH—COOH Acide camphorique Acide homocamphorique ou par d’autres dans lesquelles les atomes d'hydrogène de la chaine — CH—CH?—CH sont remplacés par- tiellement par des radicaux alcoyles, le but de cette étude étant uniquement de montrer que les carboxyles sont dans le premier cas en + et dans le second en à vis-à-vis l’un de l’autre. — MM. Haller et Guyot, en traitant à 100° 1 p. de chlorure de fluorescéine par 4 à 5 p. d'acide azotique fumant, ont obtenu un dérivé dinitré, de couleur jaune pâle, soluble à chaud dans la nitrobenzine, d’où il cristallise par refroidissement en cristaux microscopiques. Il était à prévoir que le voi- sinage des groupes nitrés devait communiquer aux atomes de chlore de cette molécule une facilité de subs- titution comparable à celle des chlorures alcooliques. Les auteurs ont, en effet, constaté que ce dérivé chloro- nitré réagit à une température de beaucoup inférieure à celle exigée par le chlorure de fluorescéine non nitré sur les amines primaires ou secondaires de la série grasse ou de la série aromatique, en donnant des rho- damines dinitrées dont les sels présentent une colora- tion rouge violacée ou bleue et ne sont stables en so- lution qu’en présence d'un excès d'acide, la basicité de ces molécules étant fortement atténuée par le voi- sinage de ces groupes nitrés. Les amidorhodamines correspondantes s’obtiennent en réduisant par le pro- tochlorure d’étain les solutions chlorhydriquesdes dé- rivés nitrés précédents. Ce sont des matières colo- rantes frès intenses, mais qui sont très sensibles aux acides, même dilués, qui font virer la nuance du bleu au rouge. Il est à remarquer que, malgré la présence probable d'un oxygène pyronique, cescomposés ne pré- sentent pas la fluorescence caractéristique des rhoda- mines ordinaires. Les auteurs ont particulièrement étudié dans cette série les rhodaminues provenant de l’action de la diméthylamine et de la p. amidodimé- thylaniline sur le chlorure de fluorescéine dinitré. La description de ces composés fera l’objet d’une prochaine communication, — M. Muller, en faisant bouillir des écorces de chêne avec un grand excès d’eau, a constaté que la teneur en tanin (Lüwenthal) de la solution claire dépend du temps qui s’est écoulé entre Ja fin de l’ébullition et le moment où l’on prélève la liqueur à titrer. Les différences peuvent dépasser 20 %. Elles sont dues à une réabsorption de la matière tannante par l'écorce pendant le refroidissement. Si l’on veut faire des dosages corrects, la liqueur à doser doit être prélevée aussitôt après la cessation de l’ébullition et aussi claire que possible. Dans ces conditions, on trouve les mêmes chiffres qu'avec les extracteurs ordi- naires, qui peuvent être ainsi simplement remplacés par un ballon muni d’un réfrigérant ascendant; 20 gr. d'écorce sont épuisés en moins d'une heure par Paris. — Imprimerie F. Levé, rue Cassette, 17 1.500 centimètres cubes d’eau ajoutés en une fois. — M. Minguin prépare du bornéol artificiel droit (+ 3%) en grande quantité en combinant sa méthode d’oxyda- tion par l'acide chromique ! avec la méthode de refroi- dissement de Montgolfer ?. De cette facon, il a pure- tirer à peu près toutle bornéol droit renfermé dans un mélange de camphol et d'isocamphol. Il ajoute aux pro- priétés deséthers bornyliques la propriété suivante : la vitesse et la puissance d’éthérification des iso-camphois sontmoins grandes que celles des camphols. Il donneen- suite les résultats qu’il a obtenus dans l'étude cristallo- graphique des différents succinates de camphols. Le suc- cinate droit (+ 37) et le succinate gauche(— 37°) sont identiques et tons deux dimorphes : l’une des formes apparent au système hexagonal et l’autre au système orthorhombique. Les succinates de camphols 8 sont monomorphes et cristallisent dans le système hexago= nal. De plus tous les succinates de camphols & et £ sont isomorphes, mais pas isodimorphes. La forme commune est la forme hexagonale. En somme les quatre éthers sléréoisomères sont isomorphes dans le sens le plus strict du mot, c’est-à-dire que dans celte molécule une orientalion quelconque des mêmes atomes autour des carbones asymétriques n'a pas d'influence sur le = réseau cristallisé, Le succinate racémique à a, est différent des autres au point de vue cristallographique. Enfin M. Minguin a encore retrouvé dans ces cristaux une zone (110, 162°) déjà constatée dans le camphre et dans beaucoup de dérivés du camphre 8, ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 12 Novembre 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. O.Biermann étudie la réduction des intégrales abéliennes en intégrales elliptiques. Weierstrass a déjà montré les relations qui doivent exister entre les constantes d'une équation algébrique irréductible de degré p pour que l'intégrale abélienne de première espèce qui lui correspond puisse se transformer en une intégrale elliptique, Les résul- tats de l’auteur, basés sur sa représentation des inté- grales de première et de deuxième espèce par des logarithmes de fonctions primaires non annulables, apportent une nouvelle preuve aux théorèmes de Weierstrass. — M O. Tumlirz détermine la trajec- toire d'un liquide qui s’écoule par une petite ouver- ture percée au fond du vase qui le contient, 20 SCIENCES NATURELLES. — MM. R. Heller et H. von Schrotter envoient une note intitulée: La carina tracheæ, contribution à l'étude de la bifurcation ue la trachée et observations anatomiques sur sa struc- ture, Séance du 19 Novembre 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Leo Brenner envoie ses observations de Jupiter faites à l'Observatoire de Lussinpiccolo en 1895 et 1896. Ses 103 dessins sont pleins de détails intéressants et constituent un maté- riel précieux pour l’étude des changements de la sur- face de la planète. , 20 SGiENCES PHYSIQUES. — M. St. Meyer communique ses mesures de la vitesse de propagation du son dans les métaux, faites directement au moyen d’un chrono- graphe à pendule. Il a étudié les métaux et alliages suivants : Mg, Al, Fe, Ni, Cu, Zn, Ag, Pt, acier, bronze, laiton. En général, il existe des relations linéaires entre la vitesse du son et le poids atomique, — M. E. Haschek envoie ses études sur les spectres d’élin- celles ultra-violets des éléments nickel et cobalt. Ils sont caractérisés par des lignes nombreuses et très nettes. 1 Soc. chimique t. XV. XVI, p. 344. ? Thèse de la Fac. des Sciences de Paris (1878). 3 C. R. t. 122, p. 1.548; t. 123, p. 248. Le Directeur-Gérant : Louis OLIvIeP. nn à mins. à oui. Riviène (L.), TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOME VII DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (pu 45 JANVIER AU 30 DÉCEMBRE 1896) — ARTICLES ORIGINAUX Astronomie et Météorologie JANSsEx (J.). — Revue annuelle d'Astronomie. . . . Poincaré (H.). — La vie et les travaux de F. Tisserand, Lecon d'ouverture du Cours de Mécanique céleste à La Bi RE RSR EE ME SES EE Botanique et Agronomie Bourne (P.). — La Viticulture en Tunisie . , . , . . . Corxu (M.). — L’Acclimatation végétale en Tunisie et le jardin d'essai HOMTUNSEN-L T0 do GauckLer (P.). — Les Amén agements agric oles et les grands travaux d'Art des Romains en Tunisie. Gnranpeau (L.). — Les besoins généraux de l'Agriculture en Tunisie. La culture des céréales et l'élève du DÉTENTE OR TST A eo does. Joie LangacérriER (A.) et Macpeaux (L.), — L'état actuel de la culture de la betterave en France : 1'e partie : Choix des variétés. Culture de la betterave OR Ce eee ee ODes loue, Os ee 2me partie : Betterave de distillerie et betterave four- MARORP SEM: + ares SR L'ESPINASSE-LANGEAC (de) . — La Sinre de Volivier en RTE. bobo Es EN COM APRRESEUE Loru (G.). — Les forèts ot la question du reboisement en Tunisie"... … . ME aber EC Mancix (L.). — Revue annuelle de Botanique. — La culture industrielle des plantes orne- mentales en Algérie. . . . . Chimie Bruxer (L.). — Les faux équilibres chimiques. Surfusion CSSS ALL AONE a een oc. Dawour (E.). — L'état actuel et les besoins de la Verrerie et de la Cristallerie en France : 1. Historique; Frs procédés re de fa- “brication. . . . AT ee fs . « : IL. Industrie du verre à vitre; glacerie; verrerie à bou- tcilles; rôle de la science et du dessin dans les in- dustries du verre; questions EE en a sociales CHIOUVTIÉFES EN et US Duproxr (F.). — Les travaux du récent C ongrès de C himie appliquée : HI. Analyses officielles et commerciales des matières soumises à l’impôt. Unification des instruments de MAC NÉE SO RC REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1896. 1101 1080 954 1087 155 909 Ertanp (A.). — Revue annuelle de Chimie pure. . . . . 775 GuérouLr (G.). — État actuel de la Verrerie et de la Cr ris- tallerie en France : Cristallerie, Gobeletterie et Flaconnerie, . , . . 1019 Guicaarp (M.), — Les recherches de M. Recoura sur une nouvelle classe de composés du Chrome . 1e 1009 Heckez (Dr E.), — Les graisses végétales des colonies françaises, leur synthèse naturelle et leur synthèse ITAUSÉTICUC EE Re le ma Re ME MER NO Korpa (Désiré). — Les travaux du récent Congrès de Chimie appliquée : VI. Électrochimie. . . al ou mes OLD Laze (L.). — L'état actuel 26 188 Hesoine de la Feéculerie CHF TanCE "ont er de Le Re Slot eo IQ Lerèvre (Léon). — Les industries chimiques normandes à l'Exposition de Rouen. — Produits chimiques ; indus- tries du blanchiment, de la teinture et de l'impression TPSEISSUS MA ER I NE Te dE CLR 00) Léyy (Lucien). — Les travaux du recent Congrès de Chimie appliquée. I. Fermeutation alcoolique et distillerie. 903 Ouivier (L.). — Remarques sur le rôle de la Science ‘dans l'industrie de la Fonte. À Vo EM one EN UE ne) Pigeon (L.). — Les travaux du récent Congrès de Chimie appliquée : IV. Produits chimiques. . . ol Pourcez (A.). — L'industrie de la fonte en France ; I. Constitution et propriétés de la Fonte . . . . . . 465 Me FabriCaton ss A AU ee ÉAL o10 Rocques (X.). — L'état actuel et les Besoins de RUENTE des’eaux-de-vic.et liqueurs en France. . . . . - . . 283 UnBain (E.). — Les travaux du récent Congres de C hinie appliquée : IT. Laiterie, aliments solides et falsifications. . . . . 907 Chirurgie, Médecine, Hygiène, Microbie médicale CHarrin (A.). — Les défenses antitoxiques de l’économie : Humeurs antitoxiques ; organes antitoxiques. . . , . 409 — L'Hérédité en Pathologie. PER ME Seed né I CHassevanT (D° A.)., — Les découvertes récentes sur la fonction thyroïdienne : “bp + 813 Foxroynoxr (M.). — Des injections de sérum | artificiel 182 Gros (Dr H.).—Le Climat tropicalet l'Acclimatement . . 559 Hartmann (H.). — Revue annuelle de Chirurgie. ? S7à Huanr (C.). — Le sérum antipesteux du Docteur Yersin, 733 LanxGLois Dr P.). — Revue annuelle d'Hygiène . . . . . 348 Loir (Dr A.), — [LES conditions sanitaires et l'Hygiene en TunisieR RES re 2 ORU RE CO MTS Maugnac (P.) et Madrance (G.). — Une nouvelle méthode thérapeutique : l'Opothérapie ER ME ul A 29560 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Naprias (Dr H.). -— L'Hygiène des verricers . ve Puisauix (C.). — État actuel de nos connaissances sur les venins. Production de l'immunité contre les venins inoculés par morsure . . . . rome : Répix (Dr J.). — La stérilisation des eaux par l'ozone Rocer (Dr H.). — Les infections non bactériennes. Re- cherches sur l’oïdo-mycose . . . Géographie et Colonisation BERTHOLON (Dr). — La Population ct les races en Tunisie. Bossier (G.). — L'Histoire en Tunisie , . . . . . Causrier (E.). — Les Productions coloniales lies et le Miisée colonial de Haarlem . . . . à & Caarczey-Berr (J.)}. — Les conditions économiques et < so= ciales de la colonisation agricole en Tunisie. . Denéraix (H.).— Revue annuelle de Géographie et d'Explo- D'ATONT na VE RER ST NE Re Driss (J.-A.). — Les industries des Européens en Tunisie. Descuamps (G.). — Vuc générale de la Tunisie . - Dusois (M.). — La Nature tunisienne : A ou graphique à l'étude de la Tunisie. . . e . FLeuny (V.). — Les industries des indigènes en Tunisie. LEvasseur (E.). — L'esprit du Protectorat français. L'œuvre administrative de la Francé en Tunisie . Ouivier (L.). — L'étude ROGUE de la Tunisie. RéBizzer (Lt-Cl.). — Les relations commerciales de la Tunisie avec ‘le DOUANES NT CT ET Rocques (X.).— Les industries des DH peees en Tunisie TurQuax (V.). — Notes statistiques sur la Tunisie. Versint (R.). — L'état actuel des services Fear et de l'Instruction publique en Tunisie . Worrron (G.). — Les rapports de la Munisie avec Je MALPHCIEUTOPEEN TERRE ER EE Géologie et Paléontologie BERGERON (J.). — Les récentes études sur les faunes les plus ANCICNNES ne . ve CaGxarT (R.). — Les Mines ct les Carrières de la Minisie dans l'antiquité. RS Oo sos 0% 580 Fases (E. de). — Exploitation des Mines et des fan res en Tunisie. . . . Ge Dee ei EE. je HauG (E.). — Géologie de la Tunisie. 5 MERCURE LAPPARENT (A. de), — La Structure et l'Histoire des Balkans, d'après M. Franz Toula . . . , . side Rexauzr (B.). — Les Bactéries fossiles et leur œuvre géo- (nee A RE TE ER RCE Mathématiques Lasanr (CG. A.). Les Mathématiques au Congrès de l'Asso- ciation française pour l'avancement des Sciences à BONACAUR ESP MN NN IE A NE MANCHE Mécanique appliquée et Génie civil Bover (A, de). — L'état actuel de la Navigation intérieure en France : re partie : Réseau navigable et Matériel de navigation 22 partie : Procédés et frais de Traction. . . , . 5 CroNEAU (A.). — Les Travaux des « Naval Architects » ARE ÉAINS eee ce ee ee CE Dwersrauvers-Déry (V.). — Les nouvelles Expériences de M. B. Donkin sur la marche économique des Machines AINADEUL ER RTC ICE CNRC CEE FAGEs (E. de). — Les travaux publics du Protectorat fran- çais en Tunisie. . . . Be SAD TER Le CO LaurioL (P.). — Un nouveau mode de Traction électrique - le tramway Claret-Vuilleumier..…. . LAVERGNE (Gérard). — Les récents perfectionnements du Phonographe . MAN ‘ Lécnaras (M. C.). — La Navigation de la Loire. Wrrz (A. } — La surchauffe de la Vapeur dans l'industrie, 651 1138 1009 937 1118 1182 936 259 1054 1056 1047 502 80% Dil 820 863 605 Physiologie Cuénor (L.). La Détermination du Sexe . ï FRÉDÉRICO . — Revue annuelle de Physiologie. . . . . Physique AUTONNE (L.). — Un nouveau livre sur l'Atomisme. La critique de M. Hannequin sur l'hypothèse des atomes dans la science contemporaine. : BOTTOMLEY (J. T.. — Les Vibrations longitudinales ‘de l'éther à propos des Rayons de Rüntgen, : . . . . . Durour (H.). RODIPENLS ve 2 Mk ee LR 0e ET TR L'ONTAINE (E.). — Sur les Tensions superficielles. GaRtEL (GC. M.). — Revue annuelle de Physique . . : . — La Fluoroscopie. — Application des Rayons X à la vision directe des organes internes . , . . . HAS IuBenr (A.) et BERTIN-SANS. — Radiographie du corps entier d'un nouveau-né. . . te AG. 0 KELVIN (Lord). — Expériences à tenter sur les Rayons de RONÉPEN LS ARS LM T9 SLR TO ENTER EPEE LopGE (O. J.) — Les RÉ ee actuelles sur la, nature des PU de Rüntgen . . . DRE OR à Marias (E.). — Le Taboratoire cryogène sde Leyde. De MESriN (G.). — La technique de la Photographie de l'Invi- sible. IT. Réduction du temps de pose par l'emploi de Champs magnétiques non uniformes. . . . LES Ouivier (L.). — A propos des Rayons de Rôntgen SR P£nnin (J.). — Recherches expérimentales sur les Rayons AeRODIPED RE CN ANR Poincaré (H.) — Les Rayons Cathodiques et les Rayons RONPENT TE PC EE MED E E 3 0 Raveau (C.). — Les faits nouvellement acquis sur les Rayons de Rôntgen . . . DMSONE — La Technique de la photographie de l'invisible. g I. Mode opératoire sans champ magnétique. . . . . . RôNTGEN (W. C.). — Une nouvelle espèce de Rayons, . ScHustEr (A.). — Sur les Rayons de Rüntgen . . . Sizz (E.). — Les Travaux du récent Congres de Chimie appliquée. V. — Photographie . Tinpex (W. A.). — L'Appareil du D' Hampson pour la li- quéfatüontded'Atmetidés (Gaz MERE Zoologie et Anatomie BeaurEGARD (D' H.). — Revue annuelle d'Anatomie, . . . Bourne (G. G.. — Les idées de M. Yves Delage sur les grands Problèmes de la Biologie générale, . . . Fagne-DoMERGuE, — Le régime de la Sardine. Mn pour le déterminer . - = . . . AE Homuwezz (R.). — État actuel de lanta) en France. KoraLer (Dr R.). — Revue annuelle de Zoologie . . Perrier (E.) — Le principe de l'Évolution et la réponse de M. Herbert Spencer à Lord Salisbury.., . , VoiTELLIER (CG.). — L'aviculture en France. : Weuyss Fucrox (D'). — L'état actuel de la pise iculture MANINO UE réNereree AE IE RTE EC Enseignement Cornu (A.). — L'École Polytechnique, Le but de son en- seignement. L'esprit qui doit inspirer ses programmes, Revues annuelles BeaureGarD (H.). — Anatomie . . . DAS lo 6 DEHÉRAIN (H.). — Géographie et Exploration ASTON © nn VAN — Chimie PU RE R IE PRÉDÉRICO (4) = NPhYSIOIOPI0E MS EN PE — Observations sur la formation des Rayons Go 191 436 568 850 906 258 253 981 898 TE TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 568 873 485 KOEHLER (R.). —-Zoologie.". "Nr 00. . LANGLOISI(P.)-—HyP INC EN ER Re MANGINAUE).. "Botanique PEER TC — ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES GARIEL (G.-M.), — Physique. . . . . . . . . . HARTMANN (H.). — Chirurgie. . . . . s JANSSEN (J.). — Astronomie . . . . . . Avril (E.). — Les nouveaux toueurs à adhérence magné- tique de M. A IBOVEL EN DOS UE BourFaLL (S.). — Un nouveau Densimèêtre. . . . . . . . Cnarëy (G.). — L'Élasticimètre de M. Charles Frémont pour l'Étude du poinçonnage, , . . . . . . . — Apparcils pour l'Examen RES ie des corps opaques. . . « . s REETRSE DEMENGE (E.). — RTE du froid sur 1 dant des MÉTAX Se . SANTE TIRE TE NA AT Gt Gay (A.). — La roue aratiqne OT ME NENE via — Les machines de M. Torrès à résoudre les équa- OT SE RER SE MN EN EEE ps. 0 2 ls — La loi de variation de la force électro-motrice appli- quée à un transformateur en influence-t-elle le DEDUCMPR TEEN EN ES EP M EN RE Jrax (F.). — La fabrication des extraits tannants et la détermination de leur valeur commerciale. . . . . Konpa (D.). — Applications des courants triphasés dans lessucreries CL TaMNEN es EN LaunioL (F.). — L'assainissement de Paris, l'épuration des eaux d'égout par AE ARE CUO 2 — Le Concours ouvert par la Ville de Paris pour l'épu- ration et la stérilisation des eaux de rivière desti- DOCS UDOISS ONE A PAUL ARR Leregvre (M.). — Un nouveau Densimêtre . . . . Pesce (G.). — Les rorpilleurs sous-marins et le Goubet. Prénri (J.). — Appareil commode pour mesurer la densité JESAIQUITES EEE a" CE Rocne (A.). — La mesure de la tempér rature de l'air injecté aux hauts-fourneaux. . . . . . . D SENS EME Tinemanx (E.). — Réfrigération par circulation d'air sec. I. — BIBLIOGRAPHIE 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES Mathématiques Apres (P.) et Goursar (E.)}. — Théorie des fonctions al- gébriques et de leurs intégrales. (Fonctions analy- tiques sur une surface de Riemann).. . . . , . . AUTONNE (L.}.— Sur la représentation des courbes gauches AIO AD DLÉTUE SR re A Tee cs dem en 2 BoreL (E.). — Note sur les translormations en géomé- Caron (M.) — Vorlesungen über Geschichte der Mathe- NH DIE ent ce eV LR TRE eu Ten CarvaLLo (E.). — Méthode pratique pour la résolution numérique complète des équations algébriques ou DEANSCENANTES CE NO RD COTE Dargoux (G.).—Leçons sur la théorie générale des surfaces et les applications géométriques du calcul infinité- simal : 4° partie : Déformation infiniment petite et représen- tation sphérique : HSÉAS CICR DS M LA 02 se ee dite I IÉOQNICS LS NE SERRE MR EPA Gouiezy (A... — Géométrie descriptive : I. Point. Ligne droite. Plan. I. Sphére. Cône et cylindre de révolution. HI. Changement de plans de projections. — Rota- tons iriedres. POlyÈdres En UN, GuxnerriNGer (Dr S.).— Vorlesungen aus der analytischen Geometrie der Kegelschnitte, publié par le De Din- DR Re SO Jo nus KLEIN (D'). — Vorträge über ausgewählte Fragen der Elementargeometrie, ausgearbeitet von F. Tägert. . Le même ouvrage, traduction française, par M. J. Griess. KoEniGs (G.). — La géométrie réglée et ses applications : coordonnées : systèmes linéaires ; propriétés infinité- SHAAÏGSE AUDI CMIEMONUTE . . ro. rss. A 225 839 839 GS9 689 Méray (Ch.). — Lecons nouvelles sur l'analyse infinité- simale et ses applications géométriques. II. Étude monographique des principales fonctions d'une seule variable DD OO L NRA nes NIEWENGLOWSKI (B.) — Cours de géométrie analytique. III. Géométrie dans l’espace, suivi d’une note sur les transformations en géométrie . . . «+ . . . . . Ocacxe (M. d'). — Cours de géométrie M à et de géométrie infinitésimale. . . . . . RTE PAINLEVÉ (| (P.). — Nouveaux exercices sur Îles variables imaginaires. . Roucné (E.) et be COMBEROUSSE (Ch.). métrie : II. La ligne droite et la circonférence du cercle. . . — Solutions détaillées des exercices et problèmes énoncés dans les lecons de géométrie. I. La ligne droite ct la circonférence du cercle . . . Scurogper (E.). — Vorlesungen über die Algebra und Logik : — Leçons de géo- II. Algebra und Logik der Relative, {re partie... . . SræckeL (P.) et ENGEz (F.). — Die Theorie der Parallelli- nien yon Euklid\bis auf Gauss." SnELTsEs (T.-J.). — Essai sur la théorie des nombres (premiers éléments). . . . es Cu D CRUE TisseranD (F.). — Recueil complémentaire d'exercices sur le calcul infinitésimal, augmenté de nouveaux exer- cices sur les variables imaginaires. , . . . . c Vocr (H.). — Leçons sur la résolution algébrique des ÉUUATIONS ANS RE EM RCE ANS de Astronomie et Météorologie Braxcmanp (R.), Les cadrans solaires dans le Brian- tonnals ee taer eUe . c Telaeteitiel Lie eo e Faye (H.). — Sur l'origine du monde. Théories cosmogo- niques des Anciens et des Modernes . . , . . . . . Moucnerox (Comte de). — Les derniers cadrans solaires du Perche , . APM PTT 319 1276 : TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES PoixGARÉ (H.). — Les ee nouvelles de la Méca- WuLiner (A.). — Lehrbuch der Experimental physik : nique céleste, t. Il: Méthodes de MM. ce tu I. Allgemeine Physik und Akustik. I. Die Lehre von der Gylden, Lindstedt à Bobine D) COR) Wärme 6 ne me 2le tete CNE RO EE RES Tisseraxp (F.). — Traité de Mécanique céleste: IV. Théories des Satellites de Jupiter ct de Saturne. Perturbations des petites planètes . . . . . . . . 880 Chimie Thermodynamique, Mécanique générale et Mécanique AHRENS (F. B.). — Die Metallcarbide und ihre Verwen- à 5 dung. Erster Heft der Sammlung chemischer und « appliquée chemischtechnischer Vortraege, . . . . . . sie CAO 4 | î e ALHEILIG Ct ROCRE (C.). — Traité des machines à vapeur, MAUR ha . é He G sanique d' Le Pre 420 t. I... RE PE MR OM AE AC :. LEÇR 10 | pennrnses ( A.) et Bucaxer (E.). — Kurzes Lehrbuch der APpELL |P.).—Traité de Mécanique rationnelle : II. Dyna- organischen Chemie. . “Coin mique des systèmes. Mécanique analytique . , . . . 793 Cinnor AUD ENS honeS d'analyse de. Nes de Fers BouLvix (J.). — Cours de Mécanique appliquée aux ma- At ERR Lt à à 0 PEN . 7250 chines, 5° fascicule. Machines à apeur .,. +. . 319 Done etre BR par is gaz Ar Pétrole. Bourbon (Ch.). — Construction des machines à vapeur . 922 TAG étylène et ses applications. . . De Denanue (E.) et Purin (A.). — Chemins de fer. Matériel Friëoz. — Conférences de Chimie faites au Laboratoire. roulant. Résistance des trains. Traction. . . . , . . 689 De tascieule 0220 ES PYÉROPE HexneserT (Lt CGol.). — Travaux de campagne . . . 793 — Les Actualités chimiques. Revue bi-mensuelle. . . : "660 Hexry (E.). — Formules, barèmes et tableaux pour Ponts Canin (Conan led de ine dnes sous-rails et Ponts-routes à travées métalliques indé- PAR + végétales. Art 4 Le : SENS pendantes . . . . LR: EC 583 Guicxer (CG. E.), Doumer (F.) et GRANDMOUGIN. — Blan- Hour (CNE EEnE rale sur [ art lerie AC UT chiment et apprêts. Teinture et impression. Matières PaINLEVÉ P. . — Leçons sur le frottement . . . . . 1022 Mes RE LT SRE — Leçons sur l'intégration des équations différentielles RUE (AE Précis d * Stéréochimie. É ; FA . 4216 dés méeanique EsppHeatOons ee SE © + 106% | Joaxnis (A.). — Traité de Chimie organique appliquée : : Poincaré (H.). — Capillarité : Leçons brofessées péndant I Généralités, carbures, alcools, phénols, aldéhydes, le 22 semestre 1838-89 ct rédigées par J. Blondin. . . 4105 cétones, quinones, ne = TT TOP TR 690 — Théorie analytique de la propagation de la Chaleur . 368 Érnreeun NN Manuel théorique et pratique de la Mé- à Seçueca (R.). — Les Tramways. Voie et Matériel . , . + 69 Are du fer (traduction) . . « . ..+ "00 SS Vicreux (Ch:) ét Misanpre, (M), Étude d'une QUE Lerèvre (Léon) — Late matieres colorantes orga-* élévatoire pour irrigations avec machines à vapeur et te niques artificielles, de leur préparation industrielle D Ua M Mechanik ce Pts Pa et de leurs applications... “SUCRES 3T | VVa AP). — a £ "C ÉIn1e & : TNA ES + » 7. in das Studium der theoretischen Physik . + «+ 454 MN à A Le de lAtomistique ; : À ê ; De OEscaner DE ConiNek, — Cours de Chimie organique : ; SRE CDN : IT. — Série aromatique. . . . . RE FR SCIENCES PASEIQUES — Éléments de Chimie organique et de Chimie bio- 4 : logique: 25% 808 10 ns TE EM RE ES Physique Pousenc (C.). — Les nouveautés chimiques . . . . . . 498 re : LE : Prosr (E.) et Hassneinrer (V.). — Manuel de Chimie Boury (E.}. — Premicr supplément au Gours de Physique analytique appliquée aux industries du -Zine et de de FPÉcole Polytechnique de MM. Jamin ct Bouty : VENT sulfurique. - . É ; , F VE | 4066 Gale PACONSQNE OPHANC ES 9) ES 549 UCuEe (A.) 0t HALPHEN (G.). — Le Pétrole. Exploitation. DEAR TER UNE ES SONEr Mesures. — 2Arayeux Raffinage. Éclairage. Chanffage. Force motrice. . . . 882 S A le : # ne fl Re à 660 Rocques (X.). — Anals se des Alcools et des Eaux-de-vie. 4106 ne Br jp | Semen). = Les Formonaims «+ « «IS Foussereau (G.). — Leçons de Physique : 22 (A: Fe SDL = tone des Matières co- ‘ ne orantes artificielles : Ie fascicule =." "MN NON RARES LRU DR EE LEE 19 | ous (D' B.). — Les Hydrates de Carbone. . . . - 584 GrarrGny (H. de). — Manuel pratique ‘du conducteur ‘de Tnoosr (L.) mena de dites SA dynamos et moteurs électriques . . . . . . . . . . 546 D NAS > jEde (4 LES S Guizcaune (Ch. Ed). — Les radiations nouvelles. Les rayons X et la photographie à travers les corps opaques. 369 à — Les radiations nouvelles (2: édition) . . . 2 .11216 3° SCIENCES NATURELLES 4 Le Danrec (L. 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ZWaarbemakEr (D° H.). — Die Physiologie der Geruchs... 4 SCIENCES MÉDICALES Chirurgie, Gynécologie, Ophtalmologie ALLS (O. H.). — An inquiry into the Difficulties encoun- tered in the reduction of Dislocations of the Hip. . . Broca (A.). et Maugrac (P.). — Traité de Chirurgie céré- brales..,. CRE D CNCuS He ic Cuapur (Dr H.). — Thérapeutique ehirurgicale des affec- tions de l'intestin, du rectum et du péritoine , . . . 267 228 620 GG 690 des DS) 691 837 246 1066 225 620 CLano (Dr). — Traité des tumeurs de la Vessie . . . . Esror (Dr E.}. — Du Cathétérisme rétrogade de l'Urèthre, Javaz (E.). — Manuel théorique et pratique du Strabisme. Jayce (D'F.). — La Septicémie péritonéale aigue post-opé- TOR EE CE DE JR 0 5 10 Mb oto, ei Rte Le Fort (L.). —OEuvres : I. Chirurgie militaire, Ensej- BTOMONt AE CE tdi Levassorr (Dr Ch.). — La Stérilisation pratique en Chi- MDI . “ea NE en SR Re, Sonpes (Dr). — Traitement des Endométrites et des Salpin- gites au début par les vapeurs médicamenteuses Médecine, Hygiène, Microbiologie médicale BarTu (D° H.), — Thérapeutique de la tuberculose. . . Boxner (P.). — Contribution à l'étude de la leucocythémie chez l'enfant . . : Boucuer (H.). — Étude sur IS entités mor D DiHEn Lois de morbidité. Essais de pathologie rationnelle, . . . Braucr (A.). — Les Artérites ; Brissaun (B.). — L'hygiène des leur rôle en Pathologie . asthmatiques.. . . . 5 Broco (L.) et JAcQueT (L.). — Précis élémentaire de Fr matologie : IV. Dermatoses inflammatoires. . . . d Érobn: Bruce (David). — Preliminaryÿ report on the Tsetse Fly- Disease or Nagana in Zululand. . . . . . . . Buck (D' D. .—- Traité de thérapeutique physiologique Cartran (L.).— Les maladies infectieuses. Causes et trai- ÉEMENSL NN. DALLEMAGNE (J.). de — Les stigmates anatomiques de la cri- DUPA LÉ NIET SAETEAE RE} MON LE — Les stigmates Te et eq de la cri- EL OR Le PO MO E NOR ER Deserez (A.). — Contribution à l’étude des sérums. . . . Fraser (Te.-K.). — Immunisation against serpents venom and the treatment of snake-bite with antivenene. . . Gaurier-Borssière (D'). — Notions élémentaires d'hygiène pratique. Hygiène privée. Hygiène privée. Médecine OO OS EE EN LE ETES TELUS Lo fon 0 Gautier (Armand). — Les toxines microbiennes et ani- MAC TE Fe PR Ces ee le Net eh ie KaHLpeN (Dr C.) et Laurexr (O.). — Technique microsco- pique appliquée à l'anatomie pathologique et à la bac- LOMLOLOP TE RSR I CC É. NO ENT. LO Lance (Dr). — Les émotions, étude psychologique de LanGLois (Dr P.). — Précis d'hygiène publique et privée . Lauta (Dr G.). — Traitement de la tuberculose par l’alti- tude 2" . Ce : Ex D AUX 0.1 (ee LAVERAN (A.). — Traité d' hysiène une d'ore : Le Forr (L.). — OEuvres : I. Hysiénéhospitaliéres Det. graphie. Hygiène publique. . . + . . . à: . : . . Lenmoyez (M.). — Thérapeutique des maladies des fosses nasales, des sinus de la face et du pharynx nasal . . Marie (Dr Pierre). — Leçons de clinique médicale. . Pacës (D° Calixte). — Hygiène des animaux domestiques dans la production du lait. . . . . ACCUS . Picarn (D' H.). — Traité des maladies de la RE ot des vésic Les SÉMINAlES EE ER : : Piocer (Dr J.). — La question sanitaire dans ses rapports avec les intérêts et les droits de l'individu et de la SOCICtÉ 7 : . Pal Re et ie Proust (A.). — L'orientation nouvelle de la politique sa- Nitaile: ME Es ele ee re eus ce. CRT Pronier (L.). — Les médicaments chimiques. H COMPOSEMINÉTAUXS EP. CR Ce : SagouriN (Dr Ch.). — Traitement rationnel de la hüsie, SÉENMarcel). He go0n0COQUE NE Ne SÉcLas (Dr J.). — Le délire des négations. . . . . . . . Srokvis (D' B.-J.). — Leçons de pharmacothérapie. I. Pharmacothérapie générale. Parasiticides (traduct,. MANCUISO) RTE EE et nt PAT Le de me ee Tourouse (Ed.). — Les causes de la folie, Prophylaxie et ET TE M A RC en PE 493 299 497 423 925 322 586 268 42 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 5° SCIENCES DIVERSES BEaAUREGARD (D' H.). — Nos bêtes. Animaux utiles et nui- BIDIES 2 2 at 0 ne EC ie LT DRE 229 — 93t livraison ; 922 — = NES RD DORE ELU CASTRIES (Comte H. de). Tr: or Impressions et études. 790 GRANDE ENCYCLOPÉDIE, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts : —— 5990 D0De Et DD TCIYTAISONS - te : Reo. 176 — 538°, 539: et 540° — PARA MU Pre BTE: -S 176 — DS YTASON EE MCE Ce UC 229 — 542 — AO TE NO A NOR nes Oae 268 — 543 — OT Te Os M ere 2 OU — 5hke et 545€ livraisons. en nr on do fo à 457 — 546€ et 547 = 493 = Sage JIVrASON EE CET . D86 PanviLe (H. de), — Causeries scientifiques | (30e et 31e 4 an- ms CE reines die 493 Scninmer (Henri). — _ Pourquoi Flatters etses compagnons sont morts. . . - DORE ee Ts Wonus (René). — Organisme et Société Ô 662 THÈSES POUR LE DOCTORAT PRÉSENTÉES A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS (1895-1896) ET ANALYSÉES DANS LA REVUE EN 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES Cocuresco (N.). — Sur les expressions approchées des termes d'ordre élevé dans le A de la fonction perturbatrice. . , . . Dgcassus (E.). — Sur les équations An aux denrées partielles à caractéristiques réelles. . . . . . Perrowrren (M.). — Sur les zéros et les infinis des eue tions diffé “entielles algébriques, . . se RouGier (J.). — Sur quelques sous-groupes de 11e classe ŒUÉETOUPE MOINE ES NE NC 2° SCIENCES PHYSIQUES (Physique et Chimie). Bayrac (H. P.). — Sur une nouvelle méthode de prépa- ration des paraquinones au moyen des indophénols . 689 265 105 1263 126% BROCHET (A.). — Action du chlore sur les alcools de la — ACADÉMIES ET SOCIETES SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER. Académie des Sciences de Paris Séances des 9 décembre 18952. Re. — 16 — hay US — 23-30 — = ne janvier 41896 . . . février — ,,. PNR < — 10 — — À = = 2 mars æ 16 Æ, DES série grasse. . . RAS LE FLEURENT (E. } — Recherches sur SE constitution des ma- tières albuminoïdes extraites de l'organisme végétal. GL Hécrer (H.). — Recherches sur les combinaisons gazeuses. 4065" Huruuzescu {D.). — Nouvelle détermination du rapport V 1 entre les unités électrostatiques et électromagnéti- ; ques. 923 MANEUVRIER (G.) \ — Nouvelle méthode ‘de aétermaio du rapport ÿ pour air et d'autres gaz. - 106 Simon (Louis).— Action des amines aromatiques primaires sur quelques composés cétoniques dissymétriques . 370 Varet (R.). — Recherches sur les combinaisons du mer- CUVE M RIRE DEEE 4) RM EEE 3° SCIENCES NATURELLES BronGnianrT (Ch.). — Recherches pour servir à l'histoire des Insectes fossiles des temps primaires, précédées d'une Etude sur la nervation des ailes des Insectes... 4107 Causarp (M.). — Recherches sur Me circulatoire des 4 Aranéides, . . . : << Guillaume Ch.Ed.), 233 369, 194, 491,551, 28, 1216, 1271. 619, 690, 792, S41, 8S Guillaume (J.), 109, 373, 588, 839, 1068. Guillemenin, 625. Guillery de Meens, 325. Guillon (J. M.), 228, 546. Guilloz, 589. Guinard (Dr), 425. Guinchant, 463, 495, 3589, 591. G9S. Guinkoff, 548. Guirard, 1222. Guitard, 231. Gulik (D. van). 235. Gundelfinger (Dr Sigmund, 45. Gunnel, S91. Güntz, 44, 46, 181, 232, 324, 328, 591, 698, 836, 1068, 1269. Gustavson, 729. Guye (Ph. A.), 49%, Guyesse, 1070. Guyon, 374. Guyot, 47, 181, 377, 462, 590, 761, 1272. Guyou, 926, 1068, 1220. Gylden (Hugo), 320, 373, 1220. 195, 1216. H Hadamard (3.1, 226, 548, 622, 663, 696. >, 835, 922, 1065. Haga, 552, 931. Hagopof, 461. Hahn, 46. Hallé, 590. Haller (A.), 46, 47, 180, 181, 269. 323, 327, 163, 492, 494, 584. 290, 591, 661, 690, 729. 731, 760, 761. 328, 311, 421, 462, 923-4121 271 272; Hallion, 326, 376, 590, 698, 1070, 1: Hallopeau, 624, 728, 1222. Halphen (G.), 882. Halt, 45. Hamburger, 183, 236, 380, 592. Hamonet {Abbé}, 793. Hamonet (J.), 729. Hampson, 329. Hamy, 40, 374, 518. Hankin, 231. Hannequin, 593. Hauriot, 110, 497, 587. 1069, 1070, 1221, 1222; Hantzsch, 1216. Hardt] (von), 464. Hardy, 109, 729. Harker, 551. Harmer (Sidney F.\, 182. Hartley, 668. Hartmann (H.)., 229, 873 à 879. Hartmann (L.), Hartog, 624. Haschek, 499, 1272. Hasenœæhrl (Fritz), 1072. Hassreidter, 1066. Hatt, 374. Haudié (E Haug :E.), 5 Hauser, 373. Haworth, 463, 464. Hayem, 1221. Héberdey, 464. Hébert (A.), 40, 106. 589, 664, 755, 760, 1218. Heckel !D' E.), 750 à 752. Hédon, 730. Heen (de), 271, 424. Héely, 495. Heinke, 891. Held, 328. Helier, 373, 426, 1065, 1227. Heller, 1272. Hémot, 1271. Henderson (G. G.'. 1224. Henderson (J.), 379, 699. Hennebert (L! Col.), 545, 793. Henneguy (F.), 5 , 730, 789: 3 Henriet, 696. Henrot, 665. Henry (Ch.), 269, 271, 375, 458, 495, 558, 622, 623, 625, 696, 791, 792, 920. Henry (E.), 179, 583. Henry (L.), 730. Hepperger (von), 464. Herard, 272, Heringa, 379. Hérissey, 1070. Herlant {A.), 620. Hermite, 178, 460, 126$. Hervieux, 45, 110, 496, 625, 792, 885, 927. Herzig, 499. Heurck (H. van), 424. Hewit, 890. Heycock, 79%. Heymans, 457, 697. Hiecke, 932. Hillebrand, 1072. Hind (John Russel}, 177. Hoche, 326. Hodgkinson, 699. Hollard, 1269. Holleman, 732. Holowinski ‘A, de), 728. Holtz, 126$. Hommell (B.), 8 à 30. Honoré, 758. Hoogewerff, 379, 732, 1071. 19 12 Lo) 546, 725, 836. S4, 62%, 1047 à 1054. 1286 Hooker, 1224. Hoorweg, 552, Horstmann Fenton, 626. Houdaille, 1268. Huart (C.), 733. Hubrecht, 732. Huchard, 1270. Hugo Schrætter, 499. Hugounenq, 461. Hugo Zückel, 499. Huget, 461. Huisken, 627. Humbert (E), 491. Hummel, 890. Humphreys, 379. Hurion, 588. Hurmuzeseu (D, 500, 792, 886, 923, 928. Hutchinson, 379. Imbert (A.) 44, 048, 556 à 558. Indra (Alois), 932, è Inspecteur de Ja navigation, 458. Izarn, 43, 588. 214, 325; 313, Jaccoud, 232, 279, Jackson (Her Dent) , 2p2, 891. Jackson Pope (W:),894. Jacquemin, 663. Jacquet (L.), 322, Jäderin, 231, 728 Jacger (Gustave), 464, 1072. Jaggi, 839. Jamin, 545. Jammes (L.), 840 Janet (Ch.), 459, Janct (P.), 455, 493, 1068. SA (J.), 485 à 488, 926. Japp, 699, 890. Jarry, 327. Jaubert (G. F.), 44, 266, 456. 660. Jaubert (I.), 830. Jaumann, 178, 324, 548. Javal, 111, 177, 179, 621, 792. Jay, 43, 112, Jayle (Dr F.), 176. Jean (Ferdinand), 834, 926. Jean (Jules), 897. Jeanmaire, 587. Jeannel (Dr), 272. Jesteles (Berthold}, 464. Joachimsthal, 494, 839. Joannis (A.), 690. Jodin, 623. Joffre, 142, Joffroy, 791. Johnstone Stoncy, 378. Jolles, 1072. Jones, 699. Jonkman, 380. Jonquières (de Jordan (Ch.), 494. Jordan (David S:), 552: Josué (0.), 698. Joubert, 1270. Joubin, 110, 272, 886. Joukovsky, 494. Joung Allen (G.), 891. Jovitchitch, 234. Jowett, 891. Junker (Friedrich), 932, Just {A.), 464. 232, 270, 458, 495, 548, 121, 458, . 460,494, 663,664,758, 791. K Kahlden (Dr C.), 423. Kamerlingh Onnes, 235, 627, 732, 891. Kapteyn {W.), 183, 1070. Karagiamidès, 792. Karda (Carl), 932. Karnojitzky (de), 373, 424. Kauffmann, 46, 376, 425, 426, 461, 662 697, 1219. Kékulé von Stradonitz (A. F.), 728. Kellner, 1072. Kelsch, 425, S85, 1269. Kelvin (Lord), 258 à 259, 374 Kcrallain (René de), 325. Kerner von Marilaun, 464. Kilian, 371, 493. Kirmisson (Dr), 272, 731. Klapalck, 1072. Klein (Dr), 1270. Klein (F.), 689. Klobb, 180, 591, 794 Knoll, 499. Knowles, 427. Kæchlin, 583. Koehler {Dr R.\, 213 à 222. Kænigs (G.), 43, 109, 174, 72%. Korda (Désiré), 418, 916 à 921. Korkine, 588, 695. Korteweg, 624, 732, 931. Koster [W.), 48. Koversky, 231. Kowalewsky, 231. Krassilschtchik, 758, 792. Krilof, 230. Künckel d'Herculais, 27 Kunstler, 1221. Kurella, 755. (OR RAIE E L. O., voir L. Olivier. Labesse, DE 424. Laborde (J. ,; 180, 326, 729; Laboulbène, 232, 549, 587, 664. Lacaze-Duthiers (de), 324. Lachaud, 327, 623. La Combe, 791. Lacour, 664. Lacroix (A4), 180, 421, 1218, 1268, 1269. Lafay, 424, 459, 460, 495. Lalon, 549, Lagneau (G.), 111, 425, 550, 792. Lagrange, 496. d Laguesse, 883. Laisant (C. A.), Lalla, 1220. Lallemand, 729, 730, 791, 839. Lambert-Roguin, 231. Lamotte, 174. Lamy, 698. Lance”(D:} "92%. Lancereaux, 375, 697, 885. Landolph, 1269. Landouzy, 950, 1222. Lange (Dr), 755. Langley, 588. Langlois (M.), 31 à 34. 695, 696, 792, Langlois (P.), 42, 348 à 364, 590, GG. 1222 —. Langrée (A. de), 926. 177, 179, 549, 232,0233,212, 1925; 6235/1607 1027: TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Lannelongue, 177, 231, 269, 270, 374, 4244 G24, 665, SS». Lannois, 376. Lapicque, 426, 589, 625, 665, 759. Lapparent (A. de), 109, 177, 323, 492, 502 à 509, 628. Lapparent (H. de), 661. Lapworth, 183, 627, 891. Larbalétrier |A., 633 à 650, 675 à 683. Larrey (baron), 460. Lasne, 112. Lataste, 729. Laulanié, 623. Launay (de), 232. 270. Laurent (Q.), 423. Lauriol (P.), 38, 331 à 347, 489, 1223. Laussedat, 177, 425. Lauth (Ch.), 110, 178, 179, 234. Lauth (Dr G.), 547. Laveran (A.), 229, 495, 495, 548.885: 927. Lavergne (Gérard), 193 à 212, 788. Laville (Mme), 496. Law (Robert), 627, Laycock, 464. Laze (L.), 1244 à 1259. Leauté (H.), 588. Lebeau, 1220, 1271. Leblanc, 550, 625. Le Bon (G.), 230, 232, 271,323, 325, 549. Le Cadet (G.), 323, 839. Lécaillon, 550, 729, Lecarme (J.), 695. Lecarme (L.), 695. Lecercle, 695,697, 758. Léchalas (M. C.), 746 à 749. Lechappe, 126$. Lechartier, 43. Le Chatelier (A.), 790. Le Chatelier (H.), 109, 1063, 1271. Leclère, 1069. Lecomte, 276. Lecorme, 231, 588, 623, 696. Le Dantec (F.), 45, 325, 691, 837. Le Dantec (L. M.), 491. Ledé, SS5. Ledebur, 788. Le Dentu, 325, 376. Leduc, 1069, 1220. Lefebvre (M.), 786. Lefèvre (J.), 1263. Lefèvre (L.), 320, 669 à 674, 760. ” Leflaive, 424, 1221. Lefort (J.), 461. Le Fort (L.), 372: Le Franc, 376. Léger (L.), 1068, 1070. Léger (L. ‘é ), 421. Léger (M ) 322. Legrain, G97, 1269. Legrand (Ch.), 323. Leguen, 111. Le Hello, 623. Lehfeldt, 626. Lojars, 110, 372, 550, 625. Lejeune, 1220. Lelieuvre, 619. Leloir, 625. Lély, 732. Lemaistre, 379. Lémeray, 179, 1220. Lemoine, 460, 1069, 1070, 126$. Lemoult, 885. Lengleld, 375. Lenhossék (Michael von), 371. 273, 665, 926. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Lenoir, 233. Lépinay, 231. Lépine, 180, 268, 272, Lereboullet, 840, 1069. Lermoyez (M.), 727. Le Roux, 495. Le Roy, 270, 1268. Leroy (abbé), 269. Le Roy de Méricourt, 425. Le Roy des Barres, 45. Lescœur, 1220. Lespieau, 426, 462, 793. Letheule, 589. - Létienne 493, 838, 884, 925. Leuckart, 425. Levasseur, 230, 324, Levasseur :E.', 1182 à 1200, Lévassort (Dr' Ch.), 838. Levat, 106$, 1268. Levavasseur, 424, Leveau, 1268. Lévi (L.), 180. Levi-Civita, 275. Lévy (G-), 495. Lévy (L.), 110, 903 à 907. Lévy (Maurice), 792. Lewes (Vivian B.}, 378. Lhuillier, 494, Lichtwitz, 426. Licben, 464%, Liétard, 495. Lignicr, 374, 379. Limb, 43. Linder, 179. Lindet, 587, S82. Linge (A. R. van), 379. Linossier, 376, 426. Liouville (R.), 549, 1221. Lippmann, 179. Livi (Ridolfo), 425. Lloyd Snape, 379. Lodge (0. J.). 253 à 257. Lodin, 374. Lœwy (A.), 728. Lœwy (M.), 548, 588, 1221. Loir |D' A.), 1038 à 1046. Lo Monaco, 428. Londe (A.), 269, 325, 624, 1065. London, 622, 739. Loppé (F.), 454. Lorentz, 48, 235, 627, 1071. Lorrain, 461. Lortet, 459, 494, 663. Lory, 759. Loth (G.), 1076 à 1079. Lovisato, 275. Lowell Gulland, 181. Lucas (J. D.), 668. Lucas-Championnière, 664, 792. Lumière (A.), 271, 323. Lumière (L.), 271, 323, M. G., voir Guichard (Marcel). Mac-Clelland, 796. Macé de Lépinay, 373. SSG. Mac-Gillavry, 236. Mac-Gregor, 379. Mackensie, 699. Maclaurin, S90. Mac-Leod, S91. Magnan, 1070. Mahé, 461, 1222. Maire de Nice, 231. A°), 176,229, 268,322, 493, 1287 Mairet, 326, 426. Maisonneuve, 840. Majorana, 275, 498. Malaquin, 45. Malassez, 550, 590. Malcolm Wharton, 890. Malpeaux (L.), 633 à 650, 675 à 688. Maltezos, 587, 663, 664. Mancini (E.), 275, 428. Mandl, 1072. _ Maneuvrier (G.), 106, 110, 729. Mangin (D.), 665. Mangin (G.), 546. Mangin (L.), 425, 439 à 453, 690. Mannheim, 424, 624, 1268. Manoury, 624. Manouvrier, 928. Manouvriez, 1222. Maquenne (L.), 41, 109, 234, 551, 1218;°1221, 1264. Marchand (Em.), 109. Marchand (Dr L.), 456. Marchis, 1220. Marchlewski, 183. Marey, 43, 109, 177. Marie, 179. Marie (C.), 324, 376. Marie (Dr P.), 838. Marillier (L.), 694, 797. Marinesco, 376, 590, 625, G65, 1070, 1222. Marmier, 929. Marotte, 1221, 1268. Marquis, 179, 324, 376, Marsh, 183, Marshall (C.\, 890. Marshall (Me Dorothy}, 625. Martel, 177, 178, 49%, 588, 1221. Martin (J.), 44, 45, 110, 177, 179, 180, 231, 232,270, 271,324, 325,314, 375, 425, 459, 461. Marty, 272. Marx, 627. Mascart, 230. 1268. Massart, 837. Massary (de), 111. Massieu, 272. Masson (Paul), 375. Masumi Chikashigé, 890. Mathias E.), 381 à 390, 798. Mathieu, 233. Matignon (C.), 43, 45, 110, 177, 178, 180, 291, 232, 270, 271, 324, 325, 374, 375, 425, 459, 461, 883, 1265. Matruchot, 44. Matyas Lerch, 43. Maubrac (P.), 268, 1233 à 1243, Maumené, 23%, 327, 376, 426, 462, 496, 760. Maurain, 231. Maurange (D' G.), 228, 268, 322, 372, 727, 803, 838, 1233 à 1243, Maurel, 232, 731, 1070. Mayor, 588. Mégnin, 496. Meillière, 379. Meldola (R.), 498, 890, 1224. Melnikoff, 590. Ménard, 374. Menges, 358$. Mer (E.), 45, 178. Méray (Ch.), 490. Mériau, 622. Mérino (Miguel), 375. Mertens, 1072. Méry, 233, 461. Meslans, 232, 269, 328, 377, 591. Meslin :G.), 323, 407 à 409. 424, 458. 910, 377, Mesnard, 44, 324, Mesnil, 691, 840. Metz (G. de), 494, 758. Metzner, 729, 1269. Meulen (P. H. van der), 932. Meuniér (F.), 726. Meunier (J.), 179. Meunier {Stanislas!, 227. Meyer (Dr V.), 174, 891. Meylan, 548. Michel, 377. Michel-(Aug.), 1222, 1269. Michel-Lévy, 177, 232, 663, 1221, 126$. Mignon, 45. Milandre, 787. Mildé, 927. Miller, 270, 696, Millosevich, 275, 428. Milne-Edwards, 729, 730. Minguin, 328, 664, 698, 1272. 729, 760, ‘794, Ministre de la Guerre d'Autriche, 464. Mirinny, 179, 373, 587, 623, 758, 1268. Mislawsky, 698. Moch (G.), 544 Moissan (H.), 43, 177, 234, 269, 271, 323, 314, 319, 587, 622, 623, 663, 695, 728. 729, 730, 760, 793; 923, 1271. Mojsisovies (von), 464. Molisch, 464, 932. Mollard, 111. Molliard (M.), 837. Molteni, 551. Moncorvo, 1069. Mongour, 376. Monmerqué, 324. Monnier, 233. Monod {Ch.), 697, 1069. Monod (H.), 45, 731, 927. Mouteil (L!-C!), 228, Monticolo, 378. Montpellier, 690. Moor (L. de), 457. Moore, 463, 551. Morau, 45, 625. Moreau, 232, 587, 588. Moreigne, 590, Morosoy, 1221. Mosny, 111, 548. Mossé, 376, 495, Mosso (Ugolino), 428. Motais (D°}, 1270. Motet, 1069. Moty, 326, 697. Moucheron {comte de), 319. Mouchet, 625, 697. Mougie, 625. Moulin, 272. Moureau, 793. Moureaux, 177, 663. Moureu, 112, 324, 327, 377, 459, 462. 622, 695, 799. Mourlot, 44, 695. Moussard, 696, Mulder, 379. Muller, 590, 793, 1272. Müntz (A.), 175, 551, 587, 588, Murray, 890. Muskens, 932, N Nadachowski (Anton), 932, Nageotte, 180, 1222. Nalepa, 498, 1072. 1288 Napias (Dr H.), 171 et 172, 428. Naudin, 1068. Neville, 796. Newcomb, 622, Newth, 891. Nicaise, 461, 550, 589, 731. Nicklés, 325. Niclout, 496. Nicloux, 728. Nicol, 234. Nicolaï, 495. Nicolas, 178, 698. Niessel (C. von, Niewenglowski (B.), 1215, Niewenglowski CG) 282271 Niffre (J.), 1269. Nittis (de), 625. Nocard, 232, 625, 731: Nodon, 232. Norman Collie (J.), 498, 729, 761, 885. Norman Lockyer (J.), 47, 273, 427, 991, 626, 666. Noury, 758. Nuel, 495. Nugues, 459. Nyland, 891. O Observatoire de Vienne, 499. Ocagne (M. d'\, 269, 323, 618, 753, 841, 1268. Oehlert, 232. Oechsner de Coninck, 43, 177, 425, 546, 625, 726. Olivier (L.), 42, 105, 276, 277, 319, 493, 539 à 543,586, 662, 733, 790, 801, 902, 903, 936, 1065, 1073, 1079, 1087, 1216, 1227, 1228: Onnen, 891. Osmond, S42. Otto (Marius), 1269. Oudin, 179, 231, 269. Oumof, 840, 841, 842. Ouvrard (L.), 923. P Pachon, 589. Pagés (Dr C.), 1219. Painlevé (P.), 375, 458, 494, 1623, 696, 791, 835, 922,926, 4064, "1221. Panas, 110, 425, 625, 1269. Pantanelli, 275. Paquier, 589, 625. Parenty, 495. Paris, 109. Parmentier, 179. Parville (H. de), 493. Pascal, 428. Pasteur, 1225. Passy (J.), 620, 624. Patein (G.), 623. Patein (M.), 497. Paterno, 275, 428. Paterson (D.), 183. Patterson (T. S.), 891. Pairot, 1070. Péan, 272, 625, 664, 1270. Peano, 428. Pearce, 926. Pearson (K.), 182, 667. Pechmann, 464. Pekelharing, 732. Pellat (H.), 44, 496, GG5, G96, 836, 1068, 1270. Pépin (le P.), 4068, 1069. Percy-Frankland, 379, 890. Perdrix (L.), 1268. Péré, 496. Perkin (A. G.), 464, 699, 890, 891, 1224. Perkin (W. H.), 183, 463, 464, 552, 627, 699, 891, 1224, Pernter, 464. Péron, 322, 380, 456. Pérot, 1220, 1268. Perrier (Ch.), 697. Perrier (E.), 131 à 134, 494, 1068. Perrier (G.), 231, 327. Perrier (R.), 1222. Perrin (J., 66 et 67, 109, 178, 230, 272, 424, To8, 928, 929, 1221, 1270, 4271. Perrot (A), 41. Perrotin, 323, 549, S39, 885, 1268. Perry, 378, 427. Petavel, 378. Petersen, 327. Petit, 180, 463, 990, 793. Petit (H.), 848. Petit (R.), 233. Petrowitch (M.), 105, 177, 622. Pettinelli, 428 Pettit (A.), 88: Peyrot (Dr), 425, 840. Plaundler, 272 ,464. Phipson, 1220. Phisalix (C.), 185 à 191, 376, 461, G24, 625, 698, 1222, Picard (Emile), 179, 323, 587. Picard (Dr H.), 229. Picard (P.), 460. Picart (E,). 663. Picart (L.), 270, 373, 622. Pichard, 926. Pickard, 379. Picou, 697. Pidgeon, 427. Pierces, 791. Piéri (I. B.), 107, 232, 418. Pigeon (L.), 754, 911 à 915. Pillet (D'), 376. Pilleux, 460. Pilliet, 411, 426. Pillon., 426. Piltschikoff, 323, 424, 460. Pinard, 664. Pincherle, 275. Pintner, 4072. Pioger (D'J.), 42, Pize (D')},272. Pizorn, 177, 623. Pizzetti, 428. Plücker, 231. Poincaré (A.), 109, 232, 1220. Poincaré (H.), 39, 43, 52 à 59, 105, 178, 230, 324, 368$, 373, 49%, 798, 885, 1230 à 1233, 1268. Poincaré (L.), 106, 369, 847, 923, 1270. Poisson, 549. Pollard, 379. Pomel (A.), 1269. Pompilian (Mie), 1222, Poncet, 232, 461, 550, 928. Ponsot, 379, 728, 793, 885, 926, 027, Pope (F. G.}, 890. Pope (W. J.), 183, 699. Porak, 625, 664, 840. Potier, 587, 622. Pottevin, 730. Poulenc (G.), 491. Poulet (V.), 758. Poupinel, 376. Pourcel (A.), 465 à 475, 510 à 538. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS va Pozzi, 272, 461, 495, 664, 697, 731. Prenant, 423, 585, 789. Prestwich, 664. - Priem, 755, 924. Prillieux (E.), 41. Prins, 732. Proca, 177. Prost, 1066. Proude, 234. Proust (A.), 1067. Prudhomme, 43, 227, 321, 590. Prunet, 425. Prunier (L.), 586. Puiseux, 548. Pulin, 689. Pulu)j, 427, 464, 498. Purdie, GGS. Q Quatrefages (A. de), 1066. Queirel, 927. Quesneville, 109, 177, 179. Quinson, 461. Quiroga, 497. R°C:, 1216: R. D., 884. Rabaut, 760. Racovitza (E. G.), 1265. Raillet, 550, Rambaud, 109, 1221, 1222, Ramon, 1070. Ramond (G.), 584, 697, Ramsay (W.), 275 Ranglaret, 550. Ranse (F, de), 461. : Ranvier, 44, 110, 324, 743, 789, 1268, 1269. Ranwez, 460. Raoult, 588, 623, 839, 927. Rasch, 183. Rateau, 622, 1220. Rauwenhoff, 379. Ravaz, 546, 588. Raveau |C.), 46, 112, 233, 249 à 253, 272. 273, 327, 391 à 406, 496, 497, 551. 666, 696, 841, 887, 929, 1223, 1224, 1271. Ray (J.), 41, 177, 270, 322, 4222; Rayet, 494, 663. < Rebiliet (L'-Col.), 1151 à 1164. Reboul, 927. Recoura, 603. Reclus (P.), 326, 461, 550, 697. Reeves, 427, 626. Regaud, 111. Regnault, 271. Reich, 46%. Reilly, 792. Reiset, 269. : Remlinger, 426, 698. Rémy, 62 2. Rémy (D°), 625, 729, 759. Rémy (Ch.), 1068. Renault (B.), 389, 804 à 813, 1268. Renaut, 272, 376. Renon, 45, 180, 326, 435, 461, 665, 698. Repelin, 321. Répin (Dr J.), 596 à 603. Resal (H.), 791, 893. Retterer, 111. Reverdin, 462. Revie, 627 Revs, 183. Rey (A.), 499. Rey (J. \ = 8. Reynger , 1070. Rate Re , 110. Riban, 234, Richard (G. ro 913 551: Richard (J.), 374. Richardson, 122%. Riche (A.), 731, 792, 882. Richelot, 461. Richet, 326, 461, 462, 625, 665, 1222. Richter (E.), 46%. Righi, 270, 373, 428. 49%, 587, 791. Rimadori, 428. Risien Russell (J. S.), 930. Risler, 549. Ritter, 270. Rivals, 324, 374, 663, 729. Rivière (C.), 707 à 715. Rivicre (E.), 664, 791, 885, 106$. Rivoire, 622. Robert, 495, 589. Roberts-Austen, S42. Robin (A.), 550, 928, 1069. Rochard (J.), 840. Rochas (de), 323. Roche (A.), 834. Roche (C.), 419. Roché (G.), 495. Rocques ({X.), 283 à 315, S03, 1128 à 1138. Rodet, 180. Rodger, 666. Roger (H.), 4, 46. 775, 1070, 1222. Rogers, 667. Roithner, 499. Roiti, 428 8. Roland Bonaparte (Pc), 588. Rolland, 456. Romburgh (P. van), 892. Romilly (de), 179. Rôntgen (W. C.,, Roos, 228, 661. Rosenstiehl, 327. 759, 760. Rossard, 109, 178, 323, 324, 839. Rossel, 44, 696. touché, 179, 230, 231, 583, G1S. Rouget, 696. PRougier (J.), 1263. Roule, 548, 623. Rousset, 695. Routin, 689. Roux, 461, 625, 1222. Rouyer, 368. 59 à 63, Roze, 325, 425, 548, 926, 1069, 1269. Rozier, 792. Ruhemann, 626, 1224. Rutgers, 43. Rydberg, 424. sS Sabathier (A.), 180. Sabatier (A.), 730. Sabatier (P.), 624, 663, 664, 72 Sabourin (Dr), 175. Sabrazès, 376, 625. Sadoveanuu, 426. Sadowsky, 426. Sagnac, 458, 1221. Saint-Philippe, 461. Sakurai (Joji), 464. Salisbury (Lord), 131. Salomons, 378. SamoiïlofT, 840. TABLE ALPHABÉTIQUE DES 326, 425, GG, 770 à 239, 900. AUTEURS Sande Bakhuysen (H. G. van de), 891. Sanson, 589. Santiago Bouilla Mirat, 623. Saporta (A. de), 267. Sappey, 374, 379. Sappin-Trouffy, 270. Sarrau, 44, 177, 926. Saussure (R. de), 177, 1069, 1220. Sauvage, 232. Sauvageau, 494, 589, 691, 758, 791. Savoire, 1269. Schacfer, 463, 551. Scheurer-Kestner, 373, 374, 462, SS2, 1271. Scheye, 932. Schiff, 885. Schirmer, 727. Schloesing (Th.), 271, 374, 424, 460, 543, 729, 730, 106$, 1268. Schmidt (F.), 498. Schmiedeberg, 589. Schneider, 698, Schæffer (A.) 177. Schoute (P. H.), 48, 183, 2%, 236, 379, 380, 587,627, 7131, 732,892, ,932,1072: Schræder (E.), 787. Schræder von der Kolk, 732, Schrotter (H. von), 1272. Schulten (A. de . 623, 62%, 1269. Schunck (E AE 183. Schürr 1270. Schuster (A.), 64. Schutzénberger, 424, 1068, 1217, 1220. Schwartz (Dr), 1270. Schwerer, 1068. Scott, 378. Scudder, 726. Sczawinska (Mile W.), 759 Secrétant, 327. Sée (Germain), 550. Sée (Marc), 625. Sée (Marcel), 884. Seeley, 667. Séglas (Dr), 691. Seguela (R.), 659. Séguier (le P. de), 728. Seguy, 179, 587, 588. Sell, 1224. Sella, 275, 428. Semnola, 425. Sergi (G.), 755. Sérieux, 108. Serle, 592. Serret, 791, 792. Seyewelz (A), 455. Shelford Bidwell, 378. Siacci, 791. Sic (Angelus), 179. Sicard, 840. Sidersky (D.), 40, 110. Sidney Williamson, 668. Siertsema, 48, 235, 592, 931. Silber, 428. Siiz (E.), 915 et 916. Simon (E.), 421. Simon (L.), 370. Sinéty (de), 326. Singer (O,), 464. Siraud (Dr), 228. Sisley, 455. Smith, 667. Smoluchowski de Smolan, 729. Sol, 697. Solvay, 109, 178, 697. Sordes (D°), 423. Sorel (E.), 44, 495. Sorel :P.,, 1066. Soulier, 233. Soury, : Fe 1218, Spencer (H.), 131. Spirwey, D Springer, 1067. Stæckel (P.), 319, 1068. Stahl, 462. Stanley Kipping, 183, 627, 699, S91. Stapler, 45. Stcherbakofl, 587. Steindachner, 499. Steinheil, 624. Stephens, 699. Stevenson, 891. Stieltjes (T. J.), 787. Stokvis (Dr), 457, 732. Stoletow, 43, 841. Stormer, 230, 231. StoulT, 269, 839. Strange, 591. Strauss, 1070, 1270. Streatfeild (F.), 498. Streintz, 46%. Strindberg, 626. Stroobant, 419. Stuart-Menteath, 926, 106$. Sturany, 498. Suchard, 111. Suess, 110. Suringar, 379. Swingedauw, 179, 270, 549. Sy, 109, 839, 1221. Symons, 699. T Tacchini, 231. 27, Tägert, 689. Tannery, 265. 428, 758. Tanret, 112, 178, 234, 462, 1268. Taramelli, = Tardy, 231, 3 Tarnier, GG. Tarry, 1069, 1220. Tassilly, 178, 269, 459, 1271. Taupin, 664. Taverne, 592. Terrier, 233. Thébaut, 791. Thiconann (E.), 1262 Thierry, 1070. Thomas, 177, 234, 326, 374, 664, 665, 693, 793, 1268. Thompson, 378, 459, 592, 669. Thomsen (Julius), 460. Thorpe (Jocelyn F.), 552, 891. Thorpe (T. E.), 666. Thoulet, 424, 1069. Thybaut, 460, 730. Tickle, 891. Tilden (W. A), 329 et 330, :7 Tillo (A. de), 375. Tisserand (F.), 375. 458, 791, 926, 1225, 1230. Tissot {J.), 589, GG. Tollens (Dr), 584. Tolomei, 275, 428. Tommasi, 428, 587, 663. Torchebœuf, 928. Tornery (de), 625. Toula (F.), 464. Toulon, 43, 269. Toulouse (E.}, 108, 426. Townsend, 929. Tranchant (L.), 1263. Trasbot, 664. Trastour,: 885. 1290 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Traube-Mengarini (Mme), 275. Trécul, 845, 926. Triboulet, 109. Triboullet, 1068. Trillat, 324. Troost (L.), 373, Trouessart, 697. Trouvé, 46, 623. Truffaut (G.), 589, 755. Tschermak, 464. Tufier, sos 1222: Tumlirz (O.), 1272. Turquan A 1201 à 1214. Tutton, 626. Tyler, 626. 754, 106$. Ublig, 1072. Umani, 428, 460. Urbain, 327. Urbain (E.), 837, 907 à 909. V Vaillant, 44, 927. Valcourt (Dr de), 272 Valéry Mayet, 325, Valeur, 426. Vallin, 110, 425, 495, 927. Vallot, 374, 664. Valton, 788. Valude, 621. Varet (R.), 587, 696, 728, 791, 836, 839. Variguy (de), 589. Variot, 665. du 2ail Vaysse, 373. Vedel, 272, 695, 697, 730. Venukof, 43, 549, 695, 840, 1222. Verdhurt, 458, Verdin, 590, 635. Vernier, 841. Vernon Boys, 378. Verschaffelt, 892, 1071. Versini (R.), 1177 à 1182. Vert, 696. Vial, 663. Viala (P.), Vidal, 550 546, 588, 1222. Vidal (Léon), 1216. Vicille, 883. Vignes (D'\), 625. Vignon, 44. Vigouroux, 269, 696, 697. Vigreux (Ch.), 787. Villard, 326, 758, 929. Villari, 696, 791, 792, 926, 1269. Villiers, 462. ; Vincent (D: H.), 229, 372, 425. Vincent (L.), 927. Vinot, 926. Viola, 428. Violle, 178, 233, 272, 273, 1271. Viré, 324. Vivet (Léon), 420. Vogt (H.), 265. Voist (Waldemar), 454. Voinov, 549, Voitellier (C.), Volterra, 428. Vries (J. de}, 234, 379. Vuillemin, 232, 271, 325, 1069. 734 à 745. W Waals (J. D. van der), 552, 732, 1071. Wachter, 1072. Walker (James), 379, 890. Walker fE Wallace), 891. Waller, 844. W Se 425. Wardell Stiles, 425. Weber, 272, 1072: Weber (E. von), 730. Wegscheider, 464. Weidel, 499. Weill (Dr), 550. Weinck, 464, 499, 758. Weiss, Fe 464, 623. Weiss (G.), 929, Weiss (P.), 624, 698. Welsch, 607. Wemyss Fulton (Dr Werner, 464, 1216. Wertheimer, 625, 1222. , 237 à 248. EEE AT 2 P. 43, au lieu de Oeschner de Connick, bre Oescaner DE ConiNek. #90) PM179; — Lenseray [E. M.), lire Lémenay (E. M.). P. 375 — P::323, — Pilichikof, lire PILTSGHIKOFF. P. 696, — Wettstein (R. von), 932. Widal, 840, 1222. Wilcox, 183. - Williams (J. D.), 888. Williams (J. L.), 182. Willot, 1069, 1269. Wilsmore, 498. Wilson (C.), 497. Wilson Hake (H.), 463. Winchell, 375. Wind, 48, 235. Winter, 665. Witz (A.), 319, 701 à 707, 922. Wolf, 1224. Wolfrom (G.), 1144 à 1151. Wood (T. B.), 627. Wood (W. P.), 234. Woolcott, 1224. Woord, 379. Worms (R.), 662, Wray, 1224. Wuillomenet, 424. Wullner (A.), 265. Wyndham R. Dunstan, 498, 626, 891. Wynne, 234. Wyroubofr, 234, 1271. Ÿ. Yersin (Dr), 731, 733. Yung, 271. Z Zambaco-Pacha, 697. Zeeman, 48, 892, 931, 1071. Zeiller, 45, 425: 1068. Zenker, 231. Ziegelbauer, 932. Zittel (Karl von), 584. Zograf (N. de), 232. Zolla (D.), 801. Zona, 279. Zopellari, 275. ZwWaardemaker (D'° H.), 620. au licu de Blamard, lire Braianp. Garrigou-Lagange, live GARRIGOU-LAGRANGE. Pallat {H}), lire Pezcar (H.) Zenger, 178, 231, 269. 323, 495, 700, 764, TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES CONTE ENUES DANS LES ARTICLES ORIGINAUX, LA BIBLIOGRAPHIE, LES CHRONIQUES ET LES NOUVELLES 1 , : A ACGLIMATATION — L'— végétale en Tunisie ct le jardin ESS SUIS ER Se .1080 ACCLIMATEMENT. — Le climat tropical et l—, . . . . 599 AccumuLaTEuRs. — Les — électriques. — Montage. Installa- tion. Conduite. Entretien. . . . RE De ete D OU) AGÉTYLÈNE. — Le pouvoir explosif de v OM ELoNe al AGIDE SULFURIQUE. — Manuel de Chimie Snalytique appli- quée aux industries du zinc et del —. . . . . . . 1066 Aciers. — Méthode d'analyse des Fontes, des Fers et LG RE TR RON ONE HO RER CP ler 25 AGTUALITÉS CHIMIQUES. — Les —, Revue bimensuelle. . , 660 ALcooz. — Les conséquences hygiéniques de la monopo- lisation de l — .. .. ; - ; Free e 0! ALCooLs. — Analyse des — et des Eaux de NC se RS IlOG ALGEBRA DER LOGIK. — Vorlesungen über die — III. Algoe- bra und Logik der Relative, {'e partie. .-, . . . . 787 ALLIAGES. — Les travaux de la Société berlinoise d'Encou- rasgement à l'Industrie sur les — de nickel ct de fer. 895 AMÉNAGEMENTS AGRICOLES. — Les — et les ds travaux d'art des Romains en Tunisie, : . . . D ES 954 AMERICAN FOSSIL COCKROACHES. — Revision of the with JESCHIQUORSNONEN IOTMS NET - 726 Amies. — Action des — aromatiques primaires sur quel: ques composés cétoniques dissymétriques,. 370 ANALYSE INFINITÉSIMALE. — Leçons nouvelles sur l — et ses applications géométriques IT. Etude monogra- phique des principales fonctions d'une seule va- MALE EEE te cel ee Te 490 ANALYTISCHEN GEOMETRIE. — Vorlesungen aus der — der Kegelschnitte. .u… . : © : +. 454 ANATOMIE ROC ORIQUE. — Traité Fee méthodes “techni CRE SSSR TE AIO 789 ANATOMIE PATHOLOGIQUE. — Technique microscopique appliquée à l'— et à la Bactériologie. . . . . . . 423 ANIMAUX DOMESTIQUES.— Hygiène des —dans la production (MEN AE $ heu à ; re 1219 ANIMAUX MALADES. — L' utilisation de la viande des _— 501 APICULTURE. — Etat actuel de l — en France. . . . . . 8 AnAIGNÉES. — Histoire naturelle des —, 2 édition, t. I.. 421 ARANÉIDES. — Recherches sur l'appareil circulatoire des —, 586 AnBres. — Maladies des plantes agricoles et des — frui- ticrs et forestiers causées par des parasites CE DB leo Le LD OMIS PR EIRE : 41 Anrëres. — Recherches anatomiques sur les — des os ben es rl IN OT RON OE 228 ARTÉRITES. — Les —, leur rôle en pathologie. . 423 ARTILLERIE. — Vue générale sur l — actuelle. 6 244 ASSAINISSEMENT DE Paris. — L'—. L'épuration des eaux diépouts Par licrEatiOn NC ue 39 ASTHMATIQUES. — L'hygiène des — . . . . . . . . . 925 ASTRONOMIE. — Revue annuelle d' —. , . . . . . . 485 ATONISME. — Un nouveau livre sur l'—. La critique de M. A. Hannequin sur l'hypothèse des atomes dans la science contemporaine. + : . + . PES ES 593 ATOMISTIQUE. — Problèmes de | —. . 46 + er 0 174 Avicugrure. — L' — çn France. 734 “ Les chiffres gras renvoient aux articles originaux, B BACTÉRIES FOSSILES. — Les — et leur œuvre géologique. 804 BacréRIOLOGIE. — Technique microscopique appliquée à l'anatomie pathologique et à la — .. . . . . . . . 423 BALKANS. — La structure ct l'histoire des—, d'après NES MRANZATONTA RENE RCE RS DO Béraiz. — Les besoins généraux de l'agriculture en Tu- nisie, La culture dus céréales et l'élève du — . . .1087 Bères. — Nos —. Animaux utiles et nuisibles. 229,322 ct 547 BETTERAVE. — L'état actuel de la culture de la — en France : Âre partie : Choix des variétés; culture de la — Ar SUCLOR ER NE PIE Fee MMS AT NE 0 8 2e partie : — de distillerie et — fourragère. . . . 675 BIBLIOTHÈQUE UNIVERSELLE. — Le centenaire de la— , . 765 BrozoGie. — Les idées de M. Yves Delage sur les grands problèmes de la — générale. . RM ENgeS 0) Brack-Ror. — La lutte contre le — . . . lasse 100) BLaAxcuiMENT et apprèts. Teinture et impression. Matières colorantes. . . . PS : RÉ entr Ce à 226 BoTANIQuE. — Revue en elle te Eve ES NO ECTS O) — Leçons élémentaires de — , . . . . . . . . 585 BOTANISTE. — Un — en Malaisie. . . . . . : 837 C CADRANS SOLAIRES. — Les — dans le Briançonnais, 105 Les derniers — du Perche . . . . . 19 CALCUL INFINITÉSIMAL.—Lecons sur la Théorie généralé des surfaces et les applications géométriques du —, &° Partie : Déformation infiniment petite et représen- tation sphérique. TENPASCICHIE RÉ REF EE 22 DÉASCICUIC PRE ue So tre DAC — Recueil complémentaire d'exercices | sur ‘le — aug- menté de nouveaux exercices sur les variables imagi- Dire Se PER ED RE ON Ce RCD Cancer DE L'UrÉRus. — Traitement du — ct de quelques affections gynécologiques par lOpothérapie . 4 803 CariLLARITÉ. — Leçons professées PRE le 2e semestre 4888-89 par M. Poincaré . . . RAT OERS NT 105 CAPSULES SURRÉNALES. — Recherc hes : sur 10S —. . . . 883 Carrières. — Les mines et les — de la Tunisie dans l'an- bquité. da Me MOREL EDR . .1054 — Exploitation des mines et — en Tunisie ÉRES C0 LOG CARTES AGRONOMIQUES. — Les — communales . . : 766 CAUSERIES SCIENTIFIQUES. — (30° et 31° années) VE 193 CÉGipies FLORALES. — Recherches sur les — : na Ouf Cecriers. — Les —. Construction et matériel vinicole. 40 21 CerLure. — Leçons sur la—{morphologie et reproduction) faites au collège de France par M. F. Henneguy en SNL OS RER RTE ET TC EC O8) CÉPAGES. — LS —orientaux. ALTER 28 CénéaLes. — Les besoins généraux de l' agric culture en Tu- nisie : La Culture des — et l'élève du bétail 1087 CHemie. — Kurzes Lehrbuch der Organischen — . 1217 CHEMIN DE FER TRANSSAHARIEN. — Mission de Laghouat, El- Goleah, Ouargla, Biskra. — Rapports géologique ct DyATOOPIQNE RER EN EG 1292 CHEMINS DE FER. — Matériel roulant. Résistance des trains. LT AGUON- EM tu Lo Las St OM ACER | Came. — Conférences de — faites au laboratoire de M. Fricdel : Aerfascicule, ASO3-JA NN, AR : — Traité. élémentaire de. . "LC ON : CHIMIE ANALYTIQUE, — Manuel de — appliquée aux indus- tricstduzinciet delacide Ms ulIUrIQUeE EN. CumMiE APPLIQUÉE. — Les travaux du récent congrès de — : I. Fermentation alcoolique et distillerie . . , . . . . IT. Laiterie, aliments solides et falsifications . . . . IT. Analyses officielles ct commerciales des matières soumises à l'impôt. Unification des instruments de chimie … ce Ed rs LE IV. Produits chimiques . OR RAT: V. Photographie . . PR ER ARS 4 - VI. Electro-chimie . . . . SAR : à CHiME BIOLOGIQUE. — Eléments de — + . LAURE : CHIMIE ORGANIQUE. — Traité de — d'après les théories MOLÉTNES EEE CEE Ê x RTE À À. — Cours de — IT. Série ar omatique LE — Eléments de —. . HIS — Traité de — appliquée, I. Généralités, Carbones, Alcools, Phénols, Aldéhy- des, Cétones, Quinones, Sucres rie CHE PURE. — Revue annuelle de — , - CHiRuRGIE. — Revue annuelle de — , S Te ke CHIRURGIE GÉRÉBRALE. — Traité de —, . . ; : CHIRURGIE MILITAIRE. — OEuvres de Te Le Fort. f. — En- seignement . . . . UE . ONÉSAT A A CHOLESTÉRINES. — Contribution à l'étude de — animales CICVÉPÉAICS. CRTL Hs STE : j PRAECE Curome. — Les recherches de M. Here sur une nou- velle classe de composés du — . , . . . AC CLIMAT TROPICAL. — Le — et l'acc limatement. : CLINIQUE MÉDICALE. — Leçons de — ,+ /., à . ,.: COLONISATION AGRICOLE. Les conditions ice et so- ciales de la — en Tunisie, . , . NP. COMBINAISONS GAZEUSES. — Recherches sur les — , LS CONFÉRENCE MÉTÉOROLOGIQUE. — La — internationale de Baristen 1606 ee CUS ve AU Corps OPAQUES. — Appareils pour l'examen microscopique des —" . ..; ete M dE V0 COTE D'IVOIRE. — Les gisements ne es de la —. . , . COTE OCCIDENTALE D'AFRIQUE. — Sur la grande pèche de la r£-Hre 4e : . 8 5 CourANTS. — Applications des— tr iphasés dans les sucre- riesiet raffineries. - .... . as ENG USERE — Traité théorique et pratique des — alternatifs et in- dustriels. . . , . A EME COE ET OLA A'oNEEA TA COURBES GAUCHES ALGÉBRIQUES. — Sur la représentation CSSS ee ea SOnOLS 0 CrinaLzrré. — Les stigmates anatomiques de 1 JE — Les stigmates biologiques et sociologiques de la — . CRiSTALLERIE. — L'état actuel et les besoins de la verrerie et de la — cn France : Historique, RES à pro- cédés généraux de fabrication. . . MP: - — Cristallerie, Gobeletterie et Flaconnerie. . . — Industrie du verre à vitres, glacerie, verrerie à bou- teilles. Rôle de la science et du dessin dans les indus- tries du verre. Questions économiques sociales et ou- VTIÈNES St pes ra DRE c — Hygiène des verricrs . . . è CNE CYGLONE. — La prévision astronomique du - — du 28 Juil- IC ASIG NE SA EAN PRET À D Danwix. — Les émules de — . . DÉFENSES ANTITOXIQUES. — Les — de l'Economie : Humeurs antitoxiques, organes antitoxiques. Décire, — Le — des négations DexsiuE — Un E. — Un nouveau — . NOUVEAU — , . ete STE : Ur DEXSITÉ, — Appareil commode pour r mesurer la - — de ss li- quides . 689 266 754 1066 903 907 909 Cxlal 915 916 726 420 546 726 690 775 873 268 312 106 603 559 838 ALAN 451 659 193 493 68 79 135 sy 763 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES DERMATOLOGIE. — Précis élémentaire de —, IV. Dermatoses FONCTION PERTURBATRICE.— Sur les expressions approchées des termes d'ordre élevé dans le développement de inflammatoires. . . CAES AN PE CE 0 DIAMANTS DE L’ACIER. — Dee SL CRC, DiISTINGTIONS SCIENTIFIQUES.— La médaille Humphrey- Davy 933 T—'Lé Prix Jean Réÿnaud 22 0 Me COURT — Election à l'Académie-des Sciences . . , . . . . … 93 Dorore e Piacere, storia naturale dei sentimenti , . . . 755 Dyxauos. — Manuel pratique du conducteur de — ot mo- teurs LCleCUIqUeES RAR EE OR PE CITES 46 E Eau-De-vie. — Le vin et l' — de vin. . . . . . . . . « 661 EAUX-DE-VIE. — Analyse des alcools et des —. . . . . « 406 — L'état actuel et les besoins de l’industrie des — et li- queurs en France . MEN ee 0 DAS Ecoce PoLYTEGHNIQUE. — L' — ne but de son enseigne- ment. L'esprit qui doit inspirer ses programmes . . 898 Ecypre. — Les relations commerciales de L — avec le Soudan oriental . . . . . NAS à 122. ELASTIGIMÈTRE. — L' — de M. Frémont pour l'étude du poinçonnage. . . . . PM I one do: de ÉLECTRICITÉ INDUSTRIELLE. __ Traité d'— théorique et pra- tique. I. Electricité statique et Magnétisme. . . . . 619" Emorioxs. — Les —, étude psychologique. . . . . . . . 755 ENpouérriTEs. — Traitement des — et des Salpingites au début par les vapeurs médicamenteuses . . . . . . 423 ENERGIE ÉLECTRIQUE. — Distribution et utilisation de | —. Ai ENGrais. — Les —, les Ferments de la terre. . . . , . 474 ENTiTÉS MorRBIbEs. — Etude sur les lois de morbidité. Es sais de pathologie rationnelle . : . . "757 EpuraTioN. — L'Assainissement de Paris, l — des eaux 4 d'érONDIPAL INT ATOUT TERRE 30: — Le concours ouvert par la Ville de Paris pour l — ot la stérilisation des caux de rivière destinés à la BOISSONS) an be Le ERP CNRS EQuarions. — Leçons sur la résolution algébrique des —. 265 — Les machines de M. Torrès à résoudre les —. , . 684 ÉQUATIONS ALGÉBRIQUES. — Méthode pratique pour la réso- lution numérique complète des— ou transcendantes. 618. EQUATIONS DIFFÉRENTIELLES. — Leçons sur l'intégration des — de la mécanique et applications. . . . . : . 4064 — Sur les Zéros et les infinis des ARÉPGÉE des — algé- briques RE AE ME MU Un EQUATIONS LINÉAIRES. — Sur es — aux dérivées partielles ANCANACTONISTIQUES TÉCIES EE UNE ÉQUILIBRES CHIMIQUES. — Les faux —, Surfusion et sursa- TUTATONE EP JR VAT OMATE ETAT ALLOTROPIQUE. — Sur l — des gaz élémentaires EL 7 OÙ) Erner. — Les vibrations longitudinales de | — à propos desraÿonside Ron en MN EE CR RO EÉvoLuriox. — Le principe de P — et la réponse de M. Herbert Spencer à lord Salisbury, . . . . . . . 131 ExPLORATION. — Revue annuelle de géographie et d —. 651 EXTRAITS TANNANTS. — La fabrication des — et la déter- J mination de leur valeur commerciale. . . . . . . . 833 = FAUNE. — La — primordiale... M SR FauxEs. — Les récentes études sur les — les plus an- 2 CiONNES TE nn CE EP CE RATES FécurneRtE. — L'état actuel et les besoins de la — en France -. - Se Lee Er I CUS US RE EEE FERMENTATIONS. — Les — . . . . . . . . .. « . « . « 421 FERMENTS DE LA TERRE. — Les Engrais. — Les — . . . . 174 Fers. — Méthode d'analyse des fontes, — et aciers . . . 725 Frarrens. — Pourquoi — et ses compagnons sont morts 7210 FLuoroscorie. — La —.Applications des rayons X à la vi- « sion directe des organes internes . . . , . . . . . 850 — Les nouveaux tubes pour la —. . . . . . . . . «+ 4227 Fouie. — Les causes de la — - Prophylaxie ct ASinane e 10S à TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1293 FonCTrION THYROÏDIENNE. — Les découvertes récentes sur ERA ME RATS BTS FONGTIONS AL GÉBRIQUES. — Théorie des. — et de leurs in- tégrales (Fonctions TRS sur une surface de Riemann) . . . : NE 173 Fonre. — L'industrie ‘de là — en France : à I. Constitution et propriétés de la —. . . . . . 465 II. Fabrication. . . . - : . 510 — Remarques sur le rôle de la Science dans l industrie MESSE MERE ÉSR D3T Fonres. — Méthode d'analyse des —, “Fers et Aci iers. . 725 Fonce ÉLEcrroMoTRICE. — La loi de variation de la — ap- pliquée à un transformateur en influence-t-elle le TENAEMENU Men ect De RARES Fonèrs. — Les — et la question du ohoisémeutt en Tu- USE SRE PAR ER LE OL . .1076 FrorremEnNTr. — Lecons sur 16 — , . ME Sa 022 G Géocrapmte. — Leçons de — physique, + . . 492 — Revue annuelle de — et d'exploration . 651 GéoLoGie. — La — comparée. . . . AN EL ie d 227 — des Indes Aglaises (Stratigraphie et Tectonique). . 584 = GT OT ES PNR 923 PR TU DISC UE ED En Li relie Mode .1047 GéomérniEe. — Leçons de —, I. La ligne droite et la cir- CONICLeNCelEUNCeNCIe. RON MU RCA ET 283 — Solutions détaillées des exercices et problèmes énoncés dans les leçons de —. I. La ligne droite et la circon- TéTENCPIIÉECECIe RE Te Le ; S30 — Vorträge über ausgewählte Frage der elementar — GS) - — Le mème ouvrage, traduction française. . . . . 689 GÉOMÉTRIE ANALYTIQUE. — Cours de —. III. Géométrie dans l’espace suivie d'une note sur la transformation BOND ÉOMÉI EEE UMA ele tunis GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. — _ Cours de — et géométrie infi- IDÉES RS UT MN ere re eueL re GIS — Cours de — : I. Point. Ligne droite. Plan; II. Sphère. Cône et cylindre de révolution; IH. Changement de plans de projection. Rotations. Trièdres. Polyèdres. . . . . A eretaL00) GÉOMÉTRIE INFINITÉSIMALE. — Cours de géométrie descrip- AN CR CE ne lomeule Ar Care Mpcuaustus 018 GÉOMÉTRIE RÉGI — La — et ses applications; coor- données: systèmes linéaires; propriétés infinitésima- lestduipremicriarqret. Lt : rer. 24 GErucns. — Die Physiologie des —. . . . ; 620 GISEMENTS AURIFÈRES. — Les — de la côte d' Ivoire. 935 GoxocoquE. — Le —. . . . a ménhés VA SS4 Gougsr. — Les torpilleurs sous-marins a le —.. 316 Grasse. — Nouvelle — alimentaire v RE E099 GRAISSES VÉGÉTALES. — Les — des Rise tee leur synthèse naturelle et leur synthèse industrielle. . . 750 GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — Inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, 535°, 536%, 5372, 538, 539€, ET ÉUPTINASO TS RSR Te NÉE 20 176 ne NN E AM TR TM ES ARE 22) > NE RE ET CD POUR SEAT D44°, 545% livraisons. SE: 57 DAGE, DATE — TS DT ; HASAIVTAISON ee ie ee Port HO H HéréDitTÉé. — L' — en pathologie, . . . re 1 Hip. An inquiry into the Difficulties encountercd in 1 reduction of Dislocations of the —. , . . . . . 1067 HISTOIRE. — LD — on Tunisie. + . : ... ... . … +. 949 HonricruLure. — Sols, terres ct composts utilisés par de pra ttes os et ATOS HYDRATES DE CARBONE. — Les —, traduit de l'Allemand, 584 HYGIÈNE. — Précis d' — publique et privée, , , « . . 42 HyGIËëNe. — Traité d' — militaire. . re EE TREVUC- ANNUAIRE 0 N- — OEuvres de L. Le Fort, 1. — hospitalière, Démogra- phie, — publique... ….." SR RE — Notions élémentaires d'— pratique, — privée, — publique, — médecine usuelle. . . . . : . . . . . — Les conditions sanitaires et l — en Tunisie. . . : l INCANDESCENCE. — L' — par le gaz et le pétrole. L'Acètylene et ses applications. . . RES INFLUENCE Du FRo1b sur les qualités des métaux : INDUSTRIES CHIMIQUES NORMANDES. — Les — à l'Exposition de Rouen, — Produits chimiques ; industries du blan- chiment, de la teinture et de l'impression des tissus. INSECTES FossiLes. — Recherches pour servir à l'histoire des — des temps primaires précédées d'une étude sur la nervation des ailes des insectes. : : : , . InsriTur VERNEUIL — Inauguration de L —. . . . . . Inresrix. — Nouveau procédé d'intervention chirurgicale sur L — LT SR D OUR DO CDS OUEST EU IRRIGATION. — L'assainissemont de Paris, Pépuration des eaux d'égout par l — . . . . Oo TOO IRRIGATIONS. — Étude d'une usine élévatoire pour — avec machines à vapeur et roues élévatoires, . + . . . . IsLam. — L° —. Impressions et Études. . . . . Ivoire. — Production de L — PS Tee N TA ae J Junassique. — Le — à l'Ouest du Plateau central. Con- tribution à l'histoire des mers jurassiques dans le Bass CRIRA QUAD ER NC AU CPE L LABORATOIRE GRYOGÉNE. — Le — de Leyde. . . . . . . Lac Tenap. — De Saint-Louis à Tripoli par le — .. LAMPES À INGANDESGENCE, — La température des — . . . LeucocyrHémiEe. — Contribution à l'étude de la — chez l'enfant en tene DC RO Ait LiQuÉFACTION. — L'appare il du Dr Hampson pour la — de l'alntetides naze Emme. MES Lioueurs. — L'état actuel et les besoins de lindustrie des eaux de vie et — en France. . . NE LUTYÉRATURE SCIENTIFIQUE. — Création d'un catalogue in- Léna HoNa NAN MERE NRC TE Locomorives ÉLEGTRIQUES. — Les nouvelles — du système HelDIAN ER RE NO PONT TETE LEE M MAGHixEs A VAPEUR. — Traité des —, t. II. . . . . . . — Les nouvelles expériences de M. B. Donkin sur la marche économique des — .. . MODEL : — Etude d'une usine élévatoire pour ivrigations avec — et roues /éléVainiress ne EU EM RE Ne eee) — Construction des — lee ADN STE MALADIES DES FOSSES NASALES. — Thérapeutique des —, des sinus de la face et du pharynx nasal. . . . . MALADIES INFECTIEUSES. — Les —, causes et traitements. Macaisie. — Un botaniste en — .. . . . . . ._. . . Marmémariques. — Les — au Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences à Bordeaux. MATIÈRES ALBUMINOIDES. — Recherches sur la constitution des — extraites de l'organisme végétal. . . . . . Mariènes coLoranTes. — Blanchiment et apprèts. Tein- ture et impression. CMOS OCT de LRO ROME E — Traité des — or ganiques artificielles, de leur prépa- ration industrielle et de leurs applications. . . . . — Chimie des — artificielles. 1° fascicule. . , . . . MATIÈRE VIVANTE. — La —,. 830 »8l 669 107 848 1228 3 787 790 999 310 381 228 934 229 329 283 S94 1225 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES - Mécanique Appriquée. — Cours de — aux machines, 5e fascicule. Machines à Vapeur. - . nu". 319 Mécanique cÉLESTE. — Les méthodes nouvelles de la — t. 11: Méthodes de MM. Newcomb, Gylden, Lindstedt etABohlin. + OMR ECC ES REUNSER : 39 — Traité de — IV. Théories des satellites de Jupiter et de Saturne. Perturbations des petites planètes. . . SS0 — La vie et les travaux de F. Tisserand. Lecon d’ou- verture du cours de — à la Sorbonne, . . . . . .1280 MÉCANIQUE RATIONNELLE. — Traité de —, IT. Dynamique des systèmes. Mécanique analytique. . . . . . . .. . 793 Mecraxik. — Elementar — als Einleitung in das studium derstheocretischen Physik.0 0. 0, Meme, | 454 MéDicAMENTS CHIMIQUES. — Les —. I. Composés minéraux. 986 Mercure. — Recherches sur les combinaisons du — . . 836 — Sur les combinaisons du — .. , . . . A ro JE MérTaLLGARBIDE. — Die — und ihre Verwe en dupe. Erster Heft der Sammlung chemischer und chemisch technischemVoracce NT TE tn er il MéraLLunGie pu Fer. — Manuel théorique et pratique de la — (traduction). . De ce ANUS Mir. — Hydromels et produits “dérivés de là fermenta- tion du — . .. ON AS TE PRET PUR) MixÉRALOGIE de la France ec et de ses colorés Descriptiqn physique et chimique des minéraux. Etude des con- ditions géologiques de leur SA t. I, 2e parte, 421 MAN ATENpATtIP SEEN LÉ 1218 Mixes. — Les — et les carrières ‘de la ‘Tunisie dans J' An tIQUÉÉ Ne DR RIT EME .1054 — Exploitation des — et des carrières en Tunisie. . .1056 Mou.usques.. — Recherches sur le polymorphisme des — detErANnCe ee CC TER CS JET OR 5 75 Moreurs ÉLECTRIQUES. — Manuel pratique du conducteur dédynamost et EN ME TE En ES Mucornnies. — Recherches sur la structure des — . , . 32 MUSÉES COLONIAUX. — À propos des — .. . . . . . . … 216 Mysopnyres. — Enumération méthodique et raisonnée des familles et des genres de la classe des —{CGham- pigupns (etHichens) PER 456 N NaGana. — Preliminary Report on the Tsetse Fly Disease or — in Zululand.. .*. . . on 080 NATURE TUNISIENNE. — Introduction gé sographique a l'étude He TOUNISIE ME EE CN UC--— LE 097 NAVAL aRGHITECTS. — Les travaux des « — » américains. 603 NAVIGATION, — La — delaBoire. CM CR 76 — L'état actuel de la — intérieure de la France : 4re partie : Réseau navigable et matériel de navi- Babion ae ue ce ee: RON EME 620 2e partie : Procédés et frais detraction. . . . . . 863 NÉCROLOGIE : AlphonseiCOMOCS MR SR EM CRE Daubrée et son œuvre . . . . : ARCAPEU . 627 Louis Fizeau . . RER S46 Pasteur. — Translation de Son Corps. RC NN EN Se 1225 HenriResale 0e Mo CN I RON DCE 893 fsidoré/Siraust -0 10: ON RSC 1078 F: Misserande ETS 2e, ee nee CU RS I CCE 1250 Anguste Lrécul : . . . + - ë rater 845 NERVATION DES AILES. — Étude sur à — des insectes . . 107 NeRVENSYSTEMS. — Der feinere Bau des — im Lichte neues- ter” POLSCDUNPEN A NP Re ei ER 71 NIGEBE < La es NN US SANS 920 Nicer. — Le Chemin de fer du Sénégal au — . . . . + 1075 NOUVEAUTÉS CHIMIQUES. — Les —, , . . . . . . . . . 491 NouvezLe-CaLéDontE, — L'Archipel de la NE L EN. 200 — La colonisation libre en — . . . . . . . . . . . æ 897 O Oïvo-Mycose. — Les Infections non bactériennes. — Re- cherches sun EP CE Cor 710 Orivier. — La culture de | — en Tunisie. , . . : 105 OroruÉrariEe, — Traitement du cancer de l'utérus et de quelques affections gynécologiques par L —. . . . — Une nouvelle méthode thérapeutique : | —. . OpPriQue. — Polarisation et — cristalline . Or. — L° — à Minas-Geraes (Brésil). . + ASE — Emploi du brome dans le traitement des minerais CARS et Société. MSP CRETE : OA OniGine pu Moxne. — Sur | —. Théories cosmogoniques des Anciens et des Modernes. . . OnLéansviLLe. — Étude géologique des environs d —. . OxxpAsEs, — Conférence sur une nouvelle classe de fre ments solubles : les —. . . . SET sc - OXYDATIONS DANS L'ORGANISME. — Recherches expérimen- tales sur le‘mécanisne des "NN Ozoxe. — La stérilisation des eaux par l —. P PALÆONTOLOGIE. — Grundzüge der — (Palwozoologie) . . 58% PaLéoNroLoGIE. — Essai de — philosophique (ouvrage fai- sant suite aux Enchainements du monde animal dans | les'temps 260l08iques MSN EE — La nouvelle galerie de — du Muséum tic PapavérAcÉEs. — Recherches sur l'appareil végétatif des — 421 PARALLELLINIEN, — Die Theorie der — von Euklid bis auf GAS TIENNE RE Oo ol Pècue. — Sur la grande — de la côte occidentale d° Afri ique. 8597 . PéronosrorÉes. — Recherches anatomiques sur les —. . (G9û Pérroce. — Le —.Exploitation, rafinage, éclairage, chauf- » fage {forcemotrice 27e EME ER PHARMACOTHÉRAPIE, — Leçons de —. % Phar macothérapi e générale. Parasiticides (traduction française)... . . . Praryxx NASAL. — Thérapeutique des maladies des fosses nasales, des sinus de la face et du — . . . . …. . 721 PHILOSOPHIE CHIMIQUE. — Sur là —. , . “+ : . . . . 127% Puoxograrne. — Les récents perfectionnements du — . 198 PHOTOGRAPHIE DE L'INVISIBLE. — La — , . : +: . . . . . 49 — La technique de la — : I. Mode opératoire sans champ magnétique . . . . II. Réduction du temps de pose par l'emploi de champs magnétiques non uniformes . — tt PHOTOGRAPHIE DES COULEURS. — Sélection photographique des couleurs primaires. Son application à l'exécution de clichés et de tirages propres à la production d'i- mages polychromes à trois couleurs . . . . . . . . 4216 PaoroGrapHie. — La — moderne . . . . . +. : . . A06 Purisie. — Traitement rationnel de la—. , , . . . . . 1% PuysioLocie. — Revue annuelle de — . . . + SANTA Puysik.— Elementar Mechanik, als Einleitung in das Stu- dium'der thGoretiSChen—"" "1 ES Paysirk. — Lehrbuch der experimental — : I. Allgemeine Physik und Akustik. . . . . , . . . 265 II. Die Lehre von der Warme. . D Us 0e 017 0 le LR Puysioue. — Premier supplément au cours de — de l'Ecole Polytechnique de MM. Jamin et Bouty. Cha- leur, acoustique, optique . . N'ES ENT RRRET = jRevue-annuelle dé "2 NME NE REP S DE — ‘Traité de —. I. Optique. . . + : | 729 PHYSIQUE DE L'ÉLECTRICITÉ.— La —.. + ? Pracere. — Dolore 6e —, storia naturale dei sentimenti. . PISCICULTURE MARINE, — I état actuel de la — TE . PLANTES AGRICOLES. — Maladie des — et des axbies fui tiers et forestiers causées par des parasites végé- tarte le ee PMR ONE Al PLANTES ORNEMENTALES. — La culture industrielle des — en Algérie. : . . . A ALT P SR NE PCR SP ETES PLOMBS ARGENTIFÈRES. — Désargentation électrolytique ASS ee de ONE PR PRES Poips Er MESURES. — Bureau international des = Travaux etimémaoires. LUN tCt XI PR ES NOR CRI POLARISATION ET SACChArIMÉETIC A. OU NS 40 Let Opuquelcrnis line UNE EE ENG PoriTIQUE SANITAIRE, — L'orientation nouvelle de la —. . Po: — Formules, barèmes et tableaux pour — sous rails et — routes à travées métalliques indépendantes. | TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1295 Popurariox. — La — et les races en Tunisie, . , . . 972 | SoctéTÉ. — Organisme et — . . . rs et tone cr 0OR POUDRES OFFICINALES icrographie des — . . . . . . 620 | Sounan ontENrar. — Les relations dé l'Ée gypte avec le — 1229 Pouvoir cALorRIFIOUE. — des combustibles solides, liquides STÉRÉOCHIMIE. —— Précis de —... RER LI LS CEAZEUX Se - --e #o Po a E . 882 | STÉRILISATION DES EAUX. — Le concours ouvert par la Propucrion pu LAIT. — Hygiene des s animaux domestiques ville de Paris pour l'épuration et la — de rivière des- ADS EL. Sac 210 DÉS JANDOISSON = EE EE EN RC LL 400 PRODUCTIONS COLONIALES. — Les — néerlandaises et le LEE DU IOZONOMEN ee 0006 musée colonial de Haarlem . . . . . . ..... 113 | STÉRILISATION PRATIQUE. — La — Cn chirurgie . . . . 838 PROPAGATION DE LA CHALEUR. — Théorie analytique de la—. 368 | Srragisme. — Manuel théorique et pratique du — . . . G21 Prosrare.— Traité des maladies de la — et des vésicules SURCHAUFFE DE LA VAPEUR. — La — dans l’industrie . . 701 Séminales. ., .. PME : e 229 | Surraces. — Leçons sur la théorie générale des — et les Pur. vÉRISATION. — La — pêr la force nniliee dans Vi in- applications géométriques du caleul infinitésimal. 4° dustrie stéarique. . . . ST EM ERLE 931 partie : Déformation infiniment petite et représen- tation sphérique, AC faSCICULC NU NN 225 DAATASCICUIC ee ES US HAE AU Me QUE +) [e] Survie. — Étude des phénomènes de — dans les mus- cles/aplès la mort générale. "000 CU GOT QUESTION SANITAIRE. — La — dans ses rapports avec les SYSTÈME NERVEUX. — Anatomie du — de l'homme . , . 1218 intérêts et les droits de l'individu et de la société. . 42 T R Tarinées, — Recherches physiologiques sur Tapes decus- RapraTIONS NOUVELLES. — Les — Les rayons X ct la pho- SAS NQUELIUCS NE CR Ce LOT tographie à travers les corps DCE . ... . . «+ . 369 | TanniGrAbes. — Contribution à l'étude anatomique et bio- — Les — . .. ÉTAS a TO 1216 logique des — {genre Macrobiotus Schultze) . . . . 924 RADroGRAPMIE du cor Tps ( entier dr un nouveau-né. . . . . Db56 | TECHNIQUE MIGROSCOPIQUE ET BAGTÉRIOLOGIQUE. — Précis Rarrorr € — Nouvelle méthode de détermination du Su RARE RS UT A PA ET mt EE i ce Ternrure. — Blanchiment et apprèts. — et impressions, — pour l'air et d'autres gaz ..: : . . . . . . « 106 INALIÈLES COLOPANES. LE T.N.e Lol ed ee etat e 200 Rarrorr V. — Nouvelle détermination du — SRE e les TEMPÉRATURE DE L'air. — La mesure de la — injecté aux unités électrostatiques et électromagnétiques . . . 923 RaUTSAOUNNC TURN SE ONE IE TR ISO Rayoxs cArHOpIQUES. — Les — et les rayons Rôntgen 52 | Tewps DE pose. — Réduction du — par l'emploi de champs Rayons RôNTGEN. — Les rayons cathodiques et les —. 52 magnétiques non uniformes . « . . . . . . . . . . 407 — Une nouvelle espèce de — . . . . . . . . . . . . 59 | TENSIONS SUPERFIGIELLES. — Sur les —. . . . . . . . . 436 — Surles — . . .. UT 0-00 )NTERRES RARES — in duStrierdes TN. -.. 1074 — Les vibrations longitudinales de l'éther à propos THÉORIE DES NOMBRES. — Essai sur la — (Premiers clé- SR a Ed ue 100 MODES) PEU 20 SENTE er Ce UT MENU LT CIO — Recherches expérimentales sur les — . . Sato 66 | THÉRAPEUTIQUE CHIRURGICALE des affections de l'intestin, — Observations sur la formation des — . . . . . . . 191 durrectunvet'dupÉTITONE- Se en ee TE — Les faits nouvellement acquis sur les — . . . . . 249 | THÉRAPEUTIQUE PHYSIOLOGIQUE. — Traité de —. , . . . 268 — Les hypothèses actuelles sur la nature des — , . . 253 | Taermopnones. — Les — du P' Wiborg. . . . . , . . 934 — Expériences à tenter sur les —. . . . . Ge 258 TisseraND (F.) — La vie et les travaux de —. Leçon — A propos des —. . . . : Sos ; 277 d'ouverture du cours de Mécanique céleste à la Rayons X. — Nouvelles ri echerches s sur les propriét ês et SOTDONN ER ET ECO RC meer ce 200) sur Lorigine des —": . : . . … —. . : à: . . « . 499) | TonPILLEURS SOUS-MARINS. — Les — et le Goubet. … . + 316 — La Fluoroscopie — Applications des — à la vision TouEurs. — Les nouveaux — à adhérence magnétique de directe des organes internes. . . . . . . . . . . . 850 MD de MB DNC LE SR PR LE Verre dure elec 262 — La sensibilité de l'œil aux — . . EN NTNE 897 | ToxiNES BAGTÉRIENNES. — Action des courants à haute REBOISEMENT. — Les forêts et la question du — en Tuni- RO AUOT ON EE EE A OC M ET CU Le D 5 ee de Re . . . « . « .« « .1076 | TRACTION ÉLECTRIQUE. — Un nouveau mode de — : le RéeRIGÉRATION par circulation d'air SE MONO CM » 1262 tramway Claret-Vuilleumier.. 0. 18381 ROGELHYDRAULIQUE.U— La —"Pelton M. 365 | TRACTION MÉCANIQUE. — La — à Paris. + . : + . . . .… 1073 ROUES ÉLÉVATOIMES — Étude d'une usine élévatoire pour Tramway. — Le — Claret-Vuilleumier. . . . . . . . 881 ivrigations avec machines à vapeur @t —. . , . . 787 | Tramways. — Les MoiCretEmaténiel PRE 00 TRANSFORMATIONS. — Note sur les — en Géométrie. . 1215 Travaux D'ART, — Les aménagements agricoles et les S grands — des Romains et Tunisie . . . . . . . . 954 TRAVAUX DEÉICAMIPAGNE. Ne ie ee es 0e MRITENS SAGCHARIMÉTRIE. — Polarisation et — . . . . . . ... . 40 | ‘TraAvAUX GÉOGRAPHIQUES. — Bibliographie des —.".. ... 819 SALPINGITES, — Traitement des endométrites et des — Travaux PUBLICS. — Les — du protectorat français en au début par les vapeurs médicamenteuses. . . . 423 TUNISIE Ar ee PTE er DC LU 0 E Sanpixe. — Le régime de la — . Programme pour le dé- Tserse FLy-Disease. — Preliminary Report on the — or PORN 3 ho DOM OT IT IT DU D) Nagana IR ZA EP EE ee RIORU SÉNÉGAL. — Le chemin de fer du — au Niger . . . . . 41075 | Tupercurose. — Thérapeutique de la —, . . . . . . . 493 SENSIRILITÉ DE L'OEIL. — La — aux rayons X . . . . . 897 — Traitement de la — par l'altitude. . . . . . . . . 547 SEPTIGÉMIE PÉRITONÉALE. — La — aiguë post-opératoire 176 | Tures Focus. — Sur les — employés en radiographie. . . GG8 SERPENTS, — Immunisation against — venom and the Tunisie. — L'étude scientifique de la — . . . . . . . . 936 treatment of Snake-bite with antivenene — . . . . 884 — La nature tunisienne. — Introduction géographique à SERUM ANTIPESTEUX. — Le — du docteur Yersin . . . . 733 HÉTUAES ANA RE ET OST SERUM ARTIFICIEL. — Des injections de — , . . , . . . 482 D HIStOP CE NN RE Re tic OO SERUMS. — Contribution à l'étude des — . , . . . . 322 — Les aménagements agricoles et les grands travaux SExE. — La détermination du — . . . RES 476 d'art des Romaïns en —. . . . …. .. . . . . . . + 954 SINUS DE LA FAGE. — Thérapeutique des Haladies des fos- — La population et les races en —, . . . . . . . . . 992 ses nasales, des — et du pharynx nasal . . . . . . Vue’ pénérale AC Ia ER NE NT .1009 SNAKE-BITE. — Immunisation against Serpents yenom and — Les conditions sanitaires et l'Hygiène en —, . . .1038 the traitement of — with antivenene. , , . , , . . SS4 —GCOlome dela 22562508. ral. CUT eat LUE TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES URÈTHRE. 1296 Tunisie. — Les mines et les carrières de la — dans l'antiquité . PRET 0 5 NO Fe. -LOD Exploitation des mines et des carrières en —. .1056 Les forèts et la question du reboisement en —. . .1076 L'acclimatation végétale en — ct le jardin d’essai de V VARIABLES IMAGINAIRES. — Nouveaux exercices sur les —, VExINS. — Etat actuel de nos connaissances sur les, — pro- Dons ME D D REE ES OTO ER ELOBO duction de l'immunité contre les —inoculés par mesure. Les besoins généraux de l'agriculture en —, la culture VerRenIE. — L'état actuel et les besoins de la —et de la des céréales et l'élève du bétail. . . . . . . -1087 cristallerie en France, Historique, statistique, procé- La viticulture en — : . .1101 dés généraux de fabrication. "FE La culture de l'olivier en — . . . BD. 1105 Cristallerie, gobeletterie et flaconneriés RE Les conditions économiques et Ales de la coloni- Industrie du verre à vitres. Glacerie. Verrerie à boue FaiOn deLICUIe ON CC CCR AALL teilles. Rôle de la science et du-dessin dans les Les industries des. indigènes en — . . . . . + .1118 industries du verre. Questions économiques, so- Les industries des Européens en — ,. . 1128 et 1138 ciales et OUVrières. 5. + fee Les rapports de la — avec le marché euro- Hygiène des verriers. . , . . . . . . + A A NERUR R re eu Verriers. — Sur l'Hygiène des—. . . . . .. res Les relations commerciales de la — avec le — Sur Ja pathologie des ouvriers — . ARS SAR ME Re RS 1151 VÉSICULES SÉMINALES. — Traité des maladies de la prostate Les travaux te du protectorat français en— . .1165 Re ES inerte a LS TONER L'état actuel des services scientifiques et de l'ins- En rt lle IE D - - truction publique en — SEE DE nr go -1177 ViGnes. — Les — américaines. Adaptation, ‘culture gref- L'esprit du protectorat français. Men adminis- fagésApépinières. 08e 2:05. M EC CURE trative de la France en — . .*, + Le © OLIS 2 UN De etlEau de vie... MN Notes statistiques sur la — . -1201 . Z (e) L : ZaAziBar. — Les Anglais à — .. . . . : UNITÉS ÉLECTROSTATIQUES ET ÉLECTROMAGNÉTIQUES. — Nou- + Zinc. — Manuel de chimie analytique appliquée * aux in- velle détermination du rapport V entre les — . 923 dustries du — et de l'acide sulfurique. . . . . . . — Du cathétérisme rétrograde de PF — .. 322 | Zoorocie. — Revue annuelle de — . . . . . ” — Li — ” ! 9077, — PARIS. — IMPRIMERIE ÉTHIOU por, RUE DE DAMIETTE, ?, 4 ET 4 DIS. 1066 : + - * LÀ “ « y » HAN PAIE ie j 1 1 10 A f SES ÈS SES 5 AITS ESS ESS RENX ES IE RS RSS SEE ù RES ÈS DESSERTE S ce À fol AD à S à RSS = RES SES : ÈS = ESS : S SR SA ESE SE ES = LES Z Ÿ ax XS & = SRE S ES T2 Ÿ SK f 1 ri De ? = SES ETES SS SE 3 1 1} a HALUN À u] g pl ES TE, « > >= STE RE es = == CSSS ST _ : ESS ES SR RS RTS TERSS Re Se CR Dee SE tt de RE VASRS < Ÿ . ee f NE 14 A ÿ) RER SRE SNS & si NS è RSRN È Sas See S SS LATE CHE) AMAR Hi os (ANUS) Po ee Hp — ! 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